L`ÉNERGIE CHEZ L`HOMME

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L`ÉNERGIE CHEZ L`HOMME
Energie portable : autonomie et intégration dans l’environnement humain. 21-22 mars 2002 - Cachan – Journées Electrotechniques du ClubEEA
L’ÉNERGIE CHEZ L’HOMME
Frank Multon, Paul Delamarche
Laboratoire de Biomécanique et de Physiologie de l’exercice musculaire – UFR. APS
– Université de Rennes 2. Avenue Charles Tillon 35044 Rennes Cédex.
Email : [email protected]
Résumé :
Par définition, tout organisme vivant produit de l’énergie. Celle-ci est stockée dans l’organisme
sous plusieurs formes. La forme essentielle est de nature chimique. L’énergie est ici stockée dans les
liaisons phosphate de l’adénosine triphosphate (ATP). L’hydrolyse de cette molécule libère une
grande quantité d’énergie qui peut être restituée sous plusieurs formes. C’est à l’exercice que la
production d’énergie est la plus importante. L’énergie chimique est alors transformée en énergie
mécanique et thermique. L’exposé précise les méthodes disponibles pour approcher les quantités
d’énergie chimique et mécanique produites, notamment à l’exercice.
caractériser ce dernier en disant que le muscle
est un transformateur d’énergie chimique en
énergie mécanique. Cette conversion se faisant
avec un certain rendement.
L’énergie est présente dans l’organisme
sous plusieurs formes.
1- Introduction.
L’énergie est considérée souvent comme la
capacité de fournir un travail, au sens
mécanique du terme, comme la faculté de
mettre la matière en mouvement. C’est
pourquoi on la mesure par l’intermédiaire de
ses effets. Par exemple, dans un soulever de
charge, l’énergie dépensée est d’autant plus
importante que la charge soulevée est grande.
Elle est directement liée au travail fourni.
Deux formes essentielles de l’énergie sont
l’énergie cinétique et l’énergie potentielle. La
première caractérise un corps en mouvement.
Elle effectue un travail en déplaçant des objets
qui, à leur tour, peuvent animer d’autres corps.
C’est le cas de l’énergie cinétique des masses
d’air en mouvement qui fait avancer un bateau
à voile. L’énergie potentielle représente la
capacité de travail en réserve stockée dans le
système. Lorsque l’énergie potentielle est
libérée, elle se transforme partiellement en
énergie cinétique et peut donc effectuer un
travail. Ceci pose le problème de la conversion
de l’énergie dont la source n’est pas toujours
disponible sur place et doit être transportée.
Ces problèmes sont ceux de l’homme en
mouvement. Celui-ci produit du travail
mécanique en utilisant l’énergie potentielle
contenue à l’intérieur du corps. Pour être
disponible continuellement, celle-ci doit être
renouvelée en permanence à partir de substrats
qu’il faut acheminer sur le lieu de leur
transformation : le muscle. On peut
2- L’énergie chimique.
L’énergie chimique est emmagasinée dans
les liaisons des diverses substances chimiques
présentes dans le corps humain, en particulier
dans les aliments. Mais l’énergie présente dans
les liaisons de ces substrats ne peut être
directement utilisée. Seule l’énergie présente
dans un composé appelé adénosine
triphosphate ( ou ATP) est utilisée par les
cellules. La source principale d’énergie est
représentée par le groupement phosphate
terminal de l’ATP :
Adénosine ∼ P ∼ P ∼ P
Cette énergie est utilisée pour permettre le
déroulement des réactions qui demandent de
l’énergie. C’est l’ATP qui, en se dégradant en
ADP, fournit directement l’énergie aux
cellules. Une partie de l’énergie peut être
transformée directement en travail mécanique,
mais elle peut aussi apparaître sous forme
électrique, osmotique, sous forme de chaleur
ou encore de synthèse chimique.
L’ATP est le transporteur intracellulaire
d’énergie chimique, commun à toutes les
cellules. Chez tous les êtres vivants, l’énergie
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Seules les réserves en glycogène et en
phosphocréatine (composé présent dans le
muscle en très faible quantité qui permet la
synthèse immédiate de l’ATP) peuvent être
sérieusement entamées lors d’exercices très
intenses.
Le tableau 2 indique , en comparaison, la
dépense énergétique estimée pour diverses
activités sportives.
stockée sous forme d’ATP est fondamentale
mais elle ne constitue qu’une réserve limitée
d’énergie et doit donc en permanence être
renouvelée, à partir d’autres substrats
métaboliques que sont la créatine phosphate,
les glucides, lipides et protéines.
Lors de la contraction musculaire, l’ATP
est dégradé et libère l’énergie nécessaire pour
générer le mouvement. Cette transformation de
l’énergie chimique produite par l’hydrolyse de
l’ATP en énergie mécanique restituée lors du
raccourcissement du muscle se réalise avec un
certain rendement, une grande partie de
l’énergie produite étant restituée sous forme de
chaleur.
Lorsque l’homme exerce une activité
physique, le muscle peut accroître son activité
métabolique de 8 kJ.kg-1 de poids frais à 60
kJ.kg-1 par heure, lors d’une activité maximale.
Cette activité métabolique très élevée prend
d’autant plus d’importance que la masse
musculaire constitue près de 40% du poids
corporel. Pour maintenir un débit métabolique
élevé, le muscle dispose de quelques réserves
énergétiques disponibles sous forme de
substrats. Selon la durée et l’intensité de
l’exercice, il devra faire plus ou moins appel à
des substrats disponibles dans divers
compartiments
cellulaires.
L’utilisation
préférentielle de tel ou tel type de substrat
dépend aussi de l’intensité de l’exercice. Par
exemple, tout exercice intense implique
l’utilisation du glycogène (assemblage de
molécules de glucose) dont l’hydrolyse par les
processus de la glycolyse (dégradation du
incomplète du glucose) permet un haut débit
énergétique.
Il faut observer, en regardant le
tableau 1, que l’activité musculaire ne mènera
jamais à une déplétion très importante de
l’ensemble des substrats disponibles, au
niveau du muscle lui-même comme au niveau
des divers réservoirs tissulaires.
Epreuve
Course de 100 m
Course de 400 m
Course de 10000m
Cyclisme, 12 km/h
Marche, 5km/h
Nage brasse, 2,6 km/h
kJ dépensés
150
380
3400
630
585
2100
Tableau 2 : estimation de la dépense
énergétique chez un sujet de 70 kg et de
1,78m.
Ce calcul, approché, est basé sur des
performances équivalentes aux records
mondiaux en ce qui concerne le 100 m et le
400 m en athlétisme. On constate que malgré
le niveau de performance très élevé, la dépense
énergétique reste modérée par rapport à
l’apport énergétique quotidien qui est
d’environ 10000 kJ chez un homme et 8000
chez une femme non sportifs et qui peut
atteindre 12000 kJ chez le sportif voire 14000
kJ et plus, chez l’athlète de haut niveau. Ceci
explique d’ailleurs la difficulté de perdre du
poids de manière significative par une pratique
physique légère.
Pour mesurer le renouvellement de
l’énergie on peut décrire deux grands groupes
de méthodes : celles qui utilisent la
calorimétrie directe et celles qui utilisent la
calorimétrie indirecte.
En ce qui concerne les premières, leur
principe est basé sur le fait que la
transformation des substrats énergétiques
produit de l’ ATP et de la chaleur. Ainsi, en
mesurant la production de chaleur par
l’organisme on peut approcher la mesure du
métabolisme. Pour cela, on utilise une
chambre calorimétrique, enceinte étanche
parcourue par un courant d’air mesuré et dont
les parois renferment une circulation d’eau. La
chaleur produite par le sujet irradie vers les
parois et chauffe l’eau. En mesurant les
variations de température de l’air et de l’eau
Substrats
Quantité Energiedisponible
kg
kJ
triglycérides
12
446500
protéines
6
78250
glycogène muscle 0,4
4252
foie
0,06
638
phosphocréatine
0,087
17
ATP
0,076
5
Tableau 1 : substrats disponibles chez un
homme de 70 kg
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Ainsi connaissant la consommation
d’oxygène (VO2) pour un exercice donné, on
peut définir la dépense d’énergie pour cet
exercice, en multipliant la VO2 par le
coefficient thermique de l’oxygène (4,825 kcal
L-1 O2). Exemple :
Un marathonien a couru un marathon en 3
h. Sa VO2 moyenne lors de la course a été de
3L mn-1. La dépense énergétique lors de ce
marathon est estimée à :
3L/mn x 60 mn x 3 h x 4,825 = 2605,5 k
cal ou 10891 kJ
Si le métabolisme de base de ce
marathonien est de 3000 kcal/jour, sa dépense
énergétique totale ce jour là est de : 3000 +
2605,5 = 5605,5 kcal.
De quoi est composée sa ration alimentaire
sachant que celle-ci doit contenir 55% de
glucides, 60% de lipides et 15% de protéines ?
Réponse : 752 g de glucides, 178 g de lipides
et 148 g de protéines.
Au repos, la VO2 est de moins de 0,3 L/mn.
A l’exercice elle s’élève chez un homme
normal à plus de 3,5 L/mn et peut dépasser 5
L/mn voire atteindre 6 L/mn chez des sujets de
très haut niveau et spécialistes des
performances de type aérobie. Ces valeurs
indiquent clairement l’élévation considérable
de la demande musculaire en énergie.
qui entrent et quittent la pièce, on a accès à la
production de chaleur corporelle et à l’activité
métabolique.
Les méthodes qui utilisent la calorimétrie
indirecte utilisent des mesures respiratoires.
En effet, le métabolisme consomme de
l’oxygène et produit du dioxyde de carbone.
La calorimétrie indirecte qui permet la mesure
des échanges gazeux, en circuit ouvert, permet
de connaître les quantités d’oxygène et de
dioxyde de carbone consommées ou rejetées
par l’organisme et de le rapporter à l’activité
métabolique.
En effet, on sait que le glucose est une
molécule à six atomes de carbone et que six
atomes d’oxygène sont nécessaires pour le
dégrader totalement en eau et dioxyde de
carbone selon la réaction :
6O2 + C6 H12 O6 →6CO2 + 6H2 O+ 38ATP
Dans ce cas, on peut montrer que la
dégradation du glucose produit 5,05 kcal par
litre d’oxygène.
Si on fait le rapport entre l’oxygène
consommé et le dioxyde de carbone produit
(VCO2/VO2) que l’on appelle le quotient
respiratoire (QR), celui-ci est égal à 1 dans le
cas des glucides. Si on utilise d’autres
substrats métaboliques ce QR varie : il est de
0,7 dans le cas des triglycérides (graisses ou
lipides). En effet si les triglycérides
fournissent beaucoup plus d’ATP pour la
contraction musculaire, il faut aussi davantage
d’oxygène pour les dégrader. Ici, la
dégradation des triglycérides produit 4,7 kcal
par litre d’oxygène consommé. Le tableau 3
indique quelques équivalences caloriques du
quotient respiratoire. En moyenne, on admet
plus simplement qu’une utilisation combinée
des substrats produit 4,825 kcal par litre
d’oxygène consommé.
QR
lipides
0,71
0,80
0,90
1
Energie
kcal L-1O2
4,69
4,80
4,92
5,05
3- L’énergie thermique
La production de chaleur, chez l’homme,
est très variable et dépend du niveau d’activité,
donc du niveau d’activité métabolique. Celuici est influencé par de nombreux facteurs
parmi lesquels les facteurs environnementaux
et l’activité physique.
Rappelons
que
l’homme
est
un
homéotherme qui doit maintenir sa
température centrale dans une zone très étroite,
autour de 37°C, en dépit des variations du
milieu extérieur ou de celles liées à l’activité
physique. Toutes les régions du corps n’ont
pas la même température. La température
centrale est celle d’un noyau central représenté
par l’ensemble des organes situés dans la
crâne, la cavité abdominale, la cavité
thoracique. C’est elle qui doit être maintenue à
peu près constante. Par opposition on parle de
la température de l’enveloppe, représentée par
la peau, dont la température varie..
%kcal
glucides
0
33,4
67,5
100
100
66,6
32,5
0
Tableau 3 équivalent calorique du quotient
respiratoire (QR) et % de kcal issu des
glucides et des lipides.
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L’élément réglé est la température du
noyau ou température centrale. Les transferts
de chaleur se font par l’intermédiaire de
l’interface qu’est la peau ou enveloppe.
Comme l’indique la figure 1, la stabilité de
la température centrale résulte de l’équilibre
entre les gains et les pertes de chaleur.
Gains de chaleur
C = hc x S (Tdb -Tsk),
où hc est un coefficeint d’échange de
chaleur par conduction, fonction des corps
considérés.
Ces échanges sont peu importants,
normalement, dans l’air qui est un mauvais
conducteur de chaleur. Par contre, ils prennent
toute leur importance dans l’eau. C’est ainsi
qu’on ressent rapidement une sensation de
froid dans l’eau d’une piscine, pourtant
chauffée entre 26°C et 28°C, si on reste
immobile.
Pertes de chaleur
Les échanges de chaleur par convection, en
ce qui concerne l’homme, sont liés au
mouvement des molécules au contact de la
peau. Le transfert de chaleur est d’autant plus
important que la vitesse des molécules est
élevée. Les pertes de chaleur par convection
équivalent à environ 12% des pertes totales, au
repos. L’équation est toujours du même type :
K = hk x S (Tdb - Tsk),
où hk est le coefficient d’échange de
chaleur par convection.
Pour illustrer l’importance du phénomène
signalons que la peau humaine gèle par une
température de 5°C lorsque le vent atteint 50
km/h ou par –10°C et un vent de 20 km/h.
Dans l’antarctique, les vents atteignent
fréquemment 160km/h ! Plus normalement,
rappelons que les coureurs cyclistes ont appris
à s’en protéger lors des descentes de cols.
Intéressons nous maintenant au quatrième
facteur d’échange de chaleur entre l’homme et
le milieu : l’évaporation. C’est la voie majeure
de dissipation thermique, chez l’homme. Il
s’agit de la transformation physique de l’état
liquide à l’état gazeux (vapeur d’eau) qui
absorbe une grande quantité de chaleur : 580
kcal/L d’eau évaporé à 37°C. C’est, pour
l’homme, le mode de thermolyse fondamental.
Il faut distinguer les pertes obligatoires et les
pertes facultatives.
Les pertes obligatoires sont représentées
par :
-la perspiration, c’est-à-dire les pertes
insensibles d’une certaine quantité d’eau
contenue dans l’épiderme : soit environ 600
mL par jour ou 400 kcal, au repos.
-Les pertes par les voies respiratoires dues
à la saturation en vapeur d’eau de l’air expiré.
Ceci représente environ 300 mL par jour ou
200 kcal au repos.
Fig 1–L’équilibre thermique, chez l’homme
peut être comparé à celui d’une balance
Les échanges de chaleur avec le milieu
extérieur se font par quatre moyens physiques.
Ce sont les échanges par radiation, conduction,
convection et évaporation.
Dans les échanges par radiation, c’est le
rayonnement infrarouge qui est impliqué.
C’est le premier moyen utilisé par l’organisme
pour échanger de la chaleur. Dans une
ambiance normale, entre 21°C et 25°C, le
corps nu perd environ la moitié de sa chaleur
par radiation. En effet, tout objet dense émet
un rayonnement en direction des objets qui
l’entourent et reçoit des rayons de la part de
ceux-ci. L’exemple le plus simple est celui du
rayonnement solaire qui chauffe la peau. Mais
l’importance de la chaleur émise par ce moyen
par le corps humain peut être illustrée par le
réchauffement d’une pièce fermée dans
laquelle se trouveraient plusieurs personnes.
Ces échanges peuvent se représenter par
une équation simple : R = hr x S (Tdb –Tsk) ,
dans laquelle hr est un coefficient d’échange
de chaleur par radiation lié aux corps en
présence, S, la surface d’échange, Tdb, la
température du bulbe sec,Tsk est la
température cutanée moyenne.
On peut encore citer l’effet de Serre auquel
l’homme peut se trouver confronter lorsque,
par temps chaud, une couche nuageuse
s’interpose entre le soleil et la terre.
Dans les échanges par conduction, c’est-àdire les échanges de chaleur par contact, ceuxci peuvent être représentés par l’équation :
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sépare le début de l’exercice et le démarrage
de la sudation. Ce délai de 15 mn environ chez
l’homme non entraîné et diminue à 10 mn et
moins chez les sujets entraînés. Il peut parfois
atteindre des valeurs de 5 mn et moins, mais
de façon tout à fait exceptionnelle, chez
quelques sujets de très haut niveau sportif. La
diminution du délai de sudation induit une
baisse du stockage de chaleur qui survient au
début de tout exercice physique et qui a pour
effet de freiner l’augmentation de la
température centrale.
Les pertes facultatives sont les pertes
sudorales. La peau contient aux alentours de 6
millions de glandes sudorales inégalement
réparties à la surface du corps. Ces glandes
sécrètent la sueur, qui est essentiellement de
l’eau, dans une quantité très variable selon
l’équation :
E = hE x S (Pwa - Pwsk),
où hE est le coefficient de perte de chaleur
par évaporation et Pwa la pression en vapeur
d’eau de l’environnement et Pwsk la pression
de vapeur d’eau au niveau de la peau .
Cette équation indique, entre autres, que le
débit d’évaporation est directement fonction
de la différence de pression de vapeur d’eau
entre les deux milieux. Or il est bien évident
que seule la sueur évaporée est efficace sur le
plan de la thermolyse, la sueur qui ruisselle
étant inutile sur le plan thermorégulateur.
Alors sous les climats tropicaux chauds et
parfois très humides, l’homme connaît des
difficultés pour évacuer la chaleur par
évaporation. C’est aussi le cas, lors de
l’exercice physique, où l’utilisation de coupevent crée une enceinte saturée en vapeur d'’eau
qui perturbe l'élimination de la chaleur et qui
peut avoir des conséquences néfastes dans une
ambiance chaude.
Lorsque le muscle est en activité, on a
mesuré que l’énergie mécanique restituée ne
représente que 20% de l’énergie chimique
initiale. Les 80% restants sont dissipés à
l’intérieur du corps et constituent une menace
pour l’homéothermie, si la chaleur n’est pas
dissipée. On calcule que pour accumuler 500
W à partir de la chaleur endogène, il faut
réaliser un exercice modéré, correspondant à
une VO2 de moins de 1,5 L/mn. La même
quantité d’énergie accumulée à partir de la
chaleur exogène implique une exposition à une
température proche de 80°C, avec une
température de peau de 38°C. Ceci illustre
bien la quantité considérable de chaleur que
reçoit l’organisme lors d’un exercice intense
où la VO2 dépasse 4 L/mn réalisé de surcroît
dans une ambiance chaude.
L’entraînement physique induit des
adaptations qui permettent au sportif de faire
face à ces circonstances. Les deux plus
importantes concernent l’évaporation sudorale
et la vasomotricité.
Chez le sportif, on assiste à une diminution
du délai de sudation, c’est-à-dire du temps qui
Concernant toujours la sudation, on assiste
à une augmentation du débit sudoral, ce qui
permet au sportif d’évacuer davantage de
chaleur par évaporation sudorale. Bien
évidemment ceci justifie l’apport de boisson
lors de l’effort pour éviter le risque de
déshydratation, surtout lorsqu’on sait que ces
débits sudoraux peuvent atteindre 2 à 3 L/h
voire davantage dans des conditions extrêmes.
La seconde adaptation fait intervenir les
autres moyens physiques d’échange de
chaleur. La vasomotricité, c’est-à-dire la
faculté de faire varier le calibre des vaisseaux,
fait varier le flux sanguin cutané, parfois dans
des proportions très importantes. En ambiance
chaude, la peau devient rouge en raison de
l’afflux de sang. Ceci a pour effet de faire
monter la température de la peau et donc de
diminuer la différence de température entre
l’extérieur et la peau. Alors les transferts de
chaleur par radiation, conduction et convection
sont plus faibles. A l’inverse, lors de
l’exposition au froid, la vasoconstriction qui
fait chuter le débit sanguin cutané donne une
apparence pâle à la peau. Mais, à nouveau, en
diminuant la différence de température entre la
peau et l’extérieur, on limite cette fois les
pertes de chaleur avec l’extérieur protégeant
ainsi la température centrale.
Malgré tout, la température centrale connaît
des variations lors de l’exercice physique, en
raison de la production considérable de
chaleur endogène. Citons, par exemple, que
des marathoniens de haut niveau terminent
régulièrement leur épreuve avec des
températures centrales aux alentours de 41°C.
Lors d’une rencontre de football ou de handball intense, les valeurs avoisinent les 40°C.
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4- L’énergie électrique.
5- L’énergie mécanique interne.
Nous allons ici distinguer deux points,
l’énergie mécanique à l’intérieur du corps
humain et celle qui est restituée lors du
mouvement.
Au delà de l’énergie mécanique restituée
lors de l’activité physique, l’organisme est le
siège de mouvements importants, porteurs
d’une énergie cinétique intéressante mais
difficilement récupérable. C’est le cas de la
circulation sanguine. La capacité du système
circulatoire est de 5 à 6 L/mn et le temps total
de circulation est de l’ordre 1 mn. Le sang est
en mouvement perpétuel à une vitesse qui peut
être importante. La vitesse du sang dans les
artères diminue avec leur diamètre. De 30à 40
cm/s dans les grosses artères, elle passe à 25
cm/s dans les artères moyennes et n’est plus
que de 5 à 10 cm/s dans les artérioles. Cette
circulation du sang sous l’influence de la
contraction cardiaque crée une certaine
pression qui s’équilibre avec la tension de la
paroi distendue des artères et que l’on peut,
comme chacun sait, mesurer.
Tout ceci impose au cœur une contrainte
permanente, celle de propulser le sang à une
certaine vitesse, sous une certaine pression.
Pour cela, le cœur exerce un travail cinq fois
plus élevé pour le ventricule gauche que pour
le ventricule droit. Le travail total des deux
ventricules peut être évalué à 100 g.m à
chaque systole (contraction des ventricule),
soit environ 10000 kg.m par 24 h. Le travail du
cœur se décompose en deux fonctions . Le
travail utile se résume pratiquement au travail
de pression, donc à l’énergie potentielle
fournie au volume de sang éjecté et
emmagasinée sous forme de tension dans les
parois vasculaires puis restituée sous forme
d’énergie cinétique. Le travail « perdu »,
dépensé par le cœur comprend l’activité du
tissu nodal et l’activité fondamentale du
myocarde qui consomment de l’énergie, et
surtout l’énergie perdue en raison du faible
rendement des réactions chimiques qui
fournissent l’énergie mécanique de la
contraction.
Bien évidemment, ces phénomènes sont
largement majorés lors de l’exercice physique.
Le travail du cœur dont les battements
atteignent et dépassent 180 par minute,
pendant plus de deux heures lors d’un
L’énergie électrique résulte du mouvement
de particules chargées. Dans le corps humain,
ce sont des ions qui traversent les membranes
cellulaires. Ainsi, si le corps humain est
globalement neutre, il possède un nombre égal
de charges positives et négatives. Cependant,
un type de charge prédomine en certains
endroits, qui sont alors positivement ou
négativement chargés. A l’image de l’énergie
potentielle contenue dans une pile électrique
qui est libérée lorsque, les deux pôles se
trouvent reliés, quand des charges opposées
s’unissent l’énergie libérée peut servir à
accomplir un travail . Cette énergie est
mesurable par la différence de potentiel entre
deux points.
Dans l’organisme, on peut mesurer cette
différence de potentiel entre l’intérieur et
l’extérieur de la cellule, puisque les nombres
de charges positives et négatives, de part et
d’autre de la membrane cellulaire sont
différents. La membrane constitue, elle, la
résistance au courant électrique. Le plus connu
est le courant ou influx nerveux qui parcourt
les neurones. Ceux-ci communiquent entre eux
et avec les cellules musculaires et glandulaires
en produisant et en propageant des potentiels
d’action. Ce dernier correspond à une
inversion du potentiel de membrane suite à des
mouvements ioniques de part et d’autre de la
membrane cellulaire. Le potentiel de
membrane qui est de -70 mV au repos passe à
-30 mV lors de la dépolarisation qui dure
seulement quelques millisecondes. Il reste que
ces influx nerveux, si faibles soient-ils en
intensité parcourent par milliers et à chaque
instant les neurones du corps humain.
Chez l’homme, l’énergie électrique la plus
importante mais qui reste faible en intensité,
est représentée par l’activité électrique
cardiaque. Celle-ci est enregistrable sur
l’ensemble
du
corps.
Elle
permet
l’enregistrement de l’électrocardiogramme à
partir d’électrodes posées au niveau des
chevilles, des poignets et de la poitrine. Cette
activité est très fortement augmentée lors de
l’exercice physique, le nombre de contractions
cardiaques s’élevant de 60 à 80 par minute à
160, 180 et même 200 par minute lors des
exercices intenses.
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parvenir, nous utilisons le protocole suivant.
Les sujets sont équipés de marqueurs
réfléchissant l’infrarouge (demi-sphères de 2,5
cm de diamètre). Ces marqueurs sont
positionnés sur des repères anatomiques bien
déterminés afin de limiter le glissement de la
peau ou des muscles. 28 marqueurs sont
généralement utilisés permettant ainsi de
représenter le corps humain en 12 segments
rigides articulés (tête, tronc, bras, avant-bras,
cuisses, tibias et pieds). Des tables
anthropométriques nous permettent de
retrouver les masses de ces divers segments en
fonction de la masse totale. Les tables nous
fournissent aussi les inerties des segments
ainsi que la position de leur centre de masse.
Bien entendu, ces données sont des moyennes
qui apportent une imprécision de mesure
lorsqu’on travaille sur des sujets éloignés des
moyennes.
7 caméras infrarouges synchronisées à 60Hz
permettent d’obtenir la position de ces
marqueurs dans les trois dimensions à partir
d’un algorithme de reconstruction 3D
(algorithme DLT). La figure ci-dessous montre
le résultat obtenu en 3D sur un athlète courant
sur tapis roulant. A partir de ces mesures, on
calcule les centres de masse des segments
corporels ainsi que les angles aux
articulations. De là, on peut appliquer les
définitions
des
différentes
énergies
mécaniques qui interviennent.
marathon, est considérablement augmenté.
Pendant l’effort, le débit sanguin peut passer
également de 5 – 6 L/mn à 30 L/mn et plus.
6- L’énergie liée au mouvement.
Pour décrire l’analyse mécanique du
mouvement humain, prenons l’exemple d’un
mouvement particulier : la locomotion
humaine. La locomotion bipède est
le
mouvement qui caractérise l’être humain
parmi toutes les autres espèces animales. La
locomotion humaine a depuis longtemps été
analysée suivant de multiples points de vue.
Entre autres, l’énergie de la locomotion
humaine peut être analysée du point de vue
métabolique et mécanique.
L’énergie métabolique donne la quantité de
calories consommées pendant un mouvement
que l’on mesure, comme on l’a vu, de manière
indirecte. Cette énergie peut être comparée au
carburant que l’on utilise dans un véhicule.
Energie métabolique
(J/kg/mn)
13
1200
1100
1000
900
800
Vitesse
(km/h)
700
600
500
4
6
8
10
12
14
16
18
Fig 2 : évolution de la dépense d’énergie
métabolique en fonction de la vitesse de
course
Regardons tout d’abord les aspects
mécaniques liés à la locomotion humaine et
examinons
ensuite
la
consommation
énergétique qui s’y attache.
L’énergie mécanique est calculée de
manière indirecte par la mesure des
déplacements des segments corporels. Pour y
Fig 3: position des marqueurs sur le sujet
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Energie portable : autonomie et intégration dans l’environnement humain. 21-22 mars 2002 - Cachan – Journées Electrotechniques du ClubEEA
La littérature en biomécanique indique
cependant que les oscillations verticales
augmentent avec la vitesse jusqu’à une vitesse
seuil à partir de laquelle elles diminuent. Les
oscillations verticales maximales sont de
l’ordre de 10cm mais en moyenne sur un cycle
de marche l’énergie potentielle est nulle. De la
même manière que l’énergie cinétique interne,
la relation de cette énergie avec la vitesse
dépend de la technique de course et de
l’entraînement.
Il reste à considérer les forces mises en jeu
lors du mouvement. Ces forces sont
principalement le poids du sujet et la force de
réaction du sol R (on néglige généralement les
frottements de l’air). Dans la littérature, le
travail de R est souvent négligé puisqu’on
suppose que le point d’application de la force
ne se déplace que très peu. On fait l’hypothèse
que le pied peut être ramené à un point, si bien
que le travail est nul. Cependant, la force de
réaction du sol se déplace sous la voûte
plantaire et son déplacement diminue avec la
vitesse. Pour une marche, il y a un contact
talon-sol puis un déplacement de la force de
réaction du sol vers le bol du pied. Au pire
cela correspond à la longueur du pied, soit
approximativement 20 cm. R supporte non
seulement le poids mais permet aussi de se
propulser, si bien que ses valeurs dépassent
légèrement, en moyenne le poids du sujet.
Comme les précédentes énergies sont
normalisées par la masse du sujet et qu’un pas
dure une seconde, on obtient une
approximation de ce travail de : 0.2*g*60≈120
J.Kg-1.min-1 ce qui est en fait loin d’être
négligeable.
A partir de ces divers calculs d’énergie on
accède au travail des forces internes. On utilise
pour cela le théorème de l’énergie cinétique
qui stipule :
Nous calculons la position du centre de
masse
du
sujet
grâce
aux
tables
anthropométriques et obtenons ensuite
l’énergie cinétique dite externe. Nous
calculons ensuite, pour chaque segment i, la
vitesse du centre de masse Gi par rapport au
centre de masse global G. De la même
manière, les vitesses angulaires sont calculées
à chaque articulation. De là nous calculons
l’énergie cinétique dite interne des segments
corporels. L’énergie cinétique totale est donc
donnée par :
12
1
1
1

EK = MVG2 / R + ∑ miVG2 / R* + Ii wi2 
i
2
2

i=1  2
où M est la masse totale, VG/R est la vitesse du
centre de masse par rapport au repère du
laboratoire, mi et Ii sont respectivement la
masse et le moment d’inertie du segment i. wi
est la vitesse angulaire du segment i et VGi/R*
est la vitesse de Gi par rapport au repère
barycentrique centré en G.
L’énergie
cinétique externe varie naturellement de
manière parabolique par rapport à la vitesse et
ne dépend que de la masse du sujet. Afin
d’éliminer le biais de la masse, nous
normalisons toutes nos énergies par rapport à
la masse. De même, comme la locomotion est
un mouvement quasi-périodique, nous
rapportons l’énergie dépensée au temps de
course, l’exprimant ainsi en J.kg-1.min-1. La
figure ci-dessous illustre l’évolution de
l’énergie cinétique interne de translation en
fonction de la vitesse de course. Il existe une
relation parabolique entre cette énergie et la
vitesse, mais cette relation varie d’un individu
à l’autre en fonction de sa technique de course
et de marche et du niveau d’entraînement.
Il en est de même pour l’énergie
cinétique interne de rotation.
Une autre énergie mécanique rentrant en ligne
de compte est l’énergie potentielle. Elle
dépend des oscillations verticales intervenant
pendant le mouvement humain :
∆E K = Wint + Wext
où Wint est le travail des forces internes et Wext
celui des forces externes.
12
E P = ∑ m i gh i
i =1
Si on néglige, comme c’est le cas dans la
littérature, le travail de la force de réaction du
sol, on obtient :
où hi représente la variation de hauteur du
centre de masse du segment i. Comme le
mouvement de course peut être considéré
comme une succession de sauts, cette part
d’énergie joue un rôle important.
Wint = ∆E K − Wext ⇔ Wint = ∆E K + ∆E P
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Energie portable : autonomie et intégration dans l’environnement humain. 21-22 mars 2002 - Cachan – Journées Electrotechniques du ClubEEA
Au final, nous obtenons la relation suivante :


i =11
 i=11
1
1
1
2
2
2
Wint = ∆ ∑ m i gh i + MVG / R + ∑ m i VGi / R* + I i w i 
2 !!
2!#!
i =!
1 #!
i =1 !
" $
$
" $
!#!!2!!
"
2


1
3
Comme cette valeur est calculée à chaque
instant, c’est à dire à 60Hz, le travail total
(moyen) est calculé de la manière suivante :
Wint TOT =
1
tf − t0
t=tf
∑W
t =t0
int
(t )
Dans cette expression, on ne tient pas
compte de la part du travail efficace et résistif
et on suppose donc qu’ils « coûtent » la même
énergie métabolique. La figure ci-dessous
représente le travail total des forces internes en
fonction de la vitesse de progression.
dans le plan fréquence des pas / longueurs
des pas. Les courbes de 4 sujets en course sont
représentées sur ce graphe et on peut constater
que, pour tous les sujets, il y a bien
augmentation de la longueur des pas pour de
faibles vitesses puis augmentation de la
fréquence des pas (de 1.25Hz à plus de 2 Hz
pour des vitesses allant jusqu’à 9m.s-1). Ainsi,
2Hz peut être considéré comme l’une des plus
hautes fréquences de la course humaine. La
fréquence de pas en marche a des valeurs de
l’ordre de 0.5 Hz à 0.3 m.s-1 atteignant 1Hz à
1.3 m.s-1 (Van Emmerik 1996).
7- Conclusion
Il apparaît maintenant évident que c’est à
l’exercice que la production d’énergie est la
plus importante. Elle peut être mesurée ou
calculée et les valeurs atteintes peuvent être
très importantes. Sa récupération pour d’autres
fonctions s’avère cependant délicate.
Wint TOT
J/kg.mn
1500
1
1000
8- Bibliographie
500
[1] ENOKA R.M. Neuromechanical basis of
kinesiology, 2nd Edition, Human Kinetics,
1994.
Vitesse m/s
0
1
2
3
4
5
Fig 4 : évolution du travail des forces internes
en fonction de la vitesse de course.
[2] VAN EMMERIK R E A, WAGENAAR R
C. Effects of walking velocity on relative phase
dynamics in the trunk in human walking. J
Biomechanics 1996; 29; 9: 1175-1184.
[3] WINTERA.D. Biomechanics and motor
control of human movement. 2nd Edition. A
wiley-interscience Publication, John and Sons,
Inc., USA, 1990.
Il reste maintenant à examiner comment
évoluent la fréquence et la longueur des pas en
fonction de la vitesse. Rappelons que la vitesse
de progression est lié à ces deux paramètres :
ainsi les courbes d’iso-vitesse dans le plan
fréquence/longueur des pas sont des
hyperboles. Plusieurs auteurs (Enoka 1990)
ont démontré que, naturellement, l’être humain
cherche à augmenter préférentiellement sa
longueur des pas jusqu’à une valeur maximale.
Pour des vitesses supérieures, cette longueur
des pas reste constante et a même tendance à
décroître. Pour augmenter la vitesse nous
choisissons donc d’augmenter la fréquence des
mouvements. Ainsi, la figure ci-dessous
illustre des iso-vitesses allant de 4 à 10 m.s-
[4] WILLMORE J.H, COSTILL D.L.
Physiologie du sport et de l’exercice physique.
Version française : DELAMARCHE A,
DELAMARCHE P. Ed De Boeck Université
550p, 1998.
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