Propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques d`un matériau à
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Propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques d`un matériau à
CHAPITRE 1 ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES ET CARACTERISATION EXPERIMENTALE DES MATERIAUX La particularité de ce travail de recherche réside à la fois dans la manière de traiter la problématique scientifique liée à ce genre de matériau et dans le sujet d'étude lui-même. Cette étude est basée sur une approche globale des propriétés du béton de chanvre, avec une analyse croisée des caractéristiques mécaniques, thermiques et acoustiques. En règle générale, les matériaux employés dans le bâtiment remplissent un usage particulier, pour lequel leur formulation a été optimisée. On utilise alors une technique de « structures sandwichs » en accolant ces différents matériaux les uns aux autres. A titre d’exemple, un béton hydraulique visant à la réalisation d’une structure porteuse, est formulé de manière à posséder de bonnes qualités mécaniques (résistance, rigidité). Le diamètre des granulats et la proportion entre les différentes granulométries sont choisis de façon à obtenir un empilement le plus compact possible. Le ciment en faisant prise assure la cohésion de l'empilement granulaire et la résistance mécanique du matériau. Or, ce béton est alors un bon conducteur thermique car il contient peu d’air. On utilise donc des panneaux de laine de roche ou de laine de verre pour isoler le système. En revanche, le béton étant compact, il aura une masse importante qui lui permettra d’empêcher la transmission du son d’une pièce à l’autre. A l’inverse, un béton cellulaire est principalement utilisé à des fins d’isolation thermique car il contient un grand nombre de pores. Cependant, ces performances mécaniques et acoustiques sont limitées. Les performances mécaniques, acoustiques et thermiques ont donc des exigences contraires. Celles-ci expliquent à la fois la difficulté et l’intérêt d’une étude globale des propriétés. En étudiant la variabilité des propriétés du matériau en fonction de paramètres prédéfinis comme le dosage des constituants ou la compacité, il devient possible de trouver des compromis en fonction des aspects que l’on souhaite favoriser, tout en conservant un matériau multi-usages. La deuxième originalité de ce travail concerne les caractéristiques propres du béton de chanvre. Cette spécificité est due aux propriétés de chaque constituant ainsi qu’à la microstructure résultante du mélange de ceux-ci. Le béton de chanvre est constitué de granulats d’origine végétale et d’une matrice de liant à base de chaux. Le granulat de chanvre présente une forte porosité qui le rend léger et très compressible. Son comportement diffère donc de celui des granulats minéraux classiques, rigides. Le liant à base de chaux a une cinétique de prise lente par rapport à celle des liants hydrauliques usuels comme le ciment. De plus, les niveaux de performances mécaniques atteints par ce type de liant sont en deçà de celles des liants à base de ciment. Le mélange de ces deux constituants, l’un compressible et l’autre pas, conduit donc à un matériau assez éloigné des matériaux de construction classiques, et ce à plusieurs titres. Tout d’abord, les propriétés du béton de chanvre évoluent sur des durées supérieures de celles des matériaux usuels. La caractérisation des propriétés mécaniques à 28 jours ne donne pas des valeurs représentatives des performances de ce matériau. On raisonne donc sur des échelles de temps variant entre 6 mois et 1 an. Ensuite, le comportement mécanique est modifié par la présence de granulats déformables dans une matrice de liant rigide. Ce contraste des propriétés génère un mode de rupture différent de celui d’un béton standard. Enfin, la microstructure du béton de chanvre varie en fonction de la formulation et entraîne des comportements et des propriétés variables. Ce dernier point constitue le principal attrait de ce matériau. Ce premier chapitre s'articule autour de deux thèmes. Dans un premier temps, quelques éléments bibliographiques concernant les bétons légers sont relatés, car ces matériaux présentent certaines similarités avec le béton de chanvre. Elle permet de résumer les principales caractéristiques de ce type de matériau dans les trois domaines abordés tout au long de ce mémoire (mécanique, thermique et acoustique). Dans un deuxième temps, les caractéristiques des constituants et du béton de chanvre sont exposées et leurs particularités sont explicitées. - 24 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux 1. ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE 1.1. Classification générale des matériaux de construction Les matériaux de construction peuvent être classés en deux grandes catégories : les matériaux traditionnels d’origine naturelle et les matériaux modernes composites. Parmi les matériaux traditionnels, on distingue la pierre, la terre crue et le bois. La pierre est d’utilisation très ancienne, s’expliquant par sa disponibilité (carrières), sa grande résistance et sa durabilité. Cependant, elle est difficile à façonner et à mettre en œuvre (poids). Aujourd’hui, la construction en pierre est devenue confidentielle. Elle se limite à des travaux de rénovation de constructions anciennes. La terre crue, matière première disponible, est d’une mise en œuvre aisée et peu coûteuse (techniques de construction en pisé ou torchis et briques de terre crue). Ceci justifiait son utilisation dans le passé, mais ce matériau économique a été peu à peu remplacé par d’autres plus performants et plus chers dans les pays industrialisés. L’utilisation de la terre est devenu l’apanage des pays en voie de développement (Brésil, pays africains…). Le bois enfin, nécessitant peu de transformations et facile à travailler, était et reste apprécié dans la construction pour ses propriétés mécaniques (résistance en traction) et son pouvoir isolant. Il sert à fabriquer des structures porteuses, voire des habitations complètes. Toutefois, le bois étant un matériau naturel, il présente des qualités variables selon l’âge, l’essence, l’origine géographique, les conditions de séchage. Parmi les matériaux récents, le plus employé est le béton, mélange composé de granulats minéraux rigides, de ciment, de sable et d’eau. Cette formulation de base peut être agrémentée d’adjuvants (produits rajoutés en faible quantité dans le mélange) de façon à obtenir des propriétés particulières (fluidité du mélange, prise plus ou moins rapide…), voire par d’autres constituants (acier pour béton armé ou précontraint, fibres) pour augmenter les performances mécaniques. Ce matériau présente donc des propriétés structurelles intéressantes et une bonne durabilité. Cependant, il a une masse volumique élevée d’où la mise en place de fondations importantes pour supporter le poids des constructions. Par sa masse synonyme d’une certaine inertie, il bloque la transmission des sons par vibrations acoustiques et ralentit le transfert de la chaleur. Cet effet tampon compense en partie le fait que le béton soit un matériau conducteur. Globalement, le béton est donc performant du point - 25 - de vue mécanique et du point de vue de l’isolation acoustique (limite la transmission) mais il est moins intéressant du point de vue de l’isolation thermique. De nouveaux matériaux sont alors apparus, rassemblés sous l'appellation de bétons légers. Ces matériaux font référence à des bétons de masse volumique plus faible (ρ < 1600 kg.m-3) que celle des bétons traditionnels et vise principalement une meilleure isolation thermique. Ces matériaux sont obtenus par substitution des gravillons traditionnels, qui peuvent être remplacés : - par des granulats allégés - par incorporation de bulles d’air (béton cellulaire). C’est dans cette gamme de matériau que se situe le béton de chanvre, objet de l’étude. La suite du chapitre fait une synthèse des caractéristiques et des phénomènes physiques liés à ce type de matériau. 1.2. Types de granulats légers 1.2.1. Définition d’un granulat léger Les granulats légers se différencient des autres granulats par leur faible masse volumique. Celle-ci est inférieure à 1200 kg/m3, tandis que celle de la pierre naturelle est de 2700 kg/m3. L’écart de masse volumique s’explique par la porosité élevée du granulat φg, c’est-à-dire une importante proportion volumique de vides d’air contenus dans le granulat. Cet air sera appelé dans la suite du mémoire, air intra-particule. φg = Vcapillaires V granulat (I.1) avec Vcapillaires : volume des vides contenus dans le granulat (m3) Vgranulat : volume total occupé par le granulat (m3) 1.2.2. Origine des granulats Un certain nombre de granulats légers existe à l’état naturel, les autres étant obtenus artificiellement par divers procédés chimiques. Parmi les granulats d’origine minérale naturellement poreux, les plus fréquemment rencontrés sont les ponces ou les roches sédimentaires comme les calcaires. Ils sont extraits de gisements et directement utilisables dans les matériaux de construction. Les autres granulats naturellement poreux sont d’origine végétale. Il s’agit pour la plupart des déchets organiques qui trouvent dans la construction un moyen de valorisation - 26 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux [HERRMANN & al., 98]. On peut ainsi citer le bois, la tige de maïs, la coque de noix de coco [KHEDARI & al., 03], le bambou [LUIZ DE BARROS SALGADO, 00]. Ce type de produit représente une production de quelques dizaines de milliers de m3 par an, ce qui reste encore très faible. Ces granulats contiennent de nombreux capillaires, entraînant une porosité φg élevée. Cependant, ils contiennent également des matières organiques à base de cellulose qui les rendent réactifs vis à vis de certains constituants présents dans les liants hydrauliques. Un traitement préalable est donc indispensable afin de les rendre inertes. Trois méthodes sont employées [PIMENTIA & al., 94] : - les traitements physiques : les composés organiques (type hémi-cellulose) contenus dans le granulat sont isolés du milieu extérieur, soit en imprégnant le granulat de résine ou de paraffine (imprégnation à cœur), soit en enrobant la particule. Les fibres de celluloses peuvent également être détruites par un sel de calcium d’un acide fort, créant d’innombrables microcavités dans le granulat. - les traitements thermiques : ils détruisent les constituants cellulosiques à une température de l’ordre de 280°C et limitent en même temps l’hygroscopie du granulat. - les traitements chimiques : ils remplacent les groupes hydroxyl (-OH) par des groupements hydrophobes dans le même but que les traitements thermiques. Actuellement, la stabilisation des particules végétales s’effectue plutôt par un traitement chimique suivi d’un traitement thermique. Cependant, des recherches récentes réalisées par l’E.S.S.T.I.B. (Ecole Supérieure des Sciences et Technologie de l’Industrie du Bois) s’orientent préférentiellement vers un traitement physique d’imprégnation plus aisé et plus économique à mettre en œuvre que les traitements thermiques ou chimiques. D’autres granulats légers sont obtenus par un procédé chimique appelé expansion (argile expansée…). A une température de l’ordre de 1000°C, la paroi des granulats devient plastique et gonfle sous l’effet de dégagements gazeux (CO, CO2,O2, SO2, SO3…) générés par la cuisson. Ceci les rend beaucoup plus légers que les granulats classiques avec une masse volumique sèche ρgranulat comprise entre 800 et 1200 kg/m3. La gamme de variation de la masse volumique sèche s’explique par une expansion plus ou moins poussée du granulat (durée de chauffe, température de cuisson entre 1000 et 1250°C) et par une composition chimique variable qui prédispose à ce phénomène. Enfin, plus l’expansion sera poussée et plus le matériau deviendra coûteux à fabriquer compte tenu de l’énergie consommée dans les fours de cuisson et du temps de la réaction chimique. - 27 - Le deuxième type de bétons légers regroupe les bétons cellulaires. Ils sont composés d’une matrice solide de liant (mélange de chaux, de ciment et de sable) et de bulles d’air. La phase granulaire contient uniquement des agrégats de taille inférieure à 80 µm. Les bulles d’air sont obtenues par un phénomène d’expansion ou « levée de la pâte » d’origine chimique ou mécanique. Dans le cas d’une expansion chimique [ARNAUD, 93] [VILLAIN, 97], de la poudre d’aluminium introduite dans le mélange s’oxyde en milieu basique (chaux) et libère de l’hydrogène à l’origine d’un réseau dense de bulles dans le matériau encore à l’état visqueux. Dans le cas d’une expansion mécanique, un agent saponifiant est intégré au mortier initial et au contact de l’eau, il se forme une mousse qui génère des bulles d’air. Cette méthode permet de gérer le processus de formation des pores en dosant correctement l’agent moussant [NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00a] et de répartir les pores de manière régulière dans la matrice. Lorsque le matériau a atteint sa taille finale, une étape de cuisson par autoclavage finit de cristalliser le béton cellulaire. On obtient un produit manufacturé de structure connue et contrôlée donc de qualité constante malgré un coût énergétique élevé (fours de cuisson). Le béton cellulaire est utilisé en construction pour la réalisation de murs et de planchers légers. Il est commercialisé sous forme de panneaux ou de briques préfabriquées de 625 mm de long, 500 mm de large et d’épaisseurs 50, 70, 100 ou 300 mm. 1.3. Propriétés mécaniques des bétons légers 1.3.1. Porosités Le béton est constitué de plusieurs éléments solides (granulat, liant) et de plusieurs familles de vides dont la taille varie de quelques dizaines d'Angstrom (Å) à quelques millimètres selon l'origine de ces porosités. Les granulats possèdent une porosité intrinsèque appelée φg, due à la présence de l'air intra-particule. Compte tenu de la taille caractéristique des capillaires (de l'ordre de la dizaine de µm), la porosité du granulat sera qualifiée de porosité microscopique. La matrice de liant contient également des vides d'air qui apparaissent au moment de la prise des hydrates et du séchage du matériau. On parle d'air intra-liant qui permet de définir la porosité intrinsèque du liant φl. La taille caractéristique des pores présents entre les hydrates de Ca(OH)2 ou de C-S-H, varie entre 0,01 µm et 5 µm et la taille des pores générés par un entraîneur d'air varie entre 5 µm et 1 mm [GAGNE, 03]. L'air intra-liant sera également considéré comme de l'air microscopique. - 28 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux φl = Vvides Vliant (I.2) avec Vvides : volume des vides contenus dans la matrice de liant (m3) Vliant : volume total occupé par la pâte de liant (m3) Enfin, l'arrangement plus ou moins compact des différents constituants entre eux (empilement de granulats et du liant) crée des vides supplémentaires, à l'origine de la porosité mésoscopique du matériau. V φ meso = vides (I.3) Vt avec Vvides : volume des vides contenus dans le matériau autres que l'air intra-liant et intraparticule (m3) Vt : volume total occupé par le matériau (m3) Liant Granulat Air mesoscopique Air intraparticule Air mesoscopique Air intraliant Fig.I. 1: Porosités du béton - 29 - * : charge minérale non obligatoire granulat sable Béton hydraulique ciment eau air granulat sable Béton argile ciment expansé eau air mortier ciment Béton cellulaire air copeaux de bois ciment eau Béton de bois air sable * filler * Granulats 0,212 0,113 0,200 0,379 0,096 - 170 350 200 250 - 75 à 82% 350 - 650 52% 36% 1600 600 - 900 9% < 1% 60 à 70% 75% 60% 2600 850 275 600 2330 porosité φ ρ (kg/m3) Tab.I. 1 : Caractéristiques mécaniques de quelques bétons légers 0,285 0,350 0,140 0,210 0,015 0,414 0,230 0,127 0,193 0,025 3 volume (m ) 755 925 440 210 351 602 400 193 - Constituants nom masse (kg) granulat minéral (grés, granite...) argile expansée copeaux de bois en vrac granulat bois Agresta 3,5 à 4 5 25 30 6à9 - Rc (MPa) - 2à3 - 2.10 -3 - 14 -4 1.10 - ε (m/m) 36 10 à 12 60 - E (GPa) CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux 1.3.2. Légèreté L’emploi de granulats légers a pour première conséquence une diminution de 20 à 30 % de la masse volumique des bétons. A titre de comparaison (Tab.I. 1), la masse volumique d’un béton hydraulique est de l’ordre de 2300 kg/m3 alors qu’elle se situe autour de 1600 kg/m3 pour un béton d’argile expansée, entre 600 et 900 kg/m3 pour un béton de bois et qu’elle varie entre 350 et 650 kg/m3 pour un béton cellulaire (norme NF P 14-306). L’intérêt est d’avoir un matériau facile à mettre en œuvre lorsqu’il est vendu manufacturé sous forme de parpaings. De plus, ce matériau allégé nécessite des fondations moins importantes lors de la construction. 1.3.3. Comportement et performances mécaniques Les granulats légers entraînent une modification du comportement et des niveaux de performances mécaniques du béton. En effet, le granulat léger est poreux donc moins résistant qu’un granulat usuel. Le fonctionnement mécanique et le mode de rupture des bétons légers sont donc modifiés par rapport à ceux d’un matériau contenant des granulats rigides. Si le béton contient des granulats rigides plus résistants que le mortier, ceux-ci constituent les points durs du système. Les contraintes imposées au matériau, entraînent des déformations notables dans le liant et négligeables dans le granulat. Des zones de concentrations de contraintes naissent donc dans le mortier, qui fissure. L’adhérence entre les granulats et le mortier étant insuffisante pour supporter les niveaux de sollicitation imposés, la fissuration du mortier se produit autour des grains qui se décollent de la pâte de ciment. La résistance du béton est donc pilotée par la résistance de la zone servant d’interface entre le mortier et le granulat rigide. A l’inverse, dans le cas du béton léger contenant des granulats de faible résistance, les contraintes cheminent à travers la pâte, contournant les « points faibles » du matériau. Le mortier subit des niveaux de sollicitation élevés et les déformations de la pâte et des granulats sont importantes. Une fois les granulats écrasés, ils ne participent plus vraiment à la résistance du matériau et le mortier finit par céder. La résistance en traction des granulats pilote donc la résistance en compression du béton léger. Ce mode de rupture est possible car les granulats légers possèdent une surface poreuse importante qui crée une excellente adhérence entre la pâte et le grain. Ce n’est donc pas la liaison au niveau de la surface de contact qui est détruite comme dans le cas de granulats rigides mais le granulat qui cède. Une nuance existe cependant dans le cas de granulats très déformables même si leur résistance reste modérée. En effet, sous l’effet des contraintes le mortier va se déformer et le - 31 - granulat va faire de même par contact granulat-mortier. Comme le granulat peut supporter des niveaux de déformation supérieurs à ceux du mortier, c’est ce dernier qui va fissurer sous l’effet des contraintes et le granulat, n’ayant pas atteint son seuil de rupture, ne sera pas détruit. La rupture du béton se fait dans ce cas précis par rupture du mortier et non par rupture des granulats. Ainsi, les caractéristiques des granulats sont déterminantes dans les performances des bétons légers, comme le montrent entre autres le travail expérimental et l’étude statistique de [CHI & al., 03]. Les niveaux de performances des bétons légers sont inférieurs à ceux des matériaux usuels de construction, puisque les granulats légers possèdent une porosité propre φg, qui les rend déformables. D’une manière générale, la résistance en compression à 28 jours et le module d’élasticité E augmentent lorsque la porosité des granulats φg diminue. Des campagnes expérimentales ont mis en relation performances mécaniques et masse volumique ρ des bétons légers. Dans le cas de granulats d’argile expansée de type Liapor, [ARNOULT,76] a obtenu une relation linéaire entre la résistance en compresson et la masse volumique (Fig.I. 2). Fig.I. 2: Résistance sur prisme en compression à 28 jours (MPa) en fonction de ρ [ARNOULD, 76] Dans le cas du béton cellulaire, la grande proportion de vides d’air dans le matériau est un facteur essentiel dans le niveau de performances. On distingue deux types de pores : les macropores (diamètre supérieur à 60 µm) et les micropores (diamètre < 60 µm) avec une répartition de ¾ de macropores pour ¼ de micropores. - 32 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Fig.I. 3: Répartition de la porosité de trois bétons cellulaires autoclavés en fonction du diamètre des pores [JACOBS & MAYER, 92] Diverses formules empiriques ont été déterminées afin de prédire la résistance en compression Rc et le module d’élasticité E du béton cellulaire autoclavé en fonction de la porosité. On obtient Rc compris entre 1 et 5 MPa et E entre 20 et 30 MPa. Rc (MPa) Feret modifié (béton avec mousse) σ = K (1/(1+ w/c + a/c)) Schiller σ = Ks.ln(Pcr / p) Balshin σ = σ0 (1 - p) n constantes de calage paramètres K, n w/c : ratio eau/ciment , a/c: ratio air/ciment n Ks, Pcr: porosité correspondant à σ = 0 σ0: résistance à porosité 0 p: porosité du béton cellulaire p:porosité du béton cellulaire Tab.I. 2 : Formules empiriques reliant la résistance à la compression, la composition et la porosité [NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00b] Module d'élasticité E Notations -3 6000 (α) 1,5 S 0,7 1555 S 3000 Sp k γsec (fc) 0,5 α: masse volumique sèche (g.cm ) -3 S: résistance à la compression sur cube en kg.cm -3 S: résistance à la compression sur cube en kg.cm -3 Sp: résistance à la compression sur prisme en kg.cm k: constante variant entre 1,5 et 2 -3 γsec: masse volumique sèche (kg.m ) fc: résistance à la compression (MPa) c1, c2: constantes -3 ρ: masse volumique sèche (kg.m ) Tab.I. 3: Equations prédictives du module d’élasticité E du béton cellulaire [NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00b] c1 (ρ - c2) Cependant, il faut nuancer cette corrélation entre performances et porosité en fonction du type de granulats légers et de la quantité employée dans le matériau. En effet, si le volume occupé par les granulats est faible devant le volume de pâte de ciment, sa contribution à la résistance du matériau sera négligeable quelles que soient ses caractéristiques. En revanche, si - 33 - le volume de granulats devient suffisamment important, ses propriétés piloteront les caractéristiques du matériau global. Enfin, il convient de citer quelques travaux récents qui ont permis de concevoir des bétons légers à hautes performances. [ROSSIGNOLO & al., 03] ont travaillé sur des mélanges de granulats légers brésiliens (argiles expansées) dosés entre 224 et 293 kg/m3 et des quantités élevées de ciment variant entre 440 et 710 kg/m3. Un ajout de fumée de silice, à hauteur de 10 % en masse de ciment, est effectué. On obtient ainsi un matériau de masse volumique autour de 1500 kg/m3. Les résistances en compression à 7 jours s’étalent entre 40 et 55 MPa et les modules de rigidité de Young varient entre 12 et 15 GPa. D’autres travaux ont porté sur l’amélioration de la qualité de la matrice [TAMBA & al., 01] et sur des ajouts d’argile dans les bétons de bois [AL RIM & al., 96], [BOUGUERRA & al., 98] . Les résistances en compression finales sont comprises entre 7 et 24 MPa pour des masses volumiques entre 1178 et 1540 kg/m3. Enfin, [SCHINK, 03] rajoute des fibres métalliques dans les bétons légers afin d’obtenir des Bétons Hautes Performances allégés. 1.3.4. Sensibilité à l’eau Les granulats, poreux et perméables, permettent les transferts hydriques sous forme liquide et sous forme vapeur. Dans le cas d’eau liquide, on parle d’absorption et dans le cas d’eau vapeur, on parle de sorption-désorption. La perméabilité Πm représente la faculté qu’a un matériau de laisser un fluide s’écouler en son sein, sous l’effet d’un gradient de pression. Cette propriété de perméabilité n’existe donc que si le matériau possède une porosité non négligeable et que celle-ci est connectée. En revanche, un matériau peut être très poreux (i.e. le béton cellulaire) et peu perméable car les pores, non reliés entre eux, ne constituent pas des chemins continus, dans lesquels le fluide peut s’écouler. Porosité et perméabilité sont donc liés mais le premier n’implique pas forcément le deuxième. 1.3.4.1 L’absorption L’absorption est un phénomène physique par lequel un liquide migre de l’extérieur vers l’intérieur d’un milieu poreux grâce à un phénomène de remontées capillaires. L’absorption entraîne un gain de masse du matériau. Pour expliquer la capillarité, prenons un tube cylindrique de diamètre 2r, jouant le rôle d’un capillaire, dont on plonge la base dans un bac rempli d’eau liquide. L’eau monte dans le tube jusqu’à une hauteur donnée, et il se forme un ménisque à la surface du liquide. Cette hauteur d’équilibre est liée au rayon de courbure du - 34 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux ménisque, lui-même dépendant du rayon du capillaire. La pression de vapeur d'équilibre audessus du ménisque ou pression de capillarité Pc, dépend également de ce rayon et vaut : Pc = 2 σlv cos α m r (I.4) avec σlv : tension de surface à l’interface liquide vapeur (0,072 N.m-1 à T = 20°C) αm : angle de mouillage de l’eau sur le granulat (rad) La pression de vapeur saturante (Pvs) est la pression pour laquelle l’air contient la quantité maximale de vapeur d’eau à une température T donnée. L’angle de mouillage αm correspond à l’inclinaison du ménisque le long de la paroi. AIR EAU ANGLE αm Fig.I. 4 : Remontée d’eau dans le tube par pression capillaire Pour donner une ordre de grandeur, un capillaire de rayon 100 µm a une pression capillaire de 1440 Pa si on considère que le granulat est parfaitement mouillé (cosαm = 1). Ce résultat est interprétable en terme de hauteur de remontées capillaires hc avec à l’équilibre : ρw g hc = Pc d’où hc = 2 σ lv cos α m r g ρw (I.5) (I.6) Une pression de 1 440 Pa correspond alors à une hauteur d’eau de 14,4 cm. Pour un capillaire de 10 µm de diamètre, la pression atteint 14 400 Pa soit une hauteur d’eau de 1,44 mètres. Ces pressions élevées expliquent la cinétique rapide du phénomène d’absorption d’eau par les matériaux poreux. De plus, les hauteurs de remontées capillaires laissent à penser que les pores contenus dans les matériaux se remplissent totalement. Cependant, l'absorption n’est possible que si les capillaires du réseau poreux communiquent pour permettre le transfert de l’eau : on parle alors de porosité ouverte φouverte ou connectée. Lorsque le matériau contient des pores emprisonnés comme dans le cas du - 35 - béton cellulaire, on parle de pores occlus. Ces pores ne participent pas au phénomène d’absorption (Fig.I. 5). Fig.I. 5 : Trois types de porosité présente dans les matériaux Une étude expérimentale menée par Vaquier dans [ARNOULD chap.7, 76] a mis en évidence le rôle de la microstructure dans l’absorption en comparant le type et la distribution par taille des pores de quatre granulats légers (Tab.I. 4) et en analysant les conséquences sur l’absorption. porosité ouverte (%) 55,0 53,9 37,0 37,0 Ponce Argile expansée Schiste expansé Cendre frittée % pores diamètre > 2 microns 68,0 11,7 34,7 17,6 Tab.I. 4 : Porosité ouverte des granulats et proportion de capillaires de diamètre supérieur à 2 microns Il constate que la plus grande partie de l’eau est absorbée en quelques minutes et que la quantité d’eau absorbée n’est pas corrélée à la porosité ouverte mais à la porosité ouverte de diamètre supérieur à 2 microns. Ceci est confirmé par la comparaison entre le volume de liquide maximal absorbé par les granulats et le volume total des capillaires de diamètre supérieur à 2 microns qui sont quasiment identiques. 1.3.4.2 Conséquences sur la prise La mise en présence de constituants possédant des microstructures différentes génère une compétition entre les éléments pour absorber l'eau du mélange, ce qui a des répercussions sur la prise du liant. Pour évaluer ce phénomène, Vaquier a comparé le comportement de granulats de ponce contenant trois quantités d’eau différentes. Il a suivi l’évolution temporelle du taux de saturation Sr des granulats noyés dans un mortier de ciment. Connaissant la quantité maximale d’eau que peut capter le granulat, on définit le degré de saturation Sr comme le rapport entre le volume d’eau contenu dans les granulats et le volume total de vides. Lorsque Sr = 0 % le granulat est parfaitement sec et lorsque - 36 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Sr = 100 %, tous les vides sont occupés par l’eau. La teneur en eau massique ω indique la quantité d’eau liquide contenu dans un matériau par rapport à la masse sèche de ce matériau. ω = M M eau (I.7) sèche avec Meau : masse d’eau dans le matériau Msèche : masse de matériau anhydre Trois degrés de saturation Sr ont été testés Sr = 0 %, 70 % et 100 % (Fig.I. 6). Fig.I. 6 : Variation temporelle du degré de saturation en eau Sr des granulats de ponce dans un mortier [ARNOULD, 76] Lorsque le granulat est non saturé, il absorbe l’eau présente dans le mortier et son taux de saturation augmente pendant 1 à 2 heures. C’est la phase de succion. Après avoir atteint un maximum, Sr diminue et l’eau quitte le granulat, qui joue donc un rôle de « réservoir d’eau ». A l’inverse, dans le cas de granulats saturés en eau, la phase de succion n’existe plus. Pendant quelques heures, Sr reste constant à 100 % (plateau). Puis, Sr décroît car le granulat libère de l'eau. Il est important de noter que les pentes des courbes représentant la diminution de Sr sont parallèles, ce qui laisse à penser que c’est l’hydratation du ciment qui pilote l’assèchement des granulats. Ce comportement vis à vis de l’eau explique le fait que les granulats légers soient préalablement saturés, de façon à laisser la réaction d’hydratation du liant s’initier avec l’eau disponible dans le mélange. Le deuxième effet de l'absorption concerne d'éventuelles variations dimensionnelles du matériau, induites en particulier par le gonflement des granulats. Dans le cas du béton de bois, les variations dimensionnelles sont de l’ordre de 5 mm/m tandis que la norme préconise - 37 - des variations inférieures à 0,45 mm/m pour une utilisation en génie civil. Elles peuvent atteindre 10 mm/m pour des granulats particulièrement hydrophiles. Pour diminuer ces variations, on peut augmenter le dosage en ciment dans le béton afin d’augmenter la rigidité de la matrice entourant le granulat et bloquer le gonflement. Des essais ont permis de d’évaluer les gains massiques et le taux de saturation Sr de particules de bois AGRESTA seules (épicéa) et d’un béton de bois de masse volumique 600 kg/m3 incluant ces particules (Tab.I. 5). En une minute, les particules AGRESTA sont capables d’absorber l’équivalent de leur poids sec, ce qui représente plus de la moitié des volumes de vides disponibles. Le taux d’absorption dépend de la nature des copeaux de bois mais le niveau reste toujours élevé. De même, les niveaux d'absorption sont importants pour le béton de bois. Temps gain massique Copeaux bois Sr (%) gain massique Béton de bois Sr (%) 1 minute 100% 62% 20% 23% 24 heures 140% 87% 27% 31% 28 jours 160% 100% 32% 37% Tab.I. 5: Gain massique en eau et taux de saturation Sr de copeaux de bois AGRESTA (épicéa) et du béton de bois correspondant Les variations dimensionnelles consécutives à l’absorption d’eau par ce béton de bois sont indiquées ci-dessous (Tab.I. 6). Gain massique (%) Gonflement (‰) 20% 2,25‰ 27% 3,75‰ 32% 4,25‰ Tab.I. 6 : Variations dimensionnelles dues à l’absorption de l’eau pour du béton de bois Agresta [PIMENTIA & al., 94] Ce comportement vis-à-vis de l’eau pose des difficultés d’utilisation que ce soit en tant que matériau de remplissage ou en tant que matériau structurant. En effet, les variations dimensionnelles vont créer des efforts sur la structure porteuse (matrice cimentaire ou panneaux des murs à remplir). Celle-ci peut alors être détériorée (fissures, déformations…) et offrir un aspect peu attractif donc incompatible avec une utilisation dans l’habitat. 1.3.4.3 La sorption/désorption Les matériaux possèdent la capacité de condenser l’eau présente dans le milieu extérieur à l’état vapeur. C’est le phénomène de sorption-désorption. Il se quantifie en mesurant les variations de masses des échantillons en fonction des conditions - 38 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux thermodynamiques de conservation (température T fixe et hygrométrie extérieure HR variable). L’hygrométrie HR (en %) caractérise le degré d’humidité d’une ambiance. On définit cette humidité relative comme le rapport de la pression de vapeur (Pv) existant dans un gaz et de la pression de vapeur saturante (Pvs) dans les mêmes conditions de température. P H R = 100 × v P vs (I.8) HR permet donc de connaître la fraction de vapeur réellement présente dans l’air pour une température donnée par rapport à la quantité totale de vapeur que peut contenir l’air sous cette même température. Lorsque la température T baisse, l’air se refroidit et la pression de vapeur saturante diminue donc la quantité de vapeur que peut contenir l’atmosphère baisse (air relativement sec en altitude). En revanche, plus la température T sera élevée et plus l’air pourra contenir de vapeur d’eau (humidité observable dans les zones tropicales) La pression de vapeur (Pv) est la pression pour laquelle un corps pur en phase condensée (liquide ou solide) est en équilibre avec sa phase vapeur sous une température T donnée et fixée. Les courbes de sorption-désorption représentent usuellement la teneur massique en eau ω du matériau sous une humidité HR variant entre 0 et 100 %. Les figures suivantes permettent de réaliser un comparatif entre des matériaux peu absorbants comme le ciment, le plâtre ou la brique et des matériaux absorbants comme le béton cellulaire ou le béton de bois DURISOL (mélange ciment et particules de bois issues du recyclage des charpentes). - 39 - Fig.I. 7 : Courbes de sorption de quelques matériaux [SERADA & FELDMAN, 01] Fig.I. 8: Courbes de sorption et désorption du béton cellulaire de ρ = 500 kg/m3 à T = 20°C [AAC, 78] - 40 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux ρ (kg/m3) Gain massique sous HR=50% 3 Veau (m ) pour 1 3 m de matériau plâtre - ciment 2500 0,20% 0,005 brique 1800 0,50% 0,009 beton hydraulique 2300 2% 0,046 béton cellulaire 500 3% 0,015 béton de bois 800 8% 0,064 Tab.I. 7 : Gain massique et volumique de différents matériaux sous HR = 50 % Le tableau I.7 permet de comparer les quantités d’eau effectivement présentes dans les matériaux sous HR = 50 %. On note l’existence d’un rapport volumique de 12 entre la quantité d’eau adsorbée par le mélange plâtre-ciment et celle adsorbée par le béton de bois. De même, on observe un rapport volumique de 3 entre le béton hydraulique et le béton cellulaire, bien que la teneur en eau massique ω des deux matériaux soit très proche. Ces constatations permettent de souligner le fait que les courbes de sorption-désorption doivent être utilisées avec prudence. Il convient de se ramener à des notions de concentrations volumiques afin d’évaluer la place occupée par l’eau et l’impact sur les propriétés du matériau, principalement dans le domaine thermique. 1.4. Propriétés thermiques La conduction thermique λ est le flux de chaleur par mètre carré, traversant un matériau d’un mètre d’épaisseur pour une différence de température d’un degré entre ses deux faces. Cette propagation d’énergie se produit dans un solide par agitation des molécules constitutives du matériau. La conductivité thermique λ est donc une grandeur intrinsèque du matériau, qui dépend uniquement de ses constituants et de sa microstructure. Un béton usuel à base de granulats rigides, contient de l'air, dû à l'arrangement de la phase solide (squelette granulaire) et à la prise de liant. Or, l’air immobile conduit faiblement la chaleur. Les bétons à base de granulats légers ont donc été développés, car ils permettent d'augmenter la proportion volumique d'air dans le matériau (i.e. la porosité), en ajoutant l'air intra-particule (i.e. du granulat). A titre comparatif, un béton hydraulique (ρ = 2300 kg/m3) a une conductivité thermique de 2,0 W/(m.K) tandis qu’un béton d’argile expansé (ρ = 1600 kg/m3) a une conductivité thermique de 0,60 W/(m.K). Cependant, cette relation entre porosité et faible conductivité thermique doit être nuancée en tenant compte d’un autre mode de transfert de la chaleur, la convection. Cette dernière traduit les transferts de chaleur entre un solide immobile et un fluide en mouvement. Lorsque le matériau contient un important réseau de pores connectés, l’air peut s’y déplacer et les transferts de chaleur par convection peuvent devenir significatifs. En revanche, un - 41 - matériau contenant un grand nombre de pores occlus comme le béton cellulaire (φ ≈ 80 %) ne présente pas de convection. Plus de la moitié de l’air est immobile dans les pores occlus et la conductivité thermique est faible (Fig.I. 9). Fig.I. 9 : Conductivité thermique λ en fonction de la masse volumique sèche du béton cellulaire [AAC, 78] Un deuxième élément permettant de caractériser les propriétés thermiques des matériaux est la chaleur massique ou chaleur spécifique C en J/(kg.K). Cette grandeur caractérise la quantité de chaleur nécessaire pour élever la température de l’unité de masse de 1°C. Plus la chaleur massique sera élevée, plus le matériau aura besoin d’énergie pour que sa température augmente. Il sera donc moins sensible aux variations de températures du milieu extérieur. Un coefficient C élevé traduit une forte inertie thermique donc une tendance du matériau à peu évoluer lorsque les conditions extérieures changent. Il sert ainsi de régulateur de la température à l’intérieur de la structure. Enfin, à partir de la conductivité λ et de la chaleur massique C, on définit la diffusivité a (J/(m.K)). Cette grandeur caractérise la vitesse à laquelle la chaleur se propage par conduction dans un corps. Plus la valeur de a est faible, plus la chaleur met de temps à traverser le matériau. a= λ ρc (I.9) Ainsi, le pouvoir isolant du matériau dépend non seulement de la valeur de λ mais également de la vitesse de transfert thermique traduite par a. - 42 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux ρ (kg/m ) porosité φ C (J/kg.K) λ (W/(m.K)) a (m .s ) Air 1,2 - 1000 0,026 2,2E-05 Eau liquide 998 - 4180 0,602 1,4E-07 Styrodur 50 - - 0,033 - Cuivre 8900 - 390 400 1,2E-04 Contreplaqué 700 - 1500 0,12 1,1E-07 Béton hydraulique 2330 8% 1050 1,80 à 2,00 7,4 à 8,2E-07 Béton argile expansé 1600 36% 900 0,46 3,2E-07 Béton cellulaire 350 à 650 75 à 82% 880 0,16 à 0,33 5,2 à 5,8E-07 Béton de bois 600 à 900 52% 1200 0,09 à 0,30 1,2 à 2,8E-07 Brique 1800 - 860 1,15 7,40E-07 3 2 -1 Tab.I. 8 : Caractéristiques thermiques de quelques matériaux Une synthèse des caractéristiques thermiques de quelques matériaux est faite dans un but comparatif (Tab.I. 8). On constate par exemple, qu’un béton cellulaire est plus poreux qu’un béton de bois et possède une conductivité thermique plus faible. En revanche, il diffuse la chaleur plus rapidement. Un dernier élément concernant les propriétés thermiques des bétons légers est lié au pouvoir absorbant de ces matériaux, qui peuvent contenir des quantités d’eau non négligeables. L’eau étant un excellent conducteur, elle induit une augmentation de la conductivité thermique du béton, en se substituant à l’air isolant. Divers travaux ont permis de corréler la conductivité thermique λ et la teneur en eau massique ω des bétons légers par des formules empiriques. Des mesures expérimentales sur du béton de bois ont montré que la conductivité thermique augmentait de 40 à 90 % pour des teneurs en eau ω de 30 %. - 43 - Cependant, les variations de λ dépendent de la masse volumique sèche puisqu'une teneur en eau massique ω identique pour deux bétons de bois ne représentera pas le même volume d'eau dans chaque matériau humide. Ceci permet d'expliquer les écarts observables sur la figure suivante. 0,5 0,45 λ (W/(m.K)) 0,4 0,35 0,3 0,25 1000 kg/m3 0,2 550 kg/m3 0,15 0,1 0,05 0 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% Teneur en eau massique ω (%) Fig.I. 10 : Conductivité thermique sèche et humide de deux bétons de bois DURISOL [KOSNY & DESJARLAIS, 94] Des études similaires à celles réalisées sur les bétons de granulats légers, ont été menées sur le béton cellulaire, afin d’évaluer les variations de conductivité λ induites par la présence d’eau liquide. Fig.I. 11 : Conductivité thermique λ en fonction de la teneur en eau massique ω du matériau [AAC, 78] - 44 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Les premiers études de ce phénomène, on considère qu’il existait une dépendance quasi-linéaire entre la conductivité et la masse volumique [AAC, 78]. Cependant, ces conclusions ont été obtenues en couvrant une gamme restreinte de teneurs en eau (Fig.I. 11). Plus tard, [BOUTIN, 96] montre par homogénéisation que la dépendance entre λ et ρ n’est pas linéaire mais curviligne. Cette approche théorique est largement abordée dans le chapitre 3 consacré aux propriétés thermiques. Cependant, quelle que soit la forme mathématique de la relation entre teneur en eau ω et conductivité, il est important de retenir que la présence d’eau diminue le pouvoir isolant des matériaux dans des proportions non négligeables. 1.5. Propriétés acoustiques Le dernier élément de caractérisation des matériaux concerne les propriétés acoustiques. Les mécanismes mis en jeu sont amplement détaillés dans le chapitre consacré au comportement acoustique. Ce paragraphe présente de manière succincte les quelques éléments permettant de cerner les enjeux de cette étude. Lorsqu’un son est émis, une onde acoustique se propage dans l’air jusqu’à atteindre un obstacle. Lorsque cette onde incidente rentre en contact avec un matériau, deux ondes sont créées : une onde réfléchie qui se propage dans le même milieu que l’onde incidente, une onde transmise qui traverse le matériau de part en part. Un traitement acoustique est une démarche qui va influer soit sur l’onde transmise, soit sur l’onde réfléchie de façon à améliorer l’acoustique d’un local. L’isolation acoustique vise à limiter la transmission des sons de part et d’autre d’un matériau. Cette isolation est généralement réalisée par de matériaux de forte densité car leur inertie fait qu'ils sont plus difficilement mis en mouvement par les ondes acoustiques. Ils génèrent donc moins d’ondes transmises par vibrations. Les bétons légers, comme leur nom l’indique, ne fonctionnent pas par cet effet de masse. On peut également limiter la transmission du son en imperméabilisant la surface du matériau. Les ondes sont alors réfléchies et renvoyées vers la source émettrice. Les matériaux peu perméables sont donc de bons isolants, dans le sens où ils empêchent la transmission du son entre deux pièces contiguës. Cependant, les ondes réfléchies viennent perturber l’intelligibilité du discours dans le local, en créant des interférences. La troisième façon d’agir sur les ondes acoustiques est l’absorption. Les matériaux amortissement les sons par dissipation visqueuse. Cependant, ce mécanisme de dissipation d’énergie suppose que les ondes puissent pénétrer dans le matériau et disposer d’un espace - 45 - suffisant pour être amorties. Il faut donc une certaine perméabilité et une porosité ouverte importante. La perméabilité Π d'un matériau homogène, se définit à partir de la loi de Darcy, qui relie le débit du fluide traversant à la perte de charge et à la surface traversée. Dans le cas d’un écoulement non turbulent dans un milieu isotrope, on a : v = - Π ∇P (I.10) Q = Π S ∆P η ∆l (I.11) η avec v : vitesse d’écoulement du fluide (m.s-1) Π : coefficient de perméabilité du matériau (m2) η : viscosité dynamique du fluide (Pa.s) Q : débit volumique du fluide ∆l : épaisseur du matériau poreux (m) S : section de passage du fluide (m2) ∆P = P2 – P1 : différence de pression appliquée sur chaque face de l’échantillon (Pa) Lorsque le fluide traversant le poreux est de l’air, on utilise comme paramètre la résistance au passage de l’air σ. Elle peut se calculer directement à partir des mesures réalisées sur un perméamètre, grâce à la relation : σ = P 2 - P1 S ∆l Q (I.12) σ varie entre 1 000 et 300 000 Pa.s.m-2 pour les matériaux poreux couramment utilisés en génie civil. En combinant (IV.11) et (IV.12), on en déduit la relation de passage entre résistivité à l’air et perméabilité macroscopique : Π=1 η σ (I.13) Le pouvoir absorbant d’un matériau se caractérise par le coefficient d’absorption α. Quand α = 1, toute l’énergie de l’onde incidente est dissipée donc le son est entièrement amorti. Quand α = 0, le son n’est pas amorti du tout. Ce coefficient α dépend de la fréquence. En général, il est mesuré sur toute la gamme de fréquences, puis moyenné sur des bandes de fréquences appelées octaves. Ceci permet de comparer plus facilement les matériaux entre eux. Parmi les bétons légers, seul le béton de bois est utilisé actuellement pour ses qualités acoustiques, car il représente un bon compromis entre une certaine masse volumique et une bonne capacité d’absorption. La Fig.I. 12 permet de comparer le coefficient d’absorption α du - 46 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux béton de bois STRUCTA (panneau double faces commercialisé par Béton Bois Système), celui du béton cellulaire Siporex (mesures LGM), et ceux du béton peint, de la brique, du contre-plaqué et du plâtre (mesures CEBTP). Au delà de 400 Hz, le béton de bois absorbe plus de 80 % de l’énergie de l’onde incidente, ce qui traduit une atténuation très importante du son. Seul 20 % de l’énergie acoustique incidente est réfléchie par le matériau. Le pouvoir absorbant du béton de bois est deux à trois fois plus élevées que celui des autres matériaux de construction rencontrés usuellement dans le bâtiment. 1,0 0,9 0,8 0,7 α 0,6 Panneaux Béton Bois Système - Mur double face STRUCTA - e=13cm Béton Cellulaire Siporex (e=5cm) Béton peint Contre-plaqué Briques Plâtre 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0 125 250 500 1000 2000 4000 Fréquence (Hertz) Fig.I. 12: Coefficient d’absorption acoustique α par octave de quelques matériaux (LGM et CEBT) ρ (kg/m ) porosité φ perméabilité Π (m ) α Contreplaqué 700 - - 0,10 à 0,40 Béton hydraulique 2330 8% Béton argile expansé 1600 36% Béton cellulaire 350 à 650 75 à 82% Béton de bois 600 à 900 52% - > 0,55 Brique 1800 - - < 0,05 3 2 10 -16 à 10 -18 - 1 à 4.10 0,30 à 0,40 - -14 0,21 à 0,32 Tab.I. 9 : Caractéristiques acoustiques de quelques matériaux - 47 - En conclusion, la porosité globale d’un matériau n’explique pas à elle seule une bonne ou une mauvaise absorption acoustique. Le béton cellulaire par exemple possède une forte porosité mais il n’absorbe pas plus de 40 % du son, car il est peu perméable. L’onde sonore ne parvient pas à pénétrer dans le matériau et ne peut donc pas être amortie. Il en est de même pour le plâtre et la brique dont les surfaces sont peu perméables. L'étude du comportement acoustique devra donc prendre en compte ces deux paramètres simultanément, afin d'analyser les données expérimentales recueillies (chapitre 4). 2. CARACTERISATION EXPERIMENTALE DES CONSTITUANTS Le béton de chanvre est un mélange dans des proportions très variables de deux constituants de nature très différente, à savoir un granulat d’origine végétale et un liant à prise hydraulique et aérienne. Les caractéristiques de chacun des composants sont exposées dans un premier temps, avant d’aborder les propriétés du mélange. 2.1. Le liant 2.1.1. Composition chimique Les deux liants utilisés sont composés d’un mélange de chaux hydraulique et de chaux aérienne. Le premier liant s’appelle le T70 et le second le Tradichanvre, ce qui correspond à la dénomination commerciale de ces produits. Les compositions massiques et volumiques sont indiquées ci-dessous (Tab.I. 10). Le signe * dans T70 indique que ce liant contient environ 10 % en volume de pouzzolanes (inclus dans la chaux hydraulique). chaux hydraulique T70* 37% Tradichanvre 22% MASSE chaux aérienne 63% 58% sable 20% chaux hydraulique 25% 10% VOLUME chaux aérienne 75% 55% sable 35% Tab.I. 10: Composition chimique des liants T70 et Tradichanvre Les proportions sont de 1/3 de chaux hydraulique pour 2/3 de chaux aérienne. Compte tenu des mécanismes de prise différents pour les deux types de chaux, ceci laisse présager d’un durcissement en deux étapes. De plus, le liant contient des ajouts parmi lesquels un entraîneur d’air, qui explique la porosité observable sur les échantillons après prise (Fig.I.13, - 48 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux I.14 et I.15). Le T70 entre dans la composition du béton de chanvre et le Tradichanvre est utilisé pour formuler des enduits. Fig.I. 13 : Coupe d’un échantillon de T70 après sa prise Pores de diamètre 0,1 mm Fig.I. 14 : Pores de taille mésoscopique dans le liant T70 10 µm Fig.I. 15 : Pores de taille microscopique dans le liant T70 - 49 - Les trois figures montrent les différentes tailles de pores observables dans le liant pur. On note l’existence de deux échelles distinctes avec des pores de diamètre de l’ordre du micromètre (échelle micro), des pores de diamètre de l’ordre du dixième de millimètre (échelle meso). Ces tailles de pores faibles vont entraîner des pressions de capillarité élevées donc des hauteurs de remontées capillaires importantes. Le liant T70 possède donc une sensibilité à l’eau dont il faudra tenir compte dans l’étude. Des conclusions identiques sont obtenues pour le Tradichanvre. 9-10 8-9 7-8 6-7 10 5-6 4-5 9 3-4 2-3 8 1-2 0-1 7 6 5 Hauteur remontées capillaires (m) 4 3 90 78 2 66 1 53 angle de mouillage (°) 37 0 0 1 0,5 0,1 0,05 0,01 0,001 Diamètre capillaires (mm) Fig.I. 16 : hauteur de remontées capillaires pour des pores de diamètre compris entre 1µm et 1 mm 2.1.2. Prise de la chaux La chaux est obtenue par décomposition du calcaire sous l’effet de la chaleur [LAFUMA, 64]. Ce processus de décomposition permet d’obtenir les deux formes de chaux (aérienne et hydraulique) présentes dans les liants. La chaux aérienne Ca(OH)2 obtenue par calcination du calcaire pur à plus de 900°C, effectue sa prise (dite « prise aérienne ») par carbonatation de la chaux vive (CaO) avec le CO2 de l’air en milieu humide. En effet, la vapeur d’eau et le CO2 forment de l’acide carbonique. La chaux fixe ensuite le CO2 contenu dans cet acide pour permettre l’apparition du calcaire. Cette prise démarre rapidement mais le phénomène ralentit par la suite et s’étend sur plusieurs années. - 50 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Chaux aérienne Ca(OH)2 + CO2 (milieu humide) Calcaire CaCO3 La chaux hydraulique est obtenue par calcination d’un calcaire riche en silice et oxyde de fer. Cette chaux présente un phénomène de double prise. Dans un premier temps, il se produit un durcissement à l’eau, relativement rapide (1 mois environ). Puis, dans un second temps, un durcissement à l’air (dû au CO2), beaucoup plus lent, s’étend sur plusieurs années. Chaux hydraulique + H2O 2CaO,SiO2 Chaux aérienne Ca(OH)2 Ca(OH)2 CaO,SiO2nH2O + CO2 (milieu humide) Calcaire CaCO3 La présence de ces deux formes de chaux explique la cinétique de prise globalement lente communément admise. En effet, une première prise à court terme est assurée par la réaction entre les silicates de calcium (ou aluminates et ferro-aluminates de calcium) et l’eau qui forment des hydrates insolubles ainsi que de la chaux aérienne. Ces éléments confèrent au liant des propriétés mécaniques à court terme, tandis que les propriétés à long terme sont dues à la réaction de carbonatation de la chaux aérienne. 2.1.3. Cinétique de séchage du liant pur Le liant pur à l’état frais contient une forte proportion d’eau (52,5 % en volume). Une partie de celle-ci est utilisée pour hydrater la chaux, c’est la prise. L’eau restante se vaporise progressivement vers le milieu extérieur, ce qui constitue le séchage. 2.1.3.1 Les étapes du séchage Le séchage est dû à l’effet combiné de plusieurs phénomènes d’origine physique couplés entre eux (transferts de masse, changements de phases) [CRAUSE & al., 81]. En pratique, la démarche la plus simple pour étudier le séchage est de suivre l’évolution de la masse des échantillons dans le temps. A partir de ce premier résultat, on peut ensuite accéder - 51 - aux données caractéristiques de la cinétique de séchage à savoir le pourcentage de pertes massiques, la teneur en eau massique, la vitesse d’évaporation. Définition des paramètres caractéristiques Lors du suivi du séchage, on obtient une première courbe donnant la masse en fonction du temps : M = f(t). Afin de pouvoir comparer les échantillons entre eux, on utilise le pourcentage massique de perte qui vaut : % pertes = ∆M 100 = M0 M 0 - M(t) 100 M0 (I.14) avec M0 : masse initiale de l’échantillon (en g) M(t) :masse de l’échantillon au temps t (en g) La vitesse d’évaporation Vévap. est définie comme la quantité d’eau qui disparaît, rapportée à la surface de séchage et au temps écoulé. Vévap. = ∆M ∆t S en g/(j.m2) (I.15) séchage avec ∆M = masse eau perdue entre t1 et t2 en g ∆t = t2 – t1 = temps entre deux pesées en jours (j) Sséchage = surface de séchage (en m2) Le mécanisme du séchage [WHITAKER, 77] [DERDOUR, 98] Initialement, le matériau contient une quantité d’eau homogène dans toute la géométrie de l'échantillon. Deux zones peuvent être définies dans le matériau : une zone diffusionnelle et une zone à teneur en eau initiale. La zone diffusionnelle, située à la surface du matériau, permet la remontée d’eau liquide par capillarité, sa vaporisation et son évacuation vers le milieu extérieur. La zone à teneur en eau initiale se situe, quant à elle, dans la partie la plus éloignée de la surface. Elle alimente la zone diffusionnelle par effets capillaires, jouant le rôle de réservoir. Lorsque le matériau sèche, il se produit une migration de l’eau vers la « zone diffusionnelle ». Cette eau s’évapore et il est nécessaire d’alimenter la surface pour maintenir l'équilibre hydrique. Tant que le matériau contient suffisamment d’eau pour alimenter la « zone diffusionnelle », la vitesse de séchage reste constante. A partir d’une teneur en eau dite critique, l’eau liquide ne peut plus rejoindre la surface. Un gradient de teneur en eau se développe et la vitesse de séchage décroît. Cette dernière est gouvernée par la diffusion de vapeur. Une zone sèche apparaît en surface du - 52 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux matériau, la zone diffusionnelle s’éloigne de la surface en gardant quasiment la même épaisseur et la zone à teneur en eau initiale décroît, jusqu’à disparaître à la fin du séchage. 2.1.3.2 Résultats expérimentaux Lors de l’étude du séchage deux aspects doivent être pris en compte : l’état final du matériau et la cinétique du phénomène. L’état final du matériau, c’est-à-dire lorsqu’il est en équilibre avec le milieu extérieur, dépend principalement des conditions thermodynamiques extérieures et de la microstructure du matériau. La cinétique de séchage dépend quant à elle non seulement des conditions extérieures mais également de la géométrie du matériau, de la surface de séchage, de la porosité. Composition des liants T70 et Tradichanvre à l’état initial et final Des mesures réalisées à l’aide d’un air-mètre sur du T70 ont mis en évidence une forte présence d’air au moment de la fabrication (phase fluide). On obtient expérimentalement une porosité initiale autour de 14 % pour les masses volumiques de liant voisines de 1450 kg/m3. Porosité 20% 15% 10% 5% 0% 1430 1440 1450 1460 1470 ρ (kg/m ) 3 Fig.I. 17 : Porosité du liant T70 à l’état frais mesurée à l’air-mètre La composition finale du liant pur est calculée par une approche simplifiée. La masse volumique des grains de liant ρgrains_liant est prise égale à 2700 kg/m3. Cette valeur correspond à une phase minérale classique. Elle est vérifiée à partir des mesures à l’air-mètre, en remontant aux valeurs de la masse volumique de la poudre. De plus, les variations de volume des échantillons sont négligées car elles sont du même ordre de grandeur que la précision de la mesure géométrique (Fig.I.18). Ceci revient à considérer que le volume d’eau évaporée est intégralement remplacé par de l’air. Des essais de retrait libre ont été réalisés sur des échantillons de béton de chanvre de formulation A4-1 (19 % de liant en volume). On a suivi l’évolution du déplacement axial et - 53 - du déplacement radial sur des éprouvettes cylindriques 16 x 32. On mesure une contraction radiale de l’ordre de 7 mm/m et un tassement de l’ordre de 16 mm/m. 1800 1600 AXIAL 1400 ε (x1e5) 1200 1000 RADIAL 800 600 400 A4 - 1 / 19 % 200 0 0 5 10 15 20 25 jours 30 35 40 45 50 Fig.I. 18 : Déformations axiales et radiales lors du séchage de A4-1 [CEREZO, 00] On obtient par calcul une proportion finale d'air de l’ordre de 45 % à T = 20°C et HR = 50 %. Après séchage en étuve à T = 60°C pendant 7 jours consécutifs, cette proportion dépasse les 50 % (Fig.I.19). L’écart entre ces deux mesures correspond au phénomène de sorption-désorption. La quantité d'eau résiduelle après séchage (≈ 15 % en volume) correspond à l'eau liée dans le matériau. Le liant Tradichanvre est constitué de chaux hydraulique, de chaux aérienne et de sable. Les mêmes hypothèses de calculs sont faites : − ρgrains_liant = 2700 kg/m3 (ρsable = 2650 kg/m3) − pas de variation du volume total A l’état frais, le Tradichanvre présente une masse volumique moyenne ρ de 1750 kg/m3 soit une proportion initiale d'air de 7 %. A T = 20°C et HR ambiant = 40 %, on obtient ρ ≈ 1400 kg/m3 soit une proportion d'air de l’ordre de 42 %. Après séchage en étuve, cette proportion atteint 48 % (Fig.I. 20). - 54 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Liant frais M (kg) HR = 40% (ambiant) V (m3) M (kg) 925 grains liant 0,344 205 eau 0,205 0 air 0,451 925 grains liant 0,344 525 eau 0,525 0 1450 air 0,131 1,000 V (m3) 1130 1,000 HR = 0% M (kg) V (m3) 925 grains liant 0,344 150 eau 0,150 0 air 0,506 1075 1,000 Fig.I. 19 : Composition massique et volumique du T70 à l’état frais et après séchage à l’air ambiant (HR = 40 %) et à HR = 0 %. Liant frais M (kg) HR = 40% (ambiant) V (m3) M (kg) 1300 grains liant 0,483 98 eau 0,098 0 air 0,419 1300 grains liant 0,483 447 eau 0,447 0 1747 air 0,070 1,000 1398 V (m3) 1,000 HR = 0% M (kg) V (m3) 1300 grains liant 0,483 40 eau 0,040 0 air 0,477 1340 1,000 Fig.I. 20 : Composition massique et volumique du Tradichanvre à l’état frais et après séchage à l’air ambiant HR = 40 % et à HR = 0 %. - 55 - Conditions de réalisation des essais La cinétique de séchage des liants a été étudiée sur 65 échantillons, conservés dans des moules cylindriques en carton étanche de 11 cm de diamètre et 22 cm de hauteur et stockés dans une salle maintenue à T = 20°C et HR = 50 %. Le séchage s’effectue uniquement par la face supérieure des éprouvettes, mesurant 100 cm2. Les pesées sont réalisées en préambule des essais de caractérisation mécanique. On obtient ainsi les variations de masse des liants, pour diverses échéances comprises entre 7 jours et 24 mois. Courbes expérimentales de séchage La cinétique du séchage des deux liants est étudiée au travers de quatre courbes, représentant : - le pourcentage de pertes massiques en fonction du temps (Fig.I.21) - la teneur en eau massique ω en fonction du temps (Fig.I.22) - la vitesse d’évaporation en fonction du temps (Fig.I.23) - la vitesse d’évaporation en fonction de la teneur en eau massique (Fig.I.24) Ces courbes permettent de définir les périodes durant laquelle les vitesses de séchage sont constantes et les teneurs en eau critique pour chaque liant. 25 Liant T70 Liant Tradichanvre % pertes massiques 20 15 10 5 0 0 5 10 MOIS 15 20 25 Fig.I. 21 : Pourcentage massique de pertes du T70 et du Tradichanvre en fonction du temps - 56 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux 35% 30% Liant T70 Liant Tradichanvre 25% ω (%) 20% 15% 10% 5% 0% 0 5 10 Mois 15 20 25 Fig.I. 22 : Teneur massique en eau ω du T70 et du Tradichanvre en fonction du temps 600 500 Vévap (g/(j.m²)) . 400 Liant T70 Liant Tradichanvre PERIODE OU LA VITESSE D'EVAPORATION EST CONSTANTE 300 200 100 0 0 5 10 MOIS 15 20 Fig.I. 23 : Vitesse d’évaporation de l’eau en fonction du temps - 57 - 25 600 Vévap. (g/(j.m²)) 500 Liant T70 Liant Tradichanvre 400 TENEUR EN EAU CRITIQUE 300 200 100 0 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% ω (%) Fig.I. 24 : Vitesse d’évaporation de l’eau en fonction de la teneur en eau ω du matériau Interprétation des résultats Les courbes correspondant au séchage des deux liants montrent un découpage temporel en quatre étapes au cours desquelles la cinétique du phénomène varie. La première étape dure 1 mois environ pour chacun des deux liants. Elle correspond à une perte d’eau importante dans le matériau, avec une vitesse d’évaporation très élevée. Les teneurs en eau ω sont initialement de 37 % pour le T70 et de 36 % pour le Tradichanvre. Les teneurs en eau ω au bout d’un mois sont de 26 % pour le T70 et de 19 % pour le Tradichanvre. En calculant le volume d’eau correspondant à ces variations de teneurs en eau, on trouve que les deux liants ont perdu un volume d’eau équivalent, de l’ordre de 0,11 m3 d’eau par m3 de liant frais. La deuxième étape correspond à la période de séchage à vitesse Vévap constante. Cette phase correspond au transfert interne d’humidité vers la surface par effets capillaires. Elle s’étend de 1 à 4 mois pour le Tradichanvre et de 1 à 9 mois pour le T70. Cette différence s’explique par une quantité d’eau initiale plus importante dans le T70 par rapport au Tradichanvre, qui possède donc une réserve plus faible pour alimenter la surface en eau. Les conditions externes (géométrie, surface de séchage) jouent un rôle prépondérant au cours de - 58 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux cette étape. Les deux vitesses Vévap obtenues, sont très proches, ce qui s’explique par des conditions hydriques externes identiques pour les deux liants. La troisième étape s’étend de 4 à 15 mois pour le Tradichanvre et de 9 à 24 mois pour le T70. Le cœur du matériau ne contient plus assez d’eau pour compenser les pertes de surface et la vitesse Vévap décroît lentement. Cette étape est plus courte pour le Tradichanvre car la quantité d’eau disponible est plus faible que pour le T70. La dernière étape correspond à un état d’équilibre hydrique du liant dans des conditions thermodynamiques ambiantes. On peut considérer que le séchage des échantillons est terminé au bout de deux ans. 2.1.4. Propriétés mécaniques du liant pur Les deux liants présentent un comportement à la rupture de type fragile. Pour chaque échéance, des essais de compression monotone et cyclique sont réalisés pour obtenir les valeurs de σmax (maximum de contrainte supporté par le matériau), E (module d’Young), ν (coefficient de Poisson), εσmax (déformation au niveau du maximum de contrainte). Ces paramètres sont définis précisément dans le chapitre consacré au comportement mécanique du béton de chanvre. 3 σmax 2,5 2 σ (MPa) DISCONTINUITE DUE A LA MICROFISSURATION 1,5 1 0,5 εσmax E 0 0 0,002 0,004 0,006 ε 0,008 axial 0,01 Fig.I. 25 : Micro-fissuration du Tradichanvre - 59 - 0,012 0,014 0,016 Au cours d’un essai de compression monotone, des discontinuités associées au développement de micro-fissurations sont observables en amont du maximum de contraintes admissibles (Fig.I. 25). La détermination du module d’Young E des liants sera donc faite pour des déformations de l’ordre de 0,4 % de façon à toujours se positionner avant l’apparition des discontinuités dans la monotonie de la courbe. Cette micro-fissuration est systématique sur le Tradichanvre compte tenu de la forte présence de sable dans les échantillons. En revanche, ce comportement est peu observable sur le T70. De plus, le comportement du liant est évolutif avec une hydratation progressive de la chaux lors de la prise, qui permet une amélioration progressive de la résistance mécanique (σmax) et de la rigidité du matériau (E), et une réduction de la déformation à la rupture (εσmax). L’absence de résultats sur la durée de prise de ces liants a nécessité la mise en place d’un suivi temporel des caractéristiques mécaniques (Fig.I. 26 et Fig.I. 27). Les essais sur le T70 montrent que la prise n’est pas tout à fait terminée à 15 mois. Des essais supplémentaires sont en cours afin de confirmer l’hypothèse selon laquelle le niveau final de caractéristiques est proche. Les essais sur Tradichanvre montrent deux paliers dans l’évolution des caractéristiques avec une stabilisation vers 3 mois et une autre vers 6 mois. Le niveau final de performances semble atteint. 6 15 mois 5 12 mois 6 mois σ (MPa) 4 2 mois TEMPS 14 jours 3 2 1 0 0 0,005 0,01 εaxial 0,015 Fig.I. 26 : Essais de compression sur liant T70 pur entre 14 jours et 15 mois - 60 - 0,02 CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux 3,5 9 mois 3 12 mois 2,5 6 mois σ (MPa) TEMPS 1 mois 2 4 mois 3 mois 1,5 1 0,5 0 0 0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 ε 0,012 0,014 0,016 0,018 0,02 axial Fig.I. 27 : Essais de compression sur liant Tradichanvre pur sur 1 an Enfin, les caractéristiques mécaniques maximales atteintes dans le laps de temps de l’étude sont relativement faibles comparées à celles d’autres matériaux du génie civil. Ceci laisse donc déjà présager du fait que le béton de chanvre sera difficilement utilisable en tant que matériau porteur (Tab.I. 11). σmax (MPa) T70 Tradichanvre Mortier de ciment 5 3 10 εσ max (m/m) E (GPa) -4 0,5 0,3 20 100.10 -4 100.10 -4 5.10 Tab.I. 11 : Comparaison des caractéristiques mécaniques de matériaux de génie civil Les essais de compression réalisés sur le liant pur ont permis de mettre en évidence des résistances mécaniques modérées en comparaison de celles des autres liants. En revanche, les niveaux de déformations supportés sont plus importants, ce qui devrait permettre au liant de mieux s’adapter à la compressibilité du granulat végétal que ne le ferait un liant comme le ciment par exemple. 2.1.5. Propriétés thermiques Des mesures de conductivité thermique λ ont été effectuées sur du liant T70 préalablement séché à l’étuve à T = 60°C. Les résultats montrent que ce liant est un conducteur moyen par rapport aux autres matériaux du génie civil. Pour des valeurs de masse - 61 - volumique ρ = 1050 kg/m3, on mesure des conductivités λ = 0,24 W/(m.K). Des essais identiques menés sur du Tradichanvre par [SAMRI, 04], donnent une conductivité λ = 0,28 W/(m.K) pour ρ = 1400 kg/m3. 2.1.6. Propriétés acoustiques Le liant T70 possède une porosité non négligeable une fois la prise terminée puisqu’elle avoisine les 44 %. Des mesures du coefficient d’absorption α sont réalisées dans la gamme de fréquences 100 à 2000 Hz à l’aide d’un tube à ondes stationnaires (tube de Kundt). Les valeurs obtenues sont de l’ordre de 0,25 c’est-à-dire que 25 % du son environ est absorbé par les échantillons de liant pur. Ces faibles niveaux de performances peuvent s’expliquer par une perméabilité peu élevée du liant. Le réseau poreux est constitué de microbulles d’air occlus à la manière de celui du béton cellulaire. Les ondes sont donc réfléchies sur la surface peu perméable des échantillons et ne peuvent pas pénétrer dans le matériau pour s’amortir. Le liant Tradichanvre a un coefficient d’absorption α variant entre 0,15 et 0,20. Ceci pourrait s’expliquer par la présence de sable dans le mélange qui rendrait le Tradichanvre plus imperméable que le T70. 0,45 0,40 0,35 0,30 α 0,25 0,20 0,15 0,10 0,05 Siporex (5cm) T70 - 10 cm T70 - 20 cm Tradichanvre - 10 cm Plâtre Briques 0,00 125 250 500 1000 2000 Hertz Fig.I. 28 : Comparaison des coefficients d’absorption de différents matériaux de construction - 62 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux 2.2. Les particules de chanvre 2.2.1. Historique sur le chanvre Le chanvre ou « Cannabis Sativae » est une plante annuelle et herbacée de la famille des Cannabinacées, utilisée depuis plus de 6000 ans. Elle était en particulier très prisée pour la qualité de ses fibres. Sa production a fortement varié dans les siècles précédents. Au XVIIIème siècle, la surface cultivée avoisinait les 180 000 hectares et les utilisations allaient du textile à la papeterie en passant par la toile ou les cordages. Cette surface a diminué peu à peu compte tenu de la concurrence de nouveaux matériaux comme le coton ou plus tard les fibres synthétiques. Elle est tombée à quelques dizaines d’hectares dans les années soixante avant de connaître un certain renouveau dans les années soixante dix. Actuellement, les subventions européennes attribuées dans le cadre de la valorisation de certains produits issus de l’écoculture ont permis de développer plusieurs zones de production parmi lesquelles celle située dans l’Aube, qui a fourni les granulats végétaux utilisés dans cette étude. La surface cultivée annuellement en France est de l’ordre de 8000 ha. 2.2.2. Processus d’obtention des granulats végétaux La plante de Cannabis est constituée en deux parties : les graines, la tige. Les graines ou chènevis sont utilisées dans l’alimentation animale, dans la fabrication d’huile siccative destinées aux peintures ou pour des produits pharmaceutiques. EPIDERME CORTEX BOIS MOELLE Fig.I. 29 : Photographie en microscopie électronique à balayage d’une coupe transversale de tige de chanvre [GARCIA-JALDON, 95] - 63 - La tige quant à elle se décompose en quatre zones [GARCIA-JALDON, 95] : - l’épiderme : couche de cellules à paroi cellulosique - le cortex : zone contenant les fibres corticales regroupées en faisceaux servant à la fabrication des fibres de chanvre - le bois ou xylème : cellules du parenchyme, fibres et vaisseaux conducteurs assurant la conduction de la sève montante et servant à la fabrication des granulats végétaux - la moelle :parenchyme médullaire Le bois est utilisé pour la fabrication des particules végétales de chanvre. Historiquement, ces dernières étaient un simple sous-produit de la fibre de chanvre alors que maintenant elles sont considérées comme un élément essentiel de la plante. Le processus d’obtention des particules végétales se décompose en trois étapes : - cueillette et séchage des plants de cannabis - teillage et défibrage mécanique de la tige pour séparer les fibres corticales (filasses) et le bois - traitement du bois pour obtenir les particules végétales : dépoussiérage, séchage, calibrage et découpe de la tige Par le passé, le « nettoyage » des fibres de chanvre se faisait par rouissage soit directement sur les champs où la plante était cultivée, soit dans l’eau. Des micro-organismes naturels (enzymes) dégradaient les composés entourant les fibres (pectines) afin de libérer ces dernières des impuretés. Cependant, le rouissage en extérieur ou dans des étangs pose des problèmes de rentabilité et de pollution. En effet, dans le cas du rouissage sur champ, les tiges sont laissées sur place et elles sont dégradées sous l’effet des intempéries. L’efficacité du procédé est donc soumise à l’aléa climatique. Le contrôle de l’état d’avancement est exclusivement empirique et nécessite une attention constante. Pour ce qui est du rouissage dans l’eau, le procédé consiste en une immersion pendant plusieurs jours des tiges dans des bassins, souvent des étangs voire des cours d’eau. Or, la dégradation du chanvre génère des effluents qui posent un réel problème d’environnement en détériorant la qualité du milieu aquatique. Les industriels se sont alors tournés vers des solutions chimiques avec plus ou moins de succès. Récemment, un brevet a été déposé par Sharma mettant en œuvre des composés modérément agressifs comme l’EDTA (ethylènediaminetétraacétate). Puis, le défibrage mécanique est réalisé sur une chaîne de production, qui permet la découpe et le calibrage des particules de manière industrielle. On obtient ainsi les particules - 64 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux de chanvre. Pour la suite du document, le terme de bois désignera la partie végétale de la particule et celui de chènevotte fera référence aux particules de chanvre en vrac. Les particules végétales ainsi obtenues sont des matières naturelles au même titre que les granulats de bois. Elles possèdent donc une certaine variabilité de leurs propriétés en fonction du lieu de production, de la nature de la plante (variété) et du processus de fabrication. A titre d’exemple, l’utilisation d’un défibrage mécanique au lieu d’un séjour dans l’eau a nettement amélioré les qualités de ce produit. Dans le cadre de ce travail, les particules de chanvre proviennent d’une source unique, la Chanvrière de l’Aube (chaîne de production et de transformation identique) et d’une variété de plante de chanvre unique – le cannabis sativae – dont la culture est la seule autorisée en France compte tenu de son faible taux de tétrahydrocannabinol (substance psychotrope). 2.2.3. Caractéristiques physiques des particules végétales Les particules végétales ont une forme géométrique du type parallélépipédique. Elles ont pour dimensions moyennes 2*0,5*0,2 cm3. Une analyse de la granulométrie d’un échantillon de chènevotte (particules en vrac) montre une répartition serrée de la taille des particules. 100% 90% % tamisats cumulés 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 0,01 0,1 Maille tamis (mm) 1 10 Fig.I. 30 : Courbe granulométrique du chanvre en vrac utilisé dans les formulations Ces particules étant d’origine végétale, elles présentent une forte porosité due aux nombreux capillaires présents dans leur structure interne qui permettent à la sève de circuler tout le long de la tige (Fig.I.31). La photo d’une particule a été grossie 200 fois au microscope - 65 - à balayage électronique pour visualiser ces capillaires. Elle montre la structure tubulaire de la particule qui peut se modéliser comme un assemblage de cylindres creux accolés les uns aux autres. Ceci explique la légèreté des particules avec ρpc = 320 kg/m3. La taille des pores dans la particule est également évaluée sur cette photo. Leur diamètre varie entre 10 et 40 µm. De plus, des mesures ont montré que la masse volumique de la chènevotte se situe aux alentours de 130 kg/m3, ce qui signifie que l’arrangement est peu dense. Pour la suite de l’étude, on pose les trois définitions suivantes. L’air inter-particules représente le volume d’air situé entre les granulats végétaux et l’air intra-particule est l’air contenu dans la particule végétale. Le bois fait référence à la partie végétale de la particule. 100 µm Fig.I. 31 : Grossissement au microscope à balayage électronique d’une particule de chanvre [GARCIA-JALDON, 95] Les diagrammes (Fig.I. 32) indiquent la composition massique et volumique d’une particule et de la chènevotte. On peut noter la part prépondérante occupée par l’air. Une particule contient environ 78 % d’air en volume. Dans la chènevotte, l’air représente 92 % du volume total occupé avec une répartition 1/3 – 2/3 entre air intra-particule et inter-particules. - 66 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Particule végétale M (kg) Chénevotte V (m3) V (m3) air interparticules 0 air intraparticule 0 M (kg) 0,784 130 320 bois 320 0,216 0 1,000 130 0,594 bois air intraparticule 0,088 0,318 1,000 Fig.I. 32 : Composition massique et volumique d’une particule et de la chènevotte La présence des capillaires et leur taille lle vont permettre permettre d’expliquer deux caractéristiques essentielles des particules de chanvre du point de vue comportemental : 2.2.4. - pouvoir absorbant élevé - compressibilité du granulat Sensibilité à l’eau de la particule végétale En premier lieu, les particules étant fortement poreuses comme l’ensemble des granulats légers, il se pose la question de leur comportement vis à vis de l’eau. Connaissant la taille des capillaires de la particule végétale, on applique les relations (I.4) et (I.5), puis on calcule de manière théorique, la hauteur de remontées capillaires en fonction du diamètre des capillaires et de l’angle de mouillage du liquide sur la surface (Fig.I. 33). 3,0 2,50-3,00 2,00-2,50 1,50-2,00 1,00-1,50 0,50-1,00 0,00-0,50 2,5 2,0 1,5 Hauteur remontées capillaires (m) 1,0 46 53 60 66 73 78 Angle mouillage (°) 84 90 28 37 22 26 16 0 10 Diamètre capillaire (µm) Fig.I. 33 : Hauteur de remontées capillaires dans les particules - 67 - 40 0,0 34 0,5 Le graphique ci-dessus permet de voir que les hauteurs de remontées capillaires sont supérieures à la taille caractéristique des particules (de l’ordre du centimètre). L’eau va donc saturer les particules végétales et la cinétique du phénomène sera rapide. Pour confirmer ces hypothèses, deux séries de mesures distinctes ont été réalisées, l’une en 1998 [COUEDEL, 98] et l’autre en 2003 afin d’évaluer la reprise en eau liquide des particules végétales. Le but était de déterminer le taux de saturation du volume de vides de la particule et d’avoir un ordre d’idée de la cinétique du phénomène de reprise en eau. Pour cela, des granulats végétaux entièrement séchés à T = 80°C pendant deux jours sont immergés dans de l’eau, et le gain de masse en fonction du temps est mesuré. A partir de ces valeurs brutes, on calcule le pourcentage de gain massique comme étant le gain de masse divisé par la masse sèche de particules végétales. Gain massique % = M(t) - M 0 × 100 M0 (I.16) avec M(t) :masse de l’échantillon à l’instant t M(t0) :masse sèche de chanvre On calcule également le taux de saturation Sr des granulats et on obtient les graphiques 250% 100% 200% 80% 150% Sr (%) Gain massique (%) suivants : Cerezo - 2003 100% Couedel - 1998 50% 60% 40% 20% minutes 0% minutes 0% 0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10 Fig.I. 34 : Gain massique et taux de saturation Sr pour des particules de chanvre sec ([COUEDEL, 98] et CEREZO) Les deux séries de mesures donnent des résultats cohérents et des valeurs élevées de gain massique et de taux de saturation. On conclut donc à un fort pouvoir absorbant de la chènevotte vis à vis de l’eau liquide. De plus, les granulats sont quasiment saturés au bout de quelques minutes puisque la quantité d’eau liquide absorbée par les particules sèches est presque équivalente au volume théorique de vides contenus dans le granulat séché (Sr > 95 % au delà de 5 minutes). Des pesées ont également été faites au bout d’une heure et la masse des échantillons ne variaient plus entre 10 minutes et 60 minutes. Concernant la cinétique de ce phénomène de reprise en eau, on peut considérer que les granulats sont en état de quasi-saturation au-delà de 5 minutes - 68 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux d’immersion. Cette conclusion prend son importance lorsque seront abordés les problèmes de formulation et de mise en œuvre du béton de chanvre à la fin de ce chapitre (§ 2.3.4.1). Il faut noter que les calculs de Sr et de gains massiques sont réalisés en négligeant la fine pellicule d’eau présente à la surface des granulats et les ménisques d’eau entre deux granulats consécutifs. Les granulats ont été légèrement secoués pour limiter l’existence de ces ménisques et pouvoir négliger leur présence dans les calculs. Ainsi, les mesures permettent d’avoir un ordre de grandeur correct de la cinétique du phénomène. La sensibilité à l’eau liquide des particules végétales amène à se poser la question du comportement des granulats vis à vis de la vapeur d’eau présente dans l’air en quantité variable selon l'hygrométrie du milieu extérieur. Les isothermes de sorption et désorption à T = 20°C ont donc été déterminées par [GARNIER, 00]. 40% 35% isotherme de sorption, teneur en eau minimale isotherme de désorption, teneur en eau maximale 30% ω (%) 25% 20% 15% 10% 5% 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Humidité relative HR (%) Fig.I. 35 :Isothermes de sorption et désorption des particules de chanvre à T=20°C [GARNIER, 00] En se basant sur ces courbes expérimentales, on constate des valeurs de teneur en eau massique non négligeables pour des ambiances de HR supérieur à 50 %. Elles dépassent 10 %. Cette eau devra donc être prise en compte notamment dans le cadre de l’étude des propriétés thermiques, puisque l’eau est un excellent conducteur de chaleur. Le fait de ne considérer que la conductivité sèche λsec des matériaux représente une grosse approximation, peu réaliste dans le cas des matériaux à base de particules végétales. - 69 - 2.2.5. Comportement en compression des particules Les particules végétales possèdent une forte cohésion intergranulaire à sec. Des éprouvettes cylindriques (320 mm de haut et 160 mm de diamètre) contenant uniquement des particules sèches légèrement compactées ont ainsi pu être testées dans le cadre de cette étude (Fig.I.36). Des chargements monotones et cycliques d’amplitude croissante ont été imposés aux échantillons. Les courbes représentant la force appliquée en fonction de ∆h/h0 sont tracées et se superposent parfaitement pour les deux types de sollicitations, montrant la parfaite reproductibilité de ce type d’essai. On a ∆h = h0 – h(t) avec h0 représentant la hauteur initiale de l’échantillon (m) et h(t) la hauteur de l’éprouvette au fur et à mesure de l’essai (m). Fig.I. 36 : Éprouvette de chanvre en vrac testée en mécanique Le graphique ci-dessous montre la grande compressibilité des particules en vrac. L’échantillon passe d’une hauteur de 320 mm à moins de 85 mm à la fin de l’essai, sans parvenir à la rupture (∆h/h0 = 75 %). Les particules s’écrasent petit à petit et la masse volumique des échantillons passe de 130 kg/m3 à plus de 330 kg/m3. L’écrasement des granulats est confirmé par les valeurs de masses volumiques. En effet, lorsque ∆h/h0 devient supérieur à 60 %, la masse volumique de l’échantillon devient supérieure à la masse volumique d’une particule. On constate également une rigidification de l’échantillon traduite par une augmentation régulière de l’inclinaison de la courbe. Au début de l’essai, la pente - 70 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux vaut 0,25 MPa environ et à la fin de l’essai elle est de l’ordre de 4,5 MPa soit une multiplication par 18 de la valeur. De plus, les cycles de charge-décharge font apparaître des boucles d’hystérésis dont la surface augmente à chaque cycle. Le chemin de décharge est curviligne, ce qui pourrait s’expliquer par un retard de réponse de l’échantillon dû à la viscosité de l’air, qui circule difficilement dans et entre les particules. En revanche, le chemin de charge est linéaire et la pente de la courbe de chargement augmente à chaque cycle, indiquant un raidissement du matériau sous l’effet de la compression. 30 h0 = 320 mm 25 h = 256 mm Force (kN) 20 h = 192 mm h = 128 mm 15 10 5 0 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% ∆h / h0 (%) Fig.I. 37 : Essais de compression simple et de compression cyclique sur chanvre sec La figure I.38 permet de comprendre le comportement de l’empilement de granulats végétaux lors de l’essai de compression cyclique. Le dessin 1 correspond à l’empilement initial des granulats en vrac. Le dessin 2 montre un écrasement des granulats sous l’effet d’une contrainte de compression simple ainsi qu’un réarrangement des particules. Les granulats ont tendance à « s’imbriquer les uns dans les autres ». Le dessin 3 indique les effets de la décompression sur le matériau. Les particules retrouvent un volume inférieur à leur volume initial car elles subissent des déformations irreversibles. Les frottements entre les particules empêchent celles-ci de reprendre leur position initiale dans l’empilement. Le nouvel arrangement granulaire contient moins d’air inter-particules par rapport à l’état initial, ce qui explique que le volume total de l’échantillon - 71 - diminue. Les granulats se « coincent » peu à peu, expliquant un raidissement global de la structure. Ce nouvel empilement subit alors un cycle de rechargement, qui va agir simultanément sur l’élasticité des particules et sur celle de l’arrangement granulaire dans cette nouvelle configuration (pente linéaire de la charge). Fig.I. 38 : Schématisation du comportement du chanvre en vrac lors d’un essai cyclique de compression 2.2.6. Comportement thermique La forte porosité du chanvre en vrac laisse présager d’une faible conductivité thermique λ, qui explique l’emploi de ce matériau comme remplissage des murs en remplacement d’autres produits isolants comme le polystyrène ou la vermiculite (Fig.I.39). La conductivité du chanvre en vrac λc a été mesurée pour différentes masses volumiques ρc (Tab.I. 12). On note l’excellente cohérence des mesures expérimentales réalisées par [CORDIER, 99] à l’ENTPE et le CSTB (Centre Etude des Techniques du Bâtiment), de manière indépendante. Origine des mesures ρc (kg/m ) CSTB ENTPE 110 155 3 Mesures expérimentales λc (W/(m.K)) 0,048 0,058 Valeurs théoriques λc (W/(m.K)) 0,047 0,057 Tab.I. 12 : Comparaison entre les valeurs expérimentales et théoriques de la conductivité thermique du chanvre en vrac pour deux valeurs de masse volumique - 72 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Fig.I. 39 : Le chanvre en vrac comme matériau de remplissage dans les planchers et les murs (Mens – 2002) On constate également l’influence de la masse volumique sur la variation de λc. Une augmentation de 41 % de ρc entraîne une élévation de 20 % du λc, tout en restant dans une gamme de valeurs inférieures à celle des matériaux de construction usuels (béton cellulaire, bois…). Une méthode théorique d’homogénéisation a ensuite permis de définir une loi d’évolution de la conductivité en fonction de la masse volumique (Fig.I. 40) [CORDIER, 99]. On obtient ainsi la gamme de variations de la conductivité thermique pour une masse volumique voisine de 130 kg/m3, valeur usuellement rencontrée pour du chanvre en vrac. 0,065 λ (W/(m.K)) 0,060 0,055 0,050 Modèle Expérience 0,045 0,040 100 120 ρ 140 -3 chanvre en vrac (kg.m ) 160 Fig.I. 40 : Conductivité thermique théorique du chanvre en vrac en fonction de sa masse volumique - 73 - 2.3. Le béton de chanvre 2.3.1. Caractéristiques générales Le béton de chanvre est un matériau composite obtenu en mélangeant un liant à base de chaux, des particules végétales et de l’eau. Il présente des masses volumiques initiales inférieures à 1000 kg/m3 et des masses volumiques sèches allant de 200 à 600 kg/m3, ce qui est comparable aux valeurs rencontrées dans le cas du béton de bois ou du béton cellulaire. Ce matériau présente une variabilité de structure en fonction de la formulation employée, selon que l’un ou l’autre des constituants sera prépondérant dans le mélange. Lorsque le dosage en liant est faible par rapport à celui en granulats végétaux, le matériau peut être vu comme un assemblage de particules reliées entre elles par des ponts de liant. Cette structure se rapproche de celle du chanvre en vrac (Fig.I. 41). Les propriétés de ce type de matériau sont proches de celles de la particule, c’est-à-dire bon isolant thermique et faibles caractéristiques mécaniques. Le béton de chanvre faiblement dosé en liant sera plutôt utilisé comme matériau de remplissage des murs, le liant jouant le rôle de stabilisateur de la structure. Il évite notamment les variations dimensionnelles de l’ensemble sous le poids propre des particules (effets de tassement à long terme des matériaux de remplissage). Fig.I. 41 : Béton de chanvre contenant une faible quantité de liant (formulation Toit1) Lorsque le dosage en liant est fort, les particules sont noyées dans une matrice de liant continue (Fig.I. 42). Le comportement du matériau se rapproche de celui du liant pur. 1 Les caractéristiques de cette formulation seront détaillées dans le § 2.3.4.4 - 74 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Fig.I. 42 : Béton de chanvre contenant une grande quantité de liant (formulation A3-2) Entre ces deux dosages extrêmes, la structure du béton de chanvre s’apparente à celle d’un empilement d’éléments, constitués d’une particule végétale entourée d’un mince film de liant (Fig.I. 43). Les propriétés de ce type de matériau sont donc intermédiaires entre celles du liant et celles des particules végétales. Fig.I. 43 : Béton de chanvre avec un dosage en liant intermédiaire 2.3.2. Propriétés de ce matériau Les propriétés sont étroitement liées à la structure et vont donc être assez variables. Cependant, il est possible de donner quelques indications générales, afin de voir la gamme des performances, dans laquelle le béton de chanvre se situe. La résistance en compression et le module de rigidité sont globalement faibles (plafonnées par les caractéristiques du liant) et ne permettent pas pour l’instant d’en faire un matériau porteur. Actuellement, une solution avec structure porteuse en bois apparente ou noyée est employée (Fig.I. 44). - 75 - Fig.I. 44 : Murs en briques préfabriquées avec structure porteuse en bois (Mens, Isère - 2002) En thermique, la présence des granulats de chanvre améliore les performances en isolation, la conductivité sèche du matériau final étant inférieure à 0,24 W/(m.K), qui représente la conductivité du liant seul. De plus, la grande sensibilité à l’eau du matériau va avoir un impact sur la conductivité thermique. Ce point sera détaillé dans le chapitre 3. En acoustique, les premiers essais montrent des niveaux d’absorption supérieurs à 50 % pour des fréquences allant de 100 à 2000 Hz. Une étude plus précise exposée au chapitre 4 complètera ces résultats. 2.3.3. Caractère évolutif des propriétés La prise du liant s’étale sur plusieurs années (chaux aérienne) comme le montrent les essais réalisés sur le T70 et le Tradichanvre. Cette prise lente se répercute sur les caractéristiques du béton de chanvre qui varient dans le temps. Les essais de caractérisation des propriétés mécaniques sont donc réalisés à des intervalles de trois mois en moyenne, pour une période de conservation comprise entre 21 jours et 24 mois. 2.3.4. Fabrication des échantillons Compte tenu du comportement des constituants du béton de chanvre, un protocole de fabrication particulier a été mis en place afin de pouvoir réaliser des essais reproductibles et représentatifs des caractéristiques réelles du matériau [COUEDEL, 98]. Les principales étapes de la réflexion menée sur ces problèmes de mise en œuvre sont exposées ci-dessous. - 76 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux 2.3.4.1 Rôle de l’eau L’eau introduite dans le mélange frais est divisée en deux parties, l’eau de pré- mouillage et l’eau de gâchage. L’eau de pré-mouillage a pour rôle d’humidifier les granulats poreux de façon à neutraliser leur fort pouvoir absorbant et éviter qu’ils ne perturbent par la suite la prise du liant. L’eau de gâchage sert à l’hydratation de la chaux hydraulique contenue dans le liant. Les composants sont introduits dans l’ordre suivant : - chanvre - eau de pré-mouillage des particules - liant - eau de gâchage Ce choix de mise en œuvre présente un double avantage. Tout d’abord, les particules prémouillées ne monopolisent pas l’eau utile à l’hydratation du liant et ne perturbent donc pas la prise. Elles jouent également un rôle de réservoir en eau au cours de la prise. Ensuite, elles deviennent moins sensibles à un écrasement potentiel lors du mélange avec le liant dans le malaxeur, puisqu’elles sont remplies d’eau. En effet, les particules doivent conserver leur volume initial donc leur porosité pour jouer un rôle du point de vue thermique et acoustique. 2.3.4.2 Mise en oeuvre du béton frais Le mélange se fait dans un malaxeur à train valseur de 80 litres afin d’obtenir une bonne homogénéisation des composants, sans les abîmer. Les durées des différentes étapes de malaxage doivent être suffisamment longues pour permettre une bonne homogénéisation et suffisamment courtes pour éviter de laisser trop d’eau s’évaporer dans l’air ambiant. On distingue ainsi : malaxage des particules sèches ajout de l’eau de prémouillage ajout de la chaux et malaxage ajout de l’eau de gâchage et mélange Temps (mn) But 2 mn séparer les particules et éviter la formation de petites pelotes végétales 5 mn saturation des particules en eau 2 mn 5 mn hydratation du liant et amorce de la prise Tab.I. 13 : Etapes de fabrication du béton de chanvre 2.3.4.3 Confection des éprouvettes Le mélange à l’état frais contient une quantité importante de particules compressibles. Les essais sur le mode de fabrication ont montré qu’il ne fallait pas compacter des couches - 77 - d’épaisseur supérieure à 8 cm car cela entraînait une perte d'homogénéité des échantillons sur la hauteur de l’éprouvette. En effet, les frottements du matériau contre les parois du moule sont importants et entraînent un tassement non homogène des couches trop épaisses de matériau frais. De plus, dans un souci de reproductibilité, les échantillons sont tassés à l’aide d’une presse electromécanique de type M.T.S. sous une contrainte de compactage de 0,05 MPa, ce qui correspond à une force de1 kN pour une surface de 200 cm2. Ceci permet d’arranger les particules sans les endommager. Le processus de réalisation des éprouvettes peut donc se résumer en trois étapes que l’on répète autant de fois que nécessaire pour remplir les moules. - Verser du béton de chanvre dans le moule sur une épaisseur de 7 à 8 cm - Réarranger les granulats grossièrement à la main - Compacter avec la presse MTS sous 0,05 MPa Dans le cadre de cette thèse, plusieurs moules ont été utilisés selon le type d’essais à réaliser. En ce qui concerne les aspects mécaniques, des moules cylindriques en carton sont utilisés (hauteur 320 mm et diamètre 160 mm). En thermique, des dalles de 27 cm de côté et 5 cm d’épaisseur sont fabriquées. En acoustique, des prismes de hauteur 10, 20 et 30 cm et de côté 8,5 cm sont utilisés. Ces différentes tailles d’échantillons sont liées aux dispositifs de mesures (boîtes thermiques, tube de Kundt) dont les dimensions sont imposées. Toutefois, on s’est attaché à chaque fois à ne pas choisir de moule de taille trop petite vis à vis de la taille des hétérogénéités (i.e. les particules dont la taille caractéristique est de l’ordre du centimètre). On a ainsi des échantillons représentatifs des propriétés globales du béton de chanvre. L’utilisation du même procédé de fabrication, quel que soit le moule, permet de travailler sur le même matériau (structure microscopique comparable). Les éprouvettes testées en mécanique sont conservées dans leur moule dont le fond a été retiré afin de reproduire les conditions de séchage symétriques, réellement rencontrées dans un mur. En effet, une carotte de béton de chanvre séchant dans un mur est soumise à une circulation d’air entre ses deux faces mais les surfaces latérales ne sont pas en contact avec le milieu extérieur. En disposant les éprouvettes horizontalement sur des étagères, on se retrouve dans une configuration identique avec les côtés isolés de l’ambiance extérieure. En revanche, les dalles des mesures thermiques sont démoulées au bout de 24 heures et elles sèchent ainsi jusqu’au moment des essais. La cinétique du phénomène de séchage n’a guère d’importance dans ce cas, car la mesure porte sur la valeur finale de la conductivité thermique (i.e. après prise du liant et après séchage de l’échantillon). - 78 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux Pour des raisons techniques, il n’a pas été possible de démouler les prismes testés en acoustique comme cela a été fait en thermique. Ceux-ci sèchent donc dans leur moule, ce qui ralentit le phénomène et décale d’autant les mesures expérimentales. En effet, il est indispensable que les échantillons adhèrent parfaitement aux parois pour éviter les vides d’air qui perturbent les mesures d’absorption au tube de Kundt. L’inconvénient inhérent à ce dispositif de mesure concerne le rôle de la structure dans le comportement acoustique. On mesurera l’absorption du béton de chanvre sur un support (le moule) infiniment rigide (structure multicouche), au lieu de déterminer l’absorption du matériau seul. Les différents essais effectués au cours des années précédentes ont montré qu’une exposition à un air trop sec provoquait un séchage trop rapide de l’éprouvette empêchant le liant de faire prise correctement. La surface durcissait (effet de peau) grâce à la carbonatation et l’intérieur de l’échantillon perdait complètement sa cohésion (phénomène de farinage). L’air plus sec contient moins de vapeur d’eau, qui véhicule le CO2 nécessaire à la carbonatation de la chaux. La prise est donc interrompue. A l’inverse, des conditions de conservation à HR = 100 % ont été testées. La prise durait alors beaucoup plus longtemps et les moules en carton se dégradaient. Finalement, les conditions de conservation suivantes ont été choisies : - Température de 20°C - Taux d’humidité relative HR de 50 % Elles correspondent à une ambiance climatique naturelle et permettent de reproduire des conditions réelles d’utilisation du matériau. 2.3.4.4 Formulations testées Pour ce qui est du choix des formulations du béton de chanvre, la démarche se décompose en deux étapes. Dans un premier temps, les quantités d’eau de gâchage et de pré-mouillage à introduire en fonction de la quantité de liant et de particules employées sont calculées de manière théorique [COUEDEL, 98]. Puis, une large gamme de mélanges est déterminée en modifiant les proportions de liant et de particules. A partir de deux formules nommées A3-1 et A4-1 servant de référence, on a fait varier la quantité de liant et d’eau de gâchage d’un facteur k pouvant être 0,75 – 1,5 ou 2. Ceci signifie que l’on a multiplié la quantité de liant et d’eau de gâchage par k tout en conservant constantes les quantités de particules et d’eau de pré-mouillage. On obtient ainsi les différentes formulations A3-k et A4-k. - 79 - A4-1 A4-1,5 A3-0,75 A3-1 A3-1,5 A3-2 Composition massique (kg) Chanvre Liant A Eau 110 190 335 110 285 370 110 198,75 342,7 110 265 368,6 110 397,5 420,4 110 530,8 472,2 Pourcentages massiques initiaux Chanvre Liant A Eau 17,3% 29,9% 52,8% 14,4% 37,3% 48,4% 16,9% 30,5% 52,6% 14,8% 35,6% 49,6% 11,9% 42,8% 45,3% 9,9% 47,7% 42,4% Tab.I. 14 : Formulations de béton de chanvre initiales Dans un second temps, trois formulations nommées Toit, Mur et Dalle ont été plus particulièrement choisies car les caractéristiques de ces matériaux répondaient à des demandes précises sur les chantiers de construction. Le nom de chaque formulation indique l’usage qui est fait du matériau dans le cadre d’une habitation. La formulation Toit contient une forte proportion de chanvre et peu de liant. Elle sert à isoler thermiquement les toitures. Les formulations Mur et Dalle contiennent une quantité de liant plus importante et possèdent donc de meilleures caractéristiques mécaniques tout en conservant un bon pouvoir isolant. La figure I.45 indique les compositions volumiques initiales et finales du béton de chanvre. Les proportions des différentes phases confirment l’hypothèse initiale de l’existence de structures différentes pour le béton de chanvre. Les compositions volumiques sont calculées en considérant qu’il n’y a pas de variation globale de volume du béton au cours de la prise et du séchage. On considère également que les particules sont quasiment saturées à l’état initial et sèches à l’état final. En plus du béton de chanvre, un enduit est fabriqué à partir des particules végétales et du liant Tradichnavre. Une formulation contenant 51 % de liant en masse est donc testée dans le cadre de cette étude. Toit Mur Dalle Composition massique (kg) Chanvre T70 Eau 110 108 221 110 225 332 110 269 393 Pourcentages massiques initiaux Chanvre T70 Eau 25,1% 24,6% 50,3% 16,5% 33,7% 49,8% 14,2% 34,8% 50,9% Tab.I. 15 : Composition massique à l’état frais des trois bétons de chanvre commercialisés par la Chanvrière de l’Aube Enduit Composition massique (kg) Pourcentages massiques initiaux Chanvre Tradichanvre Eau Chanvre Tradichanvre Eau 110 732 491 8,3% 54,9% 36,8% Tab.I. 16 : Composition de l’Enduit à base de Tradichanvre - 80 - CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux 100% 90% Concentration volumique 80% 70% Air macroscopique Air intra-liant Eau Liant Air intra-particule Eau particules Matière végétale 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Toit 100% A3-0,75 Mur Dalle A3-1 A4-1,5 A3-1,5 A3-2 Enduit Mur Dalle A3-1 A4-1,5 A3-1,5 A3-2 Enduit Air macroscopique Air intra-liant Eau Liant Air intra-particule Eau particules Matière végétale 90% 80% Concentration volumique A4-1 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Toit A4-1 A3-0,75 Fig.I. 45 : Composition volumique initiale (a) et finale (b) du béton de chanvre sous T = 20°C et HR = 50 % - 81 - 3. CONCLUSION Ce premier chapitre a dressé un bilan de connaissances sur le comportement des bétons légers dans les trois domaines abordés dans cette thèse. On a ainsi pu constater le rôle fondamental de la porosité φ et de la perméabilité Π dans le comportement du matériau. En mécanique, la présence de bulles d’air a tendance à fragiliser le matériau et à limiter le niveau de performances. En thermique et en acoustique, l’effet est plus mitigé. D’un côté, la présence d’air diminue la proportion volumique de matière conduisant la chaleur mais il peut également générer des transferts par convection dans certains cas. De l’autre côté, l’augmentation de la porosité et de la perméabilité favorise l’absorption des sons mais permet en même temps la transmission des ondes acoustiques non absorbées, car l’effet de masse n’est plus suffisant. La compréhension des caractéristiques nécessite donc de tenir compte simultanément du rôle de la porosité et de la perméabilité. De plus, ce chapitre a mis en lumière les spécificités des constituants du béton de chanvre et les précautions à prendre lors de la fabrication. La compressibilité des particules et leur fort pouvoir absorbant sont les deux caractéristiques particulières, dont il faudra tenir compte lors de l’étude des propriétés mécaniques. Le chapitre 2 va en particulier s’intéresser à leur influence sur la prise du liant et sur le comportement mécanique du béton de chanvre. - 82 -