Propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques d`un matériau à

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Propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques d`un matériau à
CHAPITRE 1
ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
ET
CARACTERISATION EXPERIMENTALE DES
MATERIAUX
La particularité de ce travail de recherche réside à la fois dans la manière de traiter la
problématique scientifique liée à ce genre de matériau et dans le sujet d'étude lui-même. Cette
étude est basée sur une approche globale des propriétés du béton de chanvre, avec une analyse
croisée des caractéristiques mécaniques, thermiques et acoustiques. En règle générale, les
matériaux employés dans le bâtiment remplissent un usage particulier, pour lequel leur
formulation a été optimisée. On utilise alors une technique de « structures sandwichs » en
accolant ces différents matériaux les uns aux autres. A titre d’exemple, un béton hydraulique
visant à la réalisation d’une structure porteuse, est formulé de manière à posséder de bonnes
qualités mécaniques (résistance, rigidité). Le diamètre des granulats et la proportion entre les
différentes granulométries sont choisis de façon à obtenir un empilement le plus compact
possible. Le ciment en faisant prise assure la cohésion de l'empilement granulaire et la
résistance mécanique du matériau. Or, ce béton est alors un bon conducteur thermique car il
contient peu d’air. On utilise donc des panneaux de laine de roche ou de laine de verre pour
isoler le système. En revanche, le béton étant compact, il aura une masse importante qui lui
permettra d’empêcher la transmission du son d’une pièce à l’autre.
A l’inverse, un béton cellulaire est principalement utilisé à des fins d’isolation
thermique car il contient un grand nombre de pores. Cependant, ces performances mécaniques
et acoustiques sont limitées.
Les performances mécaniques, acoustiques et thermiques ont donc des exigences
contraires. Celles-ci expliquent à la fois la difficulté et l’intérêt d’une étude globale des
propriétés. En étudiant la variabilité des propriétés du matériau en fonction de paramètres prédéfinis comme le dosage des constituants ou la compacité, il devient possible de trouver des
compromis en fonction des aspects que l’on souhaite favoriser, tout en conservant un matériau
multi-usages.
La deuxième originalité de ce travail concerne les caractéristiques propres du béton de
chanvre. Cette spécificité est due aux propriétés de chaque constituant ainsi qu’à la
microstructure résultante du mélange de ceux-ci.
Le béton de chanvre est constitué de granulats d’origine végétale et d’une matrice de
liant à base de chaux. Le granulat de chanvre présente une forte porosité qui le rend léger et
très compressible. Son comportement diffère donc de celui des granulats minéraux classiques,
rigides. Le liant à base de chaux a une cinétique de prise lente par rapport à celle des liants
hydrauliques usuels comme le ciment. De plus, les niveaux de performances mécaniques
atteints par ce type de liant sont en deçà de celles des liants à base de ciment.
Le mélange de ces deux constituants, l’un compressible et l’autre pas, conduit donc à
un matériau assez éloigné des matériaux de construction classiques, et ce à plusieurs titres.
Tout d’abord, les propriétés du béton de chanvre évoluent sur des durées supérieures de celles
des matériaux usuels. La caractérisation des propriétés mécaniques à 28 jours ne donne pas
des valeurs représentatives des performances de ce matériau. On raisonne donc sur des
échelles de temps variant entre 6 mois et 1 an. Ensuite, le comportement mécanique est
modifié par la présence de granulats déformables dans une matrice de liant rigide. Ce
contraste des propriétés génère un mode de rupture différent de celui d’un béton standard.
Enfin, la microstructure du béton de chanvre varie en fonction de la formulation et entraîne
des comportements et des propriétés variables. Ce dernier point constitue le principal attrait
de ce matériau.
Ce premier chapitre s'articule autour de deux thèmes. Dans un premier temps,
quelques éléments bibliographiques concernant les bétons légers sont relatés, car ces
matériaux présentent certaines similarités avec le béton de chanvre. Elle permet de résumer
les principales caractéristiques de ce type de matériau dans les trois domaines abordés tout au
long de ce mémoire (mécanique, thermique et acoustique). Dans un deuxième temps, les
caractéristiques des constituants et du béton de chanvre sont exposées et leurs particularités
sont explicitées.
- 24 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
1.
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
1.1. Classification générale des matériaux de construction
Les matériaux de construction peuvent être classés en deux grandes catégories : les
matériaux traditionnels d’origine naturelle et les matériaux modernes composites.
Parmi les matériaux traditionnels, on distingue la pierre, la terre crue et le bois.
La pierre est d’utilisation très ancienne, s’expliquant par sa disponibilité (carrières), sa
grande résistance et sa durabilité. Cependant, elle est difficile à façonner et à mettre en œuvre
(poids). Aujourd’hui, la construction en pierre est devenue confidentielle. Elle se limite à des
travaux de rénovation de constructions anciennes.
La terre crue, matière première disponible, est d’une mise en œuvre aisée et peu
coûteuse (techniques de construction en pisé ou torchis et briques de terre crue). Ceci justifiait
son utilisation dans le passé, mais ce matériau économique a été peu à peu remplacé par
d’autres plus performants et plus chers dans les pays industrialisés. L’utilisation de la terre est
devenu l’apanage des pays en voie de développement (Brésil, pays africains…).
Le bois enfin, nécessitant peu de transformations et facile à travailler, était et reste
apprécié dans la construction pour ses propriétés mécaniques (résistance en traction) et son
pouvoir isolant. Il sert à fabriquer des structures porteuses, voire des habitations complètes.
Toutefois, le bois étant un matériau naturel, il présente des qualités variables selon l’âge,
l’essence, l’origine géographique, les conditions de séchage.
Parmi les matériaux récents, le plus employé est le béton, mélange composé de
granulats minéraux rigides, de ciment, de sable et d’eau. Cette formulation de base peut être
agrémentée d’adjuvants (produits rajoutés en faible quantité dans le mélange) de façon à
obtenir des propriétés particulières (fluidité du mélange, prise plus ou moins rapide…), voire
par d’autres constituants (acier pour béton armé ou précontraint, fibres) pour augmenter les
performances mécaniques. Ce matériau présente donc des propriétés structurelles
intéressantes et une bonne durabilité. Cependant, il a une masse volumique élevée d’où la
mise en place de fondations importantes pour supporter le poids des constructions. Par sa
masse synonyme d’une certaine inertie, il bloque la transmission des sons par vibrations
acoustiques et ralentit le transfert de la chaleur. Cet effet tampon compense en partie le fait
que le béton soit un matériau conducteur. Globalement, le béton est donc performant du point
- 25 -
de vue mécanique et du point de vue de l’isolation acoustique (limite la transmission) mais il
est moins intéressant du point de vue de l’isolation thermique.
De nouveaux matériaux sont alors apparus, rassemblés sous l'appellation de bétons
légers. Ces matériaux font référence à des bétons de masse volumique plus faible
(ρ < 1600 kg.m-3) que celle des bétons traditionnels et vise principalement une meilleure
isolation thermique. Ces matériaux sont obtenus par substitution des gravillons traditionnels,
qui peuvent être remplacés :
-
par des granulats allégés
-
par incorporation de bulles d’air (béton cellulaire).
C’est dans cette gamme de matériau que se situe le béton de chanvre, objet de l’étude.
La suite du chapitre fait une synthèse des caractéristiques et des phénomènes physiques liés à
ce type de matériau.
1.2. Types de granulats légers
1.2.1.
Définition d’un granulat léger
Les granulats légers se différencient des autres granulats par leur faible masse
volumique. Celle-ci est inférieure à 1200 kg/m3, tandis que celle de la pierre naturelle est de
2700 kg/m3. L’écart de masse volumique s’explique par la porosité élevée du granulat φg,
c’est-à-dire une importante proportion volumique de vides d’air contenus dans le granulat. Cet
air sera appelé dans la suite du mémoire, air intra-particule.
φg =
Vcapillaires
V granulat
(I.1)
avec Vcapillaires : volume des vides contenus dans le granulat (m3)
Vgranulat : volume total occupé par le granulat (m3)
1.2.2.
Origine des granulats
Un certain nombre de granulats légers existe à l’état naturel, les autres étant obtenus
artificiellement par divers procédés chimiques. Parmi les granulats d’origine minérale
naturellement poreux, les plus fréquemment rencontrés sont les ponces ou les roches
sédimentaires comme les calcaires. Ils sont extraits de gisements et directement utilisables
dans les matériaux de construction.
Les autres granulats naturellement poreux sont d’origine végétale. Il s’agit pour la
plupart des déchets organiques qui trouvent dans la construction un moyen de valorisation
- 26 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
[HERRMANN & al., 98]. On peut ainsi citer le bois, la tige de maïs, la coque de noix de coco
[KHEDARI & al., 03], le bambou [LUIZ DE BARROS SALGADO, 00]. Ce type de produit
représente une production de quelques dizaines de milliers de m3 par an, ce qui reste encore
très faible. Ces granulats contiennent de nombreux capillaires, entraînant une porosité φg
élevée. Cependant, ils contiennent également des matières organiques à base de cellulose qui
les rendent réactifs vis à vis de certains constituants présents dans les liants hydrauliques. Un
traitement préalable est donc indispensable afin de les rendre inertes. Trois méthodes sont
employées [PIMENTIA & al., 94] :
-
les traitements physiques : les composés organiques (type hémi-cellulose)
contenus dans le granulat sont isolés du milieu extérieur, soit en imprégnant le
granulat de résine ou de paraffine (imprégnation à cœur), soit en enrobant la
particule. Les fibres de celluloses peuvent également être détruites par un sel de
calcium d’un acide fort, créant d’innombrables microcavités dans le granulat.
-
les traitements thermiques : ils détruisent les constituants cellulosiques à une
température de l’ordre de 280°C et limitent en même temps l’hygroscopie du
granulat.
-
les traitements chimiques : ils remplacent les groupes hydroxyl (-OH) par des
groupements hydrophobes dans le même but que les traitements thermiques.
Actuellement, la stabilisation des particules végétales s’effectue plutôt par un traitement
chimique suivi d’un traitement thermique. Cependant, des recherches récentes réalisées par
l’E.S.S.T.I.B. (Ecole Supérieure des Sciences et Technologie de l’Industrie du Bois)
s’orientent préférentiellement vers un traitement physique d’imprégnation plus aisé et plus
économique à mettre en œuvre que les traitements thermiques ou chimiques.
D’autres granulats légers sont obtenus par un procédé chimique appelé expansion
(argile expansée…). A une température de l’ordre de 1000°C, la paroi des granulats devient
plastique et gonfle sous l’effet de dégagements gazeux (CO, CO2,O2, SO2, SO3…) générés par
la cuisson. Ceci les rend beaucoup plus légers que les granulats classiques avec une masse
volumique sèche ρgranulat comprise entre 800 et 1200 kg/m3. La gamme de variation de la
masse volumique sèche s’explique par une expansion plus ou moins poussée du granulat
(durée de chauffe, température de cuisson entre 1000 et 1250°C) et par une composition
chimique variable qui prédispose à ce phénomène. Enfin, plus l’expansion sera poussée et
plus le matériau deviendra coûteux à fabriquer compte tenu de l’énergie consommée dans les
fours de cuisson et du temps de la réaction chimique.
- 27 -
Le deuxième type de bétons légers regroupe les bétons cellulaires. Ils sont composés
d’une matrice solide de liant (mélange de chaux, de ciment et de sable) et de bulles d’air. La
phase granulaire contient uniquement des agrégats de taille inférieure à 80 µm. Les bulles
d’air sont obtenues par un phénomène d’expansion ou « levée de la pâte » d’origine chimique
ou mécanique.
Dans le cas d’une expansion chimique [ARNAUD, 93] [VILLAIN, 97], de la poudre
d’aluminium introduite dans le mélange s’oxyde en milieu basique (chaux) et libère de
l’hydrogène à l’origine d’un réseau dense de bulles dans le matériau encore à l’état visqueux.
Dans le cas d’une expansion mécanique, un agent saponifiant est intégré au mortier initial et
au contact de l’eau, il se forme une mousse qui génère des bulles d’air. Cette méthode permet
de gérer le processus de formation des pores en dosant correctement l’agent moussant
[NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00a] et de répartir les pores de manière régulière dans
la matrice. Lorsque le matériau a atteint sa taille finale, une étape de cuisson par autoclavage
finit de cristalliser le béton cellulaire. On obtient un produit manufacturé de structure connue
et contrôlée donc de qualité constante malgré un coût énergétique élevé (fours de cuisson).
Le béton cellulaire est utilisé en construction pour la réalisation de murs et de
planchers légers. Il est commercialisé sous forme de panneaux ou de briques préfabriquées de
625 mm de long, 500 mm de large et d’épaisseurs 50, 70, 100 ou 300 mm.
1.3. Propriétés mécaniques des bétons légers
1.3.1.
Porosités
Le béton est constitué de plusieurs éléments solides (granulat, liant) et de plusieurs
familles de vides dont la taille varie de quelques dizaines d'Angstrom (Å) à quelques
millimètres selon l'origine de ces porosités.
Les granulats possèdent une porosité intrinsèque appelée φg, due à la présence de l'air
intra-particule. Compte tenu de la taille caractéristique des capillaires (de l'ordre de la dizaine
de µm), la porosité du granulat sera qualifiée de porosité microscopique.
La matrice de liant contient également des vides d'air qui apparaissent au moment de
la prise des hydrates et du séchage du matériau. On parle d'air intra-liant qui permet de définir
la porosité intrinsèque du liant φl. La taille caractéristique des pores présents entre les hydrates
de Ca(OH)2 ou de C-S-H, varie entre 0,01 µm et 5 µm et la taille des pores générés par un
entraîneur d'air varie entre 5 µm et 1 mm [GAGNE, 03]. L'air intra-liant sera également
considéré comme de l'air microscopique.
- 28 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
φl =
Vvides
Vliant
(I.2)
avec Vvides : volume des vides contenus dans la matrice de liant (m3)
Vliant : volume total occupé par la pâte de liant (m3)
Enfin, l'arrangement plus ou moins compact des différents constituants entre eux
(empilement de granulats et du liant) crée des vides supplémentaires, à l'origine de la porosité
mésoscopique du matériau.
V
φ meso = vides
(I.3)
Vt
avec Vvides : volume des vides contenus dans le matériau autres que l'air intra-liant et intraparticule (m3)
Vt : volume total occupé par le matériau (m3)
Liant
Granulat
Air
mesoscopique
Air intraparticule
Air
mesoscopique
Air intraliant
Fig.I. 1: Porosités du béton
- 29 -
* : charge minérale non obligatoire
granulat
sable
Béton hydraulique ciment
eau
air
granulat
sable
Béton argile
ciment
expansé
eau
air
mortier ciment
Béton cellulaire
air
copeaux de bois
ciment
eau
Béton de bois
air
sable *
filler *
Granulats
0,212
0,113
0,200
0,379
0,096
-
170
350
200
250
-
75 à 82%
350 - 650
52%
36%
1600
600 - 900
9%
< 1%
60 à 70%
75%
60%
2600
850
275
600
2330
porosité φ
ρ (kg/m3)
Tab.I. 1 : Caractéristiques mécaniques de quelques bétons légers
0,285
0,350
0,140
0,210
0,015
0,414
0,230
0,127
0,193
0,025
3
volume (m )
755
925
440
210
351
602
400
193
-
Constituants
nom
masse (kg)
granulat minéral (grés, granite...)
argile expansée
copeaux de bois en vrac
granulat bois Agresta
3,5 à 4
5
25
30
6à9
-
Rc (MPa)
-
2à3
-
2.10
-3
-
14
-4
1.10
-
ε (m/m)
36
10 à 12
60
-
E (GPa)
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
1.3.2.
Légèreté
L’emploi de granulats légers a pour première conséquence une diminution de 20 à
30 % de la masse volumique des bétons. A titre de comparaison (Tab.I. 1), la masse
volumique d’un béton hydraulique est de l’ordre de 2300 kg/m3 alors qu’elle se situe autour
de 1600 kg/m3 pour un béton d’argile expansée, entre 600 et 900 kg/m3 pour un béton de bois
et qu’elle varie entre 350 et 650 kg/m3 pour un béton cellulaire (norme NF P 14-306).
L’intérêt est d’avoir un matériau facile à mettre en œuvre lorsqu’il est vendu manufacturé
sous forme de parpaings. De plus, ce matériau allégé nécessite des fondations moins
importantes lors de la construction.
1.3.3.
Comportement et performances mécaniques
Les granulats légers entraînent une modification du comportement et des niveaux de
performances mécaniques du béton. En effet, le granulat léger est poreux donc moins résistant
qu’un granulat usuel. Le fonctionnement mécanique et le mode de rupture des bétons légers
sont donc modifiés par rapport à ceux d’un matériau contenant des granulats rigides.
Si le béton contient des granulats rigides plus résistants que le mortier, ceux-ci
constituent les points durs du système. Les contraintes imposées au matériau, entraînent des
déformations notables dans le liant et négligeables dans le granulat. Des zones de
concentrations de contraintes naissent donc dans le mortier, qui fissure. L’adhérence entre les
granulats et le mortier étant insuffisante pour supporter les niveaux de sollicitation imposés, la
fissuration du mortier se produit autour des grains qui se décollent de la pâte de ciment. La
résistance du béton est donc pilotée par la résistance de la zone servant d’interface entre le
mortier et le granulat rigide.
A l’inverse, dans le cas du béton léger contenant des granulats de faible résistance, les
contraintes cheminent à travers la pâte, contournant les « points faibles » du matériau. Le
mortier subit des niveaux de sollicitation élevés et les déformations de la pâte et des granulats
sont importantes. Une fois les granulats écrasés, ils ne participent plus vraiment à la résistance
du matériau et le mortier finit par céder. La résistance en traction des granulats pilote donc la
résistance en compression du béton léger. Ce mode de rupture est possible car les granulats
légers possèdent une surface poreuse importante qui crée une excellente adhérence entre la
pâte et le grain. Ce n’est donc pas la liaison au niveau de la surface de contact qui est détruite
comme dans le cas de granulats rigides mais le granulat qui cède.
Une nuance existe cependant dans le cas de granulats très déformables même si leur
résistance reste modérée. En effet, sous l’effet des contraintes le mortier va se déformer et le
- 31 -
granulat va faire de même par contact granulat-mortier. Comme le granulat peut supporter des
niveaux de déformation supérieurs à ceux du mortier, c’est ce dernier qui va fissurer sous
l’effet des contraintes et le granulat, n’ayant pas atteint son seuil de rupture, ne sera pas
détruit. La rupture du béton se fait dans ce cas précis par rupture du mortier et non par rupture
des granulats. Ainsi, les caractéristiques des granulats sont déterminantes dans les
performances des bétons légers, comme le montrent entre autres le travail expérimental et
l’étude statistique de [CHI & al., 03].
Les niveaux de performances des bétons légers sont inférieurs à ceux des matériaux
usuels de construction, puisque les granulats légers possèdent une porosité propre φg, qui les
rend déformables. D’une manière générale, la résistance en compression à 28 jours et le
module d’élasticité E augmentent lorsque la porosité des granulats φg diminue. Des
campagnes expérimentales ont mis en relation performances mécaniques et masse volumique
ρ des bétons légers. Dans le cas de granulats d’argile expansée de type Liapor,
[ARNOULT,76] a obtenu une relation linéaire entre la résistance en compresson et la masse
volumique (Fig.I. 2).
Fig.I. 2: Résistance sur prisme en compression à 28 jours (MPa) en fonction de ρ [ARNOULD, 76]
Dans le cas du béton cellulaire, la grande proportion de vides d’air dans le matériau est
un facteur essentiel dans le niveau de performances. On distingue deux types de pores : les
macropores (diamètre supérieur à 60 µm) et les micropores (diamètre < 60 µm) avec une
répartition de ¾ de macropores pour ¼ de micropores.
- 32 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Fig.I. 3: Répartition de la porosité de trois bétons cellulaires autoclavés en fonction du diamètre des pores
[JACOBS & MAYER, 92]
Diverses formules empiriques ont été déterminées afin de prédire la résistance en
compression Rc et le module d’élasticité E du béton cellulaire autoclavé en fonction de la
porosité. On obtient Rc compris entre 1 et 5 MPa et E entre 20 et 30 MPa.
Rc (MPa)
Feret modifié
(béton avec
mousse)
σ = K (1/(1+ w/c + a/c))
Schiller
σ = Ks.ln(Pcr / p)
Balshin
σ = σ0 (1 - p)
n
constantes de calage
paramètres
K, n
w/c : ratio eau/ciment , a/c:
ratio air/ciment
n
Ks, Pcr: porosité
correspondant à σ = 0
σ0: résistance à porosité 0
p: porosité du béton
cellulaire
p:porosité du béton
cellulaire
Tab.I. 2 : Formules empiriques reliant la résistance à la compression, la composition et la porosité
[NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00b]
Module d'élasticité E
Notations
-3
6000 (α)
1,5
S
0,7
1555 S
3000 Sp
k γsec (fc)
0,5
α: masse volumique sèche (g.cm )
-3
S: résistance à la compression sur cube en kg.cm
-3
S: résistance à la compression sur cube en kg.cm
-3
Sp: résistance à la compression sur prisme en kg.cm
k: constante variant entre 1,5 et 2
-3
γsec: masse volumique sèche (kg.m )
fc: résistance à la compression (MPa)
c1, c2: constantes
-3
ρ: masse volumique sèche (kg.m )
Tab.I. 3: Equations prédictives du module d’élasticité E du béton cellulaire
[NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00b]
c1 (ρ - c2)
Cependant, il faut nuancer cette corrélation entre performances et porosité en fonction
du type de granulats légers et de la quantité employée dans le matériau. En effet, si le volume
occupé par les granulats est faible devant le volume de pâte de ciment, sa contribution à la
résistance du matériau sera négligeable quelles que soient ses caractéristiques. En revanche, si
- 33 -
le volume de granulats devient suffisamment important, ses propriétés piloteront les
caractéristiques du matériau global.
Enfin, il convient de citer quelques travaux récents qui ont permis de concevoir des
bétons légers à hautes performances. [ROSSIGNOLO & al., 03] ont travaillé sur des
mélanges de granulats légers brésiliens (argiles expansées) dosés entre 224 et 293 kg/m3 et
des quantités élevées de ciment variant entre 440 et 710 kg/m3. Un ajout de fumée de silice, à
hauteur de 10 % en masse de ciment, est effectué. On obtient ainsi un matériau de masse
volumique autour de 1500 kg/m3. Les résistances en compression à 7 jours s’étalent entre 40
et 55 MPa et les modules de rigidité de Young varient entre 12 et 15 GPa. D’autres travaux
ont porté sur l’amélioration de la qualité de la matrice [TAMBA & al., 01] et sur des ajouts
d’argile dans les bétons de bois [AL RIM & al., 96], [BOUGUERRA & al., 98] . Les
résistances en compression finales sont comprises entre 7 et 24 MPa pour des masses
volumiques entre 1178 et 1540 kg/m3. Enfin, [SCHINK, 03] rajoute des fibres métalliques
dans les bétons légers afin d’obtenir des Bétons Hautes Performances allégés.
1.3.4.
Sensibilité à l’eau
Les granulats, poreux et perméables, permettent les transferts hydriques sous forme
liquide et sous forme vapeur. Dans le cas d’eau liquide, on parle d’absorption et dans le cas
d’eau vapeur, on parle de sorption-désorption.
La perméabilité Πm représente la faculté qu’a un matériau de laisser un fluide
s’écouler en son sein, sous l’effet d’un gradient de pression. Cette propriété de perméabilité
n’existe donc que si le matériau possède une porosité non négligeable et que celle-ci est
connectée. En revanche, un matériau peut être très poreux (i.e. le béton cellulaire) et peu
perméable car les pores, non reliés entre eux, ne constituent pas des chemins continus, dans
lesquels le fluide peut s’écouler. Porosité et perméabilité sont donc liés mais le premier
n’implique pas forcément le deuxième.
1.3.4.1
L’absorption
L’absorption est un phénomène physique par lequel un liquide migre de l’extérieur
vers l’intérieur d’un milieu poreux grâce à un phénomène de remontées capillaires.
L’absorption entraîne un gain de masse du matériau. Pour expliquer la capillarité, prenons un
tube cylindrique de diamètre 2r, jouant le rôle d’un capillaire, dont on plonge la base dans un
bac rempli d’eau liquide. L’eau monte dans le tube jusqu’à une hauteur donnée, et il se forme
un ménisque à la surface du liquide. Cette hauteur d’équilibre est liée au rayon de courbure du
- 34 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
ménisque, lui-même dépendant du rayon du capillaire. La pression de vapeur d'équilibre audessus du ménisque ou pression de capillarité Pc, dépend également de ce rayon et vaut :
Pc =
2 σlv cos α m
r
(I.4)
avec σlv : tension de surface à l’interface liquide vapeur (0,072 N.m-1 à T = 20°C)
αm : angle de mouillage de l’eau sur le granulat (rad)
La pression de vapeur saturante (Pvs) est la pression pour laquelle l’air contient la
quantité maximale de vapeur d’eau à une température T donnée. L’angle de mouillage αm
correspond à l’inclinaison du ménisque le long de la paroi.
AIR
EAU
ANGLE αm
Fig.I. 4 : Remontée d’eau dans le tube par pression capillaire
Pour donner une ordre de grandeur, un capillaire de rayon 100 µm a une pression
capillaire de 1440 Pa si on considère que le granulat est parfaitement mouillé (cosαm = 1). Ce
résultat est interprétable en terme de hauteur de remontées capillaires hc avec à l’équilibre :
ρw g hc = Pc
d’où
hc =
2 σ lv cos α m
r g ρw
(I.5)
(I.6)
Une pression de 1 440 Pa correspond alors à une hauteur d’eau de 14,4 cm. Pour un
capillaire de 10 µm de diamètre, la pression atteint 14 400 Pa soit une hauteur d’eau de 1,44
mètres. Ces pressions élevées expliquent la cinétique rapide du phénomène d’absorption
d’eau par les matériaux poreux. De plus, les hauteurs de remontées capillaires laissent à
penser que les pores contenus dans les matériaux se remplissent totalement.
Cependant, l'absorption n’est possible que si les capillaires du réseau poreux
communiquent pour permettre le transfert de l’eau : on parle alors de porosité ouverte φouverte
ou connectée. Lorsque le matériau contient des pores emprisonnés comme dans le cas du
- 35 -
béton cellulaire, on parle de pores occlus. Ces pores ne participent pas au phénomène
d’absorption (Fig.I. 5).
Fig.I. 5 : Trois types de porosité présente dans les matériaux
Une étude expérimentale menée par Vaquier dans [ARNOULD chap.7, 76] a mis en
évidence le rôle de la microstructure dans l’absorption en comparant le type et la distribution
par taille des pores de quatre granulats légers (Tab.I. 4) et en analysant les conséquences sur
l’absorption.
porosité
ouverte (%)
55,0
53,9
37,0
37,0
Ponce
Argile expansée
Schiste expansé
Cendre frittée
% pores diamètre
> 2 microns
68,0
11,7
34,7
17,6
Tab.I. 4 : Porosité ouverte des granulats et proportion de capillaires de diamètre supérieur à 2 microns
Il constate que la plus grande partie de l’eau est absorbée en quelques minutes et que
la quantité d’eau absorbée n’est pas corrélée à la porosité ouverte mais à la porosité ouverte
de diamètre supérieur à 2 microns. Ceci est confirmé par la comparaison entre le volume de
liquide maximal absorbé par les granulats et le volume total des capillaires de diamètre
supérieur à 2 microns qui sont quasiment identiques.
1.3.4.2
Conséquences sur la prise
La mise en présence de constituants possédant des microstructures différentes génère
une compétition entre les éléments pour absorber l'eau du mélange, ce qui a des répercussions
sur la prise du liant. Pour évaluer ce phénomène, Vaquier a comparé le comportement de
granulats de ponce contenant trois quantités d’eau différentes. Il a suivi l’évolution temporelle
du taux de saturation Sr des granulats noyés dans un mortier de ciment.
Connaissant la quantité maximale d’eau que peut capter le granulat, on définit le degré
de saturation Sr comme le rapport entre le volume d’eau contenu dans les granulats et le
volume total de vides. Lorsque Sr = 0 % le granulat est parfaitement sec et lorsque
- 36 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Sr = 100 %, tous les vides sont occupés par l’eau. La teneur en eau massique ω indique la
quantité d’eau liquide contenu dans un matériau par rapport à la masse sèche de ce matériau.
ω
= M
M
eau
(I.7)
sèche
avec Meau : masse d’eau dans le matériau
Msèche : masse de matériau anhydre
Trois degrés de saturation Sr ont été testés Sr = 0 %, 70 % et 100 % (Fig.I. 6).
Fig.I. 6 : Variation temporelle du degré de saturation en eau Sr des granulats de ponce dans un mortier
[ARNOULD, 76]
Lorsque le granulat est non saturé, il absorbe l’eau présente dans le mortier et son taux
de saturation augmente pendant 1 à 2 heures. C’est la phase de succion. Après avoir atteint un
maximum, Sr diminue et l’eau quitte le granulat, qui joue donc un rôle de « réservoir d’eau ».
A l’inverse, dans le cas de granulats saturés en eau, la phase de succion n’existe plus. Pendant
quelques heures, Sr reste constant à 100 % (plateau). Puis, Sr décroît car le granulat libère de
l'eau. Il est important de noter que les pentes des courbes représentant la diminution de Sr sont
parallèles, ce qui laisse à penser que c’est l’hydratation du ciment qui pilote l’assèchement des
granulats. Ce comportement vis à vis de l’eau explique le fait que les granulats légers soient
préalablement saturés, de façon à laisser la réaction d’hydratation du liant s’initier avec l’eau
disponible dans le mélange.
Le deuxième effet de l'absorption concerne d'éventuelles variations dimensionnelles
du matériau, induites en particulier par le gonflement des granulats. Dans le cas du béton de
bois, les variations dimensionnelles sont de l’ordre de 5 mm/m tandis que la norme préconise
- 37 -
des variations inférieures à 0,45 mm/m pour une utilisation en génie civil. Elles peuvent
atteindre 10 mm/m pour des granulats particulièrement hydrophiles. Pour diminuer ces
variations, on peut augmenter le dosage en ciment dans le béton afin d’augmenter la rigidité
de la matrice entourant le granulat et bloquer le gonflement.
Des essais ont permis de d’évaluer les gains massiques et le taux de saturation Sr de
particules de bois AGRESTA seules (épicéa) et d’un béton de bois de masse volumique
600 kg/m3 incluant ces particules (Tab.I. 5). En une minute, les particules AGRESTA sont
capables d’absorber l’équivalent de leur poids sec, ce qui représente plus de la moitié des
volumes de vides disponibles. Le taux d’absorption dépend de la nature des copeaux de bois
mais le niveau reste toujours élevé. De même, les niveaux d'absorption sont importants pour
le béton de bois.
Temps
gain massique
Copeaux bois
Sr (%)
gain massique
Béton de bois
Sr (%)
1 minute
100%
62%
20%
23%
24 heures
140%
87%
27%
31%
28 jours
160%
100%
32%
37%
Tab.I. 5: Gain massique en eau et taux de saturation Sr de copeaux de bois AGRESTA (épicéa)
et du béton de bois correspondant
Les variations dimensionnelles consécutives à l’absorption d’eau par ce béton de bois
sont indiquées ci-dessous (Tab.I. 6).
Gain massique (%)
Gonflement (‰)
20%
2,25‰
27%
3,75‰
32%
4,25‰
Tab.I. 6 : Variations dimensionnelles dues à l’absorption de l’eau pour du béton de bois Agresta
[PIMENTIA & al., 94]
Ce comportement vis-à-vis de l’eau pose des difficultés d’utilisation que ce soit en
tant que matériau de remplissage ou en tant que matériau structurant. En effet, les variations
dimensionnelles vont créer des efforts sur la structure porteuse (matrice cimentaire ou
panneaux des murs à remplir). Celle-ci peut alors être détériorée (fissures, déformations…) et
offrir un aspect peu attractif donc incompatible avec une utilisation dans l’habitat.
1.3.4.3
La sorption/désorption
Les matériaux possèdent la capacité de condenser l’eau présente dans le milieu
extérieur à l’état vapeur. C’est le phénomène de sorption-désorption. Il se quantifie en
mesurant les variations de masses des échantillons en fonction des conditions
- 38 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
thermodynamiques de conservation (température T fixe et hygrométrie extérieure HR
variable).
L’hygrométrie HR (en %) caractérise le degré d’humidité d’une ambiance. On définit
cette humidité relative comme le rapport de la pression de vapeur (Pv) existant dans un gaz et
de la pression de vapeur saturante (Pvs) dans les mêmes conditions de température.
P
H R = 100 × v
P vs
(I.8)
HR permet donc de connaître la fraction de vapeur réellement présente dans l’air pour une
température donnée par rapport à la quantité totale de vapeur que peut contenir l’air sous cette
même température. Lorsque la température T baisse, l’air se refroidit et la pression de vapeur
saturante diminue donc la quantité de vapeur que peut contenir l’atmosphère baisse (air
relativement sec en altitude). En revanche, plus la température T sera élevée et plus l’air
pourra contenir de vapeur d’eau (humidité observable dans les zones tropicales)
La pression de vapeur (Pv) est la pression pour laquelle un corps pur en phase
condensée (liquide ou solide) est en équilibre avec sa phase vapeur sous une température T
donnée et fixée.
Les courbes de sorption-désorption représentent usuellement la teneur massique en
eau ω du matériau sous une humidité HR variant entre 0 et 100 %. Les figures suivantes
permettent de réaliser un comparatif entre des matériaux peu absorbants comme le ciment, le
plâtre ou la brique et des matériaux absorbants comme le béton cellulaire ou le béton de bois
DURISOL (mélange ciment et particules de bois issues du recyclage des charpentes).
- 39 -
Fig.I. 7 : Courbes de sorption de quelques matériaux [SERADA & FELDMAN, 01]
Fig.I. 8: Courbes de sorption et désorption du béton cellulaire de ρ = 500 kg/m3 à T = 20°C [AAC, 78]
- 40 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
ρ (kg/m3)
Gain massique
sous HR=50%
3
Veau (m ) pour 1
3
m de matériau
plâtre - ciment
2500
0,20%
0,005
brique
1800
0,50%
0,009
beton hydraulique
2300
2%
0,046
béton cellulaire
500
3%
0,015
béton de bois
800
8%
0,064
Tab.I. 7 : Gain massique et volumique de différents matériaux sous HR = 50 %
Le tableau I.7 permet de comparer les quantités d’eau effectivement présentes dans les
matériaux sous HR = 50 %. On note l’existence d’un rapport volumique de 12 entre la quantité
d’eau adsorbée par le mélange plâtre-ciment et celle adsorbée par le béton de bois. De même,
on observe un rapport volumique de 3 entre le béton hydraulique et le béton cellulaire, bien
que la teneur en eau massique ω des deux matériaux soit très proche. Ces constatations
permettent de souligner le fait que les courbes de sorption-désorption doivent être utilisées
avec prudence. Il convient de se ramener à des notions de concentrations volumiques afin
d’évaluer la place occupée par l’eau et l’impact sur les propriétés du matériau, principalement
dans le domaine thermique.
1.4. Propriétés thermiques
La conduction thermique λ est le flux de chaleur par mètre carré, traversant un
matériau d’un mètre d’épaisseur pour une différence de température d’un degré entre ses deux
faces. Cette propagation d’énergie se produit dans un solide par agitation des molécules
constitutives du matériau. La conductivité thermique λ est donc une grandeur intrinsèque du
matériau, qui dépend uniquement de ses constituants et de sa microstructure.
Un béton usuel à base de granulats rigides, contient de l'air, dû à l'arrangement de la
phase solide (squelette granulaire) et à la prise de liant. Or, l’air immobile conduit faiblement
la chaleur. Les bétons à base de granulats légers ont donc été développés, car ils permettent
d'augmenter la proportion volumique d'air dans le matériau (i.e. la porosité), en ajoutant l'air
intra-particule (i.e. du granulat). A titre comparatif, un béton hydraulique (ρ = 2300 kg/m3) a
une conductivité thermique de 2,0 W/(m.K) tandis qu’un béton d’argile expansé
(ρ = 1600 kg/m3) a une conductivité thermique de 0,60 W/(m.K).
Cependant, cette relation entre porosité et faible conductivité thermique doit être
nuancée en tenant compte d’un autre mode de transfert de la chaleur, la convection. Cette
dernière traduit les transferts de chaleur entre un solide immobile et un fluide en mouvement.
Lorsque le matériau contient un important réseau de pores connectés, l’air peut s’y déplacer et
les transferts de chaleur par convection peuvent devenir significatifs. En revanche, un
- 41 -
matériau contenant un grand nombre de pores occlus comme le béton cellulaire (φ ≈ 80 %) ne
présente pas de convection. Plus de la moitié de l’air est immobile dans les pores occlus et la
conductivité thermique est faible (Fig.I. 9).
Fig.I. 9 : Conductivité thermique λ en fonction de la masse volumique sèche du béton cellulaire [AAC, 78]
Un deuxième élément permettant de caractériser les propriétés thermiques des
matériaux est la chaleur massique ou chaleur spécifique C en J/(kg.K). Cette grandeur
caractérise la quantité de chaleur nécessaire pour élever la température de l’unité de masse de
1°C. Plus la chaleur massique sera élevée, plus le matériau aura besoin d’énergie pour que sa
température augmente. Il sera donc moins sensible aux variations de températures du milieu
extérieur. Un coefficient C élevé traduit une forte inertie thermique donc une tendance du
matériau à peu évoluer lorsque les conditions extérieures changent. Il sert ainsi de régulateur
de la température à l’intérieur de la structure.
Enfin, à partir de la conductivité λ et de la chaleur massique C, on définit la diffusivité
a (J/(m.K)). Cette grandeur caractérise la vitesse à laquelle la chaleur se propage par
conduction dans un corps. Plus la valeur de a est faible, plus la chaleur met de temps à
traverser le matériau.
a= λ
ρc
(I.9)
Ainsi, le pouvoir isolant du matériau dépend non seulement de la valeur de λ mais
également de la vitesse de transfert thermique traduite par a.
- 42 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
ρ (kg/m )
porosité φ
C (J/kg.K)
λ (W/(m.K))
a (m .s )
Air
1,2
-
1000
0,026
2,2E-05
Eau liquide
998
-
4180
0,602
1,4E-07
Styrodur
50
-
-
0,033
-
Cuivre
8900
-
390
400
1,2E-04
Contreplaqué
700
-
1500
0,12
1,1E-07
Béton
hydraulique
2330
8%
1050
1,80 à 2,00
7,4 à 8,2E-07
Béton argile
expansé
1600
36%
900
0,46
3,2E-07
Béton
cellulaire
350 à 650
75 à 82%
880
0,16 à 0,33
5,2 à 5,8E-07
Béton de
bois
600 à 900
52%
1200
0,09 à 0,30
1,2 à 2,8E-07
Brique
1800
-
860
1,15
7,40E-07
3
2
-1
Tab.I. 8 : Caractéristiques thermiques de quelques matériaux
Une synthèse des caractéristiques thermiques de quelques matériaux est faite dans un
but comparatif (Tab.I. 8). On constate par exemple, qu’un béton cellulaire est plus poreux
qu’un béton de bois et possède une conductivité thermique plus faible. En revanche, il diffuse
la chaleur plus rapidement.
Un dernier élément concernant les propriétés thermiques des bétons légers est lié au
pouvoir absorbant de ces matériaux, qui peuvent contenir des quantités d’eau non
négligeables. L’eau étant un excellent conducteur, elle induit une augmentation de la
conductivité thermique du béton, en se substituant à l’air isolant. Divers travaux ont permis de
corréler la conductivité thermique λ et la teneur en eau massique ω des bétons légers par des
formules empiriques. Des mesures expérimentales sur du béton de bois ont montré que la
conductivité thermique augmentait de 40 à 90 % pour des teneurs en eau ω de 30 %.
- 43 -
Cependant, les variations de λ dépendent de la masse volumique sèche puisqu'une teneur en
eau massique ω identique pour deux bétons de bois ne représentera pas le même volume d'eau
dans chaque matériau humide. Ceci permet d'expliquer les écarts observables sur la figure
suivante.
0,5
0,45
λ (W/(m.K))
0,4
0,35
0,3
0,25
1000 kg/m3
0,2
550 kg/m3
0,15
0,1
0,05
0
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
Teneur en eau massique ω (%)
Fig.I. 10 : Conductivité thermique sèche et humide de deux bétons de bois DURISOL
[KOSNY & DESJARLAIS, 94]
Des études similaires à celles réalisées sur les bétons de granulats légers, ont été
menées sur le béton cellulaire, afin d’évaluer les variations de conductivité λ induites par la
présence d’eau liquide.
Fig.I. 11 : Conductivité thermique λ en fonction de la teneur en eau massique ω du matériau [AAC, 78]
- 44 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Les premiers études de ce phénomène, on considère qu’il existait une dépendance
quasi-linéaire entre la conductivité et la masse volumique [AAC, 78]. Cependant, ces
conclusions ont été obtenues en couvrant une gamme restreinte de teneurs en eau (Fig.I. 11).
Plus tard, [BOUTIN, 96] montre par homogénéisation que la dépendance entre λ et ρ n’est
pas linéaire mais curviligne. Cette approche théorique est largement abordée dans le chapitre
3 consacré aux propriétés thermiques. Cependant, quelle que soit la forme mathématique de la
relation entre teneur en eau ω et conductivité, il est important de retenir que la présence d’eau
diminue le pouvoir isolant des matériaux dans des proportions non négligeables.
1.5. Propriétés acoustiques
Le dernier élément de caractérisation des matériaux concerne les propriétés
acoustiques. Les mécanismes mis en jeu sont amplement détaillés dans le chapitre consacré au
comportement acoustique. Ce paragraphe présente de manière succincte les quelques éléments
permettant de cerner les enjeux de cette étude.
Lorsqu’un son est émis, une onde acoustique se propage dans l’air jusqu’à atteindre un
obstacle. Lorsque cette onde incidente rentre en contact avec un matériau, deux ondes sont
créées : une onde réfléchie qui se propage dans le même milieu que l’onde incidente, une
onde transmise qui traverse le matériau de part en part. Un traitement acoustique est une
démarche qui va influer soit sur l’onde transmise, soit sur l’onde réfléchie de façon à
améliorer l’acoustique d’un local.
L’isolation acoustique vise à limiter la transmission des sons de part et d’autre d’un
matériau. Cette isolation est généralement réalisée par de matériaux de forte densité car leur
inertie fait qu'ils sont plus difficilement mis en mouvement par les ondes acoustiques. Ils
génèrent donc moins d’ondes transmises par vibrations. Les bétons légers, comme leur nom
l’indique, ne fonctionnent pas par cet effet de masse.
On peut également limiter la transmission du son en imperméabilisant la surface du
matériau. Les ondes sont alors réfléchies et renvoyées vers la source émettrice. Les matériaux
peu perméables sont donc de bons isolants, dans le sens où ils empêchent la transmission du
son entre deux pièces contiguës. Cependant, les ondes réfléchies viennent perturber
l’intelligibilité du discours dans le local, en créant des interférences.
La troisième façon d’agir sur les ondes acoustiques est l’absorption. Les matériaux
amortissement les sons par dissipation visqueuse. Cependant, ce mécanisme de dissipation
d’énergie suppose que les ondes puissent pénétrer dans le matériau et disposer d’un espace
- 45 -
suffisant pour être amorties. Il faut donc une certaine perméabilité et une porosité ouverte
importante.
La perméabilité Π d'un matériau homogène, se définit à partir de la loi de Darcy, qui
relie le débit du fluide traversant à la perte de charge et à la surface traversée. Dans le cas
d’un écoulement non turbulent dans un milieu isotrope, on a :
v = - Π ∇P
(I.10)
Q = Π S ∆P
η ∆l
(I.11)
η
avec
v : vitesse d’écoulement du fluide (m.s-1)
Π : coefficient de perméabilité du matériau (m2)
η : viscosité dynamique du fluide (Pa.s)
Q : débit volumique du fluide
∆l : épaisseur du matériau poreux (m)
S : section de passage du fluide (m2)
∆P = P2 – P1 : différence de pression appliquée sur chaque face de l’échantillon (Pa)
Lorsque le fluide traversant le poreux est de l’air, on utilise comme paramètre la
résistance au passage de l’air σ. Elle peut se calculer directement à partir des mesures
réalisées sur un perméamètre, grâce à la relation :
σ = P 2 - P1 S
∆l Q
(I.12)
σ varie entre 1 000 et 300 000 Pa.s.m-2 pour les matériaux poreux couramment utilisés en
génie civil. En combinant (IV.11) et (IV.12), on en déduit la relation de passage entre
résistivité à l’air et perméabilité macroscopique :
Π=1
η
σ
(I.13)
Le pouvoir absorbant d’un matériau se caractérise par le coefficient d’absorption α.
Quand α = 1, toute l’énergie de l’onde incidente est dissipée donc le son est entièrement
amorti. Quand α = 0, le son n’est pas amorti du tout. Ce coefficient α dépend de la fréquence.
En général, il est mesuré sur toute la gamme de fréquences, puis moyenné sur des bandes de
fréquences appelées octaves. Ceci permet de comparer plus facilement les matériaux entre
eux. Parmi les bétons légers, seul le béton de bois est utilisé actuellement pour ses qualités
acoustiques, car il représente un bon compromis entre une certaine masse volumique et une
bonne capacité d’absorption. La Fig.I. 12 permet de comparer le coefficient d’absorption α du
- 46 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
béton de bois STRUCTA (panneau double faces commercialisé par Béton Bois Système),
celui du béton cellulaire Siporex (mesures LGM), et ceux du béton peint, de la brique, du
contre-plaqué et du plâtre (mesures CEBTP). Au delà de 400 Hz, le béton de bois absorbe
plus de 80 % de l’énergie de l’onde incidente, ce qui traduit une atténuation très importante du
son. Seul 20 % de l’énergie acoustique incidente est réfléchie par le matériau. Le pouvoir
absorbant du béton de bois est deux à trois fois plus élevées que celui des autres matériaux de
construction rencontrés usuellement dans le bâtiment.
1,0
0,9
0,8
0,7
α
0,6
Panneaux Béton Bois Système - Mur double face STRUCTA - e=13cm
Béton Cellulaire Siporex (e=5cm)
Béton peint
Contre-plaqué
Briques
Plâtre
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
125
250
500
1000
2000
4000
Fréquence (Hertz)
Fig.I. 12: Coefficient d’absorption acoustique α par octave de quelques matériaux (LGM et CEBT)
ρ (kg/m )
porosité φ
perméabilité Π (m )
α
Contreplaqué
700
-
-
0,10 à 0,40
Béton
hydraulique
2330
8%
Béton argile
expansé
1600
36%
Béton
cellulaire
350 à 650
75 à 82%
Béton de
bois
600 à 900
52%
-
> 0,55
Brique
1800
-
-
< 0,05
3
2
10
-16
à 10
-18
-
1 à 4.10
0,30 à 0,40
-
-14
0,21 à 0,32
Tab.I. 9 : Caractéristiques acoustiques de quelques matériaux
- 47 -
En conclusion, la porosité globale d’un matériau n’explique pas à elle seule une bonne
ou une mauvaise absorption acoustique. Le béton cellulaire par exemple possède une forte
porosité mais il n’absorbe pas plus de 40 % du son, car il est peu perméable. L’onde sonore ne
parvient pas à pénétrer dans le matériau et ne peut donc pas être amortie. Il en est de même
pour le plâtre et la brique dont les surfaces sont peu perméables. L'étude du comportement
acoustique devra donc prendre en compte ces deux paramètres simultanément, afin d'analyser
les données expérimentales recueillies (chapitre 4).
2.
CARACTERISATION EXPERIMENTALE DES
CONSTITUANTS
Le béton de chanvre est un mélange dans des proportions très variables de deux
constituants de nature très différente, à savoir un granulat d’origine végétale et un liant à prise
hydraulique et aérienne. Les caractéristiques de chacun des composants sont exposées dans un
premier temps, avant d’aborder les propriétés du mélange.
2.1. Le liant
2.1.1.
Composition chimique
Les deux liants utilisés sont composés d’un mélange de chaux hydraulique et de chaux
aérienne. Le premier liant s’appelle le T70 et le second le Tradichanvre, ce qui correspond à
la dénomination commerciale de ces produits. Les compositions massiques et volumiques
sont indiquées ci-dessous (Tab.I. 10). Le signe * dans T70 indique que ce liant contient
environ 10 % en volume de pouzzolanes (inclus dans la chaux hydraulique).
chaux
hydraulique
T70*
37%
Tradichanvre
22%
MASSE
chaux
aérienne
63%
58%
sable
20%
chaux
hydraulique
25%
10%
VOLUME
chaux
aérienne
75%
55%
sable
35%
Tab.I. 10: Composition chimique des liants T70 et Tradichanvre
Les proportions sont de 1/3 de chaux hydraulique pour 2/3 de chaux aérienne. Compte
tenu des mécanismes de prise différents pour les deux types de chaux, ceci laisse présager
d’un durcissement en deux étapes. De plus, le liant contient des ajouts parmi lesquels un
entraîneur d’air, qui explique la porosité observable sur les échantillons après prise (Fig.I.13,
- 48 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
I.14 et I.15). Le T70 entre dans la composition du béton de chanvre et le Tradichanvre est
utilisé pour formuler des enduits.
Fig.I. 13 : Coupe d’un échantillon de T70 après sa prise
Pores de diamètre 0,1 mm
Fig.I. 14 : Pores de taille mésoscopique dans le liant T70
10 µm
Fig.I. 15 : Pores de taille microscopique dans le liant T70
- 49 -
Les trois figures montrent les différentes tailles de pores observables dans le liant pur.
On note l’existence de deux échelles distinctes avec des pores de diamètre de l’ordre du
micromètre (échelle micro), des pores de diamètre de l’ordre du dixième de millimètre
(échelle meso). Ces tailles de pores faibles vont entraîner des pressions de capillarité élevées
donc des hauteurs de remontées capillaires importantes. Le liant T70 possède donc une
sensibilité à l’eau dont il faudra tenir compte dans l’étude. Des conclusions identiques sont
obtenues pour le Tradichanvre.
9-10
8-9
7-8
6-7
10
5-6
4-5
9
3-4
2-3
8
1-2
0-1
7
6
5
Hauteur remontées
capillaires (m)
4
3
90
78
2
66
1
53
angle de mouillage (°)
37
0
0
1
0,5
0,1
0,05
0,01
0,001
Diamètre capillaires (mm)
Fig.I. 16 : hauteur de remontées capillaires pour des pores de diamètre compris entre 1µm et 1 mm
2.1.2.
Prise de la chaux
La chaux est obtenue par décomposition du calcaire sous l’effet de la chaleur
[LAFUMA, 64]. Ce processus de décomposition permet d’obtenir les deux formes de chaux
(aérienne et hydraulique) présentes dans les liants.
La chaux aérienne Ca(OH)2 obtenue par calcination du calcaire pur à plus de 900°C,
effectue sa prise (dite « prise aérienne ») par carbonatation de la chaux vive (CaO) avec le
CO2 de l’air en milieu humide. En effet, la vapeur d’eau et le CO2 forment de l’acide
carbonique. La chaux fixe ensuite le CO2 contenu dans cet acide pour permettre l’apparition
du calcaire. Cette prise démarre rapidement mais le phénomène ralentit par la suite et s’étend
sur plusieurs années.
- 50 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Chaux aérienne
Ca(OH)2
+ CO2 (milieu humide)
Calcaire
CaCO3
La chaux hydraulique est obtenue par calcination d’un calcaire riche en silice et oxyde
de fer. Cette chaux présente un phénomène de double prise. Dans un premier temps, il se
produit un durcissement à l’eau, relativement rapide (1 mois environ). Puis, dans un second
temps, un durcissement à l’air (dû au CO2), beaucoup plus lent, s’étend sur plusieurs années.
Chaux hydraulique
+ H2O
2CaO,SiO2
Chaux aérienne
Ca(OH)2
Ca(OH)2
CaO,SiO2nH2O
+ CO2 (milieu humide)
Calcaire
CaCO3
La présence de ces deux formes de chaux explique la cinétique de prise globalement
lente communément admise. En effet, une première prise à court terme est assurée par la
réaction entre les silicates de calcium (ou aluminates et ferro-aluminates de calcium) et l’eau
qui forment des hydrates insolubles ainsi que de la chaux aérienne. Ces éléments confèrent au
liant des propriétés mécaniques à court terme, tandis que les propriétés à long terme sont dues
à la réaction de carbonatation de la chaux aérienne.
2.1.3.
Cinétique de séchage du liant pur
Le liant pur à l’état frais contient une forte proportion d’eau (52,5 % en volume). Une
partie de celle-ci est utilisée pour hydrater la chaux, c’est la prise. L’eau restante se vaporise
progressivement vers le milieu extérieur, ce qui constitue le séchage.
2.1.3.1
Les étapes du séchage
Le séchage est dû à l’effet combiné de plusieurs phénomènes d’origine physique
couplés entre eux (transferts de masse, changements de phases) [CRAUSE & al., 81]. En
pratique, la démarche la plus simple pour étudier le séchage est de suivre l’évolution de la
masse des échantillons dans le temps. A partir de ce premier résultat, on peut ensuite accéder
- 51 -
aux données caractéristiques de la cinétique de séchage à savoir le pourcentage de pertes
massiques, la teneur en eau massique, la vitesse d’évaporation.
Définition des paramètres caractéristiques
Lors du suivi du séchage, on obtient une première courbe donnant la masse en
fonction du temps : M = f(t). Afin de pouvoir comparer les échantillons entre eux, on utilise le
pourcentage massique de perte qui vaut :
% pertes = ∆M 100 =
M0
M 0 - M(t)
100
M0
(I.14)
avec M0 : masse initiale de l’échantillon (en g)
M(t) :masse de l’échantillon au temps t (en g)
La vitesse d’évaporation Vévap. est définie comme la quantité d’eau qui disparaît, rapportée à
la surface de séchage et au temps écoulé.
Vévap. =
∆M
∆t S
en g/(j.m2)
(I.15)
séchage
avec ∆M = masse eau perdue entre t1 et t2 en g
∆t = t2 – t1 = temps entre deux pesées en jours (j)
Sséchage = surface de séchage (en m2)
Le mécanisme du séchage [WHITAKER, 77] [DERDOUR, 98]
Initialement, le matériau contient une quantité d’eau homogène dans toute la
géométrie de l'échantillon. Deux zones peuvent être définies dans le matériau : une zone
diffusionnelle et une zone à teneur en eau initiale.
La zone diffusionnelle, située à la surface du matériau, permet la remontée d’eau
liquide par capillarité, sa vaporisation et son évacuation vers le milieu extérieur. La zone à
teneur en eau initiale se situe, quant à elle, dans la partie la plus éloignée de la surface. Elle
alimente la zone diffusionnelle par effets capillaires, jouant le rôle de réservoir.
Lorsque le matériau sèche, il se produit une migration de l’eau vers la « zone
diffusionnelle ». Cette eau s’évapore et il est nécessaire d’alimenter la surface pour maintenir
l'équilibre hydrique. Tant que le matériau contient suffisamment d’eau pour alimenter la
« zone diffusionnelle », la vitesse de séchage reste constante.
A partir d’une teneur en eau dite critique, l’eau liquide ne peut plus rejoindre la
surface. Un gradient de teneur en eau se développe et la vitesse de séchage décroît. Cette
dernière est gouvernée par la diffusion de vapeur. Une zone sèche apparaît en surface du
- 52 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
matériau, la zone diffusionnelle s’éloigne de la surface en gardant quasiment la même
épaisseur et la zone à teneur en eau initiale décroît, jusqu’à disparaître à la fin du séchage.
2.1.3.2
Résultats expérimentaux
Lors de l’étude du séchage deux aspects doivent être pris en compte : l’état final du
matériau et la cinétique du phénomène. L’état final du matériau, c’est-à-dire lorsqu’il est en
équilibre avec le milieu extérieur, dépend principalement des conditions thermodynamiques
extérieures et de la microstructure du matériau. La cinétique de séchage dépend quant à elle
non seulement des conditions extérieures mais également de la géométrie du matériau, de la
surface de séchage, de la porosité.
Composition des liants T70 et Tradichanvre à l’état initial et final
Des mesures réalisées à l’aide d’un air-mètre sur du T70 ont mis en évidence une forte
présence d’air au moment de la fabrication (phase fluide). On obtient expérimentalement une
porosité initiale autour de 14 % pour les masses volumiques de liant voisines de 1450 kg/m3.
Porosité
20%
15%
10%
5%
0%
1430
1440
1450
1460
1470
ρ (kg/m )
3
Fig.I. 17 : Porosité du liant T70 à l’état frais mesurée à l’air-mètre
La composition finale du liant pur est calculée par une approche simplifiée. La masse
volumique des grains de liant ρgrains_liant est prise égale à 2700 kg/m3. Cette valeur correspond
à une phase minérale classique. Elle est vérifiée à partir des mesures à l’air-mètre, en
remontant aux valeurs de la masse volumique de la poudre. De plus, les variations de volume
des échantillons sont négligées car elles sont du même ordre de grandeur que la précision de
la mesure géométrique (Fig.I.18). Ceci revient à considérer que le volume d’eau évaporée est
intégralement remplacé par de l’air.
Des essais de retrait libre ont été réalisés sur des échantillons de béton de chanvre de
formulation A4-1 (19 % de liant en volume). On a suivi l’évolution du déplacement axial et
- 53 -
du déplacement radial sur des éprouvettes cylindriques 16 x 32. On mesure une contraction
radiale de l’ordre de 7 mm/m et un tassement de l’ordre de 16 mm/m.
1800
1600
AXIAL
1400
ε (x1e5)
1200
1000
RADIAL
800
600
400
A4 - 1 / 19 %
200
0
0
5
10
15
20
25
jours
30
35
40
45
50
Fig.I. 18 : Déformations axiales et radiales lors du séchage de A4-1 [CEREZO, 00]
On obtient par calcul une proportion finale d'air de l’ordre de 45 % à T = 20°C et
HR = 50 %. Après séchage en étuve à T = 60°C pendant 7 jours consécutifs, cette proportion
dépasse les 50 % (Fig.I.19). L’écart entre ces deux mesures correspond au phénomène de
sorption-désorption. La quantité d'eau résiduelle après séchage (≈ 15 % en volume)
correspond à l'eau liée dans le matériau.
Le liant Tradichanvre est constitué de chaux hydraulique, de chaux aérienne et de
sable. Les mêmes hypothèses de calculs sont faites :
− ρgrains_liant = 2700 kg/m3 (ρsable = 2650 kg/m3)
− pas de variation du volume total
A l’état frais, le Tradichanvre présente une masse volumique moyenne ρ de
1750 kg/m3 soit une proportion initiale d'air de 7 %. A T = 20°C et HR ambiant = 40 %, on
obtient ρ ≈ 1400 kg/m3 soit une proportion d'air de l’ordre de 42 %. Après séchage en étuve,
cette proportion atteint 48 % (Fig.I. 20).
- 54 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Liant frais
M (kg)
HR = 40% (ambiant)
V (m3)
M (kg)
925
grains liant
0,344
205
eau
0,205
0
air
0,451
925
grains liant
0,344
525
eau
0,525
0
1450
air
0,131
1,000
V (m3)
1130
1,000
HR = 0%
M (kg)
V (m3)
925
grains liant
0,344
150
eau
0,150
0
air
0,506
1075
1,000
Fig.I. 19 : Composition massique et volumique du T70 à l’état frais et après séchage
à l’air ambiant (HR = 40 %) et à HR = 0 %.
Liant frais
M (kg)
HR = 40% (ambiant)
V (m3)
M (kg)
1300
grains liant
0,483
98
eau
0,098
0
air
0,419
1300
grains liant
0,483
447
eau
0,447
0
1747
air
0,070
1,000
1398
V (m3)
1,000
HR = 0%
M (kg)
V (m3)
1300
grains liant
0,483
40
eau
0,040
0
air
0,477
1340
1,000
Fig.I. 20 : Composition massique et volumique du Tradichanvre à l’état frais et après séchage à l’air
ambiant HR = 40 % et à HR = 0 %.
- 55 -
Conditions de réalisation des essais
La cinétique de séchage des liants a été étudiée sur 65 échantillons, conservés dans des
moules cylindriques en carton étanche de 11 cm de diamètre et 22 cm de hauteur et stockés
dans une salle maintenue à T = 20°C et HR = 50 %. Le séchage s’effectue uniquement par la
face supérieure des éprouvettes, mesurant 100 cm2. Les pesées sont réalisées en préambule
des essais de caractérisation mécanique. On obtient ainsi les variations de masse des liants,
pour diverses échéances comprises entre 7 jours et 24 mois.
Courbes expérimentales de séchage
La cinétique du séchage des deux liants est étudiée au travers de quatre courbes,
représentant :
-
le pourcentage de pertes massiques en fonction du temps (Fig.I.21)
-
la teneur en eau massique ω en fonction du temps (Fig.I.22)
-
la vitesse d’évaporation en fonction du temps (Fig.I.23)
-
la vitesse d’évaporation en fonction de la teneur en eau massique (Fig.I.24)
Ces courbes permettent de définir les périodes durant laquelle les vitesses de séchage sont
constantes et les teneurs en eau critique pour chaque liant.
25
Liant T70
Liant Tradichanvre
% pertes massiques
20
15
10
5
0
0
5
10
MOIS
15
20
25
Fig.I. 21 : Pourcentage massique de pertes du T70 et du Tradichanvre en fonction du temps
- 56 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
35%
30%
Liant T70
Liant Tradichanvre
25%
ω (%)
20%
15%
10%
5%
0%
0
5
10
Mois
15
20
25
Fig.I. 22 : Teneur massique en eau ω du T70 et du Tradichanvre en fonction du temps
600
500
Vévap (g/(j.m²)) .
400
Liant T70
Liant Tradichanvre
PERIODE OU LA
VITESSE
D'EVAPORATION EST
CONSTANTE
300
200
100
0
0
5
10
MOIS
15
20
Fig.I. 23 : Vitesse d’évaporation de l’eau en fonction du temps
- 57 -
25
600
Vévap. (g/(j.m²))
500
Liant T70
Liant Tradichanvre
400
TENEUR EN EAU
CRITIQUE
300
200
100
0
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
ω (%)
Fig.I. 24 : Vitesse d’évaporation de l’eau en fonction de la teneur en eau ω du matériau
Interprétation des résultats
Les courbes correspondant au séchage des deux liants montrent un découpage
temporel en quatre étapes au cours desquelles la cinétique du phénomène varie.
La première étape dure 1 mois environ pour chacun des deux liants. Elle correspond à
une perte d’eau importante dans le matériau, avec une vitesse d’évaporation très élevée. Les
teneurs en eau ω sont initialement de 37 % pour le T70 et de 36 % pour le Tradichanvre. Les
teneurs en eau ω au bout d’un mois sont de 26 % pour le T70 et de 19 % pour le
Tradichanvre. En calculant le volume d’eau correspondant à ces variations de teneurs en eau,
on trouve que les deux liants ont perdu un volume d’eau équivalent, de l’ordre de 0,11 m3
d’eau par m3 de liant frais.
La deuxième étape correspond à la période de séchage à vitesse Vévap constante. Cette
phase correspond au transfert interne d’humidité vers la surface par effets capillaires. Elle
s’étend de 1 à 4 mois pour le Tradichanvre et de 1 à 9 mois pour le T70. Cette différence
s’explique par une quantité d’eau initiale plus importante dans le T70 par rapport au
Tradichanvre, qui possède donc une réserve plus faible pour alimenter la surface en eau. Les
conditions externes (géométrie, surface de séchage) jouent un rôle prépondérant au cours de
- 58 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
cette étape. Les deux vitesses Vévap obtenues, sont très proches, ce qui s’explique par des
conditions hydriques externes identiques pour les deux liants.
La troisième étape s’étend de 4 à 15 mois pour le Tradichanvre et de 9 à 24 mois pour
le T70. Le cœur du matériau ne contient plus assez d’eau pour compenser les pertes de surface
et la vitesse Vévap décroît lentement. Cette étape est plus courte pour le Tradichanvre car la
quantité d’eau disponible est plus faible que pour le T70.
La dernière étape correspond à un état d’équilibre hydrique du liant dans des
conditions thermodynamiques ambiantes. On peut considérer que le séchage des échantillons
est terminé au bout de deux ans.
2.1.4.
Propriétés mécaniques du liant pur
Les deux liants présentent un comportement à la rupture de type fragile. Pour chaque
échéance, des essais de compression monotone et cyclique sont réalisés pour obtenir les
valeurs de σmax (maximum de contrainte supporté par le matériau), E (module d’Young), ν
(coefficient de Poisson), εσmax (déformation au niveau du maximum de contrainte). Ces
paramètres sont définis précisément dans le chapitre consacré au comportement mécanique du
béton de chanvre.
3
σmax
2,5
2
σ (MPa)
DISCONTINUITE DUE A
LA MICROFISSURATION
1,5
1
0,5
εσmax
E
0
0
0,002
0,004
0,006
ε
0,008
axial
0,01
Fig.I. 25 : Micro-fissuration du Tradichanvre
- 59 -
0,012
0,014
0,016
Au cours d’un essai de compression monotone, des discontinuités associées au
développement de micro-fissurations sont observables en amont du maximum de contraintes
admissibles (Fig.I. 25). La détermination du module d’Young E des liants sera donc faite pour
des déformations de l’ordre de 0,4 % de façon à toujours se positionner avant l’apparition des
discontinuités dans la monotonie de la courbe. Cette micro-fissuration est systématique sur le
Tradichanvre compte tenu de la forte présence de sable dans les échantillons. En revanche, ce
comportement est peu observable sur le T70.
De plus, le comportement du liant est évolutif avec une hydratation progressive de la
chaux lors de la prise, qui permet une amélioration progressive de la résistance mécanique
(σmax) et de la rigidité du matériau (E), et une réduction de la déformation à la rupture (εσmax).
L’absence de résultats sur la durée de prise de ces liants a nécessité la mise en place d’un
suivi temporel des caractéristiques mécaniques (Fig.I. 26 et Fig.I. 27). Les essais sur le T70
montrent que la prise n’est pas tout à fait terminée à 15 mois. Des essais supplémentaires sont
en cours afin de confirmer l’hypothèse selon laquelle le niveau final de caractéristiques est
proche. Les essais sur Tradichanvre montrent deux paliers dans l’évolution des
caractéristiques avec une stabilisation vers 3 mois et une autre vers 6 mois. Le niveau final de
performances semble atteint.
6
15 mois
5
12 mois
6 mois
σ (MPa)
4
2 mois
TEMPS
14 jours
3
2
1
0
0
0,005
0,01
εaxial
0,015
Fig.I. 26 : Essais de compression sur liant T70 pur entre 14 jours et 15 mois
- 60 -
0,02
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
3,5
9 mois
3
12 mois
2,5
6 mois
σ (MPa)
TEMPS
1 mois
2
4 mois
3 mois
1,5
1
0,5
0
0
0,002
0,004
0,006
0,008
0,01
ε
0,012
0,014
0,016
0,018
0,02
axial
Fig.I. 27 : Essais de compression sur liant Tradichanvre pur sur 1 an
Enfin, les caractéristiques mécaniques maximales atteintes dans le laps de temps de
l’étude sont relativement faibles comparées à celles d’autres matériaux du génie civil. Ceci
laisse donc déjà présager du fait que le béton de chanvre sera difficilement utilisable en tant
que matériau porteur (Tab.I. 11).
σmax (MPa)
T70
Tradichanvre
Mortier de ciment
5
3
10
εσ
max
(m/m)
E (GPa)
-4
0,5
0,3
20
100.10
-4
100.10
-4
5.10
Tab.I. 11 : Comparaison des caractéristiques mécaniques de matériaux de génie civil
Les essais de compression réalisés sur le liant pur ont permis de mettre en évidence
des résistances mécaniques modérées en comparaison de celles des autres liants. En revanche,
les niveaux de déformations supportés sont plus importants, ce qui devrait permettre au liant
de mieux s’adapter à la compressibilité du granulat végétal que ne le ferait un liant comme le
ciment par exemple.
2.1.5.
Propriétés thermiques
Des mesures de conductivité thermique λ ont été effectuées sur du liant T70
préalablement séché à l’étuve à T = 60°C. Les résultats montrent que ce liant est un
conducteur moyen par rapport aux autres matériaux du génie civil. Pour des valeurs de masse
- 61 -
volumique ρ = 1050 kg/m3, on mesure des conductivités λ = 0,24 W/(m.K). Des essais
identiques menés sur du Tradichanvre par [SAMRI, 04], donnent une conductivité
λ = 0,28 W/(m.K) pour ρ = 1400 kg/m3.
2.1.6.
Propriétés acoustiques
Le liant T70 possède une porosité non négligeable une fois la prise terminée
puisqu’elle avoisine les 44 %. Des mesures du coefficient d’absorption α sont réalisées dans
la gamme de fréquences 100 à 2000 Hz à l’aide d’un tube à ondes stationnaires (tube de
Kundt). Les valeurs obtenues sont de l’ordre de 0,25 c’est-à-dire que 25 % du son environ est
absorbé par les échantillons de liant pur. Ces faibles niveaux de performances peuvent
s’expliquer par une perméabilité peu élevée du liant. Le réseau poreux est constitué de microbulles d’air occlus à la manière de celui du béton cellulaire. Les ondes sont donc réfléchies sur
la surface peu perméable des échantillons et ne peuvent pas pénétrer dans le matériau pour
s’amortir. Le liant Tradichanvre a un coefficient d’absorption α variant entre 0,15 et 0,20.
Ceci pourrait s’expliquer par la présence de sable dans le mélange qui rendrait le
Tradichanvre plus imperméable que le T70.
0,45
0,40
0,35
0,30
α
0,25
0,20
0,15
0,10
0,05
Siporex (5cm)
T70 - 10 cm
T70 - 20 cm
Tradichanvre - 10 cm
Plâtre
Briques
0,00
125
250
500
1000
2000
Hertz
Fig.I. 28 : Comparaison des coefficients d’absorption de différents matériaux de construction
- 62 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
2.2. Les particules de chanvre
2.2.1.
Historique sur le chanvre
Le chanvre ou « Cannabis Sativae » est une plante annuelle et herbacée de la famille
des Cannabinacées, utilisée depuis plus de 6000 ans. Elle était en particulier très prisée pour la
qualité de ses fibres. Sa production a fortement varié dans les siècles précédents. Au XVIIIème
siècle, la surface cultivée avoisinait les 180 000 hectares et les utilisations allaient du textile à
la papeterie en passant par la toile ou les cordages. Cette surface a diminué peu à peu compte
tenu de la concurrence de nouveaux matériaux comme le coton ou plus tard les fibres
synthétiques. Elle est tombée à quelques dizaines d’hectares dans les années soixante avant de
connaître un certain renouveau dans les années soixante dix. Actuellement, les subventions
européennes attribuées dans le cadre de la valorisation de certains produits issus de l’écoculture ont permis de développer plusieurs zones de production parmi lesquelles celle située
dans l’Aube, qui a fourni les granulats végétaux utilisés dans cette étude. La surface cultivée
annuellement en France est de l’ordre de 8000 ha.
2.2.2.
Processus d’obtention des granulats végétaux
La plante de Cannabis est constituée en deux parties : les graines, la tige. Les graines
ou chènevis sont utilisées dans l’alimentation animale, dans la fabrication d’huile siccative
destinées aux peintures ou pour des produits pharmaceutiques.
EPIDERME
CORTEX
BOIS
MOELLE
Fig.I. 29 : Photographie en microscopie électronique à balayage d’une coupe transversale
de tige de chanvre [GARCIA-JALDON, 95]
- 63 -
La tige quant à elle se décompose en quatre zones [GARCIA-JALDON, 95] :
-
l’épiderme : couche de cellules à paroi cellulosique
-
le cortex : zone contenant les fibres corticales regroupées en faisceaux servant
à la fabrication des fibres de chanvre
-
le bois ou xylème : cellules du parenchyme, fibres et vaisseaux conducteurs
assurant la conduction de la sève montante et servant à la fabrication des
granulats végétaux
-
la moelle :parenchyme médullaire
Le bois est utilisé pour la fabrication des particules végétales de chanvre.
Historiquement, ces dernières étaient un simple sous-produit de la fibre de chanvre alors que
maintenant elles sont considérées comme un élément essentiel de la plante.
Le processus d’obtention des particules végétales se décompose en trois étapes :
-
cueillette et séchage des plants de cannabis
-
teillage et défibrage mécanique de la tige pour séparer les fibres corticales
(filasses) et le bois
-
traitement du bois pour obtenir les particules végétales : dépoussiérage,
séchage, calibrage et découpe de la tige
Par le passé, le « nettoyage » des fibres de chanvre se faisait par rouissage soit
directement sur les champs où la plante était cultivée, soit dans l’eau. Des micro-organismes
naturels (enzymes) dégradaient les composés entourant les fibres (pectines) afin de libérer ces
dernières des impuretés. Cependant, le rouissage en extérieur ou dans des étangs pose des
problèmes de rentabilité et de pollution. En effet, dans le cas du rouissage sur champ, les tiges
sont laissées sur place et elles sont dégradées sous l’effet des intempéries. L’efficacité du
procédé est donc soumise à l’aléa climatique. Le contrôle de l’état d’avancement est
exclusivement empirique et nécessite une attention constante. Pour ce qui est du rouissage
dans l’eau, le procédé consiste en une immersion pendant plusieurs jours des tiges dans des
bassins, souvent des étangs voire des cours d’eau. Or, la dégradation du chanvre génère des
effluents qui posent un réel problème d’environnement en détériorant la qualité du milieu
aquatique. Les industriels se sont alors tournés vers des solutions chimiques avec plus ou
moins de succès. Récemment, un brevet a été déposé par Sharma mettant en œuvre des
composés modérément agressifs comme l’EDTA (ethylènediaminetétraacétate).
Puis, le défibrage mécanique est réalisé sur une chaîne de production, qui permet la
découpe et le calibrage des particules de manière industrielle. On obtient ainsi les particules
- 64 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
de chanvre. Pour la suite du document, le terme de bois désignera la partie végétale de la
particule et celui de chènevotte fera référence aux particules de chanvre en vrac.
Les particules végétales ainsi obtenues sont des matières naturelles au même titre que
les granulats de bois. Elles possèdent donc une certaine variabilité de leurs propriétés en
fonction du lieu de production, de la nature de la plante (variété) et du processus de
fabrication. A titre d’exemple, l’utilisation d’un défibrage mécanique au lieu d’un séjour dans
l’eau a nettement amélioré les qualités de ce produit.
Dans le cadre de ce travail, les particules de chanvre proviennent d’une source unique,
la Chanvrière de l’Aube (chaîne de production et de transformation identique) et d’une variété
de plante de chanvre unique – le cannabis sativae – dont la culture est la seule autorisée en
France compte tenu de son faible taux de tétrahydrocannabinol (substance psychotrope).
2.2.3.
Caractéristiques physiques des particules végétales
Les particules végétales ont une forme géométrique du type parallélépipédique. Elles
ont pour dimensions moyennes 2*0,5*0,2 cm3. Une analyse de la granulométrie d’un
échantillon de chènevotte (particules en vrac) montre une répartition serrée de la taille des
particules.
100%
90%
% tamisats cumulés
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
0,01
0,1
Maille tamis (mm)
1
10
Fig.I. 30 : Courbe granulométrique du chanvre en vrac utilisé dans les formulations
Ces particules étant d’origine végétale, elles présentent une forte porosité due aux
nombreux capillaires présents dans leur structure interne qui permettent à la sève de circuler
tout le long de la tige (Fig.I.31). La photo d’une particule a été grossie 200 fois au microscope
- 65 -
à balayage électronique pour visualiser ces capillaires. Elle montre la structure tubulaire de la
particule qui peut se modéliser comme un assemblage de cylindres creux accolés les uns aux
autres. Ceci explique la légèreté des particules avec ρpc = 320 kg/m3. La taille des pores dans
la particule est également évaluée sur cette photo. Leur diamètre varie entre 10 et 40 µm.
De plus, des mesures ont montré que la masse volumique de la chènevotte se situe aux
alentours de 130 kg/m3, ce qui signifie que l’arrangement est peu dense. Pour la suite de
l’étude, on pose les trois définitions suivantes. L’air inter-particules représente le volume d’air
situé entre les granulats végétaux et l’air intra-particule est l’air contenu dans la particule
végétale. Le bois fait référence à la partie végétale de la particule.
100 µm
Fig.I. 31 : Grossissement au microscope à balayage électronique
d’une particule de chanvre [GARCIA-JALDON, 95]
Les diagrammes (Fig.I. 32) indiquent la composition massique et volumique d’une
particule et de la chènevotte. On peut noter la part prépondérante occupée par l’air. Une
particule contient environ 78 % d’air en volume. Dans la chènevotte, l’air représente 92 % du
volume total occupé avec une répartition 1/3 – 2/3 entre air intra-particule et inter-particules.
- 66 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Particule végétale
M (kg)
Chénevotte
V (m3)
V (m3)
air interparticules
0
air intraparticule
0
M (kg)
0,784
130
320
bois
320
0,216
0
1,000
130
0,594
bois
air intraparticule
0,088
0,318
1,000
Fig.I. 32 : Composition massique et volumique d’une particule et de la chènevotte
La présence des capillaires et leur taille
lle vont permettre
permettre d’expliquer deux
caractéristiques essentielles des particules de chanvre du point de vue comportemental :
2.2.4.
-
pouvoir absorbant élevé
-
compressibilité du granulat
Sensibilité à l’eau de la particule végétale
En premier lieu, les particules étant fortement poreuses comme l’ensemble des
granulats légers, il se pose la question de leur comportement vis à vis de l’eau. Connaissant la
taille des capillaires de la particule végétale, on applique les relations (I.4) et (I.5), puis on
calcule de manière théorique, la hauteur de remontées capillaires en fonction du diamètre des
capillaires et de l’angle de mouillage du liquide sur la surface (Fig.I. 33).
3,0
2,50-3,00
2,00-2,50
1,50-2,00
1,00-1,50
0,50-1,00
0,00-0,50
2,5
2,0
1,5
Hauteur remontées
capillaires (m)
1,0
46
53
60
66
73
78
Angle mouillage (°)
84
90
28
37
22
26
16
0
10
Diamètre capillaire (µm)
Fig.I. 33 : Hauteur de remontées capillaires dans les particules
- 67 -
40
0,0
34
0,5
Le graphique ci-dessus permet de voir que les hauteurs de remontées capillaires sont
supérieures à la taille caractéristique des particules (de l’ordre du centimètre). L’eau va donc
saturer les particules végétales et la cinétique du phénomène sera rapide.
Pour confirmer ces hypothèses, deux séries de mesures distinctes ont été réalisées,
l’une en 1998 [COUEDEL, 98] et l’autre en 2003 afin d’évaluer la reprise en eau liquide des
particules végétales. Le but était de déterminer le taux de saturation du volume de vides de la
particule et d’avoir un ordre d’idée de la cinétique du phénomène de reprise en eau. Pour cela,
des granulats végétaux entièrement séchés à T = 80°C pendant deux jours sont immergés dans
de l’eau, et le gain de masse en fonction du temps est mesuré. A partir de ces valeurs brutes,
on calcule le pourcentage de gain massique comme étant le gain de masse divisé par la masse
sèche de particules végétales.
Gain massique % =
M(t) - M 0
× 100
M0
(I.16)
avec M(t) :masse de l’échantillon à l’instant t
M(t0) :masse sèche de chanvre
On calcule également le taux de saturation Sr des granulats et on obtient les graphiques
250%
100%
200%
80%
150%
Sr (%)
Gain massique (%)
suivants :
Cerezo - 2003
100%
Couedel - 1998
50%
60%
40%
20%
minutes
0%
minutes
0%
0
2
4
6
8
10
0
2
4
6
8
10
Fig.I. 34 : Gain massique et taux de saturation Sr pour des particules de chanvre sec
([COUEDEL, 98] et CEREZO)
Les deux séries de mesures donnent des résultats cohérents et des valeurs élevées de
gain massique et de taux de saturation. On conclut donc à un fort pouvoir absorbant de la
chènevotte vis à vis de l’eau liquide.
De plus, les granulats sont quasiment saturés au bout de quelques minutes puisque la
quantité d’eau liquide absorbée par les particules sèches est presque équivalente au volume
théorique de vides contenus dans le granulat séché (Sr > 95 % au delà de 5 minutes). Des
pesées ont également été faites au bout d’une heure et la masse des échantillons ne variaient
plus entre 10 minutes et 60 minutes. Concernant la cinétique de ce phénomène de reprise en
eau, on peut considérer que les granulats sont en état de quasi-saturation au-delà de 5 minutes
- 68 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
d’immersion. Cette conclusion prend son importance lorsque seront abordés les problèmes de
formulation et de mise en œuvre du béton de chanvre à la fin de ce chapitre (§ 2.3.4.1). Il faut
noter que les calculs de Sr et de gains massiques sont réalisés en négligeant la fine pellicule
d’eau présente à la surface des granulats et les ménisques d’eau entre deux granulats
consécutifs. Les granulats ont été légèrement secoués pour limiter l’existence de ces
ménisques et pouvoir négliger leur présence dans les calculs. Ainsi, les mesures permettent
d’avoir un ordre de grandeur correct de la cinétique du phénomène.
La sensibilité à l’eau liquide des particules végétales amène à se poser la question du
comportement des granulats vis à vis de la vapeur d’eau présente dans l’air en quantité
variable selon l'hygrométrie du milieu extérieur. Les isothermes de sorption et désorption à
T = 20°C ont donc été déterminées par [GARNIER, 00].
40%
35%
isotherme de sorption,
teneur en eau minimale
isotherme de désorption,
teneur en eau maximale
30%
ω (%)
25%
20%
15%
10%
5%
0%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Humidité relative HR (%)
Fig.I. 35 :Isothermes de sorption et désorption des particules de chanvre à T=20°C [GARNIER, 00]
En se basant sur ces courbes expérimentales, on constate des valeurs de teneur en eau
massique non négligeables pour des ambiances de HR supérieur à 50 %. Elles dépassent 10 %.
Cette eau devra donc être prise en compte notamment dans le cadre de l’étude des propriétés
thermiques, puisque l’eau est un excellent conducteur de chaleur. Le fait de ne considérer que
la conductivité sèche λsec des matériaux représente une grosse approximation, peu réaliste
dans le cas des matériaux à base de particules végétales.
- 69 -
2.2.5.
Comportement en compression des particules
Les particules végétales possèdent une forte cohésion intergranulaire à sec. Des
éprouvettes cylindriques (320 mm de haut et 160 mm de diamètre) contenant uniquement des
particules sèches légèrement compactées ont ainsi pu être testées dans le cadre de cette étude
(Fig.I.36). Des chargements monotones et cycliques d’amplitude croissante ont été imposés
aux échantillons. Les courbes représentant la force appliquée en fonction de ∆h/h0 sont tracées
et se superposent parfaitement pour les deux types de sollicitations, montrant la parfaite
reproductibilité de ce type d’essai. On a ∆h = h0 – h(t) avec h0 représentant la hauteur initiale
de l’échantillon (m) et h(t) la hauteur de l’éprouvette au fur et à mesure de l’essai (m).
Fig.I. 36 : Éprouvette de chanvre en vrac testée en mécanique
Le graphique ci-dessous montre la grande compressibilité des particules en vrac.
L’échantillon passe d’une hauteur de 320 mm à moins de 85 mm à la fin de l’essai, sans
parvenir à la rupture (∆h/h0 = 75 %). Les particules s’écrasent petit à petit et la masse
volumique des échantillons passe de 130 kg/m3 à plus de 330 kg/m3. L’écrasement des
granulats est confirmé par les valeurs de masses volumiques. En effet, lorsque ∆h/h0 devient
supérieur à 60 %, la masse volumique de l’échantillon devient supérieure à la masse
volumique d’une particule. On constate également une rigidification de l’échantillon traduite
par une augmentation régulière de l’inclinaison de la courbe. Au début de l’essai, la pente
- 70 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
vaut 0,25 MPa environ et à la fin de l’essai elle est de l’ordre de 4,5 MPa soit une
multiplication par 18 de la valeur.
De plus, les cycles de charge-décharge font apparaître des boucles d’hystérésis dont la
surface augmente à chaque cycle. Le chemin de décharge est curviligne, ce qui pourrait
s’expliquer par un retard de réponse de l’échantillon dû à la viscosité de l’air, qui circule
difficilement dans et entre les particules. En revanche, le chemin de charge est linéaire et la
pente de la courbe de chargement augmente à chaque cycle, indiquant un raidissement du
matériau sous l’effet de la compression.
30
h0 = 320 mm
25
h = 256 mm
Force (kN)
20
h = 192 mm
h = 128 mm
15
10
5
0
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
∆h / h0 (%)
Fig.I. 37 : Essais de compression simple et de compression cyclique sur chanvre sec
La figure I.38 permet de comprendre le comportement de l’empilement de granulats
végétaux lors de l’essai de compression cyclique.
Le dessin 1 correspond à l’empilement initial des granulats en vrac.
Le dessin 2 montre un écrasement des granulats sous l’effet d’une contrainte de
compression simple ainsi qu’un réarrangement des particules. Les granulats ont tendance à
« s’imbriquer les uns dans les autres ».
Le dessin 3 indique les effets de la décompression sur le matériau. Les particules
retrouvent un volume inférieur à leur volume initial car elles subissent des déformations
irreversibles. Les frottements entre les particules empêchent celles-ci de reprendre leur
position initiale dans l’empilement. Le nouvel arrangement granulaire contient moins d’air
inter-particules par rapport à l’état initial, ce qui explique que le volume total de l’échantillon
- 71 -
diminue. Les granulats se « coincent » peu à peu, expliquant un raidissement global de la
structure.
Ce nouvel empilement subit alors un cycle de rechargement, qui va agir
simultanément sur l’élasticité des particules et sur celle de l’arrangement granulaire dans cette
nouvelle configuration (pente linéaire de la charge).
Fig.I. 38 : Schématisation du comportement du chanvre en vrac lors d’un essai cyclique de compression
2.2.6.
Comportement thermique
La forte porosité du chanvre en vrac laisse présager d’une faible conductivité
thermique λ, qui explique l’emploi de ce matériau comme remplissage des murs en
remplacement d’autres produits isolants comme le polystyrène ou la vermiculite (Fig.I.39).
La conductivité du chanvre en vrac λc a été mesurée pour différentes masses
volumiques ρc (Tab.I. 12). On note l’excellente cohérence des mesures expérimentales
réalisées par [CORDIER, 99] à l’ENTPE et le CSTB (Centre Etude des Techniques du
Bâtiment), de manière indépendante.
Origine des
mesures
ρc (kg/m )
CSTB
ENTPE
110
155
3
Mesures expérimentales
λc (W/(m.K))
0,048
0,058
Valeurs théoriques
λc (W/(m.K))
0,047
0,057
Tab.I. 12 : Comparaison entre les valeurs expérimentales et théoriques de la conductivité thermique du
chanvre en vrac pour deux valeurs de masse volumique
- 72 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Fig.I. 39 : Le chanvre en vrac comme matériau de remplissage dans les planchers
et les murs (Mens – 2002)
On constate également l’influence de la masse volumique sur la variation de λc. Une
augmentation de 41 % de ρc entraîne une élévation de 20 % du λc, tout en restant dans une
gamme de valeurs inférieures à celle des matériaux de construction usuels (béton cellulaire,
bois…).
Une méthode théorique d’homogénéisation a ensuite permis de définir une loi
d’évolution de la conductivité en fonction de la masse volumique (Fig.I. 40) [CORDIER, 99].
On obtient ainsi la gamme de variations de la conductivité thermique pour une masse
volumique voisine de 130 kg/m3, valeur usuellement rencontrée pour du chanvre en vrac.
0,065
λ (W/(m.K))
0,060
0,055
0,050
Modèle
Expérience
0,045
0,040
100
120
ρ
140
-3
chanvre en vrac (kg.m )
160
Fig.I. 40 : Conductivité thermique théorique du chanvre en vrac en fonction de sa masse volumique
- 73 -
2.3. Le béton de chanvre
2.3.1.
Caractéristiques générales
Le béton de chanvre est un matériau composite obtenu en mélangeant un liant à base
de chaux, des particules végétales et de l’eau. Il présente des masses volumiques initiales
inférieures à 1000 kg/m3 et des masses volumiques sèches allant de 200 à 600 kg/m3, ce qui
est comparable aux valeurs rencontrées dans le cas du béton de bois ou du béton cellulaire.
Ce matériau présente une variabilité de structure en fonction de la formulation
employée, selon que l’un ou l’autre des constituants sera prépondérant dans le mélange.
Lorsque le dosage en liant est faible par rapport à celui en granulats végétaux, le matériau
peut être vu comme un assemblage de particules reliées entre elles par des ponts de liant.
Cette structure se rapproche de celle du chanvre en vrac (Fig.I. 41). Les propriétés de ce type
de matériau sont proches de celles de la particule, c’est-à-dire bon isolant thermique et faibles
caractéristiques mécaniques. Le béton de chanvre faiblement dosé en liant sera plutôt utilisé
comme matériau de remplissage des murs, le liant jouant le rôle de stabilisateur de la
structure. Il évite notamment les variations dimensionnelles de l’ensemble sous le poids
propre des particules (effets de tassement à long terme des matériaux de remplissage).
Fig.I. 41 : Béton de chanvre contenant une faible quantité de liant (formulation Toit1)
Lorsque le dosage en liant est fort, les particules sont noyées dans une matrice de liant
continue (Fig.I. 42). Le comportement du matériau se rapproche de celui du liant pur.
1
Les caractéristiques de cette formulation seront détaillées dans le § 2.3.4.4
- 74 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Fig.I. 42 : Béton de chanvre contenant une grande quantité de liant (formulation A3-2)
Entre ces deux dosages extrêmes, la structure du béton de chanvre s’apparente à celle
d’un empilement d’éléments, constitués d’une particule végétale entourée d’un mince film de
liant (Fig.I. 43). Les propriétés de ce type de matériau sont donc intermédiaires entre celles du
liant et celles des particules végétales.
Fig.I. 43 : Béton de chanvre avec un dosage en liant intermédiaire
2.3.2.
Propriétés de ce matériau
Les propriétés sont étroitement liées à la structure et vont donc être assez variables.
Cependant, il est possible de donner quelques indications générales, afin de voir la gamme des
performances, dans laquelle le béton de chanvre se situe.
La résistance en compression et le module de rigidité sont globalement faibles
(plafonnées par les caractéristiques du liant) et ne permettent pas pour l’instant d’en faire un
matériau porteur. Actuellement, une solution avec structure porteuse en bois apparente ou
noyée est employée (Fig.I. 44).
- 75 -
Fig.I. 44 : Murs en briques préfabriquées avec structure porteuse en bois (Mens, Isère - 2002)
En thermique, la présence des granulats de chanvre améliore les performances en
isolation, la conductivité sèche du matériau final étant inférieure à 0,24 W/(m.K), qui
représente la conductivité du liant seul. De plus, la grande sensibilité à l’eau du matériau va
avoir un impact sur la conductivité thermique. Ce point sera détaillé dans le chapitre 3.
En acoustique, les premiers essais montrent des niveaux d’absorption supérieurs à
50 % pour des fréquences allant de 100 à 2000 Hz. Une étude plus précise exposée au
chapitre 4 complètera ces résultats.
2.3.3.
Caractère évolutif des propriétés
La prise du liant s’étale sur plusieurs années (chaux aérienne) comme le montrent les
essais réalisés sur le T70 et le Tradichanvre. Cette prise lente se répercute sur les
caractéristiques du béton de chanvre qui varient dans le temps. Les essais de caractérisation
des propriétés mécaniques sont donc réalisés à des intervalles de trois mois en moyenne, pour
une période de conservation comprise entre 21 jours et 24 mois.
2.3.4.
Fabrication des échantillons
Compte tenu du comportement des constituants du béton de chanvre, un protocole de
fabrication particulier a été mis en place afin de pouvoir réaliser des essais reproductibles et
représentatifs des caractéristiques réelles du matériau [COUEDEL, 98]. Les principales étapes
de la réflexion menée sur ces problèmes de mise en œuvre sont exposées ci-dessous.
- 76 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
2.3.4.1
Rôle de l’eau
L’eau introduite dans le mélange frais est divisée en deux parties, l’eau de pré-
mouillage et l’eau de gâchage. L’eau de pré-mouillage a pour rôle d’humidifier les granulats
poreux de façon à neutraliser leur fort pouvoir absorbant et éviter qu’ils ne perturbent par la
suite la prise du liant. L’eau de gâchage sert à l’hydratation de la chaux hydraulique contenue
dans le liant. Les composants sont introduits dans l’ordre suivant :
-
chanvre
-
eau de pré-mouillage des particules
-
liant
-
eau de gâchage
Ce choix de mise en œuvre présente un double avantage. Tout d’abord, les particules prémouillées ne monopolisent pas l’eau utile à l’hydratation du liant et ne perturbent donc pas la
prise. Elles jouent également un rôle de réservoir en eau au cours de la prise. Ensuite, elles
deviennent moins sensibles à un écrasement potentiel lors du mélange avec le liant dans le
malaxeur, puisqu’elles sont remplies d’eau. En effet, les particules doivent conserver leur
volume initial donc leur porosité pour jouer un rôle du point de vue thermique et acoustique.
2.3.4.2
Mise en oeuvre du béton frais
Le mélange se fait dans un malaxeur à train valseur de 80 litres afin d’obtenir une
bonne homogénéisation des composants, sans les abîmer. Les durées des différentes étapes de
malaxage doivent être suffisamment longues pour permettre une bonne homogénéisation et
suffisamment courtes pour éviter de laisser trop d’eau s’évaporer dans l’air ambiant. On
distingue ainsi :
malaxage
des
particules
sèches
ajout de l’eau de prémouillage
ajout de la chaux et malaxage
ajout de l’eau de gâchage et
mélange
Temps (mn)
But
2 mn
séparer les particules et éviter la formation de
petites pelotes végétales
5 mn
saturation des particules en eau
2 mn
5 mn
hydratation du liant et amorce de la prise
Tab.I. 13 : Etapes de fabrication du béton de chanvre
2.3.4.3
Confection des éprouvettes
Le mélange à l’état frais contient une quantité importante de particules compressibles.
Les essais sur le mode de fabrication ont montré qu’il ne fallait pas compacter des couches
- 77 -
d’épaisseur supérieure à 8 cm car cela entraînait une perte d'homogénéité des échantillons sur
la hauteur de l’éprouvette. En effet, les frottements du matériau contre les parois du moule
sont importants et entraînent un tassement non homogène des couches trop épaisses de
matériau frais. De plus, dans un souci de reproductibilité, les échantillons sont tassés à l’aide
d’une presse electromécanique de type M.T.S. sous une contrainte de compactage de 0,05
MPa, ce qui correspond à une force de1 kN pour une surface de 200 cm2. Ceci permet
d’arranger les particules sans les endommager. Le processus de réalisation des éprouvettes
peut donc se résumer en trois étapes que l’on répète autant de fois que nécessaire pour remplir
les moules.
-
Verser du béton de chanvre dans le moule sur une épaisseur de 7 à 8 cm
-
Réarranger les granulats grossièrement à la main
-
Compacter avec la presse MTS sous 0,05 MPa
Dans le cadre de cette thèse, plusieurs moules ont été utilisés selon le type d’essais à
réaliser. En ce qui concerne les aspects mécaniques, des moules cylindriques en carton sont
utilisés (hauteur 320 mm et diamètre 160 mm). En thermique, des dalles de 27 cm de côté et 5
cm d’épaisseur sont fabriquées. En acoustique, des prismes de hauteur 10, 20 et 30 cm et de
côté 8,5 cm sont utilisés. Ces différentes tailles d’échantillons sont liées aux dispositifs de
mesures (boîtes thermiques, tube de Kundt) dont les dimensions sont imposées. Toutefois, on
s’est attaché à chaque fois à ne pas choisir de moule de taille trop petite vis à vis de la taille
des hétérogénéités (i.e. les particules dont la taille caractéristique est de l’ordre du
centimètre). On a ainsi des échantillons représentatifs des propriétés globales du béton de
chanvre. L’utilisation du même procédé de fabrication, quel que soit le moule, permet de
travailler sur le même matériau (structure microscopique comparable).
Les éprouvettes testées en mécanique sont conservées dans leur moule dont le fond a
été retiré afin de reproduire les conditions de séchage symétriques, réellement rencontrées
dans un mur. En effet, une carotte de béton de chanvre séchant dans un mur est soumise à une
circulation d’air entre ses deux faces mais les surfaces latérales ne sont pas en contact avec le
milieu extérieur. En disposant les éprouvettes horizontalement sur des étagères, on se retrouve
dans une configuration identique avec les côtés isolés de l’ambiance extérieure.
En revanche, les dalles des mesures thermiques sont démoulées au bout de 24 heures
et elles sèchent ainsi jusqu’au moment des essais. La cinétique du phénomène de séchage n’a
guère d’importance dans ce cas, car la mesure porte sur la valeur finale de la conductivité
thermique (i.e. après prise du liant et après séchage de l’échantillon).
- 78 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
Pour des raisons techniques, il n’a pas été possible de démouler les prismes testés en
acoustique comme cela a été fait en thermique. Ceux-ci sèchent donc dans leur moule, ce qui
ralentit le phénomène et décale d’autant les mesures expérimentales. En effet, il est
indispensable que les échantillons adhèrent parfaitement aux parois pour éviter les vides d’air
qui perturbent les mesures d’absorption au tube de Kundt. L’inconvénient inhérent à ce
dispositif de mesure concerne le rôle de la structure dans le comportement acoustique. On
mesurera l’absorption du béton de chanvre sur un support (le moule) infiniment rigide
(structure multicouche), au lieu de déterminer l’absorption du matériau seul.
Les différents essais effectués au cours des années précédentes ont montré qu’une
exposition à un air trop sec provoquait un séchage trop rapide de l’éprouvette empêchant le
liant de faire prise correctement. La surface durcissait (effet de peau) grâce à la carbonatation
et l’intérieur de l’échantillon perdait complètement sa cohésion (phénomène de farinage).
L’air plus sec contient moins de vapeur d’eau, qui véhicule le CO2 nécessaire à la
carbonatation de la chaux. La prise est donc interrompue. A l’inverse, des conditions de
conservation à HR = 100 % ont été testées. La prise durait alors beaucoup plus longtemps et
les moules en carton se dégradaient.
Finalement, les conditions de conservation suivantes ont été choisies :
-
Température de 20°C
-
Taux d’humidité relative HR de 50 %
Elles correspondent à une ambiance climatique naturelle et permettent de reproduire des
conditions réelles d’utilisation du matériau.
2.3.4.4
Formulations testées
Pour ce qui est du choix des formulations du béton de chanvre, la démarche se
décompose en deux étapes.
Dans un premier temps, les quantités d’eau de gâchage et de pré-mouillage à
introduire en fonction de la quantité de liant et de particules employées sont calculées de
manière théorique [COUEDEL, 98]. Puis, une large gamme de mélanges est déterminée en
modifiant les proportions de liant et de particules. A partir de deux formules nommées A3-1
et A4-1 servant de référence, on a fait varier la quantité de liant et d’eau de gâchage d’un
facteur k pouvant être 0,75 – 1,5 ou 2. Ceci signifie que l’on a multiplié la quantité de liant et
d’eau de gâchage par k tout en conservant constantes les quantités de particules et d’eau de
pré-mouillage. On obtient ainsi les différentes formulations A3-k et A4-k.
- 79 -
A4-1
A4-1,5
A3-0,75
A3-1
A3-1,5
A3-2
Composition massique (kg)
Chanvre
Liant A
Eau
110
190
335
110
285
370
110
198,75
342,7
110
265
368,6
110
397,5
420,4
110
530,8
472,2
Pourcentages massiques initiaux
Chanvre
Liant A
Eau
17,3%
29,9%
52,8%
14,4%
37,3%
48,4%
16,9%
30,5%
52,6%
14,8%
35,6%
49,6%
11,9%
42,8%
45,3%
9,9%
47,7%
42,4%
Tab.I. 14 : Formulations de béton de chanvre initiales
Dans un second temps, trois formulations nommées Toit, Mur et Dalle ont été plus
particulièrement choisies car les caractéristiques de ces matériaux répondaient à des demandes
précises sur les chantiers de construction. Le nom de chaque formulation indique l’usage qui
est fait du matériau dans le cadre d’une habitation. La formulation Toit contient une forte
proportion de chanvre et peu de liant. Elle sert à isoler thermiquement les toitures. Les
formulations Mur et Dalle contiennent une quantité de liant plus importante et possèdent donc
de meilleures caractéristiques mécaniques tout en conservant un bon pouvoir isolant. La
figure I.45 indique les compositions volumiques initiales et finales du béton de chanvre. Les
proportions des différentes phases confirment l’hypothèse initiale de l’existence de structures
différentes pour le béton de chanvre. Les compositions volumiques sont calculées en
considérant qu’il n’y a pas de variation globale de volume du béton au cours de la prise et du
séchage. On considère également que les particules sont quasiment saturées à l’état initial et
sèches à l’état final.
En plus du béton de chanvre, un enduit est fabriqué à partir des particules végétales et
du liant Tradichnavre. Une formulation contenant 51 % de liant en masse est donc testée dans
le cadre de cette étude.
Toit
Mur
Dalle
Composition massique (kg)
Chanvre
T70
Eau
110
108
221
110
225
332
110
269
393
Pourcentages massiques initiaux
Chanvre
T70
Eau
25,1%
24,6%
50,3%
16,5%
33,7%
49,8%
14,2%
34,8%
50,9%
Tab.I. 15 : Composition massique à l’état frais des trois bétons de chanvre commercialisés par la
Chanvrière de l’Aube
Enduit
Composition massique (kg)
Pourcentages massiques initiaux
Chanvre
Tradichanvre
Eau
Chanvre
Tradichanvre
Eau
110
732
491
8,3%
54,9%
36,8%
Tab.I. 16 : Composition de l’Enduit à base de Tradichanvre
- 80 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux
100%
90%
Concentration volumique
80%
70%
Air macroscopique
Air intra-liant
Eau
Liant
Air intra-particule
Eau particules
Matière végétale
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Toit
100%
A3-0,75
Mur
Dalle
A3-1
A4-1,5
A3-1,5
A3-2
Enduit
Mur
Dalle
A3-1
A4-1,5
A3-1,5
A3-2
Enduit
Air macroscopique
Air intra-liant
Eau
Liant
Air intra-particule
Eau particules
Matière végétale
90%
80%
Concentration volumique
A4-1
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Toit
A4-1
A3-0,75
Fig.I. 45 : Composition volumique initiale (a) et finale (b) du béton de chanvre sous T = 20°C et HR = 50 %
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3.
CONCLUSION
Ce premier chapitre a dressé un bilan de connaissances sur le comportement des
bétons légers dans les trois domaines abordés dans cette thèse. On a ainsi pu constater le rôle
fondamental de la porosité φ et de la perméabilité Π dans le comportement du matériau. En
mécanique, la présence de bulles d’air a tendance à fragiliser le matériau et à limiter le niveau
de performances. En thermique et en acoustique, l’effet est plus mitigé. D’un côté, la présence
d’air diminue la proportion volumique de matière conduisant la chaleur mais il peut
également générer des transferts par convection dans certains cas. De l’autre côté,
l’augmentation de la porosité et de la perméabilité favorise l’absorption des sons mais permet
en même temps la transmission des ondes acoustiques non absorbées, car l’effet de masse
n’est plus suffisant. La compréhension des caractéristiques nécessite donc de tenir compte
simultanément du rôle de la porosité et de la perméabilité.
De plus, ce chapitre a mis en lumière les spécificités des constituants du béton de
chanvre et les précautions à prendre lors de la fabrication. La compressibilité des particules et
leur fort pouvoir absorbant sont les deux caractéristiques particulières, dont il faudra tenir
compte lors de l’étude des propriétés mécaniques. Le chapitre 2 va en particulier s’intéresser à
leur influence sur la prise du liant et sur le comportement mécanique du béton de chanvre.
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