Alkylphénols - GIP Seine-Aval
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Préfecture de Région Haute-Normandie Pôle Environnement et Développement Durable Financements : Etat français – Europe Réalisation : GIP Seine-Aval LA CONTAMINATION CHIMIQUE : QUEL RISQUE EN ESTUAIRE DE SEINE ? – Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols – Malika LACHAMBRE & Cédric FISSON Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols DONNEES GENERALES Identification Les alkylphénol éthoxylates (APE) sont des substances chimiques fabriquées à partir d’alkylphénols (AP) et qui peuvent être redégradées dans l’environnement en alkylphénols. De nombreux APE et AP existent, mais les isomères octyl et surtout nonylphénoliques (OPE/OP et NPE/NP) représentent la grande majorité des composés commercialisés. Ils sont étudiés, ainsi que certains de leurs produits de dégradation, dans cette fiche. Le 4-tertoctylphénol et le 4-nonylphénol (Tableau 1 et figure 1) sont des représentants types des OP et NP respectivement, choisis dans la Directive Cadre Eau (DCE) pour servir de paramètres indicatifs. Les contrôles en milieu aquatique sont ciblés sur ces deux substances. Substance éthoxylates d'octylphénol N° CAS 9036-19-5 éthoxylates de nonylphénol octylphénols (non ramifiés et ramifiés) 4-tert-octylphénol nonylphénols (non ramifiés et ramifiés) 4-nonylphénol 9016-46-9 67554-50-1 99561-03-2 140-66-9 25154-52-3 84852-15-3 104-40-5 N° EINECS Formule brute C14H22O(OCH2CH2)n C 500-024-6 15H24O(OCH2CH2)n 266-717-8 C14H22O 308-979-9 C14H22O 205-426-2 246-672-0 C15H24O 284-325-5 C15H24O 203-199-4 Tableau 1 : Présentation de quelques groupes d’APE et d’AP. Seuls les composés en italique sont des substances individuelles, représentants types des OP et NP. Figure 1 : Formules développées des APE et AP, ainsi que des deux représentants individuels indiqués dans le tableau 1 2/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols Listes prioritaires Substance DCE 2000/60/CE éthoxylates d'octylphénol - éthoxylates de nonylphénol octylphénols (non ramifiés et prioritaire ramifiés) nonylphénols (non ramifiés dangereuse prioritaire et ramifiés) Règlement 793/93/CEE - Convention OSPAR - - X - X Liste 2 X Tableau 2 : Appartenance des différents APE et AP aux listes de substances prioritaires de la DCE, du règlement sur l’évaluation des substances existantes et de la convention OSPAR Production/utilisation Production (UE) : Les nonyphénol éthoxylates représentent 80-90 % des alkyphénol éthoxylates produits [Budzinski et al., 2003]. L’utilisation de nonylphénols en Europe avoisinait les 78 500 t en 1997 [E.U., 2002], et celle des NPE les 118 000 t. Actuellement, les NP utilisés en France sont totalement importés. Aucune information quantitative n’est disponible, mais le marché semblait en régression en 2003 [Brignon, 2005]. Les restrictions d’usage (Cf. mesures de réduction des rejets p.6) de 2005 ont certainement renforcé cette tendance. Utilisation : Les alkylphénols servent d’intermédiaires dans la fabrication des agents tensioactifs, des résines phénoliques, etc. Les alkylphénol éthoxylates sont produits principalement en tant qu’adjuvants, détergents dans l’industrie du textile et le traitement de surface. D’autres usages sont également significatifs : émulsifiants, adjuvants de formulation de pesticides et autres produits agricoles, peintures à l’eau [Becue et Nguyen, 2005]. Ces usages sont limités depuis 2005 (Cf. mesures de réduction des rejets p.6). Propriétés physico-chimiques Les alkylphénol éthoxylates à longue chaîne sont rapidement dégradés dans le milieu aquatique (quelques jours) et forment des alkylphénol éthoxylates à chaîne courte (un ou deux carbones) et des alkylphénols. Ces produits de dégradation sont pour leur part à la fois plus persistants dans l’environnement et plus toxiques pour les organismes qui y vivent. La figure 2 présente le schéma de biodégradation général des APE. Parmi les produits de dégradation, les alkylphénols sont les plus étudiés. Le tableau 3 en résume donc les principales propriétés physico-chimiques. Substance octylphénols nonylphénols Poids moléculaire (g/mol) 206,33 220,34 Cste H Solubilité LogKow Koc (l/kg) (mg/l) (Pa.m3/mol) 12,6 5,43 0,70 11,02 4,12 2740 20000 4,2 - 4,48 5360 22400 BCF T1/2 biodégradation Poissons : 634 eau : 7 à 50 j eau : 150 j Moules : 2000 - 3000 sédiments : 300 j Poissons : 741 - 1300 (minéralisation complète) Tableau 3 : Propriétés physico-chimiques des alkylphénols. Becue et Nguyen, 2005 ; E.U., 2002 ; INERIS, 2004 ; Johnson et al., 2000. 3/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols L’hydrolyse et la photolyse du nonylphénol semblent être des phénomènes négligeables dans les milieux aquatiques [E.U., 2002]. La structure semblable de l’octylphénol suggère un comportement similaire. En ce qui concerne la biodégradation, les valeurs fournies dans le tableau 3 pour l’OP et le NP ne sont pas comparables. Les demi-vies de biodégradation indiquées pour le NP correspondent au temps nécessaire à ce que 50 % du NP soit totalement minéralisé (transformation en CO2 et H2O). Pour l’OP, la demi-vie présentée correspond plutôt au temps nécessaire à ce que 50 % de celui-ci disparaisse (transformation en produits de dégradation intermédiaires par rapport à la minéralisation). Les études de biodégradation montrent que les populations bactériennes ont besoin d’un temps d’acclimatation pouvant aller jusqu’à 1 mois, avant de dégrader efficacement le NP [Maguire, 1999]. Figure 2 : Voie métabolique de biodégradation des APE. R : alkyl. [Maguire, 1999] Données toxicologiques Devenir dans l’organisme : Le nonylphénol est très faiblement absorbé par contact cutané. Par voie orale, l’absorption est initialement rapide et probablement importante. Les NP ainsi absorbés sont majoritairement métabolisés, ce qui limite leur biodisponibilité à 10-20 % de la dose absorbée. 4/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols Le NP est distribué dans tout l’organisme, les plus fortes concentrations étant retrouvées dans les tissus adipeux. L’excrétion se fait principalement via les fèces et l’urine [E.U., 2002]. Toxicité chronique : Aucune donnée pertinente n’a été trouvée concernant la toxicité chronique sur l’Homme des NP. Effets cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques : Les APE et AP ne sont pas classés comme substances cancérigènes pour l’Homme par l’IARC, l’UE et l’US-EPA. Les NP sont classés en catégorie 3 (préoccupants) quant à leur reprotoxicité par l’UE. Parallèlement, les NP et le 4-tert-octylphénol sont considérés comme des perturbateurs endocriniens avérés par l’UE (catégorie 1). Valeurs Toxicologiques de Référence : Aucune donnée Données écotoxicologiques Octylphénols PNEC eau douce : 0,122 µg/l (facteur d’extrapolation de 50) [E.U., 2005 - OP] PNEC eau marine : 0,0122 µg/l (facteur d’extrapolation de 500) [E.U., 2005 - OP] Nonylphénols PNEC eau douce : 0,33 µg/l (facteur d’extrapolation de 10) [INERIS, 2005] PNEC eau marine : 0,033 µg/l (facteur d’extrapolation de 100) [INERIS, 2005] PNEC sédiments : 180 µg/kg de poids sec (coefficient de partage) [E.U., 2005 – NP] Données réglementaires NQE : arrêté du 20 avril 2005, non concerné La proposition de directive fille DCE du 17 juillet 2006 (COM2006 397 final) indique une NQE toutes eaux de surface de 0,3 µg/l pour les NP et une NQEeaux côtières et de transition de 0,01 µg/l pour les OP. Qualité des eaux de consommation : non concerné Qualité des produits alimentaires : non concerné 5/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols DONNEES SPECIFIQUES A L’ESTUAIRE DE SEINE Suivi dans l’estuaire SNS (estuaire) : le 4-nonylphénol et le 4-tert-octylphénol sont mesurés dans l’eau brute une fois par mois sur trois stations (Caudebec, La Bouille et Poses) depuis 2004. Les concentrations 2004 et 2005 sont toutes inférieures à la limite de détection (0,1 µg/l). RNB (affluents) : le 4-nonylphénol et le 4-tert-octylphénol sont mesurés dans l’eau brute une fois par mois et dans les sédiments fins (< 2 mm) une fois par an depuis 2005, sur cinq affluents (Eure, Austreberthe, Commerce, Touques et Dives). Toutes les mesures 2005 sont inférieures à la limite de détection (0,1 µg/l dans l’eau et 100 µg/kg dans le sédiment). Le RNO (baie de Seine) et le REPOM (ports) ne mesurent pas les alkylphénols. Mesures de réduction des rejets A la suite de leur inscription comme substance dangereuse prioritaire (DCE), les NP et les NPE ont fait l’objet d’une interdiction d’emploi et de mise sur le marché pour les usages suivants en Europe (directive 2003/53/CE du 18 juin 2003) : • nettoyage industriel et institutionnel (sauf lorsque les liquides de nettoyage sont recyclés ou incinérés) ; • produits de nettoyage domestique ; • traitement des textiles et cuirs (sauf si certains traitements sont mis en place) ; • produits de traitement des trayons (médecine vétérinaire) ; • usinage des métaux (sauf lorsque les liquides de nettoyage sont recyclés ou incinérés) ; • fabrication de papier et de pâte à papier ; • produits cosmétiques et d’hygiène corporelle (sauf spermicides) ; • coformulants dans les pesticides et les biocides (sauf pour les pesticides bénéficiant d’une autorisation nationale, jusqu’à expiration de cette autorisation). Ces dispositions sont applicables depuis le 17 janvier 2005 et la directive européenne a été transcrite en droit français par le décret n° 2005-577 du 26 mai 2005 [Brignon, 2005]. Sources et flux (bilan p13) Sources : Selon Budzinski et al. (2006), deux sources sont principalement responsables de la contamination de l’estuaire par les alkylphénols (l’industrie n’a pas été prise en compte dans l’étude) : les apports amont via Poses (70 à 80 % de l’apport total) et les stations d’épuration (STEP) situées sur l’estuaire, dont Emeraude (Rouen) principalement (10 à 20 % de l’apport total). La part des affluents est inférieure à 10 %, mais participe tout de même à la contamination de l’estuaire. Les restrictions d’usages entrées en vigueur en janvier 2005 n’ont pas eu d’effets visibles sur les rejets et la contamination de l’année 2005 par rapport aux années précédentes. Notons néanmoins que suite à l'action de recherche de substances dangereuses (3RSDE), les analyses effectuées en 2004 ne relèvent pas de concentrations d’AP supérieures à la limite de détection (0,1 µg/l) pour les STEP de Rouen et d'Evreux, contrairement à certains établissements industriels (Figure 3). Compte tenu des résultats ci-dessus, les rejets industriels directs pourraient donc contribuer de façon non négligeable à la contamination de l’estuaire par les alkylphénols. Des investigations plus poussées seraient utiles pour éclaircir ce point (établissement du flux à Poses et comparaison aux flux internes). 6/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols Flux intra-estuariens : Les rejets directs identifiés (industriels et STEP urbaines ou mixtes) sont indiqués sur la figure 3 (données 3RSDE, 77 établissements pris en compte). Les rejets de STEP représentent 0,6 % du flux total, qui s’élève à 940 kg/an. Figure 3 : Rejets directs identifiés (industriels et STEP) des alkylphénols (kg/an) dans l’estuaire Retombées atmosphériques totales : Aucune donnée concernant les retombées atmosphériques des alkylphénols en estuaire de Seine n’est disponible. Toutefois, le NP n’étant pas très volatil, il n'est pas susceptible d’être présent en grandes quantités dans l’atmosphère, ni de parvenir de façon importante aux milieux aquatiques sous forme de retombées atmosphériques. La demi-vie du NP dans l’atmosphère étant de plus relativement courte, il n’est pas susceptible d’être transporté loin de son point d’émission et les retombées atmosphériques sont par conséquent maximales à proximité de celui-ci [E.U., 2002]. Niveaux de contamination de l’estuaire Cartographie des données des réseaux de mesures : aucune carte n’est présentée car toutes les mesures réalisées dans le cadre des réseaux pérennes sont inférieures aux seuils de détection. Etudes complémentaires [Budzinski et al., 2002, 2003, 2004 et 2005] : Les produits de dégradation des alkylphénols éthoxylates (Figure 2) sont étudiés en estuaire de Seine depuis 2002 par une équipe du Programme Seine-Aval. Les différentes campagnes de prélèvements (eaux de surface, sédiments et rejets des stations d’épuration d’Elbeuf, de Rouen et de Tancarville) réalisées entre Poses et Honfleur confirment l’existence d’une contamination massive de l’estuaire de la Seine par les alkylphénols, présents tant dans le compartiment particulaire que dissous. Les concentrations sont variables selon les stations, les saisons et les structures des composés, mais globalement relativement homogènes le long de l’estuaire, avec une diminution des concentrations pour les pk ≥ 310, due à la dilution des eaux fluviales par les eaux marines 7/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols (particulièrement visible en été, du fait du débit plus faible de la Seine). Entre 60 et 90 % des alkylphénols dosés dans la colonne d’eau sont présents dans la phase dissoute. Cette proportion varie essentiellement en fonction de la teneur en MES. Les concentrations dans la colonne d’eau sont plus fortes en été qu’au printemps, de même que dans les rejets de STEP. Au printemps, les rejets de STEP ont des concentrations en composés phénoliques du même ordre de grandeur que les concentrations mesurées dans le milieu, tandis que les rejets de juillet sont nettement plus contaminés que le milieu. En baie de Seine, les concentrations dissoutes diminuent rapidement à l’embouchure avant de se stabiliser, tandis que les niveaux particulaires ne diminuent pas en direction du milieu marin et auraient même tendance à augmenter pour les points les plus marins. Les organismes vivants sont eux aussi contaminés par les alkylphénols. Des flets prélevés en 2001 et 2002 dans la baie présentent ainsi des concentrations importantes de NP et de certains métabolites de NPnEO dans la bile. Les affluents de l’estuaire de Seine sont également contaminés par les alkylphénols. L’Eure, l’Austreberthe, la Risle et le Commerce sont les plus contaminés, avec une distribution des composés similaire à celle de l’estuaire de Seine. Cette distribution semble bien corrélée au fort degré d’anthropisation et d’industrialisation des bassins versants concernés et aux types de traitements appliqués dans les STEP (les traitements biologiques dégradent plus efficacement les alkylphénols). Pour les affluents dont la phase particulaire a été étudiée, les apports particulaires en certains nonylphénols et métabolites se révèlent significatifs. Effets sur les organismes de l’estuaire de Seine AP et APE sont connus pour avoir une activité oestrogénique sur les organismes aquatiques. Pour les APE, cette activité augmente avec la diminution de la taille de l’éthoxylate, l’AP (absence d’éthoxylate) montrant la plus forte activité. Les octylphénols sont plus toxiques que les nonylphénols (jusqu’à 40 fois), tandis que les APEC en général sont moins toxiques que les APE correspondants. La plupart des études réalisées à ce sujet montrent que les effets oestrogéniques apparaissent à des concentrations de l’ordre de 10 – 20 µg/l. Les composés alkylphénoliques induisent la production de vitellogénine (hormone de stockage féminine) chez les poissons mâles, altèrent la croissance des testicules, le métabolisme des stéroïdes, la smoltification (adaptation physiologique et physique des jeunes salmonidés quittant les eaux douces pour les eaux marines), et sont responsable de l’apparition d’ovotestis (féminisation des organes reproducteurs mâles). Chez les invertébrés (daphnies), ils peuvent aussi altérer le métabolisme de la testostérone, diminuer la fécondité, modifier le sex-ratio, ou affecter le développement morphologique des embryons exposés [E.U., 2002 ; Servos, 1999]. En Seine, l’exposition de crustacés copépodes (E. affinis) au 4-nonylphénol (environ 15 µg/l : LOEC1) entraîne le blocage des individus au stade nauplius (larves) pendant 20 jours avant leur mort (chez les témoins, la phase nauplius dure 8 jours en moyenne). L’exposition au mélange 17βoestradiol – 4NP, modifie le sex-ratio de la deuxième génération de copépode en faveur des individus femelles (environ 35 % de mâles seulement). Le 4NP est aussi un inhibiteur fort de l’activité acétylcholinestérasique (environ 40 % d’inhibition à une concentration égale au 25e de la NOEC, soit 0,3 µg/l environ). Parmi cinq substances chimiques différentes (oestradiol, atrazine, benzo[a]pyrène, diéthylhexylphtalate et nonylphénol), le NP est le composé le plus toxique pour le stade nauplius d’E. affinis. La sensibilité des individus semblant décroître avec l’âge, il est important de connaître les effets 1 Lowest Observed Effect Concentration : plus faible concentration étudiée d’une substance ayant un effet sur un organisme vivant. 8/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols des contaminants sur les premiers stades de développement (la minceur de leur carapace augmente en effet la perméabilité de celle-ci aux polluants) [Forget et al., 2002]. Des perturbations endocriniennes sont aussi visibles sur les poissons de l’estuaire de Seine. Des flets prélevés en 2002 et 2003 présentent divers dysfonctionnements de cet ordre : 4 % des flets mâles sont porteurs d’ovotestis, 11 % des femelles ont un cycle de reproduction perturbé et une réduction significative de leur masse ovarienne. Une induction très forte de la vitellogénine a aussi été mesurée chez près de 50 % des mâles et le sex-ratio de la population de flet est de 39 %, significativement différent de la bipartition mâle/femelle attendue. L’analyse de la bile de ces flets a enfin montré la présence de composés à activité oestrogénomimétique, dont le NP et divers NPE (NP1EO, NP2EO, NP3EO, NP4EO, NP5EO, NP6EO, NP7EO). Une étude réalisée sur des gobies a constaté un déséquilibre du sex-ratio, avec seulement 38 % d’individus mâles [Minier, 2003 ; Minier et al., 2004]. A Elbeuf et Oissel, 75 % des gardons prélevés lors d’une étude en 2004 étaient des femelles et des concentrations de vitellogénine de l’ordre de 10 µg/l ont été mesurées dans le plasma des gardons mâles. 29 % des mâles prélevés en aval de la station d’épuration Emeraude (Rouen) étaient intersexués. Les analyses réalisées sur les gardons femelles montrent la présence d’alkylphénols et d’hormones de synthèse [Minier et al., 2005]. La participation éventuelle des substances retrouvées en Seine (dont les alkylphénols) aux perturbations endocriniennes observées sur les organismes vivants n’est actuellement pas démontrée (ni infirmée), mais de fortes présomptions existent en faveur de cette hypothèse. Résumé du comportement Les alkylphénols (AP) sont des substances de synthèse, utilisées pour leurs propriétés dispersantes, émulsifiantes et mouillantes. Le 4NP et le 4-tert-octylphénol sont les principaux AP produits et commercialisés sous forme de dérivés. Les alkylphénols éthoxylés (APE) sont fabriqués à partir d’AP et leur dégradation est la principale source d’AP dans l’environnement. En Europe, l’utilisation de nonylphénols (NP) avoisinait les 78 500 t en 1997. Actuellement, les AP utilisés en France sont totalement importés. Aucune information quantitative n’est disponible, mais le marché des NP semblait être en régression en 2003. Les restrictions d’utilisation de 2005 ont certainement renforcé cette tendance. Les APE sont principalement utilisés comme détergents dans l’industrie du textile et le traitement de surface, émulsifiants, adjuvants de formulation de pesticides et autres produits agricoles, peintures à l’eau. De par leur large spectre d’utilisation et l’absence de traitement adapté dans les STEP, ces composés sont ubiquitaires dans l’environnement. On estime ainsi que 65 % des AP et dérivés entrant dans les STEP sont rejetés dans l’environnement [Becue et Nguyen, 2005 ; Brignon, 2005]. Le NP n’est pas très volatil et sa demi-vie dans l’atmosphère est relativement courte. Il n’est donc pas susceptible de parvenir de façon importante aux milieux aquatiques sous forme de retombées atmosphériques. Les APE à longues chaînes sont rapidement dégradés en APE à courtes chaînes et en AP dans l’environnement aquatique. L’hydrolyse et la photolyse de ces derniers semblent être des phénomènes négligeables. Le NP n’est pas facilement biodégradable, mais sa biodégradabilité est avérée et significative dans l’eau et les sédiments [E.U., 2002]. Les caractéristiques physico-chimiques des AP favorisent leur accumulation préférentielle dans les boues et sédiments. Toutefois, dans l’eau, 20 % des NP sont retrouvés en phase particulaire et 80 % en phase dissoute [Becue et Nguyen, 2005]. L’estuaire de Seine est contaminé de façon importante par les composés alkylphénoliques. Les concentrations sont variables selon les stations, les saisons et les composés, mais diminuent en général à partir de la zone de mélange, du fait de la dilution des eaux fluviales par les eaux marines. 60 9/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols à 90 % des AP dosés dans la colonne d’eau sont sous forme dissoute. Cette phase dissoute est dominée par le NP1EC, tandis que la phase particulaire est surtout riche en NP. En baie de Seine, les concentrations dissoutes sont plus faibles et relativement stables, mais les teneurs particulaires auraient tendance à augmenter en direction du milieu marin. La question d’une accumulation sans dégradation des AP dans les sédiments de la baie se pose donc. Les affluents de l’estuaire sont eux aussi contaminés, les plus fortement anthropisés (Eure, Austreberthe, Risle et Commerce) présentant les concentrations les plus élevées [Budzinski et al., 2003 et 2006]. La littérature disponible suggère que les capacités des NP et NPE à se bioaccumuler dans les organismes aquatiques sont faibles à modérées. Très peu de données sont disponibles pour les OP et OPE, mais en se basant sur les similarités de structure de ces différents composés, on peut estimer que leurs capacités de bioaccumulation ne sont que très faiblement supérieures à celles des NP et NPE [Servos, 1999]. Le phénomène de biomagnification n’est, par contre, pas attendu [E.U., 2002]. NP et NPE sont des perturbateurs endocriniens à activité oestrogénique. Ils sont capables d’induire la synthèse de vitellogénine (protéine exclusivement féminine) chez les organismes aquatiques mâles, d’altérer la croissance des testicules, le métabolisme des stéroïdes, de faire apparaître des ovotestis chez les poissons, de modifier les sex-ratios en faveur des femelles, ou encore d’altérer le développement des embryons [Servos, 1999]. A long terme, ils sont donc susceptibles d’avoir un effet sur les populations. La toxicité des APE augmente avec la diminution de la longueur de l’éthoxylate, l’AP (absence d’éthoxylate) étant le plus toxique. Peu d’informations sont disponibles sur les octylphénols (OP), mais il a été démontré qu’ils sont quarante fois plus toxiques que les NP [Becue et Nguyen, 2005]. Les APEC sont moins toxiques que les APE correspondants. La plupart des études de toxicité montrent que les effets oestrogéniques apparaissent à des concentrations de l’ordre de 10 – 20 µg/l [E.U., 2002]. Les concentrations individuelles mesurées en Seine sont inférieures (de l’ordre du µg/l au maximum), mais l’additivité des effets des divers composés alkylphénoliques présents est à prendre en compte. Les effets décrits ci-dessus sont retrouvés sur les organismes vivants en estuaire de Seine (flets, gardons, crustacés), organismes qui sont contaminés par des composés alkylphénoliques (le degré de contamination est à vérifier). Toutefois, le degré d’implication de ceux-ci n’est pas précisément connu. D’autres substances à pouvoir oestrogénique beaucoup plus important (hormones naturelles et de synthèse) sont aussi présentes et pourraient être aussi responsables des effets endocriniens relevés. Le potentiel de perturbation endocrinienne des AP est aussi démontré chez l’Homme. La principale source d’exposition de celui-ci via l’environnement est certainement la nourriture, et dans une moindre mesure, l’eau de boisson. Une estimation des apports des différentes classes d’aliments montre que les poissons sont les contributeurs majeurs (de l’ordre de 70 à 80 % de la dose journalière totale) à l’absorption humaine de NP [E.U., 2002]. L’évaluation des risques effectuée par l’UE pour les nonylphénols a conclu à la présence de risques significatifs pour l’environnement aquatique, les sols et pour les organismes supérieurs par empoisonnement secondaire. Du fait de cette toxicité démontrée, une volonté de réduction et de régulation des NPE a été mise en place en Europe depuis quelques années [Becue et Nguyen, 2005]. Depuis 2005, les usages des NP et des NPE sont très restreints pour les industries ne recyclant ou n’incinérant pas leurs effluents, mais le recul manque pour déterminer l’efficacité de ces restrictions sur l’estuaire de Seine (aucune diminution de la contamination n’a été observée en 2005 par rapport aux années antérieures) [Budzinski et al., 2006]. 10/13 Octobre 2007 La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ? Fiche substance : Alkylphénol éthoxylates et Alkylphénols REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Becue A. et Nguyen R., 2005. Etude de l’analyse des Alkylphénols. INERIS, Unité « Chimie Analytique Environnementale », Direction des Risques Chroniques, Rapport final, 40 p. Budzinski H., Augagneur S., LeMenach K, Togola A. et Lardy S., 2006. Nouvelles classes de contaminants de l’estuaire de la Seine : alkylphénols, hormones stéroïdiennes, antibiotiques, analgésiques et hypolipémiants. Rapport Seine-Aval 2005, thème 1, 31 p. 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