CIta LAtina - ANAJ

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CIta LAtina - ANAJ
CIta LAtina
La lettre de l’Amérique Latine
Nº4| Février - Juin 2015
E
D
I
T
O
Sommaire
2
Entretien avec le général
Patrick Colas des Francs,
Directeur général du COGES
4
L’économie latinoaméricaine ou l’effet papillon
6
8
10
12
2015, l'année du retour du FMI
et de la BM en Amérique
latine?
Argentine/Royaume-Uni : de la
tension dans l’air
La francophonie, un vecteur
oublié de l’influence
française en Amérique latine
Fracking : une avancée
technologique ou une
fracture du fragile équilibre
énergétique ?
Alors que l’Europe a les yeux rivés sur la Grèce et le Moyen-Orient, le pape
Francisco, lui, s’envole pour son Amérique latine natale. Rien là-bas qui ne risque
de porter un coup trop dur à une économie mondiale qui s’impatiente, curieuse
de connaitre l’issue des négociations autour de la dette grecque. Rien qui ne
préoccupe les ressortissants du vieux continent alors que l’Iran semble réintégrer
le concert des nations et que s’opère au Moyen-Orient des retournements
d’alliances stratégiques.
Cependant, voici que Francisco part à la rencontre de ses terres, armé de son
bâton de pèlerin et d’un message de paix. Loin d’être unie, l’Amérique du sud est
toujours animée par de nombreux conflits frontaliers, entre le Brésil et la Bolivie au
sujet d’un morceau d’Amazonie, entre le Chili et la Bolivie à propos d’un accès à
la mer, entre la Colombie et le Venezuela qui se disputent la légitimité de
l’exploitation des sous-sols, pour les plus célèbres.
Du conflit israélo palestinien à Lampedusa en passant par la commémoration
du génocide arménien et les enjeux liés aux changements climatiques, ce pape
diplomate est à l’avant garde de l’actualité. Alors qu’il avait déjà joué un rôle
crucial dans les négociations entre Cuba et les Etats-Unis, voilà qu’il poursuit sa
mission diplomatique au cœur du nouveau monde. N’oublions donc pas de
regarder de l’autre côté de l’Atlantique, si Francisco y est ça n’est probablement
pas que pour des histoires déiques. A suivre…
Bonne lecture,
Pierre MAREY-SEMPER
Responsable du comité Amérique latine - ANAJ IHEDN
Vice-président en charge des études – ANAJ IHEDN
79e session jeune – Besançon 2013
| ENTRETIEN
www.Businessinsider.com
Entretien avec le général Patrick Colas
des Francs, Directeur général du COGES
Par Pierre Marey-Semper
Vice-président aux études
Responsable du comité Amérique latine
79e session jeune de Besançon
Source/ AFP
Le COGES (Commissariat Général des Expositions et Salons du GICAT), est une société, filiale à 100% du GICAT
– Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres. Il est dédié à la promotion
internationale de l'industrie française de défense et de sécurité terrestre & aéroterrestre et de ses filières. Il
organise notamment le salon EEUROSATORY qui se tient tous les deux ans à Paris et s’est associé à EXPODEFENSA,
salon de référence en Amérique Latine pour la Défense et la Sécurité (tri-service : Terre, Air, Mer), dont la
prochaine édition se tiendra au centre de conventions CORFERIAS de Bogota, Colombie, du 30 novembre au 2
décembre 2015. (source : site du COGES)
Pourquoi le COGES a-t-il choisi de s’associer à
Expodefensa ?
Le COGES est une filiale à 100% du GICAT, le
groupement des industries de défense et de sécurité
terrestres et aéroterrestres. Chargé pour le GICAT des
salons, un volet du soutien à l’export de ce secteur
industriel, le COGES cherchait à s’implanter en
Amérique latine, région ayant un très fort potentiel de
croissance, avec des besoins propres en matière de
défense et de sécurité. Après une étude menée sur
l’ensemble de la zone et tout particulièrement dans sa
partie la plus dynamique, l’Alliance du Pacifique, la
Colombie est apparue comme un pays stable, très
bien placé avec ses ouvertures sur le Pacifique et
l’Atlantique et des infrastructures capables d’accueillir
un grand salon. Ce pays disposant déjà d’un salon
défense et sécurité – EXPODEFENSA – nous nous
sommes naturellement tournés vers ses organisateurs,
le ministère de la Défense colombien et la société
CORFERIAS, pour leur proposer un partenariat de
développement du salon.
En quoi consistent les termes de cette alliance ?
accord de long terme pour accélérer le
développement
d’EXPODEFENSA
et
l’internationaliser, afin d’en faire le carrefour – « the
hub » – de la défense et de la sécurité de toute
l’Amérique latine. CORFERIAS reste le support
juridique du salon, qui se déroule sous la haute
autorité du « MINDEFENSA », le COGES apportant son
savoir-faire dans toutes les facettes de l’organisation
du salon, du recrutement des exposants et du
management des visiteurs. A terme, EXPODEFENSA
va devenir le salon Défense et Sécurité de référence
pour l’Amérique latine et les Caraïbes.
L’ambition de cet accord est-il de concurrencer des
événements comme le LAAD au Brésil ou encore le
SITDEF au Pérou ? Cette question fait écho à
l’ambition du vice-ministre colombien José Javier
Pérez Mejía qui déclarait en novembre 2014 souhaiter
faire d’Expodefensa
« un des salons les plus
importants d’Amérique ».
L’Amérique latine est un vaste sous-continent qui va
de la frontière nord du Mexique à la pointe sud de
l’Argentine et du Chili. Trois salons ne sont pas de trop,
Le COGES a signé avec ses deux partenaires un
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chacun avec ses spécificités, pour répondre aux
besoins très importants des pays de la zone.
EXPODEFENSA va se développer, en complémentarité
et en bonne intelligence avec les salons LAAD au Brésil
et SITDEF au Pérou.
Comment
jugez-vous
les
perspectives
de
développement du marché latino-américain de la
Défense et de la Sécurité ?
L’Amérique latine a de très importants besoins dans le
domaine de la sécurité. Elle fait face à des problèmes
de criminalité importants dans presque tous les pays.
Dans certaines zones, la lutte contre le crime organisé,
les maffias, les cartels de la drogue et la corruption
mobilise des moyens très importants. La géographie de
cet énorme sous-continent, ses spécificités avec la
Cordillère des Andes, la zone amazonienne et des villes
tentaculaires nécessitent des réponses adaptées de la
part des industriels. Le grand dynamisme économique
et politique de la zone doit permettre à la majorité des
pays de se doter des moyens de surmonter ces
difficultés.
Cet accord est-il le signe d’un intérêt grandissant des
entreprises françaises de Défense pour le marché
latino-américain ?
Les
sociétés
françaises
sont
régulièrement
positionnées sur les grands appels d’offre de Défense
et de Sécurité y compris sur le continent sudaméricain. Le travail fait par la société THALES pour
aider à la sécurisation de Mexico en est un bel
exemple. L’industrie française possède un réel savoirfaire qui couvre la quasi-totalité du domaine. Elle se
doit d’être présente en Amérique latine.
Peut-on enfin vous demander, sans trahir de secret
industriel, si d’autres projets d’association sont à
l’étude en Amérique latine ?
L’accord qui a été signé par le COGES avec ses
partenaires colombiens prévoit que le COGES
consacre tout son savoir-faire au développement
d’EXPODEFENSA, ce qui dans les faits exclut tout
autre partenariat dans la région.
Nous vous attendons sur Expodefensa, du 30
novembre au 2 décembre 2015 à Bogota, en
Colombie.
Pour
plus
d’information
www.expodefensa.com.co
sur
le
CHIFFRES CLES
Expodefensa 2014 en chiffres :

178 exposants de 19 pays

9750 visiteurs professionnels

24 délégations internationales

17 délégations nationales

6728 m² d’exposition
Le Général Colas des Francs signant l’accord de partenariat pour
l’organisation d’Expodefensa
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salon :
| ECONOMIE
codiceinformativo.com
L’économie
latinoaméricaine ou
l’effet papillon
Par Nicolas Bouveret
Membre du comité Amérique latine
Session grandes écoles 2013
L’Argentine parviendra-t-elle à enfin régler la question de la dette en 2015 ?
Ces derniers mois, les économies en d’Amérique
latine ont connu de profonds bouleversements.
Alors que de nombreux pays, à l’instar du Mexique,
ont entamé de lourds processus de réforme
(réforme énergétique), l’Amérique latine subit
indirectement les conséquences de politiques
économiques et monétaires étrangères. Parmi ces
chocs exogènes, les principaux sont la chute des
prix du pétrole ainsi que la perte de valeur des
devises nationales et de l’euro. L’Amérique latine
apparaît ainsi comme un parfait exemple de
l’interdépendance croissante des économies à
l’heure de la mondialisation des échanges. A
l’heure où les économies de la zone connaissent des
restructurations, ces bouleversements menacent la
stabilité économique et sociale dans la région. Alors
que, pour la première fois depuis de nombreuses
années, 2014 a vu la croissance moyenne du PIB de
la zone (1,1% selon la CEPALC) être inférieure à celle
des pays de l’OCDE, certains économistes évaluent
la chute du cours des matières premières à une
perte de 0,5 point de PIB sur la zone pour 2015.
Les répercussions sur les pays producteurs de pétrole en
Amérique latine sont multiples. La première concerne les
recettes fiscales de certains Etats et, indirectement, leur
capacité à soutenir l’économie nationale. En effet, le
secteur de l’énergie étant nationalisé dans la majorité des
pays, les compagnies nationales constituent un des
principaux acteurs de l’investissement. A titre d’exemple,
96% des exportations au Venezuela concernent des
produits pétroliers et les recettes représentent plus de 60%
des revenus de l’Etat.
Cependant, en fonction de la dépendance des
économies à la rente pétrolière, la tendance peut être
favorable aux économies. Ainsi, certains secteurs
bénéficient de la baisse des coûts de production liée
aux dépenses intermédiaires en énergie. Des coûts de
fabrication moindres peuvent entraîner une baisse des
prix et cela pourrait conduire à une déflation. A court
terme, l’augmentation du pouvoir d’achat pourrait
avoir des conséquences positives sur la croissance
interne. En diminuant la dépendance aux marchés
internationaux, il est aisé de voir les liens entre économie
et souveraineté nationale.
L’or noir au plus bas, entre risques et opportunités
La baisse des cours de change de l’euro et des devises
nationales face au dollar américain
En quelques mois, dans un contexte de croissance
mondiale faible et de conflit ouvert entre l’OPEP
(avec à sa tête l’Arabie Saoudite) et les Etats-Unis sur
le pétrole « de schiste », le cours du baril de pétrole
a subi une chute historique, diminuant de près de
58% entre avril 2014 et janvier 2015.
Parallèlement à la crise des matières premières, une
baisse des cours de change des monnaies régionales
face au dollar américain participe au renforcement des
déséquilibres économiques dans la zone. Les devises
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L’économie,
principal
levier
géopolitique et de progrès social
des pays dits « émergents » sont directement
impactées par le dollar fort. D’après J.P. Morgan,
l'indice des « devises émergentes » (dont real
brésilien et le peso mexicain) a baissé de 17% en
2014. Si elle est handicapante pour les importations,
cette situation peut néanmoins être bénéfique : une
monnaie faible peut en effet être un facteur de
compétitivité à l’international, et donc pour
l’emploi.
d’influence
Certains Etats se trouvent donc dans une situation
délicate face à ces chocs exogènes du fait de la
période de transition ou d’instabilité qu’ils traversent
(Mexique, Venezuela). Dans ce contexte, un nouvel
acteur, la Chine, a fait son apparition. Au cours de
l’année 2014, les banques chinoises ont accordé
plus de 22 milliards de dollars de prêts, devenant de
fait les premiers créanciers devant des institutions
telles que la Banque interaméricaine de
développement et la Banque mondiale.
L’Amérique
latine
subit
également
les
conséquences de la perte de valeur de l’euro. La
récente politique monétaire de quantitative easing
menée par la Banque centrale européenne (BCE)
et les banques centrales nationales, via le rachat de
dettes publiques et privées, participe à renforcer la
tendance à la baisse de l’euro face au dollar. Ainsi,
en moins d’un an, le taux de change euro/dollar a
diminué de 25% et les experts prévoient que cette
tendance va continuer du fait des politiques
contraires menées par la BCE et son homologue
américaine la FED. Cela peut avoir des
conséquences sur les réserves de change des pays,
notamment auprès des banques centrales ayant
décidé de diversifier leurs réserves afin de réduire
leur dépendance face à la devise nord-américaine
(l’euro ne représente que 26,6% des réserves en
devises à travers le monde). Enfin, conséquence
indirecte et qui sera perceptible à plus long terme,
la dévaluation progressive de l’euro aura de lourdes
conséquences sur le secteur du tourisme en
Amérique latine, du fait de la baisse de pouvoir
d’achat des touristes européens.
Néanmoins, ce soutien de la Chine à l’économie
régionale n’est pas désintéressé. En effet, les prêts
chinois sont quasi exclusivement destinés à des
investissements liés à l’exploitation des ressources
naturelles, plaçant ainsi les pays de la zone dans un
statut de pays exportateur dépendant de la
demande et donc des marchés, comme le prouve
l’épisode de chute des prix des produits pétroliers.
Dans ce contexte, le Venezuela fait l’objet d’une
attention toute particulière du fait de la
dépendance de son économie à « l’or noir ». Dans
une période de tensions diplomatiques avec les
Etats-Unis, une chute des revenus pétroliers a et aura
un impact direct sur la politique intérieure du
Président Maduro. Ainsi, les décisions prises à Riyad
ou à Francfort sont désormais scrutées partout en
Amérique latine.
A lire également :

La BCE lance une offensive historique sur le
marché des emprunts d'Etat, Isabelle
Couet, Les Echos

L'impact planétaire de la guerre des
changes et du dollar fort, Fabrice NodéLanglois, Le Figaro

L’Amérique latine en panne de croissance,
Claire Guélaud, Le Monde

La baisse des prix du pétrole va impacter la
balance commerciale de l’Amérique latine,
Venice Affre, Le MOCI
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Nº4 | Février-Juin 2015
| ECONOMIE
Flickr.com
2015, l'année du retour du Fonds monétaire international et de la Banque
mondiale en Amérique latine?
Par David Texier, membre du comité Amérique latine
Conférence du Fonds monétaire international (FMI) à Santiago du Chili en décembre 2014 et assemblée
annuelle du FMI avec la Banque mondiale à Lima (Pérou) lors de la rentrée 2015 : les institutions financières
internationales, communément appelées « institutions de Washington », semblent décidées à reconquérir leur
meilleur élève, l'Amérique latine. La concrétisation de cette stratégie est toutefois loin d'être acquise dans une
région du monde qui cherche depuis plusieurs années à s'en émanciper.
FMI et de la Banque mondiale à Lima au Pérou.
Événement notable pour la région, le dernier
rendez-vous de ce type avait eu lieu en 1967 au
Brésil.
Le 5 décembre 2014, la présidente chilienne
Michelle Bachelet et la directrice générale du FMI,
Christine Lagarde, ont présidé une conférence
intitulée « Les défis pour assurer la croissance et un
partage de la prospérité en Amérique latine » –
conférence organisée sur deux jours et qui a réuni
représentants officiels et autres experts politiques et
économiques d'Amérique latine et des Caraïbes.
Autour d'un débat sur la croissance de cette zone
du globe et de sa résilience remarquée durant la
récente crise économique et financière mondiale, il
s'agissait in fine de préparer une autre échéance
majeure : la réunion annuelle du
Historiquement, les relations entre les pays latinoaméricains
et
les
institutions
financières
internationales ont toujours été pour le moins
houleuses. Ces dernières ont en effet considéré la
région comme le laboratoire de leur politique
néolibérale lors des années 1970 et 1980, politique
symbolisée par le fameux « consensus de
Washington ».
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Nº4 | Février-Juin 2015
d'Argentine. Composée de sept pays membres,
tous sud-américains, son rôle est d'impulser le
développement économique de ces pays sans
qu’ils soient obligés de dépendre des sources de
financement traditionnelles, à savoir la Banque
mondiale et la
Banque interaméricaine du
développement. Ces dernières devront désormais
composer avec un concurrent, de taille et de
portée moindres, pour le moment, il est vrai.
Elle en est depuis restée très marquée, notamment
sur le plan social, pour des résultats économiques
contrastés. Des pays comme l'Argentine en portent
encore aujourd'hui des séquelles, comme l'atteste
l'actuel contentieux avec les « fonds vautours ».
La réaction politique qui s'en est suivie a traduit
depuis lors un certain rejet du FMI par les populations
d'Amérique latine. Force est en effet de constater
qu'aux gouvernements très libéraux et dociles ont
pu succéder au pouvoir des partis plus
contestataires à l'égard du FMI, aspirant à un retour
du social au premier plan. L'exemple le plus flagrant
est bien entendu le Venezuela.
On peut dès lors rappeler
incendiaires aux accents très
présidents Hugo Chavez et
respectivement présidents de
bolivarienne du Venezuela et de
l'Équateur.
Le retour attendu du FMI et de la Banque mondiale
en Amérique latine, à Lima, promet donc d'être
particulièrement intéressant à observer. A ce titre,
Alberto Rodriguez, le directeur de la Banque
mondiale dans la région, évoque la réunion
annuelle au Pérou comme l'occasion de réfléchir sur
le développement et la réduction des inégalités en
Amérique latine, en soulignant le fait que ces pays
ont fait des progrès significatifs en la matière. Alors
que les institutions financières internationales
cherchent à se renouveler idéologiquement (du
moins en apparence), prenant acte de la mort du
« consensus de Washington » et se tournant vers la
« bonne gouvernance », le développement et la
lutte contre la pauvreté, quelle sera la place de
l'Amérique latine dès 2015 dans le changement de
stratégie des institutions financières internationales ?
les déclarations
bolivariens des
Rafael Correa,
la République
la République de
Ce rejet du modèle proposé par les institutions
financières internationales ne se borne pas à de
simples propos vindicatifs. Il convient à ce titre
d'évoquer la création en 2007 de la Banque du Sud,
sous l'impulsion d'Hugo Chavez et de Nestor
Kirchner, alors président de la République
POINTS CLES

1982 : Crise de la dette en Amérique latine ; le Mexique se déclare en défaut de paiement. La crise se
propage dans la région.

Années 1980 et 1990 : Age du « consensus de Washington » par le biais des politiques d'ajustement
structurels du FMI, d'obédience néolibérale.

1994 : Crise financière (dite « crise tequila ») qui débute au Mexique et impacte le reste du Cône Sud,
notamment le Brésil.

1998 : Élection d'Hugo Chavez à la présidence de la République bolivarienne du Venezuela.

2001 : Crise économique en Argentine, l'économie du pays s'effondre après trois ans de récession. Le
FMI et ses plans d'austérité sont remis en question.

2006 : Élection de Rafael Correa à la présidence de la République de l'Équateur.

2007 : Création de la Banque du Sud sous l'impulsion du Venezuela, dans le but de créer un fonds pour
contribuer au développement économique de la région et renforcer sa souveraineté.

2015 : Assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale à Lima : la reconquête de l'Amérique
latine ?
7
Nº4 | Février-Juin 2015
|DEFENSE ET SECURITE
mexico.cnn.com
geograph.org.uk
Argentine/Royaume-Uni : de la tension dans l’air
Par Victor Lacadée
membre du comité Amérique latine
Quand le Royaume-Uni s'inquiète des efforts de
l'Argentine pour renforcer ses capacités aériennes
L'Argentine a montré au cours des derniers mois sa
volonté de renouveler son parc vieillissant de
chasseurs aériens. Les obstacles mis sur sa route par
le Royaume-Uni ne semblent pas avoir altéré sa
détermination.
Le contrat passé en octobre 2014 par le Brésil avec
l'avionneur suédois Saab pour l'achat et la
construction locale de 36 chasseurs Gripen NG avait
donné des idées à Buenos Aires. Un mois après, un
accord de coopération en matière de Défense était
signé entre Brasilia et le voisin argentin avec, en
ligne de mire, l'acquisition pour l'Argentine de 24
JAS-39E Gripen NG, assemblés au Brésil.
Cette perspective fut très mal accueillie au
Royaume-Uni, avec lequel l'Argentine entretient un
différend
territorial
à
propos
des
îles
Falkland/Malouines, situées dans l'Atlantique sud à
environ 500 km des côtes argentines, sous
souveraineté britannique depuis 1830 mais
revendiquées par l'Argentine.
8
Or, le Gripen, bien qu'il soit construit par l'avionneur
suédois Saab, est constitué, à 30% environ, de
matériaux
et
de
technologies
d'origine
britannique (composants du radar à antenne active,
trains d'atterrissage, avionique), fabriqués par des
entreprises anglaises. Le secrétaire d’Etat des Affaires
étrangères britannique avait alors évoqué l'interdiction
d'exporter toute technologie militaire britannique en
Argentine, rendant la perspective de cette acquisition
impossible. Devant cet inévitable veto, l'Argentine s'est
donc mise à la recherche de solutions alternatives, dont
pourraient bien profiter la Russie ou la Chine, puissances
à l'influence grandissante sur ce continent.
Russes et Argentins se sont en effet rapprochés à
l'automne 2014 afin de discuter de la possibilité d'un
échange de 12 bombardiers Sukhoi Su-24 contre du blé,
du bœuf et d’autres marchandises faisant l’objet de
pénuries en Russie, en raison des embargos alimentaires
imposés par l’Union européenne. Mais c'est finalement
la Chine qui semble tenir la corde.
Nº4 | Février-Juin 2015
Au cours du déplacement de la présidente Kirchner
en Chine en février 2015, des négociations ont en
effet été entamées pour l'acquisition d'une vingtaine
de chasseurs polyvalents FC-1/JF-17 développés par
le Chinois Chengdu Aircraft Corporation (CAC).
Il semblerait donc que, malgré les efforts
britanniques, l'Argentine finisse par trouver un
partenaire capable de lui permettre de renouveler sa
flotte aérienne. Devant cette perspective, le
Royaume-Uni envisage de renforcer le détachement
permanent de la Royal Air Force, actuellement
composé de quatre chasseurs Eurofighter Typhoon
FGR Mk-4, d’un ravitailleur en vol Airbus Voyager KC
Mk-2, d’un avion-cargo Lockheed Hercules C Mk-1 et
de deux hélicoptères Westland Sea King HAR Mk-3.
Un rapport de force semble donc engagé autour de
l'archipel, dont l'intérêt stratégique a repris de la
vigueur au cours des dernières années depuis qu'il y
est question de réserves pétrolières...
POUR EN SAVOIR PLUS
Quelques chiffres importants :
Population : 202 millions d’habitants
PIB : 2,246 billions de dollars (2013)
Surface du Brésil : 8,5 millions de km²
Surface de l’Amazonie légale : 60% du
territoire
Un PEF (Peloton Spécial de Frontière) est
composé d’environ 60 personnes
28 PEF existants en 2014
Coût estimé du programme SISFRON : 4
milliards de dollars environ
Chronologie :
2008 : Lancement de la Stratégie Nationale
de Défense (END)
2011 : Mise en place de la première phase
du SISFRON à Cuiabá (MS)
2014 : Mise en service
(conclusion : 2035)
du
A lire également
Mexique : Arrestation des narcotrafiquants "La Tuta" et
"el Z-42" : un coup important porté au crime organisé.
Analyse : Violence urbaine et sécurité en Amérique
latine : focus sur la Colombie
9
Nº4 | Février-Juin 2015
SISFRON
| POLITIQUE ET DIPLOMATIE
Source/Bilaterals.org
La francophonie, un vecteur oublié de l’influence française en
Amérique latine
Par Alexandre Barthès
Membre du Comité Amérique latine
67e Session Jeunes, 2010, Amiens
Après une hausse de près d’un tiers en 2012-2013, la déforestation repart à la baisse
et permet au Brésil d’atteindre son second niveau le plus bas en 10 ans de contrôle
étroit du déboisement en Amazonie
Le 19 décembre 2014, le groupe audiovisuel
français France Medias Monde (FMM) et le câbloopérateur argentin Cablevisión ont signé un
accord permettant la diffusion de la chaîne
d’information en continu France 24 et de Radio
France Internationale (RFI) dans l’offre basique du
bouquet numérique argentin. Cet accord permet
aux deux médias français d’être diffusés auprès
des 882 000 foyers abonnés à Cablevisión.
Désormais, France Médias Monde touche près de
3 millions de foyers sur l’ensemble du continent
latino-américain.
Dans un paysage médiatique latino-américain
polarisé, dominé par les médias privés et traversé
par une lutte d’influence entre plusieurs grandes
chaînes étrangères, les voix francophones et
françaises sont relativement inaudibles, voire
absentes. Le paysage médiatique latinoaméricain est marqué par une opposition entre
des médias privés nationaux soupçonnés d’être
10
« aux ordres du marché 1 » et des médias publics
nationaux accusés d’être au service des intérêts
partisans du pouvoir en place. A cela s’ajoutent des
chaînes étrangères (CNN International, CCTV,
HISPAN TV, RTVE, EURONEWS…) qui diffusent en
langue espagnole. Au-delà de la qualité des
programmes diffusés, ces chaînes étrangères sont
proches, de manière plus ou moins explicite et
visible, de considérations d’ordre politique et
géopolitique.
Dans ce contexte, l’offre audiovisuelle francophone
et française est peu visible et semble souffrir de ne
pas disposer de vecteur en langue espagnole pour
accroître son attractivité. Si une partie des
programmes de RFI sont diffusés en espagnol,
France 24 ne dispose pas à ce jour de canal dans
cette langue. Pour France 24, un projet de
développement d’un canal en espagnol est en
cours de réflexion et pourrait être intégré dans le
futur contrat d’objectifs et de moyens de FMM.
Nº4 | Février-Juin 2015
Il apporterait un début de réponse à l’attente de
France exprimée par les latino-américains. En effet,
malgré une perte d’influence du français sur le
continent depuis le début du XXème siècle,
l’Amérique latine reste francophile et le français est
la deuxième langue étrangère apprise sur le
continent derrière l’anglais. Depuis le début des
années 2000, le français a amorcé un retour en
force sur le continent, avec notamment un soutien
actif du ministère des Affaires étrangères et des
Alliances françaises. Le français apparaît comme le
vecteur d’une alternative à une certaine
homogénéisation culturelle. Ce retour marqué du
français reste fragile du fait de la qualité inégale de
l’enseignement du français sur le continent1.
POINTS CLEFS
La mobilisation du vecteur francophone en
Amérique latine reste encore limitée. Si la récente
signature d’un accord entre la France et l’Argentine
pour la reconnaissance mutuelle des diplômes du
supérieur et les projets de France 24 sont actés, les
volets économiques semblent encore en marge. Le
Forum Francophone des Affaires dispose certes
d’un relais pour l’Amérique latine mais les
perspectives françaises sont plutôt portées vers le
continent africain. A l’inverse, les Québécois
tendent à renforcer la mobilisation de la
francophonie des Amériques pour accroître leur
attractivité sur le continent.

En 2014, il y a 4 617 500 francophones
en
Amérique
Latine
(hors
départements et territoires d’outremer). Ces données ne prennent en
compte que les francophones des
pays membres de l’OIF (observateurs
et membres à part entière).

3 Etats latino-américains sont membres
à part entière de l’OIF : La Dominique
(1979), Haïti (1970) et Sainte-Lucie
(1981).

4 Etats latino-américains sont membres
observateurs de l’OIF : Costa Rica
(depuis 2014), République dominicaine
(2010), Mexique (depuis 2014) et
Uruguay (2012).

Fin 2014, RFI compte 500 radios
partenaires sur le continent américain
contre 396 en 2013. Sur les 104
nouvelles radios partenaires, 77 sont en
Amérique latine, dont 8 au Brésil.

2004 : lancement de CCTV Español, la
chaîne chinoise en espagnol.

2012 : lancement de HISPAN TV, la
chaîne iranienne en espagnol
La désignation, au mois de novembre 2014, de
Michaelle Jean (canadienne d’origine haïtienne)
A lire
également
comme
secrétaire
générale de l’Organisation
internationale de la francophonie (OIF) pourrait
 nouvelle
Signature
de l’accord
donner une
dimension
à lafranco-argentin
francophonie de reconnaissance mutuelle des diplômes (Rosario,
30
mars
2015)
des Amériques et servir de point d’appui pour une
 No News
from
Tehranfrançaise
: Hispan TV
FirstlaVoyage to Latin America
nouvelle impulsion
à une
stratégie
dans

Who
speaks
for
public
media
in
Latin
America?
région.
 Haydée SILVA, Langues et territoires : le statut du français en Amérique Latine, Gatineau,
Université du Québec en Outaouais, Cahier Senghor, n°3, 2011
 Visite en Argentine de M. C. Saragosse, PDG de « France Medias Monde »
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cdn.plp.cl
Fracking : une avancée technologique ou une fracture du fragile
équilibre énergétique ?
Par Aurélien Dervaux
Membre du comité Amérique latine
À l’heure où les automobilistes français se
réjouissent du prix du diesel à la pompe,
conséquence d’un baril à moins de 50 dollars, loin
des 140 dollars de juin 2008, le débat sur notre
consommation d’énergie et ses conséquences
s’ouvre à nouveau. En effet, le faible prix du baril
s’explique notamment par une demande à la
baisse en raison des avancées technologiques – et
par une offre toujours plus conséquente – mais
également
par
une
technique
récente
d’extraction du pétrole et du gaz appelée
fracking, ou fracturation hydraulique.
Inventée en 1947, la technique de la fracturation
hydraulique se développe véritablement dans les
années 1980 avec l’invention du forage horizontal.
Elle permet d’extraire du pétrole dans des
gisements non conventionnels et, pour faire vite,
d’exploiter
des
gisements
auparavant
inaccessibles ou qui auraient nécessité des coûts
exorbitants. L’extraction est facilitée grâce à une
injection constante d’eau et de fluides dans une
galerie et à un mélange d’additifs chimiques et
d’agents de soutènement pour maintenir la
galerie ouverte.
Depuis quelques années, le fracking gagne
progressivement l’Amérique latine, influencée par
les États-Unis. Cette technique est désormais
utilisée au Brésil, en Colombie, au Mexique, en
Uruguay et en Argentine.
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En Argentine, à Añelo, se trouve le gisement de gaz
et de pétrole Vaca Muerta. Ce gisement de près de
30 000 kilomètres carrés n’a de mort que son nom
puisque, depuis sa découverte en 2010, il est
devenu un pôle d’attractivité important. En effet, en
deux ans, la ville a doublé sa population et 5 000
employés y convergent chaque jour pour y
travailler. La société YPF (Yacimientos Petrolíferos
Fiscales) a conclu des accords d’exploitation avec
des sociétés étrangères telles que l’américain
Chevron, Total et la malaisienne Petroliam Nasional
Berhad (Petronas). Añelo est ainsi devenue la
« capitale du fracking » en Amérique latine.
Alors, pourquoi se passer d’une technologie qui
permettrait à l’Argentine de se sortir de sa situation
économique complexe ? À huit mois de la
conférence sur le climat, COP21, qui se déroulera à
Paris, l’impact environnemental du fracking est
souvent avancé comme argument pour refuser son
utilisation. Parmi les conséquences évoquées, la
pollution des sols, la libération de méthane, les
mouvements sismiques, le gaspillage d’eau et le
risque sur la potabilité de l’eau.
La fracturation hydraulique est donc une
technologie
relativement
nouvelle,
pleine
d’incertitudes et qui mérite d’être soumise à plus
d’études – indépendantes – afin d’en déterminer le
rapport pollution-efficacité. Entre développement
économique des États et risques écologiques
majeurs, il faut désormais pouvoir se positionner.
En dépit d’un semblant de réussite, la fracturation
hydraulique est sujette à de nombreux débats à
travers le monde. L’exemple de Vaca Muerta
montre que cette méthode est génératrice
d’emplois mais déséquilibre en même temps le
marché du travail local, puisqu’un Argentin gagne,
selon un article paru dans El Pais en 2014, environ
530 euros par mois en travaillant dans une ferme
alors que celui qui travaille à Añelo en gagne
environ 1 230. Ensuite, l’autosuffisance énergétique
constitue clairement un des objectifs de la méthode
du fracking lorsque l’on sait que les États-Unis
investissent dans ce secteur afin de mettre fin à leur
dépendance énergétique à l’égard de la Russie et,
par la même occasion, du Moyen-Orient. Dans le
cas de l’Argentine, les experts affirment que c’est la
deuxième plus grande réserve de gaz de schiste au
monde après la Chine et que l’approvisionnement
est assuré pour les cent cinquante prochaines
années – au minimum.
A lire également
• La Patagonie argentine, eldorado pétrolier et
Jurassic Park
• La geopolítica del ‘fracking’
• La capital latinoamericana del ‘fracking’
• Una petrolera malaya invierte en el petróleo no
convencional de Argentina
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