Le Web 2.0 et l`école

Transcription

Le Web 2.0 et l`école
Le Web 2.0 et l’école
Sommaire, n° 482, juin 2010
Bloc-notes, Philippe Watrelot
Actualités éducatives
.......................................................................... 1
............................................................................................. 2
Patrice Bride : Gribouille à la Sorbonne
Françoise Lorcerie : Des annonces qui méritent
d’être mises en œuvre
Dominique Gelin : Pratiques de classe et autorité
Xavier Dejemeppe : La constante toujours macabre
DOSSIER : Le Web 2.0 et l’école
............................................................. 9
Caroline d’Atabekian et Caroline Jouneau-Sion
Éditorial ....................................................................................................................... 10
1- Apprendre, enseigner : de nouvelles postures ?
Caroline d’Atabekian : Au travail, Narcisse ! ..................................... 11
Hubert Guillaud : Enseigner à l’heure du 2.0,
c’est d’abord enseigner ................................................................................... 14
Jacques Crinon : Communication numérique et pédagogie . . 16
2- Écrire en mode collaboratif
Christelle Guillot : Blog, radio, vidéo :
tout est bon pour faire écrire ...................................................................... 19
Yaël Boublil, Loig Le Brouder, Annie Weinachter :
Trois blogs de classe, trois expériences singulières .................... 21
Stéphanie de Vanssay :
Le blog pour réconcilier avec l’école ..................................................... 23
Hervé Muller : Un wiki pour mutualiser les écrits ........................ 25
Mario Asselin : Internet forme, l’éducation se transforme ..... 26
3- Des outils divers : microblogging, podcast, réseau social
Laurence Juin : « Tweeter » en classe, au CDI,
en conseil de classe, en stage… ............................................................... 29
Marie-Lyne Soulié : Un podcast pour préparer son bac . .......... 31
Olivier Leguay : Netvibes : un univers à portée de main .......... 33
Jean-Michel Le Baut :
Facebook, des liens entre générations d’élèves ............................ 34
David Cordina :
Des liens pour mieux apprendre, mieux s’intégrer ...................... 36
4- Identité numérique et « amis » sur la Toile
Sylvie Grau : Peut-on être « ami » avec ses élèves ? ................... 38
Christine Bolou-Chiaravalli :
Une carte de visite sur Internet ................................................................ 40
Benoit Drunat : Deux jeux de vie .............................................................. 42
pédagogiques
5- Ce que ça change pour les usagers de l’école
Françoise Cahen :
Blogs pédagogiques et conditions de travail . .................................. 44
Collectif : Le Web 2.0 et les profs ........................................................... 46
Jacob et Mathieu : Le blog des délégués de 6e D ......................... 49
Gilles Teyssèdre :
Un blog au service de la liaison classe-familles ........................... 50
Serge Pouts-Lajus : Déléguer la direction de publication ....... 51
changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société
Michel Bézard : Les Tice 2.0 dépassent les bornes .................... 53
Lexique ....................................................................................................................... 55
Articles à consulter sur notre site :
Lyonel Kaufmann : Blogs pédagogiques : du discours sur leurs
usages à la réalité dans leurs pratiques • Audrey GuilbaudVarachaud : Facebook, quelle aventure… Carnet de bord
d’une enseignante-documentaliste stagiaire • Jean-Michel
Le Baut : La littérature dans les bourrasques des pratiques
numériques • François Jourde : Twitter en philo : des gazouillis
dans le vent ? • Hee-Kyung Kim, François Mangenot :
Apprentissage nomade : des Coréens apprennent le français
avec leur téléphone portable
Et chez toi, ça va ? 57
Agnès Berthe : C’est à nous de vivre maintenant ......................... 57
Florence Castincaud : Dix principes, quatre axes,
deux tensions dialectiques… ...................................................................... 58
Monique Ferrerons : La date de naissance de Mouloud ........... 58
Hélène Eveleigh : Les instants précieux .............................................. 59
Michèle Amiel :
Carte postale de vacances d’une proviseure .................................... 59
Faits et idées ............................................................................................................... 60
Éric de Saint-Denis :
Parole d’une d’élève sur le microlycée (chronique) .................... 60
Prisque Barbier : La compétence de communication
en didactique des langues ............................................................................ 62
Sylvie Menet : Mettre en commun ses cours,
jusqu’à en faire un manuel .......................................................................... 64
Le Web 2.0 et l’école
CAHIERS PÉDAGOGIQUES – n° 482 – juin 2010 : Le Web 2.0 et l’école
Billet du mois :
Hervé Hamon : Un réac peut en cacher un autre
Il y a 30 ans dans les Cahiers ......................................................................... 65
Louis Porcher, Sylvain Roumette :
La télévision et le monde scolaire
Regards de pédagogues ....................................................................................... 67
Maëliss Rousseau : Ivan Illich (1929-2002). Peut-on faire
confiance à l’école pour favoriser la promotion sociale ?
Le Livre du mois . ...................................................................................................... 69
Bénédicte Duvin-Parmentier : Pour enseigner l’histoire
des arts, regards interdisciplinaires
Couverture et illustrations : Borris <hippoetje.canalblog.com>
N° 482 - juin 2010
CRAP-Cahiers pédagogiques, 10, rue Chevreul, 75011 Paris. Tél. : 01‑43‑48‑22‑30 - Fax : 01‑43‑48‑53‑21
http://www.cahiers-pedagogiques.com - [email protected]
Cercle de Recherche et d’Action Pédagogiques
3 782829 107708
04820
64e année- 7,70 
Actualités éducatives
Après les états généraux de la sécurité
à l’école
Il y a 30 ans dans les Cahiers
La télévision et le monde scolaire
Regards de pédagogues
Ivan Illich : l’école peut-elle favoriser
la promotion sociale ?
Le livre du mois
Pour enseigner l’histoire des arts
Le Web 2.0 et l’école
Sommaire, n° 482, juin 2010
Bloc-notes, Philippe Watrelot
Actualités éducatives
.......................................................................... 1
............................................................................................. 2
Patrice Bride : Gribouille à la Sorbonne
Françoise Lorcerie : Des annonces qui méritent
d’être mises en œuvre
Dominique Gelin : Pratiques de classe et autorité
Xavier Dejemeppe : La constante toujours macabre
DOSSIER : Le Web 2.0 et l’école
............................................................. 9
Caroline d’Atabekian et Caroline Jouneau-Sion
Éditorial ....................................................................................................................... 10
1- Apprendre, enseigner : de nouvelles postures ?
Caroline d’Atabekian : Au travail, Narcisse ! ..................................... 11
Hubert Guillaud : Enseigner à l’heure du 2.0,
c’est d’abord enseigner ................................................................................... 14
Jacques Crinon : Communication numérique et pédagogie . . 16
2- Écrire en mode collaboratif
Christelle Guillot : Blog, radio, vidéo :
tout est bon pour faire écrire ...................................................................... 19
Yaël Boublil, Loig Le Brouder, Annie Weinachter :
Trois blogs de classe, trois expériences singulières .................... 21
Stéphanie de Vanssay :
Le blog pour réconcilier avec l’école ..................................................... 23
Hervé Muller : Un wiki pour mutualiser les écrits ........................ 25
Mario Asselin : Internet forme, l’éducation se transforme ..... 26
3- Des outils divers : microblogging, podcast, réseau social
Laurence Juin : « Tweeter » en classe, au CDI,
en conseil de classe, en stage… ............................................................... 29
Marie-Lyne Soulié : Un podcast pour préparer son bac . .......... 31
Olivier Leguay : Netvibes : un univers à portée de main .......... 33
Jean-Michel Le Baut :
Facebook, des liens entre générations d’élèves ............................ 34
David Cordina :
Des liens pour mieux apprendre, mieux s’intégrer ...................... 36
4- Identité numérique et « amis » sur la Toile
Sylvie Grau : Peut-on être « ami » avec ses élèves ? ................... 38
Christine Bolou-Chiaravalli :
Une carte de visite sur Internet ................................................................ 40
Benoit Drunat : Deux jeux de vie .............................................................. 42
pédagogiques
5- Ce que ça change pour les usagers de l’école
Françoise Cahen :
Blogs pédagogiques et conditions de travail . .................................. 44
Collectif : Le Web 2.0 et les profs ........................................................... 46
Jacob et Mathieu : Le blog des délégués de 6e D ......................... 49
Gilles Teyssèdre :
Un blog au service de la liaison classe-familles ........................... 50
Serge Pouts-Lajus : Déléguer la direction de publication ....... 51
changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société
Michel Bézard : Les Tice 2.0 dépassent les bornes .................... 53
Lexique ....................................................................................................................... 55
Articles à consulter sur notre site :
Lyonel Kaufmann : Blogs pédagogiques : du discours sur leurs
usages à la réalité dans leurs pratiques • Audrey GuilbaudVarachaud : Facebook, quelle aventure… Carnet de bord
d’une enseignante-documentaliste stagiaire • Jean-Michel
Le Baut : La littérature dans les bourrasques des pratiques
numériques • François Jourde : Twitter en philo : des gazouillis
dans le vent ? • Hee-Kyung Kim, François Mangenot :
Apprentissage nomade : des Coréens apprennent le français
avec leur téléphone portable
Et chez toi, ça va ? 57
Agnès Berthe : C’est à nous de vivre maintenant ......................... 57
Florence Castincaud : Dix principes, quatre axes,
deux tensions dialectiques… ...................................................................... 58
Monique Ferrerons : La date de naissance de Mouloud ........... 58
Hélène Eveleigh : Les instants précieux .............................................. 59
Michèle Amiel :
Carte postale de vacances d’une proviseure .................................... 59
Faits et idées ............................................................................................................... 60
Éric de Saint-Denis :
Parole d’une d’élève sur le microlycée (chronique) .................... 60
Prisque Barbier : La compétence de communication
en didactique des langues ............................................................................ 62
Sylvie Menet : Mettre en commun ses cours,
jusqu’à en faire un manuel .......................................................................... 64
Le Web 2.0 et l’école
CAHIERS PÉDAGOGIQUES – n° 482 – juin 2010 : Le Web 2.0 et l’école
Billet du mois :
Hervé Hamon : Un réac peut en cacher un autre
édition numérique au format PDF
Il y a 30 ans dans les Cahiers ......................................................................... 65
Louis Porcher, Sylvain Roumette :
La télévision et le monde scolaire
Regards de pédagogues ....................................................................................... 67
Maëliss Rousseau : Ivan Illich (1929-2002). Peut-on faire
confiance à l’école pour favoriser la promotion sociale ?
Le Livre du mois . ...................................................................................................... 69
Bénédicte Duvin-Parmentier : Pour enseigner l’histoire
des arts, regards interdisciplinaires
Couverture et illustrations : Borris <hippoetje.canalblog.com>
N° 482 - juin 2010
CRAP-Cahiers pédagogiques, 10, rue Chevreul, 75011 Paris. Tél. : 01‑43‑48‑22‑30 - Fax : 01‑43‑48‑53‑21
http://www.cahiers-pedagogiques.com - [email protected]
Cercle de Recherche et d’Action Pédagogiques
3 782829 107708
04820
64e année- 7,70 
Actualités éducatives
Après les états généraux de la sécurité
à l’école
Il y a 30 ans dans les Cahiers
La télévision et le monde scolaire
Regards de pédagogues
Ivan Illich : l’école peut-elle favoriser
la promotion sociale ?
Le livre du mois
Pour enseigner l’histoire des arts
Les hors-série numériques
des Cahiers pédagogiques
Billet du mois
Billet du mois, billet d’humeur… Pour ouvrir chaque numéro, un texte qui réagit,
qui peut faire réagir, par un auteur qui s’engage, qui engage la discussion.
Un réac peut en cacher un autre
Quand je naviguais à bord de l’Abeille Flandre, autour d’Ouessant, et que nous prêtions assistance aux bateaux qui abordaient ce qu’on nomme « le Rail », j’ai pu observer à quel point
chaque situation réclamait de l’équipage un sens aigu de l’improvisation. Dans les cas les
plus complexes, Carlos, le capitaine, faisait monter tous les hommes à la passerelle et chacun
pouvait – et même devait – dire ce qu’il pensait de la situation, suggérer telle ou telle tactique.
Sans considération de hiérarchie pyramidale. En mer, m’expliquait Carlos, la bonne manœuvre,
finalement, c’est la manœuvre qui réussit.
Cette culture-là, cette culture qui réussit, est malheureusement décriée par une bonne partie
de nos élites. Notamment lorsqu’il s’agit de l’école. Au lieu de s’appuyer sur le savoir-faire des
maitres qui ont patiemment appris à enseigner, et de valoriser cette maitrise, l’idéologie actuellement au pouvoir ne cesse de décrier l’expérience et considère que la formation se résume en
la possession de savoirs académiques – que l’on transmettra ensuite. L’élève est un contenant
vide que le professeur doit emplir de sa science. Et, bien sûr, les jeunes enseignants n’ont nul
besoin d’initiation pédagogique puisqu’ils ont atteint, en réussissant les concours, un état de
transcendance ontologique qui leur suffit amplement.
Hervé Hamon
Passons sur l’étroitesse culturelle, sur le manque d’ampleur d’une telle vision. L’agressivité
contre la pédagogie est une spécialité – faut-il dire une anomalie ? – bien française. La valorisation des acquis de l’expérience, chez nous, c’est tout juste bon pour l’enseignement professionnel, pour les maçons qui sont rétifs aux mathématiques. Ainsi se ferme-t-on à mille sources
de connaissance, à mille talents divers. Ainsi envoie-t-on au casse-pipe maints brillants esprits
issus des classes prépas qui, sur un terrain nouveau et mouvant, se retrouvent, soudain, fort
désemparés.
Il y a plus. Au discours réactionnaire habituel viennent se mêler d’étranges voix qu’on aurait cru
d’une tout autre inspiration. Le style « gaucho réac ». On était habitué au langage du Snalc.
On l’était moins à ce que d’ardents disciples de la vulgate révolutionnaire s’en viennent clamer
urbi et orbi que la défense de l’agrégation et des classes préparatoires est l’alpha et l’oméga de
la résistance au « libéralisme ».
Selon cette vulgate intransigeante, se réclamer de l’expérience, du savoir-faire, c’est se réclamer – plus ou moins explicitement – de l’esprit d’entreprise et de ses effroyables bidouillages.
C’est se réclamer d’une culture du résultat intolérable et forcément funeste. L’ascenseur social
consiste à propulser quelques élus aux portes de Normale supérieure, pas à chercher des passerelles entre le bac pro et le BTS.
Décidément, ces temps-ci, il faut se battre sur tous les fronts.
Des heures de vie de classe, pour quoi faire ? • Le socle commun… Mais comment faire ? • Les rythmes scolaires •
Travailler sur la presse écrite à l’école • Les PPRE, nouveau visage de l’aide individualisée •
L’école ailleurs… (Belgique, Italie, Finlande, Angleterre, Québec, Suisse et Maghreb) • Mai 68 et l’école, vus par
les Cahiers pédagogiques • Face aux classes difficiles • Quelques outils et réflexions pour (bien) débuter •
La formation des enseignants • Le nouveau cadre européen de référence pour les langues •
Socle commun et travail
par compétences
Balises et boussole
Le travail par compétences, le socle commun :
de nouvelles modes pédagogiques sans lendemains,
ou de réelles occasions d’améliorer les apprentissages
des élèves ? De simples ravalements de ce qu’on fait déjà,
ou de véritables opportunités pour revoir nos pratiques
d’évaluation, de différenciation, de remédiation ?
Ce numéro s’efforce d’indiquer des repères pour une mise
en œuvre utile à partir d’expériences concrètes,
dans le quotidien de la classe et de l’établissement.
Ce dossier est vendu en ligne sur notre site
et à télécharger au format PDF.
www.cahiers-pedagogiques.com
5 euros pour les particuliers. Tarifs avec droits de diffusion : 10 euros
pour les établissements scolaires et 15 euros pour les médiathèques
Enseigner les langues vivantes
avec le Cadre européen
Nouvelle édition
Les Cahiers pédagogiques est une revue indépendante éditée par le
Cercle de recherche et d’action pédagogiques (Crap), association loi 1901 engagée
dans la réflexion sur les pratiques quotidiennes de l’enseignement tout comme dans
les combats en faveur d’une école plus juste et plus efficace. Ses membres exercent
dans tous les secteurs de l’école, de la maternelle à l’université.
Les Cahiers pédagogiques éditent sous forme
de fichiers au format pdf des numéros portant
sur des thèmes d’actualité, téléchargeables sur
notre site www.cahiers-pedagogiques.com
Quelles évolutions de l’enseignement des langues depuis les
premiers pas du CECRL ? Les interrogations qui se
manifestaient en 2005 ont-elles trouvé des pistes de
réponse ? La réflexion, la formation ont-elles réussi à outiller
les enseignants ? Des points de vue contrastés,
complémentaires souvent, parfois contradictoires,
représentatifs du débat bien réel sur la question de
l’enseignement des langues.
Ce hors-série est présenté sous une nouvelle édition
augmentée d’une partie consacrée aux compétences et
groupes de compétences. Il comprend une version adaptée à
la lecture à l’écran et une version destinée à l’impression.
Ce dossier est vendu en ligne sur notre site
et à télécharger au format PDF.
Une société qui a peur de
sa jeunesse
Selon un sondage commandé par l’Afev et l’Observatoire de la jeunesse solidaire, 49 % des Français
ont une image négative des jeunes « au travers
de leurs comportements, de leurs actions dans la
société ». Ils ne sont que 38 % à les juger « actifs » et
capables de se prendre en main. Un peu plus rassurant pour l’entente entre générations, les sondés jugent tout de même les jeunes « créatifs et
inventifs » à 72 %.
de Philippe Watrelot
Le site du mois
AidoProfs est un site et surtout une association qui s’est donné pour mission la
défense et la promotion des secondes carrières pour les enseignants.
Parce qu’enseigner est un métier qui s’apprend et où l’on développe des compétences qu’on peut avoir envie de réinvestir ailleurs…
www.aideauxprofs.org
Le chiffre du mois
En campagne
7 %, c’est le taux d’absentéisme dans le secondaire, soit à peu près 280 000 élèves qui ont
cumulé plus de quatre demi-journées d’absence
non justifiées au cours d’un mois. Et ce chiffre est
très politique, car c’est celui qui sert aujourd’hui à
justifier les mesures annoncées par le président de
la République et le projet de loi de suppression des
allocations. Mais il est plus facile de s’appuyer sur
des chiffres que sur un débat de fond. Car la plupart des experts considèrent que cette mesure est
injuste – elle touche surtout les parents les plus
pauvres – et inefficace – elle ne garantit pas que
leurs enfants retournent en classe.
Le 5 mai 2010, Nicolas Sarkozy a prononcé un nouveau discours sur l’éducation
ou plutôt sur la violence scolaire et l’absentéisme. « Il n’y a qu’une seule politique
possible s’agissant des crimes et délits commis dans les établissements scolaires : être intraitable », a-t-il déclaré, en promettant de « rétablir l’ordre et réhabiliter l’autorité ». Une promesse qu’il a dû déjà prononcer des dizaines de fois…
Luc Ferry, ancien ministre, dans Le Parisien du 5 mai 2010 : « Quand vous allez à
un congrès de l’UMP, il suffit que l’orateur dise que l’on va remettre à l’ordre du
jour l’effort et le travail pour que toute la salle applaudisse […]. C’est une connerie ! Juste des mots qui ne veulent absolument rien dire ! »
La citation du mois
« On a beau avoir bac + 8, on ne s’improvise
pas prof de collège. »
C’est la conclusion de Jacques Fossey, chercheur
en chimie au CNRS. Il a notamment étudié la réactivité des radicaux libres et celle des cations en
phase gazeuse. Aujourd’hui à la retraite et devant
l’insistance de la direction du collège de son fils,
constatant l’absence non remplacée de la professeure de technologie attitrée, il devient professeur
remplaçant pendant deux mois.
« Un inspecteur du rectorat m’a embauché un vendredi, après un entretien d’une heure, se souvient-il. Le lundi matin, j’étais en poste. On m’a
dit : ta salle, c’est la 17, voilà les clés. » Le début
des ennuis avec des élèves qui cherchent à le tester. « J’en étais à penser que les gens n’éduquent
pas leurs enfants quand j’ai réalisé que les miens
étaient pareils, plaisante-t-il. J’ai failli écrire un
mot pour les parents dans le carnet de correspondance de mon propre fils ! » Son témoignage
recueilli d’abord par Le Parisien (20 janvier 2010)
a fait ensuite l’objet d’un reportage dans l’émission « Sept à Huit » sur TF1 en avril 2010. Il nous
permet de rappeler utilement, alors que se profile la réforme de la formation, qu’enseigner est un
métier qui s’apprend.
Repenser les rythmes scolaires
En France, les enfants de primaire travaillent théoriquement 144 jours (quatre jours pendant trente-six semaines). La moyenne européenne est, elle, de
185 jours. Le volume de travail hebdomadaire est donc l’un des plus importants d’Europe. Selon les travaux réalisés avec François Testu, il faudrait l’ajuster
selon l’âge des élèves : 21 h 30 jusqu’au CE2, 23 h 30 jusqu’en CM 2, entre 24 et
26 heures au collège, et entre 26 et 30 heures au lycée. Cela équivaudrait à baisser cette durée hebdomadaire d’environ 10 % par rapport à aujourd’hui. Mais
cela obligerait aussi à récupérer ce temps sur la durée des vacances d’été…
On touche là à un tabou. Le ministre a promis la tenue d’une conférence sur les
rythmes scolaires qui devrait se tenir au mois de juin. Saura-t-elle dépasser les
intérêts particuliers ?
L’école de Charb
Cahiers pédago… geeks ?
Il y a deux dangers dans l’usage du numérique et
des Tice. Le premier est de les diaboliser en considérant qu’il ne faut surtout pas qu’ils entrent à
l’intérieur de l’école. Le second danger, inverse,
consiste à mythifier l’outil informatique, en estimant qu’il peut bouleverser à lui tout seul les pratiques pédagogiques. Ce qui a malheureusement
été défendu et souvent illustré par les plans gouvernementaux et régionaux divers et variés. Mais
tout autant que d’outils ou de techniques, les Tice
ont besoin d’une vraie réflexion pédagogique : ça
tombe bien, voici tout un cahier pour ça…
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
1
A C T U A L I T É S É D U C AT I V E S
À
lire sur notre site
www.cahiers-pedagogiques.com
Tout a été redit,
rien ne sera fait
Un retour de Patrice Bride suite à
sa participation aux états généraux
de la sécurité à l’école. Durant ces
deux journées, le ministre a eu l’occasion d’entendre les contributions
des chercheurs les plus qualifiés en
la matière, de suivre des ateliers
regroupant des acteurs de l’école
dans toute leur diversité, de disposer de synthèses de ces débats
remarquables par leur densité et leur
qualité. Au vu des mesures qu’il a
annoncées, au mieux insipides, au
pire très contestables, on doit bien
constater qu’il ne suffit pas d’entendre pour comprendre.
www.cahiers-pedagogiques.com/
spip.php?rubrique6
Une école en sécurité ?
Le point de vue du Crap-Cahiers
pédagogiques à l’occasion de la
tenue des états généraux de la sécurité à l’école.
www.cahiers-pedagogiques.com/
spip.php?rubrique6
Les revues de presse
Chaque jour, Philippe Watrelot fait
part de sa lecture attentive et critique de la presse quotidienne sur
l’actualité éducative. Cette revue de
presse complète, introduite par une
synthèse et l’analyse des grandes
questions traitées par les journaux,
constitue un instrument indispensable pour rester informé.
www.cahiers-pedagogiques.com/
spip.php?rubrique31
La bande dessinée
à l’école
Un bon dossier de L’École des Lettres
(nº 7, 2009-2010) sur le « neuvième
art ». Christian Poslaniec et Joëlle
Thébault s’efforcent de montrer
que la BD garde une place effective
dans les programmes, même s’il faut
parfois les lire entre les lignes. En
tout cas, ils se livrent à un plaidoyer
fort convaincant pour sa participation à l’éveil littéraire et artistique
des enfants. De nombreuses pistes
de lecture sont proposées, autour
d’auteurs souvent peu connus.
On trouvera également des compléments en ligne, en particulier sur
l’adaptation des classiques ou sur la
BD dans les médias.
www.ecoledeslettres.fr
La violence,
une fatalité ?
Un numéro spécial du Nouvel
Éducateur, n ° 198, avril 2010.
Un dossier de l’Icem qui tombe en
pleine actualité pour réfléchir à des
alternatives aux mesures gouvernementales inefficaces, elles-mêmes
2
Gribouille à la Sorbonne
Patrice Bride
Deux semaines après la tenue des états généraux de la sécurité à l’école1, il y a de
quoi revenir sur cet évènement assez singulier : d’abord sur l’étrangeté de cette
manifestation médiatique aux allures de colloque pédagogique et aux conclusions
de meeting UMP ; ensuite sur les annonces, pas claires du tout, d’un nouveau
programme pour les établissements les plus en difficulté.
Le sentiment d’un grand décalage entre,
d’une part, les contenus et la qualité des interventions et des débats, tant en séance plénière que dans les ateliers, et, d’autre part, les
annonces ministérielles finales a été largement
partagé, accompagné même d’une relative
déception. Ce n’était pourtant pas le discours
du ministre qui était la surprise : nous2 avions
peut-être oublié que celui-ci est également
porte-parole du gouvernement, et c’est probablement autant à ce titre que celui de ministre de l’Éducation qu’il a repris les antiennes
présidentielles sur la suppression des allocations familiales aux parents fautifs, la mise à
l’écart des trublions, les dispositifs de sécurité
dans les enceintes des établissements. On ne
pouvait pas non plus être surpris par les propos d’Éric Debarbieux, des autres membres
de l’équipe qui ont constitué le comité scientifique de ces états généraux, animé les ateliers,
réalisé des synthèses d’une grande valeur : les
travaux de l’Observatoire international de la
violence à l’école, les livres d’Éric Debarbieux
lui-même sont largement diffusés, ont inspiré
bien des formations, même si celles-ci restent
insuffisantes en nombre.
La vaine recherche d’une cohérence ?
Ambiance donc très particulière lors de ces
états généraux : depuis les doutes initiaux sur
l’intérêt de participer, les appréhensions de
s’y compromettre dans une manœuvre sarkozyste de plus, jusqu’à la déception finale, en
étant passé par la satisfaction de participer
à des débats roboratifs, puis par la douche
froide du discours sécuritaire du ministre de
l’Intérieur venu faire un tour. Au final, reste
une énigme : pourquoi le pouvoir en place,
qui a fait des questions de sécurité un axe
majeur de sa politique de communication sur
le registre de la répression, a-t-il confié les clés
d’un tel évènement à des personnalités qu’on
situera plutôt dans le camp d’en face ? Car si
le « comité scientifique » n’avait pas de scientifique que le nom, était incontestable par la
compétence de ses membres, j’ose avancer
que la grande majorité d’entre eux accepterait l’étiquette de « militants pédagogiques »,
je suis même certain que c’est avec grand
plaisir que nous accueillerions leurs contributions dans nos colonnes, ce que nous avons
déjà fait fréquemment pour Éric Debarbieux
lui-même. Que leurs travaux soient pris en
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
compte, c’était bien le moins. Mais pourquoi
personne pour donner la réplique ? Les seuls
propos dissonants que j’ai entendus durant
ces deux journées ont été les remontées de
bile de Jean-Pierre Chevènement contre « les
pédagogistes » et la loi de 1989, les leçons de
« tenue de classe » et de « cours de politesse »
simplement navrantes de Sébastien Clerc3,
les incantations vaines au retour à « l’autorité » de SOS Éducation, à coups de pitoyables
« zéros de conduite ». Où étaient les penseurs
de la « droite sécuritaire », les théoriciens de la
dissuasion et de la répression, les chercheurs
capables de présenter des études sur l’efficacité des caméras, des portiques, des sanctions
financières ? Comment comprendre que le
ministre qui affirme qu’il faut « tendre vers la
tolérance zéro » la veille4 donne sans contrepartie une demi-heure au chercheur américain Russel J. Skiba pour démontrer point par
point l’inefficacité de ce principe, qui, appliqué aux États-Unis, n’a abouti qu’à remplir
les prisons sans diminuer la délinquance ?
Ce n’est certainement pas une question de
« brouillage des frontières idéologiques », les
oppositions sont nettes et indiscutables entre
les prises de position des mouvements pédagogiques et, par exemple, les annonces de
Nicolas Sarkozy à Bobigny le 20 avril5. C’est
peut-être une affaire de communication,
quoiqu’on peut douter que ces états généraux aient redoré le blason du ministère actuel
auprès des enseignants ou des associations, si
tel était le but. C’est sans doute aussi l’illustration, une fois de plus, qu’entre des mesures qu’on pourrait qualifier de raisonnables
comme une formation de qualité des enseignants, une réorganisation du fonctionnement
des établissements et des services favorisant le
travail en équipe, tout ce qu’on sait bien efficace et même indispensable, et ce que le pouvoir en place choisit de mettre effectivement
en œuvre, en prenant en compte d’autres
contraintes, il y a bien souvent un gouffre.
Mais Xavier Darcos ne s’est pas donné la peine
de réunir des états généraux sur les rythmes
scolaires avant d’annoncer la suppression du
samedi matin aboutissant à la généralisation
de la semaine de quatre jours… La démarche
choisie par Luc Chatel rend particulièrement
visible ce grand écart, et c’est peut-être bien le
point positif à retenir de ces deux jours : l’en-
A C T U A L I T É S É D U C AT I V E S
semble des responsables du ministère, des
acteurs concernés par ces questions de prévention de la violence à l’école ont pu ainsi travailler sur des perspectives qui tournent le dos
aux choix politiques du gouvernement.
Comment se décide une réforme ?
Autre surprise parmi les annonces du ministre, la cinquième orientation annonçant la
création de nouveaux programmes « que nous
pourrions baptiser Clair »6. On pourrait débattre longuement, mais de façon un peu vaine
vu le peu que l’on en sait pour l’instant, des
« trois innovations majeures » de ce nouveau programme : qu’une meilleure stabilité des équipes, dont la nécessité fait l’unanimité, passe
par le choix des enseignants par les chefs
d’établissement est très discutable ; que le
projet pédagogique soit restreint à la seule
validation du socle commun, et donc si l’on
comprend bien sans tenir compte des programmes ordinaires, laisse fortement prise à
la crainte souvent dénoncée d’un pauvre socle
pour les écoles de pauvres, les autres ayant
droit à toute la richesse des programmes ; la
nouvelle fonction de « préfet des études », si
elle émiette encore plus les responsabilités
pédagogiques et éducatives, n’aura pas de
désuète que le nom ; l’intitulé même du programme, excluant les écoles primaires, est parfaitement incohérent avec la logique de réseau
affirmée depuis de nombreuses années dans
l’éducation prioritaire, et bien sûr avec celle
du socle commun sur l’ensemble de la scolarité obligatoire.
Mais c’est surtout la méthode qui interroge.
D’abord, à quoi bon réunir des états généraux
pour sortir de son chapeau de telles mesures
APP EL À C O N T R IB UT ION S…
n’ayant absolument pas fait l’objet de discussions en plénière ou dans les ateliers ? Ensuite,
le ministre a déploré l’enchevêtrement et le
manque d’évaluation des dispositifs d’aide et
de soutien aux établissements en difficulté,
en laissant d’ailleurs entendre que difficultés scolaires et exposition à la violence vont
nécessairement de pair ; mais c’est alors que
l’évaluation des réseaux « Ambition réussite »
est encore en cours qu’il annonce déjà un nouveau dispositif, sans savoir ce qu’il va remplacer, en quoi il va tenir compte des résultats
de l’évaluation. Enfin, comment envisager
sérieusement des expérimentations « dès la
rentrée 2010 dans une centaine d’établissements »
dans une annonce faite le 8 avril, même pas
mentionnées, et pour cause, dans la circulaire
de rentrée signée le 16 mars ? Peut-être faudrait-il des « états généraux de l’innovation
pédagogique » pour expliquer au ministre que
le bal des éducateurs ne se mène pas en claquant des doigts.
Patrice Bride
1 Ce texte, comme celui de Françoise Lorcerie, page 4, a été
rédigé le 22 avril 2010.
2 Je me permets d’amalgamer dans ce « nous » les partenaires réguliers ou occasionnels du Crap dans nos interventions publiques, avec lesquels j’ai eu l’occasion d’échanger
lors de ces états généraux.
3 Voir Bruno Robbes, «Sauvons notre école… des professeurs « teneurs de classes », Cahiers pédagogiques n° 472 et
sur notre site.
4 Interview parue dans Le Parisien le 6 avril 2010.
5 Le communiqué est disponible sur le site de l’Élysée.
6 Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la
réussite.
APPEL À CO NTRIBUTIO NS…
Aider et accompagner les élèves,
dans et hors l’école
Un dossier de la collection des hors-séries
numériques
De nombreux dispositifs sont mis en place depuis
quelques années pour accompagner l’élève : dès
la maternelle, « aide personnalisée » en primaire,
« éducatif » au collège, « accompagnement personnalisé » dans la nouvelle réforme du lycée, et même
au supérieur. Il s’agit d’individualiser l’enseignement, mais avec le risque de reporter les modalités
de l’aide sur des contextes extérieurs à la classe et
au groupe ; l’objectif est de contribuer à l’appropriation de compétences, mais l’enseignement dans les
classes reste pour l’essentiel fondé sur la sélection
sur les savoirs. On peut refuser ces dualités ou travailler avec elles.
– Comment mettez-vous en œuvre un accompagnement des élèves ? À l’échelle de la classe, dans des
dispositifs spécifiques, dans le cadre d’un projet collectif global ?
– Quelles représentations de l’apprentissage motivent ces mises en œuvre ? Comment ça se passe
concrètement ?
Nous recherchons donc des témoignages sur la
façon dont vous organisez l’aide, en fonction de
votre contexte, avec une double perspective : donner
des idées, proposer des outils, mais aussi susciter la
réflexion sur l’intérêt et les limites des dispositifs.
Nous lançons la préparation de cette publication
en même temps que celle de notre colloque sur
le même thème, qui se déroulera à Paris les 25 et
26 octobre prochain, à la mairie du 20e.
N’hésitez pas à prendre contact et à proposer votre
regard, votre expérience.
Contact : Sylvie Grau,
[email protected]
R
encontres
2010
du Crap-Cahiers
pédagogiques
Apprendre,
enseigner :
entre libertés
et contraintes,
quelle marge
de manœuvre ?
Une semaine d’échanges
pour tous les acteurs
de l’école, du mardi 17
au lundi 23 aout 2010
dans la Dombes (région
lyonnaise).
Les Rencontres du Crap, ce n’est pas
vraiment un stage. D’abord parce que
c’est l’activité d’un mouvement, organisée par des bénévoles ; ensuite parce
que si les différents temps sont préparés et animés par des membres du
Crap, l’esprit des Rencontres repose sur
l’idée que ce sont avant tout les échanges entre des participants d’horizons
divers dans le monde éducatif qui font
avancer. Elles sont donc ouvertes à tous,
débutants dans le métier ou plus expérimentés, enseignants de la maternelle
à l’université, CPE, chefs d’établissement, formateurs, éducateurs, etc.
Les Rencontres s’articulent
autour d’ateliers :
des ateliers « thèmes » :
pour travailler collectivement
une question pédagogique,
par exemple cette année la place
de la parole des élèves, le travail
par compétences, la créativité,
l’autorité et les sanctions,
les façons d’apprendre.
des ateliers « activités » :
de l’improvisation théâtrale à des
« randonnées philo » en passant
par la découverte du patrimoine
naturel et historique de la région.
Mais cette semaine est aussi un
moment de vie partagée :
échanges informels, discussions
à table ou dans les couloirs,
soirées, autant d’occasions de
confronter pratiques et idées
autour de valeurs communes, en
toute convivialité.
Renseignements
et inscription : crap@
cahiers-pedagogiques.com
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
3
A C T U A L I T É S É D U C AT I V E S
violentes, et pour témoigner de ce
qui ne saurait être une fatalité. Il
regroupe des éléments d’analyse, des
récits et des projets d’établissements
avec entre autres des contributions
d’Éric Debarbieux, Claude Lelièvre,
Laurent Ott et Sylvain Connac.
www.icem-pedagogie-freinet.org
Contenus et
programmes scolaires :
comment lire les
réformes curriculaires ?
La loi de 2006 sur le socle commun
de connaissances et de compétences
a marqué le passage d’une logique
d’adaptation des programmes scolaires à celle d’une réforme plus générale qui touche à la fois les contenus
d’enseignement, les objectifs de la
scolarité obligatoire et les modalités
d’évaluation. Le dossier d’actualité
de la VST n° 53, Contenus et programmes scolaires : comment lire les
réformes curriculaires ? s’attache à
présenter la notion de curriculum,
souvent utilisée au niveau international pour analyser et qualifier ce
type de changements.
Veille scientifique et technologique, INRP. www.inrp.fr/vst
Soigner ceux
que le monde oublie
Médecins du Monde édite un outil
pédagogique pour les classes de
CM1 et CM2 sous la forme d’un DVD
et CD-ROM pour faire travailler les
élèves sur des notions essentielles
telles que la solidarité, les droits
fondamentaux, le droit à la santé.
Il s’agit de comprendre l’action de
Médecins du Monde, d’écouter des
témoignages de personnes travaillant
dans l’humanitaire, d’être sensibilisé
aux conditions de vie dans différents
pays et de réfléchir aux actions que
chacun peut mener à son échelle.
Des activités prêtes à l’emploi sont
mises à la disposition des enseignants et permettent d’organiser des
débats participatifs dans les classes.
www.medecinsdumonde.org
L’école pirate, un an
dans un lycée autogéré
Un documentaire sonore d’Arte
Radio. Septembre 2008, Limerlé,
petit village des Ardennes. Le premier lycée expérimental en Belgique
Des annonces qui méritent d’être
mises en œuvre
Françoise Lorcerie
Françoise Lorcerie, membre du comité de rédaction des Cahiers pédagogiques,
et invitée à participer au comité scientifique de ces états généraux, nous propose
également sa réaction.
Je me retrouve dans les propos de Patrice. C’est
bien comme cela que se sont déroulés ces deux
jours, où un parterre de cadres de différents
ministères, certains en uniforme, a applaudi
des chercheurs québécois et américains expliquant que la « tolérance zéro » produit des
effets contraires à ceux qu’on annonce vouloir, ou encore que la stabilité des équipes et la
qualité de la pédagogie sont la clé de relations
scolaires harmonieuses, ou qu’une formation
approfondie des professionnels est indispensable. Alors que le discours du gouvernement
va dans l’autre sens, alors qu’on supprime la
formation initiale des professeurs, alors que
les fonctionnements du système excluent des
équipes stables dans l’éducation prioritaire…
Pour ma part, j’avais accepté de faire partie du
conseil scientifique de ces états généraux, par
confiance à l’égard d’Éric Debarbieux, qui
me le proposait tout en sachant que je ne suis
nullement spécialiste de la violence à l’école
(comme la quasi-totalité des chercheurs français, je ne place pas la violence parmi mes
objets prioritaires), mais il avait envie que la
possible dimension ethnoraciale de la violence
scolaire soit représentée dans cette instance.
De mon côté, j’avais la même idée. Et je me
préparais à un happening qui se terminerait
par un discours du ministre où l’on reviendrait à la plate réalité. C’est bien ce qu’on a
eu, mais avec un vrai bon moment dédié au
débat à partir de connaissances vérifiées. Le
dossier spécial de Diversité, les fiches scientifiques mises à disposition étaient de qualité et
peuvent être acquis par chacun aujourd’hui.
Sur le moment, le contentement d’ensemble
était palpable. Ce n’est pas si fréquent.
Quant au discours du ministre et au retour
obligé à la case départ, mises à part quelques annonces ponctuelles, j’avoue que je
Colloque du Crap-Cahiers pédagogiques
suis intriguée par son codicille, le programme
Clair. Il ne traite pas de violence, il traite
d’une réinterprétation de la politique d’éducation prioritaire dans les cent collèges « les
plus difficiles ». Dans ces établissements, on
mettrait en place une gestion des ressources
humaines permettant autant que faire se peut
la constitution d’équipes stables. On sait bien
que les chefs d’établissement ne peuvent pas
faire la pluie et le beau temps à cet égard. Ils
ne peuvent constituer des équipes qu’avec des
candidats. S’il n’y en a pas ou pas assez, la possibilité est vaine. On l’a bien vu dans certains
RAR pour l’affectation des professeurs référents. Mais si cela se fait, alors est réalisée une
des conditions les mieux connues (grâce à Pisa
notamment) pour être un facteur d’efficacité
dans les apprentissages des élèves. Si en plus,
les équipes constituées ont une certaine autonomie pour concevoir et mener les parcours
d’apprentissage, dans un cadre existant, mais
souple, alors est réalisée une autre des conditions les mieux connues pour être un facteur
d’efficacité des apprentissages. Ce serait le cas
si ces équipes étaient mises à même de sortir du carcan des « programmes » et pouvaient
décliner le « socle » – qui ne me parait pas être
un pauvre socle. Si enfin un rôle est institué
pour favoriser la coordination pédagogique et
éducative à chaque niveau, alors les essais de
coordination qui ont lieu déjà dans beaucoup
d’établissements difficiles se concrétiseront
plus facilement. Bref ces annonces, j’aimerais
qu’elles se réalisent. Il se disait au cabinet qu’il
y avait eu des négociations en ce sens avec les
partenaires sociaux. Plaise au ciel !
Françoise Lorcerie
CNRS-Iremam, (Aix-en-Provence)
25 et 26 octobre 2010, Paris (mairie du 20e arrondissement)
Aider et accompagner les élèves dans et hors l’école
Comment aider à apprendre, et apprendre à se passer d’aide ? Comment aider utilement à l’extérieur de la classe voire de
l’école, sans renoncer à le faire dans les cours ordinaires ? Qu’est-ce qu’un accompagnement utile, efficace, aux différents
niveaux de la scolarité ?
Conférence, tables rondes et ateliers, avec la participation, entre autres, de Jean-Paul Delahaye, Éric de Saint-Denis, André Ouzoulias,
Jean-Michel Zakhartchouk, Mina Puustinen, Agnès Paon, Anne-Charlotte Keller, Antoine Evennou, Christophe Paris. Françoise Clerc. En
partenariat avec Éducation & Devenir et la mairie du 20e arrondissement de Paris.
4
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
A C T U A L I T É S É D U C AT I V E S
Pratiques de classe et autorité
Dominique Gelin
La sixième conférence de consensus organisée par l’IUFM de Créteil a voulu faire
le point sur ce que les chercheurs peuvent dire sur cette question, avec le souci
d’être utile aux enseignants en montrant la complexité des pratiques et des enjeux,
la vanité des solutions simples1.
Les formateurs intervenant auprès des enseignants du second degré, en formation initiale
et continue, avaient été fortement interpelés
en ce début d’année scolaire 2009 par la mise
en place par le rectorat de Créteil de formations
à la tenue de classe à l’intention des enseignants
nouveaux titulaires, d’où le thème retenu pour
cette conférence de consensus 20102.
Certes, les situations d’urgence rencontrées
par ces enseignants, notamment les débutants, confrontés aux discours de la société
civile et des médias sur l’école et sur les insuffisances de la formation dispensée jusque-là
peuvent les pousser à solliciter des réponses
immédiates. Dans ce premier temps de l’urgence, elles peuvent les conduire à être plus
réceptifs à l’image d’une conception du
métier dans laquelle l’autorité serait conquise
indépendamment de la relation pédagogique
et des conditions de transmission des savoirs.
Cependant, installer son autorité dans la
durée suppose du professeur la capacité de
s’interroger sur les présupposés et l’implication qui la fondent.
C’est pourquoi l’IUFM de l’académie de
Créteil a engagé depuis de nombreuses
années une réflexion sur ces questions de
gestion de classe, de gestion des conflits, de
prévention des phénomènes de violence qui
sont inscrites dans les plans de formation initiale et continue. Si les formateurs et les responsables de la formation ont très vite perçu
la nécessité de ne pas laisser les enseignants
sans réponses face aux difficultés rencontrées
dans les classes et les établissements, ils ont
simultanément choisi d’adapter ces réponses
à la complexité des situations en mobilisant –
pour les articuler – des cadres de référence et
des dispositifs diversifiés : entrées sociologique, philosophique psychanalytique, didactique et pédagogique ; conférences, formations
plus impliquantes, jeux de rôle, analyse de
pratiques, etc.
Que répondre à la demande de « recettes » ?
En tant qu’institut de formation il nous a
semblé primordial de rappeler à tous les formateurs – qu’ils interviennent auprès des
enseignants du premier ou du second degré
– la nécessité de fonder théoriquement les
réponses données en formation, tout en affirmant parallèlement que la demande de « recettes » pour tenir la classe est légitime et qu’il est
essentiel d’apporter des réponses aux formés,
même si ces réponses sont provisoires et mises
à l’épreuve de la réalité des diverses situations
d’enseignement. C’est pourquoi nous avons
fait le choix d’aborder la question des pratiques de classe et de l’autorité dans le cadre
d’une conférence de consensus.
C’est dans cet esprit que les conférenciers ont
été sollicités (Jacques Pain, Jean Houssaye,
Erick Prairat, Christine Passerieux,
Dominique Ottavi) et le jury constitué
(Bernard Rey, des formateurs intervenant
dans le premier et le second degré, un inspecteur général, un chef d’établissement, une
CPE, les responsables de la formation et de
la formation de formateurs de l’IUFM). Il
ne s’agira pas ici de rendre compte de chaque
conférence ou d’en faire une analyse exhaustive3, mais plutôt d’extraire quelques lignes
de force et quelques questionnements de cette
journée.
Un métier sous tension
Tous les conférenciers ont, chacun avec
une entrée différente, interrogé la notion de
l’autorité et la façon dont elle est posée et
vécue actuellement à l’école, notamment en
collège.
Leurs analyses, en appui sur leurs propres
recherches ou celles de leurs collègues sociologues de l’éducation (Anne Barrère, François
Dubet, Marie Duru-Bellat) ont toutes mis la
situation présente – ressentie comme particulièrement complexe, notamment par les
enseignants débutants – en perspective avec
l’évolution du système éducatif, l’arrivée
de nouveaux publics dans le second degré,
et paradoxalement la perte de crédit et de
confiance de l’institution scolaire comme instrument de promotion.
Elles mettent en lumière les tensions très fortes qui traversent l’école et auxquelles sont
confrontés les enseignants : le manque d’évidence pour de nombreux élèves des raisons
d’apprendre (« Le lieu école n’est plus un lieu
émancipateur », « Le savoir ne fait plus autorité »), le ressenti par les enseignants d’une
certaine impuissance éducative, vécue comme
une violence qui leur est faite, la tentation,
relayée par la société civile, de rabattre les
questions d’autorité sur des questions de violence et de chercher des solutions extérieures
à la classe et déconnectées de la conduite des
apprentissages.
ouvre ses portes. « Pédagogie
nomade » compte sur l’autogestion
et l’autonomie pour redonner l’envie
d’apprendre. Fabienne Laumonier et
Christophe Rault ont suivi cette première année, les cours, les assemblées générales, au plus près des
enseignants comme des ados. Éveil
d’une utopie.
84 minutes d’écoute sur
www.arteradio.com
Le site.tv a fait
peau neuve
Le site de vidéos pédagogiques
à la demande, développé par
France Télévisions et le Scérén/
CNDP, est un outil de travail pour
préparer un cours, rechercher
des ressources documentaires ou
apprendre à décrypter l’image. Il
dispose d’une vidéothèque de plus
de 2 700 séquences à télécharger,
classées par discipline, par niveau et
par point-clé du programme scolaire
pour l’école, le collège et le lycée.
La présentation du site et son ergonomie ont été revues et désormais
le site.tv propose aux professeurs
des écoles, d’histoire-géographie et
de SVT de s’abonner directement de
manière à disposer d’une vidéothèque adaptée à chacun.
www.lesite.tv
Journées du e-learning
à Lyon
La 5e édition des Journées du
e-learning, organisée par les universités lyonnaises, a cette année pour
thème : « Au-delà des plateformes :
la e-pedagogie ». Ce colloque
propose une réflexion sur le contexte dans lequel s’inscrivent ces plateformes. Une plateforme implique
à la fois l’usage d’outils et de matériaux pédagogiques, mais est également le mode de mise en œuvre
de l’élément premier du e-learning
réussi : la pédagogie.
Les 24 et 25 juin à l’université
Lumière Lyon 2.
www.lyon-elearning.com
À contrevoie. Philippe
Meirieu pédagogue
Un film de Thierry Kübler, Doriane
Films, 82 min.
Philippe Meirieu, cible privilégiée des
antipédagogues, se retrouve ici mis
en scène dans un théâtre. Le film en
dresse un portrait fait d’entretiens
en profondeur, rythmés par l’avancée
d’un train électrique et par la lecture
d’une lettre à une maitresse d’école…
En militant engagé pour la réforme
de système scolaire, Philippe Meirieu
pose les enjeux fondamentaux de
l’éducation. Ce que l’on apprend
aujourd’hui dessine la société de
demain ; la manière dont on apprend
modèle les futurs citoyens.
On peut commander le DVD sur le
site de Doriane Films.
www.dorianefilms.com
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
5
A C T U A L I T É S É D U C AT I V E S
Stage national
techniques
Freinet-pédagogie
institutionnelle
L’intitulé « Mise en place de techniques et d’institutions au service
des apprentissages et de la vie en
commun » donne la tonalité de ce
stage qui s’adresse au public large
des enseignants et des éducateurs. Il
s’agit donc d’apprendre à mettre en
place une technique Freinet (ou une
technique de production coopérative) et une institution, qui pourront
être le point de départ de la transformation de sa classe ou de son
groupe. Ce stage se veut aussi un
lieu de paroles et d’échanges sur les
expériences et pratiques de chacun.
Du 9 au 15 juillet, à Grans-enProvence (Bouches-du-Rhône).
http://pig.asso.free.fr/Stages.dir/
InfoTFPI.htm
La bande dessinée :
un art sans mémoire ?
Un colloque pour répondre à la
question suivante : quelles valeurs et
quelles formes acquiert pour la bande
dessinée l’inscription dans un passé ?
L’objectif est de s’intéresser aux
initiatives visant à faire de la bande
dessinée le témoin privilégié d’une
histoire de l’art et de l’évolution de
nos sociétés, mais également aux
efforts de professionnels de la chaine
du livre pour administrer des collections ou faire valoir un « fonds ».
Colloque international organisé par
le Labsic (université Paris 13) et
Médiadix (université Paris OuestNanterre-La Défense) le jeudi 10 juin
2010. Pôle des métiers du livre de
Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).
http://mediadix.u-paris10.fr
La formation initiale
des enseignants en
Europe : convergences,
divergences, évolutions
Colloque de l’Iréa (Institut de
recherches, d’études et d’animation
du Sgen-Cfdt).
Les systèmes éducatifs des pays de
l’Union européenne présentent des
organisations, des finalités et des
objectifs encore très différents ; les
statuts des enseignants y sont très
divers ; plusieurs modèles de formation initiale des enseignants peuvent
être identifiés. En mettant en perspective systèmes scolaires et modèles de formation des maitres, on se
demandera si les choix nationaux
mettent en adéquation ces deux
axes ou s’ils répondent à d’autres
références, plutôt fruits d’histoires
locales, de traditions intellectuelles
ou autres. Les tendances et transformations qui se jouent actuellement
ont-elles pour effet de rapprocher
les pays européens ?
Le 16 juin à Paris.
http://irea-sgen-cfdt.fr
6
Des réponses en permanente élaboration
Les éléments de réponses que donnent les
conférenciers se situent toujours du côté de
la réflexion, de l’élaboration et de la construction collective, soit au niveau du groupe, de
la classe ou de l’établissement. Ils sont pour
certains, comme Eirick Prairat ou Dominique
Ottavi, plus philosophiques, pour d’autres
plus pédagogiques ou/et didactiques.
Ils impliquent tous un important travail de
déconstruction des évidences et de construction permanente de la part des enseignants :
mise en place de règles pour vivre et apprendre ensemble au sein de la classe et au sein de
l’établissement, en appui sur la pédagogie institutionnelle pour Jacques Pain ; efforts pour
accueillir et mettre en œuvre au sein de l’école
les valeurs démocratiques, tout en continuant
à garantir la place de chacun et la place du
savoir pour Eirick Prairat, qui insiste sur les
inévitables tensions que cela entraine dans la
conduite de la classe.
Tous les conférenciers présents ce jour-là
mettent en évidence ces tensions extrêmes :
urgence des besoins et des demandes des élèves (« Le sacre du présent »), temps nécessaire
à la mise en place des apprentissages avec les
élèves ; urgence de la gestion de la classe pour
les enseignants, nécessité d’une certaine lenteur en pédagogie qui requiert une analyse
préalable des situations ; tentation de recourir à des méthodes expéditives ou simplifiées, tant sur le plan de la discipline que de
l’enseignement.
Ils tombent tous d’accord sur la nécessité,
en ces temps complexes, d’un attachement
visible à quelques grands principes moraux
et intellectuels et à une organisation collective du travail dans les établissements, sans
laquelle les efforts isolés de certains pédagogues sont voués à l’échec. On sait que les
conditions actuelles d’affectation des jeunes
enseignants dans le second degré rendent ce
travail collectif très fragile : première affectation éloignée de l’académie d’origine dans
des académies et des établissements déficitaires – délaissés par les titulaires plus aguerris,
mais las –, faible nombre de postes définitifs
en banlieue dans certaines disciplines, mobilité extrême et forcée des jeunes titulaires.
Inquiétude sur la formation des enseignants
À de nombreuses reprises, au cours de cette
journée, est apparu en filigrane le projet de
réforme de la formation des maitres qui, en
prenant effet à la rentrée prochaine, va renforcer les difficultés d’exercice de ces jeunes
enseignants : stagiaires à temps plein, sans
formation réelle en alternance, néotitulaires
sur des postes de plus en plus précaires. Les
établissements, qui devront aider ces jeunes
enseignants à résoudre en priorité des difficultés de gestion de classe, risquent d’être
confrontés à des situations d’urgence qui ne
permettront pas l’apprentissage du métier de
pédagogue. Les risques de découragement et
de recours à des méthodes expéditives seront
beaucoup plus grands, ainsi que les malentendus entre élèves, familles et enseignants.
On peut seulement espérer que la mise en place
de masters qui incluent la dimension d’apprentissage réflexif du métier permette aux
promotions suivantes d’étudiants d’envisager
ce métier comme il mérite de l’être. Les pistes réflexives, impliquant une culture philosophique et pédagogique, commune aux futurs
éducateurs, ouvertes par les conférenciers,
auraient alors toute leur place et représenteraient un grand progrès pour la formation des
enseignants du second degré, jusqu’ici centrée sur les savoirs disciplinaires.
Malheureusement, cette mise en place tarde
pour les masters second degré, elle sera au
mieux très diversifiée, selon les disciplines et
les universités. Et pourtant le temps presse !
Dominique Gelin
Directrice adjointe de l’IUFM de l’université
Paris-Est Créteil
1 Cette contribution reflète le point de vue de l’auteure, en
s’efforçant de ne pas mordre sur les prérogatives du jury
de la conférence de consensus, présidé par Bernard Rey,
chargé de la rédaction d’un texte de synthèse.
2 Ces conférences de consensus, inspirées du modèle
médical, réunissent plusieurs conférenciers sur un même
thème. Un « jury » constitué de formateurs et d’experts
est chargé au cours de cette journée, qui se déroule devant
un public de formateurs et de professeurs stagiaires, de
soulever des questions spécifiques de la formation et de
rédiger par la suite un texte de synthèse qui fera l’objet
d’une publication.
3 On se reportera à la synthèse qui fera l’objet d’une
publication dans un numéro de la collection « Professeur
Aujourd’hui », Scérén, et qui sera ensuite en ligne sur le site
formation de formateurs de l’IUFM de Créteil.
On ne peut que recommander les compte-rendus complets des conférences précédentes,
avec des vidéos des interventions, disponibles sur le site de l’IUFM de Créteil.
2009 - La mixité à l’école : filles et garçons
2008 - Scolariser les élèves en situation de handicap
2007 - Enseigner dans les écoles de la périphérie
2006 - L’analyse des pratiques dans la formation des enseignants
2005 - La motivation des élèves
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
A C T U A L I T É S É D U C AT I V E S
La constante toujours macabre
Xavier Dejemeppe
André Antibi poursuit ses efforts pour dénoncer les injustices persistantes des
évaluations scolaires qui restent avant tout sélectives. Le correspondant du CRAPCahiers pédagogiques en Belgique nous propose un écho de son intervention lors
d’un colloque sur la réussite scolaire à Bruxelles.
Le 21 janvier 2010, nous avons eu le plaisir
d’entendre André Antibi, professeur à l’université Paul Sabatier de Toulouse et auteur du
livre La constante macabre (éd. Math’aurore,
2003). Il intervenait, avec d’autres invités, à
l’occasion d’une formation programmée dans
le cadre du centenaire du Centre d’enseignement Notre-Dame des Champs et organisée
en partenariat avec l’Institut de coaching scolaire de Bruxelles.
Lors de sa conférence suivie par une centaine d’enseignants, ce docteur en mathématiques et en sciences de l’éducation a d’abord
démonté les mécanismes de ce qu’il appelle
la « constante macabre » : sous la pression de
la société, des parents, dans l’idée souvent
de rester crédibles, les professeurs se sentent
plus ou moins consciemment obligés de mettre une proportion constante de mauvaises
notes indépendamment de la réussite effective des élèves. Ce qui fait qu’on retrouve dans
toutes les classes, bon an mal an, un tiers de
« bons » élèves, un tiers de « moyens » et un
dernier tiers de « mauvais ». Pendant plus de
vingt ans, André Antibi lui-même était persuadé d’avoir donné un bon sujet d’examen lorsque la moyenne de sa classe tournait
APP EL À C O N T RIB UT ION S…
autour de 10/20, c’est-à-dire avec une moitié
d’élèves en échec. Nous sommes encore trop
souvent, a martelé l’orateur, dans une logique
de classement et de sélection, alors que notre
rôle d’enseignants est de former. Tout élève
qui a compris, étudié et intégré un cours doit
normalement réussir les tests et les examens.
Or les professeurs – par tradition, fidélité à
la courbe de Gauss, préjugés, etc. – perpétuent ce dysfonctionnement qui pourrit le
système éducatif. La plupart des enseignants
reconnaissent d’ailleurs le phénomène et veulent que ça change. Mais cela ne sera possible qu’avec l’aide des parents et des élèves qui
doivent accepter qu’une évaluation crédible
ne génère pas ce tiers d’échecs artificiels.
C’est pourquoi André Antibi a fait de cette
lutte contre cette constante macabre un combat permanent et un engagement militant1.
Comment en sortir ?
Ne pas piéger les élèves, accepter la transparence et instaurer un climat de confiance, tels
sont les grands principes du système évaluation par contrat de confiance (EPCC) proposé
par le conférencier. Cette procédure, qui ne
prétend pas être révolutionnaire, consiste à
APPEL À CO NTRIBUTIO NS…
« Cyber dépendances
et Adolescence »
Conférence organisée par l’École des
Parents et des Éducateurs dans le
cadre du séminaire « Les dépendances à l’adolescence ».
C’est au travers des difficultés
rencontrées par l’apprentissage de
l’autonomie et la construction d’une
identité propre que l’adolescent
s’expose parfois à des conduites de
dépendance, en raison d’un sentiment de sécurité interne qui lui
fait défaut. Il s’agit d’aider à mieux
appréhender, au-delà de l’expression
classique d’une crise adolescente, les
symptômes d’une problématique de
dépendance et sa prise en charge.
La conférence sera présentée par
Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, directeur de recherches à
l’université Paris Ouest Nanterre.
Le 17 juin 2010 à Paris. www.
reso77.asso.fr/spip.php?article382
Habiter : l’ancrage
territorial comme
support pour
l’éducation
à l’environnement
L’idée de ce colloque organisé par
l’Ifrée (Institut de formation et de
recherche en éducation à l’environnement) vient du constat généralement partagé que l’information ne
mène pas forcément à l’action.
L’engagement dans l’action fait appel
à l’affectif, au sentiment d’affiliation à un groupe, d’appartenance
à un territoire, au fait d’avoir tissé
des liens avec un lieu, en somme,
d’« habiter ». Bien que la notion d’ha-
A PPEL À CON TR I BU TI O N
Faire du français, sans exclure
Ce dossier aimerait interroger la dimension démocratique de l’enseignement du français, dans et hors le cours de français. Comment faisonsnous pour que chaque élève, même parmi les moins à l’aise avec la langue,
prenne la parole, à l’oral ou à l’écrit, dans une classe et un établissement ?
Pour que chacun, même parmi les plus éloignés de la culture scolaire, s’approprie la langue et la littérature pour apprendre, acquérir un pouvoir sur
le monde, envisager un avenir, élargir son horizon et rencontrer l’autre ?
Dans le cours de français…
- Sur quelles idées fortes (concepts, convictions) propres à votre discipline
vous appuyez-vous pour exercer votre liberté pédagogique et transmettre l’essentiel aux élèves d’aujourd’hui ?
- Quels moyens utilisez-vous pour mobiliser le maximum d’élèves dans les
apprentissages ? Quelles questions vives ? Quels usages des Tice ? Quelles
pratiques de lecture ? D’écriture ?
- Comment favoriser l’entrée dans la culture scolaire écrite ? Quelles pratiques de l’oral ? Quelle place pour l’apprentissage de la langue ?
- Quels sont, de votre point de vue, les facteurs d’exclusion dans le cours de
français ? Comment y remédier ?
- En quoi le travail par compétences, les pratiques d’évaluation, les dispositifs de différenciation peuvent-ils permettre à chacun d’apprendre à sa
manière ?
- Comment faciliter l’entrée dans les œuvres littéraires et la culture pour
tous ?
et ailleurs
- Comment travaillez-vous sur la langue dans les autres disciplines ? Dans
d’autres dispositifs comme l’accompagnement, les projets interdisciplinaires ? Le socle commun permet-il de modifier les pratiques ?
- Comment, dans le premier degré, faire lire et écrire dans toutes les
disciplines ?
- Comment les parents, les élèves, les professeurs principaux perçoiventils l’enseignement du français ?
- Comment faire pour que la maitrise de la langue soit explicitement liée
à l’apprentissage de la démocratie à l’école ?
Si vos préoccupations et pratiques d’enseignement rejoignent l’une de ces
questions, n’hésitez pas à prendre contact avec nous pour discuter d’une
éventuelle contribution.
Agnès Berthe, [email protected]
Nathalie Bineau, [email protected]
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
7
A C T U A L I T É S É D U C AT I V E S
biter suscite un vif intérêt dans des
disciplines scolaires et universitaires
comme la géographie ou la philosophie, ce colloque mettra l’accent
sur l’ensemble des pratiques éducatives qui cherchent à faire prendre
conscience, à utiliser et à développer
le lien avec l’environnement, qu’il
soit proche ou plus lointain.
Les 24 et 25 juin 2010
à l’université de La Rochelle,
organisé en partenariat avec l’IUFM
de Poitou-Charentes.
http://ifree.asso.fr/
Une société fâchée
avec sa jeunesse ?
Pour la deuxième année consécutive,
l’observatoire de la jeunesse solidaire créé par l’Afev a interrogé les
Français sur la place des jeunes dans
notre société.
Ce sondage fait ressortir un regard
très ambivalent : des sondés qui
disent apprécier à 83 % la relation
avec les jeunes, mais les jugent aussi
« pas lucides » et pas « réalistes »
(près de six Français sur dix). Une
défiance, une personne sur deux
déclarant avoir un regard négatif sur
la jeunesse, qui surprend à l’heure
où les jeunes sont les premières
victimes de la crise, notamment
dans l’accès à l’emploi. Dans le
même temps, les Français plébiscitent aux trois-quarts la distribution
d’aides directes aux jeunes quand ils
deviennent majeurs, alors que notre
système actuel fait la part belle aux
familles.
Résultats complets et analyses à
télécharger sur le site de l’Afev.
www.afev.fr
donner aux élèves une semaine à l’avance une
liste de questions parmi lesquelles l’enseignant puisera celles de l’examen. Avec l’aide
du professeur, les élèves répondent à ces questions et peuvent demander toutes les explications qu’ils veulent. Les 4/5e de l’examen
porteront alors sur une douzaine de questions
que les élèves auront déjà corrigées en classe.
Les élèves savent d’emblée que s’ils travaillent
ces sujets, ils réussiront. L’avantage de ce système est de limiter l’échec injuste, celui qui
engendre précisément une perte de confiance
en soi. Les élèves, remis en confiance, travaillent beaucoup plus. Les premières expérimentations françaises font apparaitre très
clairement les points suivants : la constante
macabre est supprimée, les échecs artificiels
disparaissent, les élèves font leur révision, ils
reprennent confiance en eux, les moyennes de
classe augmentent de deux à trois points et les
élèves qui n’obtiennent toujours pas de bons
résultats sont mis devant leur propre responsabilité (manque de travail, poids des lacunes
antérieures, etc.).
De nombreuses questions dans le débat
Beaucoup d’interrogations ont porté sur la
compatibilité du système EPCC avec une
approche par compétences inscrite dans les
programmes officiels belges. Si on voit bien
l’intérêt de l’EPCC pour des sujets délimités (exercices sur un chapitre, orthographe,
vocabulaire, etc.), cela devient plus délicat
pour des questions sur des compétences qui
demandent une mobilisation des savoirs pour
faire face à des situations plus ou moins iné-
Qualité, équité
et diversité dans
A P PE L À C ON T RIB UTIO NS…
l’éducation préscolaire
La question de l’éducation des très
jeunes enfants a gagné en importance et en visibilité un peu partout
dans le monde. Ce dossier s’intéresse au travail mené par certains
courants de recherche autour des
notions et valeurs de qualité, d’équité et de diversité dans le préscolaire.
À travers ce prisme, les auteurs issus
des cinq continents interrogent
le sens accordé à l’éducation des
jeunes enfants dans divers pays. Ils
s’efforcent de répondre à la question
de la qualité de vie quotidienne des
jeunes enfants dans les structures
éducatives, à celles des pratiques
pédagogiques, des dispositifs, des
collaborations, des partenariats
nécessaires pour l’assurer, à celle des
réponses apportées aux nouveaux
besoins des familles et des sociétés.
Revue internationale d’éducation
de Sèvres n° 53, mai 2010. Numéro
coordonné par Sylvie Rayna, INRP,
université Paris 13
www.ciep.fr/ries/ries53.php
8
dites, avec manipulation de documents par
exemple. Une autre question intéressante
concernait la progression des apprentissages
et la façon dont le système en tient compte.
André Antibi a consacré du temps à chacun et
répondu avec un enthousiasme communicatif à toutes les questions. On retiendra que ce
qu’il préconise a l’avantage de braquer le projecteur sur les élèves, de les faire travailler, de
leur donner des méthodes de travail en classe
et de leur redonner confiance en eux, ce qui
est un élément moteur pour grandir. Quant
aux enseignants, ils retiendront peut-être que
si la réussite dépend de nombreux paramètres
il en existe certains qui dépendent d’eux, de
ce qu’ils mettent réellement en place au cœur
de la classe pour faire réussir un maximum
d’élève. Parmi ces dispositifs, l’évaluation
doit devenir un levier pour aider les élèves
en difficulté à réussir, et non un moyen de les
sélectionner.
En théorisant tout cela, le professeur Antibi a
donné du sens et une cohérence à un ensemble de pratiques visant à lutter contre l’échec
scolaire qui était la thématique de l’ensemble
de cette journée de formation.
Xavier Dejemeppe
Enseignant en lycée et formateur
1 Le mouvement contre la constante macabre (MCLCM) est
soutenu par trente-sept associations, dont Les Cahiers pédagogiques, et est reconnu par le ministère de l’Éducation
nationale depuis mars 2009. Plus d’infos : mclcm.fr
A PPEL À CO NTRIBUTIO NS…
APPEL À
Filles et garçons à l’école
En 1979 et 1999 sont parus deux dossiers des Cahiers
pédagogiques intitulés : « Filles et femmes à l’école ».
En juin dernier, les journées d’étude du Climope
avaient pour thème : « Filles et garçons : où en sommes-nous ? ». C’est aussi la question à la laquelle
nous voulons répondre dans ce nouveau dossier
prévu pour mars 2011.
Les trois grands thèmes que nous voudrions aborder sont les suivants :
• Où en est-on de la mixité ? L’école mixte est régulièrement mise en cause, accusée de desservir tour à
tour les filles ou les garçons. Ces débats sur la mixité
se prolongent sous une autre forme avec la question de la féminisation du corps enseignant. Qu’estce que la mise en œuvre de la mixité aujourd’hui ?
Quels sont les parcours professionnels des enseignants et enseignantes ?
• Violence et décrochage : la question des violences
sexistes et homophobes commence à être mieux
identifiée. Elle est à mettre en lien avec le décrochage scolaire, dans le sens où leurs auteurs (majoritairement des garçons, mais aussi des filles) sont
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
souvent ceux et celles que l’on retrouve en l’échec.
Que pouvez-vous observer dans vos classes ? Quelle
est votre analyse ?
• Co-éducation et pédagogie de l’équité : Les rapports sociaux entrecroisés de sexe, de classe et d’origine ethnique s’invitent malgré nous ou à notre insu
dans l’école. Comment faire vivre une vraie co-éducation ? Que sont des pratiques pédagogiques justes pour des garçons et des filles de tous milieux, de
toutes origines ?
Nous attendons :
- Des propositions de contributions qui vous semblent liées à l’un de ces thèmes :
- Des témoignages, même brefs
- Des récits d’expérience et des outils permettant de
travailler ces questions dans les établissements.
Isabelle Collet :
[email protected]
Geneviève Pezeu :
[email protected]
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Caroline d’Atabekian et Caroline Jouneau-Sion
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, Correspondance, 1857.
Éditorial
Un pas de côté…
Caroline d’Atabekian, Caroline Jouneau-Sion
Web 2.0… Cette expression mystérieuse envahit les médias,
et maintenant même une couverture des Cahiers pédagogiques.
Elle sonne pourtant comme un logo publicitaire, comme un
gadget dédié à la futilité, une mode qui passera très vite dans
un monde de consommation. Le Web 2.0, c’est une jungle :
un enchevêtrement de sites et de réseaux, gratuits, mais pleins
de publicité, un écosystème foisonnant, mais superficiel et
volatil, un monde dangereux aussi peut-être, pour nos données personnelles collectées au fil de la navigation, pour nos
enfants qui y font des rencontres malsaines, pour notre vie qui
pourrait s’écouler devant l’écran d’un ordinateur dont on ne
saurait décoller. Qu’a donc à faire l’école avec le Web 2.0 ?
En réalité, le Web 2.0, c’est le principe d’horizontalité appliqué à Internet. Loin de la passivité du téléspectateur, l’internaute devient acteur sur le Web. Il participe à l’élaboration des
données qu’il consulte, publie, partage ses données, échange
via les réseaux sociaux, participe à des travaux collectifs. Il
devient « utilisacteur ». Rien de réellement révolutionnaire,
mais la facilité de prise en main entraine une massification de
ces pratiques. Lequel de nos élèves n’a pas son blog et sa page
Facebook ? Même le ministère de l’Éducation nationale a son
compte Twitter. L’école doit donc se préoccuper du Web 2.0
parce qu’elle forme les enfants d’aujourd’hui, dans ce mondeci, tel qu’il est, imprégné de ces technologies qui permettent
d’écrire, de publier, de partager textes, images et sons, qui
permettent d’échanger en temps réel et qui conserve les traces de tout, mais aussi de n’importe quoi.
Pourtant, nous n’avons pas intitulé ce dossier « Le Web 2.0
à l’école », mais « Le Web 2.0 et l’école ». C’est d’abord une
question de lieu : en effet, le Web 2.0 fait sortir les apprentissages du cadre purement scolaire et fait entrer d’autres espaces, dans la sphère éducative. C’est aussi une question de mise
en relation. Les différents acteurs de l’école doivent inventer
leurs usages, leurs règles de fonctionnement dans cet environnement de plus en plus interactif, hors des rapports sociaux
sur lesquels l’école s’est construite. Beaucoup de questions
émergent des articles de ce numéro, qui montrent que les
enseignants cherchent leur place dans ce nouveau contexte.
Mais on y voit aussi une inventivité incroyable dans l’utilisation des outils du Web 2.0 pour rendre les apprentissages plus
faciles, plus efficaces, pour individualiser sans jamais renoncer aux contenus.
10
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
Ce dossier s’interroge sur l’utilité de ces usages du Web 2.0,
sur leur pertinence et leur pérennité. La réflexion portera
d’abord sur les postures mises en œuvre. Quel est le rôle de
l’enseignant face à des adolescents déjà très utilisateurs de
Web 2.0 ? Qu’y a-t-il à leur apprendre en la matière ? Est-ce
vraiment efficace en terme d’apprentissages ?
La deuxième partie met en avant des pratiques de classe qui
visent à donner du sens à la lecture et à l’écriture en les mettant en œuvre dans des situations de communication authentiques : bloguer son livre préféré, partager les compétences sur
un wiki et s’améliorer encore grâce aux retours des lecteurs.
Viennent ensuite des exemples de détournements éducatifs
d’outils divers, de Twitter à Netvibes ou Facebook, dans l’objectif toujours de renforcer les savoir-faire et de développer
les savoirs.
Le quatrième chapitre de ce dossier interroge la question de
l’identité numérique : quelle image doit-on donner de soi sur
la Toile, en tant que jeune, adulte ou enseignant ? Comment
gérer l’imbrication entre vie privée et vie professionnelle dans
le cadre des réseaux sociaux ?
Nous verrons enfin ce que le Web 2.0 change pour les usagers
de l’école : des élèves prennent confiance et gagnent en autonomie, des enseignants s’enrichissent du travail en réseau, des
parents s’investissent dans la classe…
Ces témoignages parfois enthousiastes sont pourtant parsemés de points d’interrogation : les auteurs racontent ce qui
ressemble parfois à une aventure collective, mais qui est souvent de l’ordre de l’expérimentation isolée. On les voit faire ici
un pas de côté pour s’observer, enseigner et analyser ces pratiques nouvelles.
Caroline d’Atabekian, Caroline Jouneau-Sion
Pour réagir à ce dossier, dans son ensemble ou à un article
en particulier, vous pouvez contacter la rédaction en chef à
l’adresse [email protected].
Dans le monde numérique, beaucoup de termes récents et peutêtre peu familiers à nos lecteurs : un lexique page 55 en définit les
plus courants.
1- Apprendre, enseigner : de nouvelles postures ?
Au travail, Narcisse !
Caroline d’Atabekian
Tout enseignant, même mal à l’aise avec la technique, a un monde à
faire découvrir à ses élèves avec le Web, même à ceux qui tiennent à jour
leur page Facebook ou qui sont capables de « programmer des satellites
depuis leur montre à quartz1 ».
S
i le néophyte se laisse facilement
intimider par l’élève qui, en un
clin d’œil, maitrise les subtilités
d’un mur Facebook, zappe d’un lien à
l’autre, s’exerce à un jeu vidéo complexe
ou discute par chat avec ses copains, un
regard attentif montre que ce même
adolescent en apparence si à l’aise avec
les usages du Web qui lui sont familiers
se trouve brutalement dépourvu dès
lors qu’on lui demande d’utiliser une
messagerie électronique, de s’y retrouver sur un site d’information en ligne,
ou de pratiquer tout autre usage courant…
chez les adultes. Ce même néophyte
qui, chaque jour, envoie des messages
électroniques, met en page ses cours
sur traitement de texte et, peut-être,
récupère sur son ordinateur ses photographies numériques est déjà bien plus
savant qu’il ne croit.
Ainsi, ceux qui ont eu l’occasion
d’échanger quelques courriels avec
leurs élèves ont mesuré combien l’exercice est difficile pour ces derniers : comment utiliser la messagerie ? Comment
s’adresser à l’enseignant ? Comment
commencer un message, comment
l’achever ? Quel niveau de langue
employer ? Comment vérifier l’orthographe du texte ? Comment envoyer
un devoir en pièce jointe ? Les enseignants sont beaucoup plus à l’aise que
les élèves avec les nouvelles technologies lorsqu’il s’agit de faire face à toutes
sortes de situations de communication
aussi nouvelles qu’authentiques, que
ces derniers ne maitrisent pas. Si les
ados ont une attitude décomplexée face
aux technologies, il n’en va pas de même
face à l’information et à la communication
proprement dites. Voilà deux domaines que les enseignants, même peu à
l’aise avec la technique, ont à leur faire
découvrir.
les commentaires (« Lâchez vos coms ! »),
bref, où ils font l’épreuve de leur relation
aux autres. Plus rarement, ils nouent
des relations en ligne avec des adolescents qu’ils ne connaissent pas autour
d’un thème de prédilection commun.
Dans tous les cas, ils font d’Internet un
« laboratoire social », « égocentré », où se
construit leur identité, sorte de miroir
numérique où ils modèlent leur propre
image. La communication y a pour but
de forger sa personnalité. L’adolescent
y part à la découverte de soi.
Les adultes utilisent désormais eux
aussi massivement Internet, mais pour
un usage surtout professionnel, qui
englobe au minimum le ou les logiciels
qu’ils utilisent dans le cadre de leur tra-
Entre les usages de loisir qui sont ceux des ados, et les usages
pratiques qui sont ceux des adultes, toute une éducation
est à faire, dont il appartient à l’école de s’emparer.
Des usages d’ados aux usages
d’adultes
Les usages des adolescents se caractérisent par leur aspect ludique ou de loisir. Quand ils ne jouent pas en ligne,
ils se retrouvent entre eux, généralement avec des camarades de classe ou
qu’ils connaissent réellement, sur un
chat, un blog ou un réseau social où ils
se confrontent à leurs « amis », guettent
vail (pour les enseignants : gestion des
notes, des bulletins, voire des évaluations, ENT, iProf, etc.), mais aussi le
courrier électronique, le traitement de
texte et le navigateur. Autant d’usages
centrés non plus vers soi, mais vers la
production de documents, l’information, l’échange ; Internet est une fenêtre
ouverte sur le monde, qui permet d’interagir et de collaborer à distance. Entre
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
11
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
ces usages de loisir qui sont ceux des
ados, et ces usages pratiques qui sont
ceux des adultes, toute une éducation
est à faire, dont il appartient à l’école de
s’emparer.
L’Internet des adolescents et celui des
adultes sont ainsi comme des sphères
qui évoluent dans le même univers sans
jamais se croiser. Comment accompagner les jeunes dans ce passage d’un
Internet-miroir à un Internet-fenêtre
ouverte sur le monde ? Quels compétences, savoirs, savoir-faire inculquer ?
Sur quels acquis s’appuyer ?
Du chat au courrier électronique
Si les jeunes méconnaissent souvent la
messagerie électronique, l’un des outils
les plus prisés par eux est MSN, qui
permet d’échanger en direct par écrit
avec n’importe quel correspondant à
travers une fenêtre de chat. Beaucoup
d’adolescents, à peine rentrés chez eux
après l’école, ouvrent MSN pour rester en contact avec leurs copains. Les
échanges sont souvent assez indigents,
même s’ils sont très investis affectivement. La nécessité d’écrire au clavier,
et rapidement, a développé ce que nous
appelons, nous autres adultes, le « langage SMS » (« Lol ! », « mdr ! », etc.).
MSN constitue donc une première
forme de communication via Internet,
encore rustique, mais qui est pour eux
le premier modèle de cette communication plus élaborée qu’est le courrier
électronique. Il y a là quelque chose à
enseigner pour les accompagner dans
ce passage, en dehors de la seule technique de l’outil : comment adapter le
contenu de son message et son expression écrite à ses destinataires ? Le
« Cordialement », par exemple, ne s’invente pas. Et il n’est pas très naturel
sous le clavier d’un ado.
Pour cela, il est nécessaire de placer les
élèves dans des situations de communication authentiques, en prise avec le
cadre scolaire (c’est-à-dire en dehors
de leur cercle intime), avec un objectif
donné ; d’abord par chat (échanges avec
une classe distante, des correspondants
anglais par exemple) puis par courriel
(échanges avec l’enseignant au cours
de l’année, avec le propriétaire d’un
site, avec l’auteur d’une information en
ligne, avec un ayant-droit pour demander l’autorisation de reproduction d’une
image, d’un texte, etc.). Apprendre aux
adolescents à entrer dans le monde
numérique, ce n’est donc pas seulement
les initier à un outil, c’est d’abord leur
faire découvrir qu’Internet ne sert pas
qu’au loisir, mais également à échanger,
12
au-delà du narcissisme, en vue d’atteindre un objectif commun.
Du forum à la liste de discussion
Beaucoup d’enseignants partagent des
informations sur les listes de discussion professionnelles, généralement
disciplinaires. Pour discuter sur un
sujet donné, les adolescents préfèrent
le forum de discussion, moins contraignant. Sur un forum, les messages ne
s’échangent pas par courrier électronique, ils sont directement affichés sur
une page web. Il suffit de passer par là
et de laisser un message ; l’anonymat est
la règle générale. Sur une liste de discussion, au contraire, on est davantage
impliqué : on s’inscrit en donnant son
adresse électronique, on apparait généralement avec son vrai nom, s’engageant
ainsi d’une part à recevoir tous les messages échangés, d’autre part à assumer
la responsabilité de ce que l’on écrit, et
(ce qui n’est pas propre au Web) pour
savoir se diriger directement vers les
grands sites repères (médias en ligne,
blogs influents, services publics, encyclopédies, dictionnaires, bases de données, etc.). Où chercher, par exemple,
les tableaux du Louvre évoquant des
scènes des Métamorphoses d’Ovide ?
Pas dans Google… mais sur le site du
ministère de la Culture, dans la base
Joconde 2. Il existe de nombreuses
bases de données sur le Web auxquelles Google n’a pas accès, et qu’il ne propose donc pas. Il faut les connaitre, et
c’est encore une chose que tout enseignant peut apprendre à ses élèves à l’occasion d’une recherche sur Internet.
Quelques activités en salle ordinaire
ou en salle informatique permettent
de fixer des habitudes, des repères :
observer la première page de Google
lors d’une requête, par exemple, en se
Faire passer les élèves d’un usage Facebook où l’on se pâme
sur sa page, à un usage Wikipédia où l’on travaille ensemble
vers un but commun, où l’on argumente, est un défi que tout
enseignant pourrait souhaiter relever.
qui sera conservé dans les archives de
la liste. Écrire sur une liste en assumant
son identité et ses propos n’est pas une
démarche naturelle pour nos élèves, qui
préfèrent rester derrière un confortable anonymat. Là encore, c’est à l’école
d’apprendre à chacun à assumer la responsabilité de ses écrits.
De Google au Web invisible
Ce qui est dit sur la communication vaut
également pour l’information. Sa maitrise sollicite trois compétences importantes et difficiles, qui s’acquièrent tout
au long de la scolarité et doivent donc
être abordées tôt : il s’agit d’apprendre
à trouver l’information, à en évaluer la
fiabilité puis à la synthétiser pour en
faire son miel.
Ainsi, pour trouver les horaires du
Paris-Lille du lundi matin, certains
tapent « horaires train Paris-Lille » dans
Google, d’autres vont directement
sur le site de la SNCF. Ceux pour qui
Google est l’unique porte d’entrée sur
le Web, comme c’est le cas de la plupart
des élèves, risquent de perdre du temps
et de passer à côté de l’essentiel, car la
démarche de recherche d’informations
est le contraire du zapping facile et parfois illusoire de Google. Elle demande
en effet une connaissance suffisante des
grandes institutions ou organisations
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
demandant quel lien risque d’être le
plus pertinent, en fonction des informations données sur la page de résultats de la recherche3. Le mieux est de le
faire en salle de classe ordinaire, en distribuant la page sous forme imprimée,
puis d’en débattre oralement. Pour évaluer la fiabilité des informations, il faut
systématiquement inviter les élèves
à vérifier les sources, les croiser, mais
surtout s’interroger, lorsqu’on visite
un site, sur l’identité de son éditeur,
sur la légitimité de l’auteur de l’article
qu’on lit, etc. Un exemple d’activité en
6e consiste à lancer une recherche documentaire sur le dahu. On trouve sur
Internet de nombreux sites d’allure très
scientifique sur la question, des photos de dahus, etc. Bien souvent, également, le fait de proposer une activité de
publication en ligne aux élèves suffit à
leur faire comprendre que n’importe
qui peut, techniquement, publier n’importe quoi, et que l’information sur le
Web doit donc être considérée avec circonspection4. Pour apprendre à synthétiser l’information, on peut faire réaliser
aux élèves un diaporama qui devra servir de support à un exposé oral, en cinq
diapositives maximum, comportant
chacune une image et une phrase. Le
but est que les élèves ne retirent de leur
recherche que les cinq informations les
1- Apprendre, enseigner : de nouvelles postures ?
plus importantes, les résument chacune
en une phrase courte, mais sachent les
étayer à l’oral lors de leur exposé.
Des Skyblogs aux blogs du Monde.fr
Le blog est un usage adolescent bien
connu. Bien connu ? En fait, on sait que
les ados en publient, mais on sait moins
ce qu’ils y écrivent exactement, et on ne
sait pas toujours non plus que le blog est
aussi, et même surtout, une pratique
d’adulte : blogs journalistiques, artistiques, littéraires ou politiques abondent
sur le Net, dont les plus influents nourrissent même désormais les médias traditionnels et le débat public. Il y a donc,
à côté des blogs d’adolescents avec
leur abondance d’images et leur indigence de mots, toute une blogosphère
visibles par tous les autres amis. Il y a
là un usage social orienté vers la publication et l’échange avec les autres, mais
son but reste toujours purement narcissique. Non loin de là sur le continent
Internet, une autre plateforme de publication se nourrit du travail de ses utilisateurs : il s’agit de Wikipédia. Cette fois,
le but n’a rien de narcissique, puisque
les échanges et le travail commun sont
centrés vers la réalisation d’une gigantesque encyclopédie en ligne, dont il
faut certes apprendre à se méfier par
certains aspects, mais dont il faut aussi
savoir reconnaitre l’excellence et l’utilité. Faire passer les élèves d’un usage
Facebook où l’on se pâme sur sa page,
à un usage Wikipédia où l’on travaille
ensemble vers un but commun, où l’on
aux élèves, c’est donc à maitriser l’ensemble de ces questions : que puis-je
faire d’autre sur Internet que de parler
avec mes copains ? Quelle est la fiabilité
de telle ou telle page publiée ? Où trouver telle ou telle information ? Puis-je
publier n’importe quoi ? Faut-il garder
l’anonymat dans tous les cas ? Comment
assumer ce que j’écris ? Comment gérer
mon identité numérique ? Voilà quelques-unes des véritables questions
que l’école doit se poser, et apprendre
aux élèves à se poser, pour former les
citoyens de demain. Le rôle des enseignants face à ces technologies est désormais d’aider l’élève Narcisse à se jeter
à l’eau et à découvrir l’autre là où il ne
voyait que lui.
Tout cela n’est qu’un rapide tour d’horizon. Au-delà des compétences hachées
du B2i, peut-être faudrait-il définir,
avec la liberté d’un texte en prose, l’ensemble des connaissances, compétences
et savoir-faire que l’on pourrait souhaiter voir acquérir par nos élèves en termes de culture numérique, dans chaque
discipline. Un projet que l’on pourrait
mener ensemble sur un wiki ?
Caroline d’Atabekian
Professeure de français,
présidente de WebLettres
Remerciements à Annick Anglade
citoyenne, qui s’affiche sur lemonde.
fr et autres grands sites de médias, en
méconnaissant totalement les Skyblogs
d’adolescents qui évoluent dans un
autre univers où ils tournent indéfiniment sur eux-mêmes. Là encore, l’école
a un rôle à jouer pour faire découvrir
aux élèves le sens que peut prendre la
publication d’un blog lorsqu’il s’agit
de défendre une cause, de présenter
un thème, ou toute activité de publication autre que la seule mise à l’épreuve
de soi avec l’autre. Cela peut se faire en
travaillant à partir d’un blog d’adulte
sur un thème donné, ou encore en proposant aux élèves de tenir un blog de
classe, ce qui aujourd’hui ne nécessite
aucune connaissance technique.
De Facebook à Wikipédia
Facebook est une plateforme toujours
plus élaborée et interactive pour la
mise en avant de soi et l’échange avec
des « amis » ; photos, vidéos, humeurs
de l’heure et du jour, et même intervention des amis sur sa propre page sont
discute de ses écrits, où l’on argumente,
est un défi que tout enseignant pourrait
souhaiter relever. On peut, par exemple,
au lycée, proposer aux élèves de rédiger
ou d’enrichir un article de Wikipédia
sur un thème donné (d’actualité, de
préférence). Cela permet en outre
d’aborder toutes les questions relatives
à la publication en ligne, à la responsabilité de celui qui publie, à l’esprit critique de celui qui lit. Au collège, on peut
de la même manière rédiger un article
dans Wikimini, l’encyclopédie collaborative des enfants.
Du miroir à la fenêtre
Les enseignants ont tout à faire découvrir aux élèves sur Internet, parce que
les véritables enjeux ne sont pas liés à
la technique. Ils sont liés à ce que l’on
connait depuis longtemps, mais qui
prend des formes nouvelles : la publication et, notamment, le fait que tout
un chacun puisse aujourd’hui publier
n’importe quoi n’importe quand. Ce
que les enseignants doivent apprendre
1 Selon une expression de Jean-Noël Lafargue
sur Ecrans.fr le 11 mars 2010, « Les jeunes ne sont
plus intéressés par l’outil-ordi », interview d’Astrid
Girardeau.
2 Base de données des œuvres du Louvre, sur le site
du ministère de la Culture.
3 Voir Jalons pour la poésie, de Ronsard au multimédia, p. 63-67 : étude en classe de la page de résultats de la recherche dans Google sur le mot-clé
« Baudelaire », WebLettres-CNDP, coll. WebLettres
in Folio, juin 2007.
4 D’autres exemples dans le n° 57 des Dossiers de
l’ingénierie éducative, avril 2007, « La maitrise de
l’information » (disponible sur Internet).
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
13
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Enseigner à l’heure du 2.0,
c’est d’abord enseigner
Hubert Guillaud
Journaliste spécialiste d’Internet, l’auteur propose des pistes pour
accompagner les jeunes dans l’univers numérique, sans diabolisation,
sans naïveté non plus, en assumant pleinement le rôle de parent
ou d’enseignant.
A
ccompagner les enfants sur
Internet est une mission difficile. Difficile, parce que les
enfants ont déjà leurs propres pratiques, parfois plus expertes que ceux qui
sont censés les leur enseigner1. Difficile
parce qu’Internet est un espace complexe et hétérogène, qui a tendance à
introduire l’espace intime dans l’espace public, qui brouille les notions
qu’on pensait maitriser jusqu’à présent
en introduisant de nouvelles métriques
nécessitant de nouveaux apprentissages.
Difficile parce qu’on ne cesse de nous
répéter qu’Internet est un terrain dangereux – virus, spamming, happy slapping, sexting, mais également violence,
sexe, vol et pédophilie comme le suggérait la campagne démagogique de la
secrétaire d’État à la famille de la fin de
l’année 2008 – au point qu’on pourrait
le croire plus dangereux que l’espace
physique. Bien des collèges ne sontils pas plus en émoi avec des histoires
liées à Internet qu’avec le réel ? Difficile,
enfin, parce qu’emmener les enfants sur
le net supposent de les faire entrer dans
le panoptique des réseaux : d’un coup,
ils auront une identité, produiront des
données qui pourront être surveillées,
tracées, volées, détournées, fliquées. La
société numérique est ambivalente. Elle
construit à la fois de nouvelles libertés
et de nouvelles surveillances.
Beaucoup de professeurs rechignent
pour ces raisons à accompagner leurs
élèves, à aller plus loin que ce que le B2I
les oblige. Seule une faible proportion
d’entre eux cherchent à innover avec
Internet pour construire de nouveaux
rapports à la connaissance2. On préfère interdire les téléphones mobiles à
l’école plutôt que chercher à exploiter
ces puissances de calcul et de communication disponibles dans les poches de
chaque élève (alors qu’on essaye désespérément et à grands frais d’équiper
14
les classes en ordinateurs, en tableaux
blancs interactifs…)3.
Pourtant, quand on lit les propos des
experts en science de l’information,
on entend partout le même constat : le
besoin criant d’accompagnement des
plus jeunes pour que ceux-ci soient
armés à mieux comprendre cette nouvelle phase de l’industrialisation de
la culture et de la connaissance dans
laquelle ils vont grandir, qui n’a rien
à voir avec celle qu’on construit les
médias de masse au xxe siècle.
Apprendre à gérer le risque
et à perdre le contrôle
Il va pourtant bien falloir s’y acclimater.
Comme dans la vie réelle, il n’y a aucune
de mal à percevoir les risques posés par
la « société de surveillance » qu’ils ont
eux-mêmes grandi en étant constamment surveillé par ceux qui, parents
et enseignants notamment, affectent,
dirigent ou contrôlent directement leur
vie privée : « Leur panoptique personnel (administré par des personnes qu’ils
connaissent et voient quotidiennement)
est bien plus intrusif, menaçant, direct et
traumatique que ne pourraient l’être des
panoptiques gouvernementaux ou contrôlés par des entreprises privées. L’érosion de
la vie privée commence à la maison, pas au
niveau gouvernemental ou marchand. Et
tant que nous ne trouverons pas un moyen
d’offrir plus de vie privée à ces jeunes, dans
leur vie intime, ils n’aspireront pas à plus
de vie privée dans leurs vies publiques 5. »
Le numérique exacerbe tout, au moins
parce qu’il inscrit et mémorise ce qui
bien souvent, avant lui, relevait de formes orales. Internet garde trace de
« La tentation de l’hypercontrôle constitue une antiéducation
qui renforce le clivage entre les générations, conduit
les adolescents à refuser tout contact avec les adultes,
et leur apprend à mentir. »
solution technologique à la sécurité en
ligne des mineurs 4. Heureusement,
car la tentation de l’hypercontrôle n’est
en rien une solution. Comme le souligne Danah Boyd, spécialiste des pratiques numériques adolescentes : « Ainsi,
angoissés par ces messages à répétition, les
parents sont tentés de vouloir surveiller les
activités de leurs enfants sur ces réseaux, de
les décourager ou pire, de les empêcher, toutes choses qui aboutissent à une seule chose :
encourager ces adolescents à dissimuler leurs
pratiques. » Elle porte un message politique fort : « La tentation de l’hypercontrôle
constitue une antiéducation qui renforce le
clivage entre les générations, conduit les
adolescents à refuser tout contact avec les
adultes, et leur apprend à mentir. »
En 2006 déjà, Danah Boyd remarquait aussi que les adolescents étaient
d’autant plus « blasés » par la notion de
vie privée, et qu’ils avaient d’autant plus
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
tout, même les réflexions les plus idiotes. Pour autant, ce n’est pas cet aspect
d’Internet que les enfants ont besoin
de découvrir. Celui-ci, ils le maitrisent
souvent très bien. Mais il faut leur montrer l’intelligence du système : la force
des liens qui conduisent d’une idée
l’autre, d’un concept à sa source, d’une
connaissance à une idée ; le décryptage
des phénomènes agrégatifs, les phénomènes commerciaux. Dans ce schémalà, les professeurs n’ont rien à perdre de
leurs savoirs. Ils peuvent au contraire
montrer combien ces outils permettent
de partager le savoir, de comprendre,
et aussi de surveiller : ainsi, les lectures ne sont plus anonymes, elles laissent
une trace qui peut par exemple permettre de savoir si les élèves ont bien cliqué
sur le lien indiqué par leur professeur,
comme le démontrait récemment JeanMichel Salaün6.
1- Apprendre, enseigner : de nouvelles postures ?
Apprendre à construire
ses identités numériques
La vie privée se transforme sous nos
yeux. Une nouvelle identité nous compose. Multiple. Active. La notion
« d’identité numérique » désigne l’expression dans le monde numérique de
l’identité civile et sociale d’un individu.
Les deux ne coïncident pas : d’une part,
ce qu’on montre de soi sur Internet n’est
pas nécessairement fidèle à ce qu’on est
pour son entourage physique ; d’autre
part, les manifestations numériques
participent de la construction continue
d’une identité qui n’est plus seulement
l’identité civile, mais un « récit de soi »,
à la fois mise en scène, enracinement et
production de sens. « Comme d’autres
“identités” conventionnelles, l’identité
numérique, ou les identités numériques,
acquièrent une autonomie et commencent
à jouer un rôle à part entière dans la pro-
les éduque à se comporter en société, il
faut les accompagner dans l’utilisation
des outils numériques. Il faut en particulier aider les enfants à comprendre que ce
qu’ils font sur Internet a des conséquences et que c’est à eux d’en être maitres. Si
l’information qu’ils postent aujourd’hui
sur le Web ou qu’ils envoient à leurs
amis leur semble insignifiante ou amusante, il n’en sera peut-être pas de même
dans quelques années, comme l’explique Lidija Davis en rappelant que ces
outils ne proposent pas vraiment de bouton « effacer » 9. Et pour le comprendre,
comme le répète depuis longtemps Mario
Asselin, il faut s’y confronter10. Leur
montrer les pièges, les chausses-trappes
dans lesquels ils vont glisser s’ils n’y prennent pas garde, leur expliquer, par la pratique, les conséquences de l’acte d’être en
ligne, d’être connecté, de publier, d’être
en réseau.
Ce n’est pas l’outil qui est dangereux, c’est de laisser les enfants
l’utiliser seuls. De la même manière qu’on les éduque à se
comporter en société, il faut les accompagner dans l’utilisation
des outils numériques.
duction des identités personnelles et collectives. Pour les plus conscients et outillés des
individus en tout cas, le numérique présente en particulier certains avantages
lorsqu’il s’agit de jongler avec des identités diverses, de dire, masquer ou travestir
certaines informations, de négocier de l’information en échange de contreparties, etc.
Le numérique transformerait en quelque
sorte les bricolages identitaires traditionnels en constructions explicites, outillées,
évaluables. On apprend alors à se mettre
en scène sous certaines formes ; à cloisonner différents mondes ; à négocier ses données ; à mentir de manière crédible ; à bâtir
des identités “spécialisées”, parfois denses
et solvables… Le tout contribuant, toujours, et sauf pathologie, à la construction
continue de sa propre identité 7. »
Il faut apprendre aux enfants à composer avec ces multiples identités. Or, bien
souvent, ceux-ci en savent plus que leurs
ainés sur la gestion des pseudonymes,
hétéronymes, de l’anonymat, sur les procédures d’identification. Souvent, ils se
retrouvent seuls à comprendre et gérer
cette complexité, sans en saisir parfaitement les enjeux. La défenseure des
enfants, DominiqueVersini, souligne que
« les jeunes déplorent l’ignorance des adultes sur Internet 8 ». Ce n’est pas l’outil qui
est dangereux, c’est de laisser les enfants
l’utiliser seuls. De la même manière qu’on
Coconstruire plutôt qu’enseigner ?
Les professeurs ne sont pas confrontés à une perte de contrôle, ils font face
à un changement de ce qui est contrôlable, mesurable. Leurs anciennes
métriques ne sont plus adaptées, de
nouvelles prennent place qu’il leur faut
apprendre à maitriser. À l’heure de la
connexion permanente, apprendre par
cœur et de régurgiter de mémoire suffit moins que jamais ; l’important est la
capacité d’analyse, de compréhension
et de synthèse des élèves, la capacité à
chercher des informations sur Internet,
à les vérifier, à s’assurer de leur validité.
La parentalité numérique, c’est d’abord
de la parentalité, pas de la technologie.
Comme le rappelle André Gunthert11,
« aucune solution technique ne peut exonérer d’une démarche éducative et sociale ».
C’est à nous de nous intéresser à ce que
font nos enfants. Pas tant pour les fliquer, les surveiller ou les « empêcher »,
mais pour leur apprendre les limites
de leur liberté. Ce n’est pas tant l’enfant qui doit être protégé que l’adulte
qui doit savoir l’accompagner, qui doit
savoir lui donner quelques règles pour
utiliser ces outils. La règle n’est pas
nécessairement de lui fournir un téléphone mobile à son entrée en 6e, ou un
accès à Internet dans sa chambre, mais
bien d’expliquer à son enfant comment
Internet fonctionne non pas techniquement (ils le savent souvent mieux que
nous), mais socialement et culturellement (et là, ils ont tout à apprendre).
De la même manière, l’enseignement
numérique, c’est de l’enseignement.
Certes avec des outils et des pratiques
renouvelées, mais d’abord de l’enseignement. Et les outils numériques ont
un formidable potentiel pour cela. Ce
sont des outils pour raconter des histoires, pour mémoriser, pour se confronter
au monde… En connaissez-vous beaucoup d’autres ?
Hubert Guillaud
Rédacteur en chef d’InternetActu.net
http://www.internetactu.net
Les adresses Internet complètes des articles référencés sont indiquées sur la page
de notre site présentant ce dossier « Le
Web 2.0 et l’école ».
1 Parfois. De nombreuses études montrent
pourtant bien que leurs pratiques ne sont pas
si assurées et expertes que cela, par exemple :
Brigitte Simonnot, « De l’usage des moteurs de
recherche par les étudiants », in L’entonnoir, C&F
éditions 2009, dirigé par Brigitte Simonnot et
Gabriel Gallezot.
2 Cf. Julie Chupin et Aurélie Sobocinski, Quand
l’école innove, édition Autrement, 2009. Voir également le Forum des enseignants innovants organisé
par l’équipe du Café Pédagogique.
3 Hubert Guillaud, Rallumons les téléphones
mobiles dans les classes, www.internetactu.net ;
Nicholas Bramble, Éducation, Facebook doit entrer à
l’école, www.slate.fr ; Jean-Marc Manhach, Et si on
autorisait les bacheliers à se connecter à l’Internet,
www.internetactu.net ; Jean-March Manhach, Les
cours en ligne plus efficaces que les salles de classe,
www.internetactu.net
4 Se reporter à Il n’y a pas de solution imparable
pour protéger les enfants sur Internet, Comment les
jeunes vivent-ils et apprennent-ils avec les nouveaux
médias ?, et Sur Internet les enfants ne s’éduquent
pas seuls, www.internetactu.net
5 Cité par Jean-Marc Manach in La vie privée, le
point de vue des petits cons, article faisant suite à
La vie privée : un problème de vieux cons ?, www.
internetactu.net
6 Jean-Michel Salaun, L’anonymat de la lecture,
blogues.ebsi.umontreal.ca
7 Définition de l’identité numérique par le groupe
de travail de la Fondation Internet Nouvelle génération sur les identités actives, à compléter par un
lexique des termes de l’identité numérique : www.
identitesactives.net
8 Citée par Hubert Guillaud dans Il n’y a pas de
solution imparable pour protéger les enfants sur
l’internet, www.internetactu.net
9 Voir les initiatives de la CNIL comme www.
jepubliejereflechis.net et le jeu en ligne
www.2025exmachina.net
10 Voir par exemple Mario Asselin, Le défi des natifs
de l’internet, www.internetactu.net
11 André Gunthert, Le filtrage d’Internet, ou comment rejouer le fiasco des DRM, www.arhv.lhivic.org
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
15
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Communication numérique
et pédagogie
Jacques Crinon
Les outils de communication numérique rencontrent des pratiques
pédagogiques anciennes en favorisant des modalités d’apprentissage
par coopération, par interactions, dans des situations complexes.
Pour quelle efficacité ?
D
ès lors que l’usage des technologies de la communication se
développe dans la vie sociale et
professionnelle, il serait paradoxal que
l’école ne les adopte pas. La première
raison qui justifie la présence croissante
dans les classes des divers outils dont
il est question dans ce dossier est bien
celle-là : intégrer les outils de communication actuels au quotidien de la classe,
c’est initier à leur usage efficace et critique et contribuer à cette « littéracie
numérique » qui est devenue un objectif
en soi pour le système scolaire. Les supports numériques prennent donc leur
place parmi les supports d’enseignement, à côté du tableau noir, des cahiers
ou des manuels.
Est-ce pourtant suffisant pour convaincre les enseignants hésitants d’adopter de tels outils ? Car l’effort n’est pas
mince : s’adapter à des produits qui évoluent sans cesse, tenir compte des caprices des machines et des connexions, se
battre pour obtenir les équipements…
Cela, pour beaucoup, ne se justifie que
si les résultats, sur le plan des acquis des
élèves dans les disciplines d’enseignement, sont au moins égaux à ceux que
l’on obtient avec des supports plus simples à mettre en œuvre. Apprend-on, et
qu’apprend-on, avec des outils de communication électronique ?
Trois grandes idées sous-tendent, de
manière explicite ou implicite, les pratiques avec ces outils et les recherches qui
y sont consacrées : la préférence pour
des démarches coopératives plutôt que
pour la compétition, le choix de proposer aux élèves des situations complexes
et surtout un accent porté sur le rôle des
interactions dans les apprentissages.
• Coopérer
En France, les pionniers de l’ordinateur
à l’école ont souvent été des tenants des
pédagogies coopératives. En fournissant des alternatives plus performantes
16
à des techniques comme l’imprimerie
ou la correspondance scolaire, l’ordinateur s’inscrit alors dans des pratiques
portées par des valeurs d’ouverture sur
le monde et qui favorisent le respect
des autres et l’entraide entre les élèves
plutôt que la compétition1. Des chercheurs américains, tels David et Roger
Johnson, ont, dans le sillage du psychosociologue Kurt Lewin, théorisé les
apprentissages coopératifs ; la théorie
de l’interdépendance sociale cherche à
décrire les effets des apprentissages en
groupe. Plus que sur des effets proprement cognitifs, les recherches conduites dans ce cadre mettent en évidence
plonger les élèves dans des situations
globales et complexes, plutôt que de
s’attacher à des programmations linéaires. Apprendre une langue étrangère,
c’est alors avoir des échanges réels avec
des partenaires d’un autre pays sur des
sujets qui engagent des enjeux personnels et culturels autant que des apprentissages linguistiques2. Apprendre à
écrire des textes, dans sa langue comme
dans une autre langue, conduit à gérer
des projets qui vont jusqu’à la publication et qui suscitent des réactions de
lecteurs et des négociations avec des
équipiers3. Apprendre en sciences, c’est
alimenter des bases de données collaboratives, échanger à ce propos avec des
scientifiques, s’approprier la démarche
scientifique en pratiquant les sciences
« pour de bon », au sein de « communautés » dont les démarches de discussion
En fournissant des alternatives plus performantes à des
techniques comme l’imprimerie ou la correspondance scolaire,
l’ordinateur s’inscrit dans des pratiques portées par des valeurs
d’ouverture sur le monde et qui favorisent le respect des autres
et l’entraide entre les élèves plutôt que la compétition
l’investissement dans la tâche, la qualité des relations ou la « santé psychologique » des apprenants.
Et lorsque ce travail en commun se fait
à distance, les chercheurs ont observé
des phénomènes spécifiques par rapport au travail de groupe en face à face.
Ils signalent d’une part la difficulté
plus grande qu’en face à face à créer la
« communauté d’intérêts » nécessaire
à la constitution effective du groupe
de travail, d’autre part des effets positifs d’égalisation de statut, permis par
l’éloignement, le passage par l’écrit,
voire par l’anonymat. La participation
aux échanges est moins liée à l’origine
sociale, au sexe et au niveau scolaire que
dans le contexte scolaire habituel.
• Apprendre dans la complexité
Une deuxième caractéristique forte
des situations d’apprentissage fondées
sur les outils de communication est de
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
et de validation des savoirs ressemblent
à celles des communautés disciplinaires
de référence4.
• La nature sociale des apprentissages
cognitifs
De fait, les notions qui ont sans doute
le plus influencé les recherches sur
les apprentissages avec l’ordinateur
depuis une quinzaine d’années sont
celles de « communauté d’apprentissage » et d’« apprentissages collaboratifs médiés par ordinateur ». Citons
France Henri et Karin LundgrenCayrol5 : « L’apprentissage collaboratif
est une démarche par laquelle l’apprenant
travaille à la construction de ses connaissances. Le formateur y joue un rôle de
facilitateur des apprentissages alors que
le groupe y participe comme source d’information, comme agent de motivation,
comme moyen d’entraide et de soutien
mutuel et comme lieu privilégié d’inte-
1- Apprendre, enseigner : de nouvelles postures ?
raction pour la construction collective des
connaissances. La démarche collaborative
reconnait le caractère individuel et réflexif
de l’apprentissage de même que son ancrage
social en le raccrochant aux interactions de
groupe. »
Dans un travail en collaboration avec
des partenaires, l’espace de l’échange est
le lieu de transformations conceptuelles où les interprétations personnelles
convergent en une connaissance partagée. Les interactions permettent aux
apprenants de s’appuyer les uns sur les
autres ou sur quelqu’un de plus avancé.
Les échanges et les négociations peuvent alors prendre différentes formes :
de l’acquiescement du sujet à la proposition du partenaire à la confrontation
qui contribue à ébranler les certitudes
et oblige à argumenter et à reconsidérer
les données de l’expérience.
Cette conception de l’apprentissage
trouve ses racines dans la psychologie vygotskienne qui met l’accent sur
la nature sociale des apprentissages
cognitifs. Apprentissages sociaux au
sens où les connaissances se construisent, se structurent, s’approprient
grâce aux interactions langagières avec
d’autres ; en des termes plus techniques, l’interpsychique précède l’intrapsychique. Apprentissages sociaux
aussi au sens où les apprentissages sont
médiés par des instruments cognitifs,
essentiellement langagiers, qui sont le
fruit d’une construction sociale historique. À cet égard, on peut considérer
que l’une des caractéristiques des situa-
tions d’apprentissage utilisant les outils
de communication électroniques est
d’accroitre le recours au langage écrit.
Or l’écriture n’est pas un redoublement
de la parole, mais un « transformateur
cognitif ».
Communiquer par écrit signifie qu’on
se prive du feedback immédiat d’un
interlocuteur et de la régulation que
constituent ses réactions et ses questions (« et ensuite ?… »). L’écrit exige
donc un effort particulier pour expliciter ses références hors de la situation
d’énonciation, pour construire avec des
mots le monde de référence lui-même.
Ce nécessaire effort de construction,
par le langage, de représentations du
monde qui puissent être communiquées
suppose une élaboration conjointe de la
pensée et du discours. Si l’écrit n’est
certes pas la condition de la pensée,
les situations d’écriture sont ainsi des
relance de la réflexion. L’écriture transforme le temps en espace. La réorganisation des écrits dans l’espace (tableaux,
concordances, etc.) donne des moyens
pour comparer ou donner une signification nouvelle aux données antérieures. Ainsi, se construisent peu à peu
des concepts et plus généralement des
connaissances à travers des échanges
aboutissant à restructurer progressivement le savoir antérieur, d’« expliquer à
sa manière » pour approcher petit à petit
les savoirs sociaux admis, en s’enrichissant des représentations et des formulations que les autres se font des notions.
Écrire permet ainsi de mutualiser les
apports de chacun à la construction des
connaissances, mais concourt aussi à
la compréhension des situations et à la
régulation de l’activité d’apprentissage,
c’est-à-dire à l’acquisition de métaconnaissances. C’est un point commun à
Ce serait une illusion de croire qu’avec ou sans ordinateurs,
il suffit de faire échanger les élèves pour qu’ils apprennent.
situations privilégiées d’élaboration de
la pensée.
En outre, l’écrit constitue une prothèse
de la mémoire. C’est parce que les écrits
restent que les savoirs ont pu être, historiquement, accumulés, synthétisés, commentés, réexaminés… Dans le cadre de
la coopération à distance, les écrits produits peuvent être repris et confrontés,
ils fournissent le point de départ d’une
toutes les recherches sur les apprentissages collaboratifs médiés par ordinateurs que de souligner la dimension
« méta » (métalinguistique, métacognitive, métastratégique) des interactions
qui se produisent dans ces environnements. Les élèves commentent leur
activité au cours des projets de travail
à distance, formalisent des règles d’action, explicitent les buts et les procé-
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
17
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
dures, procèdent à des bilans partiels,
toutes activités qui concourent à rendre leurs apprentissages plus « intentionnels ». C’est sur quoi ont insisté
Marlene Scardamalia et Carl Bereiter à
propos du projet CSILE : il y a apprentissage intentionnel lorsque « l’élève
essaie activement d’atteindre un objectif cognitif, et non pas simplement de
bien faire des tâches scolaires ». Or la
compréhension par les élèves des buts
et des enjeux cognitifs des tâches scolaires est un aspect particulièrement
important pour leur réussite6.
Un autre bénéfice de la communication
à distance par ordinateur est de permettre de faire « d’une pierre deux coups »,
de concourir à une meilleure « maitrise
du langage » à l’intérieur même du curriculum. En faisant des comptes rendus, en décrivant, en élaborant des
explications, en argumentant, les élèves apprennent dans les disciplines de
référence visées, mais ils apprennent en
même temps les conduites discursives
ainsi pratiquées et se constituent une
culture du débat.
• Des situations d’apprentissage
efficaces ?
Certaines recherches se sont efforcées
d’évaluer les apprentissages ainsi obtenus : par exemple, dans le cadre du projet CSILE, en comparant les résultats
de classes participantes et de classes
extérieures, sur différents critères allant
des compétences de lecture au niveau de
résolution de problèmes mathématiques
ou à la qualité des explications en sciences, on a mis en évidence la supériorité
des élèves des classes engagées dans le
projet. Ou encore, dans le domaine de
la production de textes, on a montré les
effets du tutorat par les pairs et du travail collaboratif sur la qualité des textes produits, en L1 et en L2, avec des
élèves de différents âges et dans différents genres.
Cela ne signifie pas que ces situations
didactiques fonctionnent « toutes seules ». Michaël Baker et ses collègues7,
étudiant des interactions épistémiques
médiées par ordinateurs dans le cadre
de la physique au lycée, montrent que
ce type de travail est particulièrement
exigeant et ne donne de résultats que
dans la longue durée ; ils mettent en
valeur le rôle des connaissances préalables des élèves et l’importance de l’enseignant qui vient en aide aux élèves
engagés dans ce travail.
Car ce serait une illusion de croire
qu’avec ou sans ordinateurs, il suffit
de faire échanger les élèves pour qu’ils
apprennent. Les élèves n’acquièrent
pas de connaissances par génération
spontanée, si l’enseignant ne les place
pas dans des situations de communication structurées en fonction d’objec-
tifs précis, ne met pas à leur disposition
les données qui leur permettent de
construire ensemble des savoirs ou des
savoir-faire nouveaux et ne leur apporte
pas les étayages nécessaires. Des situations que l’enseignant croit favorables
à la collaboration parce qu’il laisse la
parole aux élèves ne sont parfois que des
« conversations à bâtons rompus » qui
apportent peu ; elles mettent en outre
particulièrement en difficulté les élèves
qui ne bénéficient pas, dans leur milieu
familial, d’un accompagnement pouvant compenser l’absence d’un enseignement structuré à l’école.
Jacques Crinon
Professeur en sciences de l’éducation
à l’IUFM de Créteil (université de Paris 12)
1 Voir Alain Baudrit, Apprentissage coopératif et
entraide à l’école, Note de synthèse, Revue française
de pédagogie, n° 153, 2005, p. 121-149.
2 Discussions en ligne au moyen de logiciels dédiés,
échanges par courriels, participations communes à
l’élaboration de pages Web ont été souvent utilisés
depuis une vingtaine d’années en didactique
des langues étrangères. Pour des synthèses, voir
par exemple : Richard Kern, La communication
médiatisée par ordinateur en langues : recherches
et applications récentes aux USA. Le Français dans
le monde, Recherches et applications, Les échanges
en ligne dans l’apprentissage et la formation, 2006,
pp. 17-29.
François Mangenot, L’apprentissage des langues. In
D. Legros et J. Crinon, Psychologie des apprentissages et multimédia, Amand Colin, 2002, p. 128-153.
3 Voir par exemple : Jacques Crinon, Brigitte Marin
et Annick Cautela, Comprendre la révision collaborative : élaborer ou utiliser des critiques. Communication au Congrès mondial de linguistique
française (CMLF). Paris, 9-12 juillet 2008 En ligne :
http://www.linguistiquefrancaise.org.
4 Parmi les projets phares qui ont fait l’objet d’études, citons, en français, « Le monde de Darwin » :
http://darwin.cyberscol.qc.ca/
5 Apprentissage collaboratif à distance, Presses de
l’Université de Québec, p. 42. Voir aussi Jacques
Crinon, François Mangenot et Patrice Georget,
Communication écrite, collaboration et apprentissages. In D. Legros et J. Crinon, Psychologie des
apprentissages et multimédia, Armand Colin, 2002,
p. 63-83.
6 Comme cela a été mis en évidence, dans une
perspective de sociologie de l’éducation, par les
travaux de l’équipe Escol. Voir Élisabeth Bautier et
Patrick Rayou, Les inégalités d’apprentissage, PUF,
2009.
7 M. Baker, E. de Vries, K. Lund et M. Quignard,
Interactions épistémiques médiatisées par ordinateur : la coélaboration de notions scientifiques. In
C. Daudelin et T. Nault, Collaborer pour apprendre et
faire apprendre, Presses de l’Université de Québec,
2003, p. 121-134.
18
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
2- Écrire en mode collaboratif
Blog, radio, vidéo : tout est bon
pour faire écrire
Christelle Guillot
Le blog, une version moderne de l’imprimerie Freinet ? Des outils
assez simples permettent d’aller même plus loin en créant des montages
sonores ou vidéos de productions d’élèves, avec des effets importants
sur les écrits réalisés en amont.
J
’utilise depuis deux ans les blogs
comme mode de publication avec les
élèves. Au départ, cela m’est apparu
comme le prolongement idéal des textes libres de mes élèves. Le blog était
mon « imprimerie moderne Freinet ».
Au fur et à mesure de ma pratique avec
les élèves, je me suis rendue compte que
la succession de textes libres sur une
page de blog n’incitait pas vraiment à
la lecture. L’internaute est vite découragé devant une page remplie de textes,
comme l’attestent les articles qu’on lit
ici ou là sur cette nouvelle lecture-écran
induite par Internet. Je me suis interrogée sur la nature et la forme des textes que nous publiions sur notre blog
de classe. Cette question de la mise en
forme est d’ailleurs une réflexion intéressante à mener avec des élèves.
Le blog, au départ, est fait pour des textes courts, ce que j’avais un peu oublié.
En outre, ce qui accrochait mon œil de
blogueuse sur les autres blogs de classe
de WebLettres1, c’étaient les textes
avec photos ou bandes-son. Je me suis
donc intéressée à la place de l’écrit dans
notre blog et par conséquent au proces-
sus de création en classe. Je peux dire
maintenant que c’est cette pratique qui
a fait évoluer mon enseignement de
l’écrit. Dorénavant, les écrits de mes
élèves peuvent donner lieu à des films,
des livres audios, des livres numériques facilement publiables en ligne. La
multiplicité des supports est un moyen
d’éviter l’ennui du lecteur, mais aussi
de préserver l’enthousiasme des élèves
dans l’acte d’écriture en variant les étapes et les prolongements. Ainsi, plutôt
faire enregistrer par leurs auteurs euxmêmes ou par leurs camarades. L’idée
de retravailler son texte s’impose puisque l’on va le mettre en voix. Le travail
de réécriture va de soi, prend du sens.
Il n’est pas rare de voir les élèves modifier leur propre texte au fur et à mesure
de leur enregistrement. Ainsi, une élève
de 4e a pris conscience du manque de
ponctuation de son texte en écoutant les
silences sur sa bande-son. Elle a donc
ajouté des points sur sa version écrite,
que l’on garde toujours et qui fait l’objet d’une évaluation au même titre que
l’enregistrement.
Ces lectures de textes sont écoutées
en classe entière, commentées, sélec-
L’idée de retravailler son texte s’impose puisque l’on va
le mettre en voix. Il n’est pas rare de voir les élèves modifier
leur propre texte au fur et à mesure de leur enregistrement.
que de mettre leurs textes les uns à la
suite des autres, on les met en scène et,
du même coup, on leur redonne envie
d’écrire. Voici quelques idées testées en
classe pour exploiter l’écrit autrement,
pour lui donner une autre dimension.
Concevoir un recueil de textes sonores
Une autre façon de donner vie aux textes des élèves est, par exemple, de les
tionnées pour figurer ensuite dans un
recueil sonore mis en ligne sur le blog.
Fabriquer livre audio,
un livre numérique
En 6e, les élèves ont créé un catalogue
d’objets magiques. Les textes écrits sur
papier ont ensuite été enregistrés. Puis
j’ai scanné les textes illustrés et réalisé
un montage sur le logiciel Photorécit2.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
19
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Ainsi, plutôt que de lire les textes des
élèves les uns à la suite des autres, on
peut les voir défiler et les écouter. Ce
montage vidéo donne l’impression de
consulter un livre audio.
D’autres applications existent pour
créer des livres numériques : le logiciel
libre Didapages3 et le site Calaméo4,
plateforme de diffusion de livres numériques sous licence Creative Commons.
Un livre numérique réalisé sur Calaméo
peut aussi être publié sur un blog très
facilement.
Animer une webradio
Quand on enregistre les élèves régulièrement, le projet de mettre en place
une petite radio devient réalisable. Or,
la radio, c’est d’abord de l’écrit, et surtout de l’écrit.
Avec une classe de 4e, nous avons réalisé quelques émissions de radio sur
un projet de développement durable.
Celles-ci sont publiées sur le blog de la
classe, mais aussi sur le site du collège.
À chaque sortie ou rencontre d’intervenants extérieurs, les élèves ont réalisé une prise de son. Ici, la finalité est
encore l’oral, mais l’écrit est une étape
à soigner.
En français, les idées ne manquent pas
pour imaginer des émissions littéraires ou des interviews fictives d’auteurs
célèbres, quand on travaille sur leur biographie par exemple. Travail mené en
classe par binôme : les élèves sont obligés de retravailler la biographie pour en
faire une interview construite. Ils s’approprient ainsi la vie de l’auteur, tout en
la retravaillant par écrit, puis à l’oral. La
production finale reçoit le regard de la
classe entière et peut être mise en ligne
sur le blog.
Exploiter la vidéo
Comme la radio, l’émission de télé doit
aussi donner lieu à une phase d’écrit.
C’est ainsi que l’année dernière, avec
une classe de 6e, nous avons décidé
de créer l’émission littéraire Un livre,
une minute inspirée de l’émission Un
jour, un livre. Les élèves se sont rendu
compte de l’importance de l’écrit pour
parvenir à une émission efficace. Ici, un
simple appareil photo numérique suffit. La contrainte de temps a été posée
par le blog lui-même, qui ne supportait
pas de vidéo de plus de trois minutes.
Les élèves étaient en autonomie lors de
la phase d’enregistrement. Cette activité a été menée pendant un mois par
des élèves en avance sur le travail mené
en classe entière. Je ne l’ai pas retentée
cette année, car le profil de la classe est
20
différent, mais c’est une activité tout à
fait facile à réaliser.
Le projet que je mène actuellement est
la réalisation par des élèves de 3e, pour
leur blog de classe, d’un film documentaire sur Auschwitz où nous sommes allés au mois de janvier. Les élèves,
après avoir vu Nuit et Brouillard d’Alain
Resnais et quelques extraits de Shoah
de Claude Lanzmann, doivent à leur
tour imaginer un film qui rende compte
de ce qu’ils ont vu en Pologne. On sent
déjà des prises de position différentes chez les uns et les autres (prendre
le spectateur par les sentiments ou au
contraire faire preuve de la plus grande
objectivité). Les élèves ont au préalable
écrit et sélectionné les photos soit dans
la banque d’images de la classe, soit sur
le moteur de recherche Search creative
commons qui recense des images, des
vidéos ou des sons libres de droits.
Un autre projet vidéo a été mené en
4e autour des Travailleurs de la mer de
Victor Hugo. Les élèves, après avoir
écrit et enregistré leur résumé, ont
visité le site de la BNF qui propose une
exposition virtuelle autour de l’œuvre
de Victor Hugo. Ils ont alors utilisé les
dessins de l’écrivain pour illustrer leur
résumé.
Ces quelques réalisations permettent
de voir qu’il est possible d’exploiter de
multiples manières les écrits des élèves. L’écrit, grâce au Web, entretient
des relations de plus en plus étroites
avec l’image ou l’audio. Il acquiert ainsi
une nouvelle dimension, intéressante à
exploiter de temps en temps en classe.
Christelle Guillot
Professeure de français au collège
à Guérande (Loire-Atlantique)
1 www.weblettres.net/blogs
2 http://tinyurl.com/photorecit - logiciel gratuit,
mais non libre.
3 www.fruitsdusavoir.org
4 http://fr.calameo.com
Pour fabriquer un livre audio
1. Faire écrire les élèves sur support papier, les faire illustrer chez eux.
2. Avec un micro, les faire enregistrer les textes en salle multimédia sur le logiciel libre Audacity.
3. Scanner les textes.
4. Les intégrer dans le logiciel Photorécit, choisir la transition avec les enregistrements des élèves.
On peut aussi faire enregistrer les élèves directement sur Photorécit. Chacun aurait alors la possibilité
de se créer son propre livre audio.
5. Sur le logiciel gratuit Super, changer le format de la vidéo, la passer en .flv (format vidéo qui passe
le plus facilement sur Internet).
6. Télécharger cette vidéo .flv sur le blog et l’intégrer dans un billet (en copiant/collant le morceau
de code donné par le logiciel).
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
2- Écrire en mode collaboratif
Trois blogs de classe,
trois expériences singulières
Yaël Boublil, Loig Le Brouder, Annie Weinachter
Trois professeurs d’un même collège, de disciplines différentes, racontent
leur expérience avec un blog de classe, avec diverses modalités d’usage
et des bilans contrastés.
– Loig Le Brouder : Tout a commencé l’an dernier quand j’ai conçu un
blog en stage PLC2, sur Scolablog. J’ai
mené ma petite recherche sur Internet
et choisi ce fournisseur parce qu’il était
gratuit et que son interface me paraissait très simple.
J’ai fait signer aux parents une autorisation dont le modèle était proposé
sur Scolablog et j’ai prévenu le principal de la mise en place de ce blog. En
guise de séance de prise en main, j’ai
accueilli les élèves par demi-groupes en
salle informatique sur des heures de vie
de classe. Je leur ai dit que mon objectif
était qu’ils communiquent entre eux et
avec moi, et d’accompagner nos projets
sur l’année. Ils ont été immédiatement
enthousiastes et à l’aise avec l’outil. Je
leur ai d’abord demandé de publier des
articles « coucou » ou « test » pour voir
si tout fonctionnait bien. Ensuite ils
devaient se mettre par groupe de deux
et de rédiger un article sur un sujet de
leur choix.
Par la suite, les élèves se sont connectés
sur le blog en dehors de la salle informatique. Deux d’entre eux seulement
ont eu besoin de recourir au CDI (l’un
n’a pas d’équipement, l’autre a un filtre
parental trop tatillon…). Les autres se
connectent depuis chez eux. J’ai organisé des temps de travail sur le blog à
trois ou quatre reprises en demi-groupes pour les inciter à mettre en ligne
leurs articles. Chaque fois, ils pouvaient
discuter librement de leurs textes et
les mettre en page ensemble. Les articles sont courts et portent sur des sujets
qui leur plaisent : l’actualité (en particulier sportive), la vie de la classe, celle
de l’établissement. J’espérais ainsi lancer une dynamique qui fonctionnerait
ensuite en dehors de la classe et de ma
présence. Pour ma part j’insère des articles sur l’organisation pratique du collège (dossiers et documents à rendre,
devoirs communs, etc.).
La fonction « commentaire » n’existe pas
sur Scolablog, mais les élèves s’autorisent des fils de discussion sauvages en
répondant dans un autre article à un
article précédent. En ce qui concerne la
correction de la langue, je corrige toutes les fautes avant de publier. Le travail
n’est pas trop accablant, car je jette un
coup d’œil très régulièrement pour ne
pas être débordé.
Du point de vue des droits, ils mettent
assez peu d’images, ce qui me permet
de vérifier systématiquement si elles
sont libres de droits. Si ce n’est pas le
cas, je supprime l’image et la remplace
par un lien vers le site sur lequel elle a
été trouvée.
(des 5e) qui m’ont demandé de créer un
blog, une semaine avant la Toussaint.
Après de vains essais, sur les conseils
de Loig, j’ai opté pour Scolablog. Pour
moi, il s’agit d’abord d’un outil de communication avant d’être un projet pédagogique formalisé. J’ai présenté le blog
en classe « ordinaire », comme un bon
moyen de communication entre eux et
moi. Les élèves étaient ravis que je fasse
quelque chose pour eux, rien que pour
eux… Au départ, la plupart s’y connaissaient mieux que moi. Beaucoup ont
Internet à la maison, seuls deux ou
trois sur une classe de vingt-et-un élèves dépendent des ordinateurs du CDI.
J’avais une très vague idée de ce qu’est
un blog. Je les ai laissé publier leurs
premiers articles et j’ai répondu aux
questions qu’ils posaient, en rédigeant
moi-même des articles.
Je n’ai pas réussi à les amener à un usage pleinement autonome
et, à partir du moment où les séances de travail en classe
ont cessé, le blog est peu à peu tombé en déshérence.
J’ai l’impression que le blog a contribué à donner une meilleure atmosphère
dans cette classe agitée. Il a suscité une
collaboration entre les élèves et, pour
certains, a permis de trouver des affinités. Malheureusement, je n’ai pas
réussi à les amener à un usage pleinement autonome et, à partir du moment
où les séances de travail en classe ont
cessé, le blog est peu à peu tombé en
déshérence.
Si c’était à refaire, avec l’expérience de
cette année, je changerais de fournisseur
et d’objectifs. Ce serait davantage mon
blog, j’y proposerais un cahier de textes en ligne, des liens vers des ressources
intéressantes en mathématiques. Enfin,
je créerais des comptes pour tous les
collègues de la classe afin qu’ils puissent
l’utiliser eux aussi. Mais ce ne sera pas
tout de suite, j’ai d’autres projets plus
disciplinaires pour l’année prochaine…
– Annie Weinachter : Ce sont les élèves dont je suis la professeure principale
J’ai eu du mal à m’organiser, même si
j’avais prévu d’utiliser les heures de vie
de classe, en groupe. Le blog a servi à
préparer les sorties pédagogiques et à
rester en contact en janvier quand j’ai
eu un arrêt de deux semaines après un
accident. Il s’organise sous forme de
questions/réponses.
Question orthographe, je suis professeure d’anglais, mais effarée par toutes ces fautes de français et je préfère
ne rien corriger ! On fait de la correspondance, pas du français ! (Sorry…)
Quant aux images, ils n’y ont pas droit !
De toute façon, je vérifie toujours avant
de publier.
Le blog a renforcé la relation de
confiance que nous avions. Les élèves ont senti que j’étais capable de me
mobiliser quitte à prendre des risques,
puisque je manquais de compétences
techniques, pour établir un lien fort
avec eux. La classe s’est bien pacifiée à
cette occasion. Pour la suite, j’ai besoin
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
21
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
qu’on m’explique ce que je pourrais
faire sur le plan de la communication,
mais aussi pour le cours d’anglais.
– Yaël Boublil : J’ai vu que WebLettres
proposait un outil pour créer son blog
et je me suis dit que c’était peut-être
une piste à exploiter pour mes élèves.
Je l’utilise avec mes deux classes de 6e,
celle dont je suis professeur principal
et l’autre. J’inscris également les élèves volontaires des autres classes que la
documentaliste me signale.
Initialement, je pensais en faire un
portfolio pour les travaux des élèves et
mettre en ligne leurs rédactions. Cela
me semblait une bonne stratégie pour
les pousser à corriger leurs textes et à
suivre leur évolution dans les pratiques d’écriture sur l’année. J’espérais
que le fait d’être lus par les autres les
inciterait à soigner davantage leur
production.
J’avais fait signer aux parents en début
d’année une autorisation globale pour
publier les travaux (écrits et oraux) des
élèves sur mon site personnel. Celle-ci
couvrait l’exploitation des textes, des
photos et des vidéos prises lors de travaux en classe. Puis j’ai préparé un
document pour que les élèves puissent
naviguer sur le blog en autonomie, et je
les ai assistés en classe entière en salle
informatique pour leur première utilisation de mon tutoriel et du blog luimême. Je leur ai expliqué qu’il s’agissait
d’un espace de publication de ce qu’ils
écrivaient, qui allait les mettre dans la
situation d’un auteur qui veut toucher
un public.
Ils ont été surpris par l’esthétique très
sobre du blog, qui contrastait fortement
avec ceux auxquels ils étaient habitués.
Du coup, ils ont bien identifié qu’il s’agit
d’un blog de classe et non d’un blog personnel. Ma première consigne était :
« Choisissez-vous un pseudonyme littéraire pour vous identifier sur le site. »
Ensuite je leur ai demandé de rédiger
leur premier article en présentant leurs
gouts littéraires. Certains se sont beaucoup investis dans cet exercice, ce qui a
donné envie aux autres de lire l’ensemble des articles. L’échange ayant été très
positif, j’ai décidé de modifier mon projet pour le recentrer autour de la lecture
cursive.
La plupart des élèves disposent d’une
connexion Internet à la maison (vingt
sur vingt-cinq dans une classe et dixsept sur vingt-trois dans l’autre classe).
Les autres arrivent à se connecter au
CDI, lors de l’aide aux devoirs ou dans
les associations de quartier qui proposent du soutien scolaire.
Je consacre certaines des séances hebdomadaires en salle informatique à la
saisie d’articles préparés à l’avance.
Au début j’ai trois séances consécutives d’une heure, puis une séance d’une
heure par mois. Chaque fois, les élèves ont d’abord lu à la maison le livre
qu’ils souhaitent présenter. S’ils le veulent (et le peuvent), ils ont déjà proposé
un article ou ils profitent de la séance
pour le saisir. Je passe à côté de chacun
et je donne des conseils pour améliorer les articles en particulier du point
de vue orthographique en les invitant
à utiliser des ressources en ligne (dictionnaires, grammaire en ligne, bréviaire d’orthographe…).
Chaque mois, je leur demande de proposer la présentation d’un livre qu’ils
ont aimé, selon une grille de critères que
nous avons élaborée ensemble. C’est un
travail noté de lecture cursive qu’ils
apprécient beaucoup et qu’ils ont voulu
présenter dans le journal du collège.
Les élèves aiment signaler qu’ils ont lu
également les livres présentés. Il a été
nécessaire d’expliquer à l’une des deux
classes un peu trop moqueuse quelques
notions de « netiquette ». Je propose
régulièrement des séances de co-corrections où des binômes reprennent
l’ensemble des textes produits, mais j’ai
été débordée par le nombre d’articles à
corriger et de très, très (trop) nombreuses fautes subsistent. Quant aux images, je n’en autorise l’insertion que si
une légende en précise la source. Dans
le cas d’une image non libre de droits,
je ne valide pas l’article et je demande à
l’élève de la retirer.
Le fait d’être lu, dont ils ont pris
conscience grâce aux commentaires,
a renforcé l’attention des élèves sur la
qualité rédactionnelle et orthographique de leurs présentations. Beaucoup
se sont à cette occasion inscrits au CDI
où la documentaliste les a orientés vers
des ouvrages susceptibles de leur plaire.
Un prêt interne s’est mis en place
dans une des classes où les élèves ont
échangé leurs propres ouvrages entre
eux. Les élèves ont pu valider l’ensemble des items du B2i école (que la plupart n’avaient pas validé) et une bonne
partie de ceux du collège. Ils sont beaucoup plus à l’aise avec l’informatique,
selon mes collègues de technologie qui
ont senti une vraie progression dans ces
deux classes.
L’an prochain, j’aimerais être assez
talentueuse pour créer une charte graphique un peu moins sobre. Je pense
me renseigner sur les outils proposés
par mon académie pour essayer de l’intégrer dans le site du collège et le rendre
plus officiel.
Yaël Boublil
Professeure de français
Loig Le Brouder
Professeur de mathématiques
Annie Weinachter
Professeure d’anglais
En collège dans le XXe arrondissement
de Paris
Le blog de Loig Le Brouder :
c64y.scolablog.net
Le blog de Yaël Boublil : www.weblettres.
net/blogs/?w=En6eaJBC
22
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
2- Écrire en mode collaboratif
Le blog pour réconcilier
avec l’école
Stéphanie de Vanssay
La création d’un blog personnel par des élèves de cycle 3 ayant une
mauvaise maitrise de la langue peut être un support décisif pour
une aide dans le cadre du Rased, conjuguant des progrès à l’écrit et
dans la confiance en soi, ainsi qu’une relation différente à l’enseignant.
D
epuis 2005, j’accompagne dans
la création d’un blog personnel des élèves de cycle 3 rencontrant des difficultés dans la maitrise
de la langue écrite. Il peut s’agir d’élèves non francophones arrivés quelques
années auparavant en France, d’élèves rencontrant des difficultés en production d’écrit (syntaxe, orthographe
grammaticale et lexicale) ou d’élèves
en grande difficulté dans le domaine
de la lecture. Il est hors de question de
reprendre avec eux une méthode de lecture « classique », car ils se sentiraient
traités « comme des petits ».
Une opportunité pour des élèves
en grande difficulté
Quand je travaille avec un petit groupe
d’élèves en difficulté (ou exceptionnellement en individuel), c’est dans le cadre
d’une prise en charge du Rased1 comme
enseignante spécialisée à dominante
pédagogique. Ces interventions se font
à la demande de l’enseignant de la classe,
avec l’accord des parents sur le temps
scolaire. Généralement il s’agit de deux
séances de quarante-cinq minutes par
semaine. Le but de cette aide est de mettre l’élève en confiance, de lui montrer
ce qu’il sait afin qu’il puisse s’appuyer
sur ses compétences pour dépasser ses
difficultés. Pour cela, j’utilise le « détour
pédagogique », c’est-à-dire que je m’appuie sur d’autres supports que ceux de
la classe pour relancer la motivation des
élèves et redonner du sens aux contenus
enseignés. Je suis donc perpétuellement
à la recherche de situations motivantes et
vraies, au sens où ces situations doivent
permettre la mise en œuvre des contenus scolaires, non pour eux-mêmes,
mais parce que les situations l’exigent.
Ceci afin de contourner les obstacles
cognitifs et de faire évoluer les représentations « bloquantes » des élèves.
L’utilisation de l’ordinateur renforce
leur motivation et change du travail
habituel de la classe. Ils ont en effet
appris à utiliser un traitement de texte
à l’école et, au mieux, ont eu quelques
séances nécessitant de faire des recherches sur Internet. De plus, dans le
cadre du très petit groupe (deux élèves)
et plus encore d’une prise en charge
individuelle, l’ordinateur sert de tiers
dans la relation pédagogique et allège le
poids du tête-à-tête élève/enseignant
qui peut être difficile à supporter pour
des élèves déjà fragilisés.
À chacun son blog
Dans un premier temps, je montre
aux élèves quelques blogs traitant d’un
thème, dont ceux faits précédemment
par mes élèves, comme celui de Tiger
sur Dragon Ball2, celui de Maria sur le
foot3 ou celui de Valentin sur Naruto4.
Ils sont généralement fort impressionnés de découvrir que tel blog a été
fait par un élève ou un ancien élève de
Il faut ensuite créer une adresse électronique pour chaque élève, avant l’étape
de la création du blog proprement dit.
Pour cela je fournis aux élèves un mode
d’emploi que j’ai rédigé afin qu’ils puissent être en vraie situation de « lire pour
faire », ce qui n’empêche pas l’accompagnement de l’adulte, car les élèves de
primaire sont peu familiers des formulaires à remplir en ligne.
Une fois que le blog est créé, il est
important que l’élève se l’approprie en
rédigeant une présentation ou son premier article, toujours guidé par un « pasà-pas » écrit qui lui permet d’ajouter le
texte et l’illustration qu’il a choisie. Un
document intitulé « Comment mettre
une image sur un blog » a été rédigé par
mes deux premiers élèves blogueurs
Tiger et Maria.
Bien sûr j’ai veillé à quelques points
importants :
– ne pas mettre le nom de l’enfant, seulement son prénom,
– ne citer ni le nom de l’école, ni celui
de la ville,
Ils sont généralement fort impressionnés de découvrir
que tel blog a été fait par un élève ou un ancien élève de l’école
qu’ils connaissent.
l’école qu’ils connaissent. Je glisse aussi
parmi les blogs à visiter un des miens5,
et découvrir que la maitresse aussi a un
blog ne manque pas de les surprendre !
Après avoir échangé sur ces blogs, je
leur propose de choisir un thème pour
en fabriquer un à leur tour. Pour les y
aider, j’ai fait un petit questionnaire6 sur
leurs centres d’intérêt (ce qu’ils aiment
faire, leurs sujets de discussion favoris…) qu’ils remplissent tout en échangeant entre eux et avec moi autour de ce
qui les intéresse. Il s’agit d’aider chaque
élève à choisir un sujet qu’il aime, qu’il
connaisse, qu’il a envie de partager avec
d’autres. Il est essentiel que le thème
choisi lui tienne à cœur, peu importe
qu’il plaise ou non à l’enseignant !
– ne mettre aucune photo d’élève,
– mettre en place une modération des
commentaires passant par mon adresse
électronique,
– et bien entendu veiller au contenu
publié.
Un support pour un accompagnement
personnalisé
J’accompagne chaque élève en fonction de ses difficultés particulières : certains écrivent, puis nous corrigeons
ensemble l’orthographe et la syntaxe ;
d’autres ont besoin d’aide pour formuler leurs idées d’abord à l’oral avant
de passer à l’écrit ; d’autres ont besoin
d’aide pour encoder. Je leur laisse un
maximum d’initiative et tente de leur
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
23
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
proposer un étayage sur mesure. Une
fois l’activité lancée, les choses s’enchainent, l’élève continue, complète,
enrichit, explique. Il répond aux éventuels commentaires de son enseignant
de classe, d’autres élèves ou d’inconnus.
En cours de travail, l’utilisation d’Internet vient logiquement au secours de
l’élève qui recherche un élément qui lui
manque, qui veut vérifier une information, trouver une image adaptée à son
propos. C’est une excellente occasion
d’utiliser en situation réelle la recherche sur Internet, d’apprendre à utiliser
un moteur de recherche, déterminer
les mots clés pertinents. Les élèves
ont aussi recours à d’autres supports
pour rédiger leurs articles : livres documentaires, bandes dessinées, images
du héros choisi, revues. Depuis cette
année, j’utilise aussi l’excellent ouvrage
d’Astrid de Roquemaurel Mais non, je
blogue ! 7 au fur et à mesure des besoins.
ment dénié à l’élève, dont on attend qu’il
soit plutôt un consommateur déférent du
savoir, au bout de la chaine de transposition didactique 8. » Cette activité de création d’un blog personnel donne une
merveilleuse occasion de placer l’élève
dans une position différente, ce qui est
particulièrement précieux dans le cas
d’élèves en difficulté ayant très souvent
une image dévalorisée d’eux-mêmes.
En effet, dans la situation ainsi proposée
il y a d’une certaine manière un « renversement des rôles » : l’élève devient
l’expert, celui qui connait son sujet et
l’enseignant prend la position du « candide » qui pose des questions, demande
des éclaircissements. Mettre dans cette
position un élève en difficulté est particulièrement intéressant pour restaurer
son estime de soi et sa confiance en lui.
Les interactions enseignant-élève se
déroulent dans les deux sens où « celui
qui sait » n’est pas toujours le même.
Le blog est une occasion pour l’élève en
difficulté de produire quelque chose de
valorisant permettant de retrouver de
la confiance en soi. Il permet à l’élève
de s’exprimer sur un sujet qui lui tient à
cœur, de créer un lien entre son « monde
personnel » et ce qu’il apprend à l’école,
ce qui lui donne une occasion de s’investir davantage comme « personne » et
non seulement comme « élève ».
Stéphanie de Vanssay
Enseignante spécialisée à dominante
pédagogique en RRS (Réseau de réussite
scolaire) dans les Hauts-de-Seine
L’enseignant se met en quelque sorte au service de l’élève, de
l’auteur, l’aidant à préciser sa pensée et à la mettre en forme.
Ce livre, adapté aux enfants et joliment
illustré, est une mine d’informations
sur la création et la gestion d’un blog, le
respect de la Netiquette.
Non seulement les élèves sont amenés à produire de l’écrit, mais aussi à
en lire. Ils travaillent la lecture ciblée
sur un but précis, font des synthèses,
des reformulations de choses lues sur
Internet ou ailleurs. On n’imagine pas,
avant de se lancer dans ce travail, tout ce
qu’il permet de faire travailler aux élèves, qui en plus le font volontiers, car
ils savent dans quel but ils fournissent
ce travail.
Une nouvelle posture
pour l’enseignant
Je crains, hélas, que beaucoup d’élèves en difficulté aient le sentiment,
comme le dit le sociologue Philippe
Perrenoud, qu’« à l’école, on apprend que
le savoir est une ressource pour exercer le
pouvoir, pour “river son clou à l’autre”,
de dire “c’est comme ça parce que je sais”.
L’asymétrie du rapport entre le maitre et l’élève condamne ce dernier, pendant neuf ou quinze ans de sa vie, à être
privé de parole devant quelqu’un qui parle
“parce qu’il sait”. À l’école obligatoire,
on est constamment dans une situation de
violence symbolique, la connaissance est
présentée comme finie, sure, incontestable et comme venant d’ailleurs. Le statut
de constructeur de savoir est assez large24
Il s’agit de l’élève quand il élabore le
contenu de ce qu’il veut communiquer,
et du maitre quand il s’agit de vérifier
la cohérence, de respecter la syntaxe,
l’orthographe et d’utiliser l’interface
d’édition. L’enseignant se met alors en
quelque sorte au service de l’élève, de
l’auteur, l’aidant à préciser sa pensée et
à la mettre en forme. Comme le dit le
Groupe d’aide à l’utilisation de logiciels
éducatifs, l’usage de l’ordinateur permet de « passer du “face à face” au “côte à
côte”, de passer de ce que les élèves présentent souvent comme un “conflit rituel” à de
la complicité maitre-élève… 9 »
Dans cette situation c’est l’enseignant
qui accompagne l’élève dans la réalisation de son projet. L’élève est associé à l’élaboration de ses savoirs, même
si c’est l’enseignant qui propose le projet, car, pour que l’élève adhère, il va lui
laisser une part d’initiative, un espace
de liberté, des décisions à prendre.
L’élève peut déterminer le thème qu’il
veut traiter, comment il va le traiter, et
aussi certains aspects de la forme : type
de textes, habillage du blog et choix des
illustrations. L’élève progresse dans sa
maitrise de la langue parce qu’il en a
besoin pour mener à bien son projet de
blog, parce qu’il veut communiquer sur
un sujet qui lui tient à cœur et qu’il tient
à sa mise en valeur : il veut être compris,
présenter un texte sans faute et impeccablement mis en forme.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
Les adresses Internet complètes des
articles référencés sont indiquées sur la
page de notre site présentant ce dossier
« Le Web 2.0 et l’école ».
1 Réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté,
composé d’enseignants spécialisés intervenant
dans les écoles maternelles et élémentaires.
2 dragonballgt12.blogspot.com
3 mariaaimelefoot.blogspot.com
4 naruto92290.blogspot.com
5 Situations motivantes, lewebpedagogique.com/
devanssay et Aventures mathématiques, aventuresmathematiques.blogspot.com
6 Vous trouverez sur mon blog Situations motivantes des liens vers tous les documents utilisés
(rubrique Français puis Cycle 3).
7 Astrid de Roquemaurel, Mais non, je blogue !,
Milan jeunesse, 2008.
8 Philippe Perrenoud, Métier d’élève et sens du
travail scolaire, ESF, 1994, page 156.
9 Groupe Gaulé (1994). L’ordinateur, les lettres et les
sciences humaines – 2e partie : l’élève et l’ordinateur.
N° 76 de la Revue de l’EPI (Enseignement Public et
Informatique), 1994, pp. 77-95.
2- Écrire en mode collaboratif
Un wiki pour mutualiser les écrits
Hervé Muller
Dans le cadre d’une consigne commune d’écriture, les wikis permettent
de façon commode de donner accès aux textes de tous pour que chacun
améliore sa production.
A
u cours d’un travail dans une
classe de CM1, nous avons
voulu observer la progression
dans l’écriture et la révision de textes
écrits avec un wiki. Nous avons utilisé
le wiki d’une façon un peu détournée ;
il ne s’agissait pas de créer un texte unique par un travail collaboratif, ce qui
est le principe originel de fonctionnement de cet outil, mais plutôt de mettre
en commun le savoir-faire et les idées
de tous pour que chacun puisse aller
plus loin dans l’écriture de son propre texte. Nous avons fait l’hypothèse
qu’en ayant la possibilité de consulter
les productions de leurs camarades sur
le wiki, les élèves sauraient en extraire
des informations pertinentes de tous
ordres et les intégrer à leur propre texte
pour l’améliorer. Ces informations peuvent se rattacher au fond ou à la forme :
un élément de récit, une formulation
codifiée (« et la chevillette cherra »), une
forme syntaxique… Les élèves apprennent de leurs pairs et pas uniquement
de l’enseignant.
Allers et retours entre son texte
et celui des autres
Nous avons demandé aux élèves d’écrire
un texte « à la manière de ». Il s’agissait
d’imaginer un épisode appartenant à
pages des autres élèves. La quatrième
séance avait pour but la révision de l’orthographe et de la ponctuation.
une histoire dont la structure narrative
est récurrente. Nous sommes partis
d’un album d’Arnold Lobel, Le magicien des couleurs, dans lequel un magicien invente successivement les trois
couleurs primaires et repeint le monde.
Chacun de ces épisodes est écrit sur le
même modèle, tant du point de vue de
la succession des actions que des phrases qui le composent. Le maitre a lu oralement l’histoire en occultant l’épisode
« rouge », que les élèves devaient écrire
en reprenant la structure des épisodes
précédents.
Pendant la première séance, chaque
élève a écrit son « épisode rouge » sur
sa propre page sans confrontation avec
les productions des autres. La seconde
séance a commencé par la lecture individuelle sur le wiki d’un extrait du texte
d’Arnold Lobel qui a ensuite été effacé.
Puis les élèves ont été invités à compléter leur texte. Pour finir, il leur a été
demandé une lecture critique des textes des autres. Au cours de la troisième
séance, ils lisaient d’abord les textes de
leurs camarades pour repérer des éléments qui leur auraient échappé, puis
retravaillaient leur propre texte. Ils
avaient cette fois la possibilité de revenir autant qu’ils le souhaitaient sur les
Des améliorations surtout de forme
La possibilité de reprendre des éléments de récit vus ailleurs va dans le
sens d’une amélioration et d’une uniformisation des productions : une
majorité des élèves trient efficacement
dans les productions de leurs camarades pour s’approprier ce qui complètera
leur propre travail. Le bénéfice a été
d’autant plus important qu’ils avaient
un bon niveau de compréhension en
lecture. Deux élèves, dont le texte était
très abouti, ont introduit peu de modifications. À l’inverse, l’incapacité à repérer les informations pertinentes ou à
les intégrer de manière logique a révélé
chez certains des difficultés qui ont fait
l’objet d’un travail ultérieur. D’après
ce que nous avons pu observer, l’effet
modélisant de cette démarche pédagogique est plus sensible sur la forme que
sur le fond, car des élèves reprennent
chez leurs camarades des formulations
syntaxiques ou des formulations typiques, mais conservent leurs idées originales. Par exemple, peindre en rouge
« les vaches et les écureuils », emprunté
à Lobel, a été repris par des élèves après
avoir consulté les textes de leurs camarades : on le retrouve dans plus de la moitié des textes après la troisième séance.
Mais ce qui rend le « monde en rouge »
Un exemple de production : le texte de Miguel à chacune des étapes du travail
(en gras les éléments modifiés1)
Séance 1
le magicien descendit donc en trébuchant l’escalier de sa cave puis
il mijotat un peut de cessi un peut de cella et au fond de sa marmite
il trouve une couleure il l’appela rouge. Les voisin dit q’est que c’est ?
C’est du rouge répond le magicien.
Séance 2 (après une lecture individuelle du texte de Lobel)
le magicien descendit donc en trébuchant l’escalier de sa cave puis
il mijotat un peut de cessi un peut de cella et au fond de sa marmite
il trouve une couleure il l’appela rouge. Les voisin dit q’est que c’est ?
C’est du rouge répond le magicien. Le magicien leur demande si il s’en
veule ? Les voisin lui réponde oui. Lui dise que le rouge n’est pas si
merveilleux
Commentaire d’un autre élève : sa ne veut rien dire
Séance 3 (après avoir lu les textes des camarades)
le magicien descendit donc en trébuchant l’escalier de sa cave puis
il mijotat un peut de cessi un peut de cella et au fond de sa marmite
il trouve une couleure il l’appela rouge. Les voisin dit q’est que c’est ?
C’est du rouge répond le magicien. Le magicien leur demande si il s’en
veule ? Les voisin lui réponde oui. les personnes peigne tout en rouge.
Les vaches les écureuils. Mes tous ce rouge se n’étter pas ci merveilleux sa faisai mal a la tête.
Séance 4 (orthographe et ponctuation)
Le magicien descendit donc en trébuchant l’escalier de sa cave puis il
mijotat un peut de cessi un peut de rien de celas et au fond de sa marmite il trouva une couleure. Il l’appela rouge. Les voisins dit q’est que
c’est ? C’est du rouge répond le magicien. Le magicien leur demande si
ils s’en veulent ? Les voisins lui réponde oui. les personnes peigne tout
en rouge. Les vaches les écureuils. Mes tous ce rouge se n’étter pas ci
merveilleux sa faisai mal a la tête.
1 L’orthographe et la ponctuation de l’élève ont été conservées.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
25
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
insupportable était divers et l’est resté :
« Il trouve cette couleur terible. Moi aussi
je la trouve ignoble ; tout le monde croiai
qu’il allait avoir la fin du monde ; Les gens
avait l impression qu-il y avait du sang.
Les enfant pleurait même les parent pleurait et méme moi… »
Cette uniformisation de la forme va dans
le sens de la consigne puisqu’il s’agissait d’écrire « à la manière de ». Il semble aussi que des élèves peuvent trouver
dans d’autres textes une amorce qu’ils
vont ensuite développer à leur façon.
Un bilan à confirmer
Nous avons aussi demandé à chacun de
rédiger un court commentaire en forme
de critique positive ou négative sur le
texte d’un camarade. Les élèves n’ont
pas hésité à ajouter leurs remarques,
favorables ou négatives. Mais beaucoup
n’étaient pas pertinentes (jugement
global sans justification, propositions
orthographiques erronées…), et on
peut se poser la question de l’intérêt
pédagogique de ce procédé, du moins
s’il n’est pas l’objet d’une préparation
spécifique.
Autre entrée qui intéresse directement
l’enseignant : la possibilité de reconstituer l’historique de la production du
texte. Les différentes versions étant
archivées à mesure de leur écriture, il
est possible de reconstituer l’évolution du travail. L’enseignant peut aussi
intervenir sur le wiki pour donner des
consignes individualisées.
Sur ces quelques séances, le bilan est
nuancé : l’utilisation de la machine est
dans un premier temps une contrainte
qui nécessite de prendre le temps…
Mais au final, la qualité des productions est relativement homogène : on
peut espérer qu’il y a eu un transfert de
compétences entre élèves (ce qu’il faudra vérifier). De fait, la confrontation
avec les textes des autres a entrainé les
élèves dans une réflexion sur leur propre travail.
D’autres projets d’écriture peuvent
utiliser les wikis. Les récits écrits à plusieurs mains semblent tout indiqués :
écriture de feuilleton par plusieurs classes, chacune étant responsable d’un ou
deux chapitres, écriture d’un conte par
un groupe d’élèves, etc.
Hervé Muller
Formateur Tice en Seine-Saint-Denis
Internet forme, l’éducation
se transforme
Mario Asselin
À travers des dispositifs comme le courrier électronique, les messages
textes, les blogs, les wikis, les réseaux sociaux et le chat, les jeunes
d’aujourd’hui occupent l’espace public différemment de leurs ainés au
même âge. Les apprentissages sont-ils toujours au rendez-vous ?
L
a capacité des apprenants à
devenir eux-mêmes des producteurs de contenu – à diffuser tout genre de textes/sons/images/
vidéos sans intermédiaire et sans
connaitre les langages de programmation – contribue à résoudre l’équation
de l’accès aux connaissances dans un
mode distribué1. Connecter, échanger
et contribuer, devenir plus responsables de ses apprentissages, voilà l’essentiel des ingrédients de ce mode plus
collaboratif, d’où l’utilisation du terme
« Web 2.0 » pour désigner cet Internet
devenu bidirectionnel.
La publication à portée de tous
Chris Anderson1 a bien expliqué comment le marché quasi monopolistique des gros producteurs traditionnels
s’est fait rattraper, voire dépasser, par
26
une multitude de petits producteurs ou
de relayeurs de contenu. L’économie
de la connaissance s’en trouve radicalement transformée quand on applique ce raisonnement à l’éducation :
les réseaux prennent maintenant toute
leur importance et les grands relayeurs,
les enseignants, n’ont plus le monopole
de la transmission. « L’apprenant 2.0 »
ne se limite pas à utiliser Internet pour
consulter des pages Web ; s’il a commencé par échanger du courriel et des
messages textes, il exploite maintenant
les possibilités qu’offre le « World Wide
Web » dans les deux sens, consultation
et diffusion. Celui qui fait quelques
apprentissages peut immédiatement
reproduire ce qu’il veut diffuser et l’offrir directement à un réseau d’internautes, après l’avoir modifié – adapté
– ou non.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
Que les adultes formateurs le veuillent
ou non, cette prise de parole s’exerce.
Depuis qu’il n’est plus nécessaire de
convaincre un éditeur pour produire
et diffuser de la musique, des images
ou du texte, ni de connaitre les langages de programmation pour publier
du contenu (quelle que soit sa qualité)
dans le « réseau des réseaux », les apprenants ont massivement investi Internet
pour s’exprimer. Mais une question se
pose : les situations d’écriture dans le
Web participatif favorisent-elles autant
d’apprentissages pour les élèves ?
Des apprentissages motivés par la
quête d’identité
Je suis de ceux qui croient que la pratique carnetière (l’utilisation des blogs)
et les autres formes de publication web
participent au repérage et à la construction d’une identité numérique de plus
en plus affirmée. Celle-ci est au cœur
des enjeux de formation d’un adolescent, et c’est pourquoi les dispositifs qui
permettent aux utilisateurs d’Internet
2- Écrire en mode collaboratif
de générer du contenu agissent tels des
leviers qui motivent les apprenants dans
de multiples domaines d’apprentissage.
Si apprendre est un acte social, apprendre par le Web l’est d’autant plus, et le
Web procure à chacun le moyen de ses
ambitions !
Dans un récent sondage administré à ses cinquante-six élèves âgés de
quatorze ou quinze ans, le professeur
Martin Bélanger dont l’école utilise les
blogs depuis quelques années dans un
contexte d’apprentissage scolaire rapporte3 les constats suivants :
• 93 % des élèves affirment que bloguer
est une excellente façon de s’exercer à
mieux écrire.
• 93 % des élèves affirment que le blog
est un outil technologique qui aide à
apprendre.
Pour ce qui est des sites de réseaux
sociaux ou ceux qui permettent de
partager différents formats de fichiers
(photos, vidéos, etc.), ils permettent
surtout d’échanger avec des personnes qu’on aura triées sur le volet (nos
contacts). Les expériences en contexte
d’apprentissage commencent à poindre et bousculent déjà l’encadrement
des collectivités, plus portées, souvent, à interdire l’accès à ces sites que
d’en favoriser l’utilisation4. Même en
ce qui concerne la présence des téléphones portables, on est de plus en plus
On peut dire que beaucoup de données et d’informations
circulent sur Internet, mais y a-t-il autant de savoirs
qu’on le pense ?
• 100 % des élèves admettent faire des
efforts pour mieux écrire dans les billets
qu’ils bloguent que dans leurs travaux
scolaires.
• 64 % des élèves disent faire des efforts
supplémentaires dans leurs travaux
scolaires, car ils savent qu’ils pourront
éventuellement les bloguer.
• 76 % des élèves soutiennent qu’un
blog est un bon support à la métacognition, c’est-à-dire qu’il permet de
garder des traces des apprentissages et
qu’il aide les élèves à nommer leurs forces et leurs faiblesses afin de s’améliorer
éventuellement.
porté à croire qu’il convient de les utiliser enfin comme des « machines pour
apprendre » plutôt que de les considérer
« comme des outils de distraction5 ».
Les blogs pour mieux écrire
Les pressions que subit l’éducation
sont énormes dans ce contexte où il
est devenu plus facile de produire du
contenu numérique, de le diffuser sur le
Web et de contribuer ainsi, de façon originale et performante, à sa formation.
Ceci mérite d’être regardé de plus près.
On peut prendre l’exemple d’une école
qui tient un site Web de classe sous
forme de blog sur lequel l’enseignant
publie ses consignes et le contenu des
exercices à faire. Dans certaines écoles,
on va jusqu’à fournir à chaque élève un
site du même genre, un blog, où il publie
ses travaux et ses réflexions. Les parents,
les copains ou le professeur utilisent
l’espace prévu pour les commentaires
pour échanger sur les apprentissages
réalisés, en public. S’y ajoutent les internautes qui surgissent au hasard d’un
lien fourni par un moteur de recherche
qui a indexé le contenu produit par l’apprenant. N’est-ce pas motivant de faire
son travail pour tout un groupe de personnes plutôt que pour un enseignant,
seulement ?
Du point de vue pédagogique, à l’école
que je dirigeais encore en 2002, l’Institut St-Joseph, nous étions convaincus
que les « traces d’apprentissage » étaient
très importantes, et que pour bien évaluer les apprentissages, il ne fallait pas
se préoccuper seulement du résultat,
mais aussi du processus. Nous utilisions des « cahiers de traces » (portfolios) où celles-ci sont commentées,
objectivées, et sélectionnées – avec des
« coups de cœur », des « défis », etc. Nous
nous sommes demandé comment remplacer ces portfolios imprimés par un
dispositif numérique qui présenterait notamment l’avantage d’être facilement consultable, à l’école ou à la
maison. Ainsi est née notre première
« ferme de blogs ». Au bout d’une année
d’expérimentation, nos élèves lisaient
et écrivaient beaucoup plus et beaucoup mieux.
J’ai déjà eu l’occasion de mettre en évidence6 une forme de désinhibition
(notamment du côté des garçons, qui
ont souvent des difficultés à « se mettre en mots » et à parler de leurs émotions) qui les aidait à mieux intervenir
et à exprimer leurs points de vue, ou à
poser leurs questions. Certains affirmaient que pour la première fois, ils
pouvaient dire des choses sans être
interrompus… Les professeurs ont vite
remarqué l’instauration d’un nouveau
rapport, plus égalitaire, dans la classe –
les élèves les plus lents s’enhardissant.
La relation au clavier semblait modifier la donne ; quand ils écrivent avec un
crayon, m’ont souvent dit les élèves, ils
doivent faire très attention, car chaque
erreur coute cher. Ils sont obligés d’effacer, ce n’est pas propre… Leurs idées
sortent plus vite que le temps qu’il leur
faut pour les écrire. Sur le clavier, ils ont
moins à faire attention : ils sont portés
à tout écrire d’un coup, et à y revenir
après.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
27
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
D’autres outils que le blog
Le blog n’est pas le seul dispositif qui
semble favoriser des apprentissages.
Par exemple, sur Twitter, une enseignante de lettres-histoire géo et ECJS
en lycée professionnel documente
presque au jour le jour son expérience
pédagogique avec une classe de terminale bac pro commerce7. Elle achemine
certaines consignes en 140 caractères,
maximum, pour produire du contenu
ou hyperlier vers une ressource. Cette
dernière affirme « précéder ses élèves
d’un petit mois dans sa connaissance
de Twitter », mais ça ne l’empêche pas
d’apprécier beaucoup ce « moyen différent et plus conforme à [s]es attentes pour valoriser le potentiel de cette
classe ». Elle les encourage à lire et à
écrire, surtout… elle encourage chacun
à échanger des points de vue divergents
et à se donner beaucoup de feedback.
Quand on connait l’importance des
feedbacks pour l’amélioration de l’écriture, en particulier, on comprend vite
tous les avantages qu’en retirent les
apprenants liés à l’abondance de cette
attention. À condition, bien entendu
que ces rétroactions mènent vers l’acquisition de connaissances et portent
vers la compétence.
Données, informations, connaissances,
compétences
On entend souvent dire que c’est en
écrivant qu’on devient écrivain et que
c’est en lisant qu’on devient lecteur,
mais pour devenir « compétent » en
ces domaines, il faut plus que la simple pratique répétitive. Développer
les « savoir agir » à partir de ce que l’on
sait exige de nombreuses occasions de
recevoir du feedback. Les rétroactions
permettent d’attirer l’attention sur les
erreurs autant que sur les réussites. Ici
encore, répartir sur la communauté
« la charge » de ces rétroactions permet d’en donner suffisamment pour
encourager l’amélioration et la persévérance. L’enseignant qui encourage la
production, s’il est seul à rétroagir, ne
se condamne-t-il pas lui-même à crouler sous la tâche ?Voilà pourquoi les dispositifs comme les blogs ou Twitter et
Facebook peuvent être envisagés, à certaines conditions, comme des outils
multipliant les occasions d’apprendre.
On peut dire que beaucoup de données
et d’informations circulent sur Internet,
mais y a-t-il autant de savoirs qu’on le
pense ? S’il arrive souvent que les correcteurs orthographiques obligent les
jeunes à penser, il faut admettre que les
apprenants sont souvent à la recherche
28
« Si on fait des fautes, Google ne nous trouvera jamais ! »
Je ne comprenais pas pourquoi les élèves utilisant un blog ne faisaient jamais de faute d’orthographe dans leurs titres, très peu dans leurs billets, alors que dans leurs commentaires,
c’était horrible. Quand je posais la question, ils avaient tendance à répondre, comme une
évidence : « Si on fait des fautes, Google ne nous trouvera jamais ! » Ces élèves avaient une
connaissance intuitive des algorithmes qui sous-tendent le fonctionnement des moteurs de
recherche et s’y étaient parfaitement adaptés. Tous les éducateurs le pressentent : le levier
principal de développement de l’individu, c’est la quête d’identité. Or, les réseaux sociaux
répondent parfaitement à cette quête… « J’existe, et je sais que j’existe dans la mesure où
j’obtiens un écho fréquent de mon existence. Savoir que je suis important pour quelqu’un,
plusieurs fois dans la même journée, me construit. »
Parce qu’ils voulaient être fiers de l’image qu’ils projetaient sur leur site Web personnel, ils
apprenaient à affiner les stratégies de vérification de leurs textes et étaient beaucoup plus
soucieux d’apprendre les règles de grammaire. Pour commenter de façon plus pertinente, ils
apprenaient à bien décoder les intentions d’écriture de ceux qui commentaient leurs billets.
Motivés à mieux argumenter, les élèves lisaient avec plus d’attention puisqu’une réponse bien
envoyée leur assurait d’autres commentaires et ainsi… plus de notoriété. L’écriture et la lecture ainsi placées dans des contextes signifiants pour chacun devenaient des activités motivantes. Ils étaient portés à s’améliorer pour être reconnus comme de bons lecteurs et de bons
auteurs. Ils comprenaient davantage que c’est par la répétition et le raffinement de leur processus de lecture et d’écriture qu’ils arriveraient à atteindre des hauts standards de réussite.
des solutions faciles sur le Web ou dans
les technologies de la communication et
de l’information.
Le rôle central joué par les moteurs de
recherche est au cœur de la dynamique
qui préside à la construction de l’identité
numérique. Avez-vous déjà « Googlisé »
quelqu’un, tapé son nom dans le célèbre moteur de recherche ? Les jeunes
ne laissent pas Google (ni aucun autre
moteur de recherche, YouTube étant le
plus populaire auprès des 12 à 17 ans8)
décider à leur place de l’image qui pourrait émerger d’une requête portant leur
nom. Ils connaissent le fonctionnement
de ces moteurs de recherche et en tiennent compte dans leurs publications, en
utilisant les mots-clefs dans les titres de
leurs billets, dans les tags des photos.
Entouré de gens qui sont là pour
apprendre, muni de l’accès à de nombreux dispositifs de production de
contenu et en contact constant avec des
moteurs de recherche qui offrent des
« réponses » à toutes ses questions au
moment où elles surviennent, l’apprenant n’en possède souvent pas les clefs
de lecture. Données, informations et
opinions ne veulent pas dire connaissances. Pas étonnant que nous restions
vigilants à ce qu’il exerce son jugement
critique !
L’expertise indispensable
de l’enseignant
Si l’enseignant demeure une voie
importante de diffusion du savoir et
si son expertise demeure essentielle
pour contextualiser tout ce qui circule directement vers les apprenants,
les autres canaux sont accessibles et il
n’est plus possible pour un pourvoyeur
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
de connaissances de faire comme s’ils
n’existaient pas. Un enseignant voulant absolument que tout passe par lui
va droit dans le mur, alors que les dispositifs de production de contenu et les
rétroactions qu’elles permettent offrent
à l’apprenant de grandes possibilités
d’apprentissages.
Mario Asselin
Directeur général de Opossum
Les adresses Internet complètes des
articles référencés sont indiquées sur la
page de notre site présentant ce dossier
Le Web 2.0 à l’école.
1 C’est-à-dire dans lequel la production de contenu
est déconcentrée et la responsabilité distribuée.
2 Chris Anderson, longtail.typepad.com
3 Martin Bélanger, Ce que mes élèves pensent des
TIC, cogitoergoblogo.wordpress.com
4 Sur ce sujet, un de mes billets sur Mario tout de
go a fait l’objet de beaucoup de discussions… Ma
C.S. bloque l’accès aux sites Internet du Web participatif : cinq façons de les convaincre de se montrer
plus responsable, carnets.opossum.ca
5 Hervé Guillaud, Vers la richesse des réseaux, www.
internetactu.net
6 L’intégrale de l’entrevue constitue un article dans
un livre souvenir qui traite de l’initiative du Conseil
général des Landes « Un collégien, un ordinateur
portable » ; elle peut être consultée sur le blog
carnets.opossum.ca
7 frompennylane.blogspace.fr, lire aussi p. 29.
8 Selon la dernière enquête du Céfrio : Réjean Roy
Génération C : Les 12-24 ans – Moteurs de transformation des organisations, 2009, disponible sur
www.cefrio.qc.ca
2- Écrire en mode collaboratif
3- Des outils divers : microblogging , podcast,
réseau social
« Tweeter » en classe, au CDI,
en conseil de classe, en stage…
Laurence Juin
Développer une communauté d’apprentissage au sein d’une classe,
un idéal d’enseignant ? La concision des messages du « microblogging »
peut être un atout dans les échanges entre professeurs et élèves,
en favorisant la circulation des informations.
U
tiliser Twitter est une expérience que je mène au jour le
jour avec une classe de bac pro
commerce que je suis pendant deux ans.
À la fin de leur année de 1re, nous avons
commencé à échanger via Facebook. J’y
ai vu la possibilité de transmettre des
informations complémentaires à la vie
de classe et à mes cours. Mais les limites ont été vite atteintes : Facebook fait
rapidement sortir du cadre pédagogique pour toucher la sphère privée.
Twitter m’a semblé être l’outil idéal
pour poursuivre ces échanges. C’est un
service web de microblogging avec des
fonctionnalités de réseau social. Sa spécificité, qui fait aussi sa force, est que
les messages (les « tweets », c’est-à-dire
« gazouillis ») ne peuvent contenir plus
de 140 caractères : des messages concis,
simplifiés, qui peuvent être lus rapidement, éventuellement complétés par
des liens hypertextes. À la différence
de Facebook ou d’un blog, on ne peut
ajouter de commentaires au message
rédigé. Utiliser Twitter ne nécessite pas
des pratiques informatiques complexes.
Seule fantaisie, on peut joindre des liens
hypertextes vers des sites, des photos,
qu’un élève ou un enseignant « tweete »,
tous les élèves et les professeurs abonnés ont le message.
des vidéos. Twitter est une tribune de
notre propre activité, qui permet aussi
de suivre en temps réel l’activité des
autres personnes dont on reçoit les messages. On se crée ainsi au fur et à mesure
un réseau d’individus dont on suit les
activités (nos « abonnements »), et qui
suivent la nôtre (les « abonnés »).
Sauf à protéger son compte, Twitter est
une interface publique : tout le monde
peut nous lire et on peut lire tout le
monde. Mais n’apparaissent dans notre
liste des tweets que les actualités de nos
« abonnements », de notre propre réseau
librement choisi.
Je teste donc les utilisations et applications possibles, en complément de mes
outils pédagogiques habituels. Aucun
de mes élèves ne connaissait ni ne pratiquait Twitter, mais ils ont été curieux
de découvrir et pratiquer ce service. J’ai
créé un compte Twitter spécifique
pour la classe, @laderniereannee, et j’ai
demandé à chaque élève de la classe,
ainsi qu’aux enseignants intéressés de
se créer un compte, puis de s’abonner
à tous ceux de la communauté-classe.
Ainsi, le réseau est formé : à chaque fois
En classe, apprendre à synthétiser
et à travailler ensemble
Twitter est utilisé pour favoriser l’interactivité dans certains cours. Je mets
les élèves en situation de veille sur des
recherches documentaires au CDI, sur
des présentations orales de leurs camarades, lors de conférences, lorsqu’ils
regardent une vidéo, en leur demandant de relever l’essentiel ou de communiquer leurs réactions. Ils travaillent
donc la prise de notes : sur Twitter, la
production d’écrit doit être synthétique
puisqu’on ne dispose que de 140 caractères. Je demande que chaque tweet respecte les règles de communication, de
grammaire, de syntaxe et d’orthographe, comme pour une production classique en cours de français. Le niveau de
langue doit être courant et je n’accepte
que les abréviations classiques : le langage SMS est proscrit. Chacun doit
s’exprimer, mais doit aussi apprendre à
réguler son débit et à ne « tweeter » que
l’essentiel pour que ces notes puissent
servir de trace écrite collective et de base
à la rédaction d’une synthèse.
J’évalue ainsi également leur attention, leur niveau de compréhension et
d’implication. Je peux ainsi interagir en
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
29
temps réel en leur demandant de préciser, compléter, se recentrer, corriger.
Cela me permet de personnaliser et
d’individualiser la relation prof/élève.
Je travaille par ailleurs avec Twitter
la construction collective de savoir.
Lors d’une recherche au CDI, chacun
« tweete » les informations ou les données trouvées, critique celles qui sont
envoyées par les autres ou les étoffent de
leurs propres trouvailles. La documentaliste, qui a aussi un compte Twitter,
peut intervenir pour les aiguiller dans
leurs recherches documentaires.
Enfin, nous avons également construit
avec Twitter un échange à distance, de
manière simple et efficace, entre notre
classe et des étudiants chinois de David
Cordina, enseignant FLE à l’université
de Lille 11. Quelques règles de communication sont nécessaires pour rendre la conversation lisible par tous : ne
Cette communauté comprend aussi la
vie scolaire. Des informations de vie de
classe sont diffusées en temps réel, avec
l’autorisation préalable des intéressés :
je « tweete » les notes et commentaires
au fur et à mesure de la correction des
évaluations, et les élèves y répondent
souvent, s’impliquant alors au-delà de
la note. Le conseil de classe a décidé de
« tweeter » les informations générales :
date des examens, des stages et procédure postbac. Grâce au service de messagerie privée de Twitter, j’ai envoyé en
temps réel à chaque élève la synthèse
de son bilan semestriel. Les élèves ont
réagi à ce commentaire et y ont apporté
des précisions quand nécessaire.
Twitter a également joué un rôle très
important durant les longues périodes
de stage, renforçant la communautéclasse, maintenant la communication
entre enseignants et élèves, et entre les
Twitter est un moyen de faire réfléchir à la présence de chacun
sur le net, et de faire saisir la différence entre un réseau
« professionnel » et un réseau privé.
discuter qu’avec deux partenaires à la
fois, définir un sujet de conversation
qui fasse de cette conversation une activité éducative. Mais cette expérience a
fait réfléchir sur la personnalité qu’on
se construit au travers des outils de
communication numérique : comment
se présenter sur un espace public, quel
est l’impact de l’avatar dans l’image
que l’on donne de soi, quel est le rôle
de l’orthographe et de la syntaxe dans
la communication écrite. Il faut souligner également la fierté qu’ont pu ressentir mes élèves de bac pro à échanger
de manière aussi constructive avec des
étudiants, chinois qui plus est.
Hors classe, un réseau de soutien
et d’entraide
Sorti du strict cadre de la classe, Twitter
favorise le soutien scolaire lorsque l’élève
en est demandeur. Ce soutien est pris en
charge par toute la classe : un élève pose
des questions sur les devoirs et les exercices qu’il a à rédiger seul, et l’enseignant comme les camarades « tweetent »
en retour des pistes de réflexion. D’autre
part, Twitter est utilisé comme agrégateur de savoirs et d’ouverture culturelle :
élèves et enseignants y envoient des liens
complémentaires au cours ou évoquent
des faits d’actualité, des informations ou
des critiques de film. Cela construit une
réelle communauté autour du savoir et
de la culture.
30
élèves eux-mêmes. On a ainsi évité le
sentiment de rupture brutale que ressentent les élèves lorsqu’ils sont immergés dans le milieu professionnel.
Tout enseignant d’éducation civique,
juridique et sociale est tenu d’éduquer
aux médias, et notamment aux médias
du net. Notre usage de Twitter nous
situe en plein dans cette démarche.
Un outil d’éducation au média Internet
Que peut-on dire ? Comment le dire ?
Quelles images peut-on diffuser ?
Au-delà de la pratique informatique
et d’Internet qui consolide la validation du B2i, on touche avec Twitter aux
notions de liberté et de publication sur
les médias du net, y compris les limites, les contraintes et les dangers qui
s’y jouent. Twitter est également un
moyen de faire réfléchir à la présence
de chacun sur le net, et de faire saisir la
différence entre un réseau « professionnel » comme Twitter et un réseau privé
comme Facebook, et les utilisations distinctes qui en découlent.
Nous avons donc bien sûr rédigé ensemble une charte d’utilisation de Twitter2,
mais aussi pris du recul et observé l’impact qu’un réseau de microblogging
peut avoir dans les médias et dans la vie
politique aujourd’hui, que ce soit en
Iran ou lors du procès Clearstream.
L’expérience n’est pas terminée au
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
moment ou s’écrit cet article. On peut
cependant d’ores et déjà faire quelques
constats.
Une continuité pédagogique renforcée
D’abord, il faut rappeler que Twitter
n’est pas un outil qui a vocation à remplacer tous les autres, il n’est qu’un
complément, et exige des prérequis. S’il
ne nécessite pas de compétences particulières en informatique, il faut en effet
une classe équipée de matériel informatique connecté à Internet, être connecté
souvent, et savoir aussi contrôler le
temps passé à répondre aux sollicitations du réseau. Il faut aussi quelques
compétences en matière de gestion
et d’animation d’une communauté,
en relançant des sujets de débat et de
conversations, en organisant la discussion écrite. Enfin, cette activité repose
sur une confiance réciproque entre les
enseignants et les élèves, sur le pari que
tous respecteront les règles dans l’usage
de cet outil ouvert sur l’Internet.
Cependant, la démarche autour de
Twitter a créé une véritable identité
dans le groupe classe entre les élèves
et l’équipe pédagogique, renforçant la
continuité pédagogique entre l’école
et le reste du monde. Enfin, les élèves contrôlent leur image publique, y
compris dans leurs interactions avec
les enseignants et avec leurs camarades. Ils maitrisent donc plusieurs des
compétences les plus importantes exigées par le B2i – lycée, que ce soit dans le
domaine 2 (connaitre la charte, protéger
sa vie privée, mettre ses compétences
informatiques au service des autres) ou
le domaine 5 (choisir les outils de communication adaptés à ses besoins).
Si les élèves avaient tous accès à Internet
personnellement – quatre élèves n’ont
pas cette chance – on pourrait développer une interaction plus forte avec des
exercices, des pistes de réflexion ou de
recherche plus importante entre cours
et travail personnel. Ce point est à prendre en compte dans toute communication hors classe via Twitter. Twitter doit
être un facteur de cohésion de groupe,
et surtout pas facteur « d’e-exclusion ».
Laurence Juin
Professeure de lettres-histoire-géographie
en lycée professionnel à La Rochelle
1 Voir l’article de David Cordina page 36.
2 Disponible sur frompennylane.blogspace.fr
3- Des outils divers : microblogging, podcast, réseau social
Un podcast pour préparer son bac
Marie-Lyne Soulié
Des élèves de 1re découvrent la technique de l’oral de l’épreuve anticipée
de français au bac en podcastant et en critiquant leurs propres
prestations d’entrainements.
C
haque semaine, depuis la fin
du mois d’octobre, mes élèves
de 1re préparent assidument la
première partie de l’épreuve orale de
l’EAF. Je mets à disposition des futurs
candidats des baladeurs MP3 afin de
réaliser des enregistrements d’explications de textes. Les enregistrements
sont ensuite podcastés par mes soins et
peuvent ainsi faire l’objet d’un abonnement sur l’iTunes Store (boutique en
ligne de téléchargement accessible via
le logiciel iTunes d’Apple).
Toutes les semaines, selon un planning préalablement établi, quatre élèves profitent de la pause méridienne
pour répondre à une question que je
leur soumets sur un des textes de leur
programme. Avant chaque entrainement, ils ont pour consigne de réviser
les cinq à sept textes d’une séquence. Je
choisis au début de l’épreuve un texte
et propose une question initiale qui
devra orienter l’explication de l’élève.
Dans les conditions de l’examen, les
élèves préparent leur exposé pendant
Grille d’évaluation orale. Date :
trente minutes, puis enregistrent leur
prestation sur le baladeur pendant dix
minutes.
Je récupère ensuite les enregistrements.
À mon domicile, j’effectue l’acquisition des fichiers sur un logiciel d’enregistrement audio numérique comme
Audacity sur PC ou Garageband sur
Mac. J’écoute ensuite les prestations,
les évalue en suivant une grille précise
(voir ci-dessous) et enregistre une correction. Chaque prestation orale est
ensuite envoyée sous forme de podcast sur l’iTunes Store, dans la rubrique « Podcast, enseignement primaire
et secondaire ».
Texte :
Question initiale :
Acquis
Consignes pour
la prestation orale
de Podcastonbac
1. Préparez vos explications en
relisant vos cours. N’apprenez rien
par cœur. Retrouvez le sens général
de chaque texte.
Appuyez votre analyse sur un relevé
précis d’indices et de procédés.
2. Prenez connaissance des critères
de réussite de la grille d’évaluation
orale.
3. Pendant la préparation, gérez vos
notes personnelles. Ne rédigez pas
complètement votre analyse. Notez
quelques éléments d’introduction
et de conclusion. Préparez un plan
très détaillé. Surligner quelques
passages de votre texte.
4. Pendant l’enregistrement :
présentez le texte et le contexte,
formulez votre problématique
et annoncez vos axes. Lisez
distinctement.
Orientez votre analyse afin de
répondre à la question posée.
5. Écoutez en ligne votre prestation
en vous aidant de la grille. Écoutez la
correction.
6. Après plusieurs essais, réécoutez
tous vos épisodes puis mesurez vos
progrès.
A. Qualités de présentation et d’organisation
En cours
Non acquis à
d’acquisition ce jour
A1. Qualité de la lecture à haute voix
Maitrise du débit
Qualité de l’intonation
Clarté de l’articulation, de la prononciation, des liaisons
A2. Aptitude à organiser le propos
Présentation : auteur, contexte, situation de l’extrait.
Annonce du plan : réponse construite avec ordre et clarté
Conclusion (récapitulation)
Gestion du temps imparti
A3. Qualité de l’expression
Maitrise de la langue française, niveau de langue
Qualité de communication et conviction
B. Capacités de réflexion et d’analyse
B1. Compréhension
Compréhension littérale du texte
Compréhension de la question, prise en compte de la question
B2. Qualité du contenu de l’exposé
Réponse argumentée et pertinente
Références précises au texte (le texte est bien cité)
Savoirs linguistiques et littéraires, termes d’analyse littéraire
Connaissances culturelles en lien avec le texte.
Document réalisé à partir d’une fiche proposée sur le site www.neoprof.com
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
31
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Mes élèves peuvent ensuite écouter les prestations de leurs camarades,
ce qui constitue une base de données
précieuse lors de leurs révisions. Ils
peuvent également écouter leurs corrections et mesurer ainsi leurs progrès
tout au long de l’année, grâce à la grille
d’évaluation remise en début d’année.
Enfin, je reprends en classe chaque
semaine un enregistrement proposé par
un élève volontaire. Un échange s’engage, toujours orienté autour du repérage des points positifs. Pour faciliter le
dialogue, les élèves se réfèrent à la grille
d’évaluation.
Les élèves apprécient la fréquence de
l’entrainement, cela les oblige, disentils, à travailler plus régulièrement.
Certains vont même jusqu’à avancer
leur « rendez-vous ». Même si l’écoute
de leur prestation leur a été parfois
insupportable au début, le fait de met-
tre en ligne tous les oraux leur a fait
prendre conscience que l’épreuve était
difficile pour tout le monde, mais pas
insurmontable. Les élèves relèvent surtout un avantage essentiel : la dédramatisation de l’épreuve et, je dirais même,
pour aller plus loin, la dédramatisation de l’erreur. L’échange en classe est
important, car il met en avant les points
positifs, mais également les enjeux et
les difficultés de cet oral. Les remarques bienveillantes, mais pertinentes
de leurs camarades les aident à accepter
leurs réussites, mais aussi leurs erreurs.
Les parents peuvent en outre s’abonner
au podcast afin de mieux percevoir les
modalités de l’épreuve.
Mon objectif est que chaque élève
prenne en charge son évaluation grâce
à des critères bien définis et qu’il réfléchisse aux attentes de l’épreuve afin
de se donner les moyens d’y répon-
dre. Seules la mise en ligne, l’écoute
régulière des épisodes et leur réexploitation peuvent me permettre d’atteindre ces objectifs. Enfin, le gain de
temps est considérable puisque, chaque semaine, on peut organiser une
épreuve avec autant de candidats que
de baladeurs. De plus, l’usage du baladeur rend l’épreuve moins impressionnante pour l’élève qui n’est pas face à
un adulte. Cependant, cette méthode,
même si elle est attrayante et facile à
organiser, ne doit pas priver l’élève d’un
véritable entrainement dans les conditions de l’examen et demande également une certaine pratique de l’outil
informatique.
Marie-Lyne Soulié
Professeure de français en lycée à Orthez
(Pyrénées-Atlantiques)
Les Cahiers pédagogiques et le Web 2.0
Collaboration, mutualisation, réseau, autant de notions
qui sont constitutives de notre revue, de l’association qui
l’édite : en décembre 1945, c’est pour échanger autour
de leurs pratiques que les enseignants des « classes
nouvelles » écrivent dans un « bulletin de liaison » qui
deviendra les Cahiers pédagogiques en 1948 ; en 1963,
c’est pour débattre des transformations de l’école que
l’équipe des Cahiers fonde une association, le Cercle de
recherche et d’action pédagogiques, qui organise dès
cette année-là des Rencontres estivales, en dehors du
temps scolaire… La publication dès les pages d’ouverture
des appels à contribution pour les prochains dossiers n’a
jamais été un geste formel, mais bien le signe de l’ambition
que les lecteurs de la revue en soient ses premiers auteurs.
Nous nous sommes efforcés de tirer parti des possibilités
ouvertes par le développement des communications
numériques, en créant un site Internet en 1997, en
diffusant des publications numériques depuis 2005.
À notre échelle, ce sont des atouts considérables pour
la diffusion de nos publications, comme pour entrer en
contact avec des auteurs potentiels.
Mais cela reste des échanges surtout « verticaux » : chaque
auteur discute de son texte avec les coordonnateurs du
dossier, la rédaction en chef s’occupant de la mise au point
finale ; la revue parvient à ses lecteurs, qui en général
gardent pour eux-mêmes leurs réactions. Nous essayons
de créer des occasions de rencontres entre auteurs et
lecteurs à l’occasion de réunions, avec d’inévitables
difficultés matérielles.
Les outils du Web 2.0, avec leurs propres contraintes,
peuvent permettre de multiplier les échanges horizontaux,
et nous y venons peu à peu : outils collaboratifs pour la
préparation des dossiers, liste de diffusion électronique
pour les adhérents de l’association, et, depuis quelques
mois, des forums accessibles sur notre site.
Un forum est consacré à ce dossier : n’hésitez pas à venir
présenter vos réactions à tel ou tel article ou à l’ensemble
du dossier, en débattre avec les auteurs, les coordinatrices,
ou d’autres lecteurs.
32
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
3- Des outils divers : microblogging, podcast, réseau social
Netvibes : un univers à portée
de main
Olivier Leguay
Orienter les élèves vers des sites adaptés à leurs besoins est une
opération très délicate à réaliser pendant un cours, par manque
de temps, en raison d’une trop grande complexité ou de la nécessaire
individualisation des contenus. L’univers public Netvibes permet
de regrouper de façon modulaire sous différents onglets, des sites,
des blogs, des adresses Internet ainsi que des flux RSS.
A
gnant ou par les élèves, l’ouverture vers
d’autres univers, le regroupement de
plusieurs univers d’un même établissement scolaire.
La page privée est également très utile :
l’enseignant peut y inclure une revue
de presse plus spécialisée liée à un
usage personnel, agréger des flux RSS
issus de sites institutionnels, ou tester
le contenu d’un onglet qu’il basculera
ensuite sur la page publique.
J’ai noté qu’une solution Tice pérenne
est une solution simple à utiliser par les
élèves qui doivent trouver rapidement
ce dont ils ont besoin, comme par l’enseignant qui alimente régulièrement
le tout. Netvibes offre ce double avantage. La création d’onglets et de contenus est immédiate et l’enseignant peut
utiliser sa page privée de façon optimale. Il se trouve donc aux commandes
d’un Univers « double face » au pilo-
limenter un blog peut s’avérer être un moyen très efficace
de produire de l’information à
destination des élèves, de susciter leur
motivation ou de les faire participer.
Cependant, le blog reste le menu, et
non la carte. Il ne permet guère d’avoir
une vue synthétique ou de présenter de
façon claire et intuitive la diversité des
contenus que le professeur souhaiterait
mettre à disposition de ses élèves. Il est
difficile de regrouper toute l’information que l’on voudrait transmettre, de
disposer d’un espace qui réponde aux
exigences des spécificités disciplinaires et à l’énorme diversité des supports
d’informations.
clos, seuls des liens préalablement sélectionnés par le professeur y figurent, ce
qui permet de cibler l’information mise
à disposition.
L’élève pourra, par exemple, à partir
de l’univers Netvibes « Les maths au
Lycée1 » :
– se rendre sur les espaces numériques
de la classe pour consulter le cahier
de textes en ligne, aller sur les blogs
« classe » à partir de leurs flux et contacter l’enseignant sur le forum,
– s’exercer en ligne grâce à des exerciseurs, des exercices corrigés, des QCM
Regrouper des informations
Une solution Tice pérenne est une solution simple à utiliser par
les élèves qui doivent trouver rapidement ce dont ils ont besoin,
comme par l’enseignant qui alimente régulièrement le tout.
Créer un univers Netvibes est très simple et permet de répondre en grande
partie à ce problème. Chaque univers
est composé d’une page privée, consultable uniquement par le propriétaire, et
d’une page publique ouverte à tous, que
l’on peut dédier à un public particulier,
par exemple ses propres élèves. Sur ces
pages, on ajoute des widgets qui permettent d’insérer un texte, une image ou
de la musique, d’afficher les flux RSS,
c’est-à-dire les actualités des blogs et
des sites vers lesquels on veut orienter les élèves, de publier une adresse ou
d’insérer directement du code HTML.
L’offre de « widgets » est très variée, et
toujours gratuite.
Une page publique Netvibes peut être
pensée comme un environnement disciplinaire. Pour prendre le cas particulier des mathématiques au lycée, on
concentre ainsi en un même endroit des
objets numériques de natures très différentes. Le professeur oriente les élèves vers cette unique adresse pour des
besoins très divers qu’il aura préalablement identifiés. De plus, l’univers étant
ou des annales, et même se divertir avec
des jeux mathématiques,
– trouver des cours mis à disposition par
d’autres enseignants, des vidéos éducatives, des sites d’information,
– calculer en ligne à l’aide de modules
de calcul formel (factoriser, développer,
dériver, intégrer…), accéder à une calculatrice de fonctions, tracer des courbes en ligne,
– se cultiver en ayant accès à des actualités mathématiques ou à des sites de
référence (biographies de mathématiciens, chronologie, encyclopédies des
courbes et des nombres),
– consulter la liste des logiciels téléchargeables gratuitement.
tage très naturel. Nous pouvons dire
que Netvibes offre la simplicité d’un
contenu modulaire qui se prête à merveille à une utilisation régulière dans le
cadre de l’enseignement de chaque discipline, tout en permettant ouverture et
interdisciplinarité.
Olivier Leguay
Professeur de mathématiques
en lycée à Orléans (Loiret)
Un espace personnalisable
Il y a bien d’autres possibilités à découvrir, par exemple la création temporaire
d’un onglet thématique par l’ensei-
1 www.netvibes.com/inclassablesmathematiques
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
33
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Facebook, des liens
entre générations d’élèves
Jean-Michel Le Baut
Une tentative originale d’utilisation pédagogique de Facebook pour entretenir un réseau de communication,
d’information et d’entraide entre lycéens de classes littéraires, anciens, actuels, et même simplement potentiels.
F
acebook, site web de réseau social, remporte un succès considérable, en particulier chez les jeunes : c’est
un espace convivial et dynamique où ils aiment nouer
des contacts, exprimer leurs humeurs, publier des photos ou
des textes personnels, s’amuser à des tests d’identité, communiquer par chat. Pourquoi, alors, ne pas exploiter ce réseau
communautaire et son pouvoir d’attraction à des fins pédagogiques ? C’est à partir de ce constat et de cette question
qu’est né le projet Littéraires Iroise : un espace d’échanges
sur Facebook où tous les littéraires du lycée, anciens, actuels,
potentiels, sont invités à se retrouver. Cette expérience inédite
s’est donné plusieurs objectifs.
Aider à se construire dans son identité et son parcours
Le mot facebook désigne à l’origine un trombinoscope : de
nombreuses photos de classes des 1res et terminales L du lycée
de l’Iroise sont ainsi publiées sur le site. Les anciens y viennent avec plaisir et parfois nostalgie pour retrouver un peu de
leur passé et éventuellement renouer des liens avec des camarades perdus de vue. À plusieurs reprises, d’anciens élèves ont
témoigné de leur fierté d’appartenir à ce cercle, ce qui est une
grande satisfaction tant on sait combien le « littéraire » peut
se sentir dévalorisé dans la hiérarchie scolaire actuelle et dans
l’image que lui renvoie la société. L’espace Littéraires Iroise
permet ainsi de créer du lien social, il aide celui qui le souhaite
à se construire dans son identité et son parcours.
Verbatim
Lucie :
ah la la qu’est-ce-que c’était bon cette époque… (avec du recul ^^)
34
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
Gwendoline :
oui ct qd mm pas mal le lycée !
Gaël :
et puis toute expérience est bonne à prendre. étant parti pour
une formation de professeur, je me suis tourné vers la traduction,
puis j’ai été libraire, et me voici au service relation clientèle d’une
grande entreprise. est-ce que c’est là que je me voyais il y a dix
ans ? non ! est-ce que je suis malheureux pour autant ? pas du
tout. alors, au lieu de vous enfermer dès le plus jeune âge dans les
sections scientifiques qui enferment dans un carcan, ouvrez-vous
l’esprit et les portes de la vie : rejoignez la section littéraire !
Littéraires Iroise :
remercie les trois anciennes de L, aujourd’hui en école
d’infirmières, qui sont venues à l’Iroise lundi 1er décembre animer
le combat contre le sida
Julie :
on a vraiment eu plaisir à revenir à l’Iroise… ça a bien changé par
contre on voulait remercier aussi l’infirmière scolaire qui nous a
gentiment accueillies. Bonne continuation à tous !
Enrichir et affiner son projet d’orientation
Facebook offre la possibilité de créer des groupes dans lesquels chacun peut s’inscrire selon son gré et Littéraires Iroise
se décline en différents réseaux selon les études et les professions sur lesquelles la série L peut déboucher, par exemple :
« lettres, langues », « commerce, droit », « santé, social », « écoles post bac », « arts, culture », « sciences humaines et sociales », « communication », « fonctions publiques », « tourisme,
loisirs », etc.
Ainsi, les élèves aujourd’hui en 1re et terminale L peuvent
découvrir combien, contrairement aux idées reçues, la série
3- Des outils divers : microblogging, podcast, réseau social
L permet d’emprunter après le bac des chemins variés. Le
site montre les nombreux débouchés de la voie littéraire, les
témoignages et les CV publiés peuvent donner des idées, des
parcours atypiques illustrent la possibilité de rebondir. Les
lycéens de l’Iroise peuvent aussi, s’ils le souhaitent, prendre
directement contact avec les anciens pour s’informer sur les
études postbac et les voies professionnelles qu’ils ont choisies : Facebook devient ainsi un précieux lieu de conseil à
l’orientation.
Verbatim
Anne :
Je suis prête et très motivée pour répondre aux questions concernant les métiers du livre et les débouchés… parce qu’il y en a plein,
et que ça vaut vraiment le coup de faire un tour par ce genre de
formations souvent méconnues !
Stéphanie :
Je suis à la fois dans le domaine de la communication et de la
culture… Après mon bac L en 2001, j’ai fait un deug de lettres
modernes à Brest puis je suis partie à Avignon, visiter le Sud et
voir du pays… et aussi faire un deug d’IUP « métiers des arts et de
la culture ». Puis j’ai continué mon parcours à Avignon en faisant
une Licence « sciences de l’information et de la communication »,
et un master « culture et communication » dans une spécialité
recherche sur les publics (festival(s), cinéma)… C’est un parcours
un peu atypique, mais qui c’était une formation réellement passionnante… si vous avez des questions… @ bientôt !
Valentine :
Et ben pour info, les L sont très appréciés dans ce domaine pour les
langues évidement (quoiqu’un niveau très élevé ne soit pas indispensable), mais aussi d’un point de vue rédactionnel, et oui en BTS
AGTL (Animation et gestion touristiques locales) le français est
toujours là, et on gratte pas mal aussi dans les autres matières…
Gwendoline :
J’ai eu mon bac L en 2007. Je suis en double cursus psycho et lettres modernes. La psycho parce que je pense passer le concours
d’éducatrice spé à ma licence et les lettres parce que je ne peux
pas m’en passer ! En ce qui concerne le concours, ils demandent
pas mal d’expérience, donc je fais du soutien scolaire, je suis bénévole à l’Afev, cad que je suis une jeune de 14 ans 2 heures par
semaine et normalement je serai bientôt pionne ! Voilà !
Découvrir la vitalité de la série L
Les élèves de 2de du lycée sont eux aussi conviés à s’inscrire
sur Littéraires Iroise pour découvrir la série L. L’espace est
utilisé pour publier des articles, des liens, des images qui rendent compte des nombreuses activités qu’on y mène ou qu’on
y a menées : expositions de travaux au CDI, voyages scolaires, sorties pédagogiques au théâtre, au cinéma ou au musée,
articles de presse, blogs de classe, projets pédagogiques innovants, récompenses diverses. Chaque établissement connait
les difficultés actuelles de recrutement en série L et un rapport de l’Inspection générale de 2006 a tenté d’en analyser les
causes et de proposer une rénovation de la filière. Littéraires
Iroise participe d’une telle démarche : Facebook est instrumentalisé aussi pour valoriser l’image d’une série que l’on sait
fragile, en affichant son dynamisme.
Extrait d’un article publié sur le site
Les 1res L 2008-2009 à la Une du Télégramme : Le 16 décembre
2008, les 1res L ont eu l’honneur de faire la Une de l’édition de Brest
du Télégramme.
Morceaux choisis :
« Ils sont jeunes, créatifs et talentueux. Ils œuvrent au lycée de
l’Iroise, à Brest.
Une armée de plumes, aiguisées autour d’un projet : s’approprier
la poésie, jouer avec ses auteurs et offrir à la pédagogie un nouvel
écrin. En vers, et contre tous.
Les valeurs prônées par cette expérience sont les mêmes que
celles que diffusent les lettres : questionnement du monde et
de soi, créativité, façonnage de l’esprit critique qui construit des
citoyens libres.
Une initiative rafraichissante dans le monde de l’enseignement,
parfois sclérosé. Son but est de prouver que la réunion de la
littérature, d’Internet, et de la pédagogie peut aider chacun, au
contact des autres, à enrichir son humanité. »
Littéraires Iroise est une expérience originale et récente, qui
reste à enrichir et affiner, mais dont on peut déjà souligner
les nombreux intérêts et la réussite incontestable. Celle-ci
s’évalue au nombre d’« amis » qui se sont inscrits et font
vivre le réseau communautaire (environ 500 en quelques
mois de fonctionnement). Les échos chez les élèves sont
très positifs, comme l’illustrent certains témoignages reçus :
« Félicitations ! » (Romane), « Je suis curieuse de savoir ce que
chacun fait… » (Elsa), « Un petit mot pour vous féliciter pour
votre travail » (Marina), « Quel plaisir de vous lire ! » (Aurélie),
« Internet est définitivement un objet fabuleux ! Comment vous
(te) dire… mon émotion, oui, je crois que cela s’appelle ainsi. »
(Damien)… Il est d’ailleurs particulièrement encourageant
de voir des élèves se manifester spontanément pour proposer
des améliorations du site et de son fonctionnement ; c’est dire
si cet espace est devenu le leur, à la fois miroir d’eux-mêmes et
lieu d’échange avec autrui. L’adolescent d’aujourd’hui déploie
son identité dans les liens virtuels qu’il ne cesse de tisser sur la
Toile : il revient peut-être à l’école de savoir exploiter pédagogiquement ce désir pour devenir à sa façon « réseau communautaire » et développer le bonheur de vivre ensemble.
Jean-Michel Le Baut
Professeur de français au lycée de l’Iroise à Brest
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
35
Dossier
Le Web 2.0 à l’école
Des liens pour mieux apprendre,
mieux s’intégrer
David Cordina
Proposer la participation à un espace communautaire exploitant
les outils du Web 2.0 pour à la fois créer du lien entre étudiants expatriés
et encourager l’apprentissage du français et des langues vivantes :
objectif atteint pour le site foreignerinlille.ning.com
X
ujiao, étudiante chinoise,
résume bien les usages du site :
« Pendant six mois, j’ai profité
d’un site pour améliorer mon français,
Foreigners in Lille. C’est tout simplement
un réseau français surtout pour les étrangers. Selon moi, c’est un lieu très pratique
pour émettre des opinions personnelles sur
n’importe quel sujet, d’exprimer des émotions de la vie. Écrire, écrire, écrire… tout
ce que vous devez faire est d’écrire. Peu
importe que vos articles soient longs ou
courts, rigolos ou littéraires, politiques ou
artistiques. Même une image magnifique
peut attirer les yeux ! Le but de ce réseau
est d’encourager les étudiants étrangers
d’écrire en français et de communiquer
[…] De temps en temps, s’il y a quelqu’un
qui provoque une polémique dans le forum,
vous pourrez inconditionnellement donner
vos idées […] »
Bien des raisons d’écrire
À leur inscription, les étudiants complètent leur page personnelle et écrivent
leur premier billet de blog, généralement sur leurs origines : des villes du
Pérou aux capitales européennes en
passant par les grandes métropoles de
Chine, Foreigners in Lille prend souvent l’allure d’un grand atlas collectif. Autre exemple dans une discussion
intitulée « Promenade sur les marchés
du monde » : les étudiants décrivent
les marchés de leur pays, ceux du Viet
Nam ou du Brésil côtoyant les bazars de
Turquie et les souks de Palestine.
Les étudiants deviennent par l’écriture
de leur blog des reporters francophones témoignant de leur vie d’expatrié à
Lille. Toute sortie est un prétexte : les
visites de musées de la région, le carnaval de Dunkerque, les sorties touristiques en Belgique (le récit de la visite de
Bruges est un classique), ou bien cette
année, les festivités de Lille 3 000. La
programmation lilloise Europe XXL de
36
2009 offre de belles occasions de sorties
et, donc, de témoignages interculturels
sur ces évènements.
Les étudiants choisissent parfois des
évènements autobiographiques plus
anodins qui, écrits en langue étrangère,
prennent toujours valeur d’exercice de
production écrite. Le premier plat que
je cuisine, mes impressions après deux
mois passés en France, une rencontre
avec un voisin, des surprises interculturelles sur les rites de politesse français
(les bises, par exemple) sont des thèmes
fréquents des blogs.
« Le site est très connu là-bas. Je me suis
inscrit avant d’arriver à Lille » écrit
Chine, des chanteurs pop de tous les
pays, etc.
Débattre incite à s’exprimer !
Sous l’impulsion des enseignants, les
usagers de Foreigners in Lille discutent
de nombreux sujets : de la place des jeunes ou des femmes dans la société, du
racisme, de l’ethnocentrisme, etc. Les
conflits ou les polémiques surgissent
parfois : une discussion sur la consommation des drogues chez les jeunes a
montré les différences culturelles sur
l’appréhension de ce problème. Le
football et le chauvinisme ont dérivé sur
une discussion où chaque intervenant a
dû clarifier fermement ses positions.
École de langue française, école de
citoyenneté et de relativisme culturel,
Foreigners in Lille encourage la modération et l’écoute de l’autre. Mais du
point de vue linguistique, la polémique
Du point de vue linguistique, la polémique a des avantages :
l’écriture argumentative prend tout son sens et les efforts
déployés pour convaincre le lecteur développent les capacités
linguistiques des étudiants.
Tong qui vient d’arriver à Lille depuis
l’université de Hohai de Nankin.
L’inscription au site est une première
étape pour ces étudiants chinois qui
viennent suivre un semestre de préparation linguistique à Lille 1 avant de
commencer leur formation universitaire. Le site accompagne en amont et
en aval leur expérience de l’apprentissage du français.
Pilar, étudiante Erasmus espagnole,
profite de sa page personnelle pour partager sa passion de la photographie.
Tous ses clichés sont des occasions
d’échanger en langue française. Son
exemple a permis de créer une catégorie
du forum de discussions intitulée « Le
cabinet de curiosités » où chaque inscrit
peut présenter ses coups de cœur : une
école artistique roumaine, des mangas japonais, phénomène d’édition en
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
a des avantages : l’écriture argumentative prend tout son sens et les efforts
déployés pour convaincre le lecteur
développent les capacités linguistiques
des étudiants.
Le site accueille aussi des personnes
extérieures à Lille 1, notamment des
Français amoureux de l’étranger et
intéressés par les questions interculturelles. Un étudiant français qui apprend
depuis deux ans le chinois écrit régulièrement sur le site en mandarin. Les étudiants chinois qui apprennent le français
viennent le corriger et lui, réciproquement, apporte commentaires et corrections. La logique « gagnant-gagnant » de
ce tandem est valorisée.
De multiples intérêts pédagogiques
D’abord, bien sûr, le développement
des compétences de langue écrite – cel-
3- Des outils divers : microblogging, podcast, réseau social
les décrites par les niveaux B1, B2, C1
et C2 du Cadre européen commun de
référence pour les langues. Par l’écriture des blogs et des contributions aux
forums, le site a généré près de 1 600
articles, discussions ou commentaires
depuis un an. Le taux d’activités et les
temps de visite sont donc élevés et sont
significatives de l’intégration de l’outil
dans les activités d’apprentissage des
étudiants. Le site s’enrichit d’une production de contenus textuels : les apprenants écrivent des essais, des exposés,
des discussions argumentatives, des
comptes-rendus en rapport aux leçons
et à leur vie à Lille.
Ensuite, l’animation d’une communauté interculturelle d’apprentissage
autour de la langue française et de l’expatriation, favorisant le dialogue inter-
équipe enseignante (un animateur
principal et une dizaine d’enseignants
tuteurs) anime le site. Le rôle des enseignants s’apparente à une enzyme qui
catalyse les participations des étudiants.
Toutes les contributions ne se génèrent pas en effet de façon spontanée. Il
faut des objectifs communs, des projets, des tâches qui dépassent la simple
inscription au site. Les textes proviennent le plus souvent d’activités menées
en classe, mais leur médiatisation rend
possible les interactions avec les autres
inscrits de la communauté.
Les enseignants doivent désinhiber et
encourager l’acte d’écriture, de surcroit en langue étrangère. L’enquête
sur les usages du site révèle que ce point
est le plus délicat pour les étudiants qui
n’osent pas écrire de peur de montrer
Les enseignants doivent désinhiber et encourager
l’acte d’écriture. L’enquête sur les usages du site montrent
que des étudiants n’osent pas écrire de peur de montrer
publiquement leurs erreurs.
culturel. Les forums et leurs thèmes
aident à une meilleure compréhension mutuelle des cultures. Un étudiant
bulgare s’interroge par exemple sur le
statut de la minorité turcophone dans
son pays. Les étudiants des autres pays
viennent commenter son texte, relativisent ses propos et présentent le statut
des Roms en Roumanie ou encore des
Ouïgours en Chine. Le site recherche
des échanges de type « e-tandems » qui
sont en cours avec l’université de León
en Espagne et d’An Najjah de Naplouse
en Palestine.
Enfin proposer une nouvelle forme
d’accompagnement pédagogique. Une
publiquement leurs erreurs. Le tutorat correctif joue ici, un très grand rôle.
Ce dernier fonctionne par un système
d’estampilles, système inspiré des travaux canadiens de Mario Asselin sur les
carnets portfolio1. Les estampilles (de
petites images à insérer dans le texte)
utilisées par les enseignants et les étudiants sont de trois sortes : « texte non
corrigé », « texte en construction »,
« texte à lire ».
Ces estampilles résolvent le problème
de la publication du texte erroné en rendant visible son statut à l’étudiant rédacteur, à la communauté et à l’internaute
visiteur. Dans un deuxième temps, l’en-
seignant insère ses corrections linguistiques dans les commentaires.
Un site qui fonctionne aussi
grâce à ses animateurs
Par des enquêtes qualitatives sur les
usages, nous améliorons l’offre pédagogique pour évaluer au mieux les progrès
en matière d’apprentissage.
Les taux d’activités écrites des étudiants sont en essor. Lorsqu’ils publient
leurs textes dans un espace ouvert, ils
trouvent satisfaction en donnant un
sens à l’enseignement de la communication écrite. Comme pour une compétition sportive ou lors d’un concert
d’une école de musique, ils affichent au
vu et au su de tout le monde le développement de leurs compétences. C’est
un moteur énorme à la motivation qui
entraine l’envie d’apprendre et l’envie
d’enseigner.
Support idéal de projets informels
(tandems, sorties, sociabilité entre
apprenants) Foreigners in Lille permet
d’entamer la réflexion sur les apports
pédagogiques des réseaux sociaux. Il
semble que la transparence et la motivation soient des aspects importants
qui devront être analysés. De même,
nous chercherons à comprendre comment les réseaux sociaux dédiés aux
langues étrangères aident les apprenants à co-construire l’expression de
leur identité.
David Cordina
Professeur de lettres modernes
et de français langue étrangère,
université de Lille 1
Adresse du site :
http://foreignerinlille.ning.com
Contexte : Le français langue étrangère
et les TIC à Lille1
L’université des sciences et des technologies de Lille 1 propose une animation
pédagogique en ligne à partir d’un outil Internet, un site social à objectifs
linguistiques. Il permet aux 550 étudiants inscrits de créer leurs pages
personnelles, d’écrire en langue française leurs blogs ou encore de participer
aux forums de discussions du site. Chaque étudiant peut construire son propre
environnement d’apprentissage par l’addition de textes, d’images,
de photographies, ou encore de nouveaux outils Web 2.0.
Bien que cette expérience pédagogique se déroule dans l’enseignement
supérieur et la formation continue pour le français langue étrangère,
elle est facilement transférable à des publics collégiens ou lycéens concernés
par l’apprentissage des langues étrangères.
1 http://carnets.opossum.ca
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
37
Dossier
Le Web 2.0 à l’école
4- Identité numérique et « amis » sur la Toile
Peut-on être « ami »
avec ses élèves ?
Sylvie Grau
S’il est illusoire de penser établir une frontière étanche entre vie scolaire
et vie privée, les réseaux sociaux sur Internet bousculent fortement
les limites établies, posent de nouveaux problèmes bien délicats.
J
’ai toujours considéré que les élèves
ne peuvent apprendre qu’une fois
qu’ils ont réussi à laisser leurs soucis
à la porte de l’établissement. Si ces soucis sont d’ordre personnel, je n’ai pas à
les connaitre, pourtant il faut bien que
l’élève puisse se décharger des problèmes graves, sinon il risque de se voir en
difficulté soit par son attitude en classe,
soit par ses résultats scolaires. Et parfois
des choses anodines pour nous sont des
problèmes graves pour les élèves.
De l’écoute bienveillante…
On me reproche de trop tenir cas de ce
que disent les élèves. Mais écouter les
élèves n’est pas non plus les croire systématiquement, c’est simplement offrir
une oreille bienveillante, laisser s’exprimer un sentiment ou un ressenti, une
réflexion afin de permettre à l’élève de
s’en détacher. Autoriser l’élève à avoir
des sentiments et lui apprendre soit à
les dominer soit à les exprimer fait aussi
partie de l’éducation. Savoir quel est le
ressenti face à une situation n’est pas
juger la situation par elle-même.
Pour permettre cette parole, j’ai mis
depuis plusieurs années en place une
38
fiche de suivi. Sur cette fiche, outre
une autoévaluation sur le type d’apprenant qu’est l’élève, un suivi du
projet d’orientation, quelques renseignements administratifs, j’écris tous
mes commentaires et conseils à chaque
devoir, organisés par type : connaissances, savoir-faire numérique, raisonnements, expression. À chaque devoir
l’élève a au bout de la ligne de commentaires un espace où il peut mettre
son ressenti, son bilan, ses pistes de travail pour la suite, etc. Un autre espace
« communication » est laissé à l’élève
pour écrire tout ce qui peut me permettre de mieux comprendre ses difficultés
d’apprentissage.
Depuis cette année l’espace de parole
est pratiquement vierge. Pourquoi ? J’ai
deux réponses : la première est que de
plus en plus les élèves mélangent public
et privé et ne protègent plus autant
leur intimité (mais étant donné que
c’est aussi le cas de nos hommes politiques, on ne peut pas leur en vouloir), la
seconde est que les élèves ont trouvé un
autre biais pour me mettre au courant
quand ils le souhaitent : Facebook.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
Les choses ont commencé par une
demande d’un élève sur ma messagerie professionnelle : « voulez-vous être
mon amie ? » J’avoue avoir découvert le
site à cette occasion.
… y compris par le biais d’Internet…
J’ai réfléchi à mon profil et choisi de
m’afficher sous un aspect personnel,
mais aussi public, c’est-à-dire par un
de mes loisirs : la musique. Je suis chanteuse dans un groupe et j’ai trouvé que
cet aspect de ma vie pouvait être révélé
aux élèves puisque beaucoup m’avaient
déjà vue en concert, et donnait une
entrée mesurée sur ma personnalité.
Très vite j’ai eu beaucoup d’amis, mais
peu d’échanges réels. À la fin de l’année scolaire, j’ai cessé de me connecter
et l’année scolaire suivante j’ai décidé de
ne plus répondre aux demandes, car je
n’avais pas trouvé d’intérêt à savoir qu’il
y avait eu la fête chez Corentin samedi
dernier et que Lucie ne sortait plus avec
Martin depuis hier.
Jusqu’à ce qu’un matin en plein cours
de maths, un élève lève la main pour me
demander : « Vous pouvez me dire pourquoi vous n’avez pas accepté d’être mon
ami sur Facebook ? » J’avoue avoir été
un peu désorientée par la question…
Je ne sais plus ce que j’ai répondu sur
le coup, tout en me demandant pour-
quoi c’était si important pour lui. Le
soir même il me refaisait la demande et
là j’ai accepté, par curiosité. Cet élève
que j’avais eu en 2de l’année précédente
avait vécu une histoire amoureuse tapageuse qui avait fait grand bruit au lycée
et qui avait compromis sérieusement
un voyage scolaire. Il s’était mutilé et
nous avions été très inquiets pour lui.
Il venait donc par ce biais me montrer
qu’il allait mieux, il était en photo avec
sa nouvelle copine et affichait le sourire
béat de l’adolescent heureux. J’ai alors
compris que l’espace de communication changeait et prenait une nouvelle
forme, plus interactive, mais aussi plus
intrusive.
Depuis j’ai une bonne partie de mes
élèves comme « amis », car les nouvelles vont vite sur ce type de site ! Ayant
accordé mon amitié à l’un, j’étais coincée et devais l’accorder aux autres. J’ai
d’être son amie et je crois qu’il n’avait
pas bien compris que, dans ce réseau,
tout le monde a accès à tout et donc
qu’en me connectant les photos étaient
affichées sur mon profil, sans que j’aille
les chercher. Comme quoi le fonctionnement de ce type de site échappe aux
jeunes qui se connectent.
Une autre fois, alors que je me connecte
tard dans la nuit, un élève m’envoie
un message par le chat en direct. J’ai
eu réellement le sentiment qu’il s’était
introduit dans mon bureau ! Quelques
mots anodins et une injonction à aller se
coucher m’ont placée dans une posture
délicate. Je n’étais plus dans mon rôle.
De nouvelles formes de relations à gérer
L’avantage pourtant est que lorsqu’un
élève change brutalement d’attitude
face au travail, je trouve souvent une
explication sur Facebook. Un mot en
Bien sûr je n’ai pas leur accord, mais en même temps je suis
sur un espace rendu public, alors ?
pu avoir des nouvelles des anciens partis dans d’autres villes ou d’autres établissements. J’ai été avertie des projets
de blocus, les élèves me signalent les
grands évènements : leur permis, les
accidents… Ils me posent des questions
au sujet d’un cours ou d’un travail à rendre, ils reviennent sur un évènement
vécu au lycée, demandent des explications ou des conseils. Tout cela passe
par ma messagerie professionnelle.
… aux excès de la familiarité numérique
Par contre, j’ai aussi accès à leur profil et ça, ça me gêne énormément. J’ai
le sentiment de m’introduire dans leur
vie. Pourtant, eux de leur côté ne semblent pas être gênés le moins du monde.
La grande différence avec ma fiche de
suivi, c’est que les messages étaient
alors clairement personnels ; maintenant, si je suis amie, j’ai accès à tout ce
qu’ils affichent sur leur mur, que le message s’adresse à moi ou non. J’ai ainsi eu
la très mauvaise surprise de tomber sur
des photos prises lors d’une fête… dans
ma salle à manger. En effet un de mes
garçons avait invité un ancien élève. Il
m’a fallu du temps pour digérer la chose.
J’en ai parlé à mon fils pour lui expliquer
qu’il me mettait dans une position très
délicate et qu’il devait réfléchir à ce qui
pouvait ou non être public. Ce fut une
bonne occasion pour le mettre face à ce
questionnement. Sa première réaction
a été : « Tu n’as qu’à pas aller voir ! » Pas
faux, sauf que lui aussi m’a demandé
classe peut parfois permettre à l’élève
de revenir à ses apprentissages. Je glisse
un « je sais que ça doit être difficile pour
toi en ce moment, maintenant essaye
de te consacrer à ton travail pour pouvoir regarder les choses plus sereinement ensuite ». Bref un « je sais » et « je
sais que tu sais » qui permet de se sentir en sécurité. Un message envoyé à un
élève absent régulièrement permet de
lui montrer qu’on est inquiet et qu’il est
important au sein de l’institution scolaire. Un autre envoyé à un élève malade
permet de lui donner quelques pistes
pour rattraper le cours.
Lorsque je suis inquiète pour un élève,
comme récemment pour une addiction à la drogue et une suspicion de racket, un tour sur Facebook me donne
une idée de l’entourage ou de l’emploi
du temps. Peut-être que je me trompe,
peut-être que c’est indécent ? En même
temps, si ça peut éviter un entretien
où, par des questions qui se veulent les
moins intrusives possible, on entre malgré tout dans la vie intime de l’élève, je
me dis que c’est mieux. Bien sûr je n’ai
pas leur accord, mais en même temps
je suis sur un espace rendu public,
alors ?..
La difficulté est aussi d’avoir un regard
qui reste le plus bienveillant possible.
J’ai appris à ne pas juger ce qui s’écrit ou
se dit sur cet espace, les propos ne sont
d’ailleurs pas toujours sincères. L’écart
entre la personnalité du jeune et l’image
qu’il souhaite partager peut être important. Aujourd’hui je me connecte environ une fois par semaine ou quand j’ai
un nouveau message. À les lire, j’ai parfois le sentiment d’être devenue veilleur,
ou voyeur ?
Pas de réponses simples, mais il faut
bien répondre
Je reste avec ces questions à la fois de
société et professionnelles. Notre mission est de moins en moins claire dans
une société où l’école n’a plus le même
statut. Il s’agit de permettre aux enfants
à la fois d’apprendre et de devenir des
adultes responsables. Est-il possible
d’intéresser les élèves à leurs apprentissages scolaires sans intégrer ces connaissances à leur vie privée ? Comment leur
montrer que l’apprentissage peut-être
source de plaisir si on n’a pas conscience
du type de plaisir recherché, des questions fortes que se posent les jeunes que
nous formons ? Peut-on leur imposer
des points de vues sans partir de leur
vision ? J’ai besoin dans mon enseignement de mieux connaitre mes élèves
pour mieux approcher leurs questions
et montrer en quoi le savoir scolaire
peut apporter des réponses et du réconfort. Mais peut-être que je me trompe
puisqu’une institution est justement un
espace où l’individu n’existe qu’au sein
d’un collectif. Il y a là un paradoxe qui
me mine : comment avoir un regard différencié au sein d’une institution ?
Cette année, j’ai voulu mettre en place
un blog pour permettre aux élèves de
s’exprimer dans un espace clairement
identifié comme lieu d’échange entre
élèves et professeurs. Le projet n’a eu
aucun écho, les élèves n’ont absolument
pas vu l’intérêt puisqu’entre le téléphone, MSN et Facebook ils ont tout
l’espace voulu. J’ai donc envie de travailler cet aspect l’an prochain en vie de
classe : comment privilégier une communication ciblée qui protège l’intimité
et serve les apprentissages ? Vaste programme, donnez-moi vos idées !
Sylvie Grau
Professeure de mathématiques en lycée
à Orvault (Loire-Atlantique)
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
39
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Une carte de visite sur Internet
Christine Bolou-Chiaravalli
Que dire, que montrer de soi sur Internet ? Répondre « rien » n’est guère
possible alors que c’est devenu un moyen sans pareil d’obtenir
des stages, voire un emploi. Un bel objet de travail pour des classes
de BTS et licence professionnelle.
« Les abeilles pilotent deçà delà les fleurs, mais elles en
font après le miel, qui est tout leur, ce n’est plus thym ni
marjolaine, ainsi les pièces empruntées d’autrui, il les
transformera et les confondra, pour en faire un ouvrage
tout sien : à savoir son jugement ».
I
Montaigne, Les Essais.
l faut profiter de l’enthousiasme de
la rentrée – je parle de celui des professeurs – pour se réconcilier avec
les classes qui, d’habitude, sont rétives à
l’écriture. Un détour intéressant est de
proposer à des classes « techniques » une
activité encore peu répandue : mettre en
ligne leur CV en créant un blog qui ira
au-delà d’une simple feuille A4, bref de
poster « leur carte de visite » professionnelle sur Internet.
On attrape mieux avec du miel
Comment faire écrire mes élèves de
BTS quand le coefficient de ma matière
les motive peu à s’investir sincèrement
et quand l’examen n’intervient qu’en
deuxième année ? En ne leur disant surtout pas que nous allons travailler leur
expression, la cohérence d’un document,
l’impact d’une présentation claire, mais
que nous allons créer un blog. J’étais
naïvement persuadée qu’une telle offre
allait susciter une réaction enthousiaste
de leur part pour plusieurs raisons : ils
ont l’habitude de surfer, connaissent
l’univers des blogs et aiment le monde
numérique. Je me suis heurtée en fait
à une grande frilosité de leur part. Ma
classe de maintenance industrielle a
écouté poliment mon plan d’attaque,
mais la première question après la traditionnelle « c’est noté ? » a été « on est vraiment obligé de le faire ? ». J’ai eu du mal
à saisir leurs réactions, mais je me suis
aperçue lors du cours suivant, en posant
des questions précises, que quatre élèves
sur dix-huit n’avaient pas Internet à la
maison, qu’un seul avait déjà son blog et,
surtout, qu’ils n’avaient aucune idée de
ce qu’ils pourraient bien mettre dedans.
Enfin, il y avait un pas énorme à franchir
entre consulter ou jouer sur Internet et
créer un minisite personnel.
40
Mettre les abeilles au travail
La première étape a donc consisté
à les rassurer et à leur préciser que
j’étais moi aussi novice et que l’entraide était de mise entre nous. De fait,
j’avais déjà créé deux blogs pendant
l’été 2008, mais mon expérience s’arrêtait là. La deuxième étape a consisté à
les convaincre de l’utilité de ce projet :
dans six mois, ils devraient chercher un
employeur pour leur stage de deuxième
année et pourraient contacter en ligne
des entreprises, déposer un CV numérique – ou l’adresse de leur blog – sur leur
site, voire, par la suite, sur des sites d’offres d’emploi. J’ai demandé à la responsable d’une agence d’intérim de notre
ville, Laëtitia Funfschilling, de venir
nous rencontrer une fois avant l’élaboration du blog – pour échanger autour
du contenu d’un CV – et une fois après,
quatre semaines plus tard, pour criti-
réussite notée sur 20, puis à retourner
dans la salle informatique noter le travail des autres. Chacun a pu consulter
environ six blogs de ses camarades. Les
remarques et critiques qui fusaient pendant cette heure ont été beaucoup plus
efficaces que les miennes. La majorité a
modifié, soit immédiatement, soit dans
la semaine qui suivait, les points critiqués : « Toi tu as fait un stage de huit semaines chez XX, où ça ? », « la photo, c’est
dans ta cuisine ? », « Je comprends rien à ta
dernière phrase dans la rubrique Loisirs ».
Les notes obtenues étaient majoritairement bonnes ou très bonnes, c’était la
première fois pour certains dans cette
matière, et ils ont été fortement valorisés par cette activité ainsi que, plus tard,
par le retour d’une professionnelle sur
leur travail.
De la larve à l’abeille travailleuse
J’avais prévu de leur montrer le blog
réalisé via mon opérateur téléphonique, mais l’idée du modèle ne m’a plus
semblé pertinente en salle informatique
lorsqu’ils étaient sur leur ordinateur :
cela pouvait les décourager avant même
Il y avait un pas énorme à franchir entre consulter ou jouer sur
Internet et créer un minisite personnel.
quer notre travail. L’expérience était
très intéressante pour elle aussi. Son
intervention a renforcé le sentiment
qu’ils ont eu tout de même assez rapidement que « cela pouvait servir à quelque
chose ». La troisième étape a consisté à
réfléchir ensemble, à partir d’une version imprimée de leur CV, puis d’une
réflexion au brouillon : que voulaientils faire figurer dans leur blog ? Était-ce
pertinent ? Nous avons passé les trois
cours suivants en salle informatique.
Pour la quatrième étape, j’ai simplement indiqué des sites hébergeurs de
blogs, mais ils étaient libres de choisir celui qu’ils voulaient, du moment
que le pare-feu du lycée les y autorisait.
J’ai montré quelques manipulations de
base : comment s’inscrire, choisir un
fond, créer des rubriques. Mais ils se
sont très vite approprié les fonctionnalités et s’aidaient entre eux.
La cinquième étape a consisté à élaborer en classe une grille de critères de
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
de commencer. Même si le résultat est
de facture classique, personne n’a eu le
sentiment d’être bridé. J’étais en position d’accompagnatrice, de tutorat actif,
mais ils m’ont dit ne pas avoir eu l’impression d’être en train de travailler.
L’émulation est venue en fait très vite
après une phase de résistance et de passivité chez certains. Seul un rebelle n’a
rien fait de valable : une page de garde
avec son nom et cinq lignes de CV. Les
autres ont été très motivés par le sentiment d’être acteurs de leur travail.
L’élève le plus faible est parvenu à un
résultat tout à fait satisfaisant, en se faisant aider certes, mais en suggérant
aussi des pistes. Il a voulu donner une
coloration chaude et orientale à son
blog1, et terminer par une petite vidéo
de lui et d’un ami se faisant mouiller
pour montrer qu’il savait insérer des
films et était débrouillard.
Laëtitia Funfschilling, dont c’était la
première expérience de blog à finalité
4- Identité numérique et « amis » sur la Toile
professionnelle, a trouvé que l’on devinait très vite la personnalité de celui
ou celle qui le rédigeait. Elle était très
sensible aux photos mises en ligne, qui
devaient être à la fois neutres et engageantes. Il était intéressant pour moi
qu’elle parle de la correction grammaticale : les fautes récurrentes et énormes
la gênaient. Elle s’est arrêtée sur le blog
de Guillaume qui, peu à l’aise avec les
nouvelles technologies et avec le français, est parvenu néanmoins à mettre en
avant son gout du travail en équipe à travers un article et la description de son
activité de sapeur-pompier. Il était très
soucieux de la présentation et a retravaillé plusieurs fois son site pour parvenir à un résultat satisfaisant.
Dernier exemple, Damien avait déjà
son blog2 avant que je ne propose l’exercice ; il est allé bien au-delà de ce que
je demandais. Il a ajouté un livre d’or,
a scanné les diplômes qu’il avait obte-
Il n’a pas été le seul et même Guillaume,
dont le site avait été tant admiré, n’a pas
conservé le sien3.
Ils étaient un peu plus âgés que les BTS
et plus au fait de l’usage des nouvelles
technologies, mais, qualitativement, on
ne peut considérer le résultat comme
meilleur : la mise en page, le choix de
la présentation, la charte graphique
étaient comparables4. Le contenu en
revanche est plus riche, moins fautif, et
Plusieurs ont invoqué leur droit à l’anonymat sur Internet.
J’ai dû les autoriser dans un premier temps à utiliser
des pseudonymes, pour surmonter leur réticence.
nus, créé une rubrique « mon actualité », ajouté des flux RSS, un compteur
de visites (1 000 personnes ont visité ses
pages en un an).
Un frelon dans un nid de guêpes
Forte de mon expérience heureuse avec
les BTS, j’ai voulu renouveler l’expérience avec une classe de licence professionnelle en option qualité. La
résistance a été très grande et les déconvenues multiples. Je me suis heurtée à
deux problèmes majeurs.
Plusieurs ont invoqué leur droit à l’anonymat sur Internet. J’ai dû les autoriser dans un premier temps à utiliser
des pseudonymes, puis leur démontrer
qu’ils existaient déjà sur la Toile, pour
surmonter leur réticence. L’usage des
pseudonymes détournait l’exercice et en
faussait aussi l’intérêt, ce qu’ils ont finalement reconnu, et tous sont revenus
aux consignes données initialement.
Le devenir du blog posait problème
à une petite minorité, qui a choisi un
hébergeur proposant l’option « effacer
le blog », ce qui n’est pas le cas de tous,
et je leur ai assuré qu’une fois l’exercice
terminé ils pourraient le faire. Cela a été
le cas pour Maxime qui, le lendemain
de la dernière séance sur ce sujet, a supprimé le blog qui lui avait demandé une
dizaine d’heures de travail, mais dont la
photo avait été plusieurs fois critiquée.
les débats sont allés plus loin : ces blogs
allaient-ils être intégrés sur la plateforme du lycée, constituer la base d’un
annuaire des anciens ? Un débat qui
n’est pas à l’heure actuelle résolu.
Quelques ours mal léchés
dans la webforêt
En complément des heures passées en
salle informatique, nous avons étudié
un texte sur l’e-réputation de Cécile
Maillard5. Les discussions sont allées
bon train et la réflexion a été profonde.
Nous avons parlé d’éthique, de droit à
l’image, de confidentialité. Ils ont pris
pleinement conscience de la notion de
traçabilité. La mémoire d’Internet est
énorme et effacer ses traces n’est pas
toujours facile. La classe de licence qui,
quelques mois plus tard, serait sur le
marché de l’emploi y était très sensible.
S’inscrire sous leur vrai nom leur posait
problème, mais les photos en posaient
encore plus. Certains sont très à l’aise
avec leur image, d’autres pas du tout.
Au départ, deux ou trois ont demandé
à mettre un avatar, un personnage fictif qui « prendrait leur place ». J’ai
confirmé que la photo n’était pas obligatoire et qu’ils pouvaient – ou non – en
faire figurer une selon le principe du CV
anonyme. Au final, tout le monde a mis
sa photo. Mais ils voulaient une pose
avantageuse : devant une belle voiture,
à la plage, avec leur copine et, là encore,
après quelques remarques entre eux, ils
ont éliminé rapidement les plus anecdotiques, mais pas toutes. De même,
ceux qui avaient pris une photo d’eux
avec un appareil à basse définition l’ont
effacée et remplacée d’eux-mêmes. Ils
étaient très soucieux du rendu esthétique de leur blog, tout en étant moins
exigeants sur le fond.
Cela coule de source
En bilan de ces deux expériences, je
peux dire que les productions ont été
à la hauteur de mes attentes et que la
satisfaction de la grande majorité des
étudiants était nette. Ils ont pris plaisir à créer un blog, même à partir de
structures préinstallées, et à faire lire
leur contribution, à soigner leurs réalisations. Ils ont joué sérieusement et
utilement.
Il n’est pas besoin d’être spécialiste
pour se lancer dans cette aventure et,
pour le professeur de français, les intérêts pédagogiques sont évidents : des
compétences sociales et scolaires sont
mises en jeu et les impliquent fortement
dans le cours ainsi proposé. Enfin, créer
un blog s’inscrit dans une logique de coconstruction du savoir : le professeur
dispense et reçoit tout comme l’élève.
Notre travail trouve son accomplissement lorsqu’ils prennent leur envol et
vont au-delà de l’endroit où nous les
avons initialement emmenés.
Christine Bolou-Chiaravalli
Professeure de lettres modernes en lycée
à Guebwiller (Haut-Rhin)
1 karatasmuhammed.unblog.fr
2 damien-mosteiro.kazeo.com
3 soulliereguillaume.unblog.fr/
4 En voici un exemple : damienpinna.unblog.fr
5 Le Nouvel Observateur (n° 2211, 22 mars 2007).
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
41
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Deux jeux de vie
Benoit Drunat
Un point de vue de psychanalyste sur les relations monde scolaire/sphère
privée à l’ère numérique. Pour lui, l’école doit se garder de faire intrusion
dans un champ que les adolescents se sont approprié pour interroger
ce qui change en eux.
E
n 1910, Sigmund Freud achevait l’introduction d’un colloque devant des enseignants par
ces mots : « [l’école] ne doit pas vouloir
être plus qu’un jeu de vie1. » Ainsi, il faisait de l’institution scolaire, un des lieux
où la vie s’éprouve avec tout le sérieux
nécessaire au déroulement de la partie. Il n’était pas sans savoir que l’élève
y joue sa partie combinée à celles des
autres, dans une microsociété dont les
règles se doivent d’être conformes aux
lois de la Cité.
Mais l’école n’est pas le point d’accueil
de tous les jeux de vie notamment, précise-t-il, parce qu’elle « ne doit jamais
oublier qu’elle a affaire à des individus
encore immatures…2 » Cette dernière
expression surannée insiste à sa manière
sur « la plus délicate des transitions, l’adolescence » selon l’énoncé hugolien3.
Or, l’elliptique formule de Freud n’est
pas sans poser problème si l’on envisage de la transposer, cent ans plus tard,
dans l’actualité de l’école, à l’heure où
les programmes scolaires font une place
grandissante aux technologies de l’information et de la communication dans
l’enseignement (Tice). Le motif invoqué de cette inflexion des programmes est multiple : volonté politique de
réduire la « fracture numérique », lutte
contre l’échec scolaire, développement
de l’esprit critique des élèves, explication des méfaits du piratage et du respect de la propriété intellectuelle, voire
protection contre des intentions malveillantes. Soit ! L’école étant de surcroit un lieu d’éducation, on admettra
sans ambages qu’elle joue là une part de
son rôle. Pour autant qu’elle s’y tienne :
« dans l’enseignement ».
Mais voilà, cette orientation dans l’école
s’accompagne d’une autre : les adolescents recourent à d’autres technologies
d’information et de communication,
qui recèlent d’autres enjeux d’éducation, étrangers à ceux qui incombent à
l’école.
42
Un autre « jeu de vie » trouve à s’y développer, essentiel, premier, dont il n’est
pas inutile d’essayer de dire quelque
chose, du point de vue de la psychanalyse, pour répondre à la simple question
de savoir de quel jeu il s’agit et d’en tirer
quelques conséquences, notamment
pour préciser en quoi l’école et plus
spécifiquement l’adulte enseignant se
doivent d’y rester étrangers.
Des joueurs
Certains – nommons-les : les comportementalistes, dont l’idéologie n’est pas
étrangère à ce qui s’élabore dans l’école –
aimeraient réduire l’adolescence à cette
étape obligée dans la conquête d’une
« estime de soi » normée. D’où par exemple la recrudescence, notamment au collège, de dispositifs visant à promouvoir
le « savoir-être » où l’hygiénisme tient
un engagement de choix d’objet (quel
partenaire ?) et de choix de vie (quelles pratiques ?). Aussi l’adolescent estil confronté à une aventure4 : celle qui
le pousse, face aux transformations de
son anatomie et à l’effraction d’un corps
nouveau, dans un sentiment d’étrangeté, à rencontrer un impossible à dire,
à se confronter aux idéaux parentaux, à
s’identifier à ses semblables.
On comprend mieux dès lors pourquoi
le message d’alerte reste lettre morte : ce
n’est pas son problème. Ou plus exactement, ce n’est pas à ce niveau des
interdits que cela se joue. Ce dont il
s’agit pour l’adolescent, c’est de cerner
l’étrangeté pulsionnelle qui l’assaille,
que la langue commune ne suffit pas à
dire et qu’il met à l’épreuve de la série
des pairs dont il s’entoure pour vérifier
que ce qui lui arrive n’est pas hors-sens.
Devant la puissance de la pulsion,
l’adolescent vacille et, dans une forme
de l’urgence, se coltine l’identification
première au désir parental qu’il met en
Les adolescents bricolent donc dans la langue et c’est là que
la partie se noue, notamment sur les blogs et dans les réseaux
informatiques communautaires.
lieu de règle commune et tend à enrayer
ce que les comportementalistes nomment « troubles du comportement » ou
« comportements à risque ». Au nombre
des dispositifs supposés prévenir ces
risques, il est désormais fréquent que
soient proposées aux élèves des actions
en lien avec l’utilisation d’Internet, au
motif que l’école doit promouvoir une
« pédagogie de la vigilance ».
Pour autant que l’on admette que ces
actions soient légitimes, à qui s’adressent-elles ? L’adolescent ne saurait
être réduit à ses comportements, ni la
puberté à une montée hormonale. Qui
donc sont les joueurs ?
La psychanalyse, qui n’a pas d’autre
substrat que la langue, enseigne que ce
qui se joue à l’adolescence réside dans
une ré-actualisation de la libido (quel
désir pour quelle jouissance ?), dans
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
question de façon inédite et radicale.
Or, à cette fin, il ne dispose pas de mots
tels qu’ils puissent exprimer la nouveauté. C’est ainsi qu’il innove et crée
une nouvelle langue vivante, propre à le
dire. À ce titre, l’adolescent est celui qui
rompt avec cette langue commune : elle
ne sait pas dire l’inéluctable transition
que mentionne Hugo.
Dans sa langue5 donc, langue nouvelle,
communautaire, parfois locale, toujours
temporaire – et que l’adulte est prompt
à signaler comme empreinte de provocation, ce qui indique assez le malentendu –, le joueur choisit d’interroger
ce qui advient en lui : la distance inédite
qui s’institue avec l’adulte et l’émergence du désir sexuel. Il utilise à cette
fin des vecteurs de cette langue nouvelle dont il n’est pas inutile de rappeler qu’elle s’inscrivit, un temps, sur les
murs des villes, sous la forme de tags
4- Identité numérique et « amis » sur la Toile
et autres graffitis ou sur les tables des
collèges et des lycées. En effet, dans la
partie qui se joue, pas sans la langue, le
recours à l’écriture est décisif.
Une partie
Beaucoup d’adolescents s’écrivent,
dans une langue que les exilés de
l’adolescence peinent à comprendre :
n’est-il pas commun à bon nombre
d’enseignants de déplorer le jaillissement, dans les productions scolaires
de leurs élèves, de cette langue vivante
étrangère, tombée au champ de l’écrit,
qu’ils ne comprennent parfois qu’à la
condition de l’articuler à voix haute ?
Les adolescents bricolent donc dans la
langue et c’est là que la partie se noue,
notamment sur les blogs et dans les
réseaux informatiques communautaires : avec la langue – Jacques Lacan
une instance de questionnement de
l’Idéal. Qu’est-ce à dire ? Rimbaud, cité
par Philippe Lacadée, en offre, lorsqu’il
achève « Vagabonds », une métaphore,
« énoncé paradigmatique de la quête de
tout adolescent7 » : « moi pressé de trouver
le lieu et la formule 8. » Le jeu consiste
donc à trouver le point (le lieu) à partir duquel un équilibre (la formule) propre à chacun s’établit entre les idéaux
parentaux, les identifications subjectives et les exigences de la pulsion et du
désir notamment.
À la recherche de l’Idéal perdu, tel pourrait donc être le nom du jeu. Jeu qui
interroge des territoires aux frontières
inconnues, dans lequel le joueur doit
s’aventurer sur un no man’s land inhospitalier, ne retrouve pas l’Idéal perdu,
mais aboutit devant une porte. Pour
D’où le sentiment d’« inquiétante étrangeté » éprouvé par tel ou
tel enseignant devant l’accueil qui lui est réservé : on ne devient
pas « ami » (ou pas) impunément.
aurait écrit lalangue pour signaler le
rapport indéfectible entre le sujet et
l’emploi qu’il fait de la langue –, pas
sans l’image du corps6, mais à distance
des corps.
Tout est là : produire un acte qui vise à
garder l’autre à distance, à être identifié
et s’identifier comme semblable, à interroger chez l’autre, comme en miroir, le
mystère de la transition, dans une série
d’enjeux pulsionnels et inconscients.
Mais alors, que s’agit-il d’écrire ? Rien
d’autre que l’énigme de la jouissance,
au sens de la psychanalyse : à distance
du corps de l’autre, dans une proximité imaginaire néanmoins, l’adolescent questionne cet « en-trop » qui le
déborde. L’écriture vient alors border le mystère et scander ses manifestations. Que disent d’autre les blogs des
adolescents ? Que montrent-ils ? À quoi
consacrent-ils leurs échanges sur les
sites communautaires ?
Les règles de la partie sont simples : elles
se limitent aux modalités de l’identification et de la reconnaissance. Via l’écrit,
dans une langue qui leur appartient, ils
constituent un réseau d’« amis » pour
jouer une partie d’un jeu que l’on peut
tenter de nommer.
Le jeu
L’écriture en question n’est pas autre
chose qu’une tentative de traduction,
un décodage. En d’autres termes, on
pourrait proposer la formule suivante :
franchir la dernière étape du jeu, le
joueur doit pousser la porte. À ses risques et périls.
La société contemporaine offre aux
adolescents un nouveau terrain pour
pratiquer ce jeu intime : le huis clos
d’une chambre appareillée d’un ordinateur connecté à Internet. Seuls sont
admis sur le terrain les pairs. Le passage
par une écriture codée en est à la fois le
mot de passe et le login, tel un sumbolon,
un signe de reconnaissance.
On peut donc enseigner les moyens
de comprendre les outils informatiques de communication et les « préventions » utiles contre tel ou tel « danger ».
Mais l’école doit se garder de considérer qu’elle pourrait avoir une fonction
quelconque dans l’aventure en jeu, qui
relève de la pure expérience subjective.
Ainsi, Philippe Lacadée rappelle, avec
sérieux et vigueur que l’école ne doit
pas céder au « mirage… qui prône l’efficacité ou la contention, et de ce fait,
nivèle les différences subjectives…9 »
Ainsi, l’enjeu pédagogique qui se noue
dans l’enseignement des technologies d’information et de communication ne saurait ni recouvrir ni suppléer
ni empêcher la dimension intime qui
s’éprouve entre pairs.
Il est une part de l’adolescent qui ne
concerne pas le professeur et dont
la frontière s’établit au point où
s’éprouvent l’éveil et l’exil du sujet en
question.
Benoit Drunat
Psychanalyste, membre de l’Association
de la cause freudienne (VLB) et du Centre
interdisciplinaire sur l’enfant
(CIEN : www.champfreudien.org/cien)
Intrus et avatars
Voilà pourquoi l’irruption d’adultes
dans ce jeu n’est ni souhaitée ni souhaitable. Ce serait une intrusion qui ne
pourrait pas être sans conséquence sur
l’intrus même. Car il y trouve ce qu’il
vient y chercher : la preuve qu’il n’y a
pas sa place en tant que tel. D’où le sentiment d’« inquiétante étrangeté » éprouvé
par tel ou tel enseignant devant l’accueil
qui lui est réservé : on ne devient pas
« ami » (ou pas) impunément.
Nous le disions en introduction, et
ce point ne fait pas débat : que l’école
prenne à sa charge la dimension pédagogique des Tice (à condition de ne
pas oublier que l’acronyme comporte
le E d’Enseignement) constitue sans
doute une part de son rôle. Mais il en
va autrement si, sur ce motif et ce terrain, on cherche à instituer je ne sais
quelle connivence. L’adulte habite
d’autres espaces, où il doit accueillir
l’adolescent.
1 Sigmund Freud, « Pour introduire la discussion
sur le suicide » (1910), in Résultats, Idées, Problèmes,
vol. 1, Ed. P.U.F, 1984, p. 132.
2 Op. cit., p. 132
3 Victor Hugo, Les Travailleurs de la Mer (1866).
4 À entendre au sens étymologique du participe
futur latin « adventurum », dérivé de advinere, « ce
qui doit/va/peut arriver ».
5 Langue à la syntaxe renouvelée, au signifiant
torturé, à la voyelle abolie, réduite parfois au signe,
souvent polysémique et constituée d’emprunts
détournés. Voir Le Lexik des Cités (Ouvrage collectif,
Ed. Fleuve noir, 2007).
6 Les autoportraits photographiques y tiennent
une large place.
7 Philippe Lacadée (psychiatre, psychanalyste,
membre de l’École de la Cause freudienne), L’Éveil
et l’Exil, Enseignements psychanalytiques de la plus
délicate des transitions : l’adolescence, Ed. Cécile Defaut, 2007, p. 128. Nous ne saurions trop conseiller
la lecture de cet ouvrage aux professeurs.
8 Arthur Rimbaud, « Vagabonds », in Illuminations
(1873 – 1875)
9 Philippe Lacadée, op. cit., p. 23.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
43
5- Ce que ça change pour les usagers de l’école
Blogs pédagogiques
et conditions de travail
Françoise Cahen
Les blogs de classe ou les sites pédagogiques remettent en cause certains
repères classiques de notre métier d’enseignant. Le cadre bien défini de
la relation professeur-élèves dans une classe, avec un horaire déterminé
et limité, explose. Mine de rien, il s’agit d’une petite révolution.
V
os élèves consultent des documents à distance à n’importe
quel moment, ils vous posent
une question en plein weekend via un
commentaire, ils se mettent ensemble à
construire un débat argumenté depuis
chez eux sur une question du programme… Certains parents avouent
regarder chaque semaine l’avancement du travail. Les élèves d’autres
établissements consultent eux aussi
les conseils que vous donnez à votre
classe sur le blog pour préparer l’oral et
vous en remercient… L’eau contenue
dans la casserole du cours déborde sur
Internet, hors du temps, hors les murs :
est-ce dangereux ?
Dans les salles des profs, certains enseignants considèrent même le collègue
qui tient un blog comme une véritable
menace, quand ils n’essaient pas de dissuader les élèves de l’utiliser…
Une remise en cause de l’exercice
du métier enseignant ?
Il faut avouer que certaines situations
posent question. Vous êtes absent pour
maladie, votre remplaçant n’arrive pas
tout de suite, vos élèves doivent prépa44
rer le bac : vous déposez dans l’urgence
des documents sur le blog pour qu’ils
continuent de travailler. L’arrêt de travail qu’on vous a imposé est-il encore
respecté ? « Tu comprends, tu crées un
précédent. Moi, si je suis malade, après
on pourra me reprocher de ne rien faire
pour mes élèves » : ce sont les propos
qu’a tenus un collègue pour expliquer
sa prise de position dans la classe que
nous partageons, contre mes consignes
de travail sur le blog.
est accessible à tout public, cela signifie aussi que votre travail est disponible
pour tous gratuitement, ce qui choque parfois. Certains ont en effet une
conception de l’enseignement plus
« publique » que d’autres, qui considèrent qu’un rapport strictement exclusif
avec ses élèves est de mise, mais aussi
que notre production mériterait une
rétribution des droits d’auteurs comme
n’importe quelle autre publication. De
plus, un collègue qui a donné un commentaire à ses élèves à rédiger chez eux
sur le même texte à l’autre bout de la
France va être bien surpris de retrouver
dans la classe plusieurs devoirs iden-
L’eau contenue dans la casserole du cours déborde sur Internet,
hors du temps, hors les murs : est-ce dangereux ?
Dans certains établissements, le recours
pédagogique à Internet sous des formes
diverses (sites de professeurs, blogs,
ENT) est vu avant tout comme un
moyen de contrôle du travail des professeurs, et ceux qui tentent malgré cela
l’expérience sont parfois considérés
comme de douteux collaborateurs…
Lorsque vous déposez sur votre blog
un corrigé de devoir, par exemple un
commentaire de texte, et que celui-ci
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
tiques, copiés-collés sur Internet. On
peut ne pas être d’accord avec cette libre
circulation des travaux pédagogiques,
qui certes favorise la fraude des élèves.
Limites et auto-défenses à créer
et à respecter
Le blog ne doit pas devenir un substitut des cours. Si l’on met intégralement
des cours sur Internet, quel est l’intérêt ensuite pour l’élève de prendre correctement des notes et même de suivre
5- Ce que ça change pour les usagers de l’école
votre cours au lycée ? En revanche, s’il y
retrouve des repères, le cahier de textes,
des travaux d’autres élèves, des documents complémentaires, des liens utiles, cet outil sera un « plus » qui l’aidera.
On ne doit pas accepter non plus un
véritable télétravail. Libre à nous de
ne pas répondre le weekend aux commentaires des élèves. On peut fixer,
par exemple, des horaires pour répondre aux questions. Il convient de ne pas
se laisser envahir, au risque de devenir
un professeur « no life », comme disent
les élèves, qui abandonne sa vie privée
pour son écran d’ordinateur. Mais qui
dit qu’un professeur ne doit jamais travailler à la maison ?
En outre, chacun reste libre de fixer les
limites qu’il désire : on peut tout à fait
limiter la consultation du site aux seuls
élèves de la classe. Chacun dispose d’un
code pour y accéder. On peut aussi faire
en sorte qu’un blog ne soit pas référencé
sur les moteurs de recherche. Ainsi, son
adresse restera confidentielle. Avant
de créer son blog, il convient de réfléchir à tous ces paramètres. Mais on
peut encore les modifier plus tard, si on
s’aperçoit qu’on est gêné par les visites
des gens de l’extérieur.
Lorsqu’on donne maintenant un
sujet de devoir à la maison à des élèves, il convient aussi d’être prudent
et de vérifier systématiquement qu’il
n’existe pas un corrigé type directement accessible sur Internet. Dans le
cas où ce corrigé existe, pour une dissertation ou un commentaire de texte,
par exemple, si l’on ne veut pas modifier le sujet, il faut alors demander aux
élèves d’adopter un autre plan, montrer que l’on connait l’existence de cette
ressource, mais surtout pas se voiler la
face et faire comme si personne n’allait
la consulter. Généralement, un premier
zéro accompagné de l’adresse Web du
document que l’élève a reproduit dans
sa copie vaccine définitivement toute la
classe contre cette tentation de fraude.
Il est d’ailleurs très simple de vérifier l’authenticité des devoirs : il suffit
de taper dans un moteur de recherche
une ou deux expressions-clés suspectes, et on tombe vite sur le document
incriminé.
Et si les blogs amélioraient
nos conditions de travail ?
Souvent, les collègues qui pensent
qu’un site ou un blog nécessitent un
surcroit de travail vertigineux ignorent qu’en un simple clic, le document
qu’ils ont préparé pour leur cours, ou le
devoir qu’un élève a saisi en classe peut
être mis en ligne sur le blog. Le temps
pour créer un article n’est pas forcément long. Les plateformes associatives
qui hébergent les blogs pédagogiques,
comme WebLettres, sont très faciles
d’utilisation, même pour un novice. Si
j’écris au fil de l’année mon descriptif
des textes étudiés en vue du bac français
de 1re sous forme interactive, il me suffit à la fin de l’année d’en « copier/coller » les différents éléments pour avoir,
sous forme d’un fichier à imprimer, le
descriptif définitif. Mes textes numérisés y sont tous : pour les retrouver au
début du mois de juin, inutile de se lancer dans des fouilles archéologiques
dans un tiroir poussiéreux envahi par
les vieilles photocopies. Les élèves aussi
les ont à disposition immédiate s’ils les
ont perdus… Internet fait peut-être
parfois perdre du temps, mais il en fait
aussi gagner !
vous évite d’avoir dix élèves qui vous
reposent la même question au cours
de l’année. Certains élèves trouvent
un attrait supplémentaire à la matière
quand ils peuvent pratiquer par exemple des exercices interactifs, et vous touchez tout à coup un public qui restait
récalcitrant face à une pratique plus
classique.
Il faut certainement créer avec une
équipe pédagogique un climat de
confiance, et idéalement une dynamique de travail commune pour développer ensemble ces nouveaux outils de
travail. Un lien entre le site du collègue
de mathématiques et le blog de français favorise chez les élèves le recours
à Internet dans les deux matières. En
revanche, si l’on sent un collègue ouvertement « allergique » à cette pratique,
peut-être vaut-il mieux éviter de partager une classe avec lui… Enfin, essayons
de partager le bilan de ces expériences
Il faut certainement créer avec une équipe pédagogique
un climat de confiance, et idéalement une dynamique de travail
commune pour développer ensemble ces nouveaux outils
de travail.
Dire que le recours à Internet revient
à accepter l’existence d’une sorte de
Big Brother qui surveille notre travail
est sans doute excessif. Nous devons de
toute façon remplir un cahier de textes « papier », mais celui-ci est souvent
perdu en cours d’année, ou peu accessible pour les élèves. Tout à coup, en cas
d’inspection, on se souvient qu’il faut
le remplir, et c’est à cette occasion qu’il
est brutalement actualisé. C’est totalement artificiel. Si, prudents, nous limitons l’accès du blog aux élèves de la
classe grâce à des codes, nous rendons
enfin disponibles aux élèves les données d’un cahier de textes fortement
amélioré. L’an passé, toute ma classe
de 2de a pu communiquer par l’intermédiaire du blog avec un élève qui a dû rester immobilisé longtemps chez lui suite
à un accident, et celui-ci a pu télécharger tous les documents du cours chez
lui. Comment ne pas parler de progrès
dans ce cas ?
Un bon blog améliore aussi les conditions de travail en classe. Il crée une
ambiance conviviale quand il est
devenu véritablement interactif et que
les élèves s’en sont emparés. Ils se sentent aidés, soutenus, ils sont tout simplement contents. Une question qui a
donné lieu à une réponse sur le blog de
classe est consultable par tous et cela
avec tous, car n’est-ce pas avant tout
l’inconnu qui fait peur ?
La moindre des choses serait tout de
même de respecter les méthodes de travail des autres, les plus traditionnelles comme les plus novatrices. On peut
comprendre que tout ce qui change les
habitudes puisse déranger, mais combien de temps encore les enseignants
vont-ils pouvoir faire l’impasse sur des
outils massivement utilisés par tous ?
S’en emparer au plus tôt, pour expérimenter les possibilités pédagogiques
d’Internet, mais aussi tester ses limites et ses risques, c’est la seule façon
d’avancer.
Françoise Cahen
Professeure de français en lycée
à Alfortville (Val-de-Marne)
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
45
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Le Web 2.0 et les profs
Collectif
Dix-sept auteurs pour se demander comment le Web 2.0 transforme
le travail enseignant : on peut déjà dire, en ce qui les concerne,
qu’il leur permet d’engager le dialogue et de partager leur plume,
en s’affranchissant de l’unité de temps et de lieu d’une réunion
à l’ancienne, pour échanger et même accorder leurs points de vue.
L
es possibilités offertes par le
Web 2.0 ne sont pas nouvelles,
et les pistes d’exploitation qui
émergent datent parfois même d’avant
Internet1. Cependant, la grande facilité
d’utilisation des dernières applications
favorise la massification et l’intensification de ces usages.
S’informer et se former
Les associations d’enseignants en ligne
telles que Les Clionautes, WebLettres,
Sésamath ou Docs pour Docs ont été le
premier signe, dans notre profession,
de l’émergence du Web 2.0. Pour la
première fois, les collègues étaient mis
en relation les uns avec les autres hors
de toute hiérarchie et de toute décision
institutionnelle : les listes de discussion disciplinaires ou transversales, les
espaces d’échange et de mutualisation
de cours ou de signets ont été le moteur
d’une diffusion horizontale des idées
et des contenus pédagogiques partagés
par les enseignants. Aujourd’hui encore,
elles sont la plateforme où se croisent
les pratiques, où émergent les usages :
d’un côté, elles font connaitre des pratiques isolées, de l’autre elles offrent des
services Web 2.0 (blogs, Ning, Twitter,
Facebook propres à telle ou telle association, etc.).
Les listes de discussion et les sites
Internet permettaient déjà de s’informer et de se former, tant techniquement que sur le plan scientifique.
Désormais, les lieux de veille sont à la
fois nombreux, différents et interconnectés. Sur Diigo ou Delicious, le partage des signets se fait en réseau, dans
des communautés d’intérêts auxquelles
on s’inscrit. Les liens sont également
diffusés sur les réseaux sociaux comme
Twitter ou Facebook, où ils sont commentés. L’agrégation de ces flux se fait
via des portails Netvibes ou Symbaloo2
que l’on mutualise. Sylvain Perot, webmestre d’un site académique, présente
son portail Netvibes : « Il me fallait un
outil simple qui me permette de rester en
46
contact avec l’actualité pédagogique. J’ai
donc créé plusieurs onglets correspondants
à mes thématiques. Devenu la page d’accueil de mon navigateur, Netvibes me tient
informé rapidement et me permet de relayer
les infos sur le site académique. J’ai également rendu publique une partie de mon
Netvibes pour les collègues que je forme3. »
Les réseaux sociaux sont devenus de
véritables sources de documentation,
éléments nécessaires des veilles pédagogiques. Des organismes institutionnels académiques ou nationaux y sont
d’ailleurs de plus en plus présents et y
diffusent leurs informations.
Échanger pour se former
Le Web 2.0 rend le travail et les échanges plus aisés, plus rapides, plus directs,
mais il ne change pas la posture des utilisateurs. Les outils d’écriture partagée
permettent de publier sans compétence technique particulière et d’intervenir sur les publications des autres.
Les enseignants les utilisent donc pour
échanger dans un réseau bien plus large
qu’une salle de professeurs, avec des
enseignants d’autres disciplines, dans
d’autres contextes, mais aussi avec
des professionnels d’autres horizons.
Avec les réseaux sociaux, et notamment Twitter, on parle de « sérendipité »
pour évoquer les heureux hasards, les
rencontres qui nous font faire un pas
de côté et nous donnent du recul pour
envisager notre enseignement sous un
angle inhabituel. Il est ainsi plus facile
de confronter ses usages avec ceux des
autres pour enrichir sa pratique professionnelle, trouver des idées pour varier
la forme de son enseignement. « Dès ma
préparation au concours, j’ai utilisé ces
différents outils pour m’organiser et échanger avec d’autres étudiants et des collègues
D’où parlez-vous ?
Cet article est un exemple de la puissance du Web 2.0 dans le domaine de l’éducation. Après
un appel lancé sur Twitter pour écrire un article à plusieurs mains sur le thème « Le Web 2.0
et les profs », plus d’une quinzaine d’enseignants ont cliqué sur le lien Etherpad inclus dans
le tweet. Ils ont proposé des idées, des formulations, des questions dans la page principale,
tout en échangeant dans l’espace de chat sur la méthode à employer dans cette démarche
nouvelle. Après avoir isolé les idées principales et ordonné le texte, nous nous sommes
retrouvés à cinq sur Skype pour discuter du plan et rédiger les intertitres. Quelques relecteurs,
prévenus via Twitter, sont venus relire cette première mouture. Dernière étape, les deux
coordinatrices ont rédigé introduction et conclusion, et procédé à quelques retouches finales.
Cette démarche d’écriture est aussi le reflet d’une forme de concession que doit faire
le « prof 2.0 ». Le Web 2.0 a comme effet de modifier la posture du professeur dans son
enseignement : celui-ci n’a plus à vouloir faire passer par sa propre tête tous les savoirs
devant être intégrés par ses élèves. Le passage du one-to-many à many-to-many commence
quand le professeur laisse entrer des experts des domaines abordés en classe, qui peuvent
s’adresser directement aux élèves par les dispositifs numériques. Ensuite, le professeur
devient « passeur » de clés de lecture pour aider ses élèves à mieux décoder les flux de
données qui circulent venant de sources multiples. Les professeurs demeurent d’importantes
sources de connaissances avec le Web 2.0, mais apprennent à ne pas toujours être la source,
comme dans ce texte que vous êtes en train de lire, où la perspective de chacun a été
soupesée. En bons « passeurs », ils voient la « concession » comme une valeur ajoutée, avec le
temps, à leur mission d’enseignants.
Cette expérience est l’un des usages les plus aboutis du Web 2.0, et a mis en évidence les
difficultés du travail collaboratif à distance : prendre en compte la parole de l’autre, mais
aussi l’amender, la compléter, la supprimer parfois ; trouver des espaces de discussion pour
échanger autour des méthodes, des modifications à faire sans blesser personne ; trouver la
place de chacun dans le collectif, et éviter l’appropriation par l’un du travail des autres.
Dix-sept auteurs ont voulu montrer ainsi ce que le Web 2.0 apportait à leur pratique
professionnelle en dehors de la présence des élèves.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
5- Ce que ça change pour les usagers de l’école
déjà en poste. Effectivement, cela abolit les
frontières géographiques et hiérarchiques.
Un avantage supplémentaire du Web 2.0,
c’est peut-être de rester en situation d’apprentissage et de ce fait de rester plus proche des obstacles cognitifs rencontrés par les
élèves. » (Armelle Mourtada4, professeure
documentaliste)
Les réseaux sociaux comme Facebook
et Twitter mêlent la publication d’informations d’ordre professionnel et privé.
Dans ce contexte, la légitimité n’est
plus garantie par l’autorité ou les diplômes, mais par les compétences des uns
ou des autres telles qu’elles sont reconnues par leurs pairs, ce qui facilite la
prise de contact avec des « spécialistes »
pour demander une aide scientifique ou
technique et assure ainsi un gain notable en terme de qualité de l’information. « Pour préparer le cours d’éducation
civique sur les partis politiques en 3e, j’ai
demandé de l’aide sur Twitter pour définir
la droite et la gauche. Puis j’ai pu entrer en
relation avec des hommes et femmes politiques pour trouver des programmes synthétiques de ces partis. » (Géraldine Duboz5,
enseignante d’histoire-géographie)
Si le Web 2.0 demande peu de formation
technique, il impose un changement
d’attitude. Des codes se construisent
peu à peu, qui prennent leur importance
lorsqu’on utilise ces outils pour travailler ensemble. Etherpad, par exemple, comme les wikis, autorise à modifier
ou exploiter le travail de l’autre à condition de respecter certaines règles éthiques essentielles. Il y a un apprentissage
à faire. Ces outils permettent d’ailleurs
d’obtenir des formations : « J’ai découvert Etherpad par Twitter et trouvé aussi
des copains avec qui tester en quelques
minutes ; on a réfléchi à ce qu’il était possible de faire avec. Idem pour Google Wave.
J’ai ensuite à mon tour aidé des correspondants à utiliser ces outils. » (Géraldine
Duboz) Expérimenter ensemble, pour
à la fois apprendre à utiliser l’outil et
concevoir des situations d’apprentissage adaptées.
Construire ensemble
Parce qu’il facilite les échanges synchrones et asynchrones, le Web participatif
est de plus en plus utilisé pour co-élaborer des ressources pédagogiques, voire
même construire ensemble une façon
d’enseigner : « Je voulais utiliser des cartes mentales comme support d’évaluation :
on en a discuté d’abord sur Twitter, puis on
a continué dans GoogleWave. J’ai proposé
mes évaluations, on en a parlé, j’ai changé
certaines choses puis mis des photos d’évaluation d’élèves pour montrer ce que cela
Les associations d’enseignants ont été le moteur de l’évolution de la profession vers le Web 2.0 avec l’émergence
progressive de la mutualisation, du travail coopératif, puis du travail collaboratif. Images de Soph’© WebLettres
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
47
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
a donné. Et on a aussi discuté de la correction. » (Géraldine Duboz) À l’ère
du Web 2.0, l’enseignant passe insensiblement d’un mode de travail hiérarchique à un mode de travail réticulaire.
La méthode perturbe assurément le
système.
L’un des principaux apports du Web 2.0
est peut-être que les enseignants hésitent moins à publier un work in progress pour demander l’aide du réseau
afin de le peaufiner, voire même de coconstruire une séquence avec des élèves
pour aboutir à des activités plus ouvertes qui s’enrichissent de leurs retours.
Certaines expériences de travail collaboratif sont plus structurées. Dans ce qui
apparait comme l’une des productions
les plus spectaculaires des enseignants,
Sésamath a réuni plusieurs dizaines,
voire centaines de collègues autour d’un
travail collaboratif sur la création de
manuels de mathématiques en ligne et
imprimés libres de droits (gratuitement
accessibles en ligne avec leurs prolongements interactifs), ainsi que la mise au
point de logiciels de mathématiques à
exploiter en classe ou à la maison, tou-
jours gratuits et libres de droits, dont les
plus emblématiques sont Mathenpoche
et Kidimath.
Du plaisir de la mise en réseau
Que ce soit pour s’informer, échanger
pour se former, construire ensemble,
bien des enseignants ont su mesurer les
possibilités de la mise en réseau. Ils utilisent des applications du Web 2.0 pour
s’enrichir des expériences de leurs pairs
et pour promouvoir leurs propres initiatives. Les enjeux professionnels ne
sont pas à négliger, et les questions de
temps et de reconnaissance institutionnelle sont importantes. Mais pour les
enseignants qui ont gouté à ces nouveaux outils, la plus-value est telle qu’ils
ne se passent plus désormais du plaisir
de travailler ensemble, de s’améliorer
dans l’échange, de participer à la production de ressources de qualité.
S’il est vrai qu’ils s’enrichissent à titre
personnel et professionnel, il est important de noter que l’usage du Web 2.0
modifie également leur démarche d’enseignant. Ces « profs 2.0 » acceptent
de devenir à leur tour simples « passeurs » pour conduire leurs élèves vers
un usage autonome du Web et un accès
plus direct aux sources de connaissances. Et c’est bien là un des enjeux du
numérique.
Cet article a été rédigé à plusieurs mains,
grâce à des outils collaboratifs
(Etherpad pour l’écrit et Skype pour l’oral)
par des enseignants sollicités
sur Twitter. Merci donc à
Mario Asselin, David Cordina, Caroline
d’Atabekian, Cyril Delabruyère, Claire
Egalon, Géraldine Duboz, Emmanuel
Gunther, François Jourde, Caroline
Jouneau-Sion, David Landry, Marc Lohez,
Ostiane Mathon, Emmanuel Maugard,
Jean-Paul Moiraud, Armelle Mourtada,
Pascal Nodenot, Virginie Paillas, Sylvain
Perot, Jerôme Staub, Guillaume Touzé,
Pierre Travers.
1 Jean Valérien, responsable du centre audiovisuel
de l’ENS, en témoigne dans une interview à propos
du développement des nouvelles technologies
dans l’École des années 1960 : www.canal-u.tv
2 Pour exemple le portail de Lyne Fichet : www.
symbaloo.com
3 Sylvain Perot, Humanidades ensino – História –
Geografia : www.netvibes.com/sylvain_perot
4 @Aristide_12 sur Twitter.
5 @gduboz sur Twitter.
Des enjeux professionnels sensibles
La massification de la présence enseignante sur Internet pose quelques questions essentielles liées à notre identité professionnelle.
L’identité numérique des enseignants
L’identité numérique, c’est justement l’image qu’on donne à voir de soi
sur Internet. De plus en plus d’enseignants, à l’image de ce qui se passe
dans la société, se retrouvent sur Facebook, postent des commentaires sur des blogs ou s’inscrivent sur des forums. De cette manière, les
enseignants se montrent sur Internet, s’y exposent parfois. Dans ces
pratiques nouvelles pour la plupart d’entre eux, il est difficile de se positionner : les identités personnelles et professionnelles risquent à chaque instant de se mélanger, il faut surveiller ce que l’on publie, veiller à
vider ses poubelles numériques. Quelques récentes affaires, en France
ou ailleurs, nous le rappellent1. Cependant, cette identité numérique
est également un immense atout pour les enseignants souvent isolés dans leur classe. Fini le temps où l’inspection, tous les cinq ou six
ans, était le seul moment où l’enseignant partageait son travail. Désormais les professeurs peuvent faire connaitre leur travail sur Internet,
être reconnus pour leurs compétences, parfois invités à faire des formations, des conférences, à écrire des articles2 et en tout cas à donner
une autre dimension à leur carrière.
La dérégulation du temps et de l’espace
Le constat est quasi unanime : le Web 2.0 est chronophage. Peut-être
parce qu’il permet la constitution d’un deuxième réseau professionnel en plus de la « vie réelle » et donc démultiplie les expérimentations
et les envies d’essayer. Les flux d’informations sont pléthoriques et le
tri devient difficile, se fait parfois au détriment de la lecture des articles repérés, ou de la vérification des informations reçues. Il faut accepter de ne pouvoir tout suivre. C’est une nouvelle logique de veille qui
est à construire.
Un autre bouleversement est à l’œuvre, car l’école n’est plus l’unique
lieu d’apprentissage et l’emploi du temps est éclaté : « Testant actuellement un outil de travail collaboratif avec des élèves d’option “Découverte
professionnelle”, je demande à mes élèves de se donner rendez-vous sur
l’agenda partagé et de me communiquer leur lien Etherpad ou leur Google Doc. Ceci suppose de me rendre disponible et la gestion du temps est
48
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
complexe. On ne peut plus tenir compte uniquement du temps passé
devant les élèves » (Emmanuel Maugard). L’école ne peut plus fermer les
yeux sur cette évidence. Le World Wide Web s’est emparé de la question
du temps et de l’espace si compliqué, voire impossible pour certains,
à traiter dans le cadre de l’établissement traditionnel tel qu’il existe
et tel qu’il a évolué depuis la promulgation de la loi Guizot en 1833. La
« maison d’école obligatoire dans chaque village de France » n’est plus
uniquement ce lieu incarné par une instance centrale suprême. Avec
l’apparition d’Internet puis du Web 2.0, l’institution-école s’est élargie en une communauté de pratiques planétaire qui a fait éclater les
murs de l’enceinte scolaire et les cadres traditionnels de l’instruction
et de l’éducation. Les murs de la classe tombent, les parents s’insèrent
dans la relation élève/enseignants, sans l’interface de l’école. Difficile
de trouver là-dedans sa juste place d’enseignant, de professionnel…
Mais n’est-ce pas également une chance ? Car finalement l’éducation
est bien l’affaire de l’ensemble des membres de la société.
Nous sommes donc face à un paradoxe, entre une institution qui raisonne, à propos du travail des enseignants, en temps face aux élèves
alors même que beaucoup se joue désormais hors de ce temps-là. Et
ceci aura sans doute tendance à s’accentuer avec la généralisation des
ENT. Temps de préparation, temps d’enseignement, temps de formation, ce temps passé sur le Web peut-il être intégré par l’institution dans
notre mission ? L’université ouvre la voie en intégrant officiellement le
temps numérique dans des textes entrés en vigueur en juillet 20093.
Qui sait ? La généralisation des espaces numériques de travail, outil institutionnel qui banalisera le numérique chez les professeurs, pourrait
entrainer de tels changements dans le primaire et le secondaire aussi ?
1 Tel ce professeur critiquant un joueur de foot décédé (www.lavoixdunord.fr,
28 janvier 2010), cet enseignant qui se montre fumant de la marijuana (matin.
branchez-vous.com, 3 juin 2009) ou cette collègue qui, malade, écrit sur Facebook (www.20min.ch, 23 avril 2009).
2 Dans ce numéro : Laurence Juin, David Cordina et quelques autres ont été
repérés via Twitter.
3 Décret n° 2009-460 du 23 avril 2009.
5- Ce que ça change pour les usagers de l’école
Le blog des délégués de 6e D
Jacob et Mathieu
Entretien avec deux élèves de onze ans, délégués d’une classe de 6e
qui ont pris l’initiative d’ouvrir, quelque temps après leur élection,
un « blog des délégués » afin de « garder le contact avec la classe ».
– Pourquoi ce blog ?
– Jacob : L’idée était d’abord de mettre à
disposition des élèves de la classe toutes
les informations que nous avions à leur
transmettre. On voulait aussi que chacun puisse y publier des articles, mais on
n’a pas trouvé l’occasion de distribuer
des codes à tout le monde pour cela.
– Mathieu : C’est pour les aider autrement que les professeurs ne pourraient
le faire. On y met aussi les devoirs de la
semaine dans toutes les disciplines, pour
ceux qui n’auraient pas pu les noter.
– Comment l’idée du blog vous est-elle
venue ?
– Jacob : Notre prof de français a ouvert
un blog pour son cours. L’idée nous a
plu, on lui a demandé comment faire.
– Que trouve-t-on sur votre blog ?
– Jacob : En plus des devoirs, des informations que les professeurs nous ont
données et qu’on n’a pas toujours pu
transmettre. Par exemple, dans la rubrique « Info cours », il y a un article à propos du cours de musique, qui transmet
une demande du professeur indiquant
qu’on peut apporter notre instrument
le 14 décembre s’il est facile à transporter et qu’on pourra en jouer.
– Mathieu : Il y a aussi des informations
à propos des sorties, en général tous les
élèves les attendent avec impatience. Et
puis il y a des liens.
– Qu’avez-vous ouvert comme rubriques ?
– Jacob : Il y a une rubrique « Conseils de
classe » dans laquelle on met les comptes
rendus, une rubrique « Divers » où l’on
met tout ce qui ne rentre pas ailleurs. Par
exemple, un camarade ayant demandé
comment faire une BD de « birds dessinés », nous avons écrit un article pour
donner le lien du site qui permet de le
faire. Dans la rubrique « Le coin administratif », nous avons créé un article
pour demander à nos camarades de
nous indiquer leurs suggestions à faire
suivre aux délégués du conseil d’administration en vue d’une prochaine réunion, ou encore nous avons fait suivre
une demande de notre professeur prin-
cipal, qui voulait récolter les adresses électroniques des parents d’élèves
pour la CPE. On a récupéré quelques
adresses en commentaires. Il y a aussi
une rubrique « Le blog », qui signale
les nouveaux liens, une rubrique « Le
coin info » du collège, pour signaler, par
exemple, les dates des réunions parentsprofesseurs ou les absences ou retours
d’un professeur. Les devoirs sont dans
la rubrique « Cahier de textes ». Il y avait
une rubrique « Rugby », qui est devenue
un nouveau blog ; c’est ce qui est arrivé
également à la rubrique « Deutsch » à
l’occasion du voyage en Allemagne.
– Vous avez ouvert deux autres blogs en
plus du blog des délégués, de quoi s’agit-il ?
– Jacob : Il y a le blog FranceDeutschland 6D1 qu’on a ouvert à l’occasion du voyage en Allemagne. On a
mis des informations sur le voyage, un
diaporama et on a proposé aux autres de
nous donner leurs photos pour qu’on
les mette en ligne. Avec la prof d’allemand, on est en train de trouver un système pour centraliser les photos pour
faire un diaporama plus complet.
– Mathieu : Et puis il y a le blog des
sports, qu’on a créé pour faire connaitre ce qui se passe avec les sports au
collège : nous avons trois AS de sport
(rugby, pingpong, volley).
– Recevez-vous via le blog beaucoup
de messages ou de commentaires de vos
camarades ?
– Jacob : Quand on fait appel à eux oui,
ils répondent, mais sinon pas trop. Il n’y
a pas beaucoup d’échanges, à part quelques commentaires que l’on supprime
parce qu’ils sont personnels. Mais on
sait qu’ils le consultent, ils en parlent
de temps en temps en classe. Par exemple, un camarade qui est lent en classe
nous a dit qu’il était content qu’on ait
mis les devoirs en ligne, car il n’a jamais
le temps de les noter. Lui, il va voir le
blog tous les soirs.
– Mathieu : Des fois, certains nous font
des suggestions sur la gestion ou le
contenu du blog, pour créer de nouvelles rubriques, des liens.
– Qu’est-ce que vous attendriez que les
autres écrivent dans votre blog ?
– Mathieu : En commentaire, leurs
impressions.
– Jacob : Pour le blog des sports, par
exemple, ceux qui font volley ou pingpong pourraient écrire des articles pour
donner les résultats de leurs matchs,
quand il y a des compétitions.
– À propos du blog des délégués, avez-vous
des statistiques de visite ?
– Jacob : Le blog a été ouvert il y a à peu
près deux mois et a compté, depuis,
1 254 visiteurs uniques et 5 437 pages
vues.
– Êtes-vous satisfaits du blog et de son fonctionnement actuel ?
– Jacob et Mathieu : Oui ! Ce serait
bien qu’il y ait des moments réservés,
par exemple en vie de classe, pour parler du blog et donner aux autres leurs
codes. Mais on est contents comme ça,
on referait pareil l’an prochain.
Jacob et Mathieu
Élèves du collège Georges Braque
(Paris XIVe)
Le blog est accessible à l’adresse : www.
weblettres.net/blogs/?w=Leblogdesdel
1 www.weblettres.net/blogs/?w=deutsch
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
49
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Un blog au service de la liaison
classe-familles
Gilles Teyssèdre
Un blog tourné vers la communication école-famille : quel impact sur la
pratique de l’enseignant dans son travail de liaison avec les familles ? La
mise à disposition de l’outil ne suffit pas en tout cas à en assurer l’usage.
J
’ai mis en place, dans une classe de
CM1-CM2, un blog volontairement
tourné vers la communication écolefamille, avec deux questions :
– Quelle utilité pour la classe ? Et incidemment, quel objectif pour le maitre ?
– Quelles contraintes cela va-t-il imposer (maitrise à minima de l’interface,
temps de travail…) ?
Après une courte prise en main favorisée par l’interface relativement intuitive
de l’hébergeur académique, j’ai commencé par insérer une banque minimale d’informations et de ressources
qui soit utile et exploitable immédiatement par les familles : exerciseurs, aides
en ligne (tables d’additions et de multiplications, exercices de maths et de français, vidéos sur le conseil de classe, sur
l’histoire ou sur la digestion, clip d’une
chanson apprise en classe), et informations diverses.
Depuis cette rentrée, l’objectif est
double :
– Proposer un espace de communication supplémentaire classe-familles
ouvert sur les questions éducatives et
pédagogiques. Partant de l’idée que le
blog sera d’autant plus consulté qu’il
est utile et facilite le suivi parental, j’ai
choisi de prendre appui sur cette part
de l’école qui entre, bon gré, mal gré,
dans la famille : les leçons et devoirs.
– Proposer un espace de socialisation
valorisant certains évènements et productions de classe.
une posture plus prudente l’année précédente, quand avait été lancée l’idée
de le « personnaliser » davantage (photographies des activités, œuvres et textes des élèves) selon une proposition du
conseil des élèves. Le blog alors mis à
disposition par un hébergeur gratuit
était uniquement accessible avec identifiant et mot de passe.
Les réactions ont été plutôt positives,
les parents s’intéressant particulièrement au suivi et à l’information (pourtant très partielle) sur le travail de classe,
à la vérification du travail à faire à la maison (leçons et devoirs) ainsi qu’à l’aide
et aux ressources (une dimension souvent citée, dans laquelle l’enseignant est
vu comme un « filtre » qui garantit l’intérêt des ressources proposées).
La fréquentation, bien que modeste,
montre que trois familles au moins
consultent le blog quotidiennement.
Les interactions avec les utilisateurs
Des consultations, mais peu
d’interaction
Lors de la présentation à la réunion de
début d’année, les parents avaient posé
quelques questions sur l’accès, le droit
à l’image, l’utilité, les interactions possibles. Après quelques mois de mise
en ligne, le blog, libre d’accès, mais ne
dévoilant aucune donnée personnelle,
semble perçu comme sûr. J’avais choisi
50
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
demeurent marginales (moins de deux
commentaires par mois) et ne donnent
lieu à aucun échange long (pas plus
d’un échange du type commentaireréponse à chaque fois). On notera toutefois, que la plupart des commentaires
n’a pas trait aux informations courantes
du blog, les leçons ou les aides au travail (fiche mémento, sites de ressources
ou exerciseurs en ligne), mais portent
sur des pages attachées à des évènements particuliers de la vie de la classe :
la bourse aux jouets et aux livres, le carnaval du quartier, le voyage d’une élève
au Brésil, la publication d’un nouveau
numéro de notre magazine en ligne,
évènements qui font en outre l’objet
d’un suivi en classe.
L’impact du blog demeure relativement
limité au regard des relations habituelles que les parents entretiennent avec
l’enseignant (un à deux entretiens de
trente à quarante minutes par an avec
chaque famille, et un à deux échanges
rapides à la grille de l’école chaque jour
avec un parent ou un autre). En effet, si
le blog facilite une information rapide,
5- Ce que ça change pour les usagers de l’école
force est de constater qu’il reste cantonné à cet usage, au détriment d’une
plus grande communication.
Donner la main aux élèves ?
Les parents réagissent plus volontiers
lorsqu’on expose des évènements de la
vie de la classe. Ils se sentent davantage
concernés et probablement plus « autorisés » à donner un avis, à faire partager une information ou des ressources
qu’ils ont parfois contribué à créer (un
papa a ainsi informé les parents de la
classe qu’il avait ouvert un blog privatif temporaire pour leur permettre de
télécharger les photos du carnaval qu’il
avait prises).
C’est donc avec l’idée de favoriser cet
objectif de communication qu’a été
envisagée cette année une prise en main
accrue du blog par les élèves, notamment par l’information et la présentation des évènements de classe ouverts
aux parents, ainsi que par la « socialisation » de certaines productions. Cette
ouverture, qui parait pertinente et
nécessaire, n’est cependant pas exempte
d’une arrière-pensée plus concrète :
mon temps de travail.
J’ai évalué qu’avec de l’habitude, la
maintenance du blog me demande
une quinzaine de minutes par jour ; un
investissement raisonnable effectué en
général juste après la sortie des élèves.
Ce temps sera largement augmenté s’il
faut que je me charge de présentations
et de mises en forme plus complexes
que celles composées quasi exclusivement de textes et d’hypertextes. Inclure
les élèves dans la tenue et l’enrichisse-
ment d’une rubrique dédiée à la vie de
la classe (tâche comprise dans le plan de
travail individualisé et intitulée : « être le
journaliste du blog de classe ») devrait
ainsi tout à la fois permettre de donner
un nouveau souffle à la communication
avec les familles, et ouvrir les activités de classe sur d’autres compétences
pointées par le B2i.
Gilles Teyssèdre
IPEMF à l’IUFM de Poitiers,
doctorant à l’université de Bordeaux 2,
laboratoire Laces
Le blog est consultable à l’adresse :
blogs17.ac-poitiers.fr/palissy-larochelle
Déléguer la direction
de publication
Serge Pouts-Lajus
La réalisation de publication par les élèves dans le cadre scolaire soulève
des questions d’ordre règlementaires et juridiques qui ne doivent pas
être ignorés ni pris à la légère, car leur pouvoir de blocage est important.
Le rôle des chefs d’établissements est sur ce point essentiel.
L
e site Web de l’établissement est
le lieu naturel de publication des
travaux scolaires. Il épargne aux
enseignants d’avoir à en chercher un,
mais, surtout, il permet aux classes ou
aux groupes d’inscrire leurs publications dans une dynamique commune,
celle de la communauté éducative
locale. Or, la loi prévoit que toute publication, quel qu’en soit le support, qu’il
soit matériel ou immatériel, doit être
placée sous la responsabilité d’une personne physique : le directeur de publication. Dans le cas d’un établissement
scolaire, ce sera le chef d’établissement :
proviseur ou principal dans le secondaire, directeur d’école ou inspecteur
de circonscription dans le primaire1.
Cercle vicieux légal
Le cadre juridique de la publication est
constitué d’un ensemble complexe de
dispositions relatives au respect de la
propriété intellectuelle, de la vie privée et du droit à l’image, à la diffusion
d’informations non vérifiées, non autorisées ou dangereuses, mais également,
dans le contexte scolaire, au respect du
service public, à la neutralité politique,
religieuse ou syndicale et à la publicité
commerciale. Pour en savoir davantage sur ces règles et sur la façon dont
elles s’appliquent dans le contexte de la
publication scolaire en ligne, on peut se
référer aux conventions et aux chartes
par lesquelles les services académiques
qui hébergent les sites d’établissements
spécifient leurs propres responsabilités
et celles des chefs d’établissements2.
Quelle que soit la façon dont ces textes sont rédigés, que l’on y évoque ou
non les amendes et les peines de prison auxquelles le directeur de publi-
cation s’expose en cas de délit, ils sont
perçus comme des alarmes préventives
et conduisent beaucoup de chefs d’établissements à mettre en place des dispositifs de protection et de contrôle
qui, souvent, inhibent la dynamique
de publication et dissuadent les enseignants et les élèves de s’en emparer.
Avec le temps, la situation a plutôt tendance à se dégrader. Les enseignants
qui avaient pris le parti de travailler avec
leurs élèves sur des sites hébergés hors
du cadre institutionnel et d’en assurer
eux-mêmes la direction sont incités à y
renoncer. Parallèlement, la conscience
des enjeux de la responsabilité éditoriale augmente chez les chefs d’établissement ce qui les conduit naturellement
à renforcer leur contrôle sur le processus de publication.
Internet et la pédagogie
Il est tentant d’établir un parallèle entre
ces deux situations : d’une part, celle qui
met face à face dans les établissements
scolaires, les logiques et les acteurs
du champ administratif avec ceux du
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
51
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
champ pédagogique3 ; d’autre part,
dans le monde de la communication,
celle qui confronte les nouveaux médias
en ligne avec les médias traditionnels de
masse. La souplesse et la liberté réclamées par les pédagogues dans leurs écoles font écho à celles que les acteurs de la
publication en ligne revendiquent dans
les médias. Les uns et les autres contrarient de la même façon la rationalité des
positions et des législations établies.
Le fonctionnement des blogs permet
d’illustrer cette similitude. L’expérience
montre que les blogs dont les billets doivent être préalablement validés ou dont
les commentaires sont modérés à priori
sont en général moins réputés et moins
actifs que ceux où le contrôle est fait à
postériori. La confiance, la responsabilité et la liberté de l’expression individuelle sont la marque de fabrique du
Web et la condition de ce qui fait son
intérêt propre : l’abondance des biens
communs qu’il produit et diffuse.
Dans le domaine pédagogique, de
façon similaire, le contrôle, la validation
ou la correction ne doivent intervenir
qu’après-coup. Pour apprendre, pour
s’élever, il faut s’engager, au risque de
se tromper, sans être systématiquement
contrarié ni corrigé dans le cours de son
expression. C’est à cette condition que
l’apprentissage a les meilleures chances
de se produire et c’est en définitive sur
cette dimension « libertaire » ou « anarchique » pour reprendre l’expression de
Tardif et Lessard, que repose le potentiel pédagogique de la pratique du blog.
Attribution de droits de publication
Pour des raisons pratiques, les chefs
d’établissements confient souvent la
charge de l’animation du site de l’établissement et attribuent du même coup
des droits de publication importants à
des personnes qui en sont capables et en
qui ils ont confiance. Sur le plan strictement juridique, cet arrangement n’exonère pas le chef d’établissement de ses
responsabilités. Mais ni lui ni le webmestre auquel il confie « les clés du site »
ne peuvent se sentir protégés par un
accord qui reste le plus souvent tacite
et informel. Le webmestre, soucieux
de se protéger lui-même et de protéger
son supérieur, sera tenté de distribuer
les droits de publication avec une prudence renforcée par le caractère flou de
ses responsabilités.
La voie du compromis
Une telle situation n’est évidemment
pas satisfaisante. Pour en sortir, une
solution simple et facile à appliquer
52
consiste à formaliser, par une convention, un cadre raisonnable d’attribution
de droits à des personnes physiques
qui peuvent être des enseignants, des
parents d’élèves, des élèves. Cette
convention propose des principes et des
règles de fonctionnement acceptables à
la fois par le chef d’établissement, responsable légal, et, par exemple, par les
enseignants qui souhaitent exploiter le
site de l’établissement à des fins pédagogiques avec la souplesse et l’autonomie
requises. Elle doit également permettre
au bénéficiaire du droit de publication,
s’il le souhaite, d’en attribuer lui-même
d’autres de même nature, par exemple à des élèves, en formalisant ou non
cette attribution par la signature d’une
convention (voir ci-dessous).
Les débats juridiques sont toujours
intéressants, mais, conduits de façon
abstraite et peu experte, ils peuvent
conduire à des impasses ou à des blocages. Or, la loi est toujours en position
d’avoir le dernier mot et personne ne
peut le regretter. La voie du compromis
qui oblige les représentants des deux
composantes, administrative et pédagogique, qui cohabitent au sein de l’institution scolaire, est une voie raisonnable,
clairement préconisée ici.
Serge Pouts-Lajus
Éducation & Territoires
1 Bien qu’une école ne soit pas un établissement, le
ministère recommande que le directeur soit considéré comme le directeur de la publication (lettre de
la DAJ B1 N°380 du 20 novembre 2001).
2 Par exemple, celle de l’académie de Versailles :
tice.ac-versailles.fr
3 « L’école, en tant qu’organisation, oscille entre
deux pôles extrêmes : une bureaucratie rationnelle
et une organisation anarchique […] L’indépendance
est maximale entre les agents. Les administrateurs
peuvent donner des conseils, mais pas des ordres.
En fait, une large portion de qui se fait réellement
échappe complètement à leur contrôle […] Cette
réalité signifie que les organisations scolaires ne
doivent pas être conçues suivant l’une ou l’autre
logique, et certainement pas selon une logique
strictement instrumentale et bureaucratique, car les
facteurs humains y prédominent. » (Maurice Tardif
et Claude Lessard, Le travail enseignant au quotidien, les presses de l’université Laval, 1999)
Modèle de convention d’attribution d’un droit de publication
sur un site Internet d’établissement scolaire (extrait).
Objet de la convention
La convention vise à décrire les conditions d’attribution et d’exercice d’un droit de publication accordé par le chef d’établissement au bénéficiaire sur le site de l’établissement accessible par Internet.
Article 1
Le chef d’établissement, directeur de publication du site, accorde par la présente convention,
un droit de publication au bénéficiaire dans des conditions fixées ci-dessous. Le bénéficiaire
assume à titre personnel la pleine responsabilité de ce droit, qu’il soit ou non l’auteur des
textes et documents publiés dans le cadre de la présente convention.
Article 2
Cet article décrit la zone et la rubrique pour laquelle les droits sont accordés.
Article 3
Cet article décrit le contenu éditorial prévu pour la rubrique et auquel le bénéficiaire est invité
à se conformer.
Article 4
Le chef d’établissement concède au bénéficiaire, dans la zone de publication décrite à l’article 2, un droit de publication l’autorisant à mettre en ligne et sans contrôle préalable tout
document conforme aux règles éditoriales décrites à l’article 3. Par ailleurs, le bénéficiaire
s’engage à respecter les règles générales de publication concernant notamment :
– Le respect du droit d’auteur,
– Le respect de la vie privée et du droit à l’image,
– La diffusion d’informations non vérifiées, non autorisées ou dangereuses,
– Les dispositions de la loi informatique et libertés,
– La prévention de la fraude informatique et la protection des logiciels,
– Le respect du service public,
– La neutralité politique, religieuse ou syndicale,
– La publicité commerciale.
Article 5
La convention s’applique à partir de la date de signature et jusqu’au dernier jour de l’année
scolaire en cours.
Article 6
En cas de manquement par le bénéficiaire à l’une des conditions décrites précédemment, le
chef d’établissement, après l’en avoir informé, pourra, s’il l’estime nécessaire et sans autre
préavis, suspendre le droit de publication accordé au bénéficiaire par la présente convention.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
Les Tice 2.0 dépassent
les bornes
Michel Bézard
Une relecture de ce dossier, attentive à l’appropriation des divers outils
du Web 2.0 par les enseignants qui ont pris la plume pour présenter
leurs pratiques dans la revue. Si ce numéro des Cahiers reste classique
par sa facture, il est bien collaboratif dans son esprit…
À
la lecture du titre « Le Web 2.0
et l’école », la première idée
que l’on se fait d’un numéro
des Cahiers pédagogiques sur ce
thème correspond à peu près à ceci :
« L’architecture et les outils du Web 2.0
ont permis de passer d’un média unidirectionnel à une plateforme participative sur laquelle les utilisateurs sont
à la fois contributeurs et bénéficiaires.
Voici donc quelques premières expériences traversées de flux indéterminés
et d’échanges modulables entre enseignants, entre élèves, entre classes – et
pour le plus grand bénéfice des pédagogies actives à l’aise avec les blogs et les
wikis, avec Twitter, Facebook et iTunes,
avec les baladeurs, les smartphones et
bientôt l’iPad. »
À la lecture des articles publiés, on
comprend comment ce programme a
été à la fois rempli et détourné par ses
initiateurs et les auteurs, si l’on considère le contenu de leurs témoignages,
leur liberté de parole et le mode de diffusion de leurs idées.
Inventer
En matière de dispositifs de communication organisés pour que puisse s’y
exercer une forme d’intelligence collective, rien ne se passe comme prévu ;
une fois qu’ils sont maitrisés, ce sont
ces dispositifs qui commencent à
apprendre de leurs premiers utilisateurs. Dans l’espace éducatif, les enseignants concernés par ces questions – et
les réseaux dans lesquels ils évoluent –
sont d’abord des inventeurs suffisamment maitres de leurs pratiques pour
oublier la doxa parfois encombrante
du Web 2.0 ; ils sont aussi des agents
médiateurs empruntant des canaux
dont le fonctionnement a peu à voir
avec celui de l’institution. Une double
liberté conquise au confluent de l’Internet global et des Tice officielles.
L’inattendu peut surgir au détour
d’une histoire singulière vécue dans
un groupe. Trois exemples recentrés
autour de leur micro-évènement.
Commençons par un détail « qui ne s’invente pas », une observation ponctuelle
faite par une enseignante dans sa classe
branchée : les silences de la bande-son
qu’une élève vient d’enregistrer attirent
l’attention de celle-ci sur l’utilité de la
ponctuation, dont on se doute qu’elle
ne lui était pas apparue jusqu’alors.
Élargissons au contexte : la découverte se produit dans le cadre d’un projet de webradio et de livre audio au
franchissement des frontières de l’intimité, création d’une situation embarrassante. Nous voici loin des deux clichés
complémentaires : les adolescents se
construisent en ligne un monde inaccessible aux adultes ; les adultes n’ont
pas la légitimité pour faire intrusion
dans le monde nécessairement secret de
ces mêmes ados. Vie publique, vie privée dans le 2.0 ; quelle relation y établir
avec les élèves ?
Enfin, voici de l’étrange caché derrière
de l’exotique. Des étudiantes coréennes éprouvent de fortes réticences à
commenter les performances de leurs
condisciples, mais aussi à montrer leur
visage et à faire entendre le grain de leur
voix. Dans quel cadre ? Celui de vidéos
participatives où les téléphones portables sont l’objet d’un détournement
Une forme de mise en public laisse ainsi de la place à
une forme de collaboration publique rendue possible par
l’apparition de dispositifs d’échanges et d’appareils mobiles.
cours duquel les élèves sont enregistrés. Élargissons encore : les difficultés à surmonter ou les stratégies mises
en place pour progresser dans la qualité des textes, les étapes à franchir dans
la chaine de production sont décrites,
toujours dans le détail. L’enseignante
note que les bonnes idées viennent
parfois d’ailleurs, que le format d’une
émission littéraire à la radio ou le mode
d’écriture en vogue dans les sites tenus
par des collectifs d’écrivains peuvent
être repris et adaptés pour une exploitation en classe.
Poursuivons avec l’aveu d’un incident.
Une enseignante découvre sur Internet
une vidéo dans laquelle certains de ses
élèves ont été filmés à son insu dans
sa propre salle à manger. Élargissons
à nouveau. Cette circulation incontrôlée de l’image est l’aboutissement
d’un tourbillon dans lequel elle s’est
trouvée emportée à la suite d’une première acceptation de sa part de devenir
l’« amie », façon Facebook, de certains
élèves. Sensation d’être prise au piège,
pédagogique pour enseigner le français,
détournement fondé sur des tentatives
de théâtralisation propices à une certaine forme de répétition et d’apprentissage. Aux difficultés créées par « la
petitesse de l’écran, la qualité du son,
la lenteur de connexion, le clavier » et
le cout d’accès à Internet… s’ajoute le
choc avec les habitus.
Ces trois micro-récits – qui entretiennent des rapports plus ou moins étroits
avec le Web 2.0 au sens strict – peuvent
évidemment être reçus en fonction des
préférences pédagogiques de chacun ou
confrontés avec l’actualité diffusée par
les médias sur les réseaux sociaux. Ils
peuvent aussi être interrogés sous l’angle du cheminement matériel des données, de la construction intellectuelle
de l’outil ou des conditions sociales des
échanges. Mais, dans tous les cas, ces
trois situations d’apprentissage recontextualisées s’insèrent heureusement
aussi mal dans le discours dominant du
Web 2.0 que dans celui des Tice.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
53
Dossier
Le Web 2.0 et l’école
Avancer
Un point à noter. Sachant mieux que la
plupart des commentateurs et des décideurs quels sont les obstacles à surmonter dans le quotidien de la classe, les
enseignants qui s’expriment ici paraissent fort peu intéressés par le thème
de la dispersion de l’attention des élèves due à Internet, ils ne cherchent pas
à démontrer que l’usage des réseaux
sociaux augmente l’efficacité de leur
enseignement, ils ne prétendent pas
non plus que leurs élèves ont basculé
dans le Web 2.0.
En revanche, ils n’éludent pas les difficultés rencontrées : ils ne masquent pas
le caractère chronophage du travail sur
Internet pour le professeur, ni la correction interminable des textes d’élèves à mettre et à remettre en ligne, ni
l’empiètement de la messagerie sur leur
vie moins privée qu’auparavant, Third
Life dans laquelle l’absence d’avatar
domestique descendu des univers virtuels se fait désagréablement sentir ; ils
ne cachent pas que la complexité de
l’outil peut être un vrai fardeau,
que la maitrise du clavier est
parfois rude à faire acquérir ;
l’une des auteures raconte
drôlement, loin de la formule
rituelle sur la motivation des
élèves boostée par les Tice, comment une proposition d’activité d’écriture en ligne est fraichement accueillie
par le bien connu « C’est noté ? ».
Cette capacité à déplacer les lignes, dans
leurs pratiques comme dans le compte
rendu qu’ils en donnent, fait d’eux des
inventeurs, et non des pionniers, au
sens où l’entend l’institution. Même si
la plupart d’entre eux sont en relation étroite avec celle-ci, l’idée de
« généralisation » leur est plutôt
étrangère et ils n’ont pas d’ENT à
nourrir. Les avantages qu’apporte, par
exemple, l’ouverture des blogs seraient
annihilés dès lors que cette activité se
poserait en modèle, le plaisir se changerait en objectif de rationalisation de la
vie scolaire comme dans le cas du cahier
de textes électronique.
À ce mouvement de « désinstitutionnalisation » – présent dans les gènes du
Web 2.0 – s’ajoute la rapide transformation des modes de communication sur
lesquels surfent ces enseignants. On sait
que, dans l’Internet global, les « amateurs » qui dynamisent les réseaux sont
pourvus d’un capital culturel confortable et porteurs d’une haute compétence
dans le domaine qu’ils ont eux-mêmes
ouvert. Or les experts sont déjà passés à
54
autre chose lorsque le gros des troupes
commence à s’approprier les techniques
et les modes d’échanges qui motivaient
les premiers cinq ans auparavant. Ainsi,
les enseignants qui ont déjà abandonné
le monde virtuel où ils emmenaient
leurs élèves l’an dernier et qui ont intégré un nouveau réseau ont peu en commun avec ceux qui s’essaient à naviguer
sur le Web et n’utilisent que les fonctionnalités de base de leur messagerie.
Se montrer
Dans la mesure où les leadeurs n’ont
pas intérêt à laisser leurs collègues sur
les rives du Net, ils doivent faire connaitre auprès du plus grand nombre leurs
pratiques pédagogiques hybridées avec
Internet, par des voies de diffusion
malaisées à contrôler ou par le support imprimé dont c’est la revanche
paradoxale.
En préalable, il faut remarquer que
le désir de communication n’est pas
transformé en principe intangible et
qu’il est inutile d’invoquer la transparence impudique et l’extimité obligée,
sans oublier le panopticon. Il nous est,
par exemple, raconté comment, pendant une expérience de publication sur
le Web, plusieurs élèves invoquent leur
droit à l’anonymat et songent à remplacer leur photo par une image de leur
avatar, comment d’autres effaceront le
blog qu’ils avaient ouvert dès que ce qui
est resté pour eux un exercice scolaire
est terminé.
Toutefois, l’objectif dominant est bien
de rapporter des expériences positives et
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
qui font preuve d’ouverture : comment
la fonctionnalité d’archivage des modifications successives d’un texte dans un
wiki est exploitée dans une expérience
d’écriture en classe de CM1 ; comment un professeur de lettres utilise un
réseau communautaire sur Facebook
pour faire découvrir aux élèves la diversité des débouchés d’une série L où les
heures de cours sont portées par tout un
univers extérieur au périmètre scolaire ;
comment les délégués d’une classe de 6e
informent leurs camarades à l’aide du
blog qu’ils conduisent seuls…
Mais surtout la prise de parole de ce
Cahier pédagogique entretient des liens
originaux avec le monde du 2.0. Sur
l’Internet éducatif comme sur l’Internet global, les pratiques contributives
reprennent, englobent, dépassent la
simple publication qui s’est développée
autour des sites web de la période précédente. Dans les expériences qui nous
intéressent ici, une forme de mise en
public laisse ainsi de la place à une forme
de collaboration publique rendue possible par l’apparition de dispositifs
d’échanges et d’appareils mobiles vers lesquels convergent des
réseaux auparavant séparés. Mais
la forme publication retrouve
aussi son rôle à travers le présent
numéro, dont le projet d’imprimé
traditionnel s’insère dans le projet plus
vaste du Web éducatif 2.0.
D’abord, on partage les données et les
idées, puis on fait connaitre les bonnes pratiques à un plus grand nombre
de collègues, et pour finir on diffuse
les pratiques des lieux de partage dans
des systèmes de communication qui
se complètent et interagissent. Pour le
dire autrement, les auteurs contribuent sur le Web 2.0 et ils prennent
la parole ici pour dire leur mode de
contribution. Interaction d’une communauté numérique, plus parole éditoriale de référence.
Michel Bézard
Chargé d’édition-Tice au CRDP de Paris
LEXIQUE
Agrégateur : outil qui permet de rassembler sur
une page Web personnelle les fils RSS de différents
sites, et de pouvoir suivre ainsi les dernières informations que ces sites ont mises en ligne sans avoir
besoin de les visiter. Netvibes en est un exemple
cité dans ce dossier.
Asynchrone (communication) : désigne des échanges qui se font sans contact simultané. C’est le cas
du courrier postal, contrairement à une conversation téléphonique. Dans le Web 2.0, les forums ou
les listes de discussion permettent des échanges
asynchrones, tandis que le chat met en contact des
personnes qui communiquent en direct.
Avatar : image qu’un utilisateur utilise pour se
représenter sur les sites sociaux ; dans les mondes virtuels, un avatar est le personnage animé qui
représente l’utilisateur.
B2i : Brevet informatique et Internet, diplôme qui
valide une liste de compétences dans ces deux
domaines, que les élèves doivent acquérir au cours
de leur scolarité.
Blog : outil de publication sur Internet dans lequel
les articles sont publiés à la suite les uns des autres
et peuvent être commentés par les lecteurs. Des
plateformes de blogs permettent assez simplement et gratuitement à chaque internaute de
créer son blog personnel, Skyblog étant une plateforme particulièrement prisée des adolescents.
Buzz : rumeur qui se répand sur Internet.
Clavardage (souvent désigné par le terme anglais
chat) : discussion écrite en direct sur Internet, utilisant une messagerie simultanée.
Digital native : personne de moins de vingt-quatre
ans qui a grandi en étant intensément exposée à la
technologie et au numérique.
Etherpad : outil d’écriture partagée et synchrone
en ligne.
Flickr : réseau social centré sur le partage de
photos.
Geek : personne passionnée par un domaine précis,
et notamment l’informatique.
Happy slapping : pratique qui consiste à filmer
des actes de violence extrême et à les diffuser sur
Internet.
Identité numérique : ensemble des informations
qu’une personne donne à voir d’elle-même sur
Internet.
Licences Creative Commons : licences autorisant
sous certaines conditions l’exploitation publique et
la rediffusion des œuvres, dans des modalités plus
souples que le droit d’auteur ordinaire, plus adaptées à la diffusion numérique.
Lol (mdr pour les francophones) : abréviation pour
Laughing Out Loud (mort de rire), utilisée sur MSN
et dans les SMS.
Microblogging : service qui permet de publier en
moins de 140 caractères à un réseau d’abonnés, le
plus connu étant Twitter.
Monde virtuel : univers artificiel créé sur support
informatique et dans lequel les utilisateurs, représentés par leur avatar, peuvent se déplacer et communiquer entre eux.
Nerd : personne socialement handicapée, sinon
isolée, passionnée par un sujet unique dans le
domaine de l’informatique ou de la science.
Nétiquette : ensemble des règles de courtoisie qui
sont en vigueur sur Internet.
Netvibes : outil qui permet d’agréger des flux RSS.
Podcast : moyen de diffuser des fichiers sons ou
vidéo en permettant aux utilisateurs de les télécharger et de les écouter immédiatement ou
ultérieurement.
Réseau social : ensemble d’individus ou d’organisations reliés entre eux par leurs interactions directes
ou indirectes, autour d’intérêts communs. Facebook est aujourd’hui le plus connu.
RSS (fil) : pour Really Simple Syndication, il s’agit
d’informations succinctes diffusées par un site
Internet, généralement pour tenir informé des
nouvelles publications.
Spam, spammer, spamming : un spam, ou pourriel, est une publication numérique non sollicitée,
souvent diffusée par courrier électronique, généralement dans un but de publicité. L’auteur est un
spammer, la pratique est appelée spamming.
Synchrone (communication) : échanges qui se font
en temps réel, ainsi le téléphone ou le chat sur
Internet.
Tag : balise, mot clé qui permet d’identifier une ressource et de la rendre identifiable par les moteurs
de recherche.
Tic, Tice : Technologies de l’information et de la
communication, appliquées à l’enseignement.
Twitter, tweet : Twitter est un outil de microblogging qui permet de publier des messages de
140 caractères maximum, des tweets, à destination
des personnes abonnées à votre flux de messages.
Web invisible : bases de données sur le Web auxquelles les moteurs de recherche comme Google n’ont pas accès (par exemple les archives d’un
journal)
Webinaire : Séminaire sur le Web avec des spécialistes d’un sujet, auquel les internautes inscrits peuvent assister et participer via le chat par
exemple.
Widget : application qui permet d’afficher une
information sur l’écran de son bureau (actualité
d’un site par exemple) ou un outil (horloge, calculatrice, etc.).
Wiki : gestionnaire de contenu en ligne qui autorise la modification de ses propres pages Web par
tous les visiteurs autorisés. Les modifications successives sont archivées automatiquement. L’utilisateur peut relire, effacer, modifier, ajouter,
déplacer des parties de sa production sans altérer
la présentation.
Wikipédia : encyclopédie participative sur Internet,
qui utilise un wiki comme support.
Si d’autres termes vous échappent, une ressource possible : le Wiktionnaire, branche du projet
Wikipédia.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
55
D’autres articles de ce dossier en libre accès sur notre site
• Blogs pédagogiques : du discours sur leurs usages à la réalité
dans leurs pratiques
Lyonel Kaufmann
Présentation d’une recherche par des étudiants sur des
blogs d’enseignants, pour interroger les démarches : quels
sont les choix pédagogiques ? Quels liens avec les activités
en classe ? Quels impacts sur les apprentissages ? Quelles
variations selon les disciplines ? Bien des questions encore
largement ouvertes.
• Facebook, quelle aventure… Carnet de bord d’une
enseignante-documentaliste stagiaire
Audrey Guilbaud-Varachaud
Peut-on trouver un intérêt pédagogique à Facebook ? Une
professeure documentaliste enquête sur les pratiques
personnelles de ses élèves sur ce réseau social, puis monte
un projet mobilisant à la fois histoire et techniques
documentaires. Les apprentissages sont au rendez-vous,
ainsi qu’une véritable éducation aux médias.
• La littérature dans les bourrasques des pratiques
numériques
Jean-Michel Le Baut
Comment enseigner à la génération de l’écran, de
l’ordinateur et d’Internet cette littérature qui appartient au
« monde d’avant », au monde du livre ? Et si les nouvelles
technologies, plutôt qu’un obstacle, devenaient un précieux
adjuvant, en misant sur la créativité et la sensibilité des
élèves d’aujourd’hui ?
• Twitter en philo : des gazouillis dans le vent ?
François Jourde
L’utilisation pédagogique de Twitter comme outil de
microblogging et de réseau social est stimulante,
notamment par son architecture ouverte et asymétrique,
même si la briéveté des messages et l’interface austère
restent des obstacles à la conversation.
• Apprentissage nomade : des Coréens apprennent le français
avec leur téléphone portable
Hee-Kyung Kim, François Mangenot
Afin d’amener ses élèves à pratiquer le français, Hee-Kyung
Kim leur a demandé de se filmer à l’aide de leur téléphone
portable. Cet objet technologique très intégré dans les
pratiques quotidiennes des jeunes peut être un support
pour travailler l’oral, échanger entre pairs, développer des
situations de communication proche du réel.
• Également sur notre site :
- une sitographie
- une page reprenant l’ensemble des liens complets
indiqués dans les notes des articles
- un forum de discussion dédié à ce dossier.
N o tre pr o chain D o ssier
N° 483, à paraitre fin septembre 2010 : Les consignes
Il y a plus de vingt ans, l’ouvrage Lecture d’énoncés et consignes,
publié par le CRDP d’Amiens, avait ouvert la voie d’une réflexion de
fond sur le difficile problème de la compréhension des consignes
par les élèves. Coordonné par l’auteur de ce livre, notre prochain
dossier le prolonge, en prenant en compte tous les niveaux de la
scolarité, de l’école maternelle à l’université, et en s’élargissant au
monde adulte. De plus, il inscrit cette problématique dans le cadre
du socle commun, où elle apparait à la fois dans le pilier « Maitrise
de la langue » et dans « l’autonomie et l’initiative ».
Des éclairages divers sont donnés par des enseignants de terrain et
des chercheurs, pour aborder de nombreux sujets :
– Les consignes dans l’utilisation des Tice
– Le rôle des consignes dans l’accompagnement des élèves, dans
et hors la classe
– Les consignes comme rituels dans les pratiques d’enseignement
– Apprendre à se débrouiller de consignes, ainsi de la distinction
entre « je dois » et « je peux »
– L’articulation entre consignes orales et écrites
Une question centrale est posée tout le long du dossier : comment
les consignes peuvent-elles jouer un rôle positif dans l’apprentissage ? Il semble pertinent, gage d’efficacité de les penser comme
un tiers médiateur :
– évitant d’être trop cadrantes, trop contraignantes, empêchant
alors de voir ce qui se cache sous la tâche technique apparente ;
– servant de point d’appui pour rendre l’élève finalement plus
autonome.
La réflexion porte aussi sur la manière dont nous, enseignants, élaborons les consignes, selon les objectifs que l’on poursuit, soucieux
des compétences à développer chez le lecteur de consignes plutôt
que de la confection utopique d’une « consigne idéale », limpide,
grâce à laquelle les élèves ne pourraient pas se tromper…
Loin d’être une question technique, le problème des consignes
accompagne l’élève tout le long de son parcours scolaire ; on n’a
jamais fini d’apprendre à comprendre les consignes.
Coordonné par Jean-Michel Zakhartchouk
Pour parler du métier tel qu’on le vit, avec ses moments de crise ou de plaisir, avec le quotidien de la classe et l’extraordinaire qui,
parfois, nous surprend, avec des jeunes et des adultes qui aiment ou détestent l’école mais y passent ensemble leurs journées.
Pour raconter cela avec passion, avec humour. Pour rêver par écrit. Pour saisir un moment sur le vif et le partager.
?
Et chez toi ça va ?
C’est à nous de vivre maintenant
H
ier, nous sommes allés visiter une exposition d’art
contemporain. Des installations… Pas facile… Les
élèves, des troisièmes, ont fabriqué des carnets d’exposition avec leur prof d’arts plastiques. Comme d’habitude,
ils semblent ne pas écouter, ils volètent, caquètent, râlent, ils
cherchent la limite, mais ils croquent aussi, notent fièrement
(les filles surtout) et mitraillent (les garçons surtout). L’aprèsmidi semble plutôt positive… Mais au retour, le chauffeur du
car nous appelle pour se plaindre de multiples dégradations
dans le car. Déception.
Aussi, ce matin, je ne suis pas tendre avec eux. Ils sont debout,
ils protestent, mon sermon est un peu ridicule peut-être,
injuste, maladroit, naïf. Mais pourquoi ? Moi j’ai passé un
bon moment avec eux, alors pourquoi détruire, casser, encore
et encore ?
Et puis, nous écrivons. Je fournis le papier, blanc, je veux dire
sans ligne d’écolier à suivre. Et pour cause : nous écrivons de la
poésie. Ils doivent se débrouiller pour que leur texte soit beau,
à voir, entendre, imaginer. Qu’il soit fort, émouvant, surprenant. Bref, un poème. Avec des mots en chair et en os, pas ceux
de tous les jours… Les mots du poète… « Ils doivent, ils doivent »… ça ce sont les mots du prof… La contrainte : partir
d’une œuvre vue hier. D’ailleurs, je les répartis arbitrairement
dans la classe.
Comme d’habitude, je déploie une énergie phénoménale pour
étouffer les tentatives de diversion, intercepter les circulations
d’objets, recentrer l’attention sur la tâche, calmer les ardeurs
et les inquiétudes (Madame, c’est noté ?), offrir un bout de
solitude à des collégiens turbulents. Épuisant, le silence en
ligne de mire…
Ça ne dure pas longtemps, il ne faut pas, je passe à autre
chose, de plus scolaire, de plus rassurant. Machinalement,
je ramasse, au compte-goutte pendant le reste de l’heure, les
feuilles blanches qu’ils ont habitées, à leur façon… Je connais
bien le conformisme adolescent, les jugements à l’emportepièce et la sentimentalité à l’eau de rose de leur âge…
Plus tard, dans le métro, je regarde. Et je m’émerveille… Ben
non, ce n’est ni mièvre ni banal. Je reconnais chacun et chacun
m’étonne. Que s’est-il passé ? Les plus gêneurs, les plus dyslexiques, les plus têtes-de-turc, les plus réfractaires, les plus
handicapés du stylo ne sont pas en reste…
« Forme parfaite
Sphère, boule ou ballon
Une fête ?
Ou un long voyage dans ma tête…
[…]
Adieu rouge sanglant
C’est à nous de vivre maintenant »
Élisa
« J’ai dû côtoyer le pavé
pas à pas je me dis c’est pas vrai
papa maman les gars désolé
Je ressens comme une envie de m’isoler. »
Matthew
« […] Les chaises attendent
Elles sont collection
pour leur créateur elles sont tendres
et pour les autres des chiens elles sont
et l’homme s’en va »
Léo
« […] pour résumer mes pensées
ces points blancs sur ce fond bleuté
m’ont aidé à me libérer
de cette réalité
ratée… »
Tangui
« La nature a donné la vie à l’Homme
Et l’Homme
a donné la vie à la
science. La science
s’est emparée d’une boite de cire pour donner vie à du
polystyrène. »
Marie
« Œuvre qui ne s’arrêtera que quand je vais partir
De ce monde où la gaité ne fait que s’amoindrir »
Lucas
« […] La douce vie citadine
qui doucement s’évapore. »
Emma
« […] Vous avez laissé votre trace !
Au fur et à mesure qui s’efface. »
Sarah
Mais ces poèmes ne sont-ils émouvants que pour moi qui me
bats tous les jours avec eux ? Qui me heurte à leurs difficultés,
d’être, d’apprendre, de dire ? Dites-moi, suis-je la seule à être
sensible à ces mots d’ados ?
Agnès Berthe
Professeure de français en collège (Seine-et-Marne)
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
57
E
Et chez toi ça va ?
Pour parler du métier tel qu’on le vit, avec ses moments de crise ou de plaisir, avec le quotidien de la classe et l’extraordinaire qui,
parfois, nous surprend, avec des jeunes et des adultes qui aiment ou détestent l’école mais y passent ensemble leurs journées.
Pour raconter cela avec passion, avec humour. Pour rêver par écrit. Pour saisir un moment sur le vif et le partager.
Dix principes, quatre axes, deux tensions
dialectiques…
J
e lis le livre de Bruno Robbes, L’autorité éducative dans
la classe (ESF 2010) qui analyse, en deuxième partie,
après une solide définition de l’autorité, douze situations
racontées par des enseignants comme autant de moments où
ils ont eu le sentiment de faire preuve d’autorité. Situés entre
maternelle et lycée, ces récits sont d’abord étonnants de familiarité : bruit, refus, conflits individuels ou semi-collectifs, à
propos du travail ou des comportements ou des règles de vie
collective, tout un matériau d’analyse que nous partageons
tous (du moins tous ceux qui veulent bien en parler sur fond
de valeurs communes). Analyse ? C’est quand même bien ce
qui nous manque, collectivement (soupir).
Ensuite, j’ai la surprise de voir que Bruno Robbes trouve intéressantes et cohérentes des façons de réagir bien humbles : se
donner du temps pour penser, même dans le feu de l’action,
n’avoir pas pour but la défaite de l’élève, garder pour objectif
la remise au travail, proposer des portes de sortie, exclure sans
humilier… Rien de « m’as-tu-vu » dans ces situations, rien
de triomphaliste. Un effort pour garder l’autorité en sachant
qu’elle sera régulièrement remise en jeu, avec appui sur quel-
ques certitudes et principes d’action. Bruno Robbes les
formule, justement : au fil des pages, on rencontre trois significations de l’autorité, deux tensions dialectiques, dix principes, quatre axes… tout ça. Il y a tout ça dans nos années de vie
avec nos classes, dans le parcours de neuf mois que nous faisons chaque année avec elles. C’est bien de se le redire, grâce
à des livres comme celui-là, qui prend pour matériau le grain
fin de nos actions pour nous aider à garder le cap. De récentes
discussions sur la liste de discussion des adhérents du Crap
l’ont bien montré : on avance aussi en prenant un de ces grains
(que fais-tu quand un élève ne rend pas un devoir ? Quand des
élèves demandent, en entrant, de repousser le devoir parce
qu’ils n’ont rien compris ? Quand… ?) et en regardant quelles réponses on apporte, et au nom de quoi. Des réponses à
renouveler par chacun : pour Bruno Robbes, l’autorité ne
s’accomplit que dans un mouvement créateur !
Florence Castincaud
Professeure de français en collège (Oise)
La date de naissance de Mouloud
D
ans la classe, un nouvel élève : Mouloud, qui semble
connaitre des difficultés scolaires… Ce qui m’en pose à
moi : il faut trouver comment minimiser ce que ne semble pas savoir Mouloud… par exemple, sa date de naissance.
En effet, après avoir vu la première fois Mouloud, je signale
à la secrétaire qu’il y a eu erreur au moment de l’inscription,
que l’élève ne s’appelle pas Mouroub mais Mouloud, comme
il me l’a dit lui-même. « Il ne sait même pas sa date de naissance,
pas sûr qu’il sache mieux son prénom » me répond-elle, pensant
que s’il n’a pas su lui donner sa date de naissance, il est fort
probable qu’il n’ait pas les connaissances de base sur sa propre personne. Soit.
La première fois où il doit se connecter sur le réseau, comme
ses camarades, il doit inscrire son prénom puis son nom et
sa date de naissance : la connexion ne fonctionne pas, il doit
y avoir une erreur. Cela arrive souvent lors de la première
connexion. Chaque élève étant sur son ordinateur, le fait passe
inaperçu pour le groupe d’élèves. Il a écrit Mouloud, or il est
inscrit chez nous comme Mouroub. J’essaie avec ce prénom,
il met son nom et sa date de naissance. La connexion s’établit.
Lui est tout déconfit de voir apparaitre le prénom « Mouroub »
sur l’écran. Il dit « c’est pas moi ». Moi je suis contente de pouvoir aller dire à l’infirmière qu’il connait sa date de naissance.
Une équipe préparatoire à une équipe de suivi de scolarisation va se réunir pour imaginer des aménagements pédagogiques à mettre en place, face aux réelles difficultés de ce jeune
homme. Sans parler vraiment de test – mais cette tâche qu’il
58
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
a accomplie devant moi était bien pour moi une évaluation
de ce qu’on m’avait dit de lui –, je redécouvre l’affirmation
de Binet : « Un test particulier… ne vaut pas grand-chose. Ce
qui donne une force démonstrative, c’est un faisceau de tests. » Cet
élève connait sans doute de nombreux blocages, le médecin
scolaire qui l’a rencontré en préparation de l’équipe éducative a été impressionné par son mutisme. Mais le fait qu’il
ne nous donne pas les réponses que nous attendons de lui au
moment où nous les attendons ne doit pas nous amener à tirer
des conclusions hâtivement. Il ne dit pas sa date de naissance
à la secrétaire ne signifie pas qu’il ne sait pas sa date de naissance. Forte de cette expérience, j’en reste au fait quand il ne
sait pas que le matériau que je lui tends s’appelle un plastique ou que la figure que je dessine s’appelle un triangle. Il
s’agit d’indices observables liés à un moment précis, dans un
contexte particulier. L’histoire de la date de naissance montre qu’il serait très maladroit de tirer des conclusions d’après
un seul indicateur. Un faisceau d’indices peut éventuellement
interroger, mais le doute reste le principe de base.
Pour le moment, j’ai réussi à masquer les silences de Mouloud,
en attendant que les élèves de la classe connaissent d’autres
traits de sa personnalité, pour pouvoir l’accepter, avec ses
manques.
Monique Ferrerons
Professeure de technologie, candidate au certificat
compémentaire d’aptitude aux situations de handicap (2CA-SH)
?
Et chez toi ça va ?
Les instants précieux
N
e jamais les oublier… c’est ce que je me disais en achevant, en force, ma dernière heure de cours du trimestre : pas fière d’avoir cloué le bec à Jérémy dont
je trouvais l’argument peu recevable, d’avoir fait semblant de
ne pas entendre les propos désagréables de Fatiha parce que
je ne voulais pas entrer en conflit une fois de plus, d’avoir été
obligée de faire du chantage « à la récréation » pour donner le
travail à faire pendant les vacances… impression de gâchis,
de perte de temps, de fatigue (celle des élèves, la mienne) ;
impression qu’il est impossible de « négocier » correctement
nos rythmes, de se séparer sereinement pour les vacances…
pour des questions un peu stupides de calendrier, de réunion
qui a supprimé telle ou telle heure de cours et parce qu’il faut
bien boucler certaines choses.
On aurait alors envie de s’en vouloir et de leur en vouloir de
ce « gâchis ».
Donc, ne pas oublier ! car le trimestre a été fait aussi d’instants précieux…
Ne pas oublier Mahamadou découvrant le plaisir d’aller au
théâtre et écrivant au metteur en scène : « Madame quel chefd’œuvre ! le théâtre, c’est vraiment votre truc ; la mise en scène
était parfaite et somptueuse. Pour mon baptême du feu au théâtre
ce fut un succès total ! »
Ne pas oublier Fatou et Aïssata qui sont venues finalement,
après mon coup de fil à leurs parents, et qui n’osaient pas dire
« oui » quand j’ai proposé de les raccompagner.
Ne pas oublier Mana qui, avec le même grand sourire qu’elle a
en classe pour s’excuser d’avoir encore bavardé m’a dit : « Vous
m’avez redonné le gout de lire. »
Ne pas oublier les efforts de Rime qui, à force de travail, a
obtenu la moyenne au dernier devoir.
Ne pas oublier Oumar… non ne pas l’oublier, lui, que j’ai
perdu au Louvre lors de la sortie du premier trimestre et qui
n’a jamais pu expliquer pourquoi il n’a pas rejoint le groupe
à l’accueil ni pourquoi il ne s’est signalé à aucun gardien. Qui
m’a fait très peur mais que je n’ai pas sanctionné. Et ne pas
oublier que depuis, on ne l’entend pas davantage, mais qu’il
est passé de 05 à 11 de moyenne !
Mystère de ces instants précieux : réussites qui tiennent à eux,
à des intervenants, à la magie du spectacle, au plaisir d’un livre,
à ce que j’ai dit ou proposé aussi. Des rencontres en somme.
Hélène Eveleigh
Professeure de français en lycée (Seine-Saint-Denis)
Carte postale de vacances d’une proviseure
I
l y a de bons moments dans la vie d’un chef d’établissement. Je suis seule dans mon lycée à travailler pendant les
vacances de printemps, seule… avec 170 lycéens qui participent à un stage d’entrainement à l’oral en anglais, un assistant d’éducation et treize enseignants.
Rappelez-vous, le président de la République trouvant que
les petits Français parlaient mal les langues étrangères, avait
décrété des stages de vacances gratuits. C’est au tour du lycée
Paul-Langevin de Suresnes de coordonner le dispositif pour
les lycées du bassin de formation : quinze heures de renforcement de l’apprentissage de l’oral réparties sur trois jours, avec
des enseignants et des élèves volontaires.
J’attendais 20 % de déperdition par rapport aux inscrits : ils
sont quasiment tous présents. « Et j’espère qu’on ne dira pas
que les STG sont tous des fainéants » me lance un STG mercatique rigolard. Certes, il y a les retardataires maladifs, mais
ils sont là quand même. Et il faut les entendre à la pause : « Ça,
c’est de l’anglais facile à digérer… – Au retour, je vais épater mon
prof, et ça, c’est trop cool ! – Enfin, je comprends l’anglais pour la
première fois de ma vie. »
Quant aux professeurs : très peu d’enseignants de lycée –
essentiellement des professeurs de collège ou de lycée professionnel, deux locuteurs natifs, des très jeunes, des têtes aux
cheveux blancs. En une demi-journée, après l’observation
polie d’usage, leur salle de travail devient un groupe Crap. Ils
travaillent ensemble sur des exercices que les uns et les autres
ont mis au point, échangent des élèves pour tester des dispositifs. Ils sont radieux, trouvent les élèves adorables, bien
élevés, attentifs, intéressés. Certes, le chef d’établissement ne
ménage pas ses efforts pour lier la sauce, à coup de café, de jus
d’orange, de petits gâteaux et de galopades pour trouver la
bonne télécommande du lecteur de CD.
Je lis leurs appréciations de fin de stage : « Ils sont plutôt motivés et participent activement… Groupe volontaire et agréable… Timides au début, puis chacun a essayé… Tous ont fait
un effort, même ceux qui étaient le moins à l’aise… Initiatives
personnelles… »
L’enthousiasme des élèves est au diapason de celui des professeurs ; ainsi, Joanna déclare : « Ce stage fut très bénéfique. Ces
trois jours m’ont appris à gérer mes émotions et à mieux m’exprimer. Le professeur a réussi à me donner plus de plaisir à parler
anglais… Le seul point négatif est à mon avis que la période du
stage est trop courte. »
Bon, nous nous sommes donné rendez-vous pour le prochain
stage.
Michèle Amiel
Proviseure de lycée
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
59
F
Faits & idées
Chronique du microlycée du Val-de-Marne
Un microlycée est une structure expérimentale publique de petite taille destinée à accueillir des jeunes
déscolarisés. Avec la reprise d’école, l’objectif affiché est de réussir le baccalauréat et d’offrir aussi un
temps et un espace de reconstruction du projet scolaire et personnel du jeune, un lieu de reconstruction
de l’image de soi. Le premier microlycée, à Sénart (Seine-et-Marne) a été ouvert en 2000 et le second,
à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) en 2008. Un troisième, en Seine-Saint-Denis, est en gestation.
Parole d’une élève sur le
microlycée
Éric de Saint-Denis
Le dernier texte de cette chronique présente le témoignage d’une élève, rédigé dans le cadre d’une modalité
d’accompagnement individuel. Le microlycée comme tremplin qui aide à rebondir, en interdisant le surplace.
L
a procédure d’inscription des élèves au microlycée
commence toujours par un appel de l’élève lui-même.
Si un parent, un éducateur, un collègue enseignant ou
chef d’établissement appelle d’abord, l’enseignant qui décroche l’écoute, parfois longuement, le renseigne, mais demande
à ce que l’élève téléphone lui-même. Une façon de marquer
une volonté d’inscription même si, le plus souvent, celleci appartient davantage à l’ordre du désir que de la volonté.
Un premier entretien de positionnement mutuel a lieu avec
l’élève seul, puis un second avec un adulte référent de son
choix, le plus souvent un parent.
À la fin de ce deuxième entretien de confirmation, l’élève est
laissé seul, durant un temps déterminé par lui-même, face à
une page blanche où il est écrit : « Le microlycée, c’est… » À lui
de remplir la suite comme il l’entend, sans consigne particulière. Ce qui est écrit là est le plus souvent court et stéréotypé.
L’intérêt de cet exercice est de permettre à l’élève de refaire
le même écrit plusieurs mois après et de mesurer avec lui les
écarts entre le premier texte et le second.
Première impression positive
Marion est une élève exemplaire. Âgée de 21 ans, ce qui est
dans la moyenne d’âge des élèves du microlycée, elle fait partie des élèves les plus présents, particulièrement en terminale
STG, où la régularité est difficile pour les élèves. Elle assiste
à la totalité des cours, sans faille aucune, là où la majorité des
élèves accumule les difficultés pour venir en cours. J’avais fait
le premier entretien de Marion avec une collègue et j’avais
trouvé une élève mature et qui semblait prête à reprendre ses
études avec plus de volonté que de désir. Cependant, après
dix ans d’entretiens de ce type, il m’est toujours impossible
de savoir à l’avance si un élève sera ou non investi avec succès dans sa reprise de scolarité. Beaucoup semblent solides à
l’entretien et s’écroulent ensuite, confrontés semaine après
semaine, mois après mois, à la réalité des efforts à fournir pour
aller jusqu’au bac avec quelques chances de succès, surtout
60
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
lorsqu’il s’agit de supprimer la chance et de la remplacer par
un travail patient et régulier. Marion ne s’est pas écroulée.
En septembre 2009, lors de son second entretien, face à la
feuille blanche, elle n’écrit que deux lignes : « Le microlycée c’est… l’opportunité de pouvoir recommencer une scolarité
dans un cadre qui m’est plus adapté et avec une structure plus
petite. Une nouvelle chance m’est offerte pour réaliser mon projet professionnel. »
Travailler la confiance en soi
Au mois de février, sans qu’il ne soit question d’une quelconque utilisation dans le cadre d’une publication, nous reprenons son texte de septembre, très conventionnel et je lui
demande de le réécrire. Nous faisons alors cinq ou six échanges de mail et chaque semaine, au moment de ce que nous
appelons « la référence », nous parlons ensemble de ce texte
Trop souvent, les jeunes en rupture scolaire
ont souffert d’une absence de reconnaissance
de ce qu’ils étaient au sein de l’école.
qui s’élabore. La référence, que l’on pourrait appeler le tutorat, est un moment prévu à l’emploi du temps de l’élève qui
permet de faire un point sur l’inscription de l’élève dans sa
scolarité. Une approche plus éducative que cognitive, même
si ce positionnement est source de multiples interrogations
au sein de l’équipe éducative. Avec Marion, la référence sert
à affiner son projet personnel et à revenir sur son passé scolaire pour tenter de mieux comprendre ce qui pourrait l’aider
aujourd’hui. Elle fait partie de ceux dont on pourrait penser
qu’ils n’ont pas trop besoin d’être aidés puisqu’ils sont très
présents et semblent réussir leur rescolarisation. Et pourtant,
chaque semaine elle fait part de ses doutes et chaque fois mon
rôle est d’abord celui d’un miroir de confiance.
F
Faits & idées
L’un des principaux axes de l’accompagnement des élèves en
rupture scolaire consiste à travailler sur les mécanismes de
mésestime de soi, source de souffrance et de déscolarisation.
Ces mécanismes se travaillent en classe, dans les rapports au
savoir, dans une attention accrue au caractère constructif de
l’évaluation, qu’elle soit notée ou non, mais aussi lors de cet
accompagnement éducatif individualisé. L’écoute, le dialogue sont alors des instruments majeurs de la reconnaissance
de l’autre comme interlocuteur à part entière. Trop souvent,
les jeunes en rupture scolaire ont souffert d’une absence de
reconnaissance de ce qu’ils étaient au sein de l’école. Marion
en parle très bien dans ce texte qu’elle a accepté de voir publié
aujourd’hui. Il est le résultat de la référence hebdomadaire,
un exemple possible du travail d’accompagnement qui s’y
construit, en sachant que je n’ai pas Marion en classe.
« Lorsqu’on m’a téléphoné pour me dire que j’étais acceptée
au microlycée, je savais que cela allait changer quelque chose
dans ma vie, mais je ne savais pas comment.
Or le microlycée et certains évènements douloureux, en particulier
le décès de mon grand-père, m’ont fait prendre conscience que
tout pouvait être encore possible. Cela m’a donné envie de me
battre pour réaliser mon projet qui est de devenir psychologue
en gériatrie. Finalement, je me dis que moi aussi je peux y
arriver si je me donne les moyens d’y parvenir.
J’ai eu une scolarité un peu chaotique même si je n’ai jamais
eu de problèmes visibles à l’école. En fait, je détestais l’école.
J’avais l’impression de ne pas y avoir de place. J’avais vraiment
l’impression de ne rien apprendre, de ne rien pouvoir apprendre.
Et plus j’avançais, plus j’avais l’impression de m’enfoncer même
si j’ai rencontré certains professeurs qui m’ont permis de ne pas
sombrer totalement.
Le primaire et le collège représentent la pire période de ma
vie. Cela reste encore quelque chose de très lourd et, en même
temps, cela m’a permis de me forger une carapace. J’allais à
l’école pour me faire casser par les profs, et aussi par les autres
élèves. Jusqu’à pas longtemps, j’avais vraiment du mal à en
parler. Plus maintenant.
Du primaire au collège, j’ai enduré pas mal de choses. Aucune
réussite, un calvaire. Complètement invisible pour les profs,
même en sports où j’avais des capacités. Même là, je n’y arrivais
pas. Et puis, il fallait entrer dans une certaine ligne surtout
quand je suis passé dans le privé. Je n’y parvenais pas. Il fallait
absolument faire du rendement pour la bonne image de ces
“merveilleux lycées”, donc pas de place pour des élèves qui ont
un mode d’emploi un peu plus compliqué que la majeure partie
des élèves. En même temps, il ne faut pas faire de généralités,
car mon frère est dans l’établissement auquel je pense et cela
lui convient bien.
Donc, à la fin de ma première terminale, je suis allé au bac,
mais j’étais très loin de la moyenne et en dessous de l’accès
au second tour. À la fin de ma deuxième année de terminale,
j’ai repassé le bac, je suis allé au rattrapage et j’ai obtenu 09
de moyenne. Encore un échec ! Après, j’ai arrêté un an. J’avais
besoin de me poser, de laisser un peu le travail scolaire. Je ne
suis pas restée à rien faire. Je me suis détournée de l’école
pour m’occuper de mes grands-parents malades. Je suis hyper
anxieuse et j’avais besoin de m’occuper d’eux. J’ai arrêté l’école,
mais cette année-là a été très remplie. J’ai travaillé comme une
auxiliaire de vie et plus encore. Vingt-quatre heures sur vingtquatre, sept jours sur sept ! Cela a été vraiment très important
pour moi et très enrichissant.
Aujourd’hui, j’ai repris l’école, une nouvelle fois en terminale.
Après un second trimestre bien entamé et l’orientation qui
se profile, je sais maintenant que le microlycée m’a apporté
beaucoup : la structure, les professeurs et l’ambiance qui y
règne. L’ensemble. J’associerai le microlycée à une rampe de
lancement, à un tremplin sur lequel on prend appui pour essayer
d’aller plus loin en étant mieux armée, avec plus de confiance
en soi. Disons qu’avant, lorsque je parlais avec mes parents et
mes amis, il m’arrivait de dire “j’aurais aimé faire telles ou telles
études…”, un peu comme si plus rien n’était devenu possible.
Éric de Saint-Denis
Professeur d’histoire-géographie
À 21 ans j’ai enfin trouvé le gout d’apprendre, et cela même en
maths ou en anglais, car ici au microlycée on a des professeurs
qui donnent beaucoup pour nous faire aimer leur matière.
L’anglais et moi, c’est une histoire un peu compliquée et cela
depuis longtemps. Mais cette année, je vois cette matière sous
un autre angle. J’ai envie de m’y mettre pour moi, mais aussi
pour rendre ce que l’on m’apporte dans les cours. Je n’aurais
jamais cru que cela existait des profs qui ne bossent pas qu’avec
les meilleurs.
Le microlycée, c’est aussi reprendre le gout de travailler, ne plus
en avoir peur, et voir que finalement on peut y trouver du plaisir
grâce à une équipe éducative très présente pour les élèves.
Cela nous donne confiance en nous. Quand je rentre chez moi,
j’ai davantage compris qu’avant. Donc, je prends du plaisir à
travailler. C’est aussi nouveau pour moi. Avant, je rentrais et
j’allumais la télé ou je dessinais, mais je ne travaillais pas.
Aujourd’hui, non, je me mets au travail et assez facilement.
Ici j’ai aussi redécouvert le monde scolaire et je me suis rendu
compte qu’il n’était pas si moche que je le pensais. En tout
cas, il me parait beaucoup plus accessible qu’avant. Le monde
scolaire, je le redécouvre. Je ne le voyais pas comme cela.
Avant, il n’y avait que les forts qui y arrivaient. Aujourd’hui,
c’est un monde qui s’est ouvert à moi aussi. Je peux réussir. Il
était fermé, surtout pour moi. Aujourd’hui, je peux apprendre
des choses qui ne m’étaient pas destinées. C’est plutôt positif
pour la suite des études.
Mais il faut faire attention à ne pas trop s’habituer au confort que
le microlycée nous apporte. Pour des gens pas assez motivés, on
peut se laisser aller à la routine ou ne pas venir, penser qu’être
absent, ce n’est pas si grave. On peut finir par se complaire dans
cette espèce de confort : on n’est pas trop embêté quand on a
été absent, on n’a pas peur de venir à l’école, on peut discuter
avec les profs, c’est sympa. Il faut une certaine motivation pour
garder le cap. Le microlycée est à double tranchant. Il peut
vraiment bien aider, il donne envie, mais il peut aussi laisser
les élèves s’installer dans une situation où on peut oublier ses
objectifs. Le plus difficile, c’est de bien prendre conscience de
la suite, car, pour les études supérieures, cela ne se passe pas
comme cela. On a pas envie de partir du microlycée, mais un
jour ou l’autre, il faudra le quitter, mais en étant plus fort. Cela
m’a apporté tant de choses… Les profs nous donnent confiance,
ils croient en nous. Pour moi, c’est le plus important. »
Marion Chauvet-Bordenave, élève de terminale STG
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
61
FLa compétence de communication
Faits & idées
en didactique des langues
Prisque Barbier
La didactique communicative, qui s’est inscrite dans une optique « pragmatique » de l’enseignement des langues,
s’appuie sur le concept de « compétence de communication ». Quelles en sont les caractéristiques ?
L
’utilisation de la notion de compétence de communication en didactique des langues étrangères date
des années 1970. Des branches de la linguistique en
Europe mieux adaptées aux préoccupations des spécialistes
de l’enseignement/apprentissage des langues sont explorées,
comme les recherches sur l’analyse du discours et les recherches des philosophes du langage sur l’intention de communiquer. Enseigner une langue, c’est également enseigner à
communiquer avec celle-ci, et il parait donc préférable de se
référer à des domaines mettant l’accent sur la sociolinguistique, aux interactions verbales dans des situations langagières,
et aux corrélations entre des paramètres sociologiques et des
variations linguistiques. Par exemple, en français, lorsqu’il y a
échange verbal entre deux personnes, leur façon de communiquer varie en fonction de leur âge, de leur statut social, et des
relations qu’ils entretiennent. Ils utiliseront soit la deuxième
personne du pluriel, si la situation est formelle (avec un
inconnu, une personne plus âgée, un supérieur hiérarchique),
comme forme de politesse verbale : Est-ce que je peux vous aider
monsieur Durand (ou Monsieur le directeur) ?, soit la deuxième
personne du singulier, lorsqu’ils seront entre amis, jeunes, ou
en famille : Est-ce que je peux t’aider Valérie (ou maman) ?
L’approche communicative
C’est l’ensemble de ces constats qui ont mené la didactique
des langues à emprunter aux sociolinguistes nord-américains
la notion de compétence de communication. Les recherches
prennent deux directions : soit la description de cette compétence dans le cadre des interactions en classe, soit la construction de sa modélisation.
Sandra Savignon1 propose de se pencher sur la compétence
de communication telle qu’elle se donne à voir dans la salle
de classe. Elle définit l’approche communicative et décrit des
situations d’apprentissage aussi authentiques que possible
pour en finir avec le caractère artificiel de la méthode audiovisuelle. Il s’agit d’opérer un changement radical en donnant la
priorité non plus au montage d’une hypothétique compétence
linguistique, mais bien à la mise en œuvre d’un savoir-faire
communicatif. Elle insiste sur le fait que la compétence de
communication est dynamique, qu’elle est relative et sujette
à variation, enfin qu’elle est fortement liée aux conditions
d’énonciation et à la coopération qui s’établit entre les partenaires de l’échange.
Cette problématique didactique conduit donc à une réflexion
sur la définition des composantes de la compétence de communication. Pour Sophie Moirand2, la compétence de communication repose sur la combinaison de quatre composantes :
62
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
• Une composante linguistique, à savoir la connaissance et
l’appropriation (la capacité de les utiliser) des modèles phonétiques, lexicaux, grammaticaux et textuels du système de
la langue ;
• Une composante discursive : la connaissance et l’appropriation des différents types de discours (par exemple un exposé)
et de leur organisation ou de leur macrostructure, en fonction des paramètres de la situation de communication dans
laquelle ils sont produits et interprétés. Notamment, la présentation d’un exposé selon le modèle français doit comprendre, dans l’ordre : une thèse, une antithèse, et une synthèse
(alors que ce n’est pas ce qui est attendu selon le mode anglosaxon) ;
• Une composante référentielle : la connaissance des domaines
d’expérience et des objets du monde et de leurs relations ;
• Une composante socioculturelle : la connaissance et l’appro-
Il s’agit d’opérer un changement radical
en donnant la priorité non plus au montage
d’une hypothétique compétence linguistique,
mais bien à la mise en œuvre d’un savoir-faire
communicatif.
priation des règles sociales et des normes d’interaction entre
les individus et les institutions, la connaissance de l’histoire
culturelle et des relations entre les objets sociaux.
Claude Springer3 propose également une définition à quatre
composantes :
• Une composante linguistique : connaissance des divers systèmes de règles syntaxique, lexical, sémantique, phonologique qui permet de créer et reconnaitre une grande variété de
messages ;
• Une composante socioculturelle, qui permet de reconnaitre
et interpréter différents systèmes culturels et de les mettre en
relation avec son propre univers mental ;
• Une composante pragmatique, qui traite de la connaissance
que l’utilisateur/apprenant a des principes selon lesquels les
messages sont :
– organisés, structurés et adaptés (ou compétence discursive :
elle permet de mettre en œuvre des stratégies pour construire
et interpréter différentes variétés de discours) ;
F
Faits & idées
– utilisés pour la réalisation de fonctions communicatives (ou
compétence fonctionnelle : elle permet de mettre en œuvre
des stratégies pour construire et participer à différents discours), comme se présenter, s’informer sur un lieu ou sur un
moment, exprimer ses sentiments… ;
– segmentés selon des schémas interactionnels et transactionnels (c’est la compétence conversationnelle : elle permet de
mettre en œuvre des stratégies interactives pour construire
et gérer les discours dialogiques), par exemple le respect des
tours de parole.
• Une composante stratégique, qui traite les opérations mises
en œuvre dans la communication et l’apprentissage de type
cognitif et métacognitif (comme la planification, l’exécution,
le contrôle, et la remédiation).
Ainsi, alors que Sophie Moirand cherche à modéliser la compétence de communication en en décrivant ses composantes,
Claude Springer propose d’opérationnaliser ces composantes, afin de permettre à l’apprenant de mettre en œuvre des
stratégies de communication et d’apprentissage.
Le Cadre européen
Le Cadre européen commun de référence pour les langues
(CERCL) s’appuie sur ces différentes composantes de la
compétence de communication pour décrire les capacités langagières, les savoirs mobilisés pour les développer, et les situations et domaines dans lesquels on peut être amené à utiliser
une langue étrangère pour communiquer.
Le Cadre pose que la compétence à communiquer dans une
langue étrangère n’est pas un ensemble indissociable, mais
qu’elle est constituée d’éléments distincts, parmi lesquels
trois composantes englobantes sont retenues :
• Une composante linguistique : étendue et qualité des
connaissances en langue (elle a trait aux savoirs et savoir-faire
relatifs au lexique, à la phonétique, à la syntaxe et aux autres
dimensions du système d’une langue).
• Une composante sociolinguistique, qui renvoie aux paramètres socioculturels de l’utilisation de la langue (règles
d’adresse et de politesse, régulation des rapports entre générations, sexes, statuts, groupes sociaux, codification par le
langage de nombre de rituels fondamentaux dans le fonctionnement d’une communauté).
• Une composante pragmatique, qui recouvre l’utilisation
fonctionnelle des ressources de la langue (réalisation de fonctions langagières, d’actes de parole) en s’appuyant sur des
scénarios ou des scripts d’échanges interactionnels. Elle renvoie également à la maitrise du discours, à sa cohésion et à
sa cohérence, au repérage des types et genres textuels, des
effets d’ironie, de parodie… (pour s’excuser, pour donner
son opinion…).
En fonction de ces trois composantes ou dimensions considérées dans la description d’une compétence langagière (la
dimension linguistique renvoyant à la forme et au sens des
différentes unités de la langue, la dimension culturelle renvoyant aux paramètres culturels de l’utilisation de la langue,
et la dimension pragmatique renvoyant aux actes de parole et
à leur mobilisation dans une situation de communication donnée), le Cadre fournit une série de points de référence (niveaux
ou échelons) permettant d’élaborer les progrès de l’apprentissage. Le niveau de compétence d’un apprenant sera défini en
fonction du plus ou moins grand nombre de tâches qu’il réalise de façon linguistiquement et pragmatiquement correcte.
Pour ce faire, chaque compétence est détaillée dans toutes les
possibilités d’utilisation de la langue : utilisation familiale,
quotidienne ou professionnelle.
Plusieurs échelles sont alors décrites en fonction des
compétences :
• Les compétences langagières, c’est-à-dire la communication
orale et écrite, sont décrites en termes de réception, d’interaction, de production et de médiation.
• Les compétences de performance langagières sont détaillées
selon des critères d’étendue, de correction, d’aisance, d’interaction et de cohérence.
Ainsi, comme le souligne Beacco4, « Le Cadre européen commun de référence pour les langues […] n’a pas pour objet de
proposer une nouvelle méthodologie, mais de remettre sur le devant
de la scène l’approche par compétences, stratégie d’enseignement
qui est au cœur de l’approche communicative. »
Prisque Barbier
Dipralang 739, université de Montpellier III
1 Sandra Savignon, Communicative Competence : Theory and Classroom Practice,
Addison-Wesley, Stern H.H., Fundamental Concepts of Language Teaching,
Oxford University Press, 1983.
2 Sophie Moirand, Enseigner à communiquer en langue étrangère, Hachette,
1990.
3 Claude Springer, « Que signifie aujourd’hui devenir compétent en langues à
l’école ? », Langues modernes n° 3, 1999.
4 Jean-Claude Beacco, L’approche par compétence dans l’enseignement des
langues, Didier, 2007.
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
63
F
Faits & idées
Mettre en commun ses cours,
jusqu’à en faire un manuel
Sylvie Menet
Un groupe d’enseignants de mathématiques en collège coopèrent pour élaborer et tester des activités,
regroupées au final dans un manuel complet. Où il est question de pratiques efficaces, porteuses de sens
pour les élèves, et de coformation pour les enseignants.
À
la base du fonctionnement du groupe, des valeurs
communes : tout élève est capable d’apprendre et de
progresser et doit être acteur de sa formation ; son
activité doit être privilégiée, la recherche de sens est primordiale. Les activités de mathématiques mises au point doivent
convenir à tous, par exemple au travers de débats entre pairs,
cherchent à être « des mathématiques pour grandir ».
À l’origine, la collaboration entre une enseignante expérimentée en collège, Hélène Staïner, et un professeur en classes
préparatoires, Jean-Philippe Rouquès. Celui-ci a décidé d’enseigner dans un collège difficile. Comment a-t-il pu négocier ce changement ? Leur rencontre fut déterminante. Elle
accepte de l’aider en lui transmettant ses activités et en explicitant les éléments de mise en œuvre. Les échanges se font
par courriel et oralement. Plus Jean-Philippe avance, plus il
a besoin de détails et d’analyse experte, pour comprendre ce
qui se passe en classe. Une écriture détaillée apparait un bon
moyen non seulement de combler le manque d’outil utile à un
débutant, mais aussi de diffuser une pratique efficace et porteuse de sens.
Une dynamique de travail collectif
Leur coopération s’est ensuite élargie à d’autres enseignants.
Le groupe des testeurs profite des compétences individuelles
de chacun, notamment dans l’utilisation du vidéoprojecteur
et des logiciels de géométrie dynamique (nous avons notre
spécialiste GeoGebra !). Chacun travaillant dans un environnement différent, ZEP ou collège de banlieue aisée, les échanges portent aussi sur l’adaptation de la pratique décrite en
fonction du type d’élèves.
Le travail ne se limite pas à « se passer des activités ». Les
leçons, fournies par les auteurs au fur et à mesure de leur écriture, sont testées en classe par tous les membres de l’équipe,
puis analysées collectivement. Internet favorise les réactions
spontanées, les idées ou les corrections proposées pouvant
être réinvesties directement par les collègues. En réunion, les
échanges sont très riches. Les travaux d’élèves sont analysés.
Ce sont des objets d’études, non seulement en classe avec les
élèves qui débattent en plénière pour en constituer les traces
sur les cahiers, mais aussi pour les testeurs qui s’en nourrissent et améliorent les activités. Des échantillons de ces supports précieux sont présents dans le livre.
64
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
Grâce à ce travail collectif, les auteurs améliorent les séquences : apports de précisions sur la mise en œuvre, reformulation
d’un énoncé, rhabillage d’un problème, ajout d’une illustration GeoGebra (logiciel libre de géométrie dynamique).
Plus de travail pour chacun, mais aussi plus d’énergie pour tous
Nous expérimentons à notre manière les principes défendus
dans le livre. Le travail collectif nous permet de continuer à
apprendre individuellement notre métier. Un apport bénéfique, voire salutaire pour un métier le plus souvent solitaire,
dans un contexte où on veut nous faire croire qu’il suffit de
savoir pour transmettre. Malgré la charge de travail, chacun
dégage quand même du temps pour ces échanges. C’est une
respiration, de l’oxygène, du carburant pour continuer à avancer, de l’énergie pour surmonter les difficultés, une manière
de rester optimistes dans ce difficile métier, de continuer à y
croire… et j’ajouterai le plaisir du partage de valeurs communes, et d’échanges constructifs, en profondeur, dans un travail collectif.
Les manuels sont disponibles !
Le livre concernant le niveau 4e, testé et finalisé l’année dernière, vient d’être édité par le CRDP des Pays de Loire. Il est
intitulé « Des maths ensemble et pour chacun1 ». La première partie détaille les principes fondamentaux de la pratique. Suivent
douze séquences du programme de 4e, avec les différentes
phases d’apprentissage, les questions ouvertes qui permettent à chacun d’entrer dans l’activité, le travail en équipe, les
plénières dans lesquelles les débats sont organisés à partir des
travaux des élèves, les entrainements.
Ce n’est pas fini. Le livre pour le niveau 5e paraitra fin 2010.
Les échanges se sont élargis sur l’espace consacré aux livres
sur le site du CRDP de Nantes, par l’intermédiaire d’un
forum, avec des mises en ligne de documents.
Sylvie Menet
Professeure de mathématiques en collège à Nantes
1 Lire sur notre site la recension de cet ouvrage, dans la rubrique Des livres pour
nous.
Questions d’aujourd’hui, réponses d’hier ; questions d’hier, réponses
pour aujourd’hui ; cette rubrique noue le dialogue entre les générations
sans nostalgie ni déférence, avec notre passion de transmettre.
La télévision et le monde scolaire
30
Il y a 30 ans dans les Cahiers
Septembre 1967 : la France compte 50 millions d’habitants et 7,5 millions de téléviseurs. 80 % des enfants scolarisés la regardent régulièrement, sur l’une des deux chaines en noir et blanc (la couleur fait son apparition en octobre 1967 sur la seconde chaine, mais les récepteurs
sont rares). La « massification » est en route, parallèle à celle que connait l’enseignement secondaire au même moment. Nombre d’enseignants s’inquiètent de ses effets néfastes, nombre d’intellectuels se déchainent contre cette machine à abrutir. Les Cahiers pédagogiques
contribuent au débat et proposent mille-et-une façons de prendre en compte ce fait social. « La télévision, fait social », tel est le thème du
dossier n° 69, qui s’ouvre par un article de deux enseignants convaincus de l’intérêt du « mass-média ». Oh bien sûr la « tévé » de 67 n’a pas
grand-chose à voir avec la nôtre et nous pouvons sourire de la naïveté de ces pionniers. Mais il ne faut pas un gros effort d’imagination pour
transposer leur propos à la révolution médiatique encore plus déstabilisante pour l’école que nous vivons aujourd’hui. Leurs arguments
prennent alors une actualité revigorante.
La télévision, fait social
« La tévé, c’est de l’actualité qui se congèle en histoire », dit
Cidrolin dans Les fleurs bleues de Raymond Queneau.
La télévision se pose éventuellement en concurrente de l’information scolaire habituelle : il arrive, en effet, qu’elle aborde
des sujets qui recoupent les programmes de l’enseignement ;
elle est alors un rival redoutable dans la mesure où, pour traiter tel sujet particulier, elle peut faire appel, sans difficulté et
immédiatement, aux spécialistes les plus éminents de la question. L’enseignement qu’elle donne, sans volonté pédagogique délibérée, est à la fine pointe de l’actualité, elle nous livre
vraiment l’état actuel des connaissances en un domaine précis ; l’enseignant, aussi brillant et consciencieux soit-il, ne
peut s’offrir, par lui-même, ce luxe. Par la force des choses,
son information est toujours en retard.
Il y a, pourrait-on dire, une
désacralisation de l’école et de
l’enseignant : on apprend autant hors
du temple que dans le temple.
Il s’ensuit, bien sûr, une modification de la situation pédagogique : du point de vue des élèves, l’école et le maitre ne
sont plus les uniques tenants des connaissances : la frontière
s’amincit entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.
Nous voguons, de plus en plus, tous sur la même galère. Il y a,
pourrait-on dire, une désacralisation de l’école et de l’enseignant : on apprend autant hors du temple que dans le temple.
Le danger, peut-être, est que l’on risque d’apprendre autrement : reste à porter, ici, un jugement de valeur pédagogique
et cela sortirait du cadre du présent article.
Du point de vue du maitre, l’arrivée de la télévision est ressentie souvent comme une intrusion, dans la mesure où elle
dépossède l’enseignant à ses propres yeux d’une de ses fonctions essentielles d’intercesseur culturel. Un rival a surgi,
contre lequel nous ne sommes pas aptes à lutter à armes égales. Pourtant, le problème n’a même pas encore atteint sa véritable acuité : il se révèlera profondément, comme dit Margaret
Mead, lorsque deux générations très différentes entreront en
contact pédagogique et que nous serons en présence d’enfants
qui n’auront jamais connu un monde sans télévision. C’est
pourquoi il est urgent de bien prendre conscience des questions qui se posent.
Le développement de la télévision est inéluctable : refuser de
l’admettre serait choisir la politique de l’autruche. Il est ins-
crit dans le contexte même de notre civilisation industrielle,
technique, préoccupée du loisir et de l’image. Cette expansion
ne dépend plus de nous, elle est la force des choses : si nous la
refusons, elle se fera malgré nous, donc contre nous. Critiquer
un système de l’extérieur, c’est se donner bonne conscience
et mettre faussement en question, au nom d’hypothétiques
valeurs universelles, l’esprit du temps. Il faut pénétrer dans
le système pour le maitriser et le comprendre. C’est en acceptant la télévision comme un fait que nous pourrons poser, à
son propos, les véritables problèmes. On s’apercevra alors
qu’il serait stupide de renoncer à tant de possibilités offertes : pour éviter que la télévision ne soit ressentie et vécue par
l’élève comme le concurrent du maitre, il faut qu’elle soit au
service du maitre, dans l’école et hors de l’école. En somme, il
faut, disons-le, que la télévision entre à l’école sur notre propre initiative.
C’est à ce moment que doivent commencer les études prudentes et méthodiques sur un tel sujet. Quelles sont les procédures d’exploitation possible de l’information télévisuelle,
comment peut-on intégrer ses bénéfices à l’intérieur même de
l’exercice pédagogique, quels sont les dangers prévisibles de
l’usage pédagogique de la télévision ?
La télévision fait alors apparaitre un rôle nouveau du pédagogue : celui d’organiser les connaissances recueillies de façon
disparate par l’élève, celui d’être le médiateur entre l’individu et l’information technique. Il récupère ainsi sa fonction
d’intercesseur, mais elle ne s’exerce plus au même niveau : la
matière enseignée est désormais relativement indépendante
de l’enseignant, mais il reste à lui donner forme. Ce n’est pas
là déchéance du pédagogue, mais au contraire, promotion :
dégagés des nécessités vitales de l’intendance, nous aurons le
loisir de nous consacrer aux tâches, plus attirantes d’éclairer
les esprits.
Il s’ensuit, évidemment, une transformation du rapport maitre-élève, transformation bénéfique et libératrice pour tous ;
dans la mesure où le maitre n’est plus le seul dépositaire du
savoir, sphinx veillant terriblement sur ses palais endormis,
sa fonction change de sens, et sa présence, aux yeux de l’élève,
prend une autre couleur. Inversement, et pour la même raison, l’élève ne joue plus, pour le maitre, son rôle ancien. Loin
de perturber la classe, comme on le dit trop souvent, la télévision permet au contraire de resserrer des liens entre maitre
et élèves par la participation commune à un message unique.
Le travail du maitre n’en est pas diminué, mais acquiert une
importance nouvelle : en effet, c’est à lui d’exploiter l’émission
que tous viennent de voir, c’est à lui d’apprendre aux élèves à
méditer les informations qui viennent de leur être apportées.
La télévision n’est pas une panacée et n’a jamais cru l’être, elle
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
65
30
Il y a 30 ans dans les Cahiers
n’est pas une machine à transmettre tel quel le savoir ; mais,
à la façon même dont sera organisée la réception des émissions, l’élève aura l’impression (justifiée) de participer véritablement à l’exploitation du document pédagogique.
Le fait est là : les centres d’intérêt qui requièrent les jeunes —
comme on dit à Salut les copains — désertent de plus en plus le
monde scolaire, qui risque à plus ou moins longue échéance de
faire figure de monde parallèle peuplé de la rumeur du passé,
de vaste reliquaire où se maintiendraient, en atmosphère artificielle, des espèces rares en voie de disparition : sentiments,
notions morales, concepts, tout le magasin pittoresque de
l’humanisme universitaire.
Il est impossible, et impensable, que l’école ne réagisse pas
devant l’expansion illimitée de formes de savoir incontrôlées (c’est-à-dire non contrôlées par elle), ou plus exactement
de formes non élaborées de ce composé nouveau d’information et de connaissance si caractéristique de la télévision. En
effet, celle-ci livre à domicile un matériau brut, dont l’extrême variété renvoie moins à un éclectisme qu’à une nouvelle
vision du monde qui pourrait se définir par le nivèlement et
l’aplatissement. Tout est mis sur le même plan, et la juxta-
Ce n’est pas là déchéance du
pédagogue, mais au contraire,
promotion : dégagés des nécessités
vitales de l’intendance, nous aurons
le loisir de nous consacrer aux tâches,
plus attirantes, d’éclairer les esprits.
position de commentaires non concertés contribue à rendre
plus difficile encore une vision hiérarchisée. Les coulisses
de l’exploit et celles de l’histoire figurent au sommaire des
mêmes magazines, et il devient naturel de passer de considérations diététiques à propos de J.-C. Killy à des réflexions
sur la révolution yéménite. À l’échelle d’une soirée, ce télescopage devient véritablement anesthésiant : entre 20 heures
20 et 23 heures, un spectateur moyennement motivé recevra
une masse d’informations répartie entre Madagascar, la CIA,
Claude Lelouch, la marée noire, l’école de commerce du secteur tertiaire, Michèle Arnaud, et la fatigue des jambes. La
disparité des sujets est multipliée par celle des styles. À l’impressionnisme des reportages (qui tend à devenir le style passepartout de la télévision) succède le didactisme, puis le direct
des variétés, etc.
Si, après comparaison des bénéfices et des inconvénients, nous
acceptons de faire entrer, comme il se doit, la télévision dans
la classe, nous modifierons, pour peu que nous le voulions, le
66
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
public de la télévision en général. Ceci peut nous fournir un
argument décisif : si, à l’école, la télévision est présente et utilisée, l’enfant sera vite familiarisé avec elle et en garde contre
ses pièges éventuels ; il sera d’autant plus exigeant à son égard
qu’il la connaitra mieux, il saura éviter de se laisser prendre
aux trompeuses séductions de la facilité télévisuelle. Donc,
d’une part la télévision fait accéder le public scolaire à la véritable existence, en tant que consommateur dont il faut tenir
compte, d’autre part et réciproquement ce public scolaire va
bouleverser le sens même de la télévision. À la fois moyen et
matière d’une éducation civique réelle, la télévision nous offre
la chance unique de former pleinement le citoyen de demain,
en lui montrant quelle conduite tenir vis-à-vis de l’instrument typique de notre civilisation de consommation massive,
instrument neutre en lui-même, comme toutes les machines,
et dont la valeur sera ce que la fera notre façon de l’utiliser. En
contribuant à la formation d’un téléspectateur expérimenté,
l’école serait directement l’éducatrice du public ; ce public
éclairé pourra à son tour mettre en œuvre ses compétences
acquises en faisant pression sur les organismes responsables.
Un pouvoir de décision, de choix, de clairvoyance, est donc à
créer chez le téléspectateur. C’est aussi notre travail.
La question est celle de la conception de notre métier, et de
notre place dans la société. Si l’enseignement consiste à faire
partager un certain savoir-faire, et éventuellement à distribuer
aux plus méritants des invitations pour cette exposition permanente de la culture éternelle dont nous sommes les guides
et les conservateurs brevetés, alors, il est vrai, nous n’avons
pas besoin de la télévision, ou plutôt nous pouvons continuer de faire comme si elle n’existait pas. Mais si notre métier
consiste aussi à aider les adolescents à s’éveiller à la vie civique
et sociale et à prendre la mesure de leur place dans le monde et
des devoirs qui les y attendent, alors, nous avons besoin de la
télévision. Et peut-être la télévision a-t-elle besoin de nous.
Louis Porcher
Professeur de philosophie
Sylvain Roumette
Professeur de lettres
Stagiaires en 1966-1967 au centre audiovisuel de Saint-Cloud.
R
Regards de pédagogues
Cette rubrique propose des aperçus du patrimoine des écrits pédagogiques à travers l’histoire et à travers le monde. Nous voudrions mieux faire connaître des textes et des auteurs
souvent méconnus, et pourtant bien utiles pour considérer d’un regard différent nos problèmes pédagogiques de ce début de xxie siècle.
Ivan Illich (1929-2002)
Peut-on faire confiance à l’école pour favoriser la promotion sociale ?
Autrichien, prêtre de 1950 à 1969, il exerce d’abord aux États-Unis, puis en Amérique du Sud où il fonde le Cidoc
(Centre interculturel de documentation) dans le but de former les missionnaires adhérant à la théologie de la
libération. Il en fait un laboratoire de l’éducation « déscolarisée », avant de rompre avec l’Église. Il est l’auteur de
nombreux ouvrages dénonçant la « surcroissance économique ». Pour Illich, l’école fait partie intégrante de l’outil
capitaliste et il faut « déscolariser » la société.
Par Maëliss Rousseau, professeure des écoles et doctorante en sciences de l’éducation
M
érite scolaire
et démocratie
La promotion sociale au mérite, qui
fait régulièrement l’actualité du
débat politique, bénéficie d’un relatif
consensus chez les politiques, comme
l’a montré le débat sur le quota d’élèves
boursiers dans les grandes écoles :
la conférence des grandes écoles
qui refuse ce quota a fait l’unanimité
contre elle. Une partie de la gauche
regrette toutefois que les mesures qui
visent à établir l’égalité des chances ne
concernent que le recrutement de l’élite.
Les mesures de discrimination positive
visant à améliorer le niveau général des
élèves sont bien plus anecdotiques : le
busing, par exemple, pour des élèves de
quartiers défavorisés que l’on emmène
en bus dans une école au recrutement
social plus hétérogène. L’ensemble du
dispositif concerne aujourd’hui quelques
dizaines d’élèves seulement.
Dans le même temps, les zones
d’éducation prioritaires ont vu leurs
dotations revues à la baisse. Malgré
quelques ajustements au gré des
alternances entre gouvernements
de droite et de gauche, les projets
politiques font confiance à l’égalité
des chances pour assurer la promotion
sociale des individus en se fondant sur
leur mérite individuel et non sur leur
origine sociale. Les mesures qui visent
à réduire l’échec scolaire demeurent des
dispositifs de compensation timides, en
marge du système. Restent les acteurs,
mouvements pédagogiques, syndicats
d’enseignants, d’élèves et d’étudiants
pour dénoncer l’hypocrisie d’un slogan,
« égalité des chances », érigé en horizon
indépassable de l’école démocratique,
choisissant la méritocratie contre la
réussite de tous1.
Promotion sociale : l’école
en échec
Ivan Illich éclaire le problème d’un
point de vue singulier qui est marginal
dans l’histoire du débat sur l’école, et
pour cause : il remet en question les
fondements mêmes de l’institution
scolaire. Sans être contre l’éducation,
Illich prône la « déscolarisation2 » de la
société. Pour Ivan Illich, c’est le principe
même de l’institution scolaire que
de trier les élèves et de les labelliser
sans rapport avec leur mérite et leurs
capacités.
« Comme les éducateurs ne conçoivent
pas l’enseignement sans le certificat
de garantie, il s’ensuit que le système
scolaire ne conduit pas à l’éducation et
ne sert pas la justice sociale ; au cours
de la scolarité, on confond l’instruction
et le rôle que l’on jouera dans la société.
Pourtant, apprendre ne signifie-t-il
pas acquérir quelque compétence ou
quelque savoir nouveau, tandis que
la promotion sociale se fonde sur des
opinions que d’autres se font de vous ?
Ainsi, s’instruire dépend souvent de
quelque instruction reçue, mais la
sélection pour un rôle social, pour un
emploi sur le marché du travail, dépend
de plus en plus de la seule durée des
“études”. […]
Nous pourrions constater que le rang
dans la société fut de tout temps assigné
par une sorte de “programme” dont la
société reconnaissait les mérites. […]
Le programme se présentait parfois
sous la forme d’un rite, d’une suite de
cérémonies initiatiques, ou exigeait
quelque haut fait, quelque faveur du
prince. Par le système de la scolarité
universelle, on espérait rompre avec
les traditions, ne plus faire dépendre
la place future dans la société que des
mérites de chacun placé au départ
avec des chances égales. Beaucoup
continuent à croire, à tort, que l’école
mérite la confiance publique, qu’elle
remplit ce rôle, alors même qu’elle n’est
plus que la détentrice d’un monopole et
que, loin d’égaliser les chances, elle en
assure la répartition. »
Une société sans école, 1971.
Ainsi, l’école en tant qu’institution
légitime les différences sociales en
faisant croire qu’il s’agit de différences
scolaires. Elle distribuent les rôles dans
la société en faisant croire qu’ils ne
dépendent plus de la naissance.
Beaucoup continuent
à croire, à tort, que l’école
mérite la confiance publique,
qu’elle remplit ce rôle,
alors même qu’elle n’est
plus que la détentrice
d’un monopole et que, loin
d’égaliser les chances, elle
en assure la répartition.
L’école elle-même serait une « fiction
nécessaire », selon l’expression de
François Dubet. Le résultat est la création
de nouveaux déshérités que l’on rend
responsables de leur malheur : « Chaque
besoin auquel on trouve une réponse
institutionnelle permet l’invention d’une
nouvelle catégorie de déshérités et
introduit une définition nouvelle de la
pauvreté 3. » L’aide ensuite apportée aux
déshérités sous forme de compensations
ne fait que renforcer leur dépendance
face à l’institution. Ainsi, à la défaillance
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
67
R
Regards de pédagogues
d’autres individus qui ont le même désir
d’apprentissage que lui. Illich prônait le
recours à des réseaux qui permettraient
aux individus de se rencontrer avec le
savoir pour projet et non la compétition
scolaire pour les meilleures places.
DR
de l’école, incapable de permettre à
chacun d’acquérir les savoirs, on répond
toujours par plus d’école. C’est en cela
qu’Illich compare l’école au système
capitaliste et l’accuse d’en être le cheval
de Troie.
Certaines critiques d ’Illich sont
partagées par les sociologues de l’école.
Plusieurs ouvrages parus cette année
et recensés dans les Cahiers invitent à
réfléchir sur notre conception du mérite
et à s’interroger sur la capacité de notre
système à fonctionner en respectant le
principe de justice 4. L’étude comparative
des résultats des enquêtes Pisa par
Christian Baudelot et Roger Establet
montre que l’école française fait preuve
pour le moins de complaisance à l’égard
des différences sociales, contribue à
les reproduire. Marie Duru-Bellat met
en avant d’autres études françaises
récentes à l’appui de ce constat qui est
bien connu des sociologues depuis Pierre
Bourdieu et Jean-Claude Passeron5. Elle
invite à remettre en question l’objectif
d’élévation générale du niveau. La
concurrence toujours plus élevée qu’il
occasionne pousse chacun à investir
dans des études de plus en plus longues
sans changer véritablement le résultat à
l’arrivée : les étudiants pouvant compter
sur un réseau développé par la famille
sont toujours ceux qui s’insèrent le mieux
sur le marché du travail. Plus d’école ne
produirait pas plus de réussite, mais
produirait… plus d’école !
Déscolariser la société ?
Comme le montre l’extrait d’Une société
sans école, Illich va au-delà d’une
critique du rôle social de l’école, c’est
son rôle éducatif lui-même qu’il remet
en question. C’est que, dit-il, l’école est
68
une église qui endoctrine les masses, les
enseignants en sont les pasteurs. Elle est
elle-même sa propre religion : plus on
la fréquente et plus on est persuadé du
bien-fondé de ses classements, prévient
Illich. L’école prêche sa propre vision de
la vérité et de la justice et cela fonctionne
si bien que même ceux qu’elle exclut
ont confiance dans son jugement. Or,
poursuit Illich, ce qui compte à l’école,
c’est la réussite au diplôme et non
l’acquisition de connaissances ou de
compétences. Avoir obtenu un « certificat
de garantie » de la part de l’école n’est
pas une preuve de compétences. À
l’appui de sa thèse, Illich cite l’exemple
de l’apprentissage des langues : pour
enseigner une langue, être un natif
serait une garantie plus efficace qu’un
diplôme universitaire en langue vivante.
Les enseignants sont coupés de la vie
productive, ils sont donc coupés du
sens du savoir. Comment pourraientils le transmettre ? On apprendrait bien
plus efficacement hors de programmes
scolaires qui didactisent et hiérarchisent
inutilement les savoirs, leur faisant
perdre toute leur saveur. Les réformes
et les innovations pédagogiques ne
pourront pas venir à bout de ce clivage
entre l’école et la « vraie » vie, celle qui
donne du sens aux connaissances.
Pour Illich, seule une école qui ne serait
pas scolaire peut sauver l’école. Une
école où l’initiative de l’apprentissage
appartient à celui qui s’instruit, car lui
seul, pense Illich, peut savoir ce qu’il
a besoin d’apprendre. Il peut alors
l’apprendre dans la rencontre directe
avec un objet culturel ou par la médiation
d’un tiers qui sera un guide d’autant plus
efficace qu’il ne sera pas un enseignant.
Il peut surtout apprendre en rencontrant
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
On le voit, Illich va loin dans la charge
contre l’institution et l’alternative qu’il
propose nécessiterait une nouvelle
révolution copernicienne de l’éducation :
après « l’élève au centre du système
scolaire », ce serait « celui qui désire
apprendre au cœur de l’éducation ».
S’autoriserait-on, trente ans après
mai 68, à rêver si loin ? On peut avoir
l’impression que le temps où l’on
discutait des fondements de l’institution
est bien passé.
Il n’est pas certain, d’ailleurs, que les
moyens proposés par Illich sont cohérents
avec les fins qu’il se fixe : donner
l’initiative de l’apprentissage à l’élève
risque de renforcer considérablement
le clivage entre ceux qui disposent d’un
« capital culturel » élevé et les autres.
Pourtant, plusieurs remarques d’Illich
trouvent un écho dans le débat sur
l’égalité : n’y a-t-il pas d’autres lieux
que l’école pour acquérir des savoirs
(les associations, les entreprises, les
voyages, par exemple) et ne devraiton pas replacer le diplôme à sa juste
valeur ? Ne pourrait-on déscolariser
les savoirs en rappelant qu’ils peuvent
être discutables, sont discutés, en leur
rendant leur histoire et leur fonction ?
Et nous, les enseignants ? Ne devraiton pas nous déscolariser au moins
quelques années de notre vie afin de
diminuer cette fracture entre l’école et
la société ? Si nous pouvions exercer
d’autres fonctions, sans doute cela nous
aiderait-il à guider leurs élèves dans leur
intégration sociale et nous permettrait
de relativiser certaines normes de
l’institution…
Maëliss Rousseau
1 Cahiers pédagogiques n° 467, Égalité des chances
ou école démocratique ?
2 Le titre original d’Une société sans école est « Deschooling Society ».
3 I. Illich, Ibid.
4 Marie Duru-Bellat, Le mérite contre la justice, PUF,
2009.
C. Baudelot, R. Establet, Élitisme républicain. L’école
française à l’épreuve des comparaisons internationales, Seuil, La République des Idées, 2009.
F. Dubet, Les places et les chances, repenser la justice
sociale, Seuil, La République des idées, 2010.
5 Bourdieu, Passeron, Les héritiers, les étudiants et la
culture, Éditions de Minuit, 1964.
Le Livre du mois
Pour enseigner l’histoire des arts,
regards interdisciplinaires
Bénédicte Duvin-Parmentier
Coll. Repères pour agir second degré, série « Dispositifs »,
CRDP d’Amiens et Crap-Cahiers pédagogiques
C
omme toute injonction nouvelle,
l’introduction de l’histoire des
arts dans les programmes officiels
a fait dire à plus d’un qu’on chargeait
la barque en donnant à l’école une
nouvelle mission impossible, une énième
« éducation à » que tout le monde, c’està-dire personne, serait chargé de mener
à bien.
Mais ce livre a tout pour ôter aux grincheux leur ironie : difficile, après l’avoir lu,
de prétendre qu’on ne peut pas, qu’il faut
attendre, qu’on n’a pas les bons collègues, les structures adéquates, la formation nécessaire ou les moyens suffisants.
Ce qui est dit ici donne envie.
Mobilisation générale
Quelles disciplines ? Quelles ressources ?
Quels arts ? Et quels élèves ? La réponse
est sans appel : toutes, tous. Rectifions :
tout est envisageable, tout n’est pas possible sans doute et les contraintes ne
manquent pas. Avant de parler de généralisation à tous les niveaux, il faudra un
temps d’exploration, d’aventure, qui ne
date pas d’aujourd’hui, certes, mais dont
les acquis doivent être mieux analysés,
mieux diffusés. C’est ce à quoi s’emploie
ce livre.
On lit évidemment avec un intérêt redoublé, puisqu’il s’agit d’un enseignement
pour tous, les chapitres qui témoignent
de rencontres entre des élèves « en difficulté » et ce qu’on appelle des chefsd’œuvre. Les enseignants qui racontent
leur pratique ne sont jamais triomphalistes, témoignent de vraies découvertes,
fondées sur la sensibilité, mais aussi la
réflexion, sur les représentations des élèves et sur les savoirs qui permettent de
les dépasser, loin du spontanéisme ou de
la rencontre magique.
Prise de risques
Si l’une des contributions s’intitule explicitement « une rencontre à risques », la
plupart des chapitres mentionnent, chacun à sa manière, les écueils d’une entreprise d’enseignement d’histoire des arts.
Il ne s’agit donc pas que l’enthousiasme,
dont ce livre regorge, dispense d’une
réflexion sur les choix pédagogiques que
l’on fait, leurs dérives possibles, le sens
du parcours que l’on propose aux élèves.
Car il s’agit bien de cela, d’une évolution
du regard qui ne se décrète pas, mais se
fera (ou non) grâce aux situations proposées. La difficulté de l’entreprise pourrait
alors encourager certains à la déléguer à
des spécialistes, et il est vrai que les partenariats avec des associations, structures ou artistes sont souvent très riches
– un chapitre du livre leur est consacré.
Mais ce sont les enseignants qui doivent
rester les pilotes et garder le cap, sans
laisser, par exemple, l’objectif de réalisation d’une œuvre dévorer le temps de la
réflexion ou prendre le pas sur l’acquisition d’une certaine autonomie par les
élèves.
Risque aussi, bien sûr, dans ces rencontres artistiques dont les contenus peuvent parfois heurter la sensibilité, les
croyances, religieuses ou non, des élèves. Et on sait gré à certains chapitres
du livre de présenter des expériences de
« médiation » vers et par l’objet d’art, par
l’écriture, l’oral, les recherches avec les
Tice, la réalisation personnelle et collective… tout ce qui peut permettre de fructueux allers-retours entre le personnel et
l’universel.
Un remède contre la timidité
Le livre donne de nombreux exemples, de
nombreuses pistes, mais au-delà invite
évidemment chacun à chercher de son
côté comment et avec qui se lancer, sans
naïveté, avec beaucoup d’idées et avec la
conscience plus claire des écueils à éviter. Pour cela, le lecteur se voit proposer
régulièrement des « repères », condensés historiques ou listes de ressources ou
modes d’emploi. Encadrés, tableaux ou
fiches aident régulièrement à voir comment passer à la pratique, dans la réalité
des établissements et des classes.
L’interpellation finale, c’est la règle du
jeu, met en lumière les difficultés de l’entreprise telles que tout enseignant se
les formule : il serait imprudent de les
juger négligeables. Mais c’est le livre tout
entier qui plaide pour qu’on se lance dans
l’aventure avec une pensée et un regard
aiguisés.
Deux postfaces, en clôture (un artiste,
Didier Lockwood, une historienne de l’art,
Nadeije Laneyrie-Dagen), plaident, chacune à leur manière, pour qu’on ne verse
pas dans le formalisme, et qu’on garde
bien des espaces d’initiation à l’art par
l’art, par des espaces et des temps de pratiques artistiques que rien ne remplacera.
Florence Castincaud
Questions à Bénédicte Duvin-Parmentier
— Dans ce livre, il est bien question d’enseigner l’histoire « des arts » et
non « de l’art ». En quoi ce pluriel est-il
important ?
— Enseigner l’histoire de l’art, ce
serait ne considérer que les beauxarts, la peinture, la sculpture et oublier
toutes les autres formes artistiques.
L’histoire des arts, en revanche, permet d’apporter une culture générale et
une vision plus large plutôt que de faire
de nos élèves des spécialistes. Entre
autres, il importe de montrer que les
différentes sources artistiques s’enrichissent mutuellement quand on les
fait dialoguer entre elles. C’est là, me
semble-t-il, ce qui fait sa force et son
intérêt. On pourrait citer des exemples à l’infini, en voici deux : la mise
en relation entre la musique baroque
et les pas de danse de la même époque
qui nous permettent de mieux saisir l’une et l’autre et l’une par l’autre ;
la comparaison d’un tableau et d’un
film expressionnistes qui nous aide à
construire une réelle dialectique. Ce
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
69
Le Livre du mois
qui compte, c’est de faire de nos élèves
des individus capables d’établir des
ponts entre les arts, d’avoir ainsi une
approche continue plutôt que fragmentée et sans cohérence.
— Vous montrez tous les aspects novateurs possibles de cet enseignement, mais
des enseignants de disciplines artistiques
craignent que ce nouvel enseignement ne
remplacent le leur, que la pratique par les
élèves soit abandonnée.
— En effet, l’histoire des arts a d’abord
suscité de grosses inquiétudes, mais il
semble que la situation commence à
changer. Beaucoup de professeurs des
matières artistiques en ont compris
l’enjeu : l’histoire des arts peut apporter une nouvelle dimension à leur
enseignement et leur donner un rôle
fondamental à jouer en en devenant
de véritables acteurs (ne serait-ce que
par leur implication dans la nouvelle
épreuve du brevet des collèges). Dans
de nombreux établissements, ils sont
devenus le lien indispensable autour
duquel gravitent des projets. Enfin, le
débat autour de l’arrivée de la théorie
qui ne serait qu’un frein à la pratique
s’est assez vite essoufflé, chacun comprenant qu’elles ne sont pas antinomiques, mais complémentaires.
— En rassemblant les contributions pour
ce livre, qu’est-ce qui vous a semblé marquant, et qu’est-ce qui peut rendre optimiste pour l’avenir de cet enseignement ?
— Ce qui ressort des contributions,
c’est que beaucoup de professeurs
font déjà de l’histoire des arts depuis
de nombreuses années et que cette
dernière permet vraiment d’affiner
leur regard sur leur discipline. Tous
sont animés par l’envie de faire partager une passion, tous ont la certitude
qu’il y a nécessité à travailler ensemble en interdisciplinarité avec des
collègues qui enseignent des matières à priori peu compatibles. Chacun
avec ses compétences et sans se poser
en spécialiste parvient à donner une
nouvelle dimension à sa discipline et
à faire évoluer ses pratiques. Ce qui
nous permet d’espérer, c’est de voir
comment tous ces projets présentés,
du plus ambitieux au plus modeste,
pariant sur l’implication de chacun,
professeurs et élèves, ont abouti.
— Comment franchir les obstacles qui
empêcheraient cette innovation de périr
dans le cimetière désespérant des occasions perdues ?
— Le pire des scénarios serait qu’il n’y
ait pas d’histoire des arts et que chacun, se retranchant derrière le poids
des programmes, l’absence de moyens
financiers ou l’inertie de certains établissements, se lasse ou n’essaye même
pas. Cependant, je ne crois pas qu’il
en sera ainsi. Dans les stages sur l’enseignement de l’histoire des arts que
j’anime, je constate un très net chan-
gement depuis quelque temps : je rencontre des collègues de plus en plus
soucieux de se former, tentant des
expériences ou prenant des contacts
avec les musées ou la Daac par exemple. L’épreuve au brevet des collèges
et les enseignements d’exploration dès
la rentrée prochaine au lycée devraient
renforcer cette tendance. Peut-être
prend-on aussi conscience que quand
il n’y a plus grand-chose, il y encore et
toujours l’art.
Bénédicte Duvin-Parmentier
Professeure de lettres au lycée
polyvalent de Mirepoix (Ariège).
Formatrice pour le second degré
à l’IUFM Midi-Pyrénées,
elle anime des stages concernant
la relation aux arts.
Des comptes-rendus d’ouvrages à lire sur notre site
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?rubrique1
La Geste Formation – Gestes professionnels
et Analyse des pratiques
Réussir à apprendre
Sous la direction de Gaëtane Chapelle et Marcel Crahay.
Christian Alin.
PUF, coll. Apprendre, 2009. 240 pages
L’Harmattan, Savoir et Formation, 2010. 240 pages
Un ouvrage contenant des contributions souvent stimulantes ou
riches d’informations, autour des questions d’apprentissage, mais
dans un ensemble quelque peu disparate.
Dans ce livre, Christian Alin nous montre que les analyses de pratiques sont l’instrument par excellence d’une formation aux gestes professionnels de l’enseignant et de toute personne soucieuse
d’éducation. Les nombreux récits, vifs, enjoués et significatifs,
viennent renforcer les effets d’un ouvrage qui oppose à la froideur
des techniques managériales l’efficacité d’une approche esthétique, éthique et poétique, d’une geste formation vécue sur le ton
d’un héroïsme quotidien.
La fabrique des savoirs scolaires
Isabelle Harlé.
Petit dictionnaire énervé des profs et de l’école
Olivier Rollot. Éditions de l’opportun, 2010. 223 pages
Le ton du pamphlet et de la dénonciation est-il vraiment le mode
le plus adéquat pour parler de l’école ? Cependant, contrairement
à ce que le titre pourrait laisser penser, le contenu est progressiste
et certains développements de ce « dictionnaire » plutôt justes.
Flaubert est un blaireau
La Dispute, 2010. 160 pages
Alain Chopin. Éditions-dialogues.fr, 2010. 201 pages
Un ouvrage qui aborde la question de la « fabrication » des savoirs
scolaires en utilisant à la fois l’histoire, la sociologie et la didactique et qui part de trois exemples : les mathématiques, les SES et
la technologie.
Les chroniques d’un enseignant de LP, maintenant retraité. À mille
lieues de la déploration et du mépris des jeunes. Des portraits
savoureux et quelques aperçus du travail imaginatif d’un « passeur culturel ».
70
Les Cahiers pédagogiques n° 482, juin 2010
pédagogiques
10, rue Chevreul, 75011 Paris.
Tél. : 01 43 48 22 30
Fax : 01 43 48 53 21
E-mail : [email protected]
changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société
Site Internet : http://www.cahiers-pedagogiques.com
Les Cahiers pédagogiques se veulent lieu de réflexion collective
- sans simplismes, parce que les raccourcis sur le niveau qui monte ou
qui baisse, ou sur l’école d’antan n’ont jamais fait avancer d’un iota les
pratiques enseignantes ;
- sans tabous, parce qu’on doit pouvoir discuter sans réserves de tout ce
qui pose problème dans le champ professionnel, des réformes en cours,
du fonctionnement de l’école dans toutes ses dimensions ;
- sans dogmatisme, car c’est le croisement des réflexions et des pratiques
de chacun, chercheurs, formateurs, enseignants du secondaire et du primaire, éducateurs, qui peut être utile à chacun ;
Directeur de publication : Laurent Nembrini
- sans déférence, car c’est le partage des expériences des uns et des
autres, quelle que soit son ancienneté, dans le respect des points de vue,
qui ouvre à d’autres possibles, qui fait progresser.
Ces principes qui animent l’équipe des Cahiers pédagogiques sont également ceux du Cercle de recherche et d’action pédagogiques (Crap), l’association qui les publie. Adhérer au Crap-Cahiers pédagogiques, c’est donc
soutenir la revue, c’est aussi participer, par des rencontres, des échanges
par une liste de diffusion électronique, à la vie d’une association d’enseignants soucieux de faire évoluer leurs pratiques, de réfléchir sur les problèmes de l’école pour mieux la faire progresser. Rejoignez-nous !
Comité de rédaction : Michèle Amiel • Patrice Bride • Élisabeth
Bussienne • Florence Castincaud • Marie-Christine Chycki
Françoise Colsaët • Jacques Crinon • Richard Étienne
Hélène Eveleigh • Vincent Guédé • Sylvie Grau • Régis Guyon
Anne Hiribarren • Françoise Lorcerie • François Malliet
Pierre Madiot • Yannick Mevel • Laurent Nembrini
Raoul Pantanella • Nicole Priou • Michel Tozzi • Christine Vallin
Jean-Michel Zakhartchouk
Rédacteur en chef chargé de la revue : Patrice Bride
Rédacteur en chef chargé du site : François Malliet
Responsables de rubriques :
- Communiqués et Actualités éducatives : Nicole Priou
- Des livres pour nous : Jean-Michel Zakhartchouk
Bureau du Crap : Président : Philippe Watrelot
Trésorier : Jean-Michel Faivre. Autres membres : Jean-Michel
Zakhartchouk, Régis Guyon, Philippe Pradel, Florence Castincaud
- Et chez toi ça va ? : Hélène Eveleigh
- Faits & idées : Élisabeth Bussienne
- Il ya 30 ans dans les Cahiers : Yannick Mével
Correspondants académiques du Crap : Aix-Marseille : Alain Zamaron • Amiens : Rémi Duvert • Besançon : Xavier Pichetti •
Bordeaux : Marie-France Ravier • Clermont-Ferrand : Réjane Lenoir • Grenoble : Évelyne Chevigny • Lille : Véronique Vanhaesebrouck •
Lyon : Roxane Caty-Leslé • Montpellier : Brigitte Cala • Nancy : Gilles Gosserez • Nantes : Florence Daniaud • Nice : Hervé Dupont •
Paris : Nicole Priou • Poitiers : Nathalie Bineau • Reims : Régis Guyon • Rennes : Chantal Picarda • Strasbourg : Robert Guichenuy •
Versailles Nord : Annie Di Martino • Versailles Sud : Florence Grouasil • Belgique : Xavier Dejemeppe
pour envoyer un courrier électronique, écrire à : [email protected]
Parmi les numéros disponibles (prix TTC hors frais de port)
Voir bulletin de commande au verso
438
440
441
443
444
445
449
450
452
453
456
459
469
470
471
473
474
475
476
477
478
479
480
481
L’évaluation des élèves ................................................................................ 7,20
Orthographe . ...................................................................................................... 7,20
L’EPS, embarras et inventions ................................................................. 7,20
La culture scientifique ................................................................................. 5,00
Décrocheurs. comment raccrocher ? . .................................................. 7,20
Où en sont les ZEP ? ..................................................................................... 7,20
Qu’est-ce qui fait changer l’école ?....................................................... 5,00
Images ................................................................................................................... 5,00
L’esprit d’équipe – L’école en Suisse ................................................... 5,00
Étudier la langue ............................................................................................. 5,00
L’école maternelle aujourd’hui ................................................................ 7,50
L’école à l’épreuve du handicap. ............................................................. 7,50
Faire des sciences physiques et chimiques ..................................... 7,50
Les élèves et la documentation .............................................................. 7,50
Apprendre l’histoire ....................................................................................... 7,50
Enfants d’ailleurs, élèves en France .................................................... 7,50
Aider à mémoriser .......................................................................................... 7,50
L’entrée en 6e .................................................................................................... 7,70
Travailler par compétences ........................................................................ 7,70
Questions sensibles et sujets tabous ................................................... 7,70
L’éducation au développement durable : comment faire ? ....... 7,70
Les apprentissages fondamentaux à l’école primaire ................. 7,70
Travailler avec les élèves en difficulté ................................................ 7,70
La classe, pour apprendre et vivre ensemble .................................. 7,70
























Depuis le n° 360, les numéros épuisés sont disponibles
au format pdf en téléchargement sur notre site (5,00 euros).
Dossiers hors-série numériques
téléchargeables sur www.cahiers-pedagogiques.com
• Quelles alternatives au redoublement ? - 5,00 €
• Enseigner les langues vivantes avec le cadre européen - 5,00 €
• Quelle formation pour les enseignants ? - 5,00 €
• Face aux classes difficiles - 5,00 €
• Le socle commun, comment faire ? - 5,00 €
• Quelques outils et réflexions pour (bien) débuter - 5,00 €
• Des heures de vie de classe, pour quoi faire ? - 5,00 €
• Les PPRE, nouveau visage de l’aide individualisée - 5,00 €
Pour accéder au catalogue complet, consulter
notre secrétariat ou notre site Internet
http://www.cahiers-pedagogiques.com
PAO : Marc Pantanella • Photogravure‑et impression : Groupe Horizon (Gémenos). N° d’inscription à la CPPAP : 0707G81944 • ISSN 008-042 X • Tirage : 5 700 exemplaires.
Abonnement aux Cahiers pédagogiques
 Nous proposons également des formules d’abonnement au format numérique (revue en PDF disponible en téléchargement), ou encore au double
format numérique/papier : consulter notre site.
✄
Tarifs 1er abonnement aux Cahiers pédagogiques, incluant une remise de 12 e : cochez la case correspondant à votre choix
Individuels
Établissements scolaires, médiathèques
1 abonnement France métropolitaine
40 euros
46 euros
1er abonnement Outre-mer
49 euros
55 euros
1er abonnement UE
56 euros
62 euros
1 abonnement hors UE
72 euros
78 euros
er
er
Programmation 2009-2010 :
Sept.-oct. : L’entrée en 6e • Nov. : Travailler par
compétences • Déc. : Les questions sensibles
à l’école • Jan. : L’éducation au développement
durable : comment faire ? • Fév. : Le cycle 2
et les apprentissages fondamentaux •
Mars : Dans nos classes, des élèves en difficulté • Avril-mai : Faire vivre le groupe classe •
Juin : Internet et pratiques collaboratives
Veuillez nous indiquer (en bas, à gauche) un numéro de téléphone et/ou une adresse électronique pour vous contacter.
J’autorise l’établissement teneur de mon compte à prélever sur ce dernier tous les
prélèvements ordonnés par le créancier désigné ci-dessous. En cas de litige sur un
prélèvement, je pourrai en faire suspendre l’exécution sur simple demande à l’établissement teneur de mon compte. Je réglerai le différend avec le créancier.
Nom et adresse du créancier :
Crap-Cahiers Pédagogiques,
10, rue Chevreul, 75011 Paris.
Réf : DK.444110.06041.28882940
TITULAIRE DU COMPTE À DÉBITER :
NOM : ……………………………………………………………………………….…………………..............
PRENOM : ………………………………………………………………………….……………….............….
ADRESSE : …………………………………………………………………………………………............…..
………………………………………………………………………………………………………….............
CODE POSTAL : ………………...........…. VILLE : ……………………….....………………………..............
NOM ET ADRESSE DE L’ÉTABLISSEMENT TENEUR DU COMPTE À DÉBITER :
NOM : ……………………………………………………………………………….…………………..............
ADRESSE : …………............…………………………………………………………………………………..
…………………………………..........………………………………………………………………………...
CODE POSTAL : ………………...........…. VILLE : ……………………….....………………………..............
Remplir impérativement cette partie qui sera expédiée à votre banque.
DÉSIGNATION DU COMPTE À DÉBITER :
N’oubliez pas de joindre un RIB ou un RIP
Adhésion au Crap
J’adhère au Crap-Cahiers pédagogiques et verse la somme
de 25 € par chèque.
Offre adhésion + abonnement : 65 € (France métropolitaine).
Signature :
Modalités de paiement :
• Chèque postal ou par chèque
bancaire en Euro (sauf Eurochèques)
à l’ordre du Crap-Cahiers
pédagogiques.
• Virement administratif (pour
établissements et institutions).
• Mandat postal international ou
virement à notre compte bancaire
CCM Paris pour les commandes
hors U.E.
• Par carte de crédit sur notre site
Internet :
www.cahiers-pedagogiques.com
• Par prélèvement : pour la
France métropolitaine seulement
(voir formulaire ci-contre). Je
m’abonne pour un an (8 numéros).
Prélèvement trimestriel sur mon
compte bancaire ou postal. Je
remplis l’autorisation ci-dessous
et je joins un RIB ou un RIP.
L’abonnement sera renouvelé par
tacite reconduction pour un an.
Si je ne veux pas poursuivre mon
abonnement, j’écrirai au CrapCahiers pédagogiques deux mois
avant l’échéance.
Pour commander
des numéros :
(Cf. catalogue, page précédente)
✄
AUTORISATION DE PRÉLÈVEMENT
N° ÉMETTEUR NATIONAL : 444 110
N° et titre :.......................................................
UE : 81,00  • DOM-TOM : 74,00  • Hors UE : 97,00 
.....................................................................
Je ne souhaite pas adhérer, mais je voudrais recevoir par
courriel la Lettre d’information mensuelle du Crap-Cahiers
pédagogiques.
.....................................................................
.....................................................................
.....................................................................
Merci de remplir le formulaire ci-dessous et de l’envoyer avec votre réglement à : Crap-Cahiers pédagogiques, 10, rue Chevreul, 75011 Paris.
.....................................................................
Nom :..................................................................................
Prénom :..............................................................................
Adresse postale :...................................................................
..........................................................................................
..........................................................................................
..........................................................................................
..........................................................................................
Adresse électronique :...........................................................
Téléphone :..........................................................................
Montant : ..........  x (..........) = .........................
Frais de port par exemplaire :
France : de 1 à 3 : 1,60  – plus de 3 : 1,00 
Outre-mer, UE : de 1 à 3 : 3,60  – plus de 3 : 2,60 
Hors UE : de 1 à 3 : 4,80  – plus de 3 : 3,40 
Frais de port : ..........  x (..........) = ...................
TOTAL (montant + frais de port) : .........................
N’oubliez pas d’indiquer, ci-contre, vos coordonnées.
Les hors-série numériques
des Cahiers pédagogiques
Billet du mois
Billet du mois, billet d’humeur… Pour ouvrir chaque numéro, un texte qui réagit,
qui peut faire réagir, par un auteur qui s’engage, qui engage la discussion.
Un réac peut en cacher un autre
Quand je naviguais à bord de l’Abeille Flandre, autour d’Ouessant, et que nous prêtions assistance aux bateaux qui abordaient ce qu’on nomme « le Rail », j’ai pu observer à quel point
chaque situation réclamait de l’équipage un sens aigu de l’improvisation. Dans les cas les
plus complexes, Carlos, le capitaine, faisait monter tous les hommes à la passerelle et chacun
pouvait – et même devait – dire ce qu’il pensait de la situation, suggérer telle ou telle tactique.
Sans considération de hiérarchie pyramidale. En mer, m’expliquait Carlos, la bonne manœuvre,
finalement, c’est la manœuvre qui réussit.
Cette culture-là, cette culture qui réussit, est malheureusement décriée par une bonne partie
de nos élites. Notamment lorsqu’il s’agit de l’école. Au lieu de s’appuyer sur le savoir-faire des
maitres qui ont patiemment appris à enseigner, et de valoriser cette maitrise, l’idéologie actuellement au pouvoir ne cesse de décrier l’expérience et considère que la formation se résume en
la possession de savoirs académiques – que l’on transmettra ensuite. L’élève est un contenant
vide que le professeur doit emplir de sa science. Et, bien sûr, les jeunes enseignants n’ont nul
besoin d’initiation pédagogique puisqu’ils ont atteint, en réussissant les concours, un état de
transcendance ontologique qui leur suffit amplement.
Hervé Hamon
Passons sur l’étroitesse culturelle, sur le manque d’ampleur d’une telle vision. L’agressivité
contre la pédagogie est une spécialité – faut-il dire une anomalie ? – bien française. La valorisation des acquis de l’expérience, chez nous, c’est tout juste bon pour l’enseignement professionnel, pour les maçons qui sont rétifs aux mathématiques. Ainsi se ferme-t-on à mille sources
de connaissance, à mille talents divers. Ainsi envoie-t-on au casse-pipe maints brillants esprits
issus des classes prépas qui, sur un terrain nouveau et mouvant, se retrouvent, soudain, fort
désemparés.
Il y a plus. Au discours réactionnaire habituel viennent se mêler d’étranges voix qu’on aurait cru
d’une tout autre inspiration. Le style « gaucho réac ». On était habitué au langage du Snalc.
On l’était moins à ce que d’ardents disciples de la vulgate révolutionnaire s’en viennent clamer
urbi et orbi que la défense de l’agrégation et des classes préparatoires est l’alpha et l’oméga de
la résistance au « libéralisme ».
Selon cette vulgate intransigeante, se réclamer de l’expérience, du savoir-faire, c’est se réclamer – plus ou moins explicitement – de l’esprit d’entreprise et de ses effroyables bidouillages.
C’est se réclamer d’une culture du résultat intolérable et forcément funeste. L’ascenseur social
consiste à propulser quelques élus aux portes de Normale supérieure, pas à chercher des passerelles entre le bac pro et le BTS.
Décidément, ces temps-ci, il faut se battre sur tous les fronts.
Des heures de vie de classe, pour quoi faire ? • Le socle commun… Mais comment faire ? • Les rythmes scolaires •
Travailler sur la presse écrite à l’école • Les PPRE, nouveau visage de l’aide individualisée •
L’école ailleurs… (Belgique, Italie, Finlande, Angleterre, Québec, Suisse et Maghreb) • Mai 68 et l’école, vus par
les Cahiers pédagogiques • Face aux classes difficiles • Quelques outils et réflexions pour (bien) débuter •
La formation des enseignants • Le nouveau cadre européen de référence pour les langues •
Socle commun et travail
par compétences
Balises et boussole
Le travail par compétences, le socle commun :
de nouvelles modes pédagogiques sans lendemains,
ou de réelles occasions d’améliorer les apprentissages
des élèves ? De simples ravalements de ce qu’on fait déjà,
ou de véritables opportunités pour revoir nos pratiques
d’évaluation, de différenciation, de remédiation ?
Ce numéro s’efforce d’indiquer des repères pour une mise
en œuvre utile à partir d’expériences concrètes,
dans le quotidien de la classe et de l’établissement.
Ce dossier est vendu en ligne sur notre site
et à télécharger au format PDF.
www.cahiers-pedagogiques.com
5 euros pour les particuliers. Tarifs avec droits de diffusion : 10 euros
pour les établissements scolaires et 15 euros pour les médiathèques
Enseigner les langues vivantes
avec le Cadre européen
Nouvelle édition
Les Cahiers pédagogiques est une revue indépendante éditée par le
Cercle de recherche et d’action pédagogiques (Crap), association loi 1901 engagée
dans la réflexion sur les pratiques quotidiennes de l’enseignement tout comme dans
les combats en faveur d’une école plus juste et plus efficace. Ses membres exercent
dans tous les secteurs de l’école, de la maternelle à l’université.
Les Cahiers pédagogiques éditent sous forme
de fichiers au format pdf des numéros portant
sur des thèmes d’actualité, téléchargeables sur
notre site www.cahiers-pedagogiques.com
Quelles évolutions de l’enseignement des langues depuis les
premiers pas du CECRL ? Les interrogations qui se
manifestaient en 2005 ont-elles trouvé des pistes de
réponse ? La réflexion, la formation ont-elles réussi à outiller
les enseignants ? Des points de vue contrastés,
complémentaires souvent, parfois contradictoires,
représentatifs du débat bien réel sur la question de
l’enseignement des langues.
Ce hors-série est présenté sous une nouvelle édition
augmentée d’une partie consacrée aux compétences et
groupes de compétences. Il comprend une version adaptée à
la lecture à l’écran et une version destinée à l’impression.
Ce dossier est vendu en ligne sur notre site
et à télécharger au format PDF.

Documents pareils