Introduction à la question du genre

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Introduction à la question du genre
Socio-anthropologie du genre :
Introduction à la question du genre
Ce que l'on nomme le "sexe" fait, communément ou administrativement, référence aux
caractéristiques biologiques (génétique et anatomique) des individus qui sont différenciés selon
deux catégories : femmes et hommes. Le genre, quant à lui, est un concept de sociologie utilisé
pour appréhender les différences non biologiques entre femmes et hommes, c'est-à-dire les
différences sociales, économiques, démographiques, politiques, psychologiques, etc. On parle
parfois de "rapports sociaux de sexes" ou de "rapports socialement et culturellement construits
entre femmes et hommes".
Le concept de genre ne nie pas la différence biologique entre les sexes féminin et
masculin, mais il permet de penser l'identité sexuelle (féminin et masculin) indépendamment du
sexe biologique et de comprendre que l'une et l'autre ne se confondent pas nécessairement.
Ainsi, ce terme n'est pas simplement une catégorie descriptive venant désigner une réalité
sociale et l'appartenance d'individus à un groupe de sexe (Clair, 2012). Il est un outil de lecture
du monde grâce auquel il est possible de penser la "différence des sexes". Il révèle et permet
de comprendre la logique qui organise le monde social et les rapports entre individus et
d'appréhender la construction sociale de la différence hiérarchisée des sexes et/ou des
sexualités.
C'est la raison pour laquelle, le genre est l'objet d'un champ d'études en sciences
sociales qui porte sur des sujets très variés : l'histoire de l'accès des femmes au travail, la mise
en évidence de la construction des différences entre femmes et hommes ou la relation entre les
sexes comme étant une relation de pouvoir hiérarchisée, la construction de l'identité et du sujet,
par exemple, pour distinguer les processus sociaux de subjectivation et les processus
inconscients de subjectivation (Rechtman, 2009), l'analyse des rapports de genre dans leur
dépendance aux autres rapports de pouvoir (classe, "race", âge, etc.), l'analyse de l'articulation
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genre et sexualité, etc.
Le concept de genre permet de s'intéresser à la façon dont pour chaque individu se
construit une identité sexuelle et une sexualité. Comme l'expliquait déjà Simone de Beauvoir
avec sa formule "On ne naît pas femme, on le devient", un ensemble de processus de
socialisation, familial, scolaire, professionnel influent sur les enfants et la production de rôles
féminins et masculins qui servent l'ordre social (Beauvoir, 1949). Les normes du genre
déterminent dans la société ce qu'est un homme ou une femme et induisent chez les individus
des comportements et des attitudes. Elles se manifestent au sein de chacun d'entre nous, dans
la culture, dans la communication entre les individus, dans les institutions et sont présentes
aussi bien dans les écoles, les entreprises, que dans tout ce qui fait la vie sociale.
Mais, le genre ne reflète pas seulement une identité intériorisée par les deux groupes
sociaux que constituent les hommes et les femmes, il correspond aussi à des identifications
individuelles, masculines et féminines, qui ne coïncident pas nécessairement à ces
groupes de sexe. Ainsi certains ou certaines vont se comporter, s'habiller, s'exprimer d'une
façon qui se sera pas perçue comme conforme à ce qui est attendu d'une femme ou d'un
homme, à un moment donné, dans une société ou un milieu social donné. Différents types
d'identités sont endossées ou revendiquées par les individus : transsexuel(le)s,
bisexuel(le)s, homosexuel(le)s, hétérosexuel(le)s, intersexes, dragkings, dragqueens, queers,
etc. Ces identités traduisent des relations qui existent entre normes de genre et sexualité : les
normes de genre orientent et influent sur la sexualité (injonction à l'hétérosexualité,
production de catégories sexuelles légitimes et illégitimes). Mais elles témoignent également du
fait que les identités de genre sont le résultat de pratiques performatives conduites par les
individus au quotidien à l'intérieur d'un système de contrainte.
Le concept de gender est d'abord apparu aux Etats-Unis dans les milieux psychiatriques et
médicaux dans les années 1950 (Fassin, 2008a) dans le cadre de l'étude de personnes dont le
sexe chromosomique ne correspond pas au sexe anatomique. Une dizaine d'année plus tard, le
psychiatre et psychanalyste Robert Stoller utilise le terme de gender identity pour définir les
transsexuels, des personnes qui ne s'identifient pas à leur sexe de naissance. Dans les années
1970, le mouvement féministe se réapproprie la notion pour interroger la domination masculine
(Scott, 1986). En France, le genre est introduit par la sociologue Christine Delphy (1977) qui
utilise le terme de « système de genre » pour désigner le système de partition de l’humanité en
deux catégories, les hommes et les femmes, qui est aussi un système d'exploitation où l’une de
ces catégories est exploitée et l’autre est exploitante. Dans les années 1990, à l'occasion des
débats sur la parité le terme s'impose dans l'espace public. La question du genre reste
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aujourd'hui au cœur de diverses controverses et de mobilisations sociales (avortement,
PMA, GPA, mariage pour tous, etc.).
Gaëlle Krikorian est docteure en sociologie diplômée de l'Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales (EHESS), chercheuse associée à l'Institut de recherche interdisciplinaire sur
les enjeux sociaux. Sciences sociales, politique, santé (IRIS) (UMR 8156 CNRS – Inserm –
EHESS-Université). Engagée dans la lutte contre le sida durant de nombreuses années à partir
de la fin des années 1990.
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Bibliographie
de Beauvoir, Simone (1949), Le deuxième sexe, t. II L'expérience vécue, Gallimard,
coll. « Folio », 1949.
Bereni, Laure, Chauvin, Sébastien, Jaunait, Alexandre et Anne Revillard (2012), Introduction
aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre, Editions De Boeck, Bruxelles.
Butler, Judith (2005),Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, traduit de
l'anglais (américain) par Cynthia Kraus (version originale 1990), Éditions La Découverte, 284 p.
Clair, Isabelle (2012), Sociologie du genre, Paris, Armand Colin, coll. « 128 », 125 p.
Delphy, Christine (1977). « Nos amis et nous », paru dans Questions féministes, n° 1.
Delphy, Christine, Molinier, Pascale, Clair, Isabelle et Sandrine Rui (2012), « Genre à la
française ? », Sociologie, n°3, vol. 3 |, accessible sur : http://sociologie.revues.org/1392
Fassin, Eric (2008a), « L’empire du genre. L’histoire politique ambiguë d’un outil conceptuel »,
L’homme,
n°187-188,
juillet-décembre
2008,
pp.
375-392.
Accessible
sur:
http://www.genreenaction.net/IMG/pdf/Eric_Fassin.pdf
Fassin, Eric (2008). « Résistance et réception : Judith Butler en France », Dossier « Sex and
Gender », Le Bulletin lacanien, n°4, pp. 15-21.
Héritier, Françoise (2005), Masculin / Féminin, 1. La pensée de la différence, Odile Jacob.
Mathieu, Nicole-Claude (1992), L’anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe,
Côté-femmes.
Rechtman Richard et Laëtitia Atlani-Duault (2009), « Psychanalyse et anthropologie
aujourd’hui. Une question de genre », Journal des anthropologues, pp. 116-117, Accessible sur:
http://jda.revues.org/3910
Scott, Joan (1986), "Gender: a Useful Category of Historical Analysis." American Historical
Review, 91(5), pp. 1053-1075.
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