Tardits, le pionnier

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Tardits, le pionnier
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Date: 29-01-07à 22h 01
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1-16
SPORTS
( FOOTBALL AMÉRICAIN )
Y
Sud Ouest
Mardi 30 janvier 2007
NATIONAL FOOTBALL LEAGUE
L’HISTOIRE
SUPERBOWL. Richard Tardits est le premier Français à avoir évolué en NFL, au début des années 90.
Le Biarrot, ancien joueur de New England, commentera la finale du Superbowl dimanche sur France 2
Tardits, le pionnier
: Christophe Berliocchi
R
ichard Tardits est un
précurseur. Un mythe
même pour certains
fans irréductibles des
sports US. Le Biarrot est tout simplement le premier joueur français à avoir évolué en professionnel dans l’un des quatre sports
majeurs américains : football US,
base-ball, basket-ball et hockey
sur glace. Il a joué trois ans en National football league (NFL), aux
New England Patriots, le club de
foot américain de Boston, de
1990 à 1992 (1).
Au début des années 90, les superstars du sport US se nomment
Bo Jackson, Michael Jordan, Magic Johnson, Joe Montana, Wayne
Gretzky ou José Canseco. En France, le sport américain est peu suivi. Seuls, au plan national, Canal + et les mensuels spécialisés
s’intéressent au parcours de Tardits, « un véritable conte de
fées », comme l’écrit Georges Eddy dans une chronique de feu
« Newsport ». Car le Français, en
quatre ans de pratique de l’un
des sports les plus complexes du
monde, « a conquis l’Amérique
et gagné sa place en NFL ».
De Toulouse à Georgia. « J’ai eu
beaucoup de chance, je suis devenu professionnel en NFL par hasard », reconnaît aujourd’hui Richard Tardits, 42 ans, revenu
s’installer à Biarritz avec sa famille en 2003. Rien ne prédestinait le jeune Biarrot à devenir un
pionnier. « Mon avenir était tracé, dit-il. Je jouais au rugby au BO,
j’étais international junior et je
devais signer à Toulouse pour y
poursuivre mes études et évoluer
au Stade. »
Été 85 : un séjour linguistique
d’un mois à Augusta (Georgie)
chez un ami de son père (rugbyman lui aussi, champion de
France avec Pau en 1964) va bouleverser sa destinée. « J’ai appris,
là-bas, qu’on pouvait financer ses
études en faisant du sport de
haut niveau grâce à une bourse.
J’ai passé les tests de tennis (il
était classé 15), sans résultat. Puis
j’ai lu dans le journal que l’université de Georgia organisait une
sélection de football américain.
Je me suis lancé sur les conseils
de l’ami de mon père. »
Tardits passe les tests et les gagne. « Premier coup de bol, ce
n’étaient que des tests physiques,
pompes, abdos, 1000 m enchaînés; je sortais de la saison de rugby, j’étais en pleine bourre ! » Le
Biarrot intègre le campus de
Georgia pour étudier le commerce international et jouer dans
l’équipe de foot US. Second signe
du destin : suite à la blessure du
linebacker titulaire, il gagne sa
place dans l’équipe des Bulldogs
(NCAA) et devient un redoutable
chasseur de quaterback.
« Je n’avais aucun sens tactique, mais une technique propre,
Le Biarrot a joué trois saisons en NFL, aux New England Patriots, le club de Boston
( superbowl 2007 )
Une finale inédite
La 41e finale du Superbowl 2007
opposera, dans la nuit de dimanche à lundi à Miami les
Chicago Bears aux Indianapolis
Colts, vainqueurs de justesse en
demi-finale (38-34) de l’ancien
club de Richard Tardits, les New
England Patriots, triple vainqueur
du Superbowl en 2001, 2003,
2004.
Les Colts du quaterback vedette
Peyton Manning, battus trois fois
en phases finales par New England ces quatre dernières sai-
inter-exter, héritée du rugby,
pour éviter les bloqueurs. » Les
coaches l’appelaient « le Tour de
France » ! « C’était mon spécial. À
la fin de mon cursus, je détenais
même le record de « sacks » de
l’université (29 réalisations). J’ai
appris qu’il a été battu il n’y a pas
longtemps... »
Après quatre ans à Georgia, où
il obtient un MBA en commerce
et une solide réputation de coupeur de tête, l’idole de la fac se
met à rêver de NFL : « Oui, mais
toujours dans l’optique de payer
mes études aux États-Unis, je voulais devenir avocat international
et faire Harvard. » Drafté au cinquième tour en 1988, Tardits signe un an aux Phoenix Cardinals, mais ne joue pas. « Le style
défensif de l’équipe ne me correspondait pas. »
27 matches en NFL. En mai
1990, le Basque, tête dure et dé-
sons, ne seront pas favoris face
aux Bears, qui retrouvent le Super
Bowl 21 ans après leur dernière
victoire.
Le Superbowl sera retransmis en
direct pour la deuxième année
par France 2, à partir de minuit.
Quatre heures de direct avec le
match, mais aussi le concert de
Prince à la mi-temps et le spectacle du Cirque du Soleil en ouverture. Pour les commentaires,
depuis la Floride, Richard Tardits
épaulera le journaliste Christian
Choupin.
termination intacte, participe au
camp d’entraînement des New
England Patriots. « Pour trois raisons : je ne connaissais pas ce
coin, leur style de jeu me correspondait et j’étais à deux pas de
Harvard. » Après un camp d’été
inhumain, « les dernières semaines, c’est la jungle » et un ultime
écrémage à son poste, Tardits
réussit l’exploit d’intégrer l’effectif pro, limité à 47 joueurs.
Le Français sera surtout utilisé
dans les équipes spéciales et défensives, mais disputera quand
même 27 matches en NFL
— « sans beaucoup toucher le ballon », rigole-t-il — au sein d’une
des franchises les plus faibles,
alors, de la Ligue. Une blessure au
genou freinera sa carrière et
après un essai infructueux aux
Denver Broncos en 1994, il tournera la page NFL sans regrets.
« J’en garde des souvenirs fabuleux, surtout celui d’avoir été à
cette époque le meilleur athlète
que je puisse être », dit-il.
Les sacrifices physiques — il est
passé de 100 à 120 kg au cours de
sa carrière — il les assume. Il a
même conservé son poids de forme du temps de la NFL. L’ancien
pro continue de s’entretenir, rugby, jogging et surf qu’il pratique
chez lui, à Bidart où il a acheté
une maison après un tour des
parcs nationaux des États-Unis
en camping-car avec sa petite famille, qui a duré un an.
« J’ai pas mal bourlingué avec
ma femme Joanna, nous avions
envie de nous poser. Nous sommes revenus ici pour l’équilibre
familial des enfants (il en a trois)
et la douceur de vie. » Richard
Tardits ne vit pas de ses rentes de
footballeur US : « Je viens d’apprendre qu’à 55 ans, j’aurai droit
à une retraite de la NFL (environ
750 dollars), car j’ai atteint le
quota (trois ans et trois matches) », sourit-il.
Le Biarrot, businessman averti,
gérait lui-même ses contrats (qui
lui ont rapporté plus de 200 000
dollars par saison) et a lancé plusieurs affaires aux États-Unis,
qu’il a, à chaque fois, « bien revendues ».
Depuis mai 2003, Tardits est
propriétaire du complexe golfique de Bagnères-de-Bigorre. « J’ai
mis quatre ans pour obtenir un
permis de construire. J’ai un gros
projet hôtelier et immobilier. Les
mentalités, ici, ne sont pas simples à faire évoluer mais j’y crois.
Laurent Fignon a lui aussi investi
dans la ville. »
Ce nouveau défi n’a rien d’in-
PHOTO JEAN-DANIEL CHOPIN
D PARCOURS
Tardits
le rugbyman
Richard Tardits a eu plusieurs vies sportives. Ado, il
touche à tout : tennis, surf et
bien sûr rugby. Après sa carrière NFL, le Biarrot a même
taté du bobsleigh ou du football australien. L’aventure
du rugby a repris en 1995,
lorsqu’il est rentré en France
pour développer un projet à
destination des États-Unis
au sein de la Générale des
Eaux. « J’ai joué un an au PUC
en 1995 avec un coach hors
du commun, Daniel Herrero. » Reparti travailler outreAtlantique, Tardits, devenu
citoyen américain, se rapproche du staff des Eagles,
l’équipe de rugby des ÉtatsUnis. « J’ai participé à la Coupe du monde de rugby à VII à
Hong-Kong en 1997 puis à la
Coupe du monde à XV en
1999. J’ai joué contre l’Irlande et la Roumanie et raté
l’Australie. On avait une bonne petite équipe, plusieurs
gars jouaient en Angleterre », se souvient-il.
surmontable pour l’ancien linebacker des New England Patriots.
(1) Le hockeyeur Philippe Bozon a joué trois
ans aux Saint Louis Blues (1995-1998), Tariq
Abdul-Wahad est le premier Français à avoir
joué en NBA, en 1997. Aucun Français n’a
joué en MLB (base-ball).