TRAHISON

TRAHISON
David Giannoni
« Nous, poètes, artistes, hommes de chair au cœur de
feu, sommes comme le vide, comme le vent. S’appuyer sur
nous, c’est comme s’appuyer sur ce vent, sur ce vide.
Dépendre de nous, c’est dépendre du rien, donc de soi.
Nous ne valons pas la peine. Ni qu’on nous haïsse, ni
qu’on nous aime.
Nous ne sommes pas fiables. Faibles, forts à la fois,
nous ne sommes crédibles que lorsque nous mentons.
Autour de notre être tout entier vivant, de la pierre :
qui comme elle se prête au jeu de l’érosion, comme elle se
fend ou se casse, mais ne plie pas, ni ne se tord.
Ce n’est même pas une question de volonté, donc pas
de mauvaise conscience.
Autour de nous, des massacres, des vivants qui se
cherchent, que notre esprit hante parfois, que notre
énergie secoue, fascine, dégoûte ou corrompt.
Mais ces âmes autours de nous sont comme ces
fourreaux qui se demandent ce qu’ils sont jusqu’au
moment où s’y range et s’y love l’épée.
Nul compromis n’est possible non plus ou plutôt
mille compromis, infinis.
Sans visage
sans ordre
sans honte. »
« 16 semailles d’or,
à l’arrière de la maison
dans ce jardin
Hier j’ai planté.
J’aurais pu courir, lire, ranger ou méditer.
Au lieu : j’ai frémi, agité, à l’idée de ne plus jamais revoir
l’aurore… »
« Retourner à ce sentiment fugace, c’est fuir notre
inconstance, rayer, de la carte, tout pays imaginaire,
incendier les racines que nous pointons vers le haut. Cela
aussi, nous fait du bien, ou du mal, ensemble, disjoint.
Il est, des sources magnétiques, comme de la
floraison rapace de nos sentiments. L’angoisse nous prend
lorsqu’on n’attend plus, elle vient lorsque nous n’avons
plus peur de la mort. »
« Je ressens une très grande tristesse dans ces propos.
J’ai moi-même, ce matin, assisté à la naissance d’une
algue.
À midi elle cernait l’océan.
Je l’ai aperçue il y a quelques heures dans la peau de mille
requins.
Maintenant, déjà rassise au fond d’elle-même, elle dort… »
« Nous ne vivons pas de notre courage. »
« Tu vis, je vis. C’est assez… »
« Nous ne parlons pas aux ombres, elles nous
parlent. »
« La mienne est silencieuse à l’instant… »
JE TE SURVIVRAI.