Résidences secondaires : de l`Initiative « Weber » à la

Transcription

Résidences secondaires : de l`Initiative « Weber » à la
David Equey
Résidences secondaires : de l’Initiative «
Weber » à la législation et à la réglementation
d’application
Am 1. Januar 2016 traten das Bundesgesetz und die Verordnung über Zweitwohnungen in Kraft. Diese Gesetzestexte definieren die Bedingungen für die Umsetzung des Art. 75b BV, welcher vom Volk und den Kantonen am 11. März 2012
angenommen wurde. Sie sehen weitere Ausnahmen vor für bestehende Wohnungen, Neubauten und denkmalgeschützte Gebäude. Es fehlt jedoch zuweilen an
Klarheit. Der Beitrag zielt darauf ab, einige Präzisierungen angesichts der vorbereitenden Arbeiten und gefällten Urteilen zu Art. 75b BV und der Übergangsverordnung vom 22. August 2012 zu machen. (sts)
Beitragsarten : Beiträge
Rechtsgebiete : Bau- und Raumplanungsrecht. Bodenrecht
Zitiervorschlag : David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation
et à la réglementation d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
ISSN 1424-7410, http ://jusletter.weblaw.ch, Weblaw AG, [email protected], T +41 31 380 57 77
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
Table des matières
1.
Introduction
1.1. L’initiative « Weber »
1.2. Controverses sur la caractère directement et immédiatement applicable de l’art. 75b
Cst.
1.3. L’ordonnance du Conseil fédéral du 22 août 2012
1.3.1. Le fondement
1.3.2. Quelques remarques sur le fond
2. Le processus législatif
2.1. Les avant-projets de loi et d’ordonnance
2.2. Le projet de loi
2.3. Les débats aux chambres fédérales et la « paix des braves »
3. La loi fédérale du 20 mars 2015 sur les résidences secondaires et l’ordonnance du 4 décembre
2015 sur les résidences secondaires
3.1. Entrée en vigueur et structure
3.2. Dispositions générales
3.2.1. Objet
3.2.2. Définitions
3.2.2.1. L’approche en « creux » de la notion de « résidence secondaire »
3.2.2.2. La notion de logement
3.2.2.3. La résidence principale et les logements assimilés
3.2.2.4. Conclusion et synthèse
3.2.3. Compétences et tâches des cantons et des communes
3.2.4. Compétences et tâches de la Confédération
3.3. Inventaire des logements et proportion de résidences secondaires
3.3.1. Inventaire des logements
3.3.2. Détermination de la proportion de résidences secondaires
3.4. Interdiction de nouvelles résidences secondaires
3.5. Création de nouveaux logements dans les communes comptant une proportion de résidences secondaires supérieure à 20 %
3.5.1. Nouveaux logements soumis à une restriction d’utilisation
3.5.1.1. Les résidences principales et les logements assimilés
3.5.1.2. Les logements affectés à l’hébergement touristique
3.5.2. Nouveaux logements sans restriction d’utilisation
3.5.2.1. Les logements en relation avec des établissements d’hébergement
organisés
3.5.2.2. Les nouveaux logements dans des bâtiments protégés
3.6. Les logements créés selon l’ancien droit
3.6.1. Définition
3.6.2. Modification de la construction et de l’utilisation
3.6.3. Abus et évolutions indésirables
3.7. Exécution
3.7.1. Autorité de surveillance et obligation d’annoncer
3.7.2. Mesures administratives en cas d’utilisation illicite
3.8. Dispositions pénales
3.9. Dispositions transitoires et finales
3.9.1. Sort des autorisations
3.9.2. Plans d’affectations spéciaux
3.9.3. Préavis donnés avant le 18 décembre 2007
3.9.4. Présomption du dépassement de la limite de 20 %
4. Bilan et perspective
2
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
1.
Introduction
1.1.
L’initiative « Weber »
[Rz 1] Défiant les pronostics de différents instituts de sondage et l’avis du Conseil fédéral, le 11 mars
2012, 50,6 % des citoyens suisses et 13,5 cantons ont accepté l’initiative populaire « Pour en finir
avec les constructions envahissantes de résidences secondaires » lancée par la Fondation Helvetia
Nostra1 et plus connue sous la désignation de « Lex Weber »2 . L’initiative poursuivait comme
but, entre autres, de lutter contre les infrastructures peu ou pas occupées et surdimensionnées3 ,
autrement dit, contre les « lits froids »4 . L’acceptation de cette initiative a eu comme conséquence
l’introduction dans la Constitution fédérale (Cst.) du 18 avril 19995 d’un art. 75b qui a pour
fonction, en substance, de plafonner le pourcentage de résidences secondaires à 20 % au maximum
du parc de logements et de la « surface brute au sol habitable » dans chaque commune (al. 1)
et de faire obligation aux communes de publier chaque année un « plan de quotas de résidences
principales » et l’état détaillé de son exécution (al. 2). Cet article est accompagné de dispositions
transitoires selon lesquelles, si la législation d’application n’entre pas en vigueur dans les deux
ans après la date de la votation populaire, le Conseil fédéral édicte par voie d’ordonnance les
dispositions topiques nécessaires sur la construction, la vente et l’enregistrement au registre foncier
(art. 197 ch. 9 al. 1 Cst.).
[Rz 2] Le dispositif constitutionnel adopté par le souverain le 11 mars 2012 a suscité de nombreux
commentaires parmi les auteurs, notamment les constitutionnalistes. Il est tout d’abord perçu
comme une délégation complète et nouvelle de compétences à l’autorité fédérale pour limiter les
résidences secondaires6 . Certains auteurs y voient même une restriction grave à la garantie de la
propriété, dans la mesure où elle impose des limitations invariablement à l’échelle du territoire
fédéral sans dérogation ni prise en compte des spécificités locales, ce qui pourrait donner lieu à
une indemnité pour expropriation matérielle, et à la liberté économique, dès lors que la restriction
pourrait compromettre ou supprimer un nombre important d’emplois dans les régions où le taux
maximum de résidences secondaires est atteint7 .
1
FF 2008 1003 (dépôt). Voir également le Message du Conseil fédéral du 29 octobre 2008 (FF 2008 7891).
Citée ci-après : « Initiative Weber ».
2
Arrêté du Conseil fédéral du 20 juin 2012 constatant le résultat de la votation populaire du 11 mars 2012,
in : FF 2012 6149 ss, spéc. 6151. Voir également RO 2012 3627–3628.
3
FF 2008 7891 ss, spéc. 7897–7898.
4
Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 2.
5
Cst. ; RS 101.
6
Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 2 et les références citées. Voir
également le Message du Conseil fédéral du 29 octobre 2008 FF 2008 7891 ss (« L’initiative entend transférer
à la Confédération la compétence en matière de réglementation sur la construction de résidences secondaires.
La Confédération serait aussi tenue de contrôler l’application des contingents et d’assumer les tâches qui, par
nature, devraient plutôt incomber à d’autres échelons de l’Etat ») et Michel Hottelier, Les droits octroyés
par la Constitution fédérale et par la CEDH en matière de planification territoriale, in Planification territoriale – Droit fédéral et spécificités cantonales, Zurich, 2013, p. 59.
7
Voir parmi d’autres, Hottelier, op. cit., p. 66. Dans son message relatif à l’initiative sur les résidences secondaires, le Conseil fédéral avait dressé un tableau relativement sombre de la situation dans l’hypothèse où
le texte aurait été adopté (FF 2008 7891, 7899 ss), mais n’a pas examiné de manière approfondie les questions juridiques relatives à la protection de la garantie de la propriété et de la liberté économique (FF 2008
7894 ss). Il convient cependant de relever que la jurisprudence s’est déjà prononcée sur des restrictions similaires, mais prévues par la réglementation communale et cantonale, et a jugé qu’elles étaient compatibles
avec la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 Cst., dans la mesure où elles tendaient à assurer une occupation rationnelle du territoire, à créer et à maintenir des zones d’habitation, à favoriser la vie sociale, économique et culturelle et à promouvoir une décentralisation judicieuse de l’urbanisation, conformément aux
3
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
[Rz 3] Nous ne reviendrons pas sur ces controverses qui ont jalonné la campagne précédant la votation du 11 mars 2012, mais nous nous intéresserons à certains aspects juridiques liés à l’application
de l’art. 75b Cst. dans le chiffre ci-après.
1.2.
Controverses sur la caractère directement et immédiatement applicable de l’art. 75b Cst.
[Rz 4] Par principe, les révisions constitutionnelles entrent en vigueur le jour de leur adoption (art.
195 Cst.). Cela étant, peu de temps après l’adoption par le souverain des articles constitutionnels, faute de dispositions transitoires suffisamment précises l’applicabilité directe et immédiate de
l’art. 75b Cst. a fait l’objet de controverses8 . Deux questions principales se sont alors posées. Tout
d’abord, certains commentateurs se sont demandés si la norme constitutionnelle était susceptible
d’être applicable directement aux administrés et, dans l’affirmative, à partir de quel jour l’application directe déploierait ses effets9 , une partie des auteurs contestant un tel effet10 . Ensuite, il
s’est agi de déterminer si le nouveau régime pouvait trouver application aux immeubles existants.
Là encore, certains contributeurs y ont répondu par la négative11 .
[Rz 5] Le Tribunal fédéral a tranché une partie de la controverse dans un arrêt du 22 mai 2013
en considérant que la disposition précitée étant suffisamment précise, elle s’appliquait dès la date
de son adoption par le peuple et les cantons, soit dès le 11 mars 2012, dans les communes où la
proportion de 20 % de résidences secondaires était déjà dépassée12 . Dans la même décision, la haute
cour a précisé que cette règle valait pour toutes les autorisations de construire délivrées en première
instance par les communes concernées à partir du 11 mars 2012, alors que les permis octroyés avant
le 1er janvier 2013 ne sont annulables que sur recours et que ceux accordés après cette date sont
nuls, en application de l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst.13 . Le même jour, mais dans une autre affaire,
les juges de Mon-Repos ont ajouté que la date à laquelle la décision est rendue est déterminante
pour entraîner son annulabilité sans égard au fait que le projet ait été déposé avant le 11 mars
2012 auprès de l’autorité compétente et qu’il en va de même pour les autorisations de construire
qui bien que délivrées avant la date précitée, font ensuite l’objet de modifications dans une mesure
importante dans le cadre d’une procédure de recours14 , sous réserve d’une violation du principe
de la bonne foi et du retard ou du refus de statuer15 , et cela, peu importe que la modification
soit demandée par le constructeur, ordonnée par l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation
objectifs poursuivis par les art. 1er al. 2 let. b et c et 3 de la loi fédérale du 22 juin1979 sur l’aménagement
du territoire (LAT ; RS 700), et visaient dès lors un intérêt public (ATF 135 I 233 consi. 3.3).
8
Pro : Arnold Marti, Umsetzung der Zweitwohnungsinitiative – ungelöste Rätsel und des Pudels Kerne,
in ZBl 2012, pp. 281 ss. Dans le même sens, Hottelier, op. cit., p. 63. Contra : Eric Brandt, Résidences
secondaires : premières jurisprudences cantonales, in Plaidoyer 6/2012, pp. 42 ss. Voir également, Eric
Ramel/Marc-Etienne Favre, Lex Weber : le jour d’après …, in AR/RA 6-7/2012, p. 279 ss.
9
François Bianchi, La Lex Weber et les immeubles existants, in RDAF 2013 I 2 et Jacques Dubey, La
Suisse, son terriroire, sa démocratie et son fédéralisme, in JDC 2013, pp. 104 ss.
10
Brandt, Plaidoyer 6/2012, pp. 42 ss ; Dubey, JDC 2013, p. 108. Contra : Hottelier, op. cit., p. 63 et
Marti, ZBl 2012, pp. 281 ss.
11
Voir par exemple, Bianchi, RDAF 2013 I 4–8.
12
ATF 139 II 243 consid. 9–10.
13
ATF précité consid. 11.
14
ATF 139 II 263 consid. 7.
15
ATF précité consid. 8. Voir également arrêt du Tribunal fédéral 1C_874/2013 du 4 avril 2013 consid. 4.
4
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
de construire, par exemple une commune, ou directement par un tribunal ou enfin, par l’autorité
compétente à la suite d’une injonction et d’un renvoi de la cause par l’autorité judiciaire16 .
[Rz 6] Plus particulièrement s’agissant des cas de modifications, la jurisprudence interdit toute
extension de la surface habitable d’une résidence secondaire existante dans la mesure où son affectation n’est pas modifiée17 . Une jurisprudence cantonale isolée va même plus loin en considérant que l’interdiction frappe même la démolition et la reconstruction sans augmentation de la
surface habitable18 . Cette question restant cependant controversée en l’état19 , quand bien même
le Tribunal fédéral a jugé que les modifications qui ne portent ni sur l’affectation, ni sur l’implantation, ni sur les volumes du projet ne sont pas concernées par l’art. 75b Cst.20 . Il en va ainsi en
particulier lorsque des modifications portent sur des façades, par exemple pour la pose de matériaux réfractaires, la réduction de balcons ou, enfin, l’implantation d’une ventilation mécanique21 .
Les principes énumérés ci-avant ne règlent évidemment pas l’entier des situations qui peuvent se
présenter en matière de constructions et de projet tant elles sont variées. Sur le point de déterminer si les travaux ont atteint un stade suffisant pour permettre de conclure qu’ils ont commencé,
dans le cadre de l’examen d’une modification subséquente d’un permis autorisé avant le 11 mars
2012, le Tribunal fédéral a considéré qu’il y a lieu de considérer que des travaux de construction
ont débuté dès que le radier est partiellement réalisé, mais pour autant que les autres travaux de
construction soient déjà planifiés à la date d’échéance du permis de construire22 . Sur la question
de la détermination d’une éventuelle augmentation de la surface au sol habitable utilisée comme
résidence secondaire, la Haute Cour a estimé indispensable pour statuer qu’un calcul de densité
du projet modifié soit versé au dossier23 . Le calcul d’une éventuelle augmentation de la surface au
sol déterminante au regard de l’art. 75b Cst. doit au demeurant être opéré à l’aune du critère général de l’habitabilité, c’est-à-dire en fonction de l’affectation au logement ou pour y accomplir un
travail, sans tenir compte des règles cantonales ou communales applicables au contrôle de l’indice
de la parcelle24 .
16
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_166/2014 du 27 novembre 2014 consid. 2.4.
17
ATF 140 II 378 consid. 5 : les juges ont cependant relevé que l’autorisation d’extension est nulle à tout le
moins jusqu’à l’adoption de la législation fédérale d’application.
18
TA BE 100.2013.34U vom 5. November 2014 consid. 4.1 et TC VD, CDAP AC.2013.0231 du 23 décembre
2013 consid. 2b in fine : mais obiter dictum.
19
L’Office fédéral du développement territorial (ARE) a pris position dans un sens contraire dans un avis de
droit du 20 mars 2013 délivré au canton des Grisons, document cité par le Département de ce canton compétent en matière sociale et d’économie publique dans un guide pratique édité à l’attention des communes
(Departement für Volkswirtschaft und Soziales, Praxishilfe für die Anwendung der eidgenössichen
Verordnung über Zweitwohnungen vom 22. August 2012, 2. Anpassung vom Mai 2013, p. 11, disponible
à l’adrese suivante : http://www.gr.ch/DE/institutionen/verwaltung/dvs/are/publikationen/Praxishilfe%
20für%20Gemeinden%201%205%202013%20Änderungen%20nicht%20markiert.pdf (consulté le 30 décembre
2015). Une jurisprudence valaisanne isolée et frappée d’un recours au Tribunal fédéral, citée par Jacques
Fournier in Les résidences secondaires, atelier organisé à l’occasion des Journées suisses du droit de la
construction 2015, va dans le même sens. Le recours formé contre cette décision a cependant été admis partiellement par le Tribunal fédéral qui a renvoyé la cause à l’instance précédente pour complément d’instruction et nouveau jugement (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_542/2014 du 14 août 2015 consid. 4).
20
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_395/2013 du 21 janvier 2014 consid. 3.2 : en l’espèce, il s’agissait d’une modification des revêtements de façade.
21
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2014 du 13 novembre 2014 consid. 5.2.
22
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_65/2014 du 6 octobre 2014 consid. 3.4 : ce principe a cependant été établi à
l’aune de la législation valaisanne et ne saurait être applicable mutatis mutandis à des cas qui ne font pas
l’objet d’une réglementation similaire.
23
Tribunal fédéral précité consid. 5. Voir également ATF 140 II 378.
24
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_166/2014 du 27 novembre 2014 consid. 2.5.
5
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
[Rz 7] Il est au surplus utile de rappeler que, selon la jurisprudence, les art. 75b et 197 ch. 9 al. 2
Cst. n’instituent qu’une interdiction provisoire de délivrer des autorisations de construire25 , c’està-dire jusqu’à l’entrée en vigueur de la législation d’exécution à laquelle ces dispositions se réfèrent
ou, si elle n’a pas été adoptée d’ici au 11 mars 2014, de l’ordonnance du Conseil fédéral contenant
les dispositions d’exécution nécessaires, conformément à ce que prévoit l’art. 197 ch. 9 al. 1 Cst.,
l’art. 75b Cst. devant en effet, en application du principe de la légalité, être concrétisé sur de
nombreux aspects par des normes d’exécution, notamment à propos du changement d’affectation
de logements existants, ou de l’agrandissement de résidences secondaires existantes26 .
1.3.
L’ordonnance du Conseil fédéral du 22 août 2012
[Rz 8] Quelques jours seulement après le scrutin du 11 mars 2012, le Département fédéral de
l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a mis sur pied un
groupe de travail et lui a confié le mandat de proposer les modalités de mise en œuvre du dispositif
constitutionnel. Le groupe de travail a établi en quelques semaines un projet d’ordonnance et l’a
transmis le 24 mai 2012 au chef du département précité qui l’a mis en consultation le 30 mai 2012
par la voie d’une procédure d’audition-conférence appointée le 18 juin 2012 au cours de laquelle
les entités concernées ont pu exprimer leurs observations. Sur cette base, le groupe de travail a
retravaillé le projet et l’a remis au Conseil fédéral qui l’a adopté le 22 août 2012 avec entrée en
vigueur le 1er janvier 201327 . La rapidité avec laquelle l’ordonnance 2012 a été mise en œuvre a fait
l’objet de critiques d’une partie de la doctrine qui est d’avis que la disposition constitutionnelle
transitoire, soit l’art. 197 ch. 9 Cst., autorisait le Conseil fédéral à édicter une ordonnance seulement
à compter du 11 mars 2014, soit dans l’hypothèse où la loi d’application de l’art. 75b Cst. n’était
pas mise en œuvre dans le délai de deux ans prévu par la disposition transitoire28 .
[Rz 9] Ce texte s’applique jusqu’à l’entrée de la législation visée par l’art. 75b Cst., soit la loi
fédérale du 20 mars 201529 qui sera traitée de manière circonstanciée plus avant dans le présent
exposé. Comme l’ordonnance précitée avait notamment comme fonction de clarifier dans un premier
temps le champ d’application de l’art. 75b Cst.30 et a servi de base à certaines dispositions de la loi
fédérale du 20 mars 2015 sur les résidences secondaires31 , nous en traitons dans les grandes lignes
ci-après.
25
« (…) ein vorsorgliches Baubewilligungsverbot (…) ».
26
ATF 140 II 378 consid. 4.1 et 139 II 243 consid. 10.5. Voir également TC VD, CDAP AC.2013.0231 du 23
décembre 2013 consid. 2a.
27
Ordonnance du 22 août 2012 sur les résidences secondaires (RS 702 ; ci-après : ordonnance du 22 août
2012). Pour un exposé historique et le détail des différentes étapes, le lecteur peut consulter la page Web
du DETEC spécialement consacrée à l’ordonnance du 22 août 2012 à l’adresse suivante : http://www.uvek.
admin.ch/org/03833/03994/index.html?lang=fr (consultée le 30 décembre 2015). Voir également, Hottelier,
op. cit., pp. 54–56.
28
Bianchi, La loi sur les résidences secondaires : une première approche, in RNRF 96/2015, p. 293 et Dubey,
JDC 2013, p. 125.
29
Loi fédérale du 20 mars 2015 sur les résidences secondaires (LRS ; FF 2015 2539).
30
MCF du 19 février 2014 concernant la loi fédérale sur les résidences secondaires (FF 2014 2209, spéc. 2213).
31
FF 2014 2209, 2215 ; RO 2015 5657 ; RS 702.
6
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
1.3.1.
Le fondement
[Rz 10] Plusieurs remarques ont été émises sur le fondement de l’ordonnance32 . Outre l’art. 75b
Cst., le Conseil fédéral s’est basé sur les art. 182 al. 2 Cst. et 8 de la loi fédérale du 22 juin
1979 sur l’aménagement du territoire (LAT)33 . Le rapport explicatif du 17 août 2012 expose à cet
égard que l’art. 8 LAT, selon lequel en substance les plans directeurs cantonaux garantissent et
maintiennent « une proportion équilibrée de résidences principales et de résidences secondaires »
(al. 2), étant rappelé qu’il s’agit notamment dans ce cadre de « limiter le nombre de nouvelles
résidences secondaires » (al. 3), constitue un fondement pertinent dans la mesure où l’art. 75b
Cst. concrétise la notion imprécise de « proportion équilibrée » entre résidences secondaires et
principales utilisée à l’art. 8 al. 2 LAT et que, compte tenu de la connexité de la matière, il
semble légitime de considérer également l’ordonnance d’exécution de l’art. 75b Cst. comme un
texte concret de mise en œuvre du maintien d’une proportion équilibrée de résidences secondaires
et principales exigée dans la loi fédérale sur l’aménagement du territoire34 . Nous sommes d’avis
que ce procédé est pour le moins étonnant, puisque selon le Message du Conseil fédéral relatif
à la modification de l’art. 8 précité, cette disposition devait être mise en œuvre par les cantons
dans le cadre de la planification directrice et par les communes dans le cadre de la planification
locale35 . Or, ce faisant, l’ordonnance irait à l’encontre de la volonté du législateur fédéral telle
qu’elle résulte des travaux préparatoires. L’Office fédéral du développement territorial reconnaît
d’ailleurs lui-même la problématique dans son rapport36 . Au surplus elle ne saurait constituer une
ordonnance d’exécution de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, eu égard, d’une part,
que l’art. 8 LAT ne contient aucune délégation réglementaire au bénéfice du Conseil fédéral et que
les règles de l’ordonnance 2012 doivent être qualifiées de « primaires » (par opposition à de pures
normes d’exécution d’une loi) et, d’autre part, que la LAT se fonde sur une délégation de l’art. 75
Cst. qui ne confère à la Confédération qu’une compétence limitée en matière d’aménagement du
territoire, alors que l’art. 75b Cst. ne laisse aucune marge de manœuvre aux cantons.37 Ensuite,
l’art. 8 LAT n’arrête aucun pourcentage ferme ou précis du nombre de résidences secondaires dont
le contingentement est pourtant envisagé, ce qui s’explique au demeurant par le fait que l’art.
75b Cst. n’autorise pas la Confédération à intervenir de manière aussi étendue dans un domaine
qui relève traditionnellement de la compétence des cantons38 . En outre, la disposition précitée
a vocation à s’appliquer au contenu des plans directeurs cantonaux et est clairement dépourvue
d’effet centralisateur, de sorte que la réglementation de détail relève des attributions des cantons39 ,
alors que, tant dans son message à l’appui de l’initiative sur la limitation des résidences secondaires
que dans celui relatif à la révision de la loi sur l’aménagement du territoire et l’abrogation de la
32
Voir parmi d’autres, Dubey, JDC 2013, pp. 120-125.
33
LAT ; RS 700.
34
Rapport explicatif du 17 août 2012 relatif au projet d’ordonnance sur les résidences secondaires, pp. 2-3 (ciaprès : rapport sur le projet d’ordonnance 2012), Ce rapport est disponible à l’adresse Internet suivante :
http://www.are.admin.ch/themen/raumplanung/00236/04094/index.html?lang=fr. (consulté le 30 décembre
2015).
35
Message du Conseil fédéral du 4 juillet 2007 concernant la modification de la loi fédérale sur l’aménagement
du territoire (mesures d’accompagnement liées à l’abrogation de la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles
par des personnes à l’étranger), in FF 2007 5475, spéc. 5477 et 5484.
36
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 3.
37
Dubey, JDC 2013, p. 121.
38
Hottelier, op. cit., p. 57.
39
Ibid.
7
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des étrangers, le Conseil fédéral exprime sa volonté
de rester dans le cadre de la répartition fédérale des compétences arrêtée par l’art. 75 Cst., en ne
proposant qu’une modification de la LAT se limitant à des prescriptions légales et en laissant le
choix des mesures et leur mise en œuvre aux cantons, pour autant que la nécessité d’une intervention
soit avérée40 . Il suit de là que l’art. 8 al. 2 LAT procède d’une compétence constitutionnelle de rang
fédéral qui, de par sa nature même, est insuffisante pour imposer un contingentement du nombre
de résidences secondaires à l’échelle cantonale41 . Enfin, il est difficilement concevable que l’art. 8
LAT, pensé comme un contre-projet indirect censé contrer les effets d’une initiative populaire42 ,
adopté et entré en vigueur antérieurement43 à l’art. 75b Cst., puisse, en quelque sorte, être converti
en une base légale aux fins de permettre l’application du texte qu’il avait précisément vocation à
combattre44 .
[Rz 11] Selon le rapport explicatif relatif au projet d’ordonnance, il semblait également logique
de se référer à l’art. 182 Cst., qui prévoit que le Conseil fédéral « veille à la mise en œuvre de la
législation, des arrêtés de l’Assemblée fédérale et des jugements rendus par les autorités judiciaires
fédérales », pour que le Conseil fédéral soit en mesure d’édicter les dispositions d’exécution nécessaires (ordonnances d’exécution) et de considérer qu’il dispose de la compétence d’édicter par
voie d’ordonnance des dispositions clarifiant le champ d’application de l’art. 75b Cst. pendant les
deux premières années qui suivent la votation du 11 mars 2012 et jusqu’à l’entrée en vigueur de la
législation d’exécution45 . Selon une partie de la doctrine, l’art. 182 al. 2 Cst. constitue un simple
instrument normatif au service de l’application des lois formelles autorisant le pouvoir d’exécutif à
édicter des normes secondaires permettant de préciser le contenu d’une loi fédérale sans toutefois
en sortir du cadre, de sorte qu’il doit toujours exister un lien de connexité entre l’ordonnance et
l’acte normatif qui lui sert de base46 . Pour un auteur, l’art. 182 al. 2 Cst. suppose que l’Assemblée
fédérale ait préalablement adopté une loi fédérale à mettre en œuvre, ce que l’art. 75b Cst. ne
saurait constituer, et que l’ordonnance 2012 constitue une ordonnance de substitution, dès lors
qu’elle a pour but de suppléer une loi fédérale qui n’est pas encore adoptée et que, partant, elle ne
se limite pas à contenir de simples règles d’exécution secondaires, mais au contraire, prévoit des
normes qui devraient figurer dans la loi d’application.47
1.3.2.
Quelques remarques sur le fond
[Rz 12] Sur le fond, l’ordonnance 22 août 2012 sur les résidences secondaires (ci-après : l’ordonnance
2012 ou ORS 2012), soulevait plusieurs problématiques que nous résumons ci-après.
[Rz 13] Tout d’abord, alors que l’art. 75b Cst. se réfère à la notion de « surface brute au sol habitable
de chaque commune », comme condition complémentaire et même cumulative à celle relative au
parc de logements, ce critère n’a pas été repris dans l’ordonnance 2012 (art. 1er al. 1 ORS 2012),
40
FF 2007 5477, 5481. Voir également, FF 2008 7897 ; Brandt, Plaidoyer 6/2012, p. 40 et Hottelier, op.
cit., p. 57.
41
Hottelier, op. cit., p. 58.
42
FF 2007 5477, 5484 et 5488.
43
Loi du 17 décembre 2010, entrée en vigueur le 1er juillet 2011 (RO 2011 2913).
44
Hottelier, op. cit., p. 58.
45
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 3.
46
Dubey, JDC 2013, p. 121 et Hottelier, op. cit., p. 60.
47
Dubey, JDC 2013, p. 123.
8
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
laquelle se limitait à la proportion de 20 % arrêtée par la disposition constitutionnelle48 . Cela
s’explique par l’absence de définition harmonisée de « surface brut de plancher » au plan suisse49
et par le bref délai imparti au législateur par la norme constitutionnelle pour mettre en œuvre une
ordonnance d’application et procéder à une étude sur les possibilités de réalisation d’un recensement
fiable des surfaces brutes de plancher50 . Pour une partie de la doctrine, cela a eu pour conséquence
d’étendre le champ d’application de l’ordonnance par rapport à la norme constitutionnelle51 . Il a
également été renoncé à recourir à la notion de « parc de logement », par exemple dans l’art. 1er
ORS 2012, qui figure toutefois tant en l’art. 75b Cst. que dans le projet d’ordonnance 201252 , alors
que dans son message relatif à l’initiative Franz Weber qui a abouti à l’adoption par le souverain des
art. 75b et 197 ch. 8 Cst. – dispositions sur lesquelles devait se fonder l’ordonnance – a clairement
mentionné qu’il appartenait au législateur de résoudre cette problématique53 . Cela ne constituait
cependant pas un problème rédhibitoire, dans la mesure où l’intégration de ce critère aurait posé
de sérieuses difficultés d’interprétation, tant la notion était imprécise au moment de l’adoption de
l’ordonnance 2012 et, partant, susceptible de faire l’objet d’acceptions différentes54 . Il a également
été reproché au Conseil fédéral d’avoir utilisé une méthode de calcul erronée pour élaborer l’annexe
contenant les communes dont le taux de résidences secondaires dépasse le maximum de 20 %
autorisé, car elle part de la présomption que les logements non occupés constituent par défaut des
résidences secondaires, c’est-à-dire la définition utilisée dans le cadre du recensement fédéral, alors
qu’en pratique il est très fréquent qu’un logement non occupé mis en vente ou en location soit dans
la majorité des cas destiné à devenir une résidence principale55 .
[Rz 14] Si l’insertion d’une définition de « résidence secondaire » en l’art. 1er ORS 2012, selon
laquelle il s’agissait « d’un logement dont l’occupant n’est pas domicilié dans la commune », devait
plutôt être saluée, en l’absence de toute autre indication sur ce concept, que ce soit dans la norme
constitutionnelle ou dans l’ensemble des textes légaux ou réglementaires de rang fédéral qui se
réfèrent à la notion56 , il convient cependant de relever que cette option posait un problème de
partage de compétences. En effet, dans ce cadre, il est utile de rappeler que l’un des fondements
de l’ordonnance 2012 était l’art. 8 LAT, comme le relevait au demeurant le rapport explicatif57 et
que, selon le Conseil fédéral, en matière d’aménagement du territoire, il appartenait aux cantons
de mettre en œuvre les principes qu’il contenait, notamment s’agissant des mesures à prendre
en vue de limiter le nombre de résidences secondaires58 . L’on aurait pu en déduire implicitement
que les cantons jouissaient d’une compétence par principe pour définir le concept de « résidence
48
Yves Jeanrenaud et Timo Sulc, Lex Weber : premiers commentaires de l’ordonnance dans l’attente d’une
législation d’exécution, in Not@lex 2012, p. 168.
49
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 4.
50
Jeanrenaud et Sulc, Not@lex 2012, p. 168.
51
Ibid.
52
Ce document est disponible sous le lien suivant disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.are.
admin.ch/themen/raumplanung/00236/04094/index.html?lang=fr (consulté le 30 décembre 2015). Voir également le rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 4.
53
FF 2008 7898.
54
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 4 et FF 2008 7895. Sur cette problématique, voir également
Jeanrenaud et Sulc, Not@lex 2012, p. 169.
55
Jeanrenaud et Sulc, Not@lex 2012, p. 170.
56
Jeanrenaud et Sulc, Not@lex 2012, pp. 172-173.
57
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 3. Voir également ch. 1.2.1 supra.
58
FF 2007 5477, 5484.
9
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
secondaire ». Le choix opéré par le Conseil fédéral de définir la notion de résidence secondaire dans
un texte de rang fédéral n’était pas anodin et tendait à conférer de nouvelles compétences à la
Confédération, alors même que la norme constitutionnelle ne le prévoyait pas expressément et qu’il
en allait de même s’agissant de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire. Or, en vertu du
principe de la hiérarchie des normes, une ordonnance ne saurait déroger à une loi, texte de rang
supérieur, de sorte qu’il était permis de douter de la compétence fédérale pour édicter une telle
définition dans ce contexte.
[Rz 15] Il est utile de relever que l’art. 1er al. 1 ORS 2012 n’a pas retenu la notion de « limites de
la surface brute au sol habitable préexistante », prévue dans le cadre de l’élaboration du projet,
en raison de l’absence de « définition harmonisée de la surface brute de plancher en Suisse »59 .
Nonobstant, ce critère figurait en l’art. 3 al. 1 ORS 2012 (art. 2 al. 1 P-ORS 2012) qui prévoyait
la possibilité de changement d’affectation de résidence principale en résidence secondaire et inversement. Une solution aurait pu consister à procéder à un renvoi à l’art. 42 al. 3 de l’ordonnance
du 28 juin 2000 sur l’aménagement du territoire (OAT)60 qui contient des conditions relatives aux
constructions auxquelles ont été apportées des modifications devenues contraires à l’affectation de
la zone. A cet égard, l’Office fédéral du développement territorial se réfère à la notion de « surface
brute de plancher utile » et considère qu’il s’agit de la « somme de toutes les surfaces des étages
en dessous et en dessus du sol y compris la surface des murs et des parois dans leurs sections
horizontales utilisables en permanence pour l’habitation et le travail », à l’exception des « surfaces
d’une hauteur inférieure à 1 m ainsi que les surfaces annexes (englobant les surfaces fonctionnelles
et accessoires) » et « (par analogie aux surfaces utiles secondaires au sens de la Norme SIA 416
[1993]) : les caves, les galetas, les séchoirs, les buanderies, les garages pour les véhicules à moteur
et les vélos, les abris et les locaux pour les poubelles), les locaux pour les installations techniques, les
locaux pour la machinerie des ascenseurs, les installations de ventilation (…) »61 . Selon un auteur,
cette définition ne comprend pas les surfaces utilisables pour l’exercice d’une activité professionnelle, lesquelles ne doivent donc pas être prises en compte pour le calcul de la part des 20 %, et
devrait être retenue dans le cadre de la loi d’application de l’art. 75b Cst.62 .
[Rz 16] Quoiqu’il en soit, cette disposition avait le mérite de préciser que les situations prévalant
avant l’adoption par le souverain, le 11 mars 2012, des articles 75b et 197 ch. 8 Cst restaient
acquises et ne pouvaient être remises en question. L’une des problématiques les plus récurrentes
restait cependant la question du point de départ de l’applicabilité des dispositions prévues respectivement par l’art. 75b Cst. et l’ordonnance 2012 sur les résidences secondaires. Pour tenter
d’y remédier, l’art. 8 al. 1 ORS 2012 prévoyait des dispositions transitoires selon lesquelles une
autorisation de construire une nouvelle résidence secondaire pouvait être octroyée en application de
l’« ancien droit » sur la base d’un plan d’affectation spécial lié à un projet si ce plan a été approuvé
avant le 11 mars 2012 (let. a), s’il règlait les éléments essentiels de l’autorisation de construire tels
que l’emplacement, la disposition, la dimension et l’aspect des constructions et des installations,
ainsi que leur mode et indice d’utilisation. L’art. 8 al. 2 ORS 2012 précisait que les autorisations
59
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 3.
60
OAT ; RS 700.1. Voir à ce sujet, Bianchi, RDAF 2013 I 10.
61
ODT/ARE, Nouveau droit de l’aménagement du territoire, Berne, 2001, ch. V, Autorisations au sens
de l’art. 24c LAT, Annexe I, p. 21, disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.are.admin.ch/
dokumentation/publikationen/00011/index.html?lang=fr (consulté le 30 décembre 2015).
62
Bianchi, RDAF 2013 I 11.
10
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
de construire des résidences secondaires délivrées entre le 1er janvier 2013 et l’abrogation de l’ordonnance 201263 étaient nulles, sous réserve toutefois des cas visés par les art. 3 al. 3 et 4 let. b et
8 al. 1 ORS 2012. La solution était différente que celle envisagée dans le projet d’ordonnance, qui
ne précisait pas le droit applicable aux décisions rendues entre le 11 mars 2012 et la date à laquelle
devait entrer en vigueur l’ordonnance.
[Rz 17] Il sied toutefois de relever que la disposition ne règlait pas l’entier des difficultés qui pouvaient se poser pour les situations transitoires, l’ordonnance fédérale du 22 août 2012 ne contenant
en effet aucune autre disposition expresse à ce sujet64 . Ces questions ont été en partie tranchées
par la jurisprudence. Le rapport explicatif précisait à cet égard que les résidences secondaires existant avant le 11 mars 2012 et celles édifiées après cette date, mais pour lesquelles un permis de
construire valable avait été obtenu avant, entraient dans le champ d’application de l’art. 3 ORS
2012 (2 P-ORS 2012)65 . Il y était également spécifié à propos du caractère définitif et exécutoire
des autorisations que ne pouvaient y être comprises systématiquement les autorisations qui, en date
du 11 mars 2012, avaient fait l’objet d’une décision de première instance, car une telle approche
extensive aurait causer le risque de légaliser des résidences qui avaient fait l’objet d’un permis
délivré peu avant le 11 mars 2012 et contre lequel un recours n’avait été déposé que peu après
cette date66 . Une partie de la doctrine a considéré qu’au vu des dispositions transitoires prévues
en l’art. 197 ch. 8 Cst., l’art. 3 ORS 2012 devait trouver application à toutes les autorisations
relatives aux résidences secondaires entrées en force avant le 31 décembre 201267 . La jurisprudence
a précisé par la suite que toutes les décisions autorisant la construction de résidences secondaires
prises après le 11 mars 2012 étaient annulables dans les communes qui dépassaient le plafond de
20 % à compter de cette date68 , qu’il en allait de même s’agissant des autorisations délivrées avant
la date précitée, mais ayant ensuite fait l’objet d’une modification essentielle69 , peu importe la
personne ou l’autorité à l’origine du changement70 ou que les travaux eussent débuté avant la date
d’échéance du permis71 . Au demeurant, pour être considérées comme essentielles, les modifications
devaient porter sur l’affectation du projet, son implantation, son volume ou son aspect général, ce
qui excluait des changements qui laissaient inchangées les caractéristiques principales du projet par
exemple lorsqu’ils ne portaient que sur l’une des façades, rendue incombustible, et sur la réduction
des balcons72 . Il est toutefois précisé que les modifications qui ne concernent pas l’affectation de
l’implantation ou du volume de la construction déjà autorisées avant le 1er mars 2012 n’étaient pas
concernées par cette restriction73 . Enfin, en cas de doute, par exemple en l’absence au dossier de
63
Il s’agit du 1er janvier 2016 (RO 2015 5657).
64
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_65/2014 du 6 octobre 2014 consid. 3.4.
65
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, pp. 5–6 et 12-13. Voir également Jeanrenaud et Sulc, Not@lex
2012, p. 174.
66
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, pp. 12–13.
67
Jeanrenaud et Sulc, Not@lex 2012, p. 174.
68
ATF 139 II 243 consid. 9–10.
69
ATF 139 II 263 consid. 7.
70
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_166/2014 du 27 novembre 2014 consid. 2.4.
71
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_65/2014 du 6 octobre 2014 consid. 3.4.
72
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2014 du 13 novembre 2014 consid. 5.2. Voir également Arrêt du Tribunal
fédéral 1C_166/2014 du 27 novembre 2014.
73
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_395/2013 du 21 janvier 2014 consid. 3.4 : en l’occurrence, le constructeur avait
déposé une demande d’autorisation d’augmentation de la surface habitable alors que le radier était partiellement réalisé et les travaux de construction déjà planifiés à la date d’échéance du permis de construire.
11
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
calcul de la densité de la modification, la cause devait être renvoyée à l’instance précédente pour
nouveaux examen et décision74 .
[Rz 18] Il est également utile de relever que l’ordonnance 2012 ne reprenait pas la présomption
prévue dans l’art. 4 du projet selon laquelle le taux de 20 % de résidences secondaires était dépassé
dans les communes qui comptaient une proportion inférieure à 80 % de logements durablement
habités au sens de l’art. 6 let. c et d de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur l’harmonisation des
registres des habitants et d’autres registres officiels de personnes (LHR)75 . L’adoption d’un tel
système n’aurait pas manqué de créer un certain nombre de difficultés. Ainsi, par exemple, le
fait que les données du Registre fédéral des logements et des bâtiments (RegBL) aurait permis de
déterminer un pourcentage de logements non habités en permanence n’aurait pas signifié ipso facto
que ces derniers auraient dû être considérés comme des résidences secondaires, ce que reconnaissait
au demeurant l’Office fédéral du développement territorial tout en minimisant la problématique76 .
En outre, ce critère n’aurait pas permis d’affirmer que l’on se trouverait en présence de logements
dans lesquels les personnes concernées résident sans intention d’y vivre durablement et d’y avoir le
centre de leurs intérêts personnels, soit les éléments constitutifs du domicile au sens de l’art. 23 al.
1 du code civil (CC) du 10 décembre 190777 , dès lors que l’art. 3 LHR, auquel se réfèrait l’Office
fédéral du développement territorial, renvoie principalement aux définitions du droit civil78 . Enfin,
le fait qu’un bâtiment ne soit pas utilisé comme domicile n’implique pas ipso jure qu’il constitue
une résidence secondaire au sens où l’entendaient les initiants qui consistait avant toute chose à
lutter contre les lits froids dans le domaine des bâtiments affectés au tourisme, et notamment à
prendre des mesures contre le taux très bas d’occupation « des appartements de vacances », ce
qui nuisait « à l’attrait des lieux touristiques en dehors de la haute saison », et le mitage du
paysage par « la construction de logements de vacances »79 , raison pour laquelle au demeurant le
Conseil fédéral a insisté sur l’importance de préciser la notion de résidence secondaire et, dans ce
cadre, « d’examiner si des hébergements tels que des appartements rattachés à des hôtels ou des
villages de vacances (…) doivent être aussi considérés comme des résidences secondaires »80 . Or,
de nombreux administrés se trouvent en situation de résidence secondaire pour des motifs d’ordre
professionnel ou académique, par exemple parce que l’éloignement de leur domicile par rapport à
leur lieu de travail ne leur permet pas de faire les trajets nécessaires les jours de semaine, fiscal ou
privé, depuis leur domicile au sens civil. En effet, le principe de l’unité du domicile découlant de
74
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_65/2014 du 6 octobre 2014 consid. 3.4 et 1C_386/2014 du 13 novembre 2014.
Voir également ATF 140 II 378.
75
LHR ; RS 431.02. Voir Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 7. Sur cette question, voir également
Dubey, JDC 2013, p. 129.
76
Rapport précité, p. 7.
77
CC ; RS 210. Sur cette notion, voir parmi d’autres, Bernard Deschenaux/Paul-Henri Steinauer,
Personnes physiques et tutelle, Berne 2001, 4ème éd., §§ 370 ss et la jurisprudence citée ; Peter Tuor/
Bernhard Schnyder/ Jörg Schmid, Das schweizerische Zivilgesetzbuch, Zürich, 1995, 11ème éd., p. 84 et
Daniel Staehelin, in Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Schweizerisches Zivilgesetzbuch I, Basel/ Frankfurt am Main, 1996, rem. ad art. 23, Nr. 2, § 5, p. 202. Pour la majorité de la population, il s’agit
du lieu où la personne physique concernée occupe seule ou avec une autre personne physique un espace habitable, qu’elle loue ou qui lui appartient, et à l’intérieur duquel se trouve sa chambre à coucher (Christian
Brückner, Das Personenrecht des ZGB, Zurich, 2000, § 319, p. 92).
78
MCF du 23 novembre 2005 concernant l’harmonisation des registres officiels et des personnes, in FF 2006
439, spéc. rem. ad ad art. 3 P-LHR, pp. 468–469. Voir également, Dubey, JDC 2013, p. 129.
79
MCF du 29 octobre 2008 relatif à l’initiative populaire fédérale « pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires », in FF 2008 7891, spéc. p. 7899.
80
FF 2008 7891, 7900.
12
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
l’art. 23 al. 2 CC implique que, pour une personne résidant de façon alternative en deux endroits
distincts, sera considéré comme étant son domicile celui avec lequel elle entretient les liens les plus
étroits81 . L’ORS 2012 ne reprenait pas non plus la notion de logement habité temporairement82 ,
qui était trop vague et ne paraissait pas correspondre à la volonté des initiants, à tout le moins telle
que le Conseil fédéral l’avait interprétée dans le message relatif à l’Initiative « Franz Weber »83 .
[Rz 19] Enfin, l’art. 4 ORS 2012, qui réglait la construction de nouvelles résidences dans les communes dépassant le taux maximum autorisé de 20 % prévu par l’art. 75b Cst. et n’autorisait la
construction de résidences secondaires qu’aux conditions de ne pas être personnalisées, mises à
disposition d’hôtes pour des séjours de courte durée dans le cadre d’une structure d’hébergement
organisée ou dont le propriétaire y habite, ne reprenait pas le critère d’« hébergement touristique
qualifié » proposé dans le projet d’ordonnance. Il est vrai que ce concept juridiquement indéterminé
ne faisait pas l’objet d’une définition claire, que ce soit dans le cadre de l’ordonnance 2012 ou dans
le rapport explicatif y relatif. L’on peut cependant déduire de ce document que les objets visés
étaient les infrastructures d’hébergement touristique dans l’hôtellerie et la para-hôtellerie et les
formes d’hébergement hybride, ce qui comprenait entre autres les logements loués régulièrement
aux conditions du marché84 . Pour le surplus, l’art. 4 al. 2 ORS 2012 aurait pu gagner à être rédigé
de manière plus précise, notamment s’agissant des cas de dérogation, conformément à la volonté
des initiants selon laquelle les hôtels et les établissements similaires n’étaient pas concernés par
la restriction, ce qui résultait là encore du message du Conseil fédéral relatif à l’initiative85 , ou
pour les cas de transmission par voie successorale. A cet égard, la dérogation de trois semaines en
haute saison pour l’utilisation propre du logement par le propriétaire ou par les membres de sa
famille paraissait trop restrictive, même si des artifices juridiques n’auraient pas été exclus, telle
par exemple la conclusion de contrats successifs de location ou d’hébergement86 .
2.
Le processus législatif
2.1.
Les avant-projets de loi et d’ordonnance
[Rz 20] L’ordonnance 2012 ayant été adoptée pour la durée transitoire de deux ans prévue par
l’art. 75b Cst., le Conseil fédéral s’est rapidement attelé à la mise en œuvre des dispositions légales
d’application. Ainsi, le 26 juin 2013, le gouvernement a mis en consultation deux avant-projets de
loi et d’ordonnance sur les résidences secondaires et imparti un délai au 20 octobre suivant pour
l’envoi des prises de position87 .
81
Staehelin, op. cit., ad art. 23, Nr. 2, § 30 et Brückner, op. cit., § 332.
82
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 8.
83
FF 2008 7891, 7900.
84
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 13.
85
FF 2008 7891, 7900.
86
Rapport sur le projet d’ordonnance 2012, p. 13.
87
http://www.are.admin.ch/dokumentation/00121/00224/index.html?lang=fr&msg-id=49464.
13
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
[Rz 21] La Confédération a reçu 144 prises de position88 . Les avant-projets ont suscité diverses
remarques, dont nous ne traiterons pas dans la présente contribution, mais qui font l’objet d’un
rapport auquel nous nous permettons de renvoyer le lecteur89 .
2.2.
Le projet de loi
[Rz 22] Le 19 février 2014, le Conseil fédéral a adopté un message et un projet de loi qui ont
été publiés dans la Feuille fédérale90 . En substance, le projet du Conseil fédéral contenait des
propositions de règles sur les modalités de l’interdiction de principe de l’art. 75b Cst. de construire
de nouvelles résidences secondaires dans les communes où leur taux dépasse 20 % (art. 1er PLRS) et un certain nombre de définitions concernant les logements, les résidences principales et les
résidences secondaires, pour lesquelles le Conseil fédéral proposait une approche par la négative en y
incluant l’ensemble des objets immobiliers qui n’entraient pas dans l’une ou l’autre des définitions
relatives aux deux premiers objets (art. 2 P-LRS)91 . Le projet contenait également des normes
relatives aux tâches des cantons, reprenant en partie la teneur de l’art. 8 al. 2 LAT et octroyant
la possibilité pour les cantons d’adopter des normes plus restrictives que celles de la législation
fédérale (art. 3 P-LRS)92 .
[Rz 23] Quant aux communes, la réglementation envisagée leur faisait obligation de procéder une
fois par année à un inventaire des logements (art. 4 P-LRS) à remettre à la Confédération, sous
peine d’être considérées par défaut comme ayant une proportion de résidences secondaires supérieure à 20 % (art. 5 P-LRS)93 . Etaient également prévues des dérogations concernant les logements
affectés à l’hébergement touristique qualifié (art. 7 et 8 P-LRS)94 et des conditions auxquelles
pouvaient être créés de nouveaux logements en relation avec les entreprises d’hébergement organisées, à savoir les projets de construction d’établissements d’hébergement croisés avec résidences
secondaires (art. 9 P-LRS), ce par quoi il fallait entendre un système permettant le financement
d’établissements de type hôtelier ou para-hôtelier ou d’infrastructures touristiques par la vente
de résidences secondaires95 , ou dans des bâtiments protégés ou les monuments culturels (art. 10
P-LRS). En parallèle, le projet contenait une possibilité de réaffectation des entreprises d’hébergement organisées existant avant le 11 mars 2012 en résidence secondaire à condition d’exister
depuis au moins 25 ans, de ne plus pouvoir être exploitée de manière rentable, pour des motifs non
imputables à faute de leur propriétaire ou de leur gérant, ni être transformés en logement affectés
à l’hébergement touristique (art. 9 al. 2 P-LRS)96 . Cette dernière possibilité visait à permettre
88
http://www.are.admin.ch/themen/raumplanung/00236/04094/05403/index.html?lang=fr.
89
Ce rapport est disponible au téléchargement à l’adresse URL suivante : http://www.are.admin.ch/themen/
raumplanung/00236/04094/05403/index.html?lang=fr (consulté le 30 décembre 2015). Ci-après : rapport
relatif à la consultation sur l’AP-LRS.
90
MCF concernant la loi fédérale sur les résidences secondaires du 19 février 2014, in FF 2014 2209.
91
FF 2014 2009, 2219–2221.
92
FF 2014 2009, 2221–2222.
93
FF 2014 2009, 2223–2224.
94
FF 2014 2009, 2225–2228.
95
FF 2014 2009, 2229. Voir également à ce sujet le rapport délivré au Secrétariat à l’économie (Seco), « Financement du tourisme sans residences secondaires. Effets de l’intiative Weber sur le financement des établissements d’hébergement et des infrastructures touristiques », mars 2013, pp. 52 ss ; ci-après : rapport financement des établissements d’hébergement et des infrastructures touristiques.
96
FF 2014 2009, 2230.
14
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
d’assurer la conservation de bâtiments protégés par la transformation en une résidence secondaire,
mais de manière restrictive, soit à la condition d’apporter la preuve que la conservation à long
terme du bâtiment n’aurait pu être assurée d’une autre manière97 .
[Rz 24] Le projet de loi accordait une importance élevée à la protection des logements existant avant
la votation du 11 mars 2012, c’est-à-dire au bénéfice d’une autorisation définitive à la date précitée
(art. 11 P-LRS)98 . En revanche, il ne permettait pas l’agrandissement de résidences secondaires
autorisées sous l’ancien droit, sauf en cas d’affectation comme résidence principale ou comme
logement affecté à l’hébergement touristique (art. 12 P-LRS)99 .
[Rz 25] Enfin, le Conseil fédéral a renoncé à introduire une taxe compensatrice à acquitter par les
propriétaires mis au bénéfice d’une suspension de la restriction d’utilisation, même pour une période
illimitée (art. 16 AP-LRS). Une telle contribution ne résultait nullement de la volonté des auteurs
de l’initiative et constituait une atteinte particulièrement grave à la garantie de la propriété et à la
liberté économique. Elle ne respectait pas les principes relatifs à la perception d’imposition, dans
la mesure où elle ne mentionnait pas le cercle des contribuables, l’autorité chargée de la perception
ni même dans les grandes lignes l’assiette de l’impôt100 . Elle avait également comme inconvénient
de taxer des personnes qui auraient bénéficié de droits acquis, qui plus est d’ailleurs, de manière
indépendante de leur volonté, dans la mesure où l’art. 15 AP-LRS prévoyait que la suspension des
restrictions d’utilisation ne pouvait être admise qu’en présence de motifs particuliers tels que décès,
changement de domicile ou d’état civil, ou absence de personnes disposées à utiliser le logement à
un prix raisonnable.
2.3.
Les débats aux chambres fédérales et la « paix des braves »
[Rz 26] Le dossier a ensuite été inscrit à l’ordre du jour de la session d’automne 2014 du Conseil des
Etats. La chambre haute a procédé à plusieurs modifications du projet, adoptées par décision du 29
septembre 2014101 . Nonobstant ces changements, une partie des auteurs a reproché au législateur
et en particulier au Conseil fédéral de s’être écarté de manière excessive du mandat constitutionnel
en s’attelant à définir des exceptions à l’interdiction prévue en l’art. 75b Cst.102 .
[Rz 27] Le projet remanié par la chambre haute a été transmis au Conseil national pour traitement
à la session de printemps 2015. Les débats ont duré du 3 au 19 mars 2015. Même si la période
paraît relativement brève, elle n’en a pas moins été intense. En particulier, le projet a fait l’objet
d’un « pacte politique » peu commun et de « deux navettes » entre, d’une part, le Conseil national
et, de l’autre, le Conseil des Etats pour l’élimination des divergences.
97
Ibid.
98
FF 2014 2009, 2231.
99
FF 2014 2009, 2231–2232.
100 Sur cette question, voir parmi d’autres décisions, ATF97 I 792 = JdT 1973 I 101 ; ATF 118 Ia 320 consid. 3a
et 131 II 735 consid. 3.2. Voir également Xavier Oberson, Droit fiscal suisse, Bâle, 2007, 3ème éd., p. 27 ;
Jean-François Rivier, Droit fiscal suisse, L’imposition du revenu et de la fortune, Lausanne, 1998, pp. 51–
57.
101 BOCE 2014 919–971.
102 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 66–67.
15
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
[Rz 28] Il s’est tout d’abord agi pour le Conseil national d’éviter le risque d’un dépôt de référendum
contre le projet de loi103 . Dans ce cadre, le 2 mars 2015, une délégation de parlementaires a
rencontré la présidente de la fondation « Helvetia Nostra », porteuse du projet de l’initiative
ayant introduit l’art. 75 Cst., pour conclure une forme de « pacte de non-agression » par lequel la
fondation précitée s’est engagée à ne pas ouvrir de procédure référendaire contre l’engagement des
chambres fédérales de donner suite à trois requêtes.
[Rz 29] La première demande portait sur la question de la suppression de l’exception introduite à
l’art. 7 al. 2 let. c P-LRS104 qui permettait de soustraire du contingent des résidences secondaires
et, partant, du calcul de la limite de 20 % de ces objets, les logements proposés sur des plateformes
de location, par exemple de type Internet105 . La chambre basse a accepté, par 146 voix pour, 42
contre et 6 abstentions de biffer cette dérogation106 , malgré les oppositions manifestées par certains
parlementaires107 . La chambre des cantons s’y est ensuite ralliée le 10 mars 2015 par 36 pour 6
contre et une abstention108 .
[Rz 30] La seconde requête concernait les entreprises dites d’« hébergement touristique », c’est-àdire des structures hôtelières, au sujet desquels le projet du Conseil fédéral avait prévu la possibilité
de les transformer en résidences secondaires, à condition d’avoir été exploitées pendant au moins 25
ans, de ne plus l’être de manière rentable, pour des motifs non imputables à faute du gestionnaire
ou du propriétaire, et de ne pas pouvoir être transformées en logements affectés à l’hébergement
touristique (art. 9 al. 2 let. a à c P-LRS)109 , que le Conseil des Etats avait biffé à la faveur d’une
autre exception110 . Sur ce point, la chambre basse a proposé une solution médiane aux positions
exprimées, d’une part, par Helvetia Nostra et, de l’autre, par la chambre des cantons, consistant
à introduire pour les établissements de type hôtelier une réaffectation à hauteur de 50 % de sa
surface brute111 , alors que le projet du Conseil fédéral ne contenait aucune limite. C’est finalement
par 145 voix pour, 44 contre et 3 abstentions que ce compromis politique a été adopté par la
chambre basse112 . Le Conseil des Etats a cependant légèrement durci les exigences adoptées par
le Conseil national en précisant que seule la moitié de la surface « utile principale » pourra être
transformée en résidence secondaire tout en ouvrant la possibilité pour les nouveaux hôtels de créer
des résidences secondaires hors contingent pour financer leur fonctionnement, cette part pouvant
monter à 33 % de l’ensemble des surfaces utiles principales si ces logements restent durablement
103 BOCN 2015 39–41 : voir notamment les interventions des Conseillers nationaux Hans Killer et Adrian
Amstutz.
104 FF 2014 2209, 2229 et BOCE 2014 935–937 et notamment les interventions du Conseiller aux Etats Ivo
Bischofberger et de la Conseillère fédérale Doris Leuthard. Voir également Alig, Jusletter 1er décembre 2014,
Rz 27–28.
105 Sur ce point, voir FF 2014 2209, 2226 : le MCF se réfère au « rayonnement de la plateforme » qui doit
« avoir une large portée et garantir un important potentiel de demande ».
106 BOCN 2015 54.
107 BOCN 2015 36 : voir notamment les interventions des Conseillers nationaux Silva Semadeni et Hans Grunder
qui ont souligné l’absence de moyens de contrôle concernant les appartements de vacances proposés sur des
portails comme « Airbnb » pour déterminer s’ils sont réellement loués à des personnes ou s’ils ne créent pas
de nouveaux lits froids.
108 BOCE 2015 111.
109 FF 2014 2209, 2229–2230.
110 BOCE 2014 922–923 et 938–942 : voir notamment l’intervention du Conseiller aux Etats Ivo Bischofberger.
Voir également Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 31–33.
111 BOCN 2015 58–62 : voir notamment les interventions du Conseiller national Jean-René Germanier et de la
Conseillère fédérale Doris Leuthard.
112 BOCN 2015 62.
16
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
propriété de l’établissement hôtelier113 . Ces modifications ont ensuite été validées par la chambre
du peuple le 12 mars 2015114 .
[Rz 31] Le troisième point de la « paix des braves » a pour objet la question de la création de
résidences secondaires dans des bâtiments protégés, possibilité prévue par le projet de loi du Conseil
fédéral pour les objets sis en zone à bâtir, à condition de ne pas porter atteinte à la valeur protégée
du bâtiment, que le conservation dudit bâtiment ne peut pas être assurée d’une autre manière et
qu’aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (art. 10 al. 1 P-LRS), que les initiants estimaient trop
laxiste. S’écartant quelque peu des changements proposés par le Conseil des Etats115 , le Conseil
national y a apporté une modification qui limite aux seuls bâtiments protégés ou caractéristiques
de sites la possibilité initialement contenue dans le projet de loi116 .
[Rz 32] Par la suite, d’autres modifications du projet du Conseil fédéral ont été adoptées. Parmi les
plus importantes, il convient de citer la possibilité de transformation et d’agrandissement jusqu’à
30 % des surfaces utiles principales des résidences secondaires construites ou au bénéfice d’une
autorisation définitive avant l’acceptation de l’« Initiative Weber », le 11 mars 2012, alors que le
projet du Conseil fédéral ne prévoyait aucune disposition spécifique à ce sujet (art. 12 al. 2 P-LRS),
laissant le soin aux autorités concernées d’apprécier chaque situation concrète117 , et pour laquelle
le Conseil des Etats a vainement tenté d’imposer une limite absolue de 30 mètres carrés118 . Il
est également utile de mentionner l’augmentation d’un à deux ans du délai minimal de vacance
pour être assimilés à une résidence principale (art. 2 al. 3 let. d P-LRS) et surtout les dispositions
transitoires concernant les autorisations de construire des résidences secondaires (art. 26 P-LRS)
qui feront l’objet d’une étude particulière dans le cadre du présent exposé119 .
[Rz 33] Le projet de loi a été adopté par les chambres fédérales le 20 mars 2015120 et fait l’objet
d’une publication dans la Feuille fédérale du 31 mars121 avec un délai référendaire arrêté au 9
juillet 2015. Nonobstant les accords intervenus entre le Parlement fédéral et la Fondation « Helvetia
Nostra », une procédure de référendum a été lancée un mois plus tard après l’adoption de la loi
par les chambres fédérales par un groupe de citoyens des Alpes vaudoises, mais la demande n’a pas
abouti, faute de signatures en nombre suffisant.
113 BOCE 2015 113.
114 BOCN 2015 308-309.
115 BOCE 2014 942–947. Voir également Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre
2014, Rz 38–42.
116 BOCN 2015 61–63 : voir notamment l’intervention du Conseiller national Yannick Buttet.
117 FF 2014 2209, 2231–2232.
118 BOCE 2014 962-965.
119 Voir infra ch. 3.3.2.
120 BOCE 2015 ch. 14.023 et BOCN 2015 600.
121 Loi fédérale du 20 mars 2015 sur les résidences secondaites, FF 2015 2539 ; ci-après : LRS ou loi sur les rési-
dences secondaires.
17
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
3.
La loi fédérale du 20 mars 2015 sur les résidences secondaires et
l’ordonnance du 4 décembre 2015 sur les résidences secondaires
3.1.
Entrée en vigueur et structure
[Rz 34] La loi de transposition de l’art. 75b Cst. est entrée en vigueur le 1er janvier 2016122 ,
accompagnée d’une ordonnance d’exécution adoptée le 4 décembre 2015 par le Conseil fédéral123 .
Ce texte déploie ses effets à compter de la même date que la loi124 .
[Rz 35] La loi se divise en 8 chapitres et contient 28 articles. Plusieurs dispositions revêtent une
importance particulière. Il en va ainsi de l’art. 2 LRS qui contient plusieurs définitions, notamment
en ce qui concerne le concept de « résidence secondaire », des articles des chapitres 4 et 5 (art. 7 à
9 et 10 à 14 LRS) relatifs respectivement à la création de nouveaux logements et à la modification
de logements existants dans les communes ayant dépassé le plafond de 20 % de résidences secondaires. Le chapitre 6, quant à lui, contient un certain nombre de normes d’exécution qui définissent
notamment les autorités compétentes, l’obligation d’annoncer et les mesures administratives en cas
d’utilisation illicite (art. 15 à 20 P-LRS). Le chapitre 7 comprend des dispositions pénales sanctionnant les cas d’inobservation de restrictions d’utilisation et d’indications inexactes (art. 21 et 22
LRS). Enfin, le chapitre 8, consacré aux dispositions finales, prévoit des dispositions transitoires
censées régler plusieurs situations, notamment les cas des objets au bénéfice d’autorisations non
encore définitives obtenues avant le 11 mars 2012 ou situés dans des communes dont la proportion
de résidences secondaires tombe au-dessous de 20 % après la date précitée (art. 25 LRS), ou des
objets visés par des plans d’affectation spéciaux liés à un projet (art. 26 LRS) ou ayant obtenu un
préavis favorable de l’autorité compétente en matière de délivrance des autorisations de construire
(art. 27 LRS).
[Rz 36] L’ordonnance sur les résidences secondaires (ORSec) a une densité normative moins importante que la loi dont elle doit assurer la mise en œuvre. Cette réglementation contient en effet
13 articles et 6 sections. Ces dernières ne correspondent pas trait pour trait aux chapitres de la loi.
Ainsi par exemple, la section 1 est consacrée à la question délicate de la détermination du total des
logements et de la proportion des résidences secondaires (art. 1er et 2 ORSec). La section 2 porte
sur la création de nouveaux logements (art. 3 à 6 ORSec). La section 3 comprend un article sur
le changement d’affectation d’un logement affecté à l’hébergement touristique (art. 7 ORSec). La
section 4 contient plusieurs normes sur la mise en œuvre de l’art. 14 LRS, soit la suspension des
restrictions d’utilisation pour les logements soumis au nouveau droit (art. 8 et 9 ORSec). Dans la
section 5 figure un seul article (art. 10 ORSec) traitant de la qualité pour recourir de l’Office fédéral
du développement territorial (ARE). Enfin, des dispositions transitoires et finales font l’objet de
la section 6 (art. 11 à 13 ORSec).
[Rz 37] Dans le cadre du présent exposé, pour une meilleure lisibilité, nous suivrons la trame du
texte de loi et de l’ordonnance, même s’il aurait été opportun de traiter dans un premier temps
des chapitres relatifs aux différentes définitions des objets immobiliers visés par la LRS et les
122 Voir le Communiqué de presse du 4 décembre 2015 du Conseil fédéral, disponible sous le lien URL suivant :
http://www.are.admin.ch/dokumentation/00121/00224/index.html?lang=fr&msg-id=59766 (consulté le 30
décembre 2015) et RO 2015 5657.
123 Ordonnance du 4 décembre 2015 sur les résidences secondaires (ORSec ; RO 2015 5685 ; RS 702.1) ; ci-
après : ORSec ou ordonnance sur les résidences secondaires.
124 http://www.are.admin.ch/themen/raumplanung/00236/04094/05403/index.html?lang=fr (consulté le 30
décembre 2015).
18
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
dispositions transitoires125 . Les articles de loi et d’ordonnance relatifs aux mêmes thématiques
seront abordés simultanément.
3.2.
Dispositions générales
3.2.1.
Objet
[Rz 38] L’art. 1er LRS circonscrit l’objet de la législation sur les résidences secondaires et prévoit en
substance qu’elle tend à définir les conditions auxquelles sont soumises la construction de nouveaux
logements et la modification de logements existants et de leur affectation dans les communes qui
comptent une proportion de résidences secondaires supérieure à 20 %. Cette disposition appelle
plusieurs commentaires.
[Rz 39] Tout d’abord, elle aurait gagné à contenir des normes relatives au but de la loi et, plus
particulièrement décrivant, même succinctement, les intentions exprimées par les initiants dans le
cadre de l’art. 75b Cst.126
[Rz 40] En outre, à teneur de la norme constitutionnelle, les résidences secondaires constituent
au maximum de 20% du parc des logements et de la surface brute au sol habitable de chaque
commune. Cependant, l’art. 1er LRS ne se réfère qu’au seul critère de la proportion de logements.
Dans ces conditions, nous sommes d’avis que cette disposition prête le flanc à la critique, car, tout
d’abord, elle ne respecte pas la lettre sinon l’esprit de la norme constitutionnelle et, ensuite, envisage
la réalisation de deux conditions cumulatives, étant précisé que le fait que le taux maximum de
résidence sur le territoire d’une commune soit atteint ne signifie pas pour autant que la surface brute
au sol habitable le soit également. Le rapport explicatif relève que ce critère a été abandonné pour
des motifs supposés découler de la pratique qui ne sont guère étayés, de sorte qu’ils n’emportent pas
la conviction127 . Cette suppression n’en constitue pas moins une interprétation extensive du champ
d’application de l’art. 75b Cst. Cela a en effet pour conséquence d’élargir le champ d’application
de la législation fédérale d’exécution. Cette approche a d’ailleurs déjà été critiquée par une partie
de la doctrine relative à l’ORS 2012 qui préconisait une correction du dispositif à intégrer par le
Parlement dans la loi de mise en œuvre de la norme constitutionnelle et le recours à la notion de
surface brute de plancher habitable ou utile, compatible au demeurant avec la surface de plancher
telle que prévue par Norme SIA 416(2003) généralement utilisée en Suisse par les professionnels
de la construction et reprises par plusieurs lois ou règlements cantonaux, et plus particulièrement
d’assimiler ce critère à la surface utile (SU) et de ne retenir comme critère principal que la surface
utile principale (SUP), à l’exclusion de la surface utile secondaire (SUS), qui comprend par exemple
les caves, greniers ou garages128 .
[Rz 41] Ensuite, malgré la référence explicite aux communes dépassant
résidences secondaires, le champ d’application de la loi ne se limite pas
par exemple, les obligations d’établir un inventaire des logements (art.
des mesures tendant à empêcher le dépassement du taux maximum sont
le plafond de 20 % de
à ces communes. Ainsi
4 LRS) ou de prendre
applicables à toutes les
125 Dans ce sens, voir l’analyse de Bianchi, RNRF 96/2015, pp. 294 à 299.
126 Rapport relatif à la consultation sur l’AP-LRS, p. 4.
127 Rapport explicatif du 26 juin 2013 sur l’avant-projet de loi sur les résidences secondaires, rem. ad art. 4 ss
AP-LRS, p. 4 ; ci-après : rapport AP-LRS.
128 Jeanrenaud et Sulc, Not@lex 2012, pp. 168–169 et les références citées. Voir également supra ch. 1.2.2.
19
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
communes (art. 7 à 14 LRS)129 . Il en va de même du devoir de fournir annuellement à l’Office
fédéral de la statistiques (OFS) les données relatives à leurs habitants et d’introduire leurs données
arrêtées au 31 décembre dans le Registre fédéral des bâtiments et des logements (RegBL ; art. 1er
ORSec).
[Rz 42] Enfin, contrairement à la teneur de l’avant-projet, l’art. 1er LRS ne se réfère plus à la
notion de « transformation », mais utilise le concept de « modifications ». Le recours à ce terme
figurait déjà dans le projet de loi130 et il n’a fait l’objet d’aucune explication dans le message
du Conseil fédéral131 ni suscité de débat spécifique aux chambres fédérales. Pourtant, la nuance
entre ces deux notions est de taille. Elle découle d’ailleurs, à tout le moins implicitement, de la
jurisprudence rendue en application de l’art. 75b Cst. et de l’ORS 2012 qui ne se limite pas aux
seules transformations pour déterminer la date relevante du projet et l’applicabilité ou non de la
« Lex Weber ». Il est utile de rappeler ici que peuvent entrer en considération les autorisations
de construire qui font l’objet de modifications dans une mesure importante dans le cadre d’une
procédure de recours132 et cela peu importe qui en est à l’origine133 . Dans certains arrêts, la
notion de modification paraît certes assimilée à des transformations, par exemple, parce qu’elle
porte sur une extension de la surface habitable d’une résidence secondaire134 ou qu’elle concerne la
démolition et la reconstruction sans augmentation de la surface habitable135 . Cela étant, compte
tenu des incertitudes générées par certains arrêts qui, par exemple, considèrent en substance, que
les modifications ne portant ni sur l’affectation, ni sur l’implantation, ni sur les volumes du projet
ne sont pas concernées par l’art. 75b Cst.136 , notamment parce qu’elles concernent des façades, par
exemple pour la pose de matériaux réfractaires, la réduction de balcons ou, enfin, l’implantation
d’une ventilation mécanique137 , le recours à la notion de « modification » par le législateur va plutôt
dans le sens de la sécurité du droit, quand bien même il appartiendra aux autorités administratives
et judiciaires d’en préciser encore les contours et la portée.
3.2.2.
Définitions
3.2.2.1. L’approche en « creux » de la notion de « résidence secondaire »
[Rz 43] Contrairement à l’art. 1er al. 2 ORS 2012 qui contient une notion relativement précise de
la « résidence secondaire », selon laquelle il s’agit de toute résidence qui n’est pas utilisée par une
personne domiciliée dans la commune (let. a) pour les besoins d’une activité lucrative ou d’une
formation (let. b), l’art. 2 LRS procède à une approche « en creux » ou « par la négative »138
129 FF 2014 2209, 2219. Voir également Jeanrenaud et Sulc, Not@lex 2012, p. 168 à propos de l’ORS 2012.
130 FF 2014 2247.
131 FF 2014 2209, 2219.
132 ATF 139 II 263 consid. 7.
133 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_166/2014 du 27 novembre 2014 consid. 2.4.
134 ATF 140 II 378 consid. 5 : il a été toutefois constaté la nullité de l’autorisation d’extension à tout le moins
jusqu’à l’adoption de la législation fédérale d’application.
135 TA BE 100.2013.34U vom 5. November 2014 consid. 4.1 et TC VD, CDAP AC.2013.0231 du 23 décembre
2013 consid. 2b in fine : mais obiter dictum.
136 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_395/2013 du 21 janvier 2014 consid. 3.2 : modification des revêtements de
façade.
137 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2014 du 13 novembre 2014 consid. 5.2.
138 FF 2014 2209, 2221 ; Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 7 et
Bianchi, RNRF 96/2015, p. 294.
20
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
en son al. 4 qui prévoit qu’est une résidence secondaire tout logement qui n’est ni une résidence
principale ni un logement assimilé à une telle résidence. Pour déterminer l’existence ou non d’une
résidence secondaire, il convient donc d’examiner préalablement si l’objet considéré n’entre pas dans
l’une ou l’autre des catégories prévues par les al. 2 et 3. Il y a cependant lieu, dans un premier
temps, d’analyser la définition de logement, dès lors que ce concept constitue la base applicable
tant dans le cadre des résidences secondaires et des objets qui y sont assimilés que s’agissant des
résidences principales, puis, dans une seconde phase, d’examiner les concepts de résidence principale
et d’objets qui y sont assimilés.
3.2.2.2. La notion de logement
[Rz 44] Selon l’art. 2 al. 1 LRS, constitue un logement au sens de la loi sur les résidences secondaires
un ensemble de locaux qui réalise cumulativement139 plusieurs conditions prévues par les let. a à
e de l’alinéa précité. A titre liminaire, comme le relève expressément ledit alinéa, la notion de
logement n’est valable que dans le contexte de la loi sur les résidences secondaires et, partant,
de son ordonnance d’exécution. Cela paraît donc exclure les concepts prévus par d’autres textes
légaux ou réglementaires, notamment en matière fédérale, comme, par exemple, au sens des art. 4
al. 1 de la loi fédérale encourageant le logement à loyer ou à prix modérés (LOG)140 , 2 al. 1 de la
loi fédérale encourageant la construction et l’accession à la propriété de logements (LCAP)141 ou
34 al. 3 OAT. La question peut cependant se poser en ce qui concerne les différentes dispositions
applicables aux logements et aux résidences secondaires dans le cadre de la loi fédérale du 16
décembre 1983 sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE)142 . A cet
égard, il est utile de relever que le législateur s’est inspiré des normes pénales prévues dans le
cadre de cette législation pour sanctionner les abus commis dans le cadre de la réglementation
spéciale relatives aux résidences secondaires (art. 21 et 22 LRS143 ). En revanche, il sied de souligner
plusieurs points de concordance avec d’autres législations et réglementations. Le premier concerne le
logement au sens de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur l’harmonisation des registres des habitants et
d’autres registres officiels de personnes144 , notion à laquelle est rattachée la définition de résidence
principale. Le second a trait à l’ordonnance du 31 mai 2000 sur le Registre fédéral central des
bâtiments et des logements145 et plus particulièrement au rôle précité146 . Il faut cependant consulter
le message du Conseil fédéral accompagnant le projet de loi sur les résidences secondaires pour
139 FF 2014 2209, 2219.
140 LOG ; RS 842. Selon cette disposition, sont des logements tous les espaces destinés durablement à l’habita-
tion.
141 LCAP ; RS 843. Selon cet alinéa, les logements sont des locaux destinés et propres à l’habitation. La notion
comprend les appartements et les maisons familiales en propriété (al. 2), mais exclut expressément les résidences secondaires et les logements de vacances (al. 3).
142 LFAIE ; RS 211.412.41.
143 FF 2014 2209, 2237.
144 LHR ; RS 431.02.
145 RS 431.841. Ci-après : ORegBL.
146 Abrégé ci-après : RegBL, selon la terminologie officielle (voir les art. 1 ss ORegBL).
21
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
trouver une référence explicite au RegBL147 . Nous y reviendrons plus en détail dans le cadre de
cet exposé148 .
[Rz 45] De ces notions, dispersées dans différents textes, il est possible de tirer quelques principes
généraux. Ainsi, par exemple, l’art. 3 let. d LHR, auquel renvoie expressément l’art. 2 al. 2 LRS qui
définit la notion de « ménage », se réfère à une entité constituée de toutes les personnes qui habitent
le même logement149 , ce qui comprend une affectation ou à tout le moins une utilisation qui ne
relève pas d’une simple activité économique. Cette interprétation est confortée par le fait que l’on
retrouve également des références topiques dans le Message du Conseil fédéral relatif à l’« Initiative
Weber » en lien avec le recensement fédéral de la population 2000150 . Dans ce cadre, un rapport
de l’OFS utilise les concepts d’« unité-logement », au demeurant également usité dans la version
allemande de l’art. 75b Cst.151 , et de « logement » (« Wohneinheiten »), décrits respectivement
comme l’« ensemble des pièces servant d’habitation à un ménage privé (...) » et comme toute
« unité-logement comportant une cuisine ou une cuisinette (y.c. les maisons individuelles) »152 .
Sont par conséquent exclus du champ d’application de ces critères, les unités-logement qui ne sont
pas utilisées à des fins d’habitation, tels que les bureaux, les cabinets médicaux ou les études
d’avocat) et n’ont pas été retenues par l’OFS comme de telles unités les locaux occupés par des
ménages collectifs et ceux qui sont mobiles ou affectés à l’habitation provisoire153 . Le rapport
explicatif relatif au projet d’ORS 2012 précise, en se référant à la statistique fédérale, que « par
logement, on entend l’ensemble des pièces qui constituent une unité de construction et qui ont un
accès autonome depuis l’extérieur ou depuis un espace commun à l’intérieur du bâtiment (cage
d’escalier) », étant précisé qu’une maison individuelle comporte un seul logement », que « les
maisons individuelles avec un ou plusieurs logements supplémentaires sont saisies comme maisons
à plusieurs logements » et « que sont dénombrés tous les logements, qu’ils soient destinés à des
ménages privés ou des ménages collectifs »154 .
[Rz 46] C’est finalement fondé sur les différentes composantes établies par l’OFS énumérées ciavant que le législateur a élaboré les éléments constitutifs de la définition de logement, à savoir un
ensemble de locaux qui est propre à un usage d’habitation (let. a), forme une unité de construction (let. b), dispose d’un accès soit depuis l’extérieur, soit depuis un espace commun à plusieurs
logements à l’intérieur du bâtiment (let. c), est équipé d’une installation de cuisine (let. d) et ne
constitue pas un bien meuble (let. e).
147 FF 2014 2209, 2220. Il est également à noter que l’Office fédéral du développement territorial (ARE) a édité
une « Notice explicative à l’attention des communes concernant l’établissement de la preuve de la part de
résidences secondaires » dans le cadre de la mise en œuvre de l’ORS 2012, dont la dernière mise à jour date
du 12 avril 2015 et qui est actuellement en cours de révision. Ce document est disponible sous le lien URL
suivant : http://www.are.admin.ch/themen/raumplanung/00236/04094/index.html?lang=fr (consulté le 30
décembre 2015).
148 Voir infra ch. 3.2.3, 3.3.1 et 3.5.1.1.
149 Sur ce point, voir MCF du 23 novembre 2005 concernant l’harmonisation des registre officiels de personnes,
in FF 2006 439, spéc. 448 et 470.
150 FF 2008 7895 et FF 2088 7897, 7899.
151 ARE, Explications relatives à la mise en œuvre de l’article 75b Cst. et aux dispositions proposées dans l’or-
donnance du Conseil fédéral, Berne, 18 juin 2012, p. 4 ; cité ci-après : Rapport P-ORS 2012. Art. 75b Ab. 1
BV : « Der Anteil von Zweitwohnungen am Gesamtbestand der Wohneinheiten und der für Wohnzwecke genutzten Bruttogeschossfläche einer Gemeinde ist auf höchstens 20 Prozent beschränkt. ».
152 OFS, Bâtiments, logements et conditions d’habitations, évaluation du Recensement fédéral de la population
2000, septembre 2004, p. 11 ; cité : ci-après : OFS, Rapport recensement 2000.
153 OFS, Rapport recensement 2000, p. 12.
154 Rapport P-ORS 2012, p. 4.
22
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
[Rz 47] Si le recours à une énumération de conditions cumulatives poursuit un but évident de
sécurité juridique, il ne permet cependant pas de régler l’entier des situations de fait qui sont
susceptibles d’être soumises à l’examen du juge. C’est pourquoi le Conseil fédéral a précisé dans
son message que peuvent également être considérés comme un logement, pour autant que les autres
conditions prévues par l’art. 2 al. 1 LRS soient respectées155 :
• un local d’une seule pièce, par exemple un studio ;
• les pièces destinées à un séjour de courte durée de personnes différentes, par exemple un
logement affecté à l’hébergement touristique au sens de l’art. 7 al. 1 let. b et 2 LRS ;
• des constructions installées sur une fondation ancrée dans le sol, ce qui peut comprendre par
exemple des maisons de camping ;
• les locaux temporairement mais licitement utilisés pour un autre usage que l’habitation constituent un logement, s’il n’est pas nécessaire de procéder à des travaux de transformation pour
rétablir leur fonction d’habitation. Un auteur relève à cet égard que le propriétaire qui souhaite affecter son logement temporairement à d’autres fins, par exemple, un bureau, serait bien
inspiré de requérir une autorisation de changement temporaire d’affectation et de maintenir
les installations techniques pour un agencement, notamment une cuisine, s’il veut se prémunir
du refus de la part de l’autorité compétente fondé sur l’interdiction de créer de nouvelles résidences secondaires lorsqu’il déposera une demande de réaffectation du logement à ce type de
résidences156 .
[Rz 48] En revanche, ne peuvent être considérés comme des logements au sens de la LRS et, par
conséquent, sont soustraits de son champ d’application157 :
• les locaux non affectés à l’habitation, comme les locaux commerciaux ou artisanaux, les granges,
les bâtiments désaffectés, les appartements transformés en bureau ou en cabinet médical qui
n’ont plus d’installations permettant un changement d’affectation en logement sans travaux
importants158 ;
• les locaux qui ne disposent pas de leur propre agencement de cuisine (art. 2 al. 1 let. d LRS), qui
au demeurant peut-être une kitchenette ou même une simple installation fixe avec un évier qui
sert à la préparation de repas ou de simples installations techniques prévues pour l’agencement
ultérieur d’une cuisine, soit notamment les chambres individuelles des maisons de retraite, les
mansardes ou les hôtels159 , les sanatoriums160 , et, à notre avis, les cellules d’établissements de
détention, les chambres louées à des étudiants ou à des travailleurs161 ;
• les biens meubles (art. 2 al. 1 let. e LRS), ce par quoi il faut entendre des habitations mobiles
telles que des camping-cars et des caravanes, même si elles ne déplacent pas, le critère relevant,
selon nous, étant la conservation des moyens de mobilité, ce qui peut inclure également les
mobile-homes, les roulottes ou les bateaux régulièrement amarrés dans un port, mais exclut en
revanche les maisons de camping durablement ancrées au sol.
155 FF 2014 2209, 2219–2220. Il faut toutefois réserver l’application de l’exception prévue par l’art. 2 al. 3 let. h
LRS dont il sera question infra au ch. 3.2.2.3.
156 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 295.
157 Ibid.
158 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 296.
159 FF 2014 2209, 2220.
160 Rapport AP-LRS, p. 5.
161 Dans le même sens, OFS, Rapport recensement 2000, p. 12.
23
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
[Rz 49] La notion de logement est cardinale pour délimiter le champ d’application de la LRS. Cela
vaut notamment à l’égard de l’autorité compétente pour délivrer les autorisations de construire ou
pour déterminer l’existence d’un tel logement au moment de l’entrée en vigueur de l’art. 75b Cst.,
étant précisé que, dans ce cadre, pour les constructions existantes, c’est l’état au 11 mars 2012 qui
est déterminant pour leur accorder ou non la qualification de logement, le critère relevant étant
l’agencement du local et non son affectation162 .
3.2.2.3. La résidence principale et les logements assimilés
[Rz 50] Selon l’art. 2 al. 2 LRS, est une résidence principale un logement occupé par une personne
au moins ayant comme commune d’établissement au sens de l’art. 3 let. b LHR la commune dans
laquelle se trouve le logement, au sens où il a été défini précédemment163 . Selon le Message du
Conseil fédéral relatif à la LRS, la commune d’établissement est celle dans laquelle une personne
réside avec l’intention d’y vivre durablement et d’y avoir le centre de ses intérêts personnels, cette
intention devant être perceptible par les tiers164 . Ce principe doit être analysé à l’aune de la notion
de domicile au sens du droit civil, au vu du choix du législateur de se fonder sur la LHR165 , comme
nous l’avons exposé précédemment dans la présente contribution166 . L’art. 3 let. b LHR contient
une présomption selon laquelle une personne est réputée établie dans la commune où elle a déposé
le document requis, étant précisé qu’elle ne peut avoir qu’une commune d’établissement, même si
elle possède plusieurs logements dans la commune167 .
[Rz 51] Comme il peut y avoir des situations peu claires dans lesquelles il existe des logements,
mais qui ne réalisent pas l’entier des conditions précitées, par exemple parce qu’ils ne sont pas
utilisés comme résidence principale, bien que durablement occupés168 , l’art. 2 al. 3 LRS assimile à
une résidence principale les objets immobiliers qui réalisent l’une des conditions suivantes :
• être occupé pour les besoins d’une activité lucrative ou d’une formation (let. a), soit notamment
les logements occupés par des résidents à la semaine169 , c’est-à-dire des travailleurs ou des
étudiants170 ;
• être occupé durablement par un ménage privé qui occupe également durablement un autre
logement dans le même bâtiment (let. b), par exemple par une grande famille qui occupe deux
ou plusieurs logements dans le même bâtiment171 ;
• être occupé durablement par des personnes non tenues de s’annoncer au contrôle des habitants,
notamment par du personnel diplomatique et des requérants d’asile (let. c). A notre avis, la
référence à la notion de « personnel diplomatique » ne doit pas être prise dans une acception
162 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 295.
163 Voir supra ch. 3.2.2.2.
164 FF 2014 2209, 2220.
165 MCF du 23 novembre 2005 concernant l’harmonisation des registres officiels et des personnes, in FF 2006
439, spéc. rem. ad ad art. 3 P-LHR, pp. 468-469.
166 Voir ch. 1.2.2.
167 Voir également, FF 2014 2209, 2220.
168 FF 2014 2209, 2220.
169 Ibid.
170 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 296.
171 FF 2014 2209, 2221.
24
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
•
•
•
•
trop restrictive telle qu’elle résulte des accords internationaux en matière diplomatique ou
consulaire auxquels la Suisse est partie172 ;
être vacant depuis deux ans au plus, habitable et proposé pour une location durable ou mis en
vente, soit être un logement inoccupé (let. d). Il est utile de rappeler que les chambres fédérales
ont porté le délai de vacance d’un à deux ans173 . En outre, le Message du Conseil fédéral apporte
plusieurs précisions, qui auraient peut-être gagné à figurer dans la loi, selon lesquelles, d’une
part, seuls des logements vacants qui viennent d’être construits ou qui ont précédemment été
utilisés comme résidence principale peuvent être considérés comme des logements inoccupés
et, de l’autre, un logement habitable qui n’est pas proposé pour une location durable ou mis
en vente, ou qui a été proposé pour une location durable ou mis en vente sans qu’il ait été
possible de trouver de locataire ou d’acquéreur pendant deux ans ou plus, ne peut plus être
assimilé à une résidence principale et, partant, devient une résidence secondaire au sens de l’art.
2 al. 4 LRS174 . Le message précise encore que les logements inoccupés destinés à la résidence
secondaire ne sont pas concernés par cette règle, même s’ils sont proposés à la location durable
ou mis en vente, dès lors qu’ils font l’objet de la disposition précitée175 . Autrement dit, ils
entrent dans le décompte pour calculer la limite de 20 % prévue par l’art. 75b Cst. En définitive,
l’art. 2 al. 3 let. d LRS a pour finalité de faire entrer dans la détermination de la limite susvisée
les logements inoccupés, mais habitables, mis en location depuis plus de deux ans176 . Pour
un auteur, cela ne signifie pas pour autant que le propriétaire pourra requérir de l’autorité
compétente la possibilité d’utiliser ce bien comme résidence secondaire, sauf s’il s’agit d’un
logement créé selon l’ancien droit au sens de l’art. 10 LRS, ni la levée de la charge d’affectation
à titre de résidence principale et la radiation de la mention correspondante en apportant la
preuve qu’il a tenté de louer ou vendre son bien sans succès, seule une suspension de charge au
sens de l’art. 14 LRS étant envisageable177 ;
être utilisé pour l’agriculture et ne pas être accessible toute l’année à des fins agricoles en
raison de son altitude (let. e). Il s’agit ici notamment des logements utilisés pour les besoins
de l’agriculture de montagne178 , par exemple des maisons et chalets d’alpage ;
être utilisé par une entreprise pour l’hébergement de personnel pendant de courtes périodes
(let. f). Sont visés dans ce cadre en particulier les bâtiments servant à loger temporairement
le personnel saisonnier ou les aides auxiliaires dans l’agriculture, à condition toutefois qu’il
s’agisse d’une utilisation à titre principal179 ;
être utilisé comme logement de service pour des personnes qui travaillent notamment dans
des établissements hôteliers, des hôpitaux et des foyers (let. g). La finalité est la même que la
condition précédente, à savoir l’hébergement de personnel, à ceci près que le législateur n’a pas
172 Voir par exemple la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques (RS 0.191.01).
L’art. 1er let. d de dit accord définit les membres du personnel diplomatique comme les membres du personnel de la mission qui ont qualité de diplomates. Il serait utile de se référer plutôt au « personnel de la mission » (let. c), ce qui comprend les membres du personnel administratif et technique (let. f), du personnel de
service (let. g) et les domestiques privés (let. h), qui seraient logés dans la mission.
173 BOCE 2014 962-965. Voir également supra ch. 2.3.
174 FF 2014 2209, 2221.
175 Ibid.
176 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 297.
177 Ibid.
178 FF 2014 2209, 2221.
179 Ibid.
25
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
entendu limiter dans le temps ce type de séjour, faute de précision dans le libellé légal ou les
travaux préparatoires, contrairement à ce qui prévaut à la let. f ci-avant. Par conséquent, les
séjours de longue durée entrent également dans le cadre de ces exceptions ;
• être affecté temporairement et licitement à une autre utilisation que l’habitation (let. h). Sont
concernés ici les logements transformés légalement en bureaux ou cabinets, dans la mesure
où cette utilisation ne nécessite pas de travaux de construction pour rétablir l’usage originel
d’habitation180 . Il est utile de relever que pour entrer dans le champ d’application de cette
disposition, le local concerné doit constituer un logement au sens de l’art. 2 al. 1 LRS, ce qui
implique que l’utilisation temporaire ne doit pas provoquer la suppression de la condition sine
qua non, soit l’existence d’une cuisine ou d’une cuisinette181 .
3.2.2.4. Conclusion et synthèse
[Rz 52] Comme exposé précédemment182 , le législateur a opté pour une approche par la négative de
la définition de « résidence secondaire », laquelle englobe tous les logements au sens de l’art. 2 al. 1
LRS qui ne constituent ni des résidences principales au sens de l’art. 2 al. 2 LRS ni des logements qui
y sont assimilés au sens de l’art. 2 al. 3 LRS (art. 2 al. 4 LRS). Cette approche peut prêter le flanc à
la critique dans la mesure où elle induit une certaine confusion, car il existe un risque que des objets
que la loi ne définit pas expressément en tant que résidence principale ou logement assimilé à une
résidence secondaire puissent être ainsi considérés comme résidences secondaires. En particulier,
par exemple, l’art. 2 al. 4 LRS aurait dû exclure certaines constructions de la notion de résidence
secondaire, par exemple les hôpitaux, les établissements médicaux-sociaux ou les établissements
pénitentiaires, lesquelles certes ne sont pas considérés comme des logements au sens de l’art. 2 al.
1 LRS, et contenir des dispositions expresses sur les logements affectés à l’hébergement touristique
au sens de l’art. 7 al. 1 let. b et 2 LRS. Même si pour ces derniers, le Message du Conseil fédéral
précise qu’ils doivent être considérés comme des résidences secondaires183 , la situation peut s’avérer
confuse et il y a lieu de se reporter à la réserve explicite de l’art. 6 al. 2 LRS pour comprendre qu’ils
ne sont pas comptés dans le calcul de la limite de 20 % prévue par les art. 75b Cst. et 6 al. 1 LRS,
constituant ainsi une forme de catégorie spécifique de résidence secondaire184 . Il est également
utile de relever que les simples déclarations de personnes intéressées concernant l’utilisation d’une
construction comme résidence secondaire ne sont pas déterminantes, mais qu’il y a lieu de se fonder
sur la possibilité objective d’une telle utilisation.185
[Rz 53] Finalement, il faut déplorer que le législateur ait renoncé à créer une définition « positive »
de la notion de résidence secondaire. Une piste de réflexion dans ce cadre aurait pu consister à introduire un critère portant sur l’intensité de l’occupation des logements, par un exemple un nombre
minimum de nuitées, au-delà duquel il y aurait lieu de considérer un objet comme une résidence
180 Ibid.
181 Rapport recensement 2000, p. 11 ; cité : ci-après : OFS, Rapport recensement 2000. Voir supra ch. 3.2.2.2.
182 Voir supra ch. 3.2.2.1.
183 FF 2014 2209, 2221. Voir à cet égard, BOCE 2014 929 et 933 et les interventions du Conseiller d’Etat Jean-
Marie Fournier.
184 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 314. Voir également dans ce sens FF 2014 2209, 2221.
185 Arrêts du Tribunal fédéral 1C_289/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.3 et 1C_916/2013 du 19 février 2015
consid. 2.3.
26
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
principale186 , même si la détermination d’un tel seuil est susceptible de poser des problèmes en
pratique187 .
3.2.3.
Compétences et tâches des cantons et des communes
[Rz 54] L’art. 3 al. 1 LRS reprend dans ses principes l’art. 8 al. 3 LAT, dans sa teneur modifiée
avec effet au 1er juillet 2011188 . Par rapport au projet du Conseil fédéral, la teneur de la disposition
précitée est moins péremptoire, dans le sens préconisé par la Commission de l’environnement, du
territoire et de l’énergie du Conseil des Etats qui a proposé de préciser que les cantons adoptent
au besoin leur plan directeur, pour mettre l’art. 3 al. 1 LRS en adéquation avec l’art. 6 al. 1
LRS189 . Il est également utile de préciser que le législateur a biffé un al. 2 envisagé dans le cadre
de l’avant-projet selon lequel les cantons devaient prendre les mesures propres à empêcher les
communes de ne pas dépasser le plafond de 20 % de résidences secondaires. Lue en relation avec
le commentaire du rapport explicatif de l’avant-projet, cette proposition laissait à penser que les
cantons et les communes auraient dû prendre des dispositions pour freiner la construction de
résidences secondaires dans les communes qui n’ont pas encore atteint le taux maximum prévu
par l’art. 75b Cst.190 . Fort heureusement d’ailleurs, car une telle restriction serait allée beaucoup
plus loin que le mandat constitutionnel conféré à la Confédération pour légiférer sur les résidences
secondaires et aurait dû faire l’objet d’une disposition légale expresse, conformément à l’art. 36
al. 3 Cst. Cette proposition a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses oppositions dans le cadre de la
consultation191 . L’art. 3 al. 2 LRS, qui reprend dans ses principes les art. 3 al. 3 AP-LRS et 3
al. 3 P-LRS, prévoit la possibilité pour les cantons d’édicter des dispositions limitant davantage
la construction et l’utilisation de logements. Selon les travaux préparatoires192 , ces restrictions
peuvent notamment porter sur les points suivants :
• définition de contingents d’autorisations de construire dans les communes comptant une proportion de résidences secondaires inférieure à 20 % ;
• définition de contingents d’autorisations de changement d’affectation de logements créés selon
l’ancien droit dans des communes dépassant la limite de 20 % ;
• introduction d’une imposition sur les résidences secondaires. Cette possibilité se justifie, selon
la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, par le fait que l’art. 75b Cst. ne contient pas
d’approche globale et donc exclusive pour résoudre la problématique des « lits froids », de sorte
qu’il ne s’oppose pas à un impôt, en l’occurrence communal, sur les résidences secondaires193 .
186 Dans le même sens, Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 9.
187 Voir à ce sujet, les divergences d’approche mises en exergue dans le cadre de l’Interpellation du Conseiller na-
tional Olivier Feller du 23 septembre 2013 intitulée « Taux d’occupation des résidences secondaires. Fiabilité
des chiffres de l’ARE » (13.3760).
188 FF 2014 2209, 2221 et Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 15.
189 BOCE 2014 934 : interventions du Conseiller aux Etats Ivo Bischofberger.
190 Rapport AP-LRS, p. 3 : « En conséquence, toute évolution conduisant une commune à atteindre cette limite
de 20 % doit être considérée comme indésirable. Selon cette logique, l’alinéa 2 imparti aux cantons le mandat de veiller à ce que les communes comptant un pourcentage de résidences secondaires inférieur à 20 % ne
dépassent pas ce seuil ».
191 Rapport AP-LRS, p. 6.
192 FF 2014 2209, 2222.
193 ATF 140 I 176 consid. 7.2. Un auteur soutient que la Confédération disposerait en théorie d’une compé-
tence fondée sur l’art. 75b Cst. pour légiferer sur un impôt ou une taxe sur les résidences secondaires (Fabian
27
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
L’introduction d’une contribution se fonde également sur les travaux préparatoires. Dans ce
cadre, selon le message du Conseil fédéral, en complément aux impôts visés à l’art. 2 al. 1 de
la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des
communes (LHID)194 , notamment sur le revenu et la fortune, les cantons pourraient prévoir un
impôt ou une taxe sur les résidences secondaires sous la forme d’un impôt d’affectation calculé
selon les coûts ou d’une taxe incitative, d’autant que les revenus de la location ou de l’affermage
d’une résidence secondaire sont assujettis à l’impôt sur le revenu, en application de l’art. 7 al. 1
LHID qui prévoit que la valeur locative de l’habitation occupée par le propriétaire lui-même est
assujettie à l’impôt sur le revenu195 . En outre, selon la jurisprudence et la doctrine, les impôts
d’affectation calculés selon les coûts dans le domaine des résidences secondaires n’appartiennent
pas à la catégorie des impôts directs entrant dans le champ d’application de la LHID, vu l’art.
1er al. 3 LHID selon lequel lorsqu’aucune réglementation particulière n’est prévue, les impôts
cantonaux et communaux sont établis en vertu du droit cantonal, en particulier, la fixation des
barèmes, celle des taux et celle des montants exonérés d’impôt196 . Il en irait de même en ce
qui concerne une taxe incitative197 . Au surplus, un impôt d’affectation, calculé selon les coûts,
pourrait également entrer en considération198 . Mais, selon la jurisprudence longue et constante
du Tribunal fédéral, dans la mesure où une telle imposition sert avant tout à financer des
dépenses spécifiques, par exemple une contribution au financement de certaines infrastructures
communales, le groupe de contribuables assujettis à cet impôt doit avoir un lien plus étroit
avec ces dépenses spécifiques de la collectivité publique que l’ensemble des contribuables199 . En
outre, selon le Conseil fédéral, une coordination avec d’autres taxes contribuant au financement
du même domaine, par exemple avec une taxe de séjour, doit être assurée200 . En définitive, la
collectivité concernée doit déterminer les buts poursuivis par la contribution avant d’opter pour
un type déterminé d’impôt ou de taxe201 . Ainsi, par exemple, si le but premier d’une telle taxe
n’est pas d’ordre fiscal, mais tend à inviter des particuliers à changer leur comportement, la
collectivité devra opter pour une taxe incitative202 . La jurisprudence récente admet à cet égard
qu’un impôt sur les résidences secondaires a en particulier pour but une meilleure exploitation
des résidences secondaires déjà existantes sur le territoire communal et que, compte tenu de
son effet incitateur potentiel, il paraît en principe approprié203 . Enfin, il ne porte pas atteinte
Mösching, Fiskalische Massnahmen zur Beschränkung von Zweitwohnungen, in : Jusletter 1er décembre 2014,
Rz 36).
194 LHID ; RS 642.14. Ci-après : LHID.
195 FF 2014 2209, 2222.
196 ATF 132 I 157 consid. 3.3 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_354/2010 du 4 octobre 2010 consid.3.1 et Fabian
Mösching, Fiskalische Massnahmen zur Beschränkung von Zweitwohnungen, in : Jusletter 1er décembre 2014,
Rz 22.
197 Fabian Mösching, Fiskalische Massnahmen zur Beschränkung von Zweitwohnungen, in : Jusletter 1er dé-
cembre 2014, Rz 36–39 et 55.
198 FF 2014 2209, 2222.
199 ATF124 I 289 consid. 3b et Arrêt du Tribunal fédéral 2C_469/2008 du 10 juillet 2009 consid. 4.2.1.
200 FF 2014 2209, 2222.
201 Fabian Mösching, Fiskalische Massnahmen zur Beschränkung von Zweitwohnungen, in : Jusletter
1er décembre 2014, Rz 56.
202 FF 2014 2209, 2222.
203 ATF 140 I 176 consid. 6. Voir également Fabian Mösching, Fiskalische Massnahmen zur Beschränkung von
Zweitwohnungen, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 33–35.
28
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
à la garantie de la propriété de façon inadmissible204 et ne présente aucune similarité avec
l’impôt foncier205 .
[Rz 55] Compte tenu des considérations qui précèdent, l’introduction de compétences législatives
plus restrictives au bénéfice des cantons contenues en l’art. 3 al. 2 LRS nous paraît superfétatoire.
Cela est d’autant plus vrai que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le principe de
la hiérarchie des normes n’interdit pas à une collectivité de rang inférieur d’édicter des dispositions
de droit public dont les buts et les moyens envisagés convergent avec ceux du droit supérieur, même
lorsque ce dernier a réglé un domaine de manière exhaustive206 .
[Rz 56] Il est utile de préciser que l’ORSec contient quelques précisions quant aux tâches et compétences respectives des cantons et des communes et de la Confédération. L’art. 1er ORSec prévoit
que chaque commune fournit annuellement à l’OFS les données relatives à ses habitants au plus
tard jusqu’au 31 janvier de l’année suivante207 et, dans ce délai, introduit ses données, arrêtées
au 31 décembre, dans le RegBL (al. 1), soit le nombre total de logements sis sur le territoire communal, y compris ceux hors zone à bâtir208 . L’art. 1er al. 2 ORSec prévoit la possibilité pour les
communes dans les cantons qui possèdent un registre reconnu des bâtiments et des logements de
communiquer au canton les données relatives à leurs habitants afin de permettre l’identification
automatique des résidences principales dans le registre cantonal des bâtiments et des logements. A
cet égard, il faut préciser qu’un RegBL cantonal est reconnu dès lors que l’OFS a délégué sa tenue
au canton et l’a ensuite reconnu sur la base de l’art. 2 OregBL209 .
3.2.4.
Compétences et tâches de la Confédération
[Rz 57] Bien que la LRS ne contienne pas d’article spécifique sur les tâches de la Confédération210 ,
l’art. 2 ORSec traite expressément de la question. Cette disposition n’appelle pas de commentaire
particulier, si ce n’est qu’il appartient à l’ARE de déterminer si la proportion de résidences secondaires d’une commune est supérieure à 20 % ou non (al. 2), ce qui permet de déduire ensuite si une
commune tombe dans le champ d’application des restrictions de la législation sur les résidences
secondaires ou non211 . L’ARE publie chaque année une liste des communes, qui n’a qu’une valeur
déclarative, indiquant pour chacune si sa proportion de résidences secondaires est supérieure à 20
% ou non (al. 4), pour la première fois en 2017, c’est-à-dire après l’expiration du délai transitoire
au sens de l’art. 11 ORSec212 .
204 ATF précité consid. 9.
205 ATF précité consid. 8.
206 Voir parmi d’autres décisions, ATF 101 Ia 502 ; 131 I 110 consid. 4.1 et 137 I 167 consid. 4.3.
207 Cette règle correspond à celle figurant en l’art. 8 al. 2 de l’ordonnance du 21 novembre 2007 sur l’harmo-
nisation des registres (OHR ; RS 431.021 ; Rapport explicatif concernant l’ordonnance sur les résidences
secondaires, p. 1 ; ci-après : rapport ORSec). Ce document est disponible par le lien hypertexte suivant :
http://www.are.admin.ch/themen/raumplanung/00236/04094/05403/index.html?lang=fr (consulté le 30
décembre 2015).
208 Cette obligation découle des règles de l’ORegBL (rapport ORSec, p. 1).
209 Rapport ORSec, p. 2.
210 La LRS contient cependant plusieurs dispositions dispersées dans différents articles, comme, par exemple,
l’art. 5 al. 1, 2 et 4 (détermination de la proportion de résidences secondaires).
211 Rapport ORSec, p. 2.
212 Rapport ORSec, pp. 2-3.
29
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
3.3.
Inventaire des logements et proportion de résidences secondaires
3.3.1.
Inventaire des logements
[Rz 58] A titre liminaire, il est utile de rappeler que le législateur n’a retenu comme critère de
détermination de la proportion de résidences secondaires que le nombre de logements et a écarté
celui de la « surface brute au sol », bien qu’expressément prévu par l’art. 75b Cst.213 . Les motifs
sont les mêmes que ceux qui ont conduit le législateur à renoncer à utiliser ce critère dans le cadre de
l’ORS 2012214 , à savoir l’absence de définition harmonisée de cette notion215 . En outre, à supposer
qu’une telle définition soit mise en œuvre, le coût du recensement de la surface brute au sol serait
disproportionné par rapport au but visé. Enfin, le Conseil fédéral part de la supposition que les
résidences secondaires ont une surface brute au sol inférieure à celle des résidences principales,
si bien que l’on ne devrait pas trouver de communes comptant 20 % de surface brute au sol de
résidences secondaires, mais une proportion de résidences secondaires inférieure à 20 % du parc de
logements, le gouvernement se fondant à cet égard sur les données réactualisées de la Statistique
des bâtiments et de logements 2012216 .
[Rz 59] A teneur de l’art. 4 al. 1 LRS, toute commune doit établir au moins une fois par année un
inventaire des logements. Cette disposition transpose dans la loi le principe prévu par l’art. 75b al.
2 Cst.217 , mais interprète de manière extensive le mandat constitutionnel dans la mesure où elle
se réfère « à un inventaire des logements », alors que le second mentionne expressément un « plan
de quotas de résidences secondaires »218 . Cela s’explique par la volonté du législateur de partir
d’une définition large de la notion de résidence secondaire prévue par l’art. 2 al. 3 LRS219 et par le
fait que la notion de quotas de résidences principales désigne habituellement un plan d’affectation
définissant la proportion minimum de tels logements que doivent compter certaines zones, étant
précisé que dans le contexte de la « Lex Weber », il ne s’agit pas d’une planification, mais plutôt
du recensement du nombre effectif de résidences principales dans la commune220 . L’obligation de
publication de l’inventaire concerne toutes les communes, que celles-ci dépassent ou non la limite
maximale de 20 % prévue par l’art. 75b Cst.221 . L’art. 4 al. 2 LRS mentionne le contenu minimum
de l’inventaire, à savoir le nombre total de logements et le nombre de résidences principales sur le
territoire communal222 .
[Rz 60] Conformément à la définition de l’art. 2 al. 2 LRS, les communes peuvent se fonder sur
le RegBL couplé aux données harmonisées du Registre des habitants, de sorte que si sur la base
de ces seules données il est constaté qu’une commune ne dépasse pas le plafond de 20 %, il est
superflu pour ladite commune de procéder à d’autres ou plus amples analyses223 . L’art. 4 al. 3
213 Voir supra ch. 3.2.1.
214 Voir supra ch. 1.3.2.
215 FF 2014 2209, 2223.
216 Ibid. Selon la StatBL 2012 de l’OFS, la surface habitable moyenne est de 102 m² par rapport à tous les loge-
ments habités, alors qu’elle n’est que de 83 m² par rapport à tous les logements non habités.
217 FF 2014 2209, 2223 et Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 10.
218 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 10.
219 Rapport AP-LRS, p. 4.
220 FF 2014 2209, 2223.
221 Ibid.
222 Ibid.
223 Ibid.
30
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
LRS permet aux communes de faire figurer séparément la catégorie des logements assimilés à des
résidences secondaires à des résidences principales et imputer cette catégorie de logements aux
résidences principales224 , en consignant aussi sous le caractère de logement le type d’affectation
du logement dans le RegBL fédéral, possibilité intéressante pour les communes présentant un taux
de résidences principales inférieur à 80 %225 , car elles parviendront moins facilement à la limite
maximale de 20 % pour les résidences secondaires226 . Il est utile de préciser que les logements
destinés à l’hébergement touristique au sens de l’art. 7 al. 2 LRS doivent être comptabilisés comme
résidences secondaires227 .
3.3.2.
Détermination de la proportion de résidences secondaires
[Rz 61] La Confédération, par l’ARE, est compétente pour déterminer la proportion de résidences
secondaires (art. 5 al. 1 et 3 LRS)228 . A cette fin, il y a lieu tout d’abord de diviser le nombre de
logements habités par des personnes établies par le nombre total des logements d’une commune. S’il
en résulte une proportion de résidences principales de 80 % ou plus, cela signifie que la proportion
de résidences secondaires est de 20 % au maximum et, partant, que les normes restrictives relatives
aux résidences secondaires ne s’appliquent pas à la commune concernée229 . L’ARE procède à la
détermination sur la base de l’état et du périmètre de la commune en vigueur au 1er janvier,
ce principe étant également applicable aux cas de fusions de communes, d’échanges de zones ou
fractionnement de communes. Ainsi, par exemple, en cas de fusion, le pourcentage des résidences
secondaires doit être déterminé sur la base des données cumulées des communes concernées par la
fusion230 . Dans le cas où les communes dépassant la limite maximale de 20 % sont parties à une
fusion, d’un échange de zones ou d’un fractionnement en cours d’année, les restrictions prévues par
la législation s’appliquent en principe à ou aux nouvelles communes231 . Dans l’hypothèse inverse,
c’est-à-dire où une commune fusionnée atteint un taux inférieur à 20 %, nous sommes d’avis que,
sur réquisition des propriétaires concernés dans les anciennes communes où la limite était dépassée,
les restrictions doivent être supprimées.
[Rz 62] Les communes doivent remettre l’inventaire des résidences principales au sens de l’art.
4 LRS dans les délais prescrits ou prolongés, faute de quoi elles sont réputées dépasser la limite
maximale de 20 % (art. 5 al. 2 LRS). La sanction est pour la moins discutable, car elle atteint de
manière médiate les administrés qui ont déposé un projet de construction de résidence secondaire ou
qui envisagent de le faire. En cas d’indications lacunaires d’une commune dans le RegBL relatives
au type d’utilisation des logements, l’ARE avise la commune et le canton concernés et fixe à la
première un délai pour compléter les données manquantes dans le registre précité232 . Si, nonobstant
les compléments apportés, une commune atteint une proportion de résidences secondaires dépassant
224 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 10.
225 Rapport ORSec, p. 1.
226 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 297.
227 FF 2014 2209, 2221. Voir également infra ch. 3.5.1.2.
228 FF 2014 2209, 2224 et Rapport ORSec, p. 3.
229 Rapport ORSec, p. 3.
230 Ibid.
231 Ibid.
232 Ibid.
31
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
la limite maximale de 20 %, l’ARE appointe un délai pour elle et pour le canton concerné afin de
prendre position sur les bases de calcul de la proportion de résidences secondaires.
[Rz 63] Dans les deux cas susvisés, à savoir l’absence de remise de l’inventaire et les indications
lacunaires concernant le type d’utilisation des logements dans les délais prescrits ou prolongés par
l’autorité, même si ni la loi ni l’ordonnance d’exécution ne le précisent, selon les travaux préparatoires233 , l’ARE doit rendre une décision formelle attaquable conformément aux dispositions de la
loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)234 et, partant, susceptible
d’un recours auprès du Tribunal administratif fédéral, conformément à l’art. 33 let. d de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)235 , puis d’un recours au Tribunal
fédéral, en application de l’art. 86 al. 1 let. a de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral (LTF)236 , la liste des exceptions énoncées en l’art. 83 LTF ne trouvant pas application à
cet égard237 .
3.4.
Interdiction de nouvelles résidences secondaires
[Rz 64] L’art. 6 al. 1, 1ère phr. LRS a pour but de mettre en œuvre la restriction imposée par l’art.
75b Cst. et l’interdiction visée concerne la réalisation de nouveaux logements tant dans le cadre
d’une construction nouvelle que dans celui de la transformation d’un bâtiment existant qui n’était
pas destiné précédemment à un usage d’habitation au sens de l’art. 2 al. 1 LRS, par exemple
la transformation d’un bâtiment d’exploitation agricole ou commerciale238 . Il suit de là que les
communes qui comptent une proportion plus élevée de résidences secondaires que la limite constitutionnelle, après détermination en application de l’art. 5 LRS239 , ne sont habilitées à autoriser de
nouvelles constructions qu’à condition que ces dernières soient grevées d’une restriction d’utilisation spécifique pour garantir qu’elles ne seront pas utilisées en tant que résidences secondaires240 .
Il est utile de préciser que les restrictions qui précèdent s’appliquent également aux communes qui
n’ont pas encore atteint la limite maximale de l’art. 75b Cst., mais à l’égard desquelles l’octroi
d’une autorisation de construire conduirait à un dépassement de la proportion de 20 % (art. 6 al.
1, 2ème phr. LRS). En revanche, l’interdiction prévue en l’art. 6 al. 1 LRS ne s’applique pas à la
création de nouveaux logements au sens des art. 7 al. 1 let. b (logements affectés à l’hébergement
touristique), 8 (nouveaux logements sans restriction d’utilisation), 9 (nouveaux logements dans des
bâtiments protégés), 26 (logements concernés par un plan d’affectation spécial lié à un projet) et
27 (logements pour lesquels une autorisation de construire a fait l’objet d’un préavis donné avant
le 18 décembre 2007 et qui n’a pas pu être délivrée avant le 11 mars 2012 pour des motifs non
imputables à faute du propriétaire), ceci conformément à l’art. 6 al. 2 LRS. Pour le législateur,
des telles exceptions se justifient notamment à l’égard des logements affectés à l’hébergement tou-
233 FF 2014 2209, 2224.
234 PA ; RS 172.021.
235 LTAF ; RS 172.32. Ci-après : LTAF.
236 LTF ; RS 173.110. Ci-après : LTF.
237 Rapport ORSec, pp. 3–4.
238 FF 2014 2209, 2224.
239 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 12.
240 FF 2014 2209, 2224.
32
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
ristique parce qu’une certaine intensité d’utilisation est garantie par les exigences d’exploitation
requises241 .
3.5.
Création de nouveaux logements dans les communes comptant une
proportion de résidences secondaires supérieure à 20 %
3.5.1.
Nouveaux logements soumis à une restriction d’utilisation
[Rz 65] L’art. 7 LRS concrétise les restrictions imposées aux communes ayant dépassé la limite
maximale de 20 % de résidences secondaires et, en particulier, la construction de nouveaux logements avec restrictions d’utilisation et vise à privilégier la création de « lits chauds »242 . C’est dans
cette optique que l’art. 7 al. 1 LRS prévoit une règle de principe selon laquelle, dans les communes
ayant dépassé le plafond de 20 % de résidences secondaires, l’autorisation de nouveaux logements
ne peut être autorisée seulement à condition d’être utilisés comme résidence principale visée par
l’art. 2 al. 2 LRS, comme logement assimilé à une telle résidence au sens de l’art. 2 al. 3 LRS (let.
a) ou comme logement affecté à l’hébergement touristique (let. b)243 . Ces principes sont repris de
l’art. 4 ORS 2012244 .
3.5.1.1. Les résidences principales et les logements assimilés
[Rz 66] La création d’un nouveau logement peut résulter aussi bien d’une construction nouvelle
que d’une transformation d’un bâtiment existant mais qui n’était pas un logement au sens de l’art.
2 al. 1 LRS245 .
[Rz 67] La restriction contenue en l’art. 7 al. 1 let. a LRS signifie que le logement doit être
occupé à titre principal, que ce soit par son propriétaire ou par un locataire246 ou un autre tiers
possesseur, par exemple un usufruitier ou un titulaire d’un droit d’habitation. Le dispositif légal
est complété par l’art. 3 al. 1 ORSec qui précise qu’il s’agit d’une servitude qui doit faire l’objet
d’une mention au registre foncier. Cette mention est déclarative247 . L’inscription dans ce registre,
tant d’ailleurs pour les résidences principales que pour les logements qui y sont assimilés, doit être
suffisamment large pour englober ces deux types de logements, car un changement d’affectation
d’une résidence principale en logement assimilé au sens de l’art. 2 al. 3 LRS n’est pas soumis à une
obligation de permis de construire ou d’annonce248 . La mention au registre foncier doit contenir
en outre, pour chaque logement, les numéros d’identification (EGID ou EWID), conformément à
l’art. 5 al. 2 let. a et b ORegBL (art. 3 al. 2 ORSec), pour rendre la consultation aussi efficace
241 FF 2014 2209, 2224–2225.
242 Rapport AP-LRS, p. 5 et Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 17.
243 FF 2014 2209, 2225.
244 Rapport AP-LRS, p. 5. Voir également Arrêt du Tribunal fédéral 1C_349/2015 du 7 janvier 2016 consid. 2.2.
245 FF 2014 2209, 2225.
246 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 303–304.
247 TC VD, CDAP AC.2015.0024 du 23 juillet 2015 consid. 1c. La mention doit avoir la teneur suivante : « rési-
dence principale ou logement assimilé à une résidence principale au sens de l’art. 7, al. 1, let. a, LRS » (Arrêt
du Tribunal fédéral 1C_349/2015 du 7 janvier 2016 consid. 2.2).
248 Rapport ORSec, p. 4.
33
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
que possible du RegBL lors de la détermination du pourcentage de résidences secondaires249 .
Les communes saisissent en principe dans le RegBL les projets de construction dès le dépôt de
la demande de permis de construire, c’est-à-dire avant même la construction proprement dite des
bâtiments concernés, et, au moment de la délivrance de l’autorisation de construire, mais également
les logements individuels, de manière à ce que les indicateurs EGID et EWID correspondants
soient connus et à permettre à l’autorité chargée de l’attribution des autorisations de construire
de communiquer les indicateurs au conservateur en demandant que la restriction d’utilisation
visant l’immeuble concerné soit mentionnée au registre foncier (art. 7 al. 4 LRS)250 . Les communes
peuvent faire figurer une mention de la restriction d’utilisation dans le RegBL (art. 3 al. 3 ORSec).
[Rz 68] L’art. 7 al. 1 LRS doit être lu en relation avec l’art. 16 de la même loi, dont l’al. 1 prévoit
que le contrôle des habitants des communes concernées doit annoncer à l’autorité compétente en
matière d’autorisations de construire les personnes, à savoir les propriétaires et tous les titulaires
d’un droit de possession (locataire, usufruitier, titulaire d’un droit d’habitation, etc.) qui changent
de logement à l’intérieur de la commune (let. a), qui quittent la commune (let. b) ou qui s’établissent
dans une autre commune (let. c)251 , ce qui implique que les communes doivent non seulement établir
un inventaire des résidences principales, conformément à l’art. 4 LRS, mais encore préciser quels
en sont les occupants afin de pouvoir communiquer les changements susceptibles d’entraîner une
modification de l’affectation du bien252 .
[Rz 69] L’art. 16 al. 2 LRS fait obligation au registre foncier d’annoncer à l’autorité chargée de
délivrer les autorisations de construire les inscriptions opérées dans ledit registre du transfert de
la propriété d’un bien-fonds situé dans une commune qui compte une proportion de résidences
secondaires supérieure à 20 % et pour lequel une restriction d’utilisation au sens de l’art. 7 al. 1
LRS est mentionnée. Le législateur justifie cette obligation par la nécessité d’éviter des changements
d’utilisation non conformes aux conditions légales liées à un transfert de propriété et de limiter
les risques d’utilisations illicites253 . Cela étant, l’utilité d’une annonce à l’autorité compétente en
matière d’attribution des permis de construire est remise en cause par un auteur qui souligne,
avec pertinence, que l’acquéreur a connaissance de la restriction par la mention inscrite au registre
foncier et que c’est l’affectation qui est déterminante et non le fait qu’un propriétaire constitue sa
résidence principale dans le logement acquis254 . Il est utile de préciser que l’obligation d’annonce
du registre foncier n’implique aucune restriction concernant les transferts de bien-fonds, telles que
l’aliénation ou la revente, étant entendu au sens de la LRS, qu’il s’agit d’une simple limitation de
l’utilisation et non d’une restriction de l’usage du bien255 .
249 Ibid.
250 Ibid.
251 FF 2014 2209, 2235.
252 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 304.
253 FF 2014 2209, 2235.
254 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 304.
255 FF 2014 2209, 2235.
34
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
3.5.1.2. Les logements affectés à l’hébergement touristique
3.5.1.2.1. Le concept
[Rz 70] L’art. 7 al. 1 let. b LRS permet la création de logements affectés à l’hébergement touristique
dans les communes comportant une proportion de résidences secondaires dépassant le maximum
de 20 %. Contrairement à ce qui prévaut s’agissant des notions de « résidence principale » ou de
« logement assimilé à une résidence principale », le concept de « logement affecté à l’hébergement
touristique » ne figure pas en l’art. 2 LRS, disposition pourtant consacrée aux « définitions ». C’est
donc l’art. 7 al. 2 LRS qui détermine cette notion en exposant qu’un logement est réputé affecté à
l’hébergement touristique uniquement s’il est mis de manière durable à la disposition d’hôtes pour
des séjours de courte durée, aux conditions usuelles du marché et conformes à l’usage local et doit
être situé dans le même bâtiment que celui où le propriétaire a son domicile principal (let. a) et ne
pas être équipé en fonction des besoins personnels du propriétaire et être mis sur le marché dans le
cadre d’un établissement d’hébergement organisé (let. b). Il est utile de rappeler que les chambres
fédérales ont biffé un troisième cas de figure contenu dans le projet de loi du Conseil fédéral qui
visait les logements proposés sur des plateformes de location, par exemple de type Internet256 .
L’objectif recherché par le législateur est de garantir une certaine intensité d’utilisation257 .
[Rz 71] L’art. 7 al. 2 LRS contient plusieurs termes qu’il ne définit pas expressément. Le message du Conseil fédéral fournit quelques réponses. Il convient donc de s’y attarder. Tout d’abord,
les travaux préparatoires contiennent les termes de « manière durable », auxquels le législateur
semble rattacher la location de logements sur l’ensemble de l’année, en particulier pendant la haute
saison, tout en opposant l’idée de durabilité au concept de « séjours de courte durée »258 . L’on
peut cependant en déduire, d’une part, que ces logements doivent être affectés sur le long terme
à l’hébergement touristique, mais mis à disposition pour de courtes périodes à des usagers successifs et distincts, par exemple pendant les périodes de vacances scolaires ou pendant certaines
fêtes259 . Cette interprétation est confortée par la volonté du législateur d’éviter des séjours de
longue durée260 , par le fait qu’il désigne l’hébergement touristique comme l’hébergement d’hôtes
pour des séjours de courte durée261 et, enfin, par le but de la norme qui est de garantir la création
de « lits chauds »262 . Nonobstant, ces considérations ne permettent pas de régler certains cas de
figure qui peuvent se poser en pratique, par exemple, la location à la saison au même occupant263
qui s’oppose à l’exigence de « court séjour », la fermeture de logements destinés à l’hébergement
touristique pendant la basse saison qui entre en opposition avec le concept de mise à disposition
« durable », etc. Ensuite, par « mise à disposition », il faut entendre que le logement doit figurer dans le « catalogue d’un organisme commercial d’exploitation, d’une agence de location, d’un
système de réservation d’une organisation touristique ou d’une autre organisation appropriée »264 .
En outre, par une offre de séjours « aux conditions usuelles du marché », il faut entendre « des
256 FF 2014 2209, 2229 ; BOCE 2014 935–937 et BOCN 2015 36, 54 et 111. Voir également supra ch. 2.3.
257 FF 2014 2209, 2225.
258 Ibid et Bianchi, RNRF 96/2015, p. 305.
259 Dans ce sens, mais dubitatif, Bianchi, RNRF 96/2015, p. 305.
260 FF 2014 2209, 2225 et Rapport AP-LRS, p. 5.
261 Rapport AP-LRS, p. 5.
262 Ibid.
263 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 305.
264 FF 2014 2209, 2225. Dans le même sens, Bianchi, RNRF 96/2015, p. 305.
35
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
logements attractifs tenant compte des prix locaux »265 . Enfin, une mise à disposition conforme
« à l’usage local » est, semble-t-il, une offre « en particulier durant la haute saison »266 . Cette
période dépend de la commune de situation267 . En définitive, l’objectif visé par le législateur est
d’éviter que le propriétaire ne mette son logement sur le marché que durant la basse saison pour
bénéficier ainsi de l’exception légale sans en subir les conséquences268 .
3.5.1.2.2. Les logements situés dans le même bâtiment où le propriétaire a
son domicile principal
[Rz 72] Outre les conditions posées par l’art. 7 al. 2 in initio LRS, examinées ci-avant269 , pour
être réputé affecté à l’hébergement touristique, le logement doit être situé dans le même bâtiment
que celui où le propriétaire a son domicile principal. Cette condition a pour but de permettre à
la population locale de conserver la possibilité lors de la construction d’une résidence principale
pour une utilisation propre, de créer à des conditions strictes des résidences secondaires dans le
même bâtiment, par exemple pour obtenir des revenus accessoires270 , sans être tenu de réaliser les
conditions complémentaires prévues à l’art. 7 al. 2 let. b LRS, et, partant, de pouvoir assumer de
façon active son rôle d’accueil en hébergeant des hôtes dans le même bâtiment271 . Il résulte des
travaux préparatoires que diverses exigences supplémentaires, qui auraient gagné à figurer dans
la loi, entrent en considération. Ainsi, tout d’abord, les logements visés par l’art. 7 al. 2 let. a
LRS doivent être répertoriés dans un système de classement agréé, par exemple, celui relatif aux
appartements de vacances et des chambres d’hôtes de la Fédération suisse du tourisme (FST)272 ,
comme le relève le Conseil fédéral273 . Cette obligation n’a cependant pas été concrétisée dans
l’ORSec. Ensuite, le nombre de logements supplémentaires dans le bâtiment du propriétaire doit
rester relativement faible, si bien qu’à partir de quatre logements, la condition prévue par l’art. 7
al. 2 let. a LRS est réputée non avenue274 .
[Rz 73] Cela étant, outre les difficultés exposées ci-avant, l’art. 7 al. 2 LRS ne contient aucune
disposition sur un éventuel contrôle de l’utilisation effective et intensive des « lits chauds »275 . De
plus, vu la teneur des termes juridiques utilisés, il n’est pas improbable que les logements intégrés,
c’est-à-dire occupés par le propriétaire, soient régulièrement loués à des tiers et utilisés comme
« lits froids »276 .
265 FF 2014 2209, 2225.
266 Ibid. ; Rapport AP-LRS, p. 5 et Bianchi, RNRF 96/2015, p. 305. Le message est assez confus dans ce cadre,
car il se réfère deux fois aux conditions usuelles (du marché) et à l’usage local pour définir deux concepts différents, à savoir la mise à disposition en particulier pendant la haute saison respectivement en tenant compte
des prix locaux.
267 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 305.
268 Ibid.
269 Voir supra ch. 3.5.1.2.2.
270 FF 2014 2209, 2225 et Rapport AP-LRS, p. 6.
271 Ibid.
272 Cette classification est disponible sur le site de la FST à l’adresse Internet suivante : http://www.
swisstourfed.ch/index.cfm?fuseaction=sprachewechseln&sprache=fr&parents_id=936 (consulté le 30 décembre 2015).
273 Rapport AP-LRS, p. 6.
274 FF 2014 2209, 2225 et Rapport AP-LRS, p. 6.
275 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 22.
276 Emmanuel Dettwiler, Der Entwurf des Zweitwohnungsgesetzes – Die Ausnahme als Regel, in SJZ/RSJ
2014/110, p. 343.
36
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
3.5.1.2.3. Les logements mis sur le marché dans le cadre d’un établissement
d’hébergement organisé
[Rz 74] L’art. 7 al. 2 let. b LRS prévoit une seconde possibilité d’affecter un logement à l’hébergement touristique, pour autant que les conditions qu’il contient en sa première phrase soient
respectées, lorsque deux exigences supplémentaires sont cumulativement satisfaites, à savoir que
le logement n’est pas équipé en fonction des besoins personnels du propriétaire et qu’il est mis sur
le marché dans le cadre d’un établissement d’hébergement organisé. Avant de procéder à l’examen
de ces deux critères, il est utile de s’attarder quelque peu sur le concept d’« établissement d’hébergement organisé ». A cet égard, il sied préalablement de rappeler que ce type d’établissements
entre dans la catégorie des résidences secondaires au sens de l’art. 2 al. 4 LRS277 , mais, là encore,
le législateur a renoncé à édicter une définition formelle, notamment dans le cadre de l’art. 2 précité. Selon les travaux préparatoires, la notion d’« entreprise d’hébergement organisée » permet
de tenir compte des limites toujours plus difficiles à tracer entre hôtellerie et para-hôtellerie, logements de vacances et résidences secondaires, car les nouvelles formules d’hébergement sont souvent
hybrides278 et présupposent l’existence d’un concept d’exploitation de type hôtelier, incluant en
général les infrastructures minimales correspondantes, par exemple une réception, formant un ensemble de taille minimale, construit, soit dotés en particulier d’un centre avec entrée principale
et réception et d’une place de stationnement centrale, et comportant des installations communautaires telles que piscine, terrain de sport, restaurant et places de jeu279 . L’installation concernée
doit avoir une taille et une structure permettant une mise sur le marché, qui soit professionnelle et
lucrative, et être conçue de façon à rester compétitive à long terme280 . Entrent dans cette catégorie
les hôtels281 , proprement dits, c’est-à-dire annonçant la location de chambres ou d’appartements,
les résidences de villages de vacances, REKA, Hapimag, Landal et Rockresort, qui proposent un
hébergement de courts séjours de vacances et des prestations de type hôtelier282 . L’art. 4 ORSec,
qui exécute le mandat réglementaire prévu par l’art. 7 al. 5 let. a LRS, précise la portée du message du Conseil fédéral en mentionnant que pour être considéré comme relevant de l’hébergement
organisé, un établissement doit réaliser cumulativement les conditions suivantes :
• comprendre des services et des infrastructures de type hôtelier standard utilisés par la majorité
des clients (let. a), soit les éléments énumérés ci-avant, en particulier le service de chambre
277 Voir supra ch. 3.2.2.4. Voir également FF 2014 2209, 2221 ; BOCE 2014 929 et 933 et Bianchi, RNRF
96/2015, p. 306.
278 FF 2014 2209, 2226.
279 Ibid. et Rapport AP-LRS, p. 6.
280 FF 2014 2209, 2226.
281 Le législateur aurait pu saisir l’opportunité d’édicter une définition formelle en se fondant sur la jurispru-
dence, comme le propose une partie de la doctrine (Bianchi, RNRF 96/2015, p. 306 et Jeanrenaud et Sulc,
Not@lex 2012, p. 176), notamment l’ATF 106 Ib 209 consid. 2c (« Als Minimalanforderungen an einen Hotelbetrieb werden in der Broschüre drei Arten von Dienstleistungen [Zimmerservice, Restaurationservice und
Administrativservice …], eine bestimmte bauliche Konzeption [… ] eine dem ortsüblichen Durchschnitt entsprechende Betriebsdauer […] verlangt »). Voir également l’arrêt du Conseil d’Etat vaudois du 22 janvier 1974
(prononcé n° 2828) = RDAF 1976, p. 53, selon lequel : « Doit être considéré comme un hôtel le bâtiment
meublé où tout amateur trouve, contre rétribution, la possibilité de loger et toutes les commodités du service.
Il importe peu, en revanche, que l’exploitant soit ou non lui-même propriétaire de l’établissement ou que diverses personnes, dont certains hôtes, l’aient financé. Mais il est essentiel que l’établissement soit public et
que son accès ne soit pas réservé à ceux qui le financent ou en sont copropriétaires. Bien que constituant un
élément inhabituel, la seule présence d’un petit bloc cuisine dans chaque chambre ne suffit pas à enlever à un
établissement son caractère d’hôtel s’il remplit par ailleurs les conditions énoncées ci-dessus ».
282 FF 2014 2209, 2226.
37
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
journalier, qui auraient gagné à figurer de manière expresse dans l’ordonnance283 . Le rapport
explicatif relatif à l’ORSec ajoute que certains des services ou infrastructures peuvent être
fournis par des « partenaires de la région »284 ;
• être organisé selon une conception d’exploitation de type hôtelier (let. b), ce qui signifie que ce
concept doit être orienté vers l’hébergement professionnel de visiteurs à court terme, comme les
résidences de type hôtelier, en particulier des « hotels resort », c’est-à-dire des hôtels avec des
chambres et des logements exploités touristiquement, des resorts ou des villages de vacances285 ;
• l’exploitation se fait dans le cadre d’une entreprise homogène (let. c), c’est-à-dire une gestion
uniforme de l’établissement et une exploitation commerciale organisée de telle manière que les
logements sont proposés de manière durable aux conditions usuelles du marché et conforme à
l’usage local pour qu’ils fassent réellement l’objet d’une demande286 .
[Rz 75] En ce qui concerne le critère de l’aménagement des logements qui ne doit pas répondre
aux « besoins particuliers du propriétaire », dans la mesure où ces éléments ont pour but premier
l’exercice d’une activité lucrative de location à des tiers, ils ne doivent pas être « personnalisés »,
c’est-à-dire que leur qualité, leur aménagement et leur équipement sont uniformes ou obéissent à un
concept d’ensemble287 . Enfin, la mise à disposition uniquement par l’exploitant de l’établissement
hôtelier, telle que prévue par les art. 10 LFAIE et 7 de l’ordonnance 1er octobre 1984 sur l’acquisition
d’immeubles par des personnes à l’étranger (OAIE)288 , ne constitue pas une exigence prévue par
la LRS ou l’ORSec, de sorte que le propriétaire est habilité à conclure des contrats de location
avec d’autres organisations que l’exploitant de l’hôtel, ce qui se justifie également par la nécessité
de ne pas octroyer un monopole autorisant l’hôtelier à fixer unilatéralement des conditions iniques
à l’égard des propriétaires289 .
[Rz 76] Ni la LRS ni l’ORSec n’excluent expressément l’utilisation de logements en propriété par
étage dans le cadre d’un établissement d’hébergement organisé290 , mais cette configuration présente
un certain nombre de risques, notamment s’agissant des aspects spéculatifs en cause ou en ce qui
concerne les investissements requis pour les rénovations, de sorte qu’il convient de respecter les
critères supplémentaires ci-après :
• l’utilisation personnelle des logements doit rester faible, ce qui implique que ces derniers ne
doivent en principe être utilisés seulement par les propriétaires, les membres de leurs familles,
des amis ou des connaissances, l’utilisation pouvant cependant être gratuite ou payante, mais
en revanche ne devant pas excéder trois semaines par haute saison, étant précisé que la location
283 Rapport ORSec, p. 5. Voir également Bianchi, RNRF 96/2015, pp. 307–308 qui s’interroge sur l’applicabi-
lité des critères établis par la jurisprudence rendue en matière d’acquisiton d’immeubles par des personnes à
l’étranger et cite l’ATF 106 Ib 209. A notre sens, le Conseil fédéral a fait un pas en ce sens, vu la teneur de
l’art. 4 ORSec qui impose l’offre de tels services comme condition à la reconnaissance du caractère d’établissement d’hébergement organisé.
284 Rapport ORSec, p. 5.
285 Ibid.
286 Ibid.
287 FF 2014 2209, 2226.
288 OAIE ; RS 211.412.411.
289 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 307.
290 Dans le même sens, Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 24.
38
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
durable du logement est exclue291 . L’absence de telles précisions priverait de sens la limitation
prévue par le législateur292 ;
• un fonds de rénovation doit être mis en œuvre et rendu disponible pour l’exploitant et le
propriétaire, les processus décisionnels pour la réalisation des travaux de rénovation doivent être
définis et l’exploitant et le propriétaire doivent disposer d’une marge de manœuvre suffisante ;
il s’agit dans ce cadre de limiter le risque à long terme lié à une absence d’entente entre les
propriétaires par étage par rapport aux investissements de rénovation293 ;
• pour que les points qui précèdent soit examinés de manière suffisante, il convient de déposer
avec la demande de permis de construire, outre les documents requis pas la législation et la
réglementation applicables, l’acte constitutif, les éventuels règlements de copropriétés et les
contrats d’exploitation et de location dans la mesure de leur existence294 .
3.5.1.2.4. Les autorisations de construire concernant les nouveaux logements soumis à une restriction d’utilisation
[Rz 77] Selon l’art. 7 al. 3, 1ère phr. LRS, les autorisations de construire sont assorties par l’autorité
compétente d’une charge sous la forme d’une restriction d’utilisation au sens de l’art. 7 al. 1
let. a (résidence principale) ou al. 2 let. a ou b (logements affectés à l’hébergement touristique).
La question de la suspension des restrictions d’utilisation n’entre en considération que pour les
logements régis par la LRS et l’ORSec295 . La mention de restriction d’utilisation au registre foncier
est effectuée selon le principe d’annonce, en application duquel l’autorité compétente ordonne
au conservateur de mentionner la restriction d’utilisation au registre foncier et lui transmet une
copie de la décision, la mention ne devant intervenir qu’après l’entrée en force de la décision296 ,
conformément à l’art. 80 de l’ordonnance du 23 septembre 2011 sur le registre foncier (ORF)297 .
Les restrictions d’utilisation sont en principe conçues pour une durée illimitée, mais la loi envisage
plusieurs exceptions, à savoir la modification, la suspension et la radiation.
[Rz 78] Tout d’abord, l’art. 13 LRS envisage des cas de modification des restrictions. De tels changements se justifient par la prise en compte de la nécessité de modifier une condition d’utilisation
ou parce que les limitations imposées par l’art. 7 LRS ne peuvent plus être respectées dans certaines
situations. L’art. 13 susvisé ne prévoit que deux situations :
• modification de l’utilisation prévue à l’art. 7 al. 1 let. a LRS, comme résidence principale ou
logement assimilé, en utilisation comme logement affecté à l’hébergement touristique (let. a) ;
• modification de l’utilisation dans le cadre des catégories prévues par l’art. 7 al. 2 LRS (let. b).
La teneur de cette règle n’est pas limpide et les explications du Conseil fédéral ne sont pas
d’un grand secours298 . Selon un auteur, il faut comprendre qu’une résidence principale peut,
au sein d’un même bâtiment, être transformée en logement affecté à l’hébergement touristique,
par exemple si le propriétaire reste dans le bâtiment et procède simplement à un « échange »
291 FF 2014 2209, 2226 et Rapport ORSec, p. 5.
292 Dettwiler, SJZ/RSJ 2014/110, p. 344.
293 Rapport ORSec, p. 5.
294 Ibid.
295 Rapport ORSec, p. 8.
296 FF 2014 2209, 2227.
297 ORF ; RS 211.432.1.
298 FF 2014 2209, 2233.
39
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
de logements ou s’il divise son logement principal en créant un ou plusieurs logements affectés
à l’hébergement touristique299 .
[Rz 79] Ensuite, la restriction peut être suspendue pour une durée déterminée en application et
aux conditions de l’art. 14 LRS, soit par exemple :
• parce qu’elle ne peut être temporairement respectée en raison de circonstances particulières
telles que le décès de l’ancien occupant, le changement de domicile, d’état-civil (al. 1 let. a) ou
de travail. Dans cette configuration, la durée de la suspension est limitée à deux ans au plus,
prolongeable une seule fois de la même durée si des motifs pertinents le justifient (art. 8 al. 1
ORSec) et, exceptionnellement une seconde fois, lorsque le propriétaire fournit la preuve que
la réalisation ou de l‘existence des circonstances prévues par les art. 14 al. 1 let. b LRS et 9
ORSec (art. 8 al. 2 ORSec) ; ou
• lorsque le propriétaire apporte la preuve que le logement a été proposé sur le marché et qu’il
a vainement recherché des personnes disposées à utiliser légalement le logement à un prix
raisonnable. Est également envisagée la situation dans laquelle la demande de logement est
inexistante et qu’il ne se trouve personne pour faire un usage légal du logement aux conditions
usuelles du marché local300 . En ce qui concerne les logements affectés à l’hébergement touristique, cela implique que les recherches pour trouver des occupants disposés à utiliser légalement
le logement comme résidence principale sont restées vaines (al. 1 let. b)301 . Là encore, l’autorité
prononce la suspension pour une durée maximale de deux ans, prolongeable de deux ans au
plus et ainsi de suite (art. 9 al. 1 ORSec). Il appartient au propriétaire de fournir la preuve
que les exigences qui précèdent sont toujours remplies (art. 14 al. 2 LRS). Cette obligation est
précisée en l’art. 9 al. 2 ORSec, qui applique le mandat réglementaire de l’art. 4 al. 4 LRS et
prévoit que le propriétaire doit attester dans chaque cas que des annonces ont régulièrement
été publiées selon les usages du marché (let. a), que le logement a été proposé aux conditions
usuelles du marché et conformes à l’usage local (let. b) et que le logement a été en tout temps
prêt à être occupé par un locataire ou un acquéreur (let. c).
[Rz 80] Lorsque l’autorité compétente accorde la suspension ou la prolongation en application de
l’art. 14 al. 1 let. b LRS, elle ordonne en même temps une réestimation de la valeur officielle du
logement aux frais du requérant (art. 14 al. 3 LRS).
[Rz 81] Enfin, la restriction peut également faire l’objet d’une radiation lorsque la proportion de
résidences secondaires de la commune dans lequel l’objet est situé descend à 20 % ou au-dessous
et que l’autorité compétente en matière d’autorisations de construire a rendu une décision au
préalable (art. 25 al. 3 LRS)302 . Une telle levée est également possible dans les cas de mentions
d’affectation à la résidence principale inscrites dans le cadre d’un agrandissement sous l’empire de
l’ORS 2012303 .
299 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 310.
300 FF 2014 2209, 2234.
301 Ibid.
302 FF 2014 2209, 2227. Voir également infra ch. 3.9.1.
303 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 310.
40
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
3.5.2.
Nouveaux logements sans restriction d’utilisation
[Rz 82] Le législateur a prévu la possibilité de construire sans restriction d’utilisation au sens de
l’art. 7 al. 1 LRS certains types de logements dans les communes comptant une proportion de
résidences secondaires supérieure à 20 %, à certaines conditions arrêtées par les art. 8 et 9 LRS.
Ces logements correspondent aux cas exceptionnels mentionnés à l’art. 6 al. 2 LRS304 . L’usage de
ces logements est libre de toute restriction et, partant, ces derniers peuvent être utilisés comme
résidences secondaires305 . A cet égard, ces logements doivent être comptabilisés dans la catégorie
des résidences secondaires pour le calcul de la limite précitée, s’ils sont utilisés à cette fin306 . Ils
ne sont pas soumis à l’obligation d’une mention spéciale au registre foncier, contrairement aux
logements visés par l’art. 7 al. 3 LRS, mais il appartient à leur propriétaire de prouver qu’ils ont
été bâtis sur la base d’une autorisation de construire au sens des art. 8 et 9 LRS307 . Deux catégories
de logements sont visées dans ce cadre, à savoir les logements en relation avec des établissements
d’hébergement organisés et les logements dans des bâtiments protégés.
3.5.2.1. Les logements en relation avec des établissements d’hébergement organisés
[Rz 83] L’art. 8 al. 1-3 LRS règle en substance le financement croisé de projets, par exemple la
construction d’un nouvel hôtel ou la transformation d’un bâtiment existant en hôtel, par la création
de résidences secondaires qui sont ensuite mises en vente ou en location308 . Pour le législateur, ce
mode de financement est quasiment devenu la norme et en même temps indispensable309 , raison
pour laquelle il se justifie de conserver ce modèle dans les communes qui comptent une proportion
de résidences secondaires supérieure à 20 %, ceci pour autant qu’il soit assuré que la gestion d’un
nouvel établissement d’hébergement ou la pérennisation d’un tel établissement existant est le but
premier. C’est pourquoi l’art. 8 al. 1 LRS soumet la possibilité de créer des logements en relation
avec des établissements d’hébergement organisés aux conditions cumulatives310 suivantes :
• l’établissement ne peut être exploité de manière rentable qu’au moyen de revenus produits par
la création de tels logements (let. a) ;
• le propriétaire ou l’exploitant est en mesure, sur demande, de prouver que les revenus réalisés
par ces logements sont investis dans la construction ou l’exploitation de l’établissement (let.
b). Les exigences prévues par les let. a et b excluent que le promoteur puisse bénéficier de
la plus-value réalisée par la vente des résidences secondaires311 . Il importe peu au surplus de
déterminer si les logements sont destinés à la vente dans ce cadre312 ;
• les surfaces utiles principales de ces logements n’excèdent pas 20 % de l’ensemble des surfaces
utiles principales des chambres et des logements (let. c), selon la définition de la Norme SIA
304 FF 2014 2209, 2228.
305 Ibid.
306 FF 2014 2209, 2229 et Bianchi, RNRF 96/2015, p. 310.
307 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 310.
308 Ibid.
309 FF 2014 2209, 2229. Voir également rapport financement des établissements d’hébergement et des infrastruc-
tures touristiques, p. 83.
310 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 31.
311 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 311.
312 FF 2014 2209, 2229.
41
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
416313 . La proportion peut être augmentée à 33 % au plus de l’ensemble des surfaces utiles
principales lorsque les logements restent durablement propriété de l’établissement d’hébergement organisé et sont loués par ce dernier, ce qui implique une restriction du droit d’aliénation,
laquelle doit être mentionnée au registre foncier, l’art. 7 al. 4 et 5 LRS314 étant applicable par
analogie (art. 8 al. 2 LRS). Lorsque les logements sont à la fois mis en vente et loués315 pour
l’établissement hôtelier, la proportion maximale de 33 % prévue par l’art. 8 al. 2 LRS doit être
réduite de la valeur obtenue en multipliant par 13 % le quotient de la surface des logements au
sens de l’art. 8 al. 1 LRS et de la somme des surfaces des logements au sens des al. 1 et 2 (art.
8 al. 3 LRS). Il est utile de rappeler que les règles prévues par l’art. 8 al. 2 et 3, en particulier
la possibilité pour les nouveaux établissements hôteliers de créer des résidences secondaires
hors contingent pour financer leur fonctionnement, à raison de 33 % au plus de l’ensemble des
surfaces utiles principales si ces logements restent durablement propriété de l’établissement hôtelier ont été ajoutées lors des débats aux chambres fédérales316 . Elles visaient essentiellement
à lutter contre les « lits froids »317 ;
• il existe une unité architecturale et fonctionnelle entre ces logements et l’établissement, à moins
que des motifs afférents à la protection des monuments et des sites ne s’y opposent (let. d) ; et
• aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (let. e). Cette condition a également été ajoutée lors
des débats parlementaires au cours desquels a été choisie une formulation plus large, et qui
correspond à l’art. 24d al. 3 let. e LAT318 , car l’art. 9 al. 1 let. d P-LRS se référait à des
« motifs inhérents à la protection des monuments ou du paysage »319 .
[Rz 84] Les règles qui précèdent ne s’appliquent pas aux établissements qui existaient avant le 11
mars 2012, date de l’acceptation par le peuple et les cantons de l’art. 75b Cst., car le législateur a
entendu créer des règles spécifiques à leur égard en l’art. 8 al. 4 LRS, au demeurant une disposition
qui est reprise dans ses principes de l’art. 3 al. 3 ORS 2012320 . Cet alinéa a été modifié par les
chambres fédérales, dans la mesure où le projet du Conseil fédéral prévoyait la possibilité d’une
réaffectation complète321 , et aurait gagné à figurer dans le chapitre 5 et la section I de la LRS
consacrés aux logements créés selon l’ancien droit. Cet article poursuit comme but d’assurer que
des établissements hôteliers qui ne sont plus rentables puissent être retirés du marché et rendre
possible un changement structurel322 , à raison de 50 % à l’hôtellerie et 50 % à d’autres activités,
313 Ibid. Voir supra ch. 1.2.3 et 3.2.1.
314 Voir supra ch. 3.5.1.2.4.
315 BOCE 2014 938–943 : intervention du Conseiller aux Etats Ivo Bischofberger ; Jonas Alig, Das Zweitwoh-
nungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 32 et Bianchi, RNRF 96/2015, p. 311.
316 BOCE 2014 938–943 ; 2015 113 et BOCN 2015 37 ss et 308–309. Voir également supra ch. 2.3.
317 BOCE 2014 942. Pour un auteur, ces exceptions sont contraires à l’art. 75b al. 1 Cst., car elles introduisent
une possibilité de créer de nouveaux « lits froids » et portent atteinte au noyau dur de la disposition constitutionnelle (sur ce point, voir ATF 139 II 243 consid. 10.5), alors que d’autres mesures moins incisives auraient pu être mises en œuvre pour lutter contre les hôtels non rentables (Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 33).
318 BOCN 2015 55–62 et Bianchi, RNRF 96/2015, p. 311.
319 FF 2014 2209, 2251.
320 Rapport AP-LRS, p. 8.
321 FF 2014 2209, 2229 et 2251 et BO CN 2015 41 ss et 58-62. Ce taux est issu d’un compromis politique. Voir
en particulier les interventions du Conseiller national Jean-René Germanier et de la Conseillère fédérale Doris
Leuthard.
322 FF 2014 2209, 2229.
42
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
comme des surfaces commerciales ou des résidences secondaires323 . Il offre ainsi la possibilité au
propriétaire d’un établissement hôtelier existant déjà avant le 11 mars 2012 de le réaffecter en
logements sans restriction d’utilisation au sens de l’art. 7 al. 1 LRS à hauteur de 50 % de sa
surface utile principale au plus, mais pour autant que les conditions cumulatives suivantes soient
réalisées :
• l’établissement doit être exploité depuis 25 ans au moins (let. a). Cette durée correspond
ordinairement au cycle d’amortissement et de dépréciation d’un immeuble hôtelier et elle est
considérée comme atteinte, même si elle a parfois été interrompue pour des raisons ordinaires
durant la période minimales d’exploitation, par exemple à raison de fermetures pour travaux
de transformation, d’un changement de propriétaire ou de tout autre motif analogue324 . Elle
tend à éviter la réaffectation abusive d’entreprises d’hébergement touristique en résidences
secondaires325 ;
• il ne peut plus être exploité de manière rentable ni être transformé en logements affectés à
l’hébergement touristique (let. b), au sens de l’art. 7 al. 2 LRS, pour des motifs non imputables
à un comportement fautif du propriétaire ou de l’exploitant (let. c). Un comportement peut
être considéré comme fautif, lorsque des bénéfices qui auraient dû être investis dans des travaux
d’entretien et de remise en état ont été soustraits systématiquement de l’exploitation326 . Le but
est d’empêcher notamment que des réaffectations soient possibles dans des cas où les bénéfices
n’ont sciemment pas été investis dans de tels travaux327 ; et
• aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (let. d). Les considérations développées ci-dessus à
l’art. 8 al. 1 let. e LRS sont applicables mutatis mutandis.
[Rz 85] Pour éviter que des réaffectations soient opérées de manière hâtive ou abusive, le législateur
a prévu l’obligation de recourir à une expertise indépendante pour déterminer la réalisation des
conditions prévues respectivement aux al. 1 et 4 de l’art. 8 LRS (art. 8 al. 5 LRS). Le Conseil fédéral
a précisé les modalités de l’expertise en l’art. 5 ORSec. Dans ce cadre, tout d’abord, l’expertise doit
être effectuée sur mandat du requérant (al. 1, 1ère phr.), c’est-à-dire du propriétaire ou du possesseur
à un autre titre de l’établissement. La désignation de l’expert n’est pas laissée au libre arbitre du
requérant et ce dernier doit obtenir l’accord de l’autorité compétente pour les autorisations de
construire (art. 1, 2ème phr.). Pour les cas visés par l’art. 8 al. 1 LRS, c’est-à-dire les logements en
relation avec des établissements d’hébergement organisés construits après le 11 mars 2012, l’art. 5
al. 2 ORSec prévoit que l’expertise doit porter sur les points suivants :
• rentabilité présente et future de l’établissement (let. a). L’examen de cette condition doit
permettre d’établir que la création de résidences sans restriction d’utilisation au sens de l’art.
7 al. 1 LRS sert au financement croisé d’un nouvel établissement d’hébergement organisé ou à
la poursuite de l’exploitation d’un tel établissement328 ; et
323 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 311.
324 FF 2014 2209, 2229.
325 Rapport AP-LRS, p. 8.
326 FF 2014 2209, 2230.
327 Rapport AP-LRS, p. 8.
328 Rapport ORSec, p. 6.
43
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
• financement croisé et utilisation des revenus (let. b). L’expertise doit établir que les revenus
générés par les logements sont investis dans la construction ou l’exploitation de l’établissement
hôtelier et qu’ils sont nécessaires à son exploitation économique329 .
[Rz 86] En revanche, l’expertise ne doit pas se prononcer sur les critères prévus par l’art. 8 al. 1 let.
c à e LRS et lorsqu’il est envisagé de créer pour plusieurs établissements ensemble des logements,
les conditions prévues par l’art. 8 al. 1 let. a et b LRS doivent être réalisées individuellement par
chacun des établissements330 et, partant, examinées par l’expert.
[Rz 87] Pour les cas visés par l’art. 8 al. 4 LRS, c’est-à-dire la réaffectation d’un établissement
d’hébergement organisé en logements, l’art. 5 al. 3 ORSec précise que l’expertise doit porter sur
les points suivants :
• rentabilité présente et future de l’exploitation (let. a). Il s’agit des mêmes éléments que ceux visés à l’art. 5 al. 2 ORSec, à ceci près que l’expert doit établir que l’établissement d’hébergement
ne peut plus être exploité de manière économique, même par une réaffectation en résidences
secondaires non exploitées au sens de l’art. 8 al. 1 et 2 LRS ou en logements affectés à l’hébergement touristique331 . A notre sens, l’examen devra également porter sur la détermination
d’une éventuelle responsabilité du propriétaire ou de l’exploitant imputable à un comportement
fautif ;
• durée de l’exploitation (let. b). L’expertise doit établir que la durée légale de 25 ans (art. 8 al.
4 let. a LRS) a été respectée et non interrompue de manière abusive332 .
[Rz 88] L’expertise n’a pas à se prononcer sur le critère prévu par l’art. 8 al. 4 let. d LRS333 .
[Rz 89] Enfin, en application de l’art. 3 al. 2 LRS, les cantons et les communes restent libres
d’édicter des dispositions qui limitent davantage la construction et l’utilisation de logements, par
exemple prendre d’autres mesures pour empêcher les changements d’affectation indésirables d’établissements hôteliers, sous la forme de moratoires, de contingents, de taxation des bénéfices réalisés
en cas d’aliénation ou, enfin, par des mesures relevant de l’aménagement du territoire et de la police
des constructions (création de zones hôtelières)334 .
3.5.2.2. Les nouveaux logements dans des bâtiments protégés
[Rz 90] L’art. 9 LRS crée une deuxième catégorie d’exceptions prévues pour les logements sans
restriction d’utilisation, à savoir les nouveaux logements dans des bâtiments protégés et, comme
son titre ne l’indique pas, dans des bâtiments caractéristiques de site335 , dans les communes comprenant plus de 20 % de résidences secondaires. Le législateur se fonde sur la nécessité d’assurer
l’objectif de préservation de la nature et du patrimoine inscrit en l’art. 78 al. 2 Cst.336 et sur la
329 Ibid.
330 Ibid.
331 Ibid.
332 Ibid.
333 Ibid.
334 FF 2014 2209, 2230.
335 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 312.
336 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 39. Cette disposition a la teneur
suivante : « Dans l’accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les objectifs de
la protection de la nature et du patrimoine. Elle ménage les paysages, la physionomie des localités, les sites
44
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
difficulté à préserver la conservation de ce type de constructions, qui ne peut que souvent l’être par
leur transformation en une résidence secondaire337 , cette optique paraissant contraire à la volonté
des porteurs de l’initiative ayant introduit l’art. 75b Cst. qui était notamment de préserver les
paysages de la création de logements vides338 . Cette possibilité doit cependant rester l’exception
et n’entrer en considération que de manière subsidiaire, c’est-à-dire si la preuve est apportée que
la conservation du bâtiment concerné ne peut être assurée d’une autre manière339 . C’est pourquoi, elle est subordonnée à la réalisation de plusieurs conditions qui figurent expressément dans
la réglementation ou qui en résultent. Elles peuvent être résumées de la manière suivante :
• le bâtiment concerné doit être sis dans une zone à bâtir (art. 9 al. 1 LRS340 ). Il sied de noter
qu’il ne s’agit pas d’une condition dont l’absence de réalisation est rédhibitoire, dans la mesure
où la construction d’un tel bâtiment est possible hors zone à bâtir si les exigences en matière
d’aménagement du territoire sont satisfaites (art. 9 al. 2 LRS)341 ;
• le bâtiment doit être protégé ou caractéristique d’un site (art. 9 al. 1 in fine LRS). Est considéré
comme bâtiment protégé un monument ou un objet culturel jusqu’alors non affecté à l’habitation et qui a été placé sous protection aux termes d’une décision concrète342 . Est caractéristique
du site au sens de l’art. 9 al. 1 LRS une construction qui, par son emplacement et sa forme
apporte une contribution essentielle à la qualité du site bâti à conserver et à l’identité de la
localité (art. 6 al. 1 ORSec). Si le second concept ne pose guère de problème, dans la mesure
où elle contient une définition formelle qui, en vertu du principe de la hiérarchie des normes,
devrait s’imposer aux cantons, lesquels au demeurant sont compétents pour mettre en place
une procédure permettant de déterminer les bâtiments caractéristiques (art. 6 al. 2 ORSec), il
n’en va pas de même de la première qui ne figure pas dans le texte légal ou réglementaire et
reste relativement vague dans la mesure où il ne contient aucun critère objectif lié à la notion
de « protection » et que, de surcroît, elle ressortit au droit cantonal343 ;
• l’autorisation de nouveaux logements ne doit pas porter atteinte à la valeur protégée du bâtiment, en particulier si son aspect extérieur et sa structure architecturale demeurent inchangés
pour l’essentiel (art. 9 al. 1 let. a LRS) ;
• la conservation à long terme du bâtiment ne peut pas être assurée d’une autre manière (let.
b) ; et
• aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (let. c). Il convient cependant de considérer que l’intérêt à la préservation de monuments culturels et de bâtiments protégés en tant qu’éléments
caractéristiques d’un site ou d’un paysage résulte de situations très différentes et, partant, son
poids peut varier considérablement344 , de sorte que tous les intérêts liés à la protection du
historiques et les monuments naturels et culturels ; elle les conserve dans leur intégralité si l’intérêt public
l’exige ».
337 FF 2014 2209, 2230 et Rapport AP-LRS, p. 9.
338 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 39 et 41.
339 FF 2014 2209, 2230 et Rapport AP-LRS, p. 9.
340 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 312.
341 FF 2014 2209, 2231 : cette possibilité doit être examinée sous l’angle notamment des art. 24d al. 2 LAT (bâ-
timents protégés), 39 al. 2 à 5 OAT par renvoi de l’art. 24 LAT (constructions protégées en tant qu’éléments
caractéristiques du paysage). Elle est reprise de l’art. 5 ORS 2012.
342 FF 2014 2209, 2230.
343 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 40. Contra : Jeanrenaud et
Sulc, Not@lex 2012, p. 182.
344 Rapport AP-LRS, p. 9.
45
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
bâtiment ne priment pas automatiquement l’intérêt à la limitation du nombre de résidences
secondaires demandée par l’art. 75b Cst. et qu’une pesée des intérêts en présence est par conséquent nécessaire dans chaque cas d’espèce : ainsi, par exemple, dans le cas d’une réaffectation
d’un ancien moulin bien conservé en résidence secondaire, les intérêts de la protection du patrimoine devraient l’emporter, alors que de tels intérêts ne devraient pas être prépondérants
dans le cas d’une ancienne étable indépendante345 ;
• pour les réaffectations hors zone à bâtir en application de l’art. 9 al. 2 LRS, outre les conditions
en matière d’aménagement du territoire susévoquée, la construction est soumise aux autres
exigences prévues par le droit fédéral et le droit cantonal (art. 9 al. 3 LRS). Il est à noter
que les chambres fédérales ont biffé une condition supplémentaire prévue par le projet de loi
selon laquelle le site devait être de grande valeur et avoir été placé sous protection dans le
cadre d’un plan d’affectation (art. 10 al. 2 P-LRS)346 , ce qui devrait permettre d’aménager
en résidences secondaires des volumes inoccupés dans le centre de villages afin d’éviter la
multiplication de bâtiments en mauvais état, non utilisés et dépréciant le site347 . Au surplus, le
renvoi aux possibilités offertes par les 24d al. 2 et 3 et 39 OAT devrait permettre de préserver
certains paysages locaux et leurs constructions caractéristiques, par exemple les « rustici » et
les « mayens », habituellement inhabitées la plus grande partie de l’année, en autorisant leur
changement d’affectation à des fins de loisirs ou de vacances348 .
3.6.
Les logements créés selon l’ancien droit
3.6.1.
Définition
[Rz 91] La législation et la réglementation d’exécution de l’art. 75b Cst. tend à préserver les
droits acquis, en particulier les situations dans lesquelles des autorisations de construire ont été
délivrées pour des résidences secondaires « classiques », c’est-à-dire non affectées à l’hébergement
touristique, dans des communes comptant plus de 20 % de résidences secondaires avant le 11 mars
2012 et qui du point de vue formel sont entrées en force, car non frappées d’opposition, et sont
donc en contradiction avec le droit en vigueur à compter de la date précitée349 , étant rappelé que
le Tribunal fédéral a considéré que la disposition constitutionnelle déployait directement des effets
juridiques dès le 11 mars 2012350 .
[Rz 92] Pour régler certaines incertitudes d’ordre juridique, le législateur a opté pour une définition
formelle du « logement créé selon l’ancien droit », qui, là encore, aurait gagné à figurer dans l’art.
2 LRS consacré aux définitions. Ainsi, l’art. 10 LRS expose qu’un tel logement est celui qui a été
345 FF 2014 2209, 2230.
346 BOCN 2015 55 et 63.
347 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 42 et Bianchi, RNRF 96/2015,
p. 312. Cette possibilité est cependant critiquée par certains auteurs. Voir par exemple, Dettwiler,
SJZ/RSJ 2014/110, p. 346 et Bernhard Waldmann, Die Zweitwohnungsverordnung, in : Jusletter 10 décembre 2012, Rz 40. A titre d’exemple pratique, l’on peut citer la Commune d’Evolène, dans laquelle de
nombreux bâtiments anciens sont des résidences secondaires.
348 Rapport P-ORS 2012, p. 14. Il faut cependant relever que seuls les bâtiments de ce type qui ne sont plus ex-
ploités devraient pouvoir bénéficier de cette possibilité, les autres étant assimilés à des résidences principales,
comme le prévoit l’art. 2 al. 3 let. e LRS. Voir supra ch. 3.2.2.3.
349 FF 2014 2209, 2231 et Rapport AP-LRS, p. 10.
350 ATF 139 II 243 et 263.
46
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
créé de manière conforme au droit en vigueur avant le 11 mars 2012 ou était au bénéfice d’une
autorisation définitive à cette date. Il s’agit du jour de l’adoption de l’art. 75b Cst. par le peuple
et les cantons, à partir de laquelle la disposition constitutionnelle déploie ses effets, conformément
à la jurisprudence du Tribunal fédéral351 , de sorte que les logements réalisés après ne peuvent
être considérés comme créés selon l’ancien droit352 . En ce qui concerne le cas des constructions
autorisées sous l’ancien droit dans les communes qui n’ont dépassé la limite maximale de 20 % de
résidences secondaires qu’après le 12 mars 2012, il y a lieu de les considérer comme des bâtiments
préexistants au regard de la LRS, mais pas à l’aune de l’art. 75b Cst., si bien que la transformation ultérieure d’une résidence principale en résidence secondaire, par exemple, ne peut pas être
librement autorisée353 , mais nécessite une pesée des intérêts en présence dans chaque situation
concrète et doit être laissée à la pratique354 . Ces considérations ont évidemment une incidence
sur les cas de modification de la construction et de l’utilisation d’un logement créé selon l’ancien
droit. La LRS prévoit d’ailleurs des dispositions transitoires en ses art. 25 à 27 qui règlent un
certain nombre de situations. Nous en traiterons plus avant dans le présent exposé355 . Au surplus,
pour des raisons inhérentes au principe de l’égalité de traitement, il est nécessaire de garantir que
les possibilités d’utilisation d’un logement existant avant le 11 mars 2012 ne résultent pas d’une
utilisation effective de ce logement en tant que résidence principale ou résidence secondaire lors de
la date précitée, car elle peut découler de circonstances fortuites356 .
[Rz 93] Il est utile de préciser que les art. 10 et 11 LRS ne se réfèrent pas à la notion d’« affectation »,
comme le faisait l’art. 3 al. 2 à 4 ORS 2012, ce qui, pour un auteur rend superflu le dépôt d’une
demande de changement d’affectation357 . En outre, le dispositif prévu par la LRS clarifie le concept
contenu en l’art. 3 al. 2 ORS 2012 qui admettait les changements d’affectation des logements
existants, mais qui pouvait laisser sous-entendre que dans certains cas ils devaient être justifiés358 .
Enfin, le législateur n’a pas retenu la variante à l’art. 12 al. 4 AP-LRS, qui prévoyait des restrictions
au changement d’affectation d’une résidence principale en résidence secondaire359 .
3.6.2.
Modification de la construction et de l’utilisation
[Rz 94] A teneur de l’art. 11 al. 1 LRS, sous réserve toutefois de restrictions d’utilisation existantes ou futures, par exemple prévues par le droit cantonal ou communal, le mode d’habitation
pour de tels logements est libre, c’est-à-dire comme résidences principales ou comme résidences
351 ATF 139 II 243 consid. 2 ss.
352 FF 2014 2209, 2231.
353 FF 2014 2209, 2231–2232.
354 FF 2014 2209, 2231 et Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 48.
355 Voir infra ch. 3.9.
356 FF 2014 2209, 2231. Voir également Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014,
Rz 47.
357 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 300. Selon l’art. 3 ORS 2012, le changement d’affectation est notamment justifié
s’il s’effectue en rapport avec une succession ou un changement de domicile ou d’état civil ou s’il contribue
au maintien du centre d’une localité (al. 2) et il peut concerner des établissements hôteliers, plus particulièrement un changement d’affectation en résidence secondaire (al. 3).
358 Bianchi, RNRF 96/2015, pp. 299–300. Selon cette disposition, le changement est justifié s’il s’effectue en
rapport avec une succession ou un changement de domicile ou d’état civil (let. a) ; ou s’il contribue au maintien du centre d’une localité (let. b).
359 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 300. Voir également FF 2014 2231.
47
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
secondaires360 . Cela implique que les logements créés sous l’ancien droit peuvent continuer à être
librement mis en vente ou en location, même pour la résidence secondaire361 . En particulier, sans
autre formalité, une résidence principale peut devenir secondaire et être ensuite à nouveau utilisée
comme résidence principale. Ainsi, un appartement propre à l’habitation au sens de l’art. 2 al. 1
let. a LRS et disposant d’une installation de cuisine, conformément à l’art. 2 al. 1 let. b LRS, utilisé
temporairement à des fins d’activité professionnelle, par exemple comme cabinet de médecin, de
dentiste, d’avocat ou de notaire ou comme bureau d’architecte, peut être utilisé comme résidence
secondaire362 . L’art. 11 al. 2 LRS prévoit que les logements créés sous l’ancien droit peuvent, dans
les limites des surfaces utiles principales préexistantes, être transformés et reconstruits et, lorsque
des logements supplémentaires en résultent, ils peuvent être autorisés sans restriction au sens de
l’art. 7 al. 1 LRS. La notion de « surfaces utiles principales » n’est pas explicitée dans la LRS et
aurait gagné à figurer dans l’art. 2 consacré aux définitions. Selon le message du Conseil fédéral,
il s’agit des surfaces sur un niveau de plancher qui correspondent à l’affectation et à l’utilisation
principale au sens strict du bâtiment, par exemple les pièces habitables, la cuisine, la salle de bain
et les WC363 . Ce concept doit être distingué de celui de « surfaces utiles secondaires », qui relève
de la Norme SIA 416 (1993) et à laquelle renvoient les travaux préparatoires. Il s’agit en substance
des caves, galetas, séchoirs, buanderies, garages pour les véhicules à moteur et les vélos, abris et
locaux pour les poubelles, locaux pour les installations techniques, locaux pour la machinerie des
ascenseurs, installations de ventilation, etc. L’administration fédérale y ajoute les « surfaces d’une
hauteur inférieure à 1 m ainsi que les surfaces annexes (englobant les surfaces fonctionnelles et
accessoires) »364 . Ces deux types de surfaces, auxquels sont ajoutées les surfaces de dégagement,
d’installations et de construction, donnent la « surface de plancher » au sens de la norme précitée365 . La notion de « surface utile principale » doit également être distinguée de celle de « surface
brute de plancher imputable » au sens de l’art. 42 al. 3 let. a OAT, de celle de « surface nette de
plancher habitable » contenue en l’art. 10 OAIE ou enfin de celle de surface brute au sol habitable
de l’art. 75b Cst.366 .
[Rz 95] L’art. 11 al. 2 LRS englobe différents types de modifications tels qu’un « léger déplacement
du lieu d’implantation », la création de logements supplémentaires qui résulterait d’une nouvelle
distribution des pièces, la pose d’une isolation extérieure, laquelle ne constitue d’ailleurs pas un
agrandissement de la surface utile principale, mais uniquement de la section du mur extérieur367 , la
division de logements anciens en nouveaux logements ou la reconstruction de plusieurs logements
affectés à la résidence secondaire dans un bâtiment n’en comprenant qu’un seul initialement368 .
Cela étant, pour le législateur, laisser la possibilité d’agrandir à volonté les résidences secondaires
existantes ou de réaffecter librement des logements existants à la résidence secondaire favoriserait
360 FF 2014 2209, 2232.
361 Jeanrenaud et Sulc, Not@lex 2012, p. 177.
362 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 300.
363 FF 2014 2209, 2232.
364 Ibid. Voir ODT/ARE, Nouveau droit de l’aménagement du territoire, Berne, 2001, ch. V, Autorisations au
sens de l’art. 24c LAT, Annexe I, p. 21, disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.are.admin.ch/
dokumentation/publikationen/00011/index.html?lang=fr (consulté le 30 décembre 2015). Voir également
ATF 140 II 378 consid. 5 et ch. 1.3.2 supra.
365 FF 2014 2209, 2232.
366 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 303. Voir également supra ch. 1.3.2.
367 FF 2014 2209, 2232.
368 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 301.
48
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
une évolution qui serait contraire à l’objectif visé par l’art. 75b Cst.369 C’est pourquoi ces possibilités sont soumises à plusieurs exigences. Tout d’abord, l’art. 11 précité réserve d’autres conditions
prévues par le droit fédéral ou le droit cantonal. Il s’agit par exemple de prescriptions relevant de
l’aménagement du territoire et de la police des constructions telles que ressortissant aux hauteurs
ou à l’esthétique, les exigences liées aux immeubles sis hors zone à bâtir faisant expressément l’objet
de la réserve visée par l’art. 11 al. 3, 2ème phr. LRS. Sont également réservées les mesures prévues
par l’art. 12 LRS pour empêcher des abus et des évolutions indésirables370 . En revanche, il n’en va
pas de même s’agissant des locaux qui ne réalisent pas les conditions prévues par l’art. 2 al. 1 LRS,
même s’ils ont pu sans autre être transformés en logements sous l’ancien droit, car pour ces locaux,
leur changement d’affectation est subordonné aux limites de l’art. 7 LRS, dès lors qu’ils doivent
être considérés comme de nouveaux logements371 . Cela ne va pas sans causer certaines atteintes
aux droits acquis des propriétaires qui auraient modifié, avant le 11 mars 2012, l’agencement de
leurs locaux à des fins autres que le logement au sens strict et supprimé les installations de cuisine
ou techniques permettant un agencement ultérieur372 .
[Rz 96] L’art. 11 al. 3 LRS autorise même l’agrandissement de logements créés selon l’ancien droit.
Cet agrandissement peut se faire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du volume existant, lequel peut
dès lors être augmenté.373
[Rz 97] Au sein de la zone à bâtir, l’agrandissement est soumis aux conditions suivantes (1ère phr.) :
• l’agrandissement doit être opéré dans une proportion limitée à 30 % des surfaces utiles, au sens
de la définition ci-dessus, existant avant le 11 mars 2012 ; et
• il ne doit en résulter aucun logement supplémentaire.
[Rz 98] Hors zone à bâtir, les exigences sont les suivantes (2ème phr.) :
• l’agrandissement doit être opéré dans une proportion limitée à 30 % des surfaces utiles, au sens
de la définition ci-dessus, existant avant le 11 mars 2012 ;
• il ne doit en résulter aucun logement supplémentaire ; et
• les limites imposées par les prescriptions relatives hors zone à bâtir, doivent être respectées. Il
s’agit notamment des art. 24a ss LAT.
[Rz 99] Les possibilités d’agrandissement sont déterminées sur la base de la planification d’affectation concernée ou, pour les constructions hors zone à bâtir, selon les prescriptions de la législation
sur l’aménagement du territoire374 .
[Rz 100] Tant dans la zone à bâtir qu’en dehors, l’art. 11 al. 4 LRS autorise le dépassement de la
limite de 30 % ci-dessus, à condition :
369 FF 2014 2209, 2231. Cette possibilité est cependant vue comme contraire à l’art. 75b Cst. par une partie
de la doctrine (Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 49). Elle ne va
de surcroît pas dans le sens de la jurisprudence rendue en application de l’ORS 2012 selon laquelle la transformation ou la reconstruction n’est possible que s’il n’en résulte aucune augmentation de la surface et du
nombre de logements (Arrêt du Tribubal fédéral 1_166/2014 du 27 novembre 2014 cons. 2.4–2.6). Voir également Bianchi, RNRF 96/2015, p. 301.
370 FF 2014 2209, 2232.
371 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 300.
372 Ibid.
373 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 301.
374 FF 2014 2209, 2232.
49
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
• que le logement soit déclaré en tant que résidence principale au sens de l’art. 7 al. 1 let. a LRS
ou en tant que logement affecté à l’hébergement touristique au sens de l’art. 7 al. 1 let. b lu en
relation avec l’art. 7 al. 2 let. a ou b ;
• que les conditions d’autorisation y relatives soient réalisées ;
• que l’autorité compétente pour les autorisations de construire assortit son autorisation d’une
restriction d’utilisation correspondante et, dès l’entrée en force de l’autorisation, ordonne au
registre foncier la mention de la restriction relative au bien-fonds concerné.
[Rz 101] Il est utile de noter que sous l’empire de l’ORS 2012, aucune augmentation de surface
d’un logement n’était autorisée, à l’exception des résidences principales, et une mention ad hoc
était inscrite sur le registre foncier, conformément à l’art. 6 al. 2 ORS 2012, alors qu’elle ne concernait que l’agrandissement, de sorte qu’en application de l’art. 11 al. 3 LRS, le propriétaire d’un
bâtiment frappé d’une mention sous l’empire de l’ancien droit, pourrait en obtenir la radiation375 .
Enfin, il faut souligner l’utilisation de deux critères distincts dans le cadre de l’art. 11 LRS, à savoir
le nombre de logements pour l’alinéa 2 et la surface pour l’alinéa 3. Un auteur souligne l’ambivalence de ces critères par un exemple pratique d’un chalet de 120 m2 dont le propriétaire, lors
de transformations, pourra créer deux logements de 60 mètres carrés libres de toutes restrictions
d’utilisation, mais en revanche, s’il agrandit la surface totale de 30 %, soit de 36 m2, il ne sera pas
habile à créer des logements supplémentaires, ou alors, il devra diviser le chalet en deux logements
et ensuite agrandir l’un des logements, l’autre n’étant pas un logement créé selon l’ancien droit376 .
Il est clair que la délimitation entre ce type de manœuvres et l’abus de droit est difficile à tracer
et seuls les tribunaux seront en mesure de poser des jalons.
3.6.3.
Abus et évolutions indésirables
[Rz 102] Les cantons et les communes peuvent, au besoin, prendre les mesures nécessaires pour
empêcher des abus et des évolutions indésirables qui pourraient résulter d’une utilisation sans
limites de logements créés selon l’ancien droit en tant que résidence secondaire (art. 12 al. 1 LRS).
A cette fin, les cantons peuvent limiter davantage la réaffectation en résidence secondaire d’un
logement utilisé précédemment comme résidence principale et les modifications prévues par l’art.
11 al. 2 à 4 LRS et, dans la mesure où cela n’est pas déjà prévu par le droit cantonal, soumettre à
autorisation de construire les modifications de la construction et de l’utilisation (art. 12 al. 2 LRS).
Comme exposé précédemment, il appartiendra à la pratique de définir les cas d’abus et d’évolutions
indésirables377 , d’autant que la loi ne contient ni définition ni exemple à cet égard378 . Selon les
travaux préparatoires, des abus et des évolutions indésirables peuvent résulter par exemple par
la vente d’une résidence principale en vue d’une utilisation comme résidence secondaire pour en
tirer un avantage pécuniaire et, en parallèle, de construire une nouvelle résidence principale sur un
terrain non encore bâti dans la commune concernée ou une commune voisine, cela peut entraîner
un dépeuplement du centre de la localité et un accroissement du mitage du paysage379 , soit un effet
375 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 302.
376 Bianchi, RNRF 96/2015, pp. 302–303.
377 Voir supra ch. 3.6.2.
378 Rapport AP-LRS, p. 11.
379 FF 2014 2209, 2233 et Rapport AP-LRS, p. 11.
50
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
« Donuts » (« Donuts-Effekt »)380 , et la liberté de changer l’affectation d’une résidence principale
en une résidence secondaire dans les communes touristiques est également susceptible de chasser la
population résidente des centres des villages où les résidences principales se raréfient et dont le prix
devient inabordable381 . La jurisprudence récente rendue en application de l’ORS 2012 a permis
de poser quelques jalons en ce qui concerne les abus et les évolutions indésirables. Ainsi, dans un
arrêt du 20 février 2015, le Tribunal fédéral a jugé que le seul fait que le propriétaire d’un logement
a plusieurs attaches en occupant un premier logement en résidence principale et de faire inscrire
au registre foncier un second logement sous deux affectations différentes, à savoir l’hébergement
touristique et la résidence principale, par la vente de l’un des logements en résidence principale,
n’est pas encore constitutif d’un abus de droit382 . Dans une décision subséquente, la haute cour a
également dénié l’existence d’un abus de droit concernant un projet comprenant sept appartements
de 2,5 à 4,5 pièces, dans un immeuble situé au centre d’un village, près des commodités et accessible
toute l’année y compris par les transports publics, se prêtant ainsi aisément à une utilisation en tant
que résidence principale et dont les prix annoncés n’en font pas des logements inaccessibles pour des
habitants à l’année383 . En définitive, un abus de droit ne peut être admis que s’il apparaît d’emblée
que le projet ne pourra pas être utilisé comme annoncé, notamment en raison de l’insuffisance de
la demande de résidences principales dans la commune en question pour le type d’objets concernés
ou en présence d’autres indices concrets.384 Pour le surplus, la jurisprudence rendue au sujet des
abus de droit manifestes dans le contexte de l’art. 75b et de l’ORS 2012 conserve sa validité385 .
[Rz 103] Les mesures nécessaires visées par l’art. 12 al. 2 LRS consistent notamment :
• à délimiter, dans un plan d’affectation, un périmètre à l’intérieur duquel les changements
d’affectation de résidences principales en résidences secondaires ne sont autorisés que lorsque
des raisons particulières l’exigent, notamment un décès ou un changement d’état-civil, ou si
un contingent de changements d’affectation a été défini à l’avance386 . Il est toutefois précisé
que les mesures de ce type exigent au préalable que de tels changements d’affectation aient été
soumis à autorisation de construire387 ;
• à soumettre les changements d’utilisation à une autorisation de construire et de soumettre
la délivrance de telles autorisations au constat préalable de l’absence d’abus par la réalisation
d’une construction de remplacement pendant dix ans à compter du changement d’utilisation388 ;
380 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 49 et les références citées. Voir
également BO CN 2015 75 : intervention du Conseiller national Roger Nordmann.
381 Jonas Alig, Das Zweitwohnungsgesetz, in : Jusletter 1er décembre 2014, Rz 50.
382 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_348/2014 du 20 février 2015 consid. 3.2.
383 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_349/2015du 7 janvier 2016 consid. 2.4.
384 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_874/2013 du 4 avril 2014 consid. 4.5.
385 TC VD, CDAP AC.2014.0055 du 24 novembre 2015 consid. 3c. Voir Arrêt du Tribunal fédéral 1C_874/2013
du 4 avril 2014 consid. 4.4–4.5 : un abus de droit manifeste ne peut être admis que s’il apparaît d’emblée
que le projet ne peut être utilisé en tant que résidence principale, notamment en raison de l’insuffisance de
la demande de résidences principales dans la commune en question pour le type d’objets concernés, ou en
présence d’autres indices concrets. Il appartient aux opposants à un projet et non au constructeur de démontrer l’existence d’un abus de droit, en se fondant sur les circonstances concrètes du cas particulier. Cette
jurisprudence a été confirmée subséquemment (Arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2014 du 24 octobre 2014
consid. 2 ; 1C_348/2014 du 20 février 2015 consid. 3 et 1C_542/2014 du 14 août 2015 consid. 3).
386 FF 2014 2209, 2233.
387 Ibid.
388 Rapport AP-LRS, p. 11.
51
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
• à édicter des prescriptions prévoyant que les changements d’utilisation ne sont admissibles que
si un certain nombre de résidences secondaires est simultanément transformé en logements
affectés à l’hébergement touristique389 ;
• mais aussi à la mise en œuvre de mesures fiscales dissuasives ou incitatives par l’adoption d’une
réglementation ad hoc390 .
[Rz 104] La délégation aux autorités cantonales et communales en matière de réglementation complémentaire à la LRS et à son ordonnance d’exécution est critiquée par une partie de la doctrine
qui la considère comme non conforme à la norme constitutionnelle391 Ce courant perd cependant de
vue que la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, selon laquelle le principe de la hiérarchie
des normes n’interdit pas à une collectivité de rang inférieur d’édicter des dispositions de droit public dont les buts et les moyens envisagés convergent avec ceux du droit supérieur, même lorsque
ce dernier a réglé un domaine de manière exhaustive392 . Il faut également relever que certaines les
conditions prévues par le législateur relatives à la mise en œuvre des mesures envisagées par l’art.
12 LRS sont susceptibles de poser un certain nombre de problèmes, car les critères de l’abus et
des évolutions indésirables sont définis de manière insuffisante et ne reposent pas sur des éléments
objectifs. Partant, ils créent une incertitude juridique. En outre, ces conditions sont susceptibles
de créer une inégalité de traitement dans la mesure où l’autorité peut décider à tout moment de
ne plus accorder d’autorisations dès qu’elle estime être en présence d’une situation problématique.
[Rz 105] Par surabondance, il est utile de préciser que, par analogie à l’art. 48 al. 4 OAT, l’ARE
est habilité à recourir contre les décisions rendues par les autorités cantonales et communales en
application des art. 7 al. 1 let. b, 8, 9 et 14 LRS, conformément aux dispositions générales de
la procédure fédérale, soit notamment de la PA (art. 10 ORSec)393 . Cela implique que l’autorité
compétente doit notifier à l’ARE les décisions rendues en application des dispositions précitées,
mais également les décisions portant sur des autorisations concernant les logements pour lesquels
la restriction d’utilisation a été suspendue (art. 10 al. 2 ORSec). Pour ce dernier point, tous les
permis de construire doivent être notifiés, ce qui comprend ceux relatifs aux transformations et
aux agrandissements, de manière à pouvoir garantir qu’en cas de suspension, aucune modification
de la construction susceptible de compliquer voire empêcher la caducité de la suspension et la
réactivation de la restriction d’utilisation ne puisse avoir lieu394 .
389 Ibid.
390 Fabian Mösching, Fiskalische Massnahmen zur Beschränkung von Zweitwohnungen, in : Jusletter
1er décembre 2014, Rz 17 ss.
391 Dettwiler, SJZ/RSJ 2014/110, p. 3447 et Alain Griffel, Die Umsetzung der Zweitwohnungsinitiative –
eine Zwischenbilanz, in ZBl 2014, p. 79.
392 Voir parmi d’autres, ATF 131 I 333 et 101 Ia 502.
393 Rapport ORSec, p. 8.
394 Rapport ORSec, p. 9.
52
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
3.7.
Exécution
3.7.1.
Autorité de surveillance et obligation d’annoncer
[Rz 106] L’exécution de la LRS incombe aux cantons qui doivent désigner une autorité compétente
en la matière (art. 15 LRS). Cela étant, la responsabilité des cantons à l’égard de la Confédération
subsiste, de sorte qu’ils doivent surveiller la façon dont la LRS est concrètement appliquée395 .
[Rz 107] Dans le cadre de l’exécution par les cantons, il est prévu que l’autorité chargée du contrôle
des habitants dans les communes qui comptent une proportion de résidences secondaires supérieure
à 20 % annonce à l’autorité compétente pour les autorisations de construire les personnes (art. 16
al. 1 LRS) qui changent de logement à l’intérieur de la commune (let. a), quittent la commune
(let. b) ou s’établissent dans une autre commune (let. c) et le registre foncier annonce à l’autorité
compétente en matière d’autorisations de construire l’inscription du transfert de propriété d’un
bien-fonds sis dans une commune dépassant la limite supérieure précitée pour lequel une restriction
d’utilisation au sens de l’art. 7 al. 1 LRS est mentionnée (art. 16 al. 2 LRS). Il est utile de noter que,
selon une jurisprudence récente, il appartient aux autorités compétentes en matière de police des
constructions de vérifier, à l’issue des travaux, le respect de la condition d’utilisation du logement
selon l’affectation annoncée.396 En revanche, le fardeau de la preuve du caractère abusif du projet
incombe à ses opposants397 ou à l’autorité compétente en matière d’autorisations de construire.
Pour le surplus, nous renvoyons à ce qui a été développé ci-avant dans le présent exposé398 .
3.7.2.
Mesures administratives en cas d’utilisation illicite
[Rz 108] L’art. 17 LRS prévoit des mesures en cas d’utilisation illicite, c’est-à-dire non conforme à
la condition d’utilisation fixée comme résidence principale ou comme logement affecté à l’hébergement touristique, sans que les conditions d’une suspension ou d’une modification de la condition
d’utilisation soient réalisées399 . La première mesure consiste pour l’autorité compétente à impartir
un délai au propriétaire compétent pour le rétablissement d’un état conforme au droit en l’assortissant d’une menace d’exécution d’office et de la peine prévue par l’art. 292 du code pénal (CP)
du 21 décembre 1937400 , le propriétaire pouvant cependant solliciter un délai supplémentaire pour
s’exécuter (al. 1). Si le propriétaire ne s’exécute pas, l’autorité compétente interdit l’utilisation du
logement litigieux et ordonne sa mise sous scellés (al. 2). Elle est également habilitée à prendre
les mesures nécessaires au rétablissement d’un état conforme au droit et, notamment, mettre le
logement en location en respectant la restriction d’utilisation au sens de l’art. 7 al. 1 LRS (al. 3)401 .
Enfin, lorsque des membres ou des employés des autorités compétentes en matière de construction
395 FF 2014 2209, 2234.
396 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_240/2014 du 24 octobre 2014 consid. 2.5.
397 Arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2014 du 24 octobre 2014 consid. 2 ; 1C_348/2014 du 20 février 2015
consid. 3 et 1C_542/2014 du 14 août 2015 consid. 3.
398 Voir supra ch. 3.5.1.1.
399 FF 2014 2209, 2236.
400 CP ; RS 311.0.
401 Selon l’art. 18 al. 2 LRS, l’autorité peut même déléguer ces tâches à des tiers. Il est utile de relever que l’art.
18 al. 1 LRS qui confère tous les droits à l’autorité compétente pour rétablir une situation conforme au droit
à la place du propriétaire paraît superfétatoire, dès lors qu’une compétence générale est déjà prévue par l’art.
17 al. 1 LRS.
53
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
apprennent qu’une infraction a été commise, ils sont tenus de la dénoncer sans délai à l’autorité
de surveillance au sens de l’art. 15 LRS (art. 17 al. 4 LRS).
[Rz 109] La possibilité de mise en location paraît très discutable, car elle s’écarte des compétences
traditionnellement dévolues aux cantons et aux communes et ne paraît pas constituer une mesure
ordinairement admise dans le cadre de la réglementation en matière d’aménagement du territoire et
de police des constructions. Au surplus, selon les travaux préparatoires, il s’agit d’une obligation402 ,
alors que la formulation de l’art. 17 al. 3 LRS est potestative (Kannvorschrift), y compris dans
le cadre de l’avant-projet et du projet403 . Si le législateur entendait réellement créer un devoir, il
aurait dû opter pour une formulation différente dans le libellé légal (Mussvorschrift). En définitive,
l’on conçoit mal qu’une collectivité publique se mue en agence de location. Nonobstant, si, malgré
l’absence de devoir dans ce cadre, elle entend mettre en œuvre l’art. 17 al. 3, 2ème phr. LRS, elle
pourra opter pour la délégation de cette tâche à un tiers, en application de l’art. 18 al. 2 LRS.
[Rz 110] Le devoir de signalement prévu par l’art. 17 al. 4 LRS prête également le flanc à la critique,
car il constitue une mesure particulièrement intrusive. Il apparaît en outre disproportionné en
comparaison de ce qui résulte du code de procédure pénale suisse (CPP) du 5 octobre 2007404 ,
qui prévoit une telle obligation de dénoncer uniquement à la charge des autorités pénales, au
demeurant pour des faits qui peuvent s’avérer beaucoup plus graves que ceux visés par les art. 7
ou 12 LRS (art. 302 CPP). Il est cependant vrai que cette incombance suit une tendance amorcée
depuis plusieurs années dans d’autres législations applicables aux bâtiments405 . Le Conseil fédéral
justifie l’introduction de ce devoir par le fait qu’il convient d’éviter que le personnel ne « ferme
les yeux » et de décharger de la décision de dénoncer les personnes qui ont connaissance d’actes
illicites dans leur travail tout en les protégeant contre les tentatives de pression406 . La violation
de l’obligation de signalement est assortie d’une conséquence, à savoir la possible mise en œuvre
d’une procédure pénale pour entrave à l’action pénale au sens de l’art. 305 CP407 .
3.8.
Dispositions pénales
[Rz 111] Pour éviter tout encouragement d’utilisations non conformes, le législateur a introduit des
dispositions prévoyant des sanctions pénales, sur le modèle des délits prévus par l’art. 30 LFAIE408 .
Ainsi, selon l’art. 21 LRS, celui qui, intentionnellement, ne respecte pas une restriction d’utilisation est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al.
402 FF 2014 2209, 2236 et Rapport AP-LRS, p. 13 : « La commune doit mettre ensuite en location le logement
(…) ».
403 Art. 17 al. 3, 2ème phr. LRS : « Elle peut en particulier mettre le logement en location (…). » ; « Sie kann
insbesondere die Wohnung (…) vermieten. » ; « In particolare, può locare l’abitazione (...). ». Voir également
les art. 19 al. 3, 2ème phr. AP-LRS et 18 al. 3, 2ème phr. P-LRS.
404 CPP ; RS 312.0.
405 Voir par exemple, l’art. 24 al. 2 LFAIE. Le MCF cite à titre d’exemple l’art. 22a de la loi fédérale du 14 mars
2000 sur le personnel de la Confédération (LPers ; RS 172.220.1 ; FF 2014 2209, 2236).
406 FF 2014 2209, 2236.
407 Ibid. et Rapport AP-LRS, p. 13. La jurisprudence admet effectivement que l’abstention pour un membre
d’une autorité de dénoncer une infraction, alors que ce devoir est prévu par une disposition légale expresse,
réalise les éléments constitutifs de l’infraction réprimée par l’art. 305 CP (ATF 74 IV 164 = JdT 1948 IV
181 ; ATF 109 IV 46 consid. 2 = JdT 1984 IV 181 ; ATF 120 IV 98 consid. 2c = JdT 1996 IV 45 [infraction
cependant non retenue en l’espèce]).
408 FF 2014 2209, 2237.
54
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
1). La sanction est une peine de 180 jours-amende au plus si l’auteur agit par négligence (al. 2) et
de 90 jours-amende au plus si la restriction d’utilisation est abrogée ultérieurement (al. 3). Cette
dernière mesure paraît applicable tant aux infractions commises de manière intentionnelle qu’à
celles imputables à une négligence. L’art. 22 LRS sanctionne le fait de donner intentionnellement
des indications inexactes ou incomplètes à l’autorité compétente en vue de l’obtention d’une autorisation, d’une suspension ou d’une modification d’une restriction d’utilisation, le fait d’obtenir
frauduleusement une erreur de l’autorité par une peine privative de liberté de trois ans au plus (al.
1). La transmission d’indications inexactes ou incomplètes par négligence est punie d’une peine
pécunaire de 180 jours-amendes au plus (al. 2). Le législateur justifie son choix de prévoir des
délits, c’est-à-dire des sanctions allant au-delà de simples amendes, par le fait qu’une utilisation
non conforme ne constitue pas qu’une « simple pécadille que des propriétaires aisés pourraient
sans autre se permettre », par l’expérience découlant de la pratique dans le cadre de la LFAIE,
qui a démontré que « des sanctions plus clémentes ne sont pas prises au sérieux »409 , et par la
nécessité de permettre de rendre punissables les entreprises si le délit ne peut être imputable à
aucune personne physique déterminée en raison du manque d’organisation de ladite entreprise, en
application de l’art. 102 al. 1 CP410 .
3.9.
Dispositions transitoires et finales
3.9.1.
Sort des autorisations
[Rz 112] Nous avons examiné précédemment dans le cadre du présent exposé que le dispositif
constitutionnel contient un art. 197 ch. 9 Cst., qui sanctionne de nullité les permis de construire
des résidences secondaires délivrés entre le 1er janvier de l’année suivant l’acceptation de l’art. 75b
Cst. et la date d’entrée de ses dispositions d’exécution, et que le Tribunal fédéral a appliqué ce
principe de manière stricte dans sa jurisprudence411 , selon laquelle les permis délivrés entre le 11
mars et le 31 décembre 2012 étaient annulables du fait de l’entrée en vigueur avec effet immédiat
de l’article précité, y compris pour ceux, objets d’une demande avant le 11 mars 2012, les permis
délivrés et non attaqués au cours de la période précitée étaient valables et les permis délivrés après
le 1er janvier 2013 nuls412 .
[Rz 113] La LRS contient plusieurs dispositions transitoires dont le but est de régler le sort des
autorisations de construire non définitives et exécutoires avant l’entrée en vigueur de la loi sur les
résidences secondaires. Ce dispositif est complété par quelques règles de l’ORSec. En schématisant,
les principes sont les suivants :
• la loi sur les résidences secondaires est applicable aux demandes d’autorisation de construire
qui doivent faire l’objet d’une décision de première instance ou qui sont contestées par recours
après son entrée en vigueur, soit le 1er janvier 2016 (art. 25 al. 1 LRS) ;
• les autorisations de construire entrées en force avant le 31 décembre 2012 conformément au droit
cantonal de procédure restent valables, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral
susrappelée (art. 25 al. 4 LRS). Cette règle reprend dans ses principes la jurisprudence rendue
409 Ibid.
410 Rapport AP-LRS, p. 14.
411 Voir supra ch. 1.2.
412 ATF 139 II 243.
55
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
par le Tribunal fédéral, selon laquelle en substance le nouveau droit en matière de résidences
secondaires s’applique aux demandes d’autorisations de construire non encore délivrées413 . En
revanche, les logements concernés ne peuvent faire l’objet d’une autorisation d’agrandissement,
car les permis y relatifs n’ont pas été contestés et annulés s’agissant des dimensions au moment
de l’enquête publique414 ;
• les autorisations de construire entrées en force conformément au droit cantonal de procédure
après le 1er janvier 2013 et jusqu’au 1er janvier 2016415 , date d’entrée en vigueur de la LRS,
restent valables pour autant qu’elles aient été accordées sur la base de l’ORS 2012 (art. 25 al.
5 LRS)416 . Il s’agit principalement des autorisations délivrées en application de l’art. 8 ORS
2012, qui constituait une disposition transitoire417 . En revanche, pour ces logements, aucun
agrandissement n’est possible sous l’empire de la LRS418 ;
• pour les permis de construire délivrés et entrés en force avant le 11 mars 2012 ordonnant un
report d’exécution dans le cadre d’un contingentement, l’autorité compétente peut autoriser
l’exécution dans un délai maximal de deux ans après l’entrée en vigueur de la LRS, soit à
compter du 1er janvier 2016, si le début de l’exécution avait été reporté sans délai ou pour une
période s’achevant au plus tard deux ans après la date précitée (art. 25 al. 2 LRS) ;
• s’agissant des autorisations de construire dans une commune où la proportion de résidences
secondaires descend à 20 % ou en dessous, l’autorité compétente annule, sur requête du propriétaire, les restrictions d’utilisation au sens de l’art. 7 al. 1 LRS, et ordonne au registre foncier
de radier la mention correspondante sur le feuillet de l’immeuble concerné (art. 25 al. 3 LRS).
Il n’y a pas de radiation d’office.419
[Rz 114] En revanche, les dispositions transitoires de la LRS ne traitent pas de plusieurs cas :
• il s’agit tout d’abord des permis délivrés avant le 31 décembre 2012, non contestés, mais
entrés en force après cette date, en raison du délai de recours, l’art. 25 al. 4 LRS ne leur
étant pas applicable, car il ne vise que les autorisations exécutoires avant la date précitée420 .
L’art. 25 al. 5 LRS n’entre pas non plus en ligne de compte, étant précisé qu’il concerne les
autorisations délivrées sous l’empire de l’ORS 2012 et que cette dernière n’était pas en vigueur
avant le 31 décembre 2012421 . Selon un auteur, ces permis doivent cependant être considérés
comme valables, dès lors qu’ils n’ont pas été contestés dans le délai de recours, et que tant
413 FF 2014 2209, 2238. Voir ATF 139 II 263.
414 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 314.
415 RO 2015 5657.
416 Il est utile de relever que l’art. 8 al. 3 ORS 2012 prévoyait la nullité des autorisations de construire délivrées
entre le 1er janvier 2013 et l’abrogation de l’ORS 2012, soit le 31 décembre 2015. Il s’agit donc des permis
qui ont été délivrés en application des restrictions prévues par la réglementation provisoire. Or, nous avons
précédemment examiné que l’ORS 2012 était plus restrictive que la LRS, car elle n’autorisait aucune augmentation de surface d’un logement en résidence secondaire, ce que permet désormais l’art. 11 al. 3 LRS
(voir supra ch. 3.6.2). Dès lors, si une autorisation dans ce sens a été sollicitée puis refusée sous l’empire de
l’ORS 2012 et qu’un recours est pendant au moment de l’entrée en vigueur de la LRS, se pose la question de
la suite à y donner, faute de dispositions transitoires spécifiques. Nous traitons de ce point dans l’examen des
cas non visés par les dispositions transitoires de la LRS.
417 Sur cette disposition, voir supra ch. 1.3.2. Il est à noter que cette disposition a été jugée conforme à la
Constitution (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_580/2014 du 25 novembre 2015 consid. 2).
418 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 314.
419 FF 2014 2209, 2238 et Rapport AP-LRS, p. 14.
420 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 298.
421 Ibid.
56
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
•
•
•
•
l’art. 197 ch. 9 Cst. que la jurisprudence de principe du Tribunal fédéral utilisent le terme
« délivré » pour décider si un permis doit être frappé de nullité après le 1er janvier 2013422 . Il
sied de préciser que les chambres fédérales ont refusé l’ajout d’un alinéa 3bis à l’art. 26 P-LRS
(devenu ensuite l’art. 25 LRS) proposé par la Commission de l’environnement, du territoire et
de l’énergie du Conseil national dont la teneur était la suivante : « La construction de nouvelles
résidences secondaires ou la réaffectation de résidences principales en résidences secondaires
sans restriction d’utilisation au sens de l’article 7 alinéa 1 peuvent être autorisées et réalisées
si la demande d’autorisation a été déposée jusqu’au 31 décembre 2012, quelle que soit la date
de l’entrée en force de la décision de construction. Les demandes de réexamen des projets déjà
évalués peuvent être déposées au plus tard un an après l’entrée en vigueur de la loi. »423 . Cette
proposition aurait eu comme avantage de permettre de valider les demandes de permis déposées
avant le 31 décembre 2012 et de préciser clairement dans la loi que le mode d’habitation de ces
logements était libre, notamment à la résidence secondaire424 ;
doivent également être mentionnés les cas où l’autorité a refusé l’octroi d’un permis de construire
avant le 31 décembre 2012 et dont la décision fait l’objet d’un recours encore pendant à l’entrée
en vigueur de la LRS. Si un tribunal de première instance n’a pas encore statué, l’art. 25 al. 1
LRS pourrait trouver application. Il en va de même si cette autorité a rejeté le recours contre
le refus de délivrance de l’autorisation et que cette décision fait l’objet d’un recours formé
après le 1er janvier 2016. En revanche, qu’en est-il lorsqu’un tribunal de première instance a
statué en maintenant le refus de délivrer l’autorisation et qu’un recours a été formé contre
cette décision ? A notre avis, la LRS n’est pas applicable, seul l’ancien droit pouvant entrer en
considération (art. 25 al. 1 LRS a contrario) ;
enfin, il faut citer le cas spécifique des décisions de refus d’autorisation concernant l’augmentation de la surface d’une résidence secondaire rendues sous l’empire de l’ORS 2012, parce que
cette dernière ne prévoyait pas une telle possibilité, et qui ne sont pas définitives et exécutoires
au moment de l’entrée en vigueur de la LRS. Ce qui a été développé ci-avant est également
applicable dans cette configuration, étant rappelé qu’il reste possible pour le propriétaire d’un
immeuble frappé d’une telle restriction, de se fonder sur l’art. 11 al. 3 LRS pour obtenir du
registre foncier la radiation de la mention ad hoc425 ;
même si l’art. 10 LRS ne le prévoit pas expressément, il paraît logique que le mode d’habitation
des logements construits sur la base de permis délivrés après le 11 mars 2012 soit libre426 ;
s’agissant des autorisations grevant d’une charge de restriction d’utilisation rendue en application de l’art. 8 ORS 2012, un auteur préconise l’application par analogie des art. 11 al. 1
et 2 LRS et 25 al. 4 et 5 LRS, cas échéant, en renversant la présomption de restriction par la
production des autorisations entrées en force.427
422 Bianchi, RNRF 96/2015, pp. 298–299. Voir Arrêt du Tribunal fédéral 1C_457/2014 du 3 octobre 2014.
423 BOCN 2015 75 ; BOCE 2015 115 : intervention du Conseiller aux Etats Ivo Bischofberger ; BOCN 2015 308-
309.
424 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 298.
425 Voir supra ch. 6.3.2 et les références citées.
426 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 313.
427 Bianchi, RNRF 96/2015, pp. 313–314.
57
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
3.9.2.
Plans d’affectations spéciaux
[Rz 115] La LRS contient également des dispositions transitoires concernant les plans d’affectation
dans les communes dépassant la limite maximale de 20 % de résidences secondaires, dont l’art.
26 LRS prevoit que des autorisations de construire peuvent être délivrées sur la base des plans
d’affectation qui entrent dans son champ d’application, même après l’entrée en vigueur de la loi428 .
En pratique, cette disposition risque de poser plus de problèmes qu’elle va en résoudre.
[Rz 116] Selon son alinéa 1, les logements qui sont prévus par un plan d’affectation spécial lié à
un projet et destiné pour une part essentielle au moins à la construction de résidences secondaires
peuvent être autorisées sans restriction d’utilisation au sens de l’art. 7 al. 1 LRS si ce plan est entré
en force avant le 11 mars 2012 et règle les éléments essentiels de l’autorisation de construire tels que
l’emplacement, la disposition, les dimensions et l’aspect des constructions et des installations, ainsi
que leur mode et indice d’utilisation. Cela implique que de tels plans doivent avoir été approuvés de
manière définitive avant l’entrée en vigueur de l’art. 75b Cst., laquelle est intervenue le jour même
de son acceptation par le peuple et par les cantons429 , porter sur un projet concret et constituer
un état de fait découlant de l’ancien droit430 . Sur le fond, il s’agit de plans fixant précisément
les détails de la réalisation architecturale et, partant, présentant toutes les caractéristiques d’une
décision préalable, ce qui exclut les plans contenant des schémas très généraux sans un lien avec
un projet de construction431 . Cette assimilation conduit à protéger les propriétaires dans la même
mesure que s’ils étaient au bénéfice d’une autorisation de construire délivrée avant le 11 mars 2012,
à condition toutefois que la planification de détail soit en elle-même conforme à la réglementation
sur l’aménagement du territoire432 .
[Rz 117] La loi et son ordonnance d’exécution ne précisent pas davantage le champ d’application
de l’art. 26 LRS. Il apppartiendra aux autorités compétentes de statuer dans chaque cas d’espèce.
L’article précité ne contient pas non plus d’information concernant les autorisations de construire
délivrées après l’entrée en vigueur de la LRS sur la base de plans d’affectation spéciaux liés à un
projet, à un simple stade d’esquisse, au bénéfice le 11 mars 2012 d’une simple décision d’approbation
n’étant entrée en force qu’à une date ultérieure, le législateur ayant laissé le soin aux autorités
administratives et judiciaires compétentes de statuer dans chaque situation concrète, en examinant
notamment si la confiance en la stabilité de plans devenus définitifs et exécutoires après le 11 mars
2012 mérite protection433 . Le législateur a posé cependant deux jalons qui devraient guider la
réflexion des autorités. Tout d’abord, ne devraient pas bénéficier d’une telle protection les plans
qui ont subi d’importantes modifications en procédure de recours après le 11 mars 2012. Ensuite,
le poids accordé à la confiance dans la stabilité de plans spéciaux d’affectation se relativise au
fur et à mesure de l’allongement du temps écoulé depuis l’entrée en vigueur de celui-ci434 . Cette
remarque est pour la moins suprenante dans la mesure où le législateur entend viser les plans non
428 FF 2014 2209, 2237–2238.
429 FF 2014 2209, 2237.
430 Ibid.
431 Ibid et arrêts du Tribunal fédéral 1C_508/2014 du 30 juillet 2015 consid. 2.2 et 1C_580/2014 du 25 no-
vembre 2015 consid. 2.2. Les arrêts se réfèrent expressément à l’art. 26 LRS, toutefois non applicable aux
cas d’espèce.
432 Arrêts précités.
433 FF 2014 2209, 2238.
434 Ibid.
58
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
encore entrés en force au moment de l’entrée en vigueur de la LRS. Il ne faudrait cependant pas
en déduire que l’autorité doit privilégier les plans selon un ordre déchronologique qui prendrait fin
au 1er janvier 2016, même si la jurisprudence rendue en application de l’ORS 2012 précise qu’une
planification trop ancienne ne saurait fonder un droit à une autorisation435 .
[Rz 118] L’art. 26 al. 2 LRS autorise les modifications des plans pour autant qu’elles n’entraînent
pas d’augmentation de la proportion des logements sans restriction d’utilisation au sens de l’art. 7
al. 1 LRS ou de la proportion des surfaces utiles principales liées436 à de tels logements. Il s’est agi
ici pour le législateur de permettre d’adapter les plans aux circonstances, en particulier d’apporter
des améliorations à un projet437 . L’art. 11 al. 3 LRS, qui permet l’agrandissement des logements
créés selon l’ancien droit au maximum de 30 % des surfaces utiles principales dans la zone à bâtir
et selon les maxima arrêtés hors de cette zone, ne trouve pas application dans ce cadre438 .
3.9.3.
Préavis donnés avant le 18 décembre 2007
[Rz 119] L’art. 27 LRS, qui est à l’origine une proposition de la Commission de l’environnement,
du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats (art. 24a P-LRS)439 , permet de délivrer des
autorisations de construire un nouveau logement, indépendamment des conditions posées à l’art.
7 al. 2 et aux art. 8, 9 ou 26 LRS, et sans restriction au sens de l’art. 7 al. 1 LRS, aux conditions
suivantes :
• l’autorité compétente pour les autorisations de construire a, avant le 18 décembre 2007, donné
à une demande préalable suffisamment détaillée une réponse écrite qui a pour objet les éléments
essentiels de l’autorisation de construire au sens de l’art. 26 al. 1 let. b LRS et affirme que le
projet peut obtenir une autorisation (let. a). L’enquête doit avoir été suffisamment détaillée,
ce qui implique que l’autorité concernée doit s’être trouvée en mesure de se prononcer sur les
éléments essentiels de l’autorisation de construire de l’art. 27 al. 1 let. b LRS. La date du 18
décembre 2007 correspond au dépôt de la demande de l’Initative « Weber » à la Chancellerie fédérale, la commission précitée ayant estimé qu’un changement de la situation juridique
déterminante en ce qui concerne la construction de résidences secondaires n’est plus justifié à
compter de cette date440 ;
• l’autorisation de construire n’a pu être délivrée avant le 11 mars 2012 au motif que le propriétaire a été, sans faute de sa part, dans l’empêchement de déposer à temps la demande
d’autorisation (let. b). Le manquement doit être directement imputable au requérant, de sorte
que ce dernier peut invoquer par exemple des raisons familiales ou financières pour justifier
son retard441 ;
435 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_42/2014 du 16 septembre 2014 consid. 2.4.
436 Voir la définition donnée sous ch. 3.6.2 supra.
437 FF 2014 2209, 2238.
438 Bianchi, RNRF 96/2015, p. 314.
439 BOCE 2014 970.
440 Ibid. Voir les explications du Conseiller aux Etats Ivo Bischofberger. Voir également FF 2008 7893.
441 Ibid.
59
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
• les autres conditions d’octroi de l’autorisation de construire sont remplies (let. c). Sont notamment visées ici les règles applicables en matière de planification territoriale tant cantonales que
communales442 .
[Rz 120] Selon nous, vu la formulation du libellé légal, ces trois conditions sont cumulatives. Le but
de cet article est de traiter de manière similaire les projets de constructions visés par l’art. 26 LRS,
c’est-à-dire ayant fait l’objet d’un plan spécial d’affectation entré en force avant le 11 mars 2012 avec
ceux objet d’un tel plan non encore définitif et exécutoire. Dans certaines circonstances, notamment
si les autorités compétentes ont défini les conditions et exigences pertinentes d’un projet, dans le
cadre d’une enquête préliminaire détaillée, des projets simples de constructions comprenant des
résidences secondaires peuvent encore être réalisés443 . Cette règle tend donc essentiellement à
assurer une certaine forme de sécurité juridique à l’égard des demandes de permis de construire
qui ont reçu un préavis positif de l’autorité compétente, sans que cette dernière n’ait pu être en
mesure de délivrer l’autorisation avant le 11 mars 2012. Plus particulièrement, il s’agit en quelque
sorte d’une transposition dans une loi du principe de la bonne foi de l’administration, selon lequel
en substance l’autorité qui fait une promesse, donne une information ou une assurance ou a un
comportement créant certaines expectatives doit honorer sa promesse ou satisfaire les expectatives
créées, si elle a agi dans un cas concret et à l’égard d’une personne déterminée, dans le cadre de sa
compétence444 , dès lors que le législateur a introduit une forme de garantie dans la loi que celle-ci
ne sera pas modifiée ou sera maintenue telle quelle pendant un certain temps, créant ainsi une
forme de droits acquis445 .
3.9.4.
Présomption du dépassement de la limite de 20 %
[Rz 121] Les dispositions transitoires de la LRS sont complétées par l’art. 11 ORSec qui prévoit que,
jusqu’au 31 mars 2017, il est présumé que dans les communes mentionnées dans l’annexe de ladite
ordonnnance, la part de résidences secondaires est supérieure à 20 % (al. 1). Cette présomption
est réfragable, dès lors que ces communes peuvent apporter la preuve que la part de résidences
secondaires est inférieure à la limite susmentionnée (al. 2). Cette preuve peut être apportée selon
les modalités de la notice explicative ad hoc de l’ARE446 .
[Rz 122] L’annexe de l’ORSec pendant la période transitoire courant jusqu’au 31 mars 2017 est
reliée à l’annexe de l’ORS 2012, actualisée pour la dernière fois en automne 2015447 .
442 Ibid.
443 Ibid.
444 Voir parmi d’autres décisions, ATF 106 V 65 consid. 3 et 121 V 165 consid. 4. Dans le même sens, mais
s’agissant de l’ORS 2012, voir arrêts du Tribunal fédéral 1C_508/2014 du 30 juillet 2015 consid. 2.2 et
1C_580/2014 du 25 novembre 2015 consid. 2.2 : « Cette disposition tend notamment à protéger la bonne
foi du propriétaire, lorsque celui-ci peut se prévaloir d’une mesure de planification antérieure suffisamment
précise pour équivaloir à une autorisation de construire ».
445 ATF 101 Ia 443 consid. 2 ; 102 Ia 331 consid. 3b ; 103 Ia 197 consid. 4 et 128 II 112 consid. 10b/aa.
446 Ce document, actuellement en cours de révision, est disponible sour le lien URL suivant : http://www.are.
admin.ch/themen/raumplanung/00236/04094/index.html?lang=fr (consulté le 30 décembre 2015). Voir supra
ch. 3.2.2.2.
447 Rapport ORSec, p. 9.
60
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
4.
Bilan et perspective
[Rz 123] Le célèbre adage de Blaise Pascal, selon lequel « Le cœur a ses raisons que la raison
ne connaît point », peut servir à illustrer la problématique de la réglementation sur les résidences
secondaires. L’art. 75b Cst. est le cœur, parce qu’il a été pensé par une association de protection de
la nature de manière schématique et pas toujours claire, sans régime d’exception ou d’atténuation
pour les régions dont l’activité économique repose en grande partie sur le tourisme, et adopté
par un corps électoral très sensible à la préservation des paysages, en particulier alpins, dans le
cadre d’une approche réactive, qui pourrait certes se justifier dans certains cas, étant précisé qu’il
n’est pas contesté que les résidences secondaires génèrent des effets indésirables dans certaines
communes. Les débats ont ainsi été portés sur le terrain sensible des sentiments sans beaucoup
d’égards aux conséquences pratiques.
[Rz 124] La loi sur les résidences secondaires et son ordonnance d’application jouent plutôt le rôle
de la raison. Issue d’un compromis politique, la réglementation d’exécution de la norme constitutionnelle en respecte l’esprit.
[Rz 125] A la forme, la loi pose de sérieux problèmes de compréhension, étant rappelé que de
nombreux concepts auraient dû faire l’objet de définitions formelles et que certaines obligations
auxquelles se réfèrent les travaux préparatoires auraient gagné à figurer expressis verbis dans le
texte légal. Certaines notions sont compliquées et peu utilisées en pratique. Ainsi, par exemple, le
législateur se réfère à la notion d’établissement d’hébergement organisé qui prête à confusion avec
le concept de logement affecté à l’hébergement touristique. Fort heureusement, l’ordonnance sur
les résidences secondaires définit de manière plus précise la seconde notion.
[Rz 126] Sur le fond, il convient de relever que la législation respecte dans les grandes lignes l’interdiction de principe de construction de résidences secondaires dans les communes ayant atteint
le plafond constitutionnel de 20 %, tout en ménageant quelques exceptions assorties de conditions restrictives, étant rappelé que sont seuls admis comme résidences secondaires les nouveaux
logements affectés à l’hébergement touristique, les logements mis à disposition dans le cadre d’établissements d’hébergement organisés et les logements créés dans des bâtiments protégés à la seule
fin de préservation de ces derniers. Une ouverture est également prévue pour les résidences principales mises en vente et n’ayant pas trouvé preneur. Enfin, les droits acquis sont maintenus, même
si les dispositions transitoires ne régissent pas l’ensemble des situations et problèmes qui pourraient
se poser.
[Rz 127] La législation accentue encore le transfert de compétences en matière de planification
territoriale des cantons à la Confédération et suit une tendance à la centralisation dans ce domaine
initiée déjà depuis plusieurs années. Paradoxalement, elle crée de nouvelles tâches d’exécution et
de contrôle à la charge des cantons et des communes sans toutefois définir de manière précise les
moyens à mettre en œuvre, ce qui ne manque pas de créer des incertitudes. Deux choses sont
cependant certaines : tout d’abord, compte tenu de la complexité de la nouvelle réglementation
et des exigences qu’elle pose, il y a lieu de craindre une augmentation importante de la charge
de travail administratif des autorités compétentes en matière d’autorisation de construire et en
particulier des communes. Ensuite, vu l’insuffisance de dispositions précises de mise en œuvre à
l’attention des autorités susmentionnées, l’on peut redouter un certain flottement dans la pratique,
à tout le moins pendant les premiers mois d’application de la LRS et de l’ORSec. Compte tenu de
ce qui précède, le législateur aurait peut-être dû appointer une date d’entrée en vigueur ultérieure
au 1er janvier 2016 de manière à laisser le temps aux cantons d’adopter une réglementation de
61
David Equey, Résidences secondaires : de l’Initiative « Weber » à la législation et à la réglementation
d’application, in : Jusletter 8. Februar 2016
mise en œuvre de la législation fédérale, d’autant que l’ORS 2012 et la jurisprudence rendue en
application de cette dernière et de l’art. 75b Cst. ont permis de dissiper une partie de l’insécurité
juridique qui prévalait avant le 1er janvier 2013. Cela nous amène, en guise de conclusion, à rappeler
le proverbe selon lequel « Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. ».
David Equey, Docteur en droit – DEA/CAS droit, HEC, IPSC nouvelles technologies – DEA/CAS
Académie suisse de la magistrature – titulaire du brevet d’avocat.
L’auteur travaille comme chef du Service juridique de la Fédération vaudoise des entrepreneurs. Il
ne s’exprime ici qu’en son nom personnel et ne saurait engager l’entité précitée par ses propos. Il
tient ici à exprimer ses remerciements à Mme Patricia Pereira, juriste, pour les recherches effectuées
en vue de la rédaction de la présente contribution.
La présente contribution prend en compte l’état des textes légaux et de la jurisprudence au 31
janvier 2016.
62

Documents pareils