Les pépites cachées du luxe à la française

JUILLET 11
JOUR DE FRANCE
Bimestriel
53 RUE DU CHEMIN VERT
92100 BOULOGNE-BILLANCOURT - 01 46 10 21 21
Surface approx. (cm²) : 1980
N° de page : 48-51
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Les pépites cachées
du luxe à la française
Ces petites maisons qui veulent sortir de l'ombre.
valeurs essentielles du luxe une intransigeance sur la qualité et l'authenticité
du produit, la valorisation des savoir
faire artisanaux intègres dans le proces
sus de fabrication et aussi l'image de la
France
Les valeurs d'authenticité
En 1990 lorsque Edmond Cohen
devient proprietaire de De Fursac,
PME nee dans la Creuse en 1973,
c'est pour opérer une cure de rajeunissement en repositionnant l'entreprise
de prêt-à-porter masculin sur le haut
de gamme Ce virage strategique a
grand renfort de spots publicitaires met
tant en scène le basketteur Tony
Parker coûte cher, 7,6 millions
d'euros de budget communication
entre 2004 et 2007 Tellement cher
qu'en décembre 2006, De Fursac
Dans le luxe, le made in
France justifie un écart cfe
prix raisonnable. »
est placée en redressement judiciaire
Pour autant, nen n'est perdu, à condition de miser sur les fondamentaux qui
caractérisent les produits de la marque
(qualité des tissus et respect du savoirfaire des tailleurs traditionnels), et le
co branding Edmond Cohen a en effet
toujours privilégie les partenariats avec
les plus grands tisseurs italiens, Loro
Piana, Albmi sans oublier le filateur
Lamficio Cerruti
En place depuis plusieurs saisons,
ce partenariat vient d'être renforcé par
un accord d'exclusivité «C'est la première fois depuis 1980 que cette maison développe des qualités exclusives
pour une marque Et nous sommes fiers
qu'elle ait choisi De Fursac», se félicite
Vincent Viard, directeur adjoint de De
Fursac «Cerruti nous donne acces a des
qualites de tissu incomparables » Un
gage de qualité renforcé par le maintien
Gérard Friess, DG de Descamps
Petites maisons de luxe mais grand savoir-faire
P
our la France, le luxe représente une vitrine mcom
parable a l'export autant
qu'un vrai moteur de croissance Sur les 270 marques
de prestige, 130 sont françaises et totalisent un tiers du chiffre d'affaires mondial estime à 180 milliards d'euros «Le
luxe est un art de vivre qui est en train
de devenir une formidable machine
a cash», déclare Jean Marc Gaucher,
president de Repetto Alors, pour se
positionner sur un secteur concurrentiel,
les petites marques se recentrent sur les
TOURNAIRE
1418688200503/GJD/OTO/2
De Fursac s'alloue les
services de Guillaume
Lemiel, designer de talent
La collection s'inspire de
figures du cinéma, comme
Steve McQueen ou Paul
Newman.
Chaussures,
ballerines, maroquinerie.
la proximité du centre
de production permet à
Repetto de renouveler
en permanence ses
collections.
Eléments de recherche : PHILIPPE TOURNAIRE : artiste joaillier, toutes citations
Connue pour la finesse
des motifs et la perfection
des finitions de couture,
Descamps propose des
collections raffinées et
sensuelles de linge de
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d'opérations artisanales intégrées dans
le processus de fabrication des costumes. «Le fuit de réunir cette modernité dans les coupes et ces qualités de
tissu me semble un caractère assez,
unique de ce créneau. Aujourd'hui, les
consommateurs ont envie de revenir à
des produits de valeur, réalisés dans
de belles matières, sans, pour autant
être trop classiques», analyse Vincent
Viard. L'an dernier, l'entreprise a d'ailleurs enregistré un «résultat positif»,
ce qui devrait lui permettre d'ouvrir
16 concessions. Présente aux Galeries
Lafayette, aux Printemps et chez SO
multimarques, elle compte également
6 magasins en propre. À soixante-deux
ans, Edmond Cohen, encore des projets
plein la tête, est fier de sa marque qui
séduit une clientèle de moins de trentecinq ans attirée par un produit mode
aux matières italiennes proposé à un
prix accessible, 600 euros le costume,
95 euros la chemise.
Les spécificités
du made in France
Autre retournement, en février
dernier lorsque le tribunal de
Bobigny valide l'offre de reprise du
«.am,**,-s,».* -N- «•
groupe de linge de maison Descamps
présentée par le fonds d'investissement Astrance Capital. Incapable dc
s'adapter aux mutations du marché,
l'entreprise de linge de maison, qui
comprend la marque Descamps et Jalla,
s'est enfoncée peu à peu dans le rouge.
Spécialiste des marques et des licences
de luxe, le nouveau directeur général,
Gérard Friess, entend s'appuyer sur le
{( Le luxe est un art cfe vivre,
cela ne peut se résumer à
une machine à cash. ))
Jean-Marc Gaucher,
président de Repetto
~M:^S^ft<fcl^^fi^T§£sJ&Mâfe^^f^''%"^3'1F1"™ijf^iyâ?ëfe*S^iS«3ii*SS'"
"^is^^«^MMjfc
Les montres Leroy remettent à l'heure Besançon w
ovembre2010,
ovembre 2010, la
maison française de
haute horlogerie Leroy,
créée en 1751, implante à
nouveaj ses ateliers à
Besançon, 57 ans après
son retrait de la capitale
franc-comtoise. «Cette
démarche donne du
sens etde la légitimité à
notre marque», commente
Guillaume Tnpet, directeur
général. Rachetée en 2004 par
Miguel Rodriguez, propriétaire de
Festina, la maison a sauvegarde
son fond d'archives en élaborant
une stratégie de redéploiement.
Forte de son observatoire de
certification chronométrique et
de son savoir-faire historique,
N
TOURNAIRE
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Besançon
Besancon s'est imposée comme
source motrice du renouveau de la
maison de haute horlogerie. «Les
démarches pour s'y installer
ont été compliquées, il a fallu
convaincre les autorités
locales du bien-fondé
cle notre stratégie. Nous
souhaitons réinstaller notre
marque pour faire rayonner à
nouveau le savoir-faire bisontin,
le cœur et l'âme de l'horlogerie
française. Pour aller au bout de
notre démarche, il fallait réimplanter
nos ateliers ici plutôt qu 'en
Suisse où cela aurait été pourtant
beaucoup plus simple", précise
Guillaume Tnpet. L'authenticité et la
valorisation des racines historiques,
autant d'atouts exclusifs dont
bénéficient les montres Leroy.
Lerov. «La
plupart des collectionneurs ne se
contentent plus aujourd'hui de la
qualité ou de l'esthétique du produit,
il faut qu'il y ait une très forte liaison
avec l'histoire de la marque»,
analyse-t-il.
D'ici 2015, la maison prévoit
d'atteindre une production annuelle
de plus 1.000 pièces. Les plus
modestes seront vendues
environ 25.000 euros.
«Aujourd'hui, nous devons
freiner nos ouvertures
faute de répondre à la demande»,
reconnaît le directeur général. La
maison Leroy entend pourtant bien
ouvrir 10 points de vente en 2011,
en Europe, en Chine, à Hong Kong,
à Singapour, ai Moyen-Orient et
Eléments de recherche : PHILIPPE TOURNAIRE : artiste joaillier, toutes citations
'*
aux ÉtatsI Unis. «Nous
aurons réussi notre pari le jour où
d'autres grandes maisons de haute
horlogerie opteront pour Besançon»,
conclut-il. Espérons que, dans le
sillage de Leroy, le mouvement
s'amplifie.
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Les Ateliers d'Art de France
sortent de l'ombre
S
i la France est
reconnue dans le
monde entier pour
son incroyable richesse des
compétences artisanales,
ces dernieres demeurent
méconnues et peu valorisées
à l'intérieur de nos frontières
Lin paradoxe qui s'explique par
un eparpillement de statuts
juridiques des entreprises et
une absence préjudiciable
de structuration politique des
•métiers d'art «Les élements
• ete structuration sont très
récents Nous sommes un
secteur oublié, il n'y a pas de
catégories spécifiques dans
les chambres des metiers
m d'observatoire pour nous
dénombrer», regrette Serge
Nicole, président d'Ateliers
d Art de France Créée en
1868, cette organisation, qui
regroupe 5 400 entreprises
et à promouvoir cette filière
«i 'image des metiers d'art
esttres valorisee pour le pays
maîs elle est cantonnée aux
industries du luxe L'absence
d'identification du secteur
a également permis à des
stéréotypes de s'installer et les
30 000 entreprises de création
se sont développées sans
reconnaissance», poursuit-il
Pour ces artisans, l'heure
est a I entrepreneuriat en
transformant leur savoir-faire
en marque reconnue ll s'agit
également de s'affranchir des
commandes des maisons
deluxe Et pour cause, la
nécessité de rendements
élevés imposée par le secteur
du luxe contraint les artisans
à reduire leurs f rais tout en
se pliant aux variations du
marche «Les entreprises qui
sous-traitent avec l'industrie
du luxe sont
en grandes
difficultés,
faute de
professionnelles de métiers
valorisation ll y a une absence
«d'art, s'attache à accompagner de fierté manifeste chez ces
artisans» Pour le groupement
professionnel, priorité est
donnee a la communication
«/Vous représentons les valeurs
qui sont portées parles métiers
d'art celles d'authenticité et
d enracinement culturel. Ce
que nous proposons d'offrir en
tant qu 'entreprise de création,
c'est davantage que l'industrie
du luxe avec des produits
uniques et f arts
sur mesure La valorisation
globale du secteur est
essentielle pour assurer la
pérennisation du tissu artisanal
en France», analyse Serge
Nicole A ces fins, la région Ilede-France a adopte en 2009
un plan filiere des industries
créatives Le programme qui
s'articule autour des axes de
developpement, de la vente, de
^fabrication etde l'innovation,
s'adresse à plus de 38 DOO
salaries 4 millions d'euros
sont consacrés à ce plan
plunannuel Sans même parler
du grand projet de l'hôtel de la
Marine, place de la Concorde
à Paris
*(ept
savoir-faire français pour asseoir sa
stratégie de redéploiement. «L'usine
de Régn\ (Loire) est la dernière unité
française de fabrication d'épongés qui
emploie une centaine de personnes.
Puisque je me suis engagé à sauver
des emplois français, je me dois d'aligner la stratégie au bon niveau de
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gamme», détaille M. Friess. Désormais,
Descamps se positionne sur le secteur haut de gamme-luxe, Jalla sur le
milieu-haut de gamme. «Notre usine de
production a baissé ses coûts en un an :
elle est 25% plus chère qu'en Asie, au
lieu de 50% au préalable. Cet écart est
presque devenu acceptable pour que du
Eléments de recherche : PHILIPPE TOURNAIRE : artiste joaillier, toutes citations
made in France justifie, dans le luxe,
d'avoir la souplesse, le savoir-faire et
un écart de prix raisonnable», détaille
Gérard Fness. Le groupe entend investir
1,5 million d'euros dans son unité de
production pour réduire à terme l'écart
entre 10 et 15% avec la production
asiatique.
De son côté, Repetto, marque spécialisée dans l'univers de la danse, a
tout misé sur le retour en vogue de la
ballerine made in France. En valonsant
le savoir-faire exclusif du cousu-retourné qui signe la facture des ballerines, la
marque a puisé en cette spécificité technique l'essence de son succès. «À mon
arrivée en 1999,l'entreprise perdait 1,5
million d'euros par an pour un chiffre
d'affaires de 5,5 millions d'euros.
Pour être cohérent avec les racines
de la marque et la structure interne
de l'entreprise, je me devais de nous
positionner dans l'univers du luxe»,
explique Jean-Marc Gaucher, président
de Repetto En dix ans, Repetto a multiplié sa marge par 2,5 pour dépasser la
barre des 30 millions d'euros de chiffre
d'affaires «Le fait de produire en
France nous permet de renouveler en
permanence nos produits tous les deux
mois. Au-delà des performances économiques, l'entreprise a une responsabilité sociale vis-à-vis de son personnel.
Puisque nous avons ensemble relevé
le challenge, il est naturel de créer
des emplois en France», insiste JeanMarc Gaucher ex-manager de Reebok.
La marque prévoit ainsi la création
de 150 emplois d'ici quatre ans en
quadruplant sa capacité de production
journalière afin d'assouvir ses perspectives de développement D'ailleurs,
l'homme d'afi
Dh I-R VM* LJ
faires entend
J. JLL-JJJUJiJJ:
bien pérenniser
le savoir-faire
de l'entreprise
en ouvrant sa
propre école de
formation d'ici
la fin de l'année.
BF.IJJ-5IIU.iOV>
» Belles Régions de France,
un magazine qui valorise
le savoir-faire.
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Tournaire, le joaillier de Montbrisson multiplie les boutiques
trouver des solutions différentes»
confie-t-il En 1984, Philippe
Tournaire ouvre sa 1ere boutique
accolée a son atelier a Montbnson
Line prise de risque qui s'inscrit
dans la logique entrepreneuriat
du createur «Le monde du bijou,
ce sont des dessinateurs dans
un coin et des réalisateurs dans
es boutiques Philippe
Tournaire ressemblent a
un voyage initiatique au
sem d'un univers unique façonne
depuis plusieurs décennies,
transgressant les genres et
dépoussiérant l'image de la haute
joaillerie Ici, le bijou s'apparente
a une œuvre d'art, fruit d'une
indéfectible passion «J'ai la
chance de faire ce que j'aime
J'ai choisi ce metier sans
savoir qu'un jour je serai place
Vendôme», confie Philippe
Tournaire «Je n'ai jamais rève
de faire fortune, c'est pourquoi
je n'hésite jamais a investir
dans des machines pour armer
a realiser ce dont j'ai envie
Ma passion, c'est de faire des
bijoux» L'homme dégage
une modestie confondante
l'apanage de ceux qui ont trace
leur voie lom des sentiers battus
L'aventure a debute dans un
petit village situe dans la Loire
Diplôme en electronique Philippe
Tournaire se tourne tres vite vers la
joaillerie pour assouvir sa passion
100% autodidacte, l'homme
s échine a inverter des collections,
toujours avec le perpétuel souci
d originalité «Si jai désormais un
style identifiable dans le monde
de la joaillerie, c'est grâce a ces
annees de labeur Mon luxe a ete
d'avoir du temps pour travailler et
L
un autre Pour moi, ce mode
d'opération ne peut fonctionner
En dehors des matières premieres,
j'ai toujours choisi I independance
pourne
dépendre de
personne, pas
même de soustraitants Du
concept à la fabrication jusqu'à la
vente directe dans les boutiques,
tout est fait en interne C'est
capital de garder ce lien avec la
Étendre son réseau
de distribution
D'ailleurs, et pour consolider la filière industrielle tricolore,
le gouvernement espère valoriser
la labcllisation du made in France.
En obtenant en mars 2010 le précieux label «Entreprise du patrimoine
Vivant» décerne par le ministère du
Commerce et de l'Industrie, l'enseigne normande Guy Degrenne prévoit le dé\eloppcmcnt de son réseau
de points de vente Fort d'un chiffre
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clientele» commente-t-il Sa
renommée dépasse tres vite les
frontieres locales et la marque
s'implante a Lyon puis a Paris
avec 2 boutiques, dont une située
sur la prestigieuse place
Vendôme depuis 2000
Pour rester créatif,
d'une
equipe de 25 personnes en
érigeant les valeurs humaines
comme pilier fondamental de
l'entreprise D ailleurs, il n hésite
d'affaires de plus de 83 millions
d'euros, ce fabricant de produits d'art
de la table et de la cuisine envisage
ainsi l'ouverture d'une dizaine de
franchises, notamment à l'mternational, une stratégie de redéploiement
prisée des maisons de luxe «D'ici
cinq ans, l'export représentera 20 à
30% de notre chiffre d'affaires», analyse Gérard Fness, directeur genéral
du groupe Descamps. Chez Repetto,
«l'export représente aujourd'hui
un peu plus de la moitié de notre
chiffre. Ce n 'est pas suffisant car la
pas a transmettre ses techniques
auprès des membres de son
atelier afin de pérenniser un
savoir-faire recompense par
de nombreux labels, dont celui
«d'Entreprise du patrimoine
Vivant» S'appuyant sur un
' savoir-faire authentique
, et la maîtrise complète du
processus de production, la
marque séduit une clientele de
plus en plus friande d'originalité
et d'authenticité «Les techniques
évoluant, nous pouvons
produire en France a des coûts
raisonnables, sans intermédiaires
et avec des circuits courts Cela
nous permet une meilleure
reactivite face aux demandes
individualisées»
En 2010, la maison a réalise un
chiffre d'affaires de 4 millions
d'euros et enregistre une
progression de 10% par rapport a
l'exercice précèdent Pour 2011,
l'ouverture d'une 5™e boutique
est prévue a Lyon et la marque
entend developper un reseau
d'une dizaine de revendeurs a
l'étranger «L'objectif est d'assurer
la pérennité du groupe J'aimerais
que le systeme garde les valeurs
quej ai mises en place et que
l'essaye de préserve/», insiste le
createur Nul doute que ce souhait
ne soit grave en lettres d'or dans la
culture de I entreprise
France n'intervient que dans 3% de
l'économie mondiale», indique JeanMarc Gaucher L'Europe, le MoyenOrient et l'Asie demeurent les principaux marchés ciblés par les maisons
de luxe En 2010, selon le comité Colbert, plus dc 2.500 points de
vente, dont 122 boutiques en propre,
assurent la présence du luxe français
au Moyen-Orient. Quant à la Chine,
c'est sans doute la prochaine étape dc
ces pépites jonchées dans l'ombre des
géants, PPR ct LVMH en tete
»
Nicolas Lacombe
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