Aaron : « La nuit, on est connecté à l`autre »
Transcription
Aaron : « La nuit, on est connecté à l`autre »
Vendredi 25, samedi 26 et dimanche 27 septembre 2015 l’Humanité 29 Culture&Savoirs Musique ALbUM Aaron : « La nuit, on est connecté à l’autre » Cyril Mokaiesh à nu dans Naufragés Le duo formé par Simon Buret et Olivier Coursier sort We cut the night. Un album aux ambiances de clair-obscur, dont la pop hypnotique dessine des paysages nocturnes invitant à la rêverie. Son nouvel album rend hommage à Allain Leprest, Daniel Darc, Bernard Dimey, Philippe Léotard… I Simon et Olivier parlent de lâcher prise, de place à trouver dans la masse à propos de leur album. photo B. guay/afp D ans la bulle d’Aaron, il y a toutes sortes de rêves et de voyages nocturnes. We Cut the night, le nouvel album (Wagram Music/Cinq 7) du duo emmené par Simon Buret et OIivier Coursier, dessine des paysages hypnotiques qui nous renvoient à nos solitudes urbaines et aux désirs de s’échapper du réel pour des espaces où l’on pourrait se sentir libre. Aaron parvient ainsi à se renouveler en étant à l’origine d’une musique qui n’a de cesse de vouloir traverser les murs qui nous entourent : « Pour la pochette, on a travaillé sur l’idée du passe-muraille, confie Simon, avec cette notion de couper la nuit, le silence. Quel que soit l’état physique de chacun, la psyché est ailleurs. Nous somme reliés par des fils invisibles. » « C’est un album très minéral pour nous » We Cut the night évolue dans des tons de clair-obscur et de paysages lunaires. Un univers spatial où le sombre l’emporte sur la lumière. Simon et Olivier parviennent toutefois à échapper au spleen par la grâce d’une pop électro qui ne dédaigne par le dancefloor. Un registre dansant qui aide à traverser la nuit sur un mode relativement mélancolique. La nuit ? « C’est le moment où le masque social tombe, soulignent les membres d’Aa- ron. Il y a une magie dans la nuit que que l’on ressent, mise en lumière par les l’homme n’a toujours pas comprise. On deux musiciens dont les sculptures sonores se sent seul au monde et en même temps s’inspirent du monde et de la nature : connecté à l’autre. Il y a une certaine heure « C’est un album très minéral pour nous », où tout bascule et où les gens sont 100 % soulignent-ils. Quant aux musiques aux eux-mêmes. C’est comme si on était da- contours atmosphériques d’Olivier, elles s’accompagnent des textes de Simon qui vantage disponible. » Simon et Olivier parlent de renaissance, font écho à ses lectures : « J’ai découvert de lâcher prise, de place à trouver dans des auteurs qui m’ont bouleversé comme la masse et de mouvement à propos de Tomsas Tranströmer (poète écrivain leur troisième album : « On avait cette suédois) ou Walt Whitman (poète volonté, avec Olivier, qu’il y ait américain) qui ramènent les plusieurs niveaux de lecture, émotions à des choses très dit Simon. Que l’on puisse terrestres. Cela m’a l’écouter soit très bas soit influencé dans mon millions, très fort pour danser, écriture. À partir du c’est le nombre l’important, c’est qu’on moment où on comde personnes ayant puisse être rattrapé par prend que l’on fait parvisionné le clip Lili, le son. » Leur écriture tie d’un tout, que la qui les a fait cinématographique leur nature est là, on est connaître. a valu de figurer au géconnecté à ces chosesnérique du film Je vais bien, là. » Et à un univers qui ne t’en fais pas de Philippe Lioret, nous emporte vers un imagiavec la chanson U-Turn (Lili) que le naire très poétique. À l’image des réalisateur du film avait sélectionnée pour paroles de l’acteur John Malkovitch, la bande originale. Après les précédents devenu l’incarnation de We cut opus, Artificial Animals Riding on Neverland the Night pour les besoins du clip du et Birds in the Storm, Aaron poursuit sa titre Blouson noir : « Parce que le monde route porté par cette philosophie qui veut ne nous appartient pas/ Parce que nous que tout est « transformable », à com- sommes des poèmes sur les trottoirs / mencer par nos propres sentiments. D’où Parce que nous ne sommes rien/Nous sa volonté d’explorer une pop qui « se sommes égaux/ Nous sommes des reconnecte à quelque chose qui appartient miroirs/Nous déchiquetons la nuit. » à celui qui écoute, à son centre ». Le risque Victor Hache était que tout cela paraisse trop cérébral, mais au final, c’est une notion d’espace Concert à l’Olympia, le 25 novembre. 6,6 l fallait du cran pour aller à la rencontre de ces artistes aux destins brisés qui ont tout mis dans leurs chansons, leurs tourments comme leur passion. Cyril Mokaiesh, accompagné du pianiste de jazz Giovanni Mirabassi, n’a pas hésité à s’emparer des chansons de ces Naufragés, auxquels il rend hommage dans un album (chez Sony Music) dense et sensible porté par une voix où se mêlent la retenue, la rage et la foi dans l’univers de ces écorchés de la vie. « Ils ont tous une fêlure et une plume majestueuse », confie Cyril Mokaiesh. Depuis ses débuts en 2001 et ses deux premiers albums, Du rouge et des passions et L’amour qui s’invente, le chanteur est à l’origine d’un univers poétique, à l’écriture ciselée marquée par un souffle dans l’interprétation, qui bouscule le paysage de la chanson. On ne s’étonne pas qu’il ait eu envie de mettre en lumière ses aînés à « l’existence dévastée », qui n’avaient pas leur pareil pour exprimer la douleur et la beauté des sentiments : « Ça a commencé il y a trois ans lorsque j’ai découvert, tardivement, Allain Leprest », dit-il. Cyril a passé des heures à écouter et parler chanson française avec Giovanni Mirabassi. Il lui a fait découvrir Jacques Debronckart et la sublime chanson Écoutez, vous ne m’écoutez pas qui ouvre l’album ainsi que Vladimir Vissotski, dont il chante Rien ne va. Il y a Lonesome Piéton (Philippe Léotard), les Enfants rouges (Mano Solo), Nu (Allain Leprest), Des idiots comme moi (Daniel Darc) ou Parler aux anges (Pierre Vassiliu) : « Je ne les ai pas connus, mais je ne pense pas qu’on puisse mentir quand on écrit de telles chansons. J’ai trouvé chez eux la poésie qui me touche. Ces gens-là ont en commun d’avoir vécu ce qu’ils écrivent et d’avoir pris le risque de se mettre à mal. » Des Naufragés qui au fond lui ressemblent : « La mélancolie, la tendresse, la rage, le cri… sont des choses qui me suivent depuis quelques années et me nourrissent. Je n’ai pas choisi ces auteurs par hasard. » Des auteurs au parcours chaotique qui « constituent une confrérie secrète, une conspiration de rêveurs ivres et désespérés » dont Bertrand Dicale retrace les trajectoires fascinantes et romanesques dans un beau livre qui accompagne l’album, dans lequel on se plonge avec délice. V. H. Concert : salle Nijinski, théâtre du Châtelet, à Paris, du 6 au 17 octobre.