Zazie dans le métro et la traduction du langage de Queneau
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Zazie dans le métro et la traduction du langage de Queneau
Komantradwuir ? Zazie dans le métro et la traduction du langage de Queneau Mémoire de fin d’études Heaven-Lee Roskam (3114333) Université d’Utrecht Master « Vertalen » Juin 2010 Sous la direction de prof. dr. M.B. van Buuren 0 Table des matières Introduction ……………………………………………………………….. p.3 Chapitre I : Queneau, la langue et le langage …………………………….…………….. p.5 1.1. Queneau et ses idées sur la langue ……………………………. p.5 1.2. Le langage dans Zazie dans le métro …………………………. p.11 Chapitre II : Les théories sur la traduction de la langue parlée et la méthode d’analyse ... p.16 2.1. La langue parlée : un problème de traduction …………………. p.16 2.2. Méthode d’analyse du langage ………………………………… p.21 Chapitre III : L’analyse du vocabulaire dans Zazie dans le métro ……………………….. p.24 3.1. Le vocabulaire familier ………………………………………... p.24 3.2. L’abréviation de mots …………………………………………. p.29 3.3. L’argot …………………………………………………………. p.31 3.4. Les gros mots et le vocabulaire vulgaire ………………………. p.33 3.5. Les langues étrangères …………………………………………. p.36 3.6. Les néologismes ………………………………………………... p.38 3.7. L’importance du vocabulaire …………………………………... p.41 Chapitre IV : L’analyse de l’orthographe dans Zazie dans le métro ……………………… p.42 4.1. La transcription du langage parlé ……………………………… p.42 4.2. L’abréviation …………………………………………………... p.46 4.3 La liaison ……………………………………………………….. p.48 4.4. Les coagulations phonétiques ………………………………….. p.49 4.5. Les langues étrangères et l’orthographe modifiée ……………. p.52 4.6. La réforme de l’orthographe dans son ensemble ………………. p.52 1 Chapitre V : La traduction du vocabulaire ……………………………………………….. p.54 5.1. La traduction du vocabulaire familier …………………………. p.55 5.2. La traduction des abréviations ………………………………… p.57 5.3. Comment traduire l’argot ? …………………………………….. p.58 5.4. La traduction de gros mots ……………………………………... p.60 5.5. Les langues étrangères : traduire ou ne pas traduire ? …………. p.63 5.6. Les néologismes : un plaisir de les traduire ? ………………….. p.64 5.7. La traduction du vocabulaire dans sa totalité ………………….. p.65 Chapitre VI : La traduction de l’orthographe modifiée …………………………………… p.67 6.1. De la transcription du français parlé à celle du néerlandais parlé p.67 6.2. La traduction de l’abréviation de mots ………………………… p.69 6.3. La traduction de la liaison ……………………………………… p.71 6.4. La traduction des coagulations phonétiques …………………… p.72 6.5. La traduction des mots étrangers à l’orthographe modifiée …… p.74 6.6. La réforme de l’orthographe dans la traduction néerlandaise …. p.75 Conclusion ………………………………………………………………….. p.77 Bibliographie ……………………………………………………………….. p.80 Annexes ……………………………………………………………………... p.83 2 Introduction On ne peut soigner la France sans lui dire : « Tire ta langue » Elle la tire. Moi, je la trouve un peu blanchâtre. Ces sacrés habits verts la soignent mal. Il faudrait qu’elle soit un peu plus rose, cette langue. Un peu plus rose – au moins.1 C’est par ces mots éloquents que l’écrivain et l’un des co-fondateurs de l’Ouvroir de Littérature Potentielle, Raymond Queneau (1903-1976)2 conclut un de ses articles sur la langue française. La citation montre que la langue française est très importante pour Queneau et qu’il n’est pas d’accord avec la manière dont les membres de l’Académie française la traitent. Ils essayent, selon lui, de faire survivre une langue morte, car d’après Queneau le français académique est mort, mais il a ‘un rejeton qui est le français parlé vivant’.3 Ce français parlé est une nouvelle langue, qui est encore ‘une chrysalide’.4 L’écrivain explique que la naissance de cette langue n’est pas facile : ‘Le cocon est dur a percer.’5 Dans les romans de Queneau la nouvelle langue sort de sa chrysalide. Dans Zazie dans le métro (1959), Queneau se sert de cette langue vivante, qu’il appelle le néo-français. Il utilise différentes types de langage et il y applique toutes ses idées sur la langue. Dès sa parution, Zazie dans le métro connaît un succès. En 1960, le livre fut porté à l’écran par Louis Malle6 et Clément Oubrerie en a fait une bande dessinée qui a paru en 2008.7 Du 15 septembre 2009 au 9 janvier 2010, on a même célébré l’anniversaire de Zazie au Havre, la ville natale de Queneau.8 Et n’oublions pas le grand nombre de traductions de ce roman. Il doit être difficile de bien traduire les différents types de langage que Queneau a utilisés, pourtant beaucoup de traducteurs l’ont essayé et cela nous amène au sujet de cette recherche. 1 Queneau, Raymond. ‘Langage académique’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.52 Tellier, Hervé le. ‘Raymond Queneau’ Ouvroir de Littérature Potentielle – 21.06.2010 http://www.oulipo.net/oulipiens/RQ 3 Queneau, Raymond. ‘Écrit en 1955’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.74 4 Ibidem, p.66 5 Ibidem 6 ‘Zazie dans le métro de Louis Malle’ La France au Canada : Ambassade de France – 21.06.2010 http://www.ambafrance-ca.org/spip.php?article3034 7 ‘Catalogues’ Les Éditions Gallimard – 21.06.2010 http://www.gallimard.fr/ 8 ‘Bon anniversaire Zazie’ Apibeursdé touillou Zazie ! 50 ans Zazie dans le métro de Raymond Queneau – 21.06.2010 http://www.ville-lehavre.fr/zazie/Index.html 2 3 Dans cette recherche, nous voudrions examiner le langage typique dans Zazie dans le métro et nous aimerons savoir comment ce langage peut être traduit en néerlandais. Nous examinerons cela en plusieurs étapes. Dans le premier chapitre, nous discuterons des idées de Queneau sur la langue et le langage. Nous verrons entres autres que Queneau encourage une triple réforme, à savoir la réforme du vocabulaire, la réforme de l’orthographe et la réforme de la syntaxe. Ce sont ces réformes qui doivent donner à la nouvelle langue, qui est basée sur la langue parlée, le statut d’une langue autonome. Ensuite, nous examinerons de quelle manière nous pouvons retrouver ces théories sur la langue dans Zazie dans le métro. Au deuxième chapitre, nous traiterons deux théories sur la traduction de la langue parlée dans des textes littéraires, qui peuvent nous donner une idée de ce qui est important pour la traduction du français parlé. De cette façon, nous saurons à quels aspects nous devons faire attention pendant l’analyse du roman. De plus, nous établirons une méthode d’analyse dans ce chapitre, que nous utiliserons pour analyser le vocabulaire et l’orthographe du livre. Les différents types de vocabulaire seront divisés en plusieurs catégories, ainsi que les différentes types de la modification de l’orthographe. Ces catégories se trouvent dans les annexes de cette recherche et doivent être consultées pour pouvoir bien comprendre les chapitres d’analyse et les chapitres qui portent sur la traduction. Le troisième chapitre consiste de l’analyse du vocabulaire dans Zazie. Nous parlerons des types de vocabulaire les plus importants et nous traiterons les particularités de toutes ces catégories. Cette analyse devra nous aider à regarder d’un œil critique la traduction néerlandaise de Jenny Tuin. Au quatrième chapitre nous ferrons la même chose avec l’orthographe modifiée que Queneau utilise dans son roman. Nous examinerons les différentes types de la modification de l’orthographe. Au cinquième chapitre, nous étudierons la traduction du vocabulaire à l’aide de ce que nous avons constaté dans le troisième chapitre. Le sixième et dernier chapitre porte sur la traduction de l’orthographe, que nous traiterons à l’aide des résultats de l’analyse au quatrième chapitre. Nous traiterons les points forts et les points faibles de la traduction de Jenny Tuin et nous donnerons quelques suggestions pour améliorer la traduction. En effet, la recherche comporte donc deux chapitres théoriques, deux chapitres d’analyse et deux chapitres sur la traduction néerlandaise. Il faut que toutes ces parties nous donnent la possibilité de répondre à la question centrale : Quelles sont les caractéristiques du langage typique dans Zazie dans le métro, comment ce langage a-t-il été traduit en néerlandais par Jenny Tuin et quelles sont les conséquences de la traduction ? 4 Chapitre I Queneau, la langue et le langage ‘Chez Queneau, tout commence par le langage’9, dit Carol Sanders dans son livre sur Raymond Queneau. Elle n’avait pas pu l’exprimer d’une façon plus incisive, parce que l’œuvre de Queneau et ses idées sur la langue et le langage sont indissolublement liés l’un avec l’autre. L’écrivain est fasciné par la richesse de la langue et surtout par la langue parlée et les différents types de langage. Il encourage même une nouvelle langue qui doit naître du français parlé. Dans ce chapitre, nous allons d’abord traiter les idées de Queneau sur la langue et le langage, et ensuite nous allons parler du langage dans Zazie dans le métro et la manière dont l’auteur a appliqué ses théories dans ce roman. 1.1. Queneau et ses idées sur la langue La langue et surtout les différents langages jouent un rôle primordial dans l’œuvre de Raymond Queneau. Il a non seulement intégré ses idées sur la langue et le langage dans ses romans, mais il a également écrit un certain nombre d’articles plus ou moins scientifiques, dans lesquels il présente son opinion sur le développement de la langue française et ses différentes formes. Ces articles sont réunis dans le recueil Bâtons, chiffres et lettres. Les articles les plus intéressants portent les titres ‘Écrit en 1937’ et ‘Écrit en 1955’. Dans le premier article, Queneau nous informe que dès son enfance il s’est intéressé aux langues étrangères et au langage populaire, qu’il a commencé à connaître par les Pieds Nickelés, une série de bande dessinée pleine d’argot, dessinée par Louis Forton et publiée dans le journal l’Épatant,10 et par la lecture d’Henri Monnier et Jehan Rictus.11 Queneau explique que cet intérêt aux langues étrangères, et très probablement aussi l’intérêt qu’il porte au langage populaire, lui a ‘sans doute fait considérer très tôt le français parlé comme un langage différent (très différent) du français écrit’.12 Il va même plus loin en disant que le français écrit et le français parlé sont deux langues différentes. Dans ‘Écrit en 1955’ Queneau explique qu’il y a deux langues en France, à savoir la langue qu’on enseigne et qui est protégée par des institutions officiels comme l’Académie française, et la langue parlée ou bien 9 Sanders, Carol. Raymond Queneau. Amsterdam: Rodopi, 1994. p.7 Chevrier, Matthieu. ‘L’Histoire des Pieds Nickelés’ Les Pieds Nickelés - 06.04.2010 http://matthieu.chevrier.free.fr/bio.html 11 Queneau, Raymond. ‘Écrit en 1937’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.11 12 Ibidem, p.12 10 5 la langue populaire.13 La première langue est alors le français écrit, Queneau la caractérise comme la langue ‘qui, vers le XVe siècle, a remplacé le « francien »’.14 La deuxième langue, le français parlé, est beaucoup plus moderne et Queneau lui donne le statut de langue à part et l’appelle le néo-français.15 C’est ce néo-français qu’il met en avant dans ses articles et qu’il utilise dans ses romans. Mais qu’est-ce que ce néo-français ? D’après Queneau, c’est une nouvelle langue ‘qui n’existe pas encore et qui demande à naître’.16 Mais comment peut-il alors parler d’une France bilingue où il y a le français ‘académique’ et le néo-français ? C’est que d’une part le néo-français existe déjà, parce qu’en fait c’est le français tel que les Français le parlent, mais d’autre part il n’existe pas encore, parce qu’il n’existe pas sur papier et il n’a pas le même statut que le français ‘académique’. C’était l’objectif de Queneau ‘d’aider le français parlé à accéder au statut de langue autonome.’17 Dans son article ‘Connaissez-vous le chinook ?’, il explique que pour faire en sorte que le néo-français puisse devenir une langue véritable, il faut que les philosophes et les savants écrivent des textes, sur n’importe quel phénomène, en néofrançais.18 Il faut donc que la nouvelle langue commence à s’écrire et pour pouvoir réaliser cela on a besoin d’une réforme du français traditionnel. Queneau : Pour passer du français écrit ancien […] qui ne fait que se survivre, à un français moderne écrit, au troisième français, correspondant à la langue réellement parlée, il faut opérer une triple réforme, ou révolution : l’une concerne le vocabulaire, la seconde la syntaxe, la troisième l’orthographe.19 En ce qui concerne la réforme du vocabulaire, Queneau ne donne qu’une petite impression de ce qu’il entend par cela. Il ne faut surtout pas remplacer le français par l’argot, parce que, ditil en 1937, l’argot ‘n’est point une langue, mais un vocabulaire en transformation’.20 En 1955 par contre, il dit exactement le contraire : ‘l’argot, langue comme une autre, langue à part, et qui a ses puristes. Il n’y a pas plus puriste que l’argotier’.21 Il a donc changé d’avis en ce qui concerne le statut de l’argot, mais pourtant il maintient son opinion qu’il ne faut pas remplacer le français par l’argot, car ce type de langage existe déjà. De plus, le français qu’on 13 Queneau, Raymond. ‘Écrit en 1955’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.66 Ibidem 15 Ibidem 16 Ibidem 17 Sanders, p.8 18 Queneau, Raymond. ‘Connaissez-vous le chinook ?’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.59, 63. 19 Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.19 20 Ibidem 21 Queneau. ‘Écrit en 1955’. p.70 14 6 parle est plus que cela. L’argot en fait partie, donc on le retrouve dans le néo-français et dans les romans de Queneau, mais ce n’est qu’un seul de tant d’éléments de la langue nouvelle. En matière du vocabulaire, Queneau ajoute encore qu’il y a une place pour des néologismes, des fantaisies et des inventions personnelles, mais que ce sont ‘des questions secondaires qui se résoudront d’elles-mêmes’.22 Tout porte à croire qu’il défend la libre invention et qu’il est d’avis que l’inventeur peut lui-même décider comment son invention s’écrit. Ceci est un peu curieux, quand on tient compte de ce que Queneau écrit plus tard, à savoir que le néo-français est une nouvelle langue, qu’on doit écrire correctement.23 Le dernier phénomène mentionné par Queneau quand il parle de la réforme du vocabulaire, c’est la ‘francisation des termes étrangers’.24 En effet, ceci n’est pas seulement un phénomène qui tombe dans la catégorie de la réforme du vocabulaire. C’est que la francisation des termes étrangers est aussi liée au changement d’orthographe. D’une part, il y a des mots étrangers qui ont été traduits en français, comme le mot français ‘ordinateur’ qui est la traduction du mot anglais ‘computer’. Une telle forme de francisation appartient donc effectivement à la réforme du vocabulaire. D’autre part, il y a des mots étrangers qui ne sont pas traduits, mais dont on a tout simplement changé l’orthographe originelle. Un exemple est la francisation du mot anglais américain ‘disc jockey’ qui est devenu en français ‘disque-jockey’. La francisation de termes étrangers est alors à la fois liée à la réforme du vocabulaire et à celle de l’orthographe. La deuxième réforme qui sera donc nécessaire est la réforme de la syntaxe, parce que la syntaxe du français parlé n’est pas la même que celle du français écrit. Dans ‘Écrit en 1937’ Queneau dit que cette révolution est déjà faite par Louis-Ferdinand Céline ; ‘il suffit d’oser de nouveau’.25 Cela ne nous donne aucune idée de cette structure différente, mais heureusement Queneau donne une explication plus précise dans son article ‘Connaissez-vous le chinook ?’. Il y réfère à Vendryes, un linguiste français qui a comparé la structure du français parlé avec celle du chinook.26 Le chinook est une langue indienne avec une structure très particulière. En fait, on peut couper une phrase chinook en deux parties, dont la première partie comporte toutes les indications grammaticales, les morphèmes, et la seconde partie consiste de données concrètes, les sémantèmes.27 En français écrit on ne retrouve jamais une telle structure, mais c’est une construction très fréquente en français parlé. Pour illustrer la syntaxe chinook, Queneau donne entre autres l’exemple suivant : ‘Il l’a-t-i jamais attrapé, le gendarme, son 22 Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.19 Queneau. ‘Écrit en 1955’. p.67 24 Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.19 25 Ibidem, p.19 26 Queneau. ‘Connaissez-vous le chinook ?’, p.57 27 Ibidem 23 7 voleur ?’.28 D’après Queneau, la première partie de l’énoncé, ‘Il l’a-t-i jamais’, ne donne que des indications grammaticales, tandis que la deuxième partie est plus concrète.29 Suivant la théorie de Queneau, qui dit que les indications grammaticales sont des morphèmes et que les données concrètes sont des sémantèmes, on pourrait donc diviser la phrase comme suit : Il l’a-t-i jamais Morphèmes attrapé, le gendarme, son voleur ? Sémantèmes Pourtant, une telle division n’est pas correcte. ‘Jamais’ n’est par exemple pas un morphème. En effet, toutes les deux parties comportent des sémantèmes et des morphèmes. Il serait mieux de couper la phrase après le mot ‘attrapé’ et non pas avant, car de cette manière on obtient une première partie qui consiste de l’acte et une seconde partie qui comporte les actants, c’est-à-dire la personne qui fait l’acte (le sujet) et la personne qui subit l’acte (le complément d’objet direct). Une telle division de la phrase est beaucoup plus logique que celle faite par Queneau. Malgré la confusion en ce qui concerne la description de la structure exacte de la phrase chinook, il est clair qu’en français classique une telle phrase aurait une autre structure, à savoir la suivante : ‘Le gendarme n’a-t-il jamais attrapé son voleur ?’. Sanders explique dans son livre sur Queneau, qu’une telle phrase est plus neutre que la phrase qui a la syntaxe chinook. La phrase chinook ‘offre des possibilités plus grandes d’expressivité (coupures pour insérer des interjections, intonation plus variée)’.30 La syntaxe du néo-français se distingue donc vraiment de celle du français classique. Queneau a même dit qu’il lui semblerait intéressant de traduire des textes écrits en néo-français, en y appliquant la structure de la phrase parlée.31 Le fait qu’il pense qu’on peut faire une traduction en néo-français, souligne encore une fois qu’il voit le néo-français comme une langue à part. La dernière réforme, celle de l’orthographe, est très importante, parce que c’est surtout cette réforme qui pourrait nous montrer le plus clairement que le français et le néo-français diffèrent fortement l’un de l’autre. Queneau : ‘Si l’on réaliserait chez nous une réforme complète de l’orthographe, la différence de ces deux français éclaterait à tous les yeux.’32 Queneau est un grand partisan d’une réforme de l’orthographe, mais il sait bien qu’il y a beaucoup de personnes qui n’en veulent rien entendre. Dans son article ‘Écrit en 1955’, il cite 28 Queneau. ‘Connaissez-vous le chinook ?’, p.57-58 Ibidem, p.58 30 Sanders, p.13 31 Queneau. ‘Connaissez-vous le chinook ?, p.58 32 Queneau. ‘Écrit en 1937’, p.14 29 8 quelques réactions sur le rapport de la Commission de réforme de l’orthographe, qui a été approuvé, à l’unanimité, par le Conseil supérieur de l’Éducation nationale, en 1952.33 Ce sont tous des défenseurs de l’orthographe actuelle qui appellent la réforme un ‘danger national’.34 Queneau n’est absolument pas d’accord avec les gens qui s’opposent à la réforme et pour renforcer son propre point de vue, il souligne que ce ne serait pas la première réforme de l’orthographe française : ‘Et s’ils ont modifié l’orthographe de Corneille et de Voltaire, pourquoi ne modifieraient-ils pas la leur, laquelle est absurde ?’35 D’après Queneau, l’orthographe n’est qu’un système absurde, qui est chaotique et complètement arbitraire.36 Rien de sacré qu’on ne peut pas toucher alors. Pour mieux illustrer l’idée qu’il a sur l’orthographe, Queneau cite Ronsard qui a dit : ‘Tu éviteras toute orthographe superflue et ne mettras aucunes lettres en tels mots si tu ne les prononces en lisant.’37 Queneau est complètement d’accord avec cela et en 1937 il avait déjà proposé de changer l’alphabet, parce qu’il comprend des lettres qu’on ne prononce jamais, donc on n’en a pas besoin. Sa proposition : … on pourrait employer l’alphabet : a, â, b, d, e, é, è, ê, f, g (toujours dur), i, j, k, l, m, n, o, ô, p, r, s (toujours ç, ss), t, u, v, y, z, ch, gn, ou, an, in, on en observant cette règle que toute lettre se prononce, et sans jamais changer de valeur, quelle que soit sa position.38 De cette manière il n’y a plus de superfluités et en outre, ‘téatre’ est aussi beau que ‘théâtre’.39 Tout semble donc être bien réglé. On n’écrit que ce qu’on prononce, c’est-à-dire on utilise une notation phonétique. Pourtant, il y a un problème : ‘Quelle prononciation notera-t-on ?’40 Faut-il fixer comme norme la prononciation du Nord ou celle du Midi ? Qu’est qu’on fait avec les dialectes ? Y a-t-il un sociolecte qui est préférable ? Queneau ne donne pas de réponse à de telles questions, mais il est évident qu’il faut trouver une solution pour ce problème. Comme Queneau a expliqué en 1937, la réforme de l’orthographe doit absolument être accomplie, de manière à ce que la nouvelle langue peut atteindre le statut de langue autonome et qu’une nouvelle poésie peut naître. Il souligne que ‘sans notation correcte du 33 ‘Un bref aperçu de l’évolution de l’orthographe française’ Orthographe recommandée – 11.04.10 http://www.orthographe-recommandee.info/pourquoi_1.htm 34 Queneau. ‘Écrit en 1955’, p.75 35 Ibidem, p.77 36 Ibidem, p.79 37 Ibidem 38 Queneau. ‘Écrit en 1937’, p.22 39 Queneau. ‘Écrit en 1955’, p.76 40 Ibidem, p.84 9 français parlé, il sera impossible (il sera himpossible) au poète de prendre conscience de rythmes authentiques, de sonorités exactes, de la véritable musique du langage.’41 Avant d’entamer l’étude du rôle de la langue et des différents langages dans le roman Zazie dans le métro, il est encore important de traiter un aspect du néo-français dont nous n’avons pas encore parlé, mais qui est quand même présent dans les textes de Queneau. Outre le français écrit et le français parlé, il y a encore une troisième forme, à savoir le français oral qui consiste d’aspects expressifs. Une conversation entre deux personnes n’est pas seulement composée de plusieurs mots ‘plus ou moins organisés en phrases’42, on utilise aussi des gestes, de la mimique, on grogne, on se racle la gorge, on hésite, etc. Tous ces éléments d’une conversation contribuent à la communication et ils ont une valeur sémantique. Ce sont ces aspects de la conversation que Queneau appelle la langue orale, bien que les gestes et la mimique ne soient pas d’éléments oraux. L’étiquette qu’il colle sur ce groupe d’aspects expressifs est donc mal choisi. Un meilleur terme pour cette forme du français serait par exemple le français performatif qui couvre mieux les caractéristiques de ce type de langage, mais pourtant Queneau a choisi d’utiliser ce terme un peu curieux. D’après lui, il y a donc non seulement une différence entre la langue écrite et la langue parlée, mais aussi entre le parlé et l’oral. Queneau : ‘le langage oral remplaçant les formes syntaxiques de l’écrit et même du parlé par des gestes, des inarticulations, des mimiques, une présence.’43 Nous pouvons conclure que le néo-français est une langue à part, dérivée du français parlé à l’aide d’une réforme du vocabulaire, de la syntaxe et de l’orthographe. De plus, la nouvelle langue est aussi liée au français écrit, parce que c’est son orthographe qui doit être réformée, et il ne faut pas oublier les aspects expressifs qui jouent également un rôle. N’oublions pas que Queneau souligne que le néo-français n’existe pas encore, mais une fois né de la langue française, les deux langues auront un statut autonome. Queneau : ‘Pour le moment voici un accouchement difficile : la mère se refuse à enfanter, et pourtant l’enfant demande bien à naître !’.44 Dans ce qui suit, on va voir que cette situation a changé dans Zazie dans le métro. 41 Queneau. ‘Écrit en 1937’, p.20 Queneau. ‘Écrit en 1955’, p.87 43 Ibidem, p.88-89 44 Queneau. ‘Écrit en 1937’, p.25 42 10 1.2. Le langage dans Zazie dans le métro La représentation de la langue française comme une mère et le néo-français comme l’enfant de cette langue est repris par Marie-Sophie Armstrong, dans son article ‘Zazie dans le métro and Neo-French’.45 D’après elle, l’idée qu’il y a des liens de famille entre les deux langues est bien présente dans ce roman de Queneau. Armstrong explique que cette idée est cachée dans le nom de la mère de Zazie, qui s’appelle Jeanne Lalochère. On peut couper son nom de famille en deux parties, à savoir ‘Lalo’ et ‘chère’. ‘Lalo’ signifie ‘langue’ en grec et on peut alors dire que ce nom de famille signifie ‘chère langue’. Outre cela, Armstrong renvoie à l’article de 1955, dans lequel Queneau appelle les femmes qui s’opposent à la réforme de l’orthographe du français des Jeanne d’Arc.46 Selon Armstrong, cela montre qu’on peut voir le prénom Jeanne, qui rappelle donc Jeanne d’Arc, comme un signe de ‘Frenchness’.47 Armstrong conclut qu’on pourrait donc lire le nom Jeanne Lalochère comme ‘la chère langue française’.48 Elle est d’avis que cette interprétation du nom de la mère de Zazie est la preuve que la représentation métaphorique, d’une mère et son enfant, est présente dans le roman et elle dit : ‘there is no doubt that as the daughter of Jeanne Lalochère, Zazie is the child of « la chère langue française », i.e., the incarnation of Neo-French.’49 Le néo-français est alors, finalement, né de la langue française et la nouvelle langue est représentée par le personnage de Zazie, mais pouvons-nous en conclure que c’est Zazie qui parle le néo-français et que les personnages qui font partie de la même génération de Jeanne Lalochère parlent le français tel que conseillé par l’Académie française ? D’après Roland Barthes, on peut effectivement parler d’une dichotomie en ce qui concerne le langage dans le roman Zazie dans le métro, mais il ne parle pas, lui, du français par opposition au néo-français, mais d’un langage-objet vs un méta-langage.50 Le langageobjet est le langage utilisé par Zazie et il est caractérisé par Barthes comme le ‘langage qui se fond dans l’action, qui agit les choses, c’est le premier langage transitif, celui dont on peut parler mais qui lui-même transforme plus qu’il ne parle.’51 Fille insolente, Zazie utilise tout le temps l’impératif et l’optatif et Barthes appelle ce type de langage un ‘anti-langage 45 Armstrong, Marie-Sophie. ‘ « Zazie dans le métro » and Neo-French’. Modern Language Studies 22:3 (1992) : p.4-16 46 Queneau. ‘Écrit en 1955’, p.77 47 Armstrong. ‘ « Zazie dans le métro » and Neo-French’, p.5 48 Ibidem 49 Ibidem 50 Barthes, Roland. ‘Zazie et la littérature’ (1959). Essais Critiques. Paris : Éditions du Seuil, 1964. p.125-131 51 Ibidem, p.128 11 triomphant’.52 Cet anti-langage dont Barthes parle est donc directement lié à Zazie, tout comme le néo-français est représenté par Zazie chez Armstrong. Les deux auteurs sont également du même avis que l’opposé du langage zazique est lié aux adultes. Selon Barthes, le méta-langage est un langage des ‘grandes personnes’ et c’est un langage ‘dont on parle, non pas les choses, mais à propos des choses (ou à propos du premier langage)’.53 Barthes n’est pas très positif par rapport au méta-langage, qu’il appelle parasite et immobile.54 Il explique que l’indicatif est son mode le plus courant et que ce langage représente le réel sans le modifier. C’est le méta-langage qui donne au texte un sens complémentaire, par exemple éthique ou sentimental et pour cette raison Barthes l’appelle un chant.55 Il souligne que c’est en ce langage qu’on reconnaît ‘l’être même de la Littérature’.56 En tous cas, les deux types de langage (ou les deux langues) ont un statut différent. S’il s’agit de français et néo-français ou s’il s’agit d’un langage-objet et un méta-langage, ils n’occupent pas la même place dans l’hiérarchie. Le français et le méta-langage sont plus littéraires; le néo-français et le langage-objet sont plus populaires. De plus les différents langages sont utilisés par des groupes différents. De toute façon, la division fait par Armstrong et Barthes est très claire : Zazie Adultes Armstrong néo-français français Barthes langage-objet méta-langage Pourtant, il semble que Barthes se rend bien compte du fait qu’une telle représentation des différents langages dans Zazie dans le métro, donnée dans le tableau ci-dessus, est peut-être trop simple, car Barthes souligne que ‘pour Queneau, le procès du langage est toujours ambigu, jamais clos et que lui-même n’y est pas juge mais partie’.57 En faisant une analyse plus détaillée des types de langage dans ce roman, on voit que c’est en effet beaucoup plus compliqué que le tableau ci-dessus fait penser. Il n’est absolument pas vrai qu’on peut diviser les personnages en groupes qui ont tous leur propre type de langage. Laurent Fourcaut explique que la parole dans Zazie dans le métro est non homogène et que toute cohérence de la parole des personnages est détruite. Il dit : 52 Barthes, p.130 Ibidem, p.128 54 Ibidem 55 Ibidem 56 Ibidem 57 Ibidem, p.130 53 12 On note de constantes ruptures – une des principales sources du comique dans le roman – entre leur être social, culturel et leur discours, du point de vue du niveau de langue et du style …58 Il n’est donc pas vrai qu’un seul personnage utilise un seul type de langage. Même la parole du narrateur n’est pas constante. Fourcaut signale que ‘le niveau de langue du discours du narrateur se calque souvent sur celui des personnages’.59 L’inverse se voit également, quand le style d’un personnage influence le style du narrateur. Un exemple d’une telle ressemblance entre le style du narrateur et celui du personnage est la phrase suivante, qui fait partie du discours du narrateur, mais qui est écrite dans le style grossier de Zazie : ‘Décidément, il était temps de voir la gueule qu’avait le satyre.’60 À cause du fait que Queneau calque le style du personnage, on peut avoir l’impression qu’on voit la scène par les yeux de Zazie, mais ceci n’est pas le cas, parce que dans la phrase suivante on décrit le visage de Zazie à ce moment, alors il n’est pas possible qu’on voit l’histoire du point de vue de Zazie. Fourcaut remarque que ‘la voix du narrateur elle-même, elle surtout, est l’objet de manipulations’61 et qu’elle est comporte des registres et des styles très différents. Malgré le fait qu’il y a tant de langages différents dans le roman, Fourcaut parle également de deux langues : le ‘français savant, momifié’62 et le néo-français, mais chez lui il est évident que ce n’est pas seulement Zazie qui représente le néo-français. Au fond, nous pouvons retrouver cette nouvelle langue partout dans le roman. Les différents langages se trouvent à l’intérieur des deux langues. En lisant Zazie dans le métro, il devient clair que pour ce livre, Queneau a mis en pratique sa théorie sur la réforme de la langue française pour faire naître le néo-français. Ce qui éclate par exemple aux yeux, c’est la réforme de l’orthographe de nombreux mots. La transcription de la prononciation populaire est une des caractéristiques du néo-français de Queneau. Quelques exemples sont : ‘égzagère’ (p.41), ‘quèque chose’ (p.42), ‘escuses’ (p.48) et ‘gzactement’ (p.75). Cette réforme de l’orthographe n’est pas toujours faite d’une manière constante, parce qu’il arrive que nous retrouvons les mêmes mots écrits différemment, dans ce roman. Ce sont des différences d’orthographe éclatantes, comme ‘quèque chose’ et ‘kèkchose’ (p.107), ainsi que des différences plus subtiles, par exemple à la page 55 où 58 Fourcaut, Laurent. ‘Parole et langue: l’authencité perdue’. Queneau. Zazie dans le métro. Paris : Gallimard, 2006. p.242 59 Ibidem, p.243 60 Queneau, Raymond. Zazie dans le métro. Paris: Gallimard, 2006. p.44 61 Fourcaut, p.243 62 Ibidem, p.246 13 Queneau écrit d’abord ‘sacré conarde’ avec un seul ‘n’ et ensuite il l’écrit avec un double ‘n’ ‘sacré connarde’. Sanders pense que ‘la présence des mots orthographiés de façon différente à l’intérieur du même roman, ou de la même phrase, reflète l’hésitation humaine à appréhender de mots nouveaux ou empruntés’.63 En ce qui concerne les exemples d’orthographe différente qu’on a donnés ici, cet argument n’est pas convaincant, parce que ‘quelque chose’ et ‘connarde’ ne sont pas de mots nouveaux. Il est plus probable que Queneau écrit ces mots différemment, parce qu’on les prononce de différentes façons dans la rue. De plus, il est aussi possible que Queneau utilise plusieurs types d’orthographe pour mettre l’accent sur le caractère arbitraire de l’orthographe. La réforme du vocabulaire est également présente dans le roman. Queneau utilise l’argot (par exemple ‘tôle’ et ‘malabar’), des mots qu’il a inventé lui-même (comme ‘euréquation’ et ‘lessivophiles’) et des mots qui appartiennent à une langue étrangère (‘natürlich’). Dans certains cas, la réforme du vocabulaire et celle de l’orthographe sont même combinées, par exemple quand Queneau utilise des mots étrangers qu’il écrit de la manière dont les Français les prononcent : ‘apibeursdè touillou’ (p.153-154). Ceci est en même temps un enrichissement du vocabulaire et une réforme de l’orthographe. Il s’agit ici de la francisation de mots étrangers, dont nous avons déjà parlé dans la première section de ce chapitre. Outre cela, il y a un grand nombre de néologismes qu’on peut retrouver dans le roman, c’est-à-dire les mots que Queneau a inventés lui-même. Ces nouveaux mots contribuent fortement à la réforme du vocabulaire. La dernière réforme, c’est-à-dire la réforme de la syntaxe, est aussi appliquée au livre. On y retrouve la syntaxe chinook, mais aussi d’autres structures qui sont caractéristiques pour la langue parlée, par exemple : ‘Alors ? pourquoi que tu veux l’être institutrice ?’64 Ceci est une structure syntaxique qui appartient à la langue parlée. En français écrit on aurait utilisé la structure suivante : ‘Pourquoi veux-tu être institutrice ?’. Les caractéristiques syntaxiques peuvent donc montrer que l’écrivain utilise la langue parlée dans son roman. Pourtant, il y a des éléments qui montrent plus clairement qu’il s’agit d’un dialogue en langue parlée, à savoir les aspects expressifs. Tous les éléments d’une conversation sont intégrés dans le texte, à la fois à l’aide de la ponctuation et à l’aide de mots entre parenthèses. En ce qui concerne la ponctuation, il s’agit par exemple d’un doublement du point d’interrogation, pour mettre l’accent sur l’étonnement du personnage, ou de l’utilisation de plusieurs points d’exclamation, quand le personnage parle de plus en plus fort ou quand 63 64 Sanders. Raymond Queneau. p.10 Queneau. Zazie dans le métro. p.22 14 l’enthousiasme augmente. Exemple : ‘Et ça ! là-bas !! regarde !!! le Panthéon !!!!’65 Cet exemple montre également qu’on n’utilise pas toujours des phrases complètes. Un autre élément de ponctuation est l’usage de trois points, pour marquer la silence ou une interruption. Pour intégrer une pause dans la conversation, Queneau a trouvé encore une autre manière, ce que montre le fragment suivant : - Comment ça ? Comme ça. Je ne l’ai pas appris par cœur. (Silence) - Vous vous foutez de moi, dit Gridoux.66 Il nomme tout simplement l’élément de la langue orale et le met entre parenthèses. Il fait la même chose avec les gestes (‘Turandot refuse l’offre (geste).67) et les pauses à l’intérieur d’une phrase (‘Hein ? ça te la coupe, ça (pause) petite tête.’68) ou entre deux phrases (‘Lui ? demanda la bourgeoise (un temps). Y a pas de doute.’69). L’intégration de ces éléments de conversation fait en sorte que le dialogue devient plus vivant pour le lecteur. Il suffit d’ajouter le mot ‘geste’ pour animer le texte, pour que le lecteur sache ce que fait le personnage. En tous cas, il est clair que Queneau utilise la langue parlée et les aspects expressifs d’une conversation dans Zazie dans le métro. De plus, la langue écrite est également présente dans le roman, par exemple quand l’écrivain utilise le passé simple, qu’on ne retrouve jamais dans la langue parlée, et quand il utilise un registre plus formel. Tous les éléments et tous les contrastes dont Queneau a parlé dans ses articles sur la langue française et le néo-français se trouvent dans ce livre. Reginald Hyatte, qui a analysé le langage dans Zazie dans le métro, parle même de vingt-neuf sortes de vocabulaire, dont l’argot, des néologismes, des anglicismes, différentes types de realia et des transcriptions phonétiques.70 Bref, Zazie dans le métro est un roman plein de particularités en ce concerne le langage. Tout le livre tourne autour des théories sur la langue de Queneau et il est alors très important que ce grand jeu de langue ne perde pas son caractère spécial quand on le traduit, pour qu’on puisse le lire à l’étranger. Mais quelles sont les conséquences pour la traduction d’un livre si particulier ? Dans le chapitre suivant nous allons traiter des théories sur la traduction de la langue parlée et nous allons élaborer une méthode qui peut nous aider à analyser d’une manière détaillée le langage dans ce roman spéciale. 65 Queneau. Zazie dans le métro. p.85 Ibidem, p.83 67 Ibidem, p.26 68 Ibidem, p.39 69 Ibidem, p.103 70 Hyatte, Reginald. ‘Lexique Zazique : A Lexical Guide to the Reading of Queneau’s Zazie dans le métro’. French Review 56:2 (1982) : p. 295-300 66 15 Chapitre II Les théories sur la traduction de la langue parlée et la méthode d’analyse Dans le chapitre précédent, nous avons vu qu’il y a de nombreux types de langage dans Zazie dans le métro. Queneau utilise le français et le néo-français, la langue écrite et la langue parlée, de l’argot, des néologismes, des transcriptions phonétiques et beaucoup d’autres éléments langagiers. Le fait que le langage dans ce roman n’est pas homogène, ne facilite pas la traduction du livre. De plus, le caractère non homogène du texte complique la description des méthodes et techniques pour faire face à ce problème de traduction. En outre, il n’y a pas beaucoup de théories qui portent sur la traduction de la langue parlée utilisée dans des textes littéraires. Pourtant, il est important de prêter attention aux théories existantes, avant de commencer l’analyse du langage dans Zazie dans le métro. Les théories peuvent nous faire conscient du problème et de cette manière elles nous aident à trouver les éléments les plus importants, pendant l’analyse. Nous avons trouvé deux théories portant sur la traduction de la langue parlée en général, qui peuvent être utiles pour notre recherche. Dans ce chapitre nous allons traiter ces théories et ensuite nous expliquerons quelle est notre méthode d’analyse. 2.1. La langue parlée : un problème de traduction L’un des rares savants qui s’est plongé dans l’étude des problèmes liés à la traduction de la langue parlée dans des textes littéraires, est Kjetil Henjum de l’Université de Bergen en Norvège. Dans son article ‘Gesprochensprachlichkeit als Übersetzungsproblem’71 il parle des caractéristiques de la langue parlée, ainsi que des conséquences pour la traduction de textes en langue parlée. Henjum explique que pour chaque langue, il y a trois types de variation, à savoir la variation diatopique, diastratique et diaphasique.72 La variation diatopique est la variation géographique ou régional.73 Les dialectes et les régiolectes tombent dans cette catégorie, le type de variation qui est le moins présent dans Zazie dans le métro. La variation 71 Henjum, Kjetil. ‘Gesprochensprachlichkeit als Übersetzungsproblem’. Kittel et al. Übersetzung, Translation, Traduction. Berlin: De Gruyter, 2004-2007. p.512-519 72 Ibidem, p.513 73 ‘Glossaire français-anglais de terminologie linguistique’ SIL International – 03.05.2010 http://www.sil.org/linguistics/glossary_fe/glossary_index.asp?searchlang=b&search=v&qual=good&type= 16 diastratique est la variation sociale74 ; dans ce cas il s’agit donc de sociolectes. Et la dernière forme de variation, la variation diaphasique, est aussi connue comme la variation stylistique.75 C’est cette dernière variation qui est utilisé le plus souvent dans notre roman, mais Andreas Blank, qui a écrit un livre sur la ‘Literarisierung von Mündlichkeit’ chez Louis-Ferdinand Céline et Raymond Queneau, est même d’avis que c’est non seulement la variation diaphasique, mais aussi la variation diastratique qui est présent dans le livre.76 Blank : Entsprechend seiner Theorie galt Queneaus Wirken der « Oberflächenstruktur » der Sprache, der Veränderung ihres Erscheinungsbildes. Seine Darstelllung der Lautung bedient sich sowohl einzelsprachlicher Ausprägungen universeller Mündlichkeit sowie diastratisch-diaphasisch markierter Elemente.77 Nous pouvons donc nous attendre à ce que nous retrouverons des éléments stylistiques, ainsi que des éléments langagiers qui ne sont utilisés que par une certaine classe sociale, lors de l’analyse du roman. Avant d’analyser les éléments spécifiques, il faut d’abord avoir une idée de la langue parlée en général. La citation de Blank montre qu’il y a aussi des éléments de la langue parlée qui sont universels. Pour cette raison, nous allons maintenant prêter attention au problème de la traduction de la langue parlée en général. Henjum commence avec l’explication des particularités syntaxiques, phonologiques, sémantiques et les particularités en ce qui concerne la pragmatique textuelle, de la langue parlée.78 Les caractéristiques de la langue parlée sont par exemple l’utilisation de phrases brèves, phrases incomplètes, changements du volume sonore et l’utilisation de mots passepartout (comme ‘chose’ et ‘truc’). Henjum explique qu’il est difficile de mettre par écrit la langue parlée, parce que dans quelle mesure peut-on utiliser un ordre de mots qui combat les normes de syntaxe, sans que le texte devienne incompréhensible ? Combien de mots passepartout peut on utiliser dans un texte écrit, sans que le lecteur commence à s’irriter ? De plus, Henjum est d’avis que l’alphabet ne comporte pas assez de signes pour pouvoir couvrir tous les sons de la langue parlée.79 Dans le premier chapitre, nous avons déjà vu que ce dernier problème n’est pas un problème pour Queneau, parce que d’après lui, l’alphabet comporte trop de lettres. On peut se demander ce que les remarques de Henjum, en ce qui concerne la difficulté de l’écriture de la langue parlée, ont à faire avec cette étude. Queneau l’a déjà fait, 74 ‘Glossaire français-anglais de terminologie linguistique’ SIL International – 03.05.2010 http://www.sil.org/linguistics/glossary_fe/glossary_index.asp?searchlang=b&search=v&qual=good&type= 75 Ibidem 76 Blank, Andreas. Literarisierung von Mündlichkeit : Louis-Ferdinand Céline und Raymond Queneau. Tübingen : Narr, 1991. 77 Ibidem, p.315 78 Henjum, p.513-514 79 Ibidem, p.514 17 alors quel est le problème ? Le problème c’est la traduction. Apparemment il est possible de mettre par écrit le français parlé, mais est-ce qu’on peut faire la même chose avec le néerlandais par exemple ? Ce qui est acceptable en français, ne l’est peut-être pas dans une autre langue. Henjum souligne l’importance de la fonction de la langue parlée dans le texte, parce que ‘die Art und Weise der fingierten Mündlichkeit’80 varie selon la mesure dans laquelle l’écrivain désire utiliser la langue parlée dans son texte. L’objectif de l’écrivain a donc une grande influence sur la complexité du langage du roman et de cette manière aussi sur l’étendue du problème de traduction. On a déjà vu que dans Zazie tout tourne autour du langage, qui a donc une importance énorme dans le roman. Blank affirme ce qu’on a constaté dans le premier chapitre : ‘Auf der Basis sprachwissenschaftlicher und literarischer Einflüsse entwickelte er [Queneau] eine Sprachtheorie, welche er in die Literatur umzusetzen versuchte.’81 Il a voulu innover la langue littéraire par un discours contrastif.82 Vu l’objectif de Queneau et la fonction de la langue parlée, il est alors très important que le traducteur traduit le roman d’une manière minutieuse et il faut absolument qu’il ne laisse pas disparaître l’effet du langage. En ce qui concerne la traduction de la langue parlée dans un texte littéraire, Henjum explique qu’il y a trois questions que le traducteur doit se poser : 1) Le potentiel de signification change-t-il par l’acte de traduction ? 2) Y a-t-il des différences entre les bases de compréhension et les possibilités d’interprétation de l’original et de la traduction ? 3) Aux quels niveaux de texte se manifestent-elles, ces modifications ?83 D’après Henjum, ces questions sont importantes dans le contexte de la fonction de la langue parlée. Plus la fonction est d’une grande importance, moins les différences peuvent être grandes. Henjum mentionne deux problèmes spécifiques, à savoir le rétablissement de l’équivalence connotative et le rétablissement de l’équivalence textuelle normative. Le premier problème, c’est-à-dire les modifications des connotations causées par l’acte de traduction, est lié aux différences entre les systèmes de la langue source et la langue cible. Henjum : ‘Obwohl die Merkmale von Gesprochensprachlichkeit, die übersetzt werden sollen, 80 Henjum, p.515 Blank, p.314 82 Henjum, p.515 83 Ibidem, p.516 81 18 universal sind, decken sich die Systeme der verschiedenen Sprachen nicht eins zu eins’.84 Il est alors possible que la connotation d’un élément du texte original a disparu dans la traduction et ceci est un appauvrissement du texte plus ou moins grave. L’équivalence textuelle normative est lié aux différences entre les normes, les traditions et les conventions littéraires, non-littéraires et stylistiques de la culture source et de la culture cible. Il s’agit par exemple d’asymétries des traditions de discours.85 Le traducteur peut prendre la décision de modifier le style du texte original, parce qu’il ne veut pas dévier des normes de la culture cible. Un tel choix provoque des changements du potentiel de sens du texte.86 De plus, Henjum ajoute que le goût personnel du traducteur joue un rôle dans la traduction. En effet, ceci est toujours le cas ; le choix individuel du traducteur a toujours une certaine influence sur sa traduction. Après tout, il est impossible que deux traducteurs produisent une traduction identique du même texte original. Henjum traite dans son article un certain nombre d’études de cas en ce qui concerne la traduction de la langue parlée. Il parle des choix que les traducteurs ont fait et en fait cela revient à dire que les traducteurs utilisent parfois des méthodes de traduction qui changent le sens ou l’effet du texte original, par exemple parce qu’ils pensent devoir répondre aux normes de la langue cible.87 Ils ont par exemple traduit des phrases grammaticalement incorrectes, par des phrases correctes, parce qu’ils veulent observer les règles grammaticales. Nous avons déjà vu que Queneau utilise entre autres une orthographe modifiée, alors nous savons déjà que le traducteur de Zazie sera confronté à ce problème. Henjum ne parle pas des différentes méthodes et techniques pour la traduction de la langue parlée et il ne donne pas de solutions à ce problème de traduction. Il semble que l’auteur veut tout simplement souligner que le traducteur doit être conscient des caractéristiques de la langue parlée et de la fonction du langage dans le texte. De plus, il faut qu’il cherche une manière de bien traduire la fonction stylistique et il faut qu’il se demande dans quelle mesure il peut combattre les normes de la langue cible, pour ne pas trop s’écarter du style du texte original.88 En 2006, un nouvel article parut dans le magazine néerlandais Onze taal, dans lequel Berthold van Maris traite le même problème de traduction.89 Il explique qu’il n’y a pas mal de 84 Henjum, p.516 Ibidem 86 Ibidem, p.517 87 Henjum, p.517-519 88 Ibidem, p.519 89 Maris, Berthold van. ‘ « Doe effe normaal, oké? » – Het vertalen van spreektaal’. Onze taal : maandblad van het genootschap Onze Taal 75:6 (2006), p.176-178 85 19 romans étrangers dans lesquels on utilise la langue parlée (régionale) ou une langue populaire et qu’il n’est pas vraiment possible de traduire ce langage, mais qu’on l’a fait quand même. Van Maris parle de la manière dont les traducteurs s’attaquent à ce problème et de ce qui peut échouer. Il commence avec un exemple d’une traduction du livre The Shipping News écrit par E. Annie Proulxs, dans lequel l’écrivain utilise le dialecte d’une île canadienne, qui est plein de sons, tournures et mots déviant de l’anglais standard, des déviations qu’on ne retrouve plus dans la traduction. Van Maris appelle le langage dans la traduction une sorte de ‘Algemeen Gesproken Nederlands (AGN)’90 qui ne pose aucun risque pour le traducteur, mais qui a, malheureusement, provoqué que cette traduction a perdu un élément important du roman, à savoir la couleur locale du roman et une partie de l’atmosphère du livre. Van Maris explique qu’il y a aussi des traducteurs qui utilisent une langue parlée qui n’est pas du tout générale, mais qui est à son tour un peu bizarre, parce que d’après lui, c’est un ramassis de ‘spreektaalachtige dingetjes’.91 Ceci donne un résultat artificiel et maladroit. Une troisième manière de traduire un dialecte est l’utilisation de ce que Van Maris appelle le ‘Algemeen Volks Nederlands (AVN)’.92 Ce langage du peuple a des caractéristiques grammaticaux qui ne sont pas toujours bien connus chez les traducteurs, qui ne maîtrisent la langue populaire par exemple pas très bien, parce qu’ils ne sont pas de membres de la classe ouvrière. Van Maris parle de trois types de glissements en ce qui concerne la traduction de la langue parlée. Premièrement, il est possible que le traducteur utilise la langue courante, tandis que dans le texte original l’auteur utilise une langue régionale. Deuxièmement, il y a des traducteurs qui remplacent la langue du peuple par la langue du bourgeoisie et troisièmement, il existent des traductions dans lesquelles la langue parlée est remplacée par la langue écrite.93 Dans tous les cas, le résultat est un nivellement stylistique. Le caractère du roman a partiellement changé par l’acte de traduction et c’est bien dommage. Le remplacement d’un certain type de langage, par un autre langage peut avoir des effets non désirés. Quand on traduit le langage populaire par exemple par le langage courant, la connotation du langage peut changer. C’est que la langue populaire évoque d’autres images que la langue courante. Ce changement de la connotation est un des deux problèmes de la traduction de la langue parlée traités par Henjum, donc apparemment c’est un phénomène important. 90 Maris, p.176 (Traduction littérale de ‘Algemeen Gesproken Nederlands’: ‘néerlandais parlé général’) Ibidem 92 Ibidem (Traduction littérale de ‘Algemeen Volks Nederlands’: ‘néerlandais populaire général) 93 Ibidem, p.177 91 20 Van Maris avoue qu’il y a aussi des types de langage (des sociolectes par exemple), qui sont quand même traduisibles. Il est d’avis que ceci vaut pour la langue parlée non régionale de la bourgeoisie.94 Cette forme de langage pose moins de problèmes que les dialectes, mais il y a toujours ce problème de la connaissance du traducteur. Le traducteur n’est pas toujours complètement à la pointe de l’utilisation de ce langage et il est aussi possible qu’il ne trouve pas d’équivalent parfait pour traduire le langage du texte original.95 Il n’y a qu’un seul dialecte qui ne pose pas de problèmes d’après Van Maris, à savoir le dialecte de l’avenir. Pour le traducteur, il doit être agréable de traduire cette langue future, parce qu’il peut inventer tout ce qu’il veut. Dans Zazie il y a également des mots inventés par Queneau qui n’existent donc pas vraiment et pour lesquels il n’y a pas encore une traduction. Dans ce cas, le traducteur peut inventer de nouveaux mots néerlandais, à condition que ce soient plus ou moins des équivalents des néologismes et des mots inventés de l’original. À la fin de son article Van Maris remarque que c’est un vrai paradoxe : le seul dialecte qu’on peut bien traduire est un dialecte non existant.96 Nous avons vu que la langue parlée pose alors pas mal de problèmes de traduction et qu’il y a beaucoup de choses qui peuvent échouer pendant la traduction d’un texte de ce type. Il n’est pas toujours facile de trouver un bon équivalent et d’éviter des glissements qui causent un changement d’effet ou de connotation. Il est important que nous avons traités ces problèmes générales de la traduction de la langue parlée, avant de commencer l’analyse du roman. De cette manière, nous savons mieux quels sont les éléments auxquels nous devons être attentif, parce qu’ils peuvent poser des problèmes au traducteur. 2.2. Méthode d’analyse du langage Les théories que nous avons traitées jusqu’ici, sont des théories générales qui ne couvrent pas toutes les types de langage qu’on peut retrouver dans Zazie dans le métro. Dans l’introduction de ce chapitre, nous avons déjà signalé que c’est le caractère non homogène du langage dans ce roman, qui nous empêche d’établir un seul cadre théorique qui nous donne des méthodes et des techniques pour faire face à ce problème de traduction. Dans un article qui porte sur les problèmes de la traduction anglaise du français parlé dans Zazie, Carol Sanders affirme que malheureusement, il n’existe pas d’approche de ce phénomène qui peut offrir un cadre 94 Maris, p.177 Ibidem, p.178 96 Ibidem 95 21 théorique satisfaisant.97 Elle explique qu’il y a des théories de Labov portant sur la sociolinguistique et des théories de Halliday, qui touchent une partie du problème, mais pourtant on ne peut pas les utiliser pour analyser les différents types de langage chez Queneau. Il faut donc que nous procédons d’une autre manière, pour pouvoir obtenir un tableau exact des différents types de langage utilisés par Queneau. Pour pouvoir faire une analyse précise du langage, nous avons étudié le roman du début à la fin et nous avons noté toutes les particularités que nous avons rencontrées. Ceci varie de caractéristiques d’un certain registre du français à l’utilisation de l’orthographe phonétique. De cette manière, nous avons établit une liste énorme, qui comporte pour tous les chapitres du livre les particularités que nous y avons trouvé et le numéro de la page à laquelle elles figurent. De plus, nous avons noté pour chaque mot et chaque énoncé qui l’a prononcé, le narrateur ou un des personnages. Cela nous permet de voir si un certain type de langage appartient à un personnage en particulier ou si tous les types de langage sont partagés par les différents personnages qui figurent dans le roman. De plus, nous avons divisé les particularités en plusieurs catégories. Chaque catégorie représente un élément typique du langage du roman. Le classement idéal des catégories serait bien sûr une division en trois parties, à l’exemple de ce que nous avons vu au premier chapitre. Dans ce cas, nous pourrions établir un schéma avec trois catégories principales, à savoir la réforme du vocabulaire, la réforme de l’orthographe et la réforme de la syntaxe. Il serait même possible d’ajouter une quatrième catégorie qui consiste de caractéristiques du français performatif, c’est-à-dire les aspects expressifs. Nous pourrions répartir toutes les catégories qui figurent sur la liste qu’on a établit en étudiant le roman, entre les trois (ou quatre) catégories principales et de cette manière, nous aurions un schéma bien ordonné, à l’aide duquel nous pourrions facilement analyser la traduction néerlandaise. Malheureusement, une telle division n’est pas possible. En analysant le roman, nous avons trouvé par exemple très peu de particularités qui sont liées à la réforme de la syntaxe. De plus, nous croyons que cette catégorie n’est pas particulièrement intéressante pour l’étude de la traduction, parce que la syntaxe du français diffère toujours de celle du néerlandais donc c’est logique que la syntaxe change par l’acte de traduction. Outre cela, il est également impossible de traiter toutes les catégories qui figurent sur la liste. C’est qu’il y a des 97 Sanders, Carol. ‘ « Pourquoi on dit des choses et pas d’autres ? » Translating Queneau’s français parlé in Zazie dans le métro and Le chiendent’. Centre de recherches en traduction et stylistique comparée de l’anglais et du français. Niveaux de langue et registres de traduction. Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1996. 22 catégories qui consistent de si peu d’éléments que nous ne sommes pas capable d’en dire quelque chose de significatif. Un exemple d’une catégorie qui est vraiment trop petite pour pouvoir être analysée, est la catégorie du ‘langage de l’enfant’. Il n’y a que cinq exemples du langage enfantin dans Zazie, alors il est sans intérêt de prêter attention à un tel groupe. Un dernier désavantage d’une division sur le modèle du premier chapitre est le fait qu’il y a des catégories qui sont liées à plusieurs catégories principales. Dans le premier chapitre, nous avons vu que ceci est par exemple le cas pour les éléments de langues étrangères. D’une part les langues étrangères font partie de la réforme du vocabulaire, d’autre part ils tombent dans la catégorie qui porte sur le changement d’orthographe. Pour toutes ces raisons nous n’avons donc pas pu réaliser cette division idéale, mais nous avons quand même essayé de rester le plus proche que possible de ce classement. Nous avons décidé d’étudier les deux catégories principales les plus intéressantes, à savoir celle qui porte sur le vocabulaire et celle qui touche à l’orthographe. À l’intérieur de ces deux groupes nous allons traiter les catégories les plus grandes, qui seront le plus intéressant pour l’étude de la traduction néerlandaise. Toutes ces catégories seront à leur tour subdivisées en rubriques. Dans le schéma ci-dessous, nous pouvons voir qu’il y a des catégories qui figurent à la fois dans la catégorie principale portant sur le vocabulaire et dans la catégorie des éléments orthographiques. C’est que ces groupes sont liés à toutes les deux catégories principales et une subcatégorie de ce type de langage tombe dans le premier groupe et une autre subcatégorie dans le deuxième. Le schéma nous donne un aperçu de notre analyse. Dans le chapitre suivant, nous allons analyser le vocabulaire dans Zazie et les éléments orthographiques seront traités dans le quatrième chapitre. 23 Chapitre III L’analyse du vocabulaire dans Zazie dans le métro Dans ce chapitre, nous allons analyser les différents types de vocabulaire dans Zazie dans le métro. Nous avons vu qu’il y a plusieurs subcatégories qui tombent dans cette catégorie principale, à savoir le vocabulaire familier, les mots abrégés, l’argot, les gros mots et le vocabulaire vulgaire, les mots qui appartiennent à des langues étrangères et les néologismes. Dans ce qui suit, nous allons établir une définition de chaque type de vocabulaire et nous voudrions parler de leur place dans la langue parlée. De plus, nous allons examiner le rôle de ces éléments lexicaux dans notre roman. Quel division pouvons-nous faire à l’intérieur des ces catégories ? Quels exemples avons-nous rencontré dans le roman ? Y a-t-il des types de vocabulaire qui sont caractéristiques pour un personnage en particulier ? Quel est l’effet de l’utilisation d’un tel vocabulaire ? Bref, nous allons analyser les catégories de façon détaillée, pour que nous puissions obtenir une image claire et structurée de ce qui est important pour la traduction du vocabulaire, à laquelle nous consacrerons un chapitre à part. 3.1. Le vocabulaire familier La première catégorie que nous allons traiter consiste du vocabulaire du français familier. Chaque langue connaît plusieurs styles ou registres, c’est-à-dire de différents types de langage plus ou moins formels. Généralement, on peut diviser le français en trois registres: le français soutenu, le français commun et le français familier.98 En fait, nous pouvons retrouver tout ces trois types de français dans la langue parlée, mais le registre qui est le plus fortement lié à la langue parlée est le registre familier. D’après Claire Blanche-Benveniste et Mireille Bilger, qui ont fait une recherche sur le français parlé, les caractéristiques de la langue familière ‘semblent mener directement à l’idée de « langue parlée », même si on les trouve dans des productions écrites.’99 Elles renvoient immédiatement aux romans de Queneau et elles mentionnent explicitement Zazie dans le métro. C’est le registre familier que nous avons 98 ‘Niveaux de langage’. Études littéraires – 26.05.2010 http://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/niveaux-de-langage.php 99 Blanche-Benveniste, Claire et Mireille Bilger. ‘ « Français parlé – oral spontané » Quelques réflexions’ Équipe de Recherche en Syntaxe et Sémantique – 26.05.2010 http://w3.erss.univ-tlse2.fr:8080/index.jsp?perso=pery&subURL=etudiants/SL0014/CBB-Bilger.pdf 24 retrouvé le plus souvent dans ce roman et le vocabulaire familier, qui fait directement penser à la langue parlée, y joue donc un rôle important. La définition de la langue familière donnée dans le Petit Robert nous apprend qu’il s’agit d’un type de langage ‘qu’on emploie naturellement en tous milieux dans la conversation courante, et même par écrit, mais qu’on évite dans les relations avec des supérieurs, les relations officielles et les ouvrages qui se veulent sérieux’.100 Il s’agit donc d’un langage de tous les jours utilisé par toutes les classes sociales. Nous pouvons nous attendre donc à ce que tous les personnages dans Zazie utilisent le vocabulaire familier. De plus, c’est un langage qu’on n’emploie pas lorsqu’on parle de sujets sérieux, mais il n’est pas sûr que Queneau a respecté cela. C’est qu’il tourne en dérision beaucoup de choses dans son roman et l’utilisation du vocabulaire familier pour traiter des thèmes sérieux, serait une bonne méthode de moquerie. Une dernière remarque que nous voudrions faire en ce qui concerne l’utilisation du vocabulaire familier est que c’est bien un type de vocabulaire qu’on utilise dans tous les milieux, mais il faut ajouter qu’on ne s’en sert qu’avec ‘des gens avec qui on est un peu plus à l’aise’101 par exemple des membres de familles ou des amis. Normalement, quand il y a une hiérarchie entre les interlocuteurs on n’utilise pas le registre familier. Si Queneau a respecté cette règle, nous pouvons nous attendre à ce que les personnages n’utilisent pas un vocabulaire familier quand il s’adressent par exemple à un agent de police. À l’intérieur du vocabulaire familier, il y a de différents degrés de familiarité, de légèrement familier jusqu'à franchement grossier ou un vrai langage de la rue. Il est important de ne pas confondre le vocabulaire familier avec les mots argotiques et de bien séparer les gros mots et le langage vulgaire des termes familiers. Malgré le fait qu’il est parfois très difficile de dire à quel groupe un certain mot appartient, il est important de faire une distinction entre ces groupes. C’est que l’argot et la langue vulgaire sont parfois considérés comme un registre à part.102 Dans la catégorie du vocabulaire familier, nous ne traitons donc que des mots qui appartiennent vraiment au registre familier. Nous partons du principe qu’un mot ou une expression appartient au vocabulaire familier quand les dictionnaires, dans notre cas le Petit Robert et le Trésor de la langue française, y ont ajouté l’abréviation ‘fam.’ (familier). Étant donné qu’il très difficile de déterminer le degré de familiarité, certainement quand la langue en question n’est pas la langue maternelle de la personne qui analyse le 100 Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007 Le français dans tous les sens. Une introduction à la linguistique française historique et moderne. p.12 Le polycopié du cours ‘Le français dans tous les sens’ de l’Université d’Utrecht, imprimé en 2007. 102 Szabó, Dávid. ‘Les registres non conventionnels dans le dictionnaire bilingue’ – 31.05.2010 http://mnytud.arts.klte.hu/szleng/egyeb/szabod03.htm 101 25 vocabulaire, nous avons choisi de ne pas indiquer si tel ou tel mot est plus familier qu’un autre. Au lieu d’une telle division, nous avons divisé cette catégorie en plusieurs subcatégories. Nous avons créé des subcatégories pour les mots qui désignent des personnes (filles, enfants, hommes et femmes), une subcatégorie ‘boire et manger’, une autre subcatégorie pour les termes qui représentent l’action de partir et quatre petites catégories qui consistent de mots et des locutions en ce qui concerne l’argent, la tête, le bruit et des mots passe-partout. Le reste des termes qui appartiennent au vocabulaire familier, la catégorie est énorme, n’est pas divisé selon sujet, parce que dans ce cas nous obtiendrions trop de subcatégories qui sont très petites. Une subcatégorie d’un ou deux mots n’a pas de valeur. La subcatégorie B est une exception, parce qu’elle fait partie des subcatégories de mots qui désignent des personnes et les catégories H, I, J, et K sont des cas limites. C’est que ces termes se rapportent au même sujet et dans une catégorie plus grande cela serait moins clair, mais après tout il n’est pas préférable de créer de catégories si restreintes. Pour cette raison les autres éléments du vocabulaire familier sont divisés suivant leur catégorie grammaticale, c’est-à-dire les substantifs, les adjectifs, les adverbes et les verbes. La dernière subcatégorie consiste de locutions. Parmi tous ces mots et locutions, il y a des termes qui peuvent également tomber dans la catégorie ‘langue populaire’. Ce sont des mots dont nous ne sommes pas sûr s’ils appartiennent vraiment au registre familier ou s’ils font plutôt partie du langage populaire. C’est que le Petit Robert et le Trésor de la langue française ont collé de différentes étiquettes sur ces mots. Il s’agit des mots et de la locution en gros : - ‘Zazie liche la mousse de son demi’ (p.51) - ‘… y a qu’une chose à faire, qu’à lbousiller.’ (p.55) - ‘Vous comprenez, à cause de ma haute taille, ils se fendent la pipe.’ (p.63) - ‘Mais je dois les retrouver pour la bouffe.’ (p.128) - ‘Quelques jets aquagazeux dirigés sur leur tronche par l’élément féminin’ (p.184) En ce qui concerne le premier exemple, le Petit Robert indique que ‘licher’ est un verbe populaire. Le Trésor de la langue française par contre n’est pas complètement convaincu de cela et a indiqué que le verbe est à la fois populaire et familier. Le verbe ‘bousiller’ est également un cas douteux pour ce dernier dictionnaire, tandis que le Petit Robert indique qu’il s’agit d’un verbe familier. Les trois autres exemples tombent aussi dans la catégorie de la langue familière, si nous croyons le Petit Robert, alors que le Trésor de la langue française 26 est convaincu qu’il s’agit de termes populaires. Mais quel est la différence entre la langue familière et la langue populaire ? Nous avons vu que la langue familière est utilisée dans tous les milieux et par toutes les classes sociales, mais ceci ne vaut pas pour la langue populaire. Le vocabulaire populaire ‘est courant dans la langue parlée des milieux populaires’.103 La langue populaire concerne donc l’appartenance sociale, tandis que la langue familière concerne une situation de discours.104 L’utilisation d’un vocabulaire populaire est alors un exemple de la variation diastratique que nous avons mentionnée dans le deuxième chapitre et dont Andreas Blank a affirmé que ce type de variation est présente dans les romans de Queneau.105 Outre ces termes dont nous ne sommes pas sûr s’ils sont familiers ou populaires, il y un exemple d’un mot purement populaire, à savoir le verbe suivante : ‘elle voulait me dérouiller’ (p.55) C’est Zazie qui utilise ce verbe populaire, dans une partie du discours dans laquelle elle utilise le registre familier. Nous avons décidé de ne pas exclure ce mot de notre catégorie du vocabulaire familier, parce que le verbe n’éclate pas aux yeux dans ce contexte. Parmi les mots sur lesquels les dictionnaires ne sont pas d’accord, il y a aussi deux exemples de mots qui sont parfois classé dans la catégorie du vocabulaire familier, mais dont on dit aussi qu’ils appartiennent à l’argot. Une telle divergence d’opinion est assez remarquable, parce que la différence entre le vocabulaire familier et l’argot est plus grande que la différence entre le vocabulaire familier et le vocabulaire populaire. Le premier terme que nous avons ajouté à la liste du vocabulaire familier, malgré la confusion sur sa nature, est le mot ‘godet’. D’après le Petit Robert, il s’agit d’un mot familier qui signifie ‘verre’. Le Trésor de la langue française par contre indique qu’il s’agit de l’argot et ceci est peut-être dû au sens différent que ce dictionnaire donne à ‘godet’. Dans ce dictionnaire nous pouvons lire que ce n’est pas le verre qu’on appelle ‘godet’, mais c’est le ‘contenu de ce récipient’.106 De plus ce dictionnaire cite l’exemple de Zazie : ‘Vous en mettez du temps pour écluser votre godet.’107 Le verbe ‘écluser’ appartient sans doute à l’argot et pour cette raison nous avons choisi de classer le mot ‘godet’ utilisé séparément, dans la catégorie du vocabulaire familier, et en combinaison avec écluser elle tombe dans la catégorie de l’argot. Le deuxième terme qui est argotique d’après le Trésor de la langue française et familier d’après le Petit Robert, est le mot ‘lourde’ qui signifie ‘porte’. Nous n’avons pas trouvé une raison pour l’exclure d’un des deux catégories et c’est pourquoi il figure dans toutes les deux types de vocabulaire. 103 Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007 Ibidem 105 Blank, p.315 106 Trésor de la langue française 107 Queneau, Zazie dans le métro. p.51 104 27 Outre ces mots qui sont un peu plus difficiles à classifier, il y a aussi quelques termes sur la liste qui sont vieillis. Ce sont les mots : mousmé, gosselines, le conjungo, pouacre, et bath. Ce que les dictionnaires n’indiquent malheureusement pas, c’est depuis quand ces mots sont des mots vieillis. Nous ne savons que ce sont des mots qui sont encore compréhensibles de nos jours, mais qu’on n’emploie plus naturellement dans la langue parlée.108 Il est possible qu’en 1959, ces mots faisaient partie du vocabulaire familier courant et que petit à petit ces mots ont disparu de la langue parlée, avec le résultat qu’ils sont vieillis de nos jours. Par contre, il se peut également que Queneau a consciemment utilisé des mots vieillis. Ici, le traducteur doit se poser une question. Faut-il traduire ces mots par des mots familier vieillis ou faut-il moderniser le texte et traduire les mots par des mots contemporains ? Une dernière chose remarquable est l’utilisation du passé simple. Le passé simple est un temps grammatical qui n’est plus utilisé dans la langue parlée et qu’on retrouve surtout dans des textes littéraires. Il est alors étonnant que nous avons trouvé des verbes familiers conjugués au passé simple, parce qu’à l’oral on remplace ce temps normalement par un passé composé. Queneau a créé un certain contraste à l’intérieur du vocabulaire familier. Il s’agit bien de verbes familiers qui sont caractéristiques pour la langue parlée, mais le temps grammatical appartient à la langue écrite, voire littéraire. Ce contraste est présente dans le roman en entier. Il y a non seulement un contraste à l’intérieur du registre familier, mais aussi par rapport à d’autres catégories. Queneau utilise par exemple aussi des mots savants ou des mots formels, comme ‘lamellibranches’109 et ‘languissamment’110, qui éclatent aux yeux parmi tous les éléments de la langue parlée appartenant au registre familier. Nous sommes d’avis, que l’écrivain a créé ce contraste pour pouvoir ridiculiser certains éléments qui sont absents en néo-français. Roland Barthes explique dans son article sur Zazie que Queneau ‘assume le masque littéraire’111 pour pouvoir la montrer du doigt. Il est concevable que Queneau utilise des verbes familiers conjugués au passé simple, pour mettre l’accent sur l’étrangeté de ce temps grammatical. De cette manière il avance le néo-français qui ne connaît pas cette forme verbale. Blank, qui remarque que le passé simple est même utilisé dans le discours, affirme que l’utilisation de ce temps grammatical est un procédé de style qui sert à la dérision.112 108 Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007 Queneau, Zazie dans le métro. p.50 110 Ibidem, p.102 111 Barthes, p.132 112 Blank, p.298 109 28 En ce qui concerne l’emploi du vocabulaire familier, nous pouvons constater que, tout comme nous avons attendu, tous les personnages utilisent des mots ou des expressions familiers. Peu importe à qui ils s’adressent, ils ne tiennent pas compte d’une hiérarchie éventuelle. De plus, Queneau n’a effectivement pas respecté la règle que la langue familière n’est pas utilisée quand on parle de quelque chose de sérieux. C’est qu’il y a plusieurs monologues dans le roman, qui portent par exemple sur le sens de l’existence et dans ce cas on ne s’attend pas à un langage familier. Carol Sanders explique que vu le sujet sérieux de ces monologues et le caractère continu du discours, on s’attendrait à un registre plus soutenu, mais il n’en est rien.113 Le registre familier et les thèmes sérieux forment un contraste et d’après Sanders c’est cet effet de contraste qui amplifie ‘la forte concentration de français parlé’.114 Elle aussi, elle est donc d’avis que le contraste dans le livre met l’accent sur la langue parlée. Somme tout, nous pouvons dire que le vocabulaire familier occupe une place importante dans la langue parlée et l’étendue de la catégorie du vocabulaire familier dans Zazie dans le métro montre que ce vocabulaire joue un rôle important dans le roman. Il est extrêmement important que le traducteur sait bien traduire les termes familiers, parce qu’ils ont une importance considérable en ce qui concerne la conservation du caractère du texte. En outre, nous allons voir qu’il y d’autres catégories qui sont liées à cette grande catégorie, par exemple celle des mots abrégés. 3.2. L’abréviation de mots Dans la langue parlée, il est très courant d’abréger des mots, surtout quand on emploi le registre familier. On peut inventer ses propres mots abrégés, mais il y a aussi des abréviations qui ont été lexicalisées, c’est-à-dire qu’elles deviennent une unité lexicale autonome et qu’elles figurent dans les dictionnaires.115 Un exemple d’une telle abréviation lexicalisée est le mot ‘maths’, dont tout le monde sait que c’est la forme abrégée de ‘mathématiques’. De plus, ‘maths’ est un mot qui appartient au vocabulaire familier. Ce type d’abréviation est appelé une troncation. Pour obtenir une telle abréviation, on supprime un ou plusieurs phonèmes d’un mot.116 Jean-Pierre Lacroix explique que cette réduction orale est reproduit à l’écrit. Il indique que ‘les mots obtenus par troncation ne sont soumis à aucune restriction relevant de l’orthotypographie. Seuls le niveau de langue et le registre régissent leur 113 Sanders. Raymond Queneau. p.27 Ibidem 115 Trésor de la langue française 116 Lacroux, Jean-Pierre. ‘Troncation’. Orthotypografie. 04.06.2010 http://www.orthotypographie.fr/volume-II/telegramme-troncation.html#Troncation 114 29 emploi.’117 En outre, Lacroix souligne qu’il ne faut pas confondre la troncation avec l’abréviation ou la siglaison. C’est que l’abréviation est une réduction graphique dont on ne tient pas compte à l’oral, c’est-à-dire à l’écrit on a éliminé quelques lettres, mais quand on lit l’abréviation à haute voix, on n’entend pas qu’il manque quelque chose.118 Un exemple est l’abréviation ‘Mlle’ qui se lit ‘Mademoiselle’. La siglaison est également une sorte de réduction qui commence à l’écrit, mais dans ce cas on entend qu’il s’agit d’une forme abrégée quand on la lit à haute voix, parce qu’on ne prononce que les lettres qui sont écrites.119 Un exemple est le sigle ONU. Il est alors clair que la troncation est la seul forme de ces trois types d’abréviation, qui commence à l’oral et qui est reproduit à l’écrit. Aussi, il n’est pas étonnant que c’est la troncation que Queneau a utilisé dans son roman. La troncation peut être subdivisé en deux types, à savoir l’apocope et l’aphérèse. L’apocope est un ‘type de troncation qui consiste à faire chuter la fin d’un mot’120 et pour l’aphérèse c’est l’inverse, on garde la fin du mot et on fait en chuter le début. L’utilisation de l’apocope est plus fréquente que celle de l’aphérèse, ce qui est bien représenté par Queneau dans Zazie. Il n’y qu’un seul exemple d’une aphérèse, à savoir ‘orama’ qui a probablement été inventé par Queneau, parce que c’est une aphérèse qui n’est pas lexicalisée. Nous pouvons voir que l’inventaire des mots abrégés est subdivisé en trois catégories qui sont toutes groupées sous le dénominateur ‘troncation’ : l’aphérèse, les apocopes et les apocopes qui se terminent par un ‘o’, tandis que cette lettre n’est pas dans le mot que Queneau a tronqué. Pourtant, ces mots n’ont pas été inventés par Queneau, parce que nous pouvons les trouver le dictionnaire. Le Trésor de la langue française indique que le -o est une finale qu’on ajoute à des mots tronqués pour donner ces termes une connotation familier, populaire ou argotique. Ceci nous fait penser à ce que Henjum a expliqué dans son article sur la traduction de la langue parlée. Il faut tenir compte de la connotation de mots et le traducteur doit faire de son mieux pour garder cette connotation. Dans le chapitre sur la traduction, nous verrons si la traductrice a réussi à bien traduire ces troncations. En ce qui concerne les autres apocopes dans Zazie, nous avons encore quelques remarques à faire. Nous pouvons voir qu’il y a trois apocopes qui figurent deux fois sur la liste. Ceci est intéressant pour la discussion de la traduction, mais n’a pas d’importance pour l’analyse des mots abrégés. Outre cela il y a une apocope sur la liste qu’on utilise si souvent, 117 Lacroix. Ibidem 119 Ibidem 120 Gezundhajt, Henriette. ‘Autres procédés de lexicalisation: l’abrègement’. [1998-2009] Linguistes – 04.06.2010 http://www.linguistes.com/mots/abregement.html 118 30 qu’il n’est plus frappant qu’il s’agit d’une forme abrégée, mais en fait le mot ‘homo’ est l’apocope du mot ‘homosexuel’. De plus, nous avons trouvé une troncation d’un nom propre, le Sébasto est l’apocope du boulevard de Sébastopol, et une troncation du mot argotique Amerloquin : Amerlo. Ce mot abrégé est également argotique et figure aussi dans la catégorie de l’argot. En ce qui concerne l’utilisation de mots abrégés, nous devons constater que tout comme le vocabulaire familier, ce type de vocabulaire n’est pas caractéristique pour un personnage en particulier. Malgré le fait, que ce type de vocabulaire ne forme pas une grande catégorie, ces abréviations ont quand même une influence sur le roman, car elles amplifient le caractère familier et elles sont caractéristiques pour la langue parlée. Dans le chapitre qui porte sur la réforme de l’orthographe, nous verrons qu’il y a aussi un autre type d’abréviation dans ce roman, qui est causé par la prononciation rapide et qui est aussi très caractéristique pour la langue parlée. Ce type d’abréviation constitue un élément du néo-français, ainsi que les troncations que nous avons traitées ici. 3.3. L’Argot Nous avons vu que le vocabulaire familier et le vocabulaire argotique sont parfois très proche l’un de l’autre, bien que l’argot soit en effet encore plus informel. D’après Queneau, l’argot est ‘un vocabulaire en transformation’121 et il a raison que l’argot est toujours sujet à des changements, comme tous langages en effet. Le caractère changeant de l’argot est lié à son origine, car l’argot était d’abord une langue secrète. Il s’agissait d’une utilisation cryptique de la langue ‘tendant à limiter la communication à un petit groupe, à un cercle d’initiés’.122 Il fallait être en contact avec le « milieu » pour pouvoir comprendre le vocabulaire argotique, mais aujourd’hui ceci n’est plus le cas. L’argot est présente dans les médias et de cette manière son statut a changé, c’est que son vocabulaire est devenu plus compréhensible pour un groupe plus grand.123 L’argot a perdu son caractère cryptique, ce qui est également dû au fait que les linguistes en ont fait un objet d’étude, et il est devenu une langue refuge ou une langue des exclus. D’après Calvet l’argot est une façon pour certaines personnes ‘de marquer leur différence par un clin d’œil linguistique’.124 Aussi, il n’y a pas un seul argot, mais il y en a plusieurs, car l’argot est ‘un langage particulier à une profession, à un groupe de personnes, 121 Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.19 Calvet, Louis-Jean. L’argot. Paris: Presses Universitaires de France, 1994. p.7 123 Calvet, p.31 124 Calvet, p.9 122 31 à un milieu fermé’.125 De ce fait, il y a donc différents types d’argot comme l’argot scolaire, l’argot militaire et l’argot parisien. L’argot fait donc partie de la langue parlée et est utilisé par certains groupes, dans des situations informelles, avec des personnes qui connaissent le lexique argotique. Calvet explique que l’argot a une connotation négative, parce qu’il a été baptisé ‘langue verte’.126 D’après lui ce terme renvoie à la langue des jeux et à la rudesse et il explique que ‘la langue verte est ici conçue comme langue de tricheurs mais aussi comme langue rude’.127 Pourtant les mots argotiques n’ont pas toujours une connotation négative et il faut encore ajouter qu’il y a des nombreuses mots qui sont d’origine argotiques, mais qui ont passé dans le vocabulaire familier. C’est à cause de ce glissement que nous avons trouvé des mots dans Zazie, discutés dans paragraphe 3.1, dont nous n’étions pas sûr s’ils font partie de l’argot ou du vocabulaire familier. Bien que l’argot fasse principalement partie de la langue parlée, la littérature a également contribué à la diffusion de l’argot. Beaucoup d’écrivains français ont utilisé l’argot dans leur romans, par exemple Victor Hugo qui a introduit l’argot dans le français écrit dans Les misérables.128 Calvet traite plusieurs écrivains qui ont utilisé l’argot dans leurs ouvrages, d’où aussi Louis-Ferdinand Céline. Calvet explique que la langue de cet écrivain est ‘à la fois une fusion de différents registres, avec donc de ruptures de niveaux de langue, la transcription écrite d’une syntaxe orale et l’utilisation d’un vocabulaire argotique.’129 Ceci ressemble fortement à ce que nous retrouvons chez Queneau et il est alors très probable que l’utilisation de l’argot chez Céline ressemble à celle de Queneau. Calvet appelle l’argot de Céline un argot naturel et nous sommes d’avis que ce terme représente bien l’argot dans Zazie dans le métro. Les personnages l’utilisent naturellement et surtout pas tout le temps. C’est un élément de langue parlée et donc du néo-français, mais pas l’élément principal. Pour ce type de vocabulaire, nous avons également subdivisé les mots que nous avons trouvé dans le roman, à savoir en deux catégories assez spécifiques, une pour les mots qui désignent des personnes et une autre pour les parties du corps, et quatre catégories moins spécifiques, à savoir les substantifs, les adjectifs, les verbes et quelques ‘expressions’, c’est-àdire des locutions figées et des paroles qui ne peuvent pas être coupées en plusieurs parties pour que nous puissions les ranger dans une catégorie plus spécifique. Nous pouvons voir que 125 Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007 Calvet, p.3 127 Ibidem 128 ‘Victor Hugo (1802 – 1885)’ Victo-Hugo.info – 05.06.2010 http://www.victor-hugo.info/ 129 Calvet, p.102 126 32 le vocabulaire argotique comporte des termes péjoratifs comme ‘fleur de nave’ et ‘lope’. Ces mots pourraient également figurer dans la catégorie de gros mots, parce qu’en fait ce sont des insultes. En outre, il y a aussi un mot sur la liste qui appartient à l’argot ancien, à savoir ‘fouillouse’. Son équivalent moderne est ‘fouille’.130 Ici, Queneau utilise donc encore une fois un terme vieilli, comme il l’a fait avec le vocabulaire familier. Au sujet de l’utilisation de l’argot, nous devons constater qu’encore une fois, presque tous les personnages utilisent ce type de vocabulaire, mais ce qui est remarquable c’est que le narrateur l’utilise le plus fréquemment, à savoir dix-sept fois. Nous ne nous avions pas attendu à ce que ce type de vocabulaire serait utilisé si souvent par le narrateur, parce que bien que le narrateur copie souvent le langage des personnages et qu’il utilise donc pas mal de différents langages, nous nous avions attendu à ce qu’un langage si spécifique serait plutôt utilisé par des personnages spécifiques. Un personnage dont nous avions attendu qu’il utilise l’argot assez souvent, est ‘le type’ alias Pédro-surplus, alias Trouscaillon, alias inspecteur Bertin Poirée, alias Aroun Arachide, le personnage qui se déguise tout le temps et qui est en effet un grand escroc. L’argot, qui est parfois considéré comme langue de tricheurs, serait alors un langage qui correspond bien à ce personnage. À part ces remarques, nous traiterons les particularités de l’argot dans Zazie dans le chapitre portant sur la traduction du vocabulaire. Maintenant, nous allons continuer avec un autre type de langage auquel on pense assez rapidement quand on pense à l’argot, mais qui constitue quand même une catégorie à part, car les mots en question ne font pas forcément partie de l’argot. Il s’agit de gros mots et du vocabulaire vulgaire. 3.4. Les gros mots et le vocabulaire vulgaire Du vocabulaire argotique ce n’est qu’un petit pas vers les gros mots et le langage vulgaire. Malgré le caractère négatif de ce lexique, ces mots font partie de toutes les langues et surtout de la langue parlée, parce qu’on jure, tempête et profère des injures plutôt à l’oral que par écrit. Dans la plupart des cas, les gros mots nous échappent plus ou moins spontanément sous l’influence de la situation ou d’un certain sentiment, par exemple la colère ou la frustration. D’après Marie-Jo Gacek, l’utilisation de gros mots permet de ‘donner plus de poids à certains propos’131 et de plus c’est une garantie d’authenticité. En outre, Gacek explique que les jeunes 130 Queneau. Zazie dans le metro. p.45 (note en bas de page ajoutée par Laurent Fourcaut) Gacek, Marie-Jo. ‘Les gros mots: une dérive aux multiples facettes’. [28.09.2007] Il est vivant ! – 06.06.2010 http://ilestvivant.com/Les-gros-mots-une-derive-aux.html 131 33 peuvent utiliser les gros mots pour s’insurger contre les adultes. Est-ce pour cette raison que Zazie débite des grossièretés ? Gacek explique également que les gros mots ont une forte connotation culturelle et elle souligne qu’ils ont un caractère transgressif et qu’ils ‘font ainsi référence à des choses ou des actes prohibés par la société ou rendus tabous’.132 Le fait que les gros mots sont souvent si fortement liés à la société en question et qu’ils ont des connotations qui dépendent de la culture, peut compliquer la traduction de ce type de vocabulaire. Pourtant il ne faut pas oublier qu’il existent aussi des termes injurieux qui sont moins dépendant de la culture et qu’on peut plus facilement traduire, comme l’exclamation ‘merde’ par exemple. Il y a en effet de différents degrés dans cette catégorie, c’est-à-dire de différents types d’injures, de termes péjoratifs à des jurons et un vocabulaire vulgaire. Nous avons divisé cette catégorie en cinq groupes, à savoir les termes péjoratifs, les insultes, les gros mots, les jurons et les termes vulgaires. Les termes péjoratifs sont des mots qui ont une connotation négative, ils impliquent en effet un jugement négatif.133 Nous pouvons bien sûr dire cela sur la plupart des mots de cette catégorie, parce qu’un mot comme ‘putain’ est également péjoratif, mais les termes qui font partie du groupe ‘termes péjoratifs’ sont moins grossiers et ne sont pas vraiment à leur place dans les autres groupes. La subcatégorie ‘insultes’ par exemple consiste de termes qui sont utilisés pour insulter des personnes et les personnages qui utilisent ces insultes s’adressent directement aux personnes qu’ils désignent avec ces termes. Ils leur insultent sans ménagements. La troisième catégorie, celle des gros mots, est la catégorie la plus grande et comporte des exclamations qui ont une fonction libératrice, comme ‘merde alors’, mais aussi des gros mots pour des personnes. Ces appellations sont injurieux, ainsi que les insultes, mais la différence entre ces deux groupes est que les personnages qui profèrent les gros mots ne s’adressent pas directement à la personne ou au groupe qu’ils insultent. Quand Gabriel parle de ‘Frisous’ ou de ‘Fridolins’ il ne s’adresse pas à un groupe d’Allemands, mais ce sont quand même des termes injurieux pour les Allemands. Le quatrième groupe comprend tous les jurons, plus précisément les jurons blasphématoires, proférés dans le roman. Il s’agit d’exclamations ‘offensante[s] à l’égard de Dieu qui tradui[sent] une réaction vive de colère, dépit ou surprise’.134 En effet, ce n’est pas seulement outrageant à l’égard de Dieu, mais aussi à la religion et à tout ce qui est considéré 132 Ibidem ‘Dictionnaire de la langue française’ Linternaute Encyclopédie – 07.06.2010 http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/pejoratif/ 134 Trésor de la langue française 133 34 comme sacré.135 Nous pouvons voir que la plupart des jurons qui figurent sur la liste comportent le mot ‘sacré’, qui renforce le mot auquel il renvoie ou qui renforce le sentiment exprimé par cette exclamation. La dernière catégorie consiste de mots dont les dictionnaires indiquent que ce sont des termes vulgaires, c’est-à-dire des mots avec un sens choquant ou l’emploi choquant d’un terme, ‘le plus souvent lié à la sexualité et à la violence’.136 Tous les termes dans le groupe ‘mots vulgaires’ sont classés sous l’étiquette ‘vulgaire’, sauf ‘la terre verte’. Au premier abord, ce terme n’est pas du tout vulgaire, car ‘la terre verte’ est un colorant, mais Laurent Fourcaut suggère que Queneau fait allusion à une terme argotique, à savoir ‘la terre jaune’ qui est l’anus.137 Dans ce cas, c’est bien vulgaire. Quant à l’utilisation de ce type de vocabulaire, presque tous les personnages l’utilisent, mais pas tous au même degré. Gabriel utilise pas mal de gros mots, Marceline jure très peu et la veuve Mouaque, une bourgeoise étale ses idée sur l’éducation, n’utilise pas de gros mots. Zazie par contre est vraiment une grande gueule et utilise un langage grossier, ce qui est une caractéristique importante de sa personne. Charles, un des personnages, souligne la grossièreté de cette petite fille : ‘Elle peut pas dire un mot, cette gosse, sans ajouter mon cul après.’138 Zazie se révolte contre tous et tout et dit ses quatre vérités à tout le monde. De plus, son langage grossier a parfois un effet humoristique, parce que ce n’est pas le type de vocabulaire qu’on attend d’une petite fille. Turandot par exemple, un autre personnage du roman, est vraiment choqué par le langage de Zazie et plus il s’énerve contre ce langage grossier, plus il l’utilise lui-même. Ce type de vocabulaire est donc parfois un élément humoristique du roman et il faut qu’on le traduit bien. Il faut absolument que le traducteur tient compte de la fonction des gros mots et du contexte dans lequel ils figurent, mais nous reviendrons sur ce point dans le chapitre qui porte sur la traduction. Pour le moment, nous allons continuer avec un autre type de vocabulaire. 135 Gacek Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007 137 Queneau, Zazie dans le métro. p.152 (note en bas de page ajoutée par Laurent Fourcaut) 138 Ibidem, p.20 136 35 3.5. Les langues étrangères De nos jours, il est facile de passer de la discussion des gros mots à l’analyse des éléments de langues étrangères, parce que l’influence d’autres langues, principalement l’anglais, sur le langage grossier est assez grande. Au temps de la parution de Zazie dans le métro, l’influence de langues étrangères n’était pas aussi grand qu’aujourd’hui, mais pourtant il y avait déjà des éléments d’autres langues dans le français parlé. Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait par exemple des gens qui utilisait des mots allemands, ce qui était une conséquence de l’occupation. Nous en avons retrouvé un exemple dans notre roman : ‘Natürlich, dit Jeanne Lalochère qui avait été occupée.’139 Ceci est déjà un jeu de mots, car le fait qu’elle avait été occupée ne veut pas dire qu’elle a eu beaucoup de choses à faire, mais cela renvoie à l’occupation. Pendant la guerre, la mère de Zazie a été la maîtresse des occupants. Outre cet exemple spécifique, il y a aussi d’autres raisons pour lesquelles on utilise des langues étrangères, par exemple à cause du commerce avec d’autres pays ou sous l’influence du tourisme. Dans le roman de Queneau, les touristes jouent un rôle important en ce qui concerne l’utilisation de langues autre que le français. Ce sont ces touristes qui parlent leur propre langue ou les autres personnages s’adressent à eux dans une langue étrangère. Dans ce chapitre d’analyse nous ne traitons qu’une seul partie de la catégorie ‘langues étrangères’, à savoir le groupe qui consiste d’exemples authentiques de langues étrangères, c’est-à-dire les paroles dans une autre langue dont Queneau a gardé l’orthographe originale, et les mots étrangers qui sont combinés avec le français. Dans la subcatégorie d’éléments ‘authentiques’ de langues étrangères, il y a cinq langues, à savoir l’allemand, l’anglais, l’espagnol, l’italien et le latin. Pour ce qui est de l’allemand il n’y que deux exemples, dont le premier (‘natürlich’) est utilisé deux fois, une fois par la mère de Zazie et une fois par un marchand. L’autre exemple, ‘schnell, schnell !’, est prononcé par Fédor Balanovitch, qui est le guide d’un groupe de touristes. L’utilisation de l’anglais est également liée à la présence des touristes. Ce sont eux qui parlent anglais et parfois Gabriel s’adresse à eux dans cette langue étrangère. Le seul mot anglais qui n’est pas utilisé en présence de touristes est le mot ‘catch’. Ce mot est un mot anglais, mais c’est inséré dans les dictionnaires français. Il s’agit donc d’un mot étranger, qui est intégré dans la langue française sans qu’on ait changé son orthographe. Il se peut alors bien que les Français ne sont plus conscient du fait que c’est un mot anglais et non pas français. Il en est de même pour les 139 Queneau. Zazie dans le métro. p.10 36 mots italiens ‘tutti quanti’ et ‘in petto’, parce que ce sont des locutions italiennes qu’on utilise aussi en France et qui sont également intégrées dans le dictionnaire. ‘Spaghetti’ par contre est un mot qu’on n’utilise qu’au pluriel en France. Queneau a supprimé le ‘s’, donc c’est le mot italien qu’il utilise ici. Le dernier exemple de l’italien dans ce roman est l’expression ‘anch'io son pittore’, le mot célèbre du peintre Corrège qui signifie ‘moi aussi je suis peintre’.140 C’est Gridoux qui cite le peintre pour frimer, mais il croit que c’est du latin, donc ici la locution contribue à l’humour du roman. Concernant l’unique exemple de l’espagnol, il n’y a rien de spécial, mais l’utilisation du latin est remarquable. Pourquoi Queneau utilise-t-il une langue morte, dans un roman qui sert à avancer une langue qui correspond à la langue qui est effectivement parlée dans la rue ? Pour un seul mot, c’est la même raison que pour l’utilisation de ‘tutti quanti’, parce que ‘primo’ est un mot latin qui est complètement intégré dans la langue française, mais les autres locutions en latin ne sont pas utilisées couramment. Les deux derniers exemples sur la liste (‘veritas odium ponit’ et ‘victis honos’) sont des formules latines que Bertin Poirée lit à haut voix d’un dictionnaire et qu’il ne comprend pas.141 Ici, Queneau met l’accent sur le fait que c’est une langue morte et nous croyons qu’il montre de cette manière que tout ce qu’on retrouve dans les dictionnaires ne fait pas partie de la langue telle qu’on la parle. Ceci soutient l’idée qu’on doit réformer le vocabulaire français. En néo-français on ne retrouve plus d’expressions qui figurent dans les dictionnaires, mais qui ne sont jamais utilisées. En ce qui concerne les trois autres locutions latines, elles sont utilisées par Gridoux, le cordonnier, et par un touriste. Gridoux les utilise pour avoir l’air intelligent et le touriste croit vraiment pouvoir communiquer en latin avec les Français. Ici, il s’agit d’une rupture en l’être social des personnages et leur discours.142 On ne s’attend pas à ce qu’un cordonnier et un touriste parlent latin. La dernière subcatégorie consiste de mots étrangers qui sont combinés avec des mots français, comme ‘adios amigos’ combiné avec ‘amen’ et l’expression ‘et toc’ qui est une expression du français familier qui sert à ponctuer un propos ou à conclure une phrase.143 De plus, il arrive aussi que Queneau traduit le dernier mot d’une expressions française par un mot étranger et il y un exemple sur la liste qui consiste d’une combinaison d’un mot français et un mot anglais à l’orthographe modifiée. Nous reviendrons sur la modification de l’orthographe de langues étrangères dans le chapitre suivant. Pour le moment, il est important que le 140 Queneau. Zazie dans le métro. p.79 Ibidem, p.164 142 Fourcaut, p.242 143 Trésor de la langue française 141 37 mélange de plusieurs langues est caractéristique pour la langue parlée. C’est quelque chose que nous faisons par exemple quand notre connaissance de la langue étrangère n’est pas suffisante. Dans ce cas, il arrive que nous combinons cette langue avec notre langue maternelle et il en peut résulter des situations comiques. L’utilisation de langues étrangères dans le roman correspond alors d’une part à la réalité, c’est que tout le monde ne parle pas ces langues étrangères. De plus, le fait que les touristes ne savent pas parler français et qu’ils utilisent d’autres langues, contribue à la vraisemblance. D’autre part, l’utilisation du latin a un effet de dissonance, parce que ce type de vocabulaire ne correspond pas au statut social des personnages.144 En outre, l’utilisation de langues étrangères a une sorte d’effet d’aliénation, parce que les lecteurs qui ne maîtrisent pas ces langues ne comprennent pas ce qu’on dit. Il est important de bien tenir compte de ces effets quand on traduit le texte. De toute façon, l’utilisation du vocabulaire étranger contribuent à l’enrichissement du vocabulaire (néo-)français, bien que le dernier type de vocabulaire, les néologismes, est encore plus important pour la réforme. 3.6. Les néologismes Pour réaliser une réforme du vocabulaire, Queneau a évidemment combiné tous les types de vocabulaire que nous avons traité jusqu’ici, et de cette manière il a obtenu un lexique très riche, mais ce que l’écrivain semble vraiment désirer, est une sorte de révolution et quelle est une meilleure manière de réformer le vocabulaire, que l’invention de nouveaux mots ? Albert Doppagne explique que pour se révolter contre le français mort, ou bien le français académique, Queneau ‘se forge une langue à lui, un néo-français de Queneau où les néologismes abondent’.145 Sanders remarque que le français parlé est souvent le point de départ de ces néologismes.146 Pendant la conversation, on utilise parfois des mots qui n’existent pas ou des mots qui n’ont pas encore un statut officiel, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas encore insérés dans les dictionnaires, bien que les gens les utilisent dans la rue. En parlant on peut inventer des mots par exemple en changeant des mots existants, en modifiant des termes qui appartiennent à une langue étrangère ou en combinant plusieurs mots en un seul terme. Ces néologismes naissent donc dans la langue parlée et sous certaines conditions ils peuvent être insérés dans les dictionnaires et obtenir un statut officiel. 144 Fourcaut. p.242 Doppagne, Albert. ‘Le néologisme chez Raymond Queneau’. Cahiers de l’Association internationale des études française 25:25 (1973) : p.91-107 146 Sanders. Raymond Queneau. p.26 145 38 Dès 1972, il y a des commissions spéciales à l’Académie française, qui s’occupent de la terminologie et de la néologie.147 Ce sont ces commissions qui décident quels mots sont acceptés comme de nouveaux mots et parfois il créent eux-mêmes de nouveaux termes, par exemple pour de nouvelles notions pour lesquelles il n’y a pas encore un nom. L’Académie française souligne que chaque dictionnaire a ses propres règles en ce qui concerne l’intégration de nouveaux mots. Pour le Dictionnaire de l’Académie française on n’accepte que ‘les mots correctement formés, répondant à une véritable besoin linguistique et déjà bien ancrés dans l’usage’.148 Il faut donc qu’on utilise les mots déjà fréquemment, avant qu’ils soient acceptés comme des mots officiels. Il est très probable que l’utilisation de néologismes commence dans la langue parlée et non pas dans des textes écrits. Pourtant on retrouve beaucoup de néologismes dans Zazie, qui ont été inventés par Queneau et qui ont alors surgi pour la première fois dans un texte écrit et non pas dans la langue parlée, mais il est quand même possible, et dans le cas de Queneau très probable, que l’écrivain s’est inspiré du français parlé. Dans un roman les néologismes peuvent avoir un effet stylistique. Il s’agit ‘des inventions personnelles, des créations fantaisistes qui n’entreront pas forcément dans les dictionnaires mais qui colorent le style d’un auteur.’149 De toute façon ces néologismes contribuent à l’enrichissement du vocabulaire et ils enrichissent le néo-français de Queneau. Doppagne explique que Queneau a utilisé beaucoup de méthodes pour créer de nouveaux mots, par exemple ‘la dérivation suffixale’150, l’addition de préfixes et d’infixes et la réduplication, c’est-à-dire la répétition d’une syllabe.151 Afin de mieux pouvoir analyser les néologismes dans Zazie, nous les avons divisé suivant les méthodes de création. La première catégorie que nous avons obtenu de cette manière, consiste de mots-valises. Un mot-valise est une ‘création verbale formée par téléscopage de deux (ou trois) mots existant dans la langue’.152 ‘Midineurs’153 est par exemple la contraction des mots ‘midi’ et ‘dîneurs’, et ‘guidenappeurs’154 est créé à partir des mots 147 ‘Du françois au français’ Académie française – 31.05.2010 http://www.academie-francaise.fr/langue/index.html 148 ‘Mots nouveaux ou néologismes’ Académie française – 31.05.2010 http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#motnouveau 149 ‘Néologisme’ [2002] Office québécois de la langue française – 31.05.2010 http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4083 150 Doppagne. p.94 151 Ibidem, p.97 152 Trésor de la langue française 153 Queneau. Zazie dans le métro. p.72 154 Ibidem, p.106 39 ‘guide’ et ‘kidnappeurs’. En combinant les mots, les sens de ces mots sont également combinés. Un ‘guidenappeur’ est donc le kidnappeur d’un guide. La deuxième catégorie réunit tous les mots qui dérivent de mots existants. ‘Américanophile’ et ‘lessivophiles’ sont par exemple créés sur le modèle de ‘francophile’, le substantif ‘stoppés’ est dérivé du verbe ‘stopper’ et le substantif ‘moisonneur’ est devenu un adjectif dans le texte de Queneau. Parfois les néologismes sont alors dérivés d’un mot qui appartient à une autre catégorie grammaticale, mais il arrive aussi qu’on prend un substantif comme point de départ, afin d’en former un autre substantif. Le troisième groupe consiste de mots forgés sur des noms propres, par exemple les noms propres de personnes : Zazie, Trouscaillon, Adam et Mouaque. Outre cela, Queneau a créé un nom pour les personnes qui travaillent aux Halles et il a inventé un équivalent moderne pour l’eau d’arquebuse (l’eau anatomique), qui était le nom d’une boisson alcoolisée qu’on utilisait comme remède contre les blessures d’arquebuse.155 De plus, le mot ‘charluter’ est ‘composé à partir du prénom « Charles » et le verbe « culbuter ».156 Le dernier néologisme dans cette catégorie, berlitzscoulien, renvoie à l’École Berlitz, auquel on enseigne des langues étrangères.157 Les dérivations préfixales sont des néologismes que l’écrivain a créés en ajoutant des préfixes à des mots existants. En outre, il y a des mots existants qui ont un nouveau sens dans le roman de Queneau et les néologismes du groupe ‘combinaisons de mots’ sont des combinaisons mots sans téléscopage, c’est-à-dire Queneau a combiné les mots en entier et nous pouvons alors plus facilement distinguer les différentes parties. Le dernier groupe, que nous avons appelé les ‘inventions’, consiste de mots dont nous n’avons pas pu retrouver les sources à partir lesquelles il a Queneau a créé ces termes nouveaux. L’utilisation de néologismes n’est pas caractéristique pour un personnage en particulier, mais il faut quand même que nous avouons que la plupart des mots nouveaux sont utilisés par le narrateur. Nous pouvons effectivement dire que les néologismes colorent le style de Queneau et qu’ils contribuent comme pas un à la réforme du vocabulaire. 155 Fourcaut. p.68 Rolland-Nanoff, Dominique. Zazie dans le métro et la traduction de l’humour en littérature. Mémoire de fin d’études. Université de York, 2000. p.83 157 Ibidem, p.99 156 40 3.7. L’importance du vocabulaire Après avoir analysé les différents types de vocabulaire dans Zazie dans le métro, nous pouvons conclure qu’ils ont une grande importance pour le style du roman. Une grande partie des théories sur le néo-français de Queneau est liée à la réforme du vocabulaire. Tous les types de vocabulaire que nous avons traités dans ce chapitre, sont liés à la langue parlée et tous ensemble ils forment un vocabulaire très riche. La richesse du langage de ce roman, dépend fortement de la combinaison de ces types de lexique et pour un roman dans lequel tout tourne autour du langage, il est extrêmement important qu’on ne perd pas cette richesse langagière en traduisant le texte. Il faut absolument que le traducteur tienne compte de la fonction de ces éléments et qu’il essaie de traduire le roman d’une telle manière que l’argot reste de l’argot, les néologismes restent des néologismes et le vocabulaire familier garde sont caractère familier, et il faut que le contraste entre ce vocabulaire et le vocabulaire formel, savant ou littéraire soit conservé. Dans le chapitre qui porte sur la traduction de Jenny Tuin, nous examinerons si cela est possible et si oui, dans quelle mesure ? Avant que nous en soyons là, nous allons analyser une autre caractéristique importante du roman, à savoir la réforme de l’orthographe. Dans ce chapitre présent, nous en avons déjà rencontré quelques exemples. Dans la catégorie des néologismes par exemple, il y a des mots comme ‘quidnappé’ et ‘hanvélos’. Nous n’avons pas encore prêté attention à de telles particularités d’orthographe, mais nous allons faire cela dans le chapitre suivant. 41 Chapitre IV L’analyse de l’orthographe dans Zazie dans le métro ‘C’est malheureux pour les Français de ne pas avoir le droit d’écrire comme ils parlent, et par conséquent comme ils sentent’,158 remarque Raymond Queneau lors d’une conversation avec Georges Ribemont-Dessaignes. La manière dont nous écrivons le français maintient en vie des choses qu’on n’entend plus dans la langue parlée. Queneau croit que le français écrit comprend des formes désuètes et il est d’avis qu’il est nécessaire de ‘ramener la littérature, et la poésie, à une simple sténographie […] lequel n’est somme toute que celui des académiciens avec quelques petites incorrections’.159 Il n’est alors pas nécessaire que la réforme de l’orthographe proposé par Queneau entraîne des modifications énormes, mais ce qui est important, c’est qu’une réforme de l’orthographe fait éclater aux yeux la différence entre le français écrit et le français parlé. L’orthographe modifiée dans Zazie dans le métro a donc une grande importance, car il s’agit de l’orthographe du néo-français qui doit donner à cette langue le statut autonome qu’elle mérite d’après Queneau. Dans ce chapitre, nous allons examiner les particularités de l’orthographe utilisée par Queneau. Nous allons voir que les modifications que l’écrivain a apportées sont tantôt subtiles, tantôt très éclatantes. Ils varient de la suppression d’une seule lettre jusqu’à des phrases entières qui sont réduites à un seul mot dont Queneau a transcrit la prononciation. Dans ce qui suit, nous allons d’abord traiter la transcription de la prononcation et ensuite nous allons parler de la seconde partie de la catégorie d’abrègements. Après cela nous allons discuter la notation de liaisons et l’absence de la liaison. Puis, nous allons continuer avec les liaisons les plus extrêmes et peut-être les plus caractéristiques pour ce roman, à savoir les coagulations phonétiques et finalement nous allons parler des termes qui appartiennent à des langues étrangères, mais dont Queneau a modifié l’orthographe. 4.1. La transcription du langage parlé Pour atteindre son but, le statut autonome du néo-français, Queneau a réformé l’orthographe du français écrit, car il n’apprécie pas vraiment l’orthographe officielle : 158 Queneau, Raymond. ‘Conversation avec Georges Ribemont-Dessaignes’ Bâtons, chiffres et letters. Paris : Gallimard, 1965. p.40 159 Ibidem 42 ‘Car enfin, qu’est-ce que l’orthographe ? Un système de graphies chaotiques, absurdes et arbitraire, une invention des premiers imprimeurs pour rendre le métier difficile’.160 Il faut donc qu’on utilise une orthographe simple, qui correspond à la prononciation et qui donne un style à la langue parlée.161 Mais comment faire cela ? Queneau a utilisé plusieurs méthodes pour réformer l’orthographe. Il a par exemple replacé des lettres par d’autres, pour que l’orthographe correspond mieux à ce qu’on dit vraiment. Ce qu’il a fait beaucoup, c’est remplacer la lettre ‘x’, à la fois par un ‘s’ ou même deux et par ‘gz’. Au premier vu, il semble que chaque fois que le ‘x’ est suivi par une consonne, Queneau le remplace par un ‘s’ et lorsqu’il est suivi par une voyelle, l’écrivain le remplace par ‘gz’. Pourtant une telle division n’est pas correcte, parce que les mots ‘maximum’ et ‘sexualité’ contiennent un ‘x’ suivi d’une voyelle et Queneau a quand même écrit ‘massimum’ et ‘sessualité’. En comparant les exemples d’une manière plus détaillée, nous voyons que la raison pour laquelle l’écrivain remplace cette consonne tantôt par un ‘s’, tantôt par ‘gz’, est liée à la transcription phonétique de tous ces termes. Tous les mots qui sont normalement écrits avec un ‘x’, mais qui sont écrit avec un ‘s’ dans le roman, sont des mots avec un ‘x’ sourde, qu’on écrit en écriture phonétique ‘ks’. Par contre, les mots qui sont écrits avec ‘gz’ sont des termes qui ont un ‘x’ sonore qu’on écrit phonétiquement ‘gz’. Le tableau ci-dessous illustre cela : Orthographe officielle Transcription phonétique expliquer ksplike maximum maksim m Orthographe de Queneau espliquer / esspliquer massimum exactement gzakt mã gzactement exagérer gza ere egzagérer Ce tableau nous montre aussi que Queneau n’utilise pas la transcription phonétique. Il utilise l’alphabet normal et il n’a pas supprimé toutes les lettres qu’on ne prononce pas (comme le ‘r’ final des infinitifs), alors que nous avons vu, dans le premier chapitre, que l’écrivain est d’avis qu’il ne faut écrire que les lettres qui se prononcent.162 En ce qui concerne la réforme de l’orthographe, Queneau cite Vendryes, qui explique dans son livre Le langage qu’une ‘réforme trop vaste […] aurait pour conséquence de substituer d’un coup une nouvelle langue 160 Queneau. ‘Écrit en 1955’. p.78-79 Queneau. ‘Conversation avec Georges Ribemont-Dessaignes’. p.40 162 Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.22 161 43 écrite à celle dont nous avons l’habitude.’163 Vendryes veut dire qu’une telle réforme serait trop grande. De plus, il serait extrêmement fatigant de devoir lire un texte en écriture phonétique. Il nous paraît que Queneau ait combiné l’orthographe traditionnelle et l’orthographe modifiée, pour ne pas trop choquer le lecteur. Ce que montrent les exemples du tableau également, c’est que la prononciation que l’écrivain a noté, ne correspond pas toujours à la prononciation officielle. Queneau remplace le ‘x’ par un ‘s’, tandis que la prononciation prescrite est ‘ks’. Apparemment, il y a des situations dans lesquelles les Français disent ‘espliquer’ au lieu de ‘expliquer’. Probablement ceci est le cas quand ils utilisent le registre familier et ils ne font pas trop attention à la prononciation correcte, mais en tout cas il est clair que la prononciation du néo-français n’est pas égal à la prononciation prescrite par les institutions officielles, comme l’Académie française. Outre ce changement de sons, il y a aussi des lettres et par là des sons, qui tombent, comme le ‘e’ de exactement. Une telle chute d’un son est caractéristique pour la langue parlée, parce qu’elle est causée par la prononciation rapide, qui cause l’abrègement de mots et l’agglutination. Nous reviendrons sur ce point plus tard. Un autre détail intéressant est l’utilisation de la combinaison de lettres ‘eu’ dans des mots, qui ne sont normalement pas écrits de cette manière. ‘Monsieur’ est par exemple remplacé par ‘meusieu’, ce qui correspond bien à la prononciation populaire, mais il y a aussi des mots qui ont obtenu ce son, tandis qu’il ne sont pas prononcé ainsi, même pas dans les registres les plus bas. Exemple : ‘Que ça te plaise ou que ça neu teu plaiseu pas, tu entends ?’164 Dans cette phrase, l’accent est mis sur les mots à l’orthographe anormale. La réforme de l’orthographe peut donc avoir la fonction de mettre l’accent sur certains éléments du texte ou d’imposer une intonation spécifique. Le même effet est atteint par le dédoublement d’une consonne : ‘la ffine efflorescence de la cuisine ffransouèze’.165 Le doublage du ‘f’ indique qu’il est prolongé ici. De plus, l’orthographe de l’adjectif ‘française’ qui est devenu ‘ffransouèze’ montre que la phrase est prononcée avec exagération. En outre, c’est la prononciation du mot ‘française’ qu’on utilisait jusqu’au 18ième siècle. Il s’agit donc d’un archaïsme phonétique. Ce que nous avons également pu constater en analysant l’orthographe dans le roman, c’est qu’il y a des sigles et des lettres dans le texte qui ne sont plus écrites comme des sigles, mais qui sont notés comme les Français les prononcent. Ceci est le contraire de ce que nous 163 Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.23 Queneau. Zazie dans le métro. p.26 165 Ibidem, p.133 164 44 avons vu dans le troisième chapitre, dans lequel nous avons traité l’abrègement de mots. Les sigles que Queneau a écrits suivant leur prononciation, sont les sigles suivants : Sigle / lettre Queneau, Zazie dans le métro W.-C. vécés etc. exétéra TV tévé le STO l’esstéo v.t. vé té s esse J3 jitrouas Les termes STO, v.t. et J3 demandent probablement un peu d’explication. Le STO était le Service du travail obligatoire, ‘imposé aux jeunes Français par les Allemands à partir de 1943’.166 Le sigle v.t. signifie ‘verbe transitif’ et les J3 ‘étaient les adolescents, pendant la guerre, par référence à un sigle figurant sur les cartes d’alimentation’.167 L’esstéo et les jitrouas réfèrent donc à la Seconde Guerre mondiale et ont une orthographe modifiée, et il s’avérera difficile de bien traduire ces deux particularités des termes. Le dernier groupe de mots qui appartiennent à la transcription de la prononciation, consiste de mots qui ont une orthographe modifiée, mais contrairement à ce que nous avons vu jusqu’ici, l’écrivain n’a pas utilisé la même méthode de modification pour tous ces mots. Ce groupe est un mélange de manières pour noter la prononciation. Il y a des mots dont Queneau a remplacé deux lettres par une autre qui ne change rien au son, par exemple ‘il y en u’168 au lieu de ‘il y en eu’. De plus, il arrive aussi que l’écrivain ajoute une lettre, par exemple le ‘v’ qu’il ajoute au mot ‘oui’ quand les personnages qui prononcent ce mot bredouillent. Encore une fois, l’orthographe a donc une fonction supplémentaire, à savoir indiquer de quelle manière les personnages parlent. En outre Queneau écrit la prononciation populaire de certain mots (‘pisque’). Il écrit ce qu’il entend et ne se laisse pas restreindre en ce qui concerne les possibilités des les écrire, car il arrive qu’il écrit le même mot de différentes manières : ‘quelque chose’ devient à la fois ‘quèque chose’ et ‘kèkchose’. Ceci contribue à la richesse du langage dans le roman et soutient l’idée de Queneau que 166 Queneau. Zazie dans le métro. p.70 (Note en bas de page ajoutée par Fourcaut) Ibidem, p.57 (Note de Fourcaut) 168 Ibidem. p.183 167 45 l’orthographe est arbitraire et que nous avons en effet plusieurs possibilités d’écrire un terme, sans que l’un soit meilleur que l’autre. L’orthographe dans Zazie dans le métro atteste la créativité énorme de l’écrivain et en même temps elle montre que le concept de la langue est vraiment spécial. Queneau nous fait prendre conscience du fait que la langue est en effet un phénomène très particulier. Il fait cela de manière indirecte, par la réforme de l’orthographe, mais aussi de manière directe parce que les personnages se posent des questions sur ce sujet. Zazie par exemple demande à Charles : ‘Pourquoi qu’on dit des choses et pas d’autres ?’169 Le caractère arbitraire de la langue est alors mis en question. Avant de continuer avec la deuxième catégorie liée à la réforme de l’orthographe, nous voudrions encore faire une remarque. Sur les listes d’exemples que nous avons traitées ci-dessus, il figure des verbes au passé simple qui ont quand même une orthographe modifiée qui est basée sur la prononciation, par exemple ‘s’esclama’ et ‘espliqua’. Ceci est remarquable, parce que le passé simple est un temps grammatical qu’on utilise dans la littérature et absolument pas dans la langue parlée. Pourtant, Queneau y applique l’orthographe du néo-français. Au troisième chapitre nous avons également constaté une telle combinaison du langage que l’écrivain avance et de la langue qui est d’après lui en train de passer au second plan. Le contraste en le français écrit et le français parlé est donc non seulement présent dans les catégories qui portent sur la réforme du vocabulaire, mais aussi dans celles qui portent sur la réforme de l’orthographe. 4.2. L’abréviation Une conséquence de la transcription du langage parlé est qu’il arrive que l’écrivain abrège des mots, parce que la prononciation rapide fait en sorte qu’on laisse tomber certains sons. Il s’agit donc d’une sorte d’abréviation, mais pas du même genre que les abréviations que nous avons vues dans le chapitre portant sur le vocabulaire. Dans ce cas ce ne sont pas de troncations, mais il s’agit de la chute de quelques lettres, à cause d’une prononciation moins soignée et plus rapide, qui est caractéristique pour le registre familier.170 Dans la catégorie que nous avons discutée ci-dessus, nous pouvons déjà voir de tel exemples, parce qu’il est très difficile de bien séparer ce type d’abréviation de la transcription du langage parlé, car c’est à cause de leur prononciation que les mots ont été abrégés dans le roman de Queneau. En effet, 169 170 Queneau. Zazie dans le métro. p.89 ‘Registres de langue’ Encyclopédie-enligne – 12.06.2010 http://www.encyclopedie-enligne.com/r/re/registre_de_langue.html 46 les deux catégories s’imbriquent partiellement. Dans cette catégorie, nous allons traiter quelques types d’abréviation spécifiques. Le plus souvent c’est le ‘e’ muet qui tombe à cause de la prononciation rapide, à la fois à l’intérieur d’un mot et à la fin d’un mot. Quand le ‘e’ muet tombe, la consonne qui le précède et celle qui le suive sont réunies, et pour pouvoir prononcer un tel mot, il faut parler rapidement, parce qu’une fois qu’on prononce le mot lentement le ‘e’ muet revient. En effet, les Français avalent donc des sons. Quelques exemples de cette chute sont ‘msieu’, ‘ptite mère’ et ‘rgardez-moi’. Ce qui est remarquable, c’est que Queneau a également supprimé le ‘r’ de ‘monsieur’, mais il ne laisse pas tomber le ‘e’ à la fin de ‘ptite’ et à la fin de ‘mère’. En ce qui concerne le ‘e’ final de ‘ptite’, il se peut qu’il n’a pas supprimé cette lettre, parce qu’on obtient dans ce cas la forme masculine de l’adjectif, mais pour le mot ‘mère’ il n’y a pas de raison pour garder le ‘e’ à la fin. Ceci montre que Queneau n’est pas très conséquent en ce qui concerne l’abréviation de mots par la chute de lettres. Dans le paragraphe précédent, nous avons déjà vu que ceci est le cas, parce qu’il ne faut pas pousser trop loin la réforme de l’orthographe. Outre la chute du ‘e’ muet à l’intérieur des mots, les Français le laissent également tomber à la fin d’un mot et ceci a pour conséquence que le mot dont le ‘e’ final tombe est lié au mot suivant. On laisse par exemple tomber le ‘e’ muet de l’article ‘le’ et on lie le ‘l’ qui reste au substantif qui le suive, et de cette façon ‘le train’ devient par exemple ‘ltrain’171. Il en est de même pour le pronom personnel ‘je’ qui est réduit à ‘j’ et lié au verbe, ce qui donne par exemple ‘jparie’172. Pourtant, il y a aussi des cas dans lesquels il est question d’une abréviation sans que les deux parties soient écrites en un seul mot. Ceci est par exemple le cas quand on écrit la prononciation familière de ‘tu as’. On ne prononce plus le ‘u’, mais on n’écrit pas ‘tas’ mais ‘t’as’. Au lieu de lier ces mots directement, on utilise donc l’apostrophe. De plus, il y a aussi des cas dans lesquels on supprime des lettres finales, sans qu’on lie les mots. ‘En français familier, on dit souvent [i] à la place de il quand le mot suivant commence par une consonne’173 et dans ce cas les deux mots ne sont pas liés l’un à l’autre. Exemple : ‘Alors quoi, i va pas se décider ?’174 Outre la suppression de lettres ou de sons, il existe aussi des cas dans lesquels on supprime un mot entier qui fait partie d’une locution fixe. Ce que nous avons vu beaucoup 171 Queneau. Zazie dans le métro. p.9 Ibidem 173 ‘Prononciation de il’ Podcast français facile – 12.06.2010 http://www.podcastfrancaisfacile.com/podcast/2007/07/prononciation-d.html 174 Queneau. Zazie dans le métro. p. 49 172 47 dans Zazie, c’est le remplacement de ‘il y a’ par ‘y a’ ou ‘ya’, ce qui correspond bien à la langue parlée. De plus, Queneau a très souvent supprimé la particule négative ‘ne’, ce qui est d’après Blanche-Benveniste et Bilger une caractéristique de la langue parlée.175 Elles soulignent qu’on ne retrouve presque jamais cette absence de la particule de négation dans un registre plus soutenu et qu’il s’agit d’une caractéristique du registre familier. Il est discutable si la suppression de ‘il’ et de la particule négative, est à sa place dans une analyse de l’orthographe, mais en tout cas nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une sorte d’abréviation qui est caractéristique pour la langue parlée et qui demande à être mentionnée, car Queneau l’utilise très souvent. 4.3. La liaison Dans le paragraphe précédent, nous avons vu que Queneau a très souvent lié des mots. Ceci est dû à la chute de lettres, la prononciation plus rapide ou tout simplement parce que la liaison est un phénomène linguistique propre au français. La liaison est un ‘procédé consistant à prononcer devant la voyelle ou le h muet initial d’un mot, la consonne finale, ordinairement muette, du mot précédant’.176 Pour cette raison, les mots liés comme ‘chsuis’177 (la prononciation populaire de ‘je suis’) et ‘jte lrappelle’178 (‘je te le rappelle’) ne tombent pas dans cette catégorie. Nous avons classé de tel exemples dans les catégories ‘Transcription du langage parlé’ et ‘Abréviations (B)’. Dans ce paragraphe nous allons donc parler de vraies liaisons et aussi de l’absence de la liaison. La plupart des exemples de liaisons dans le roman, consistent de la liaison d’un mot qui se termine par un ‘s’ et d’un mot qui commence par une voyelle. Dans ces cas, le ‘s’ est prononcé comme un ‘z’. Il s’agit de voisement, c’est-à-dire une consonne sourde est remplacée par une consonne sonore.179 Très souvent, la liaison est combinée avec l’abréviation, parce qu’on laisse aussi tomber quelque lettres : ‘vous êtes’ devient ‘vzêtes’, ‘il en voyaient’ devient ‘izan voyaient’. Dans le dernier cas, nous pouvons voir que le ‘e’ du mot ‘en’ a été remplacé par un ‘a’, ce qui est un exemple de la transcription du langage parlé. Il est 175 Blanche-Benveniste, Claire et Mireille Bilger. ‘ « Français parlé – oral spontané » Quelques réflexions’ Équipe de Recherche en Syntaxe et Sémantique – 26.05.2010 http://w3.erss.univ-tlse2.fr:8080/index.jsp?perso=pery&subURL=etudiants/SL0014/CBB-Bilger.pdf 176 Trésor de la langue française 177 Queneau. Zazie dans le métro. p.129 178 Ibidem, p.69 179 ‘Langue française: quelques règles de liaison’ Études littéraires – 13.06.2010 http://www.etudes-litteraires.com/regles-de-liaison.php 48 alors clair que les catégories qui portent sur la réforme de l’orthographe sont toutes fortement liées l’une à l’autre. Outre la liaison littérale, c’est-à-dire écrire deux mots en un seul mot, Queneau utilise encore une autre manière pour marquer la liaison. Il ajoute la dernière lettre du premier mot au début du deuxième mot, mais la garde aussi à la fin du mot auquel elle appartient : ‘Ils sont pourtant bin nonnêtes, nos prix.’180 Le ‘h’ muet de ‘honnêtes’ a été remplacé par le ‘n’ du mot ‘bi(e)n’. Outre ces liaisons obligatoires et permises, nous avons également retrouvé de fausses liaisons. Queneau a ajouté des ‘z’ pour marquer une liaison, dans des cas où on n’utilise pas de liaison. Un exemple est ‘moi zossi’181. De plus, nous avons également constaté que l’écrivain a marqué l’absence d’une liaison, en ajoutant ce que Blank appelle ‘ein liaisonverhinderndes Hiat-h’.182 ‘C’est hurgent’183 se prononce alors [s yr ã] et non pas [s tyr ã]. L’écriture de la liaison et son absence a comme fonction d’attirer l’attention sur les caractéristiques de la langue parlée. Normalement, la liaison n’est pas visible dans les textes, tandis qu’elle est très caractéristique pour le français parlé. Selon toute probabilité, il est très difficile de conserver cette caractéristique du roman, dans la traduction néerlandaise, parce que la liaison est beaucoup moins courante en néerlandais qu’en français. Ceci n’est pas grave, mais pour la catégorie suivante, qui consiste de liaisons extrêmes, il est quand même d’une grande importance que le traducteur les traduit bien, car ce sont des éléments importants du style de Queneau. 4.4. Les coagulations phonétiques Le roman Zazie dans le métro s’ouvre sur un mot étrange : ‘Doukipudonktan’.184 Il s’agit d’une sorte de liaison extrême, car Queneau a lié une phrase entière pour en faire un seul mot. Une telle agglutination force les lecteurs à s’arrêter à ce mot et à le lire plus attentivement. L’utilisation de ces agglutinations, que Queneau appelle lui-même des coagulations phonétiques185, constitue peut-être la meilleure manière d’attirer l’attention des lecteurs sur le phénomène de la langue. Blank souligne que ces mots phonétiques, il n’utilise pas le terme de Queneau, forment un élément fondamental du comique de la langue dans le roman. De plus, il 180 Queneau. Zazie dans le métro. p.135 Ibidem, p.122 182 Blank. p.294 183 Queneau. Zazie dans le métro. p.139 184 Ibidem, p.7 185 Queneau. ‘Écrit en 1955’. p.81 181 49 explique que par la conglomération graphique, les mots prennent non seulement une autre forme, mais leur apparence est également détruite.186 Les formes dont nous nous sommes habitué sont détruite et il s’agit alors d’une réforme rigoureuse de l’orthographe. Malheureusement, Queneau n’a pas donné une définition exacte de ce qu’il entend par la notion ‘coagulation phonétique’, mais il est clair qu’il s’agit d’énoncés ‘monophasés’.187 L’écrivain ne précise pas de combien de mots une telle coagulation phonétique doit être construite, donc c’est à nous d’établir une règle en ce qui concerne le nombre de mots qui doivent être liés, pour qu’on puisse parler d’une coagulation phonétique. Nous avons décidé qu’il faut au moins avoir trois mots qui sont liés l’un à l’autre, pour pouvoir parler d’une coagulation phonétique. Sinon, les mots tombent dans la catégorie d’abréviations (B) ou dans la catégorie de la transcription du langage parlé. Le tableau ci-dessous montre de quels mots les coagulations phonétiques sont composées : Coagulation phonétique Mots liés l’un à l’autre 188 Doukipudonktan D’où qu’ils puent donc tant ? Skeutadittaleur ce que tu as dit (tout) à l’heure essméfie elle se méfie cexé ce que c’est Singermindépré Saint-Germain-des-Prés salonsalamanger salon-salle à manger Lagoçamilébou La gosse a mis les bouts a boujplu elle (ne) bouge plus A boujpludutout Elle (ne) bouge plus du tout Ltipstu Le type se tut voulumfaucher voulu me faucher ladssa, iadssa Il y a de ça, il y a de ça asteure à cette heure kouavouar Quoi à voir ? charlamilébou Charles a mis les bouts vozouazévovos vos oies et vos veaux de couaille De quoi + aille / de quoi il est 186 Blank. p.294 Sanders, Carol. ‘ «Translating Queneau’s français parlé in Zazie dans le métro and Le chiendent’. p.44 188 Pour vérifier de quelle alliance de mots il s’agit, nous avons utilisé la liste de Hyatte. 187 50 à kimieumieu à qui mieux mieux immbondit dssus il me bondit dessus isrelève il se relève imdemande il me demande Il est clair qu’il y a parmi ces coagulations, des termes qui sont très difficiles à déchiffrer, comme ‘Skeudittaleur’, mais aussi des agglutinations assez simples, comme ‘isrelève’. Ce dernier exemple est bien à sa place dans la subcatégorie de ‘la chute du ə’, mais il tombe quand même dans la catégorie des coagulations phonétiques, parce qu’il consiste de trois mots qui sont liés. La coagulation phonétique ‘de couaille’ est un peu compliquée, car il n’est pas très clair de quels éléments elle est véritablement composée. D’après Hyatte, on peut le couper en ‘de quoi’ et ‘aille’189, mais cela ne signifie rien. De plus, nous pouvons voir que chaque fois que Queneau transcrit le mot ‘quoi’ phonétiquement, ce mot ce termine par un ‘a’. Le ‘a’ de ‘couaille’ appartient donc à ‘quoi’ et ce qui reste n’est donc pas ‘aille’ mais ‘ille’, ce qui peut être la transcription de ‘il est’. Dans ce cas, on obtient ‘de quoi il est’, ce qui est peut-être dévié de ‘de quoi est-il question’. Il est plausible que ces mots forment les éléments dont la coagulation est composée, parce que le personnage qui l’utilise se demande en effet le suivant : Qu’est-ce qu’il y a ? Il est très important que nous avons analysé les coagulations phonétiques et que nous les avons déchiffré. Ceci peut nous aider à bien analyser la traduction néerlandaise, parce qu’il ne faut pas seulement bien traduire le style de Queneau, dont ces mots phonétiques sont caractéristiques, mais il faut également garder le contenu. De plus, il serait impossible de traduire une coagulation phonétique sans savoir de quels mots elle est composée. Dans le chapitre qui porte sur la traduction néerlandaise de Zazie, nous utiliserons le déchiffrement des coagulations phonétiques ci-dessus, pour critiquer leurs traductions, mais avant de passer à ce chapitre, nous allons traiter une dernière catégorie, à savoir la deuxième subcatégorie de langues étrangères. 189 Hyatte, p.296 51 4.5. Les langues étrangères et l’orthographe modifiée Dans le chapitre précédent, nous avons vu que dans son roman, Queneau a incorporé l’influence de langues étrangères sur le français et nous avons traité tous les exemples de l’utilisation de mots étrangers non modifiés. Outre ces mots ‘authentiques’, Queneau a également modifié l’orthographe originale de ces langues. Dans cette paragraphe, nous allons traiter ces modifications orthographiques. Sur le tableau, nous pouvons voir qu’il s’agit de dix-sept exemples et dans la plupart des cas, il s’agit de mots étrangers dont Queneau a transcrit la prononciation française, ce qui a un effet comique. L’écrivain force le lecteur à regarder la réalité en face : la prononciation des Français, quand ils utilisent des langues étrangères, ne correspond pas toujours à la prononciation correcte. Surtout la modification du mot ‘striptease’, que Queneau a changé en ‘sliptize’, probablement plutôt pour créer un jeu de mot qu’en transcrivant la prononciation, est très comique. Ce qui est peut-être un peu étonnant, c’est qu’il y a un mot français dans la liste de langues étrangères, mais ce mot (‘taximane’, normalement écrit sans ‘e’) n’appartient pas au français de la France, mais il fait partie du vocabulaire français de l’Afrique, de la Belgique et du Maghreb.190 Il s’agit ici de la variation diatopique, que nous avons mentionné dans le deuxième chapitre. Pour la traduction il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’un terme régional. Si le traducteur choisit de traduire ce terme par un terme régional de la langue cible, il faut donc faire attention à ce que la connotation de ce langage régional ne diffère pas trop de la langue cible. Sinon, on obtient un des glissements dont Van Marris a parlé.191 Outre ces langues étrangères modifiées, il y a aussi trois latinismes dans cette catégorie, ce qui sont en effet des mots français, mais leur construction est propre au latin.192 Il s’agit donc d’un latin modifié. Ces latinismes poseront peut-être des problèmes pour le traducteur, parce que probablement il est plus facile de construire des latinismes en français qu’en néerlandais, mais les autres exemples sont probablement un peu plus facile à traduire. 4.6. La réforme de l’orthographe dans son ensemble Nous avons vu que Queneau a appliqué plusieurs méthodes pour changer l’orthographe officielle. Il a transcrit la prononciation, il a mis l’accent sur certains sons et il a abrégé des 190 Van Dale Frans-Nederlands Maris. 192 Trésor de la langue française 191 52 mots en laissant tomber des lettres. De plus, il a attiré l’attention sur les caractéristiques de la langue parlée, par exemple en marquant la liaison ou son absence. En outre les coagulations phonétiques ont forcé les lecteurs à s’arrêter et à réfléchir sur le caractère spéciale de la langue et surtout la langue parlée, sur laquelle ces agglutinations sont basées. Même les mots étrangers ont dû y passer. Albert Doppagne traite la réforme de l’orthographe dans son article sur les néologismes de Queneau. Il énumère plusieurs changements orthographiques, d’où les différentes manières dont Queneau a écrit le mot ‘existence’.193 Le fait qu’il traite les exemples d’une orthographe modifiée dans un article portant sur les néologismes, montre que Doppagne est d’avis que les mots qui sont écrits différemment sont des néologismes. Nous ne sommes pas d’accord avec une telle opinion, parce qu’on peut se demander si se sont vraiment des mots nouveaux. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une transcription de la prononciation de mots existants, même en ce qui concerne les mots qui ne tombent pas dans la catégorie de la ‘transcription de la prononciation’ de ce chapitre. ‘Skeutdittaleur’ est-il un nouveau mot que nous retrouverons dans les dictionnaires un jour ? Non, c’est une phrase qui est réduite à un seul mot à l’écrit, parce qu’elle est prononcée de cette manière. Ce n’est qu’une manière de noter la langue parlée. Le néo-français que Queneau avance dans ce roman est une nouvelle langue. Dans ce cas tout est donc nouveau. Si nous classons tous les mots avec une orthographe modifiée sous les néologismes, tout ce chapitre tombe dans la catégorie de la réforme du vocabulaire. Ceci n’est pas du tout correcte, parce que Queneau dit explicitement qu’il propose une triple réforme : celle du vocabulaire, celle de l’orthographe et celle de la syntaxe. Plus que la réforme du vocabulaire, la réforme de l’orthographe nous fait prendre conscience du caractère arbitraire de l’orthographe et fait vraiment éclater aux yeux la différence entre le français écrit et le français parlé. L’orthographe modifiée a donc une grande importance et il faut que le traducteur fait de son mieux pour bien transmettre cet effet. Maintenant que nous avons analysé les deux types de réforme qui sont les plus présents dans le roman Zazie dans le métro, il est temps que nous allons examiner de quelle manière toutes les catégories que nous avons traitées, ont été traduites. Dans les deux chapitres suivants, nous allons regarder d’un œil critique la traduction néerlandaise. Pas à pas, catégorie à catégorie. 193 Doppagne, Albert. ‘Le néologisme chez Raymond Queneau’. Cahiers de l’Association internationale des études française 25:25 (1973) : p.91-107. 53 Chapitre V La traduction du vocabulaire Dans le chapitres précédents, nous avons fait un exposé détaillé des idées de Queneau sur la langue et les différents types de langage. Nous avons analysé de quelle manière ses idées sur la réforme du vocabulaire et la réforme de l’orthographe sont appliquées sur le roman Zazie dans le métro et de plus, nous avons déjà examiné quels sont les points auxquels un traducteur doit prêter attention. Les théories de Henjum et Van Maris nous avons appris qu’il faut entre autres tenir compte de la connotation de mots et locutions et qu’il faut éviter des glissements, par exemple un glissement de la langue parlée vers la langue écrite. Dans ce chapitre nous allons étudier d’un œil critique la traduction néerlandaise Zazie in de metro de Jenny Tuin. Tuin n’a pas été la première personne à traduire ce roman célèbre, car en 1960, un ans après la parution du livre français, la première traduction néerlandaise de Ank van Haaren a paru.194 Tuin a pu s’inspirer de cette première traduction, car sa propre traduction date de 1968. En 1983, elle a révisé cette traduction195 et en 2004, la troisième édition a paru. C’est cette traduction, la traduction néerlandaise la plus récente, que nous avons analysée.196 Nous avons choisi d’utiliser cette traduction, parce que nous croyons que Tuin s’est développé en tant que traductrice et que sa dernière traduction doit être la meilleure traduction. Nous allons traiter toutes les catégories du troisième chapitre et nous allons examiner de quelle manière la traductrice a traduit les différents types de vocabulaire. Certes, nous n’allons pas parler de la traduction de chaque mot à part, mais nous allons traiter les grandes lignes. Quels sont les plus belles inventions de Tuin ? Sur quels points rate-t-elle son coup ? Et si elle a mal traduit quelque chose, que faut-il faire alors pour améliorer la traduction ? Estil possible que certains caractéristiques de ce roman sont intraduisibles ? Bref, ce chapitre consiste d’une analyse des points forts et faibles de la traduction et de quelques conseils. 194 Depondt, Paul. ‘Zazie krijgt de metro niet te zien’ [15.01.2009] De Volkskrant – 14.06.2010 http://www.volkskrant.nl/archief_gratis/article597758.ece/Zazie_krijgt_de_metro_niet_te_zien 195 Ibidem 196 Queneau, Raymond. Zazie in de metro. [1959] Traduit par Jenny Tuin. Amsterdam: Bezige Bij, 2004. Troisième édition. 54 5.1. La traduction du vocabulaire familier Nous allons commencer notre analyse de la traduction, avec l’analyse du vocabulaire familier. Nous allons d’abord traiter quelques belles traductions dans cette catégorie et ensuite nous allons continuer avec quelques points de critique et des suggestions pour améliorer la traduction de ce type de vocabulaire. Dans cette catégorie, il y a quelques termes qui ont été traduits d’une bonne manière et qui méritent un peu plus d’attention. Le premier terme qui est très bien traduit est le nom du parfum de Gabriel : Barbouze. C’est à la fois un nom propre, le mot familier pour ‘barbe’ et un agent secret.197 Il est impossible de traduire ce nom par un terme qui contient tous ces sens et il faut donc faire un choix. Tuin l’a traduit par ‘Bévédé’, ce qui est la transcription de la prononciation du sigle BVD. Le BVD était le service de la sûreté nationale, un service secret des Pays-Bas.198 C’est donc une traduction naturalisante et la traductrice a gardé la référence à un agent secret. De plus, elle a compensé la perte du sens ‘barbe’ en utilisant la transcription de la prononciation, qui est caractéristique pour le roman de Queneau. Aujourd’hui le BVD n’existe plus, depuis 2002 ce service porte le nom AIVD.199 Il est donc possible que les lecteurs néerlandais ne comprennent pas directement le nom ‘Bévédé’. Pourtant, nous sommes d’avis qu’il ne faut pas remplacer cette traduction par un équivalent moderne, parce que l’histoire de Queneau n’a pas lieu aujourd’hui. Tout se passe vers la fin des années cinquante, donc c’est une bonne traduction pour une histoire de cette période. Une autre belle traduction est la traduction de ‘c’est le même tabac’ et ‘passage à tabac’.200 Queneau joue ici avec le mot tabac de la première locution qu’il copie dans la deuxième locution et dans la traduction néerlandaise nous avons retrouvé cette répétition : ‘van hetzelfde laken een pak’ et ‘een pak slaag’.201 Il est important qu’elle a conservé la répétition, parce que le contexte de ce fragment nous apprend que Gridoux, qui prononce la deuxième phrase, s’est inspiré de la première locution, sur laquelle il brode. Outre cette traduction, Tuin a également inventé un beau néologisme pour traduire ‘direction plumard’, qu’elle traduit par ‘donswaarts’.202 197 Trésor de la langue française ‘Korte geschiedenis van de AIVD’ Algemene Inlichtingen- en Veiligheidsdienst – 14.06.2010 https://www.aivd.nl/musea/museum-aivd/korte-geschiedenis 199 Ibidem 200 Queneau. Zazie dans le métro. p.174 201 Queneau. Zazie in de metro. p.185 202 Ibidem, p.40 198 55 Si cette catégorie ne consiste pas seulement de belles traductions, c’est que Tuin a fait des traductions moins heureuses. Le mot ‘tarin’ qui signifie ‘nez’ a par exemple été traduit par ‘voorgevel’203, un mot néerlandais qui fait, de nos jours, plutôt penser à la poitrine d’une femme. La connotation a donc changé. Il y a plusieurs possibilités pour traduire ‘tarin’, mais le problème est que ces traductions causent des glissements. Quand on le traduit par ‘neus’, le caractère familier est perdu, quand on le traduit par ‘gok’ on a plutôt à faire avec la langue du peuple et ‘kokkerd’ est un mot qui n’est plus très courant dans le registre familier.204 Il faut donc décider quel glissement est le moins grave, mais en tout cas nous sommes d’avis que ces trois mots sont meilleurs que ‘voorgevel’. Outre cet exemple, il y a aussi d’autres traductions qui sont mal choisies, comme la traduction de ‘pote’ et ‘gaillard’. Tuin a traduit tous les deux termes par ‘vrind’, ce qui a l’air vieilli et aussi assez affecté. Ceci ne correspond pas au registre familier du Néerlandais moyen. Une meilleure traduction serait ‘maat’. De plus, il serait mieux de traduire ‘hublots’ par ‘doppen’ au lieu de ‘kijkgaten’, ‘pisser’ par ‘pissen’ au lieu de ‘wateren’ et ‘un coup de bigophone à passer’ par ‘een belletje te plegen’ au lieu de ‘bellen’. Ces traductions correspondent mieux au vocabulaire familier, que celles de Tuin. De plus, ‘faire tourner le moulin’ est traduit trop littéralement. En néerlandais on ne dit pas ‘de molen laten draaien’, on fait tourner ‘de motor’ (le moteur). En outre, la traduction de ‘se fout la gueule par terre’ (‘met z’n kop pardoes op de grond’) est trop sage. Il y a deux options pour améliorer la traduction : on peut supprimer le mot ‘pardoes’ ou remplacer la traduction entière par ‘pleurt op z’n bek’. La dernière traduction est beaucoup plus familière que la première, peut-être même populaire, mais nous sommes d’avis que le verbe ‘foutre’ demande une traduction assez grossière. Au troisième chapitre, nous avons traité quelques termes dont les dictionnaires n’étaient pas d’accord pour ce qui est de leur classification. S’agit-il vraiment de termes familiers ou sont-ils populaires ou argotiques ? En ce qui concerne leur traduction, il n’y a rien de spécial. Le verbe ‘licher’ est même traduit par un verbe d’un registre neutre (‘likken’). De plus, le termes vieillis dont nous avons parlé passent inaperçus en ce qui concerne leur traduction, qui n’est pas spéciale non plus. La dernière chose qui a disparu est l’effet de l’utilisation du passé simple, parce que le néerlandais ne connaît pas de temps grammatical qu’on ne retrouve que dans la littérature. Il n’est alors pas possible de conserver cet effet de contraste. 203 204 Queneau. Zazie in de metro. p.5 Entrée « neus » Synoniemen.net – 14.06.2010 http://synoniemen.net/index.php?zoekterm=neus 56 En général, nous pouvons conclure que Tuin a bien traduit le vocabulaire familier. Il y a bien sûr quelques points à améliorer, mais dans la plupart des cas il ne s’agit pas de fautes de traduction, mais plutôt de différences de nuance. Sanders explique dans son article sur la traduction, qu’en anglais on utilise le registre neutre plus souvent qu’en français. Dans des cas où les Français utilisent des mots familiers, les Anglais utilisent des termes neutres et ceci cause des glissements dans la traduction.205 Il est bien possible que cela vaut également pour le néerlandais. En néerlandais il n’existe par exemple pas de mot familier pour traduire ‘la lourde’ et la traductrice n’avait pas d’autre choix que de le traduire par le mot neutre ‘deur’. De tels glissements ne peuvent pas être mis sur le compte de la traductrice. Ce sont des glissements qui ressemblent à ceux que Van Maris a traités ; des glissements qui sont inévitables à cause de différences entre la langue source et la langue cible. Dans l’ensemble, la traductrice a bien traduit ce type de vocabulaire. 5.2. La traduction des abréviations En ce qui concerne la troncation, nous devons constater qu’il est beaucoup plus difficile d’abréger des mots néerlandais que de construire des troncations françaises. L’aphérèse a été reprise littéralement et l’apocope ‘tac’ est une fois traduite par ‘tax’. Nous ne comprenons pas pourquoi Tuin a choisi de ne l’employer qu’une seule fois, parce que plus loin dans le roman elle l’a traduit par ‘taxi’. Ici, il faut être conséquent et traduire le terme, partout, de la même manière et le mieux serait de le traduire par ‘tax’ pour ne pas perdre l’effet de l’abréviation. Pour le reste, il est difficile, voire impossible, de traduire ces troncations par des troncations néerlandaises. On peut considérer le mot néerlandais ‘auto’ comme l’apocope de ‘automobiel’, ainsi que le mot français, mais en néerlandais le mot ‘auto’ est si courant, qu’un Néerlandais ne le considère plus comme une forme abrégée. Il en est de même pour le mot ‘homo’, sur lequel Tuin a appliqué le style quenien, en ajoutant le ‘r’. À cause de cette lettre supplémentaire on ne peut plus le considérer comme une abréviation. C’est devenu un néologisme. Il est possible d’abréger les mots ‘krokodil’ et ‘microfoon’, parce qu’à l’aide du contexte le lecteur néerlandais comprendrait ce que signifient ‘kroko’ et ‘micro’. Les autres termes par contre, ne peuvent pas être abrégés. Tuin a encore essayé de conserver la connotation familière du mot ‘apéro’ en le traduisant par ‘aperitiefje’, la forme diminutive, 205 Sanders. ‘Translating Queneau’s français parlé in Zazie dans le métro and Le chiendent’. p.43 57 mais en ce qui concerne le mot ‘proprio’ elle n’a pas pu sauver cette connotation. L’effet de la troncation, une caractéristique du français parlé, a disparu dans la traduction néerlandaise, mais ceci n’est pas la faute de la traductrice. C’est complètement dû au néerlandais, qui a apparemment moins de possibilités d’abréger. 5.3. Comment traduire l’argot ? Au troisième chapitre, nous avons vu que l’argot dans Zazie est un argot qui est utilisé naturellement dans le roman. Le fait que ce vocabulaire est utilisé ici et là et qu’il n’a pas une forte densité, n’empêche pas qu’il faut bien traduire ce vocabulaire en transformation. Pour pouvoir faire cela, il faut savoir quel est l’équivalent néerlandais de l’argot. Au XIXe siècle, on comparait déjà l’argot français avec les argots d’autres pays et en 1856 Francisque Michel en disait : ‘les Hollandais ont également leur argot, désigné chez eux par les noms de bargoens et de dieventael.’206 Tout comme l’argot, le ‘bargoens’ était d’abord une langue secrète, mais ce type de langage s’est développé et beaucoup de ses termes sont utilisés par monsieur et madame tout-le-monde, bien qu’on ne puisse pas l’utiliser dans toutes les situations.207 Ainsi que l’argot, le ‘bargoens’ est utilisé par de différents groupes et nous pouvons le retrouver dans la langue des jeunes et le langage de la rue.208 Le ‘bargoens’ appartient au registres les plus bas et pour la traduction il faut vraiment que le lecteur remarque qu’il ne s’agit pas de la langue courante. En examinant la traduction des mots argotiques, nous pouvons conclure que la liste de traductions est un peu décevante. Tuin a utilisé quelques mots néerlandais qui figurent sur la liste du vocabulaire du ‘bargoens’209, comme ‘smeris’, ‘trut’, ‘bajes’, ‘tippelen’ et ‘mie’, mais malheureusement elle a aussi utilisé des mots qui n’appartiennent pas du tout à ce type de vocabulaire. La traductrice traduit le mot argotique ‘étiquettes’210 (oreilles) par le mot néerlandais ‘gehoorschelpen’211 qui ne fait même pas partie du registre neutre. C’est le terme ‘savant’ qu’on utilise pour indiquer cette partie du corps, mais on ne l’utilise pas pour dire que 206 Moormann, J. ‘De geheimtalen deel II, bronnenboek’. [15.02.1934] dbnl – 15.06.2010 http://www.dbnl.org/tekst/moor012gehe02_01/moor012gehe02_01_0029.php#363 207 Feenstra, Marcel. ‘Bargoens voor beginners’ Voor beginners – 15.06.2010 http://www.voorbeginners.info/bargoens/ 208 Nedloni, Isis. ‘Bargoens ingeburgerd’ [22.07.2006] Volkskrant – 15.06.2010 http://www.vkblog.nl/bericht/63693/BARGOENS_INGEBURGERD 209 ‘Bargoens - Alfabetische woordenlijst’ Voor beginners – 15.06.2010 http://www.voorbeginners.info/bargoens/alfabetisch-a-m.htm?ref=Sex%C5%9Ehop.Com 210 Queneau. Zazie dans le métro. p.127 211 Queneau. Zazie in de metro. p.135 58 quelqu’un colle ses oreilles à la porte pour écouter ce qu’on dit à l’autre côté. En tout cas, on peut être sûr de ne jamais entendre parler de ‘gehoorschelpen’ par les gamins des rues. Il est vrai que le néerlandais ne connaît pas de mot argotique pour traduire ‘étiquettes’ et qu’un glissement est donc inévitable, mais dans ce cas il est mieux de traduire ce mot par le terme neutre ‘oren’, qui est toujours plus proche du terme français que le mot ‘gehoorschelpen’. De plus, Tuin a complètement raté son coup en ce qui concerne la traduction du mot ‘fiotte’, qu’elle a traduit par ‘slijmbal’. ‘Fiotte’ est un mot injurieux et argotique, qui signifie ‘homosexuel’.212 Le personnage qui utilise ce terme, se trouve dans une ‘boîte de tantes’ et il se dispute avec un serveur homosexuel, alors il est assez clair que ce mot injurieux est lié à l’orientation sexuelle de l’homme qu’on insulte. ‘Slijmbal’ est donc une mauvaise traduction. Un mot comme ‘flikker’ est plus approprié. Nous sommes d’avis qu’il y a de meilleures traductions pour quelques autres mots argotiques qui figurent dans ce roman. La liste ci-dessous est une liste de suggestions pour améliorer la traduction: Argot mec tas de caves derche bectance entôlage crampettes chabanais bigorne gambergé entravent me parle marida Traduction de Tuin sul stelletje gapers achterste voer wederrechterlijke toeeigening stuiptrekkingen herrie offensief nagedacht snappen praat me over trouwen Traduction alternative vent stelletje onnozele gapers kont vreten afzetterij nummertjes teringherrie knokpartij geprakkiseerd vatten heeft het over sjanken Les traductions alternatives ne sont également pas toutes des termes ‘bargoens’, mais nous croyons qu’elles traduisent mieux les mots français. C’est qu’un ‘sul’ est plutôt un benêt, ce qui n’est pas un synonyme pour ‘mec’. Le deuxième mot argotique est difficile à traduire, parce qu’un ‘cave’ est une personne qui n’est pas du milieu et qu’on peut tromper facilement.213 En ajoutant le mot ‘onnozele’ à la traduction de Tuin, on garde l’idée d’une personne naïve. Les traductions ‘kont’, ‘vreten’ et ‘teringherrie’ sont un peu plus grossières que les termes utilisés par Tuin et ‘nadenken’ et ‘snappen’ sont des verbes trop courants, donc il faut également remplacer ces traductions. De plus, ‘wederrechterlijke toe-eigening’ et 212 213 Queneau. Zazie dans le métro. p.152 (Note en bas de page ajoutée par Fourcaut) Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007 59 ‘offensief’ sont vraiment trop soutenus. En outre, nous avons remplacé deux autres traductions, par des termes qui font partie du vocabulaire du ‘bargoens’. ‘Nummertjes’ vient de l’expression ‘bargoens’ ‘een nummertje maken’214 et d’après Van Dale, le mot argotique ‘sjanken’ signifie ‘se marier’.215 Ce dernier verbe n’est pas très connu aux Pays-Bas, donc il est possible que pour cette raison, Tuin n’as pas utilisé ce mot, mais les autres traductions alternatives ne posent pas de problèmes de compréhension. Il est vrai que ce n’est pas facile de traduire l’argot dans ce roman, mais pourtant Tuin a pu faire mieux. Il est vrai qu’il y a des glissements inévitables, par exemple dans le cas de ‘étiquettes’, mais quelques petites adaptations à l’aide d’un dictionnaire du ‘bargoens’ auraient eu un meilleur résultat. Le Bargoens woordenboek216 du linguiste Enno Endt peut être utile. Endt a fait beaucoup de recherche sur le ‘bargoens’ et écrivit entres autres le livre Een taal van horen zeggen, qui porte sur ce langage. Il n’existe pas moins de dix éditions de son dictionnaire du ‘bargoens’ et nous croyons que ce dictionnaire est utile pour la traduction de l’argot. 5.4. La traduction de gros mots En ce qui concerne la traduction des insultes, des gros mots et du vocabulaire vulgaire, Tuin a mieux réussi. Dans l’ensemble elle a bien traduit ce type de vocabulaire, mais nous avons aussi quelques remarques à faire. Dans la subcatégorie des termes péjoratifs, il y a le mot ‘croquants’, pour lequel nous avons trouvé une meilleure traduction que ‘botteriken’. C’est que ‘croquant’ est un terme péjoratif qui signifie paysan217 et la traduction de Tuin ne couvre pas ce sens, tandis qu’il y a une traduction néerlandaise qui transpose à la fois ce sens et le sens du terme que Tuin a utilisé, à savoir : ‘botte boeren’. Dans la subcatégorie des insultes, il y a un mot qui a plusieurs sens qu’on ne peut pas tous traduire. ‘Gorille’ est à la fois un singe, un garde du corps et un agent secret.218 L’équivalent néerlandais (‘gorilla’) contient les deux premiers sens, mais ce n’est pas un mot qui renvoie à un agent secret. C’est dommage qu’on perd ce sens, parce que le mot n’est utilisé que quelques lignes après le mot Barbouze, qui signifie également ‘agent secret’, donc il serait beau si cette répétition de sens cachés aurait été présente dans le texte néerlandais. 214 ‘Bargoens - Alfabetische woordenlijst’ Voor beginners – 15.06.2010 http://www.voorbeginners.info/bargoens/alfabetisch-a-m.htm?ref=Sex%C5%9Ehop.Com 215 Dikke Van Dale informatisé 216 Endt, Enno. Bargoens woordenboek: kleine woordenschat van de volkstaal. Amsterdam: Bakker, 2003 217 Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007 218 Le trésor de la langue française 60 Parmi les insultes, il y a aussi deux traductions qui nous frappent, à savoir ‘Marie’ qui est la traduction de ‘eh lope’ et le nom ‘Mackie’ qui est la traduction de ‘gy’. ‘Lope’ est un mot péjoratif pour un homosexuel, mais nous n’avons pas pu trouver des sources qui montrent qu’en néerlandais, on appelle un homosexuel Marie. Il est possible que même si le lecteur ne connaît pas non plus cet usage du nom, il comprenne quand même ce qu’on veut dire, mais pourquoi la traductrice a-t-elle remplacé un terme direct, par un mot qui n’est pas très connu ? Nous préférons une traduction qui est plus proche du texte original. Le terme ‘lope’ fait partie du lexique argotique219 et il faut donc le traduire par un terme du ‘bargoens’. Dans ce cas nous n’avons que l’embarras du choix : ‘bruinwerker, flikker, mie(tje), nicht, (ruig)poot’.220 En ce qui concerne l’utilisation du nom ‘Mackie’ dans la traduction néerlandaise, nous ne comprenons pas pourquoi Tuin utilise ce nom, dont l’usage (et la connotation) nous est inconnu. En étudiant le texte original, nous pouvons voir que ‘Mackie’ n’est pas la traduction d’un nom propre. La phrase original est ‘Eh bien gy, dit Gabriel, apporte nous la bibine gazeuse …’221 que Tuin a traduit par ‘Kom, Mackie,’ zei Gabriël, 'breng ons dat borrelende vocht…’.222 Le Trésor de la langue française nous apprend que ‘gy’ est un mot argotique ou populaire, qui signifie ‘oui, d’accord’. Une traduction possible est alors ‘Goed, oké’ zei Gabriël …’ et dans ce cas, le mot ‘gy’ ne tombe pas du tout dans cette catégorie. Il semble qu’à cause de la traduction, le terme est tombé dans ce groupe de vocabulaire, mais si notre traduction alternative est correcte, c’est un exemple de vocabulaire argotique et non pas un insulte. Continuons avec la subcatégorie de gros mots, qui est dans son ensemble bien traduit. Pour cette catégorie, nous avons également quelques points à améliorer. Dans un autre chapitre, nous avons vu que Zazie dit tout le temps ‘mon cul’, ce qui choque d’autres personnages, parce que c’est très grossier. Dans le texte néerlandais, elle dit ‘amme gat’, ce qui n’est pas une mauvaise traduction, mais elle semble un peu datée. Une traduction plus moderne et à notre avis un peu plus grossière est ‘m’n reet’. De plus, ‘en plein poire’ peut être traduit par ‘recht in z’n smoel’, ce qui est plus dur que ‘pal in het doel’. Pour le reste, il faut faire attention à la richesse de ce type de vocabulaire. Queneau utilise par exemple à la fois le mot ‘fridolins’ et ‘frisous’, qui sont tous les deux traduit par ‘fritzen’. Pour ne pas perdre la richesse de ce vocabulaire, nous proposons de traduire un de ces deux termes par ‘moffen’. 219 Nous avons choisi de traiter ce terme à la fois dans la catégorie de l’argot et dans la catégorie de gros mots, parce que c’est un insulte argotique. 220 Bargoens - Alfabetische woordenlijst’ Voor beginners – 15.06.2010 http://www.voorbeginners.info/bargoens/alfabetisch-a-m.htm?ref=Sex%C5%9Ehop.Com 221 Queneau. Zazie dans le métro. p.152 222 Queneau. Zazie in de metro. p.161 61 Quant aux jurons, nous pouvons constater qu’il y a un glissement, car la plupart des jurons n’a pas été traduit par des jurons, c’est qu’ils ont perdu leur caractère blasphématoire. Il est possible que Tuin à fait cela exprès, parce que les lecteurs peuvent être choqués par les jurons. Il y a des traducteurs qui estiment qu’il ne faut pas utiliser des jurons dans une traduction. Pourtant, nous ne croyons pas que Tuin partage cette opinion vraiment, parce qu’elle a quand même traduit quelques jurons par des termes blasphématoires, comme ‘nondejuus’ (terme dérivé de ‘nom de Dieu’) et ‘gotsammeliefhebbe’. Il est assez facile de traduire tous les jurons d’une telle manière qu’ils restent des jurons. Pour obtenir ce résultat, la traductrice peut tout simplement traduire le mot ‘sacré’, qu’on retrouve dans presque tous les jurons, par ‘verdomde’. La dernière subcatégorie, celle qui consiste d’un vocabulaire vulgaire, n’est plus très vulgaire après la traduction. L’expression ‘la terre verte’ qui est une allusion à ‘la terre jaune’, a perdu sa connotation vulgaire et les deux premiers mots de cette petite liste ont été traduit par des termes trop faibles. Gabriel demande Zazie pourquoi elle veut devenir institutrice et elle répond : ‘Pour faire chier les mômes.’223 Ceci est une réponse grossière, alors il faut une traduction grossière : ‘Om die koters te laten schijten.’ Il en est de même pour la traduction de ‘connasse’. Van Dale donne la traduction suivante : ‘(stomme) trut, kutwijf’. Surtout le dernier terme est très vulgaire et nous croyons que la traductrice trouvait une telle traduction peut-être trop choquant et que c’est pour cette raison quelle l’a traduit par ‘mirakel’, qui est dans son contexte péjoratif, mais certainement pas vulgaire. Nous sommes d’avis que quand l’écrivain utilise des termes choquants, il fait cela avec une raison et c’est pour cela que le traducteur ne doit pas trop s’éloigner du texte original. Au troisième chapitre, nous avons traité l’article de Gacek224 qui a souligné que les gros mots ont une forte connotation culturelle et cette connotation peut provoquer un glissement de la traduction par rapport au texte original. Nous ne croyons pas que ceci est le cas pour la traduction de Tuin. Les quelques glissements que nous avons constatés, ne sont d’après nous pas causés par les différences culturelles entre la France et les Pays-Bas, mais ils sont plutôt liés aux choix personnels de la traductrice. L’effet humoristique que les gros mots ont parfois n’a pas disparu et de plus Gacek avait raison que ces mots donnent parfois plus de poids à une expression et qu’ils contribuent à l’authenticité du texte et le caractère oral du roman. Cette caractéristique de ce type de vocabulaire n’est pas perdu par la traduction. 223 224 Queneau. Zazie dans le métro. p.22 Gacek, Marie-Jo. 62 5.5. Les langues étrangères : traduire ou ne pas traduire ? En ce qui concerne les langues étrangères autre que le français et utilisées sans modifications, Tuin a appliqué une stratégie claire et bien choisie. C’est qu’elle ne les a pas traduites, mais elle a copié ces phrases et termes en langue originale. De cette manière, elle garde les effets du texte original, à savoir l’effet de vraisemblance, l’effet de dissonance et l’effet d’aliénation, dont nous avons parlé au troisième chapitre. Il n’y a que trois exceptions dans cette catégorie d’éléments authentiques d’autres langues. La première exception est la traduction de ‘in petto’, dont Tuin a modifié l’orthographe : ‘ien petto’. De cette manière, la traduction correspond à la prononciation étrangère, elle met l’accent sur le fait que c’est un mot italien, et une telle traduction va bien ensemble avec le style de Queneau. La deuxième exception est le mot ‘primo’ qu’elle a traduit par ‘om te beginnen’. Ici, Tuin a également pris la bonne décision, parce que ‘primo’ est un mot qui est bien intégré dans la langue française, alors il n’a pas d’effet spécifique dans le roman qui peut être perdu, mais en néerlandais c’est un terme qu’on n’utilise pas, alors il faut une traduction. La dernière exception ne peut pas être traitée sans parler de son contexte. Les deux expressions latines font partie d’une énumération d’expressions que Bertin Poirée lit à haute voix d’un dictionnaire. Comme il n’est pas possible de traduire à la fois le contenu des mots dans le dictionnaire et de garder l’ordre alphabétique (le fragment commence par une énumération de mots qui commencent tous par un ‘v’), Tuin a substitué le fragment par un texte dans le même style, dont le contenu est différent. La traduction est encore plus comique que l’original : Queneau : ‘des cochonneries, je parie… j’avais tort, c’est en latin … « fèr’ ghiss ma-inn nich’t, veritas odium, victis honos », ça y est pas non plus.’225 Tuin : ‘smeerlapperijen, wed ik… zie je wel, allemaal Latijn : … jetzt geht’s los… joci causa… keep smiling… kyrie eleison… hier staat ‘t ook niet bij.’226 Dans le texte original le personnage a tort, mais dans la traduction néerlandaise il a raison (‘zie je wel’). De plus, le personnage est encore plus ridiculisé dans la traduction que dans l’original, parce que dans le texte français il y a encore du latin dans son énumération d’expressions qu’il croit être latines, mais dans la traduction il n’y a qu’une expression qui est dérivée du latin (‘joci causa’ vient de ‘ioci causa’227) et les autres expressions appartiennent à 225 Queneau. Zazie dans le métro. p.164 Queneau. Zazie in de metro. p.174 227 Dikke Van Dale informatisé 226 63 d’autres langues, ce qui rend le personnage encore plus stupide et le texte plus comique. Nous trouvons cette traduction une belle solution pour le problème. En ce qui concerne la subcatégorie qui consiste de combinaisons du français et de langues étrangères, nous sommes très contents avec les traductions de Tuin. Elle les a traduit assez littéralement, ce qui est bien ici. Nous n’avons qu’une seule remarque par rapport à la traduction de ‘mêle-toi de tes cipolles’.228 Queneau a traduit le dernier mot de l’expression ‘mêle-toi de tes oignons’ en italien et cette combinaison de langues n’est plus présente dans la traduction de Tuin. Il est possible d’également traduire le dernier mot de l’expression néerlandaise ‘bemoei je met je eigen zaken’ et il n’est pas nécessaire qu’on utilise l’italien. ‘Bemoei je met je eigen business’ a par exemple le même effet, parce que c’est aussi une combinaison bizarre qui frappe le lecteur, mais qui ne devient pas incompréhensible. À l’exception de ce petit détail, nous sommes d’avis que Tuin a bien traduit ce type de vocabulaire ou à vrai dire, dans la plupart des cas elle a pris la bonne décision de ne pas traduire du tout. 5.6. Les néologismes : un plaisir de les traduire ? Au deuxième chapitre, nous avons expliqué que Van Maris est d’avis que le seul type de langage qui est vraiment traduisible sans que des glissements apparaissent, est un langage qui n’existe pas, parce que dans ce cas le traducteur peut utiliser toute sa créativité, puisqu’il n’y a pas encore une traduction existante. Dans ce cas la traduction du grand nombre de néologismes dans Zazie doit avoir été une tâche agréable pour la traductrice, bien qu’il puisse également être difficile de traduire des mots non existants, car il manque de repères. En examinant la liste de traductions de cette catégorie, nous pouvons voir que Tuin a utilisé plusieurs méthodes pour traduire ces mots nouveaux. Elle copie le néologisme français sans modifications (‘caromba’), elle traduit les néologismes littéralement (‘telefunctioneren’) ou elle donne une sorte de description du sens du nouveau terme (‘tot stoppen gedwongen automobilisten’). De plus, il y a aussi des cas dans lesquels elle traduit le néologisme par un mot normal et de cette manière l’effet innovant du néologisme est perdu. De bonnes traductions dans cette catégorie sont ‘eurekatie’, ‘gidsneppers’ et ‘berlitzkennis’. De plus, la traductrice a trouvé une bonne solution pour le mot ‘bellicose’ (composé de ‘illico’ et ‘because’) qu’on ne peut pas traduire par un néologisme. Elle a lié sa traduction à 228 Queneau. Zazie dans le métro. p.94 64 l’article et au substantif qui le suivent et de cette manière elle a crée une coagulation phonétique dans le style de Queneau, qui d’après tout n’existe pas non plus. Malheureusement, il y a aussi des traductions qui ne témoignent pas vraiment d’une grande créativité. Un exemple d’une occasion manquée est la traduction de ‘lunettes antisolaires’ que Tuin a traduit par ‘zonnebril’, qui est un terme courant, tandis que le terme français a été modifié, parce que normalement on dit ‘lunettes solaires’ ou ‘lunettes de soleil’. Il faut donc également un mot néerlandais anormale, comme ‘anti-zonbril’, un néologisme qui est un bon équivalent du néologisme français. De plus, nous avons également constaté que le sens de mots a parfois changé. Tuin traduit le verbe inventé ‘vuvurrer’, comme ‘stamelen’ of ‘lispelen’ ce qui signifie que les personnages balbutient ou zézayent, ce qui n’est pas la même chose. De plus, ces traductions ne correspondent pas à l’explication de Fourcaut qui explique qu’il s’agit d’un ‘mot forgé sur le modèle [du verbe susurrer], par attraction du v de « voui »’.229 ‘Susurrer’ signifie chuchoter, ce qui est toute outre chose que le fait de ne pas savoir bien prononcer quelque chose. Nous pouvons bien sûr traiter chaque néologisme à part et discuter si le néologisme en question est traduisible ou pas, si la traductrice l’a bien traduit ou pas, si nous pouvons améliorer la traduction ou si c’est impossible, mais dans ce cas le résultat serait un discours qui n’en finit pas. Dans l’ensemble, nous pouvons conclure que cette catégorie n’a pas été mal traduite, mais pas non plus d’une manière excellente, parce qu’il y a encore trop de néologismes qui ont été traduits par des mots qui ne sont pas du tout nouveaux. Ceci influence négativement la richesse du vocabulaire dans le roman. L’utilisation de néologismes contribue fortement à la réforme du vocabulaire qui est si importante pour Queneau et c’est vraiment dommage que le nombre de néologismes a diminué par la traduction. 5.7. La traduction du vocabulaire dans sa totalité Après avoir examiné la traduction de tous les types de vocabulaire dans le roman de Queneau, nous pouvons conclure que Tuin a bien traduit ce lexique. Pour chaque catégorie nous avons trouvé des points à améliorer, pour l’une un peu plus que pour l’autre, mais ceci est normale car la traduction parfaite n’existe pas. Il n’est jamais facile de traduire un texte littéraire, car le traducteur a à faire avec deux langues différentes et deux cultures différentes, mais dans le cas de Queneau on est encore confronté à toute une théorie sur la langue. 229 Queneau. Zazie dans le métro. p.47 (Note en bas de page ajoutée par Fourcaut) 65 Au deuxième chapitre, nous avons vu qu’il y a d’après Henjum trois questions que le traducteur d’un texte plein d’éléments de la langue parlée doit se poser. La première question était la question si le potentiel de signification change par l’acte de traduction. Dans l’ensemble, la signification du vocabulaire dans la traduction de Tuin n’a pas vraiment changé, à l’exception de quelques mots spécifiques qui ont un double sens et dont on perd un de ces sens par l’acte de traduction. De plus, il y a quelques différences de nuance, qui sont souvent petites, mais qui peuvent aussi être assez grandes. C’est qu’il arrive qu’un mot est traduit par un terme qui ne tombe pas dans la même catégorie que le mot original, par exemple quand la traduction fait partie d’un autre registre. Dans ce cas, nous devons constater qu’il est question d’un glissement, par exemple du registre familier vers le registre neutre. Un tel glissement est regrettable, parce qu’elle peut causer un changement de connotation, mais malheureusement ce n’est pas toujours inévitable, à cause de la différence entre les langues et la richesse de leurs registres. La deuxième question porte sur la compréhension et l’interprétation du texte. Y a-t-il des différences entre l’original et la traduction sur ces points ? Dans l’ensemble la traduction est parfaitement compréhensible pour le lecteur néerlandais. À l’exception de quelques allusions il comprendra tout et nous pouvons nous demander si les Français comprennent toutes les allusions. Comprennent-ils tous que le terme ‘éonisme’230 renvoie à un travesti célèbre ? À notre avis, de telles significations peuvent aussi bien échapper au lecteur français qu’au lecteur néerlandais. De plus, en ce qui concerne l’interprétation du texte, nous ne croyons pas qu’il y a de grandes différences entre le texte original et la traduction. La dernière question est celle de savoir sur quels niveaux de texte les modifications se manifestent. La réponse sur cette question est assez simple : sur le niveau lexical. Il faut prêter beaucoup d’attention au vocabulaire dans ce roman, ce que Tuin a bien fait, mais elle peut toujours améliorer sa traduction sur quelques points, pour que l’importance que Queneau prête au vocabulaire est bien mise en valeur. Après tout, nous avons constaté quelques glissements qui ne sont pas inévitables et les suggestions que nous avons données doivent aider à éviter ou en tout cas limiter ces glissements. Dans le chapitre suivant, nous allons parler de la traduction des éléments d’un autre niveau du texte, à savoir le niveau orthographique. 230 Queneau. Zazie dans le métro. p.67 66 Chapitre VI La traduction de l’orthographe modifiée Dans ce dernier chapitre, nous allons traiter la traduction de l’orthographe modifiée dans Zazie dans le métro. Toutes les catégories du quatrième chapitre vont être discutées, de la même manière que nous avons examiné la traduction du vocabulaire. Nous allons parler des points forts et des points faibles de la traduction de cette catégorie importante, pour pouvoir découvrir si la réforme de l’orthographe qui a une grande valeur pour Queneau et qui a un effet important, est bien mise en valeur par la traduction de Jenny Tuin. 6.1. De la transcription du français parlé à celle du néerlandais parlé Dans son roman, Queneau a modifié l’orthographe pour pouvoir donner un style au français parlé et ce sont donc les caractéristiques de la prononciation du français, qu’il a introduit dans ce texte littéraire. La traduction de ce caractéristique du roman entraîne donc sans doute des changements, car le traducteur ne peut pas représenter les signes particuliers de la prononciation française dans un texte en néerlandais. Tuin a du utiliser l’orthographe pour mettre par écrit le néerlandais parlé, de la même manière que Queneau l’a fait avec le français parlé. Le néerlandais parlé à d’autres caractéristiques et nous pouvons nous attendre à ce que Tuin a cherché des méthodes de compensation, pour remplacer les particularités de l’orthographe de la langue source, par une orthographe modifiée de la langue cible. En ce qui concerne la première subcatégorie, celle des mots avec un ‘x’ qui est remplacé par un ‘s’, il est directement clair que la traductrice n’a pas pu traduire cette caractéristique, parce qu’après la traduction de cette liste, on n’a plus à faire avec un groupe de mots qui comportent un ‘x’ qu’on peut remplacer. Il faut donc que la traductrice invente quelque chose pour qu’elle puisse marquer que Queneau n’utilise pas l’orthographe officielle. Dans un seul cas, la traduction néerlandaise comporte quand même un ‘x’ et Tuin s’est servi de cette occasion et elle a utilisé deux traductions différentes pour le mot ‘esprès’, à savoir ‘espres’ et ‘espurres’. Ainsi que Queneau, elle a remplacé le ‘x’ par un ‘s’ et pour la deuxième traduction elle a encore plus modifié l’orthographe. Quant aux autres traductions dans cette catégorie, il y a encore trois autres mots qui sont écrits d’une autre manière, à savoir ‘maksimum’, ‘seksuwaliteit’ et ‘buiten ‘t uit’. L’écriture de tous ces trois exemples 67 correspond à la prononciation, les deux premiers à la prononciation générale et le dernier exemple à la prononciation un peu plus familière. Quand on emploi un registre plus soutenu, l’article ‘het’ n’est pas abrégé dans la langue parlée, mais les deux autres exemples sont toujours prononcés de la manière que Tuin les a écrits. Ces sont donc de bonnes traductions. Malheureusement, les autres exemples n’ont pas été bien traduit, c’est-à-dire si Tuin a bien traduit leur sens, elle a fait disparaître l’effet d’une orthographe qui éclate aux yeux et qui rend le lecteur conscient des différences entre la langue parlée et la langue écrit, et du caractère arbitraire de l’orthographe. Pour cette subcatégorie, la traductrice a dans 80% des cas traduit le français modifié par un néerlandais à l’orthographe officielle. Nous sommes d’avis que pour bien représenter les idées sur l’orthographe que Queneau a appliqué sur son roman, Tuin a du changer l’orthographe de ces mots, même s’il n’est pas possible de le faire aussi structuré que Queneau, c’est-à-dire à l’aide d’une méthode qu’on applique à tous ces mots. Il y a une caractéristique du néerlandais parlé, que nous pouvons facilement appliquer à la traduction, à savoir la chute du ‘n’ final. C’est une règle officielle qu’en néerlandais parlé il est permis de supprimer le ‘n’ final quand celui est précédé par un ‘e’ muet.231 Quand nous appliquons cette règle à l’orthographe de la traduction néerlandaise, nous obtiendrons des traductions comme ‘uitlegge’, ‘overdreve’ et ‘verklare’. De cette manière, le lecteur comprend directement que l’orthographe a été changé sur le modèle de la prononciation. Il y a huit traductions dont nous pouvons supprimer le ‘n’ final et pour les autres traductions il faut trouver une autre solution pour changer l’orthographe. Il en est de même pour la subcatégorie de mots dont Queneau a remplacé le ‘x’ par ‘gz’. Dans 90% des cas, Tuin a traduit le français modifié par un néerlandais normale. Il n’y a qu’une traduction avec une orthographe modifiée, tandis qu’elle a pu utiliser cette traduction plusieurs fois. Une fois, elle a traduit ‘gzactement’ par ‘prussies’ et une fois par ‘precies hetzelfde’, alors qu’elle avait pu utiliser sa trouvaille deux fois (‘prussies hetzelfde’). Henjum explique dans son article que beaucoup de glissements dans les traductions de textes basés sur la langue parlée, sont dus au fait que le traducteur doit se demander dans quelle mesure il veut s’insurger contre les normes de la langue cible pour être fidèle au style du texte original.232 Henjum constate que les traducteurs ne sont pas toujours fidèle au style d’un écrivain, parce qu’ils ne veulent pas trop s’écarter de ce qui est accepté dans la langue cible. Il se peut bien que ceci est une raison pour laquelle Tuin n’a pas toujours traduit un mot à l’orthographe modifiée par un mot qui ne s’écrit pas suivant les règles orthographiques. Tout comme 231 232 ‘Uitspraak slot-n’ Nederlandse Taalunie – 18.06.2010 http://taaladvies.net/taal/advies/tekst/47/ Henjum, p.519 68 Queneau était d’avis qu’il ne faut pas aller trop loin dans la réforme de l’orthographe, pour ne pas trop choquer le lecteur, Tuin a peut-être cru qu’il ne faut pas exagérer la modification de l’orthographe. La troisième subcatégorie a été bien traduite par Tuin, parce que pour quatre des six mots, Tuin a modifié l’orthographe. Une belle transcription de la prononciation est ‘munneer’, mais une traduction moins heureuse est ‘meunheer’ ce qui ne correspond pas à la prononciation néerlandaise. La traduction des sigles écrits en toutes lettres selon leur prononciation correspond bien à la prononciation néerlandaise. L’abréviation ‘l’esstéo’ a été remplacé par un équivalent néerlandais ‘de Adé’ ce qui renvoie au ‘Arbeidsdienst’, un service de travail obligatoire pendant la Seconde Guerre Mondiale.233 Le terme J3 a été remplacé par un mot très général, ‘menssuh’, probablement pour éviter des problèmes de compréhension. De cette manière on perd l’allusion à la Seconde Guerre mondiale, mais c’est en faveur de la compréhensibilité du texte. La dernière subcatégorie est pleine de traductions normales, sans modification de l’orthographe. Ici et là, Tuin a essayé de transcrire le langage parlé, par exemple par la création d’une coagulation phonétique : ‘kwilliessandus’. Nous voudrions encore remarquer que la traduction n’est pas aussi richesse que l’original, en ce qui concerne les différentes manières d’écrire un mot. Queneau utilise par exemple trois manières d’écrire le mot ‘peutêtre’ et Tuin les a tous traduit par ‘msgien’ ce qui est une bonne transcription du langage parlé, mais il y a donc moins de variation dans la version néerlandaise. Dans l’ensemble, nous pouvons conclure que Tuin a, consciemment ou non, manqué beaucoup d’occasions pour modifier l’orthographe néerlandaise, par la transcription du langage parlé. De ce fait, la réforme de l’orthographe est moins riche dans la traduction néerlandaise que dans le roman original. 6.2. La traduction de l’abréviation de mots Pour la traduction des abréviations et la chute de lettres, il en est de même que pour la transcription du langage parlé. Le termes français ont d’autres caractéristiques que leurs traductions néerlandaises et à cause de ces différences nous devons constater qu’après la traduction il ne s’agit plus de la même type d’abrègement. L’effet de la traduction des termes dont Queneau a supprimé le ‘e’ muet est comparable à celui des catégories qui portent sur le 233 Soeters. ‘Arbeiddienst’ Nederland in de Tweede Wereldoorlog – 18.06.2010 http://www.tweede-wereldoorlog.org/arbeidsdienst-introductie.html 69 remplacement du ‘x’. La traductrice doit d’abord traduire le sens, et s’il n’y a pas de ‘e’ muet qu’on peut laisser tomber dans la traduction, elle doit chercher une autre manière à traduire la modification de l’orthographe. Ainsi que la traduction de la transcription phonétique, les deux catégories de la chute du ‘e’ muet, sont plein de traductions en néerlandais non modifié. Si Tuin a modifié l’orthographe, elle a fait cela en supprimant des lettres et en liant plusieurs mots. De cette manière plusieurs coagulations phonétiques sont créées, parce qu’il s’agit de la liaison d’au moins trois mots. Ces coagulations sont clairement basées sur le néerlandais parlé, qui lie parfois des mots, sans que ceci est prescrit. En examinant la catégorie de la chute du ‘e’ muet à l’intérieur des mots, nous pouvons voir que Tuin a traduit ‘À rvoir’ de deux manières différentes: ‘tossiens’ et ‘tsiens’. À certains points la richesse de la réforme de l’orthographe est donc perdu, mais de tels exemples compensent cette perte. Ce que nous voyons aussi dans la deuxième subcatégorie, c’est que le pronom personnel ‘ik’ est parfois réduit à ‘k’ et lié au mot qui le suive, ce qui correspond bien à la prononciation familière ou populaire du néerlandais. De plus, nous pouvons retrouver des exemples de dévoisement, par exemple de la consonne fricative ‘z’ qui est remplacée à l’oral par son équivalent sourde ‘s’ (‘sooskalsei’234), ce qui est caractéristique pour le néerlandais parlé et en outre le dévoisement augmente.235 Il est positif que la traductrice à ajouté de tels éléments qui sont propre au néerlandais parlé à sa traduction. De cette manière le lecteur à vraiment l’impression de lire un discours écrit dans la langue parlée. En ce qui concerne la réduction du pronom personnel ‘il(s)’, il y a moins de possibilités de le réduire en néerlandais qu’en français. En néerlandais parlé, il est possible de remplacer ‘hij’ par ‘ie’, s’il est précédé par le verbe ou par le mot ‘dat’: ‘denkt-ie’236 et ‘datie’.237 Le mot ‘ie’ est parfaitement oral, nous ne le retrouvons jamais dans la langue écrite et de plus, il fait partie du langage familier ou populaire. Quant à la catégorie de mots dont Queneau a supprimé des lettres finales et auxquels il a ajouté une apostrophe pour le lier au mot suivant, nous devons remarquer qu’en néerlandais l’utilisation de l’apostrophe n’est pas très courante. Il n’y a qu’une traduction dans laquelle il est question d’une abréviation plus une apostrophe, à savoir ‘’t was’238 (‘het was’), mais ici l’apostrophe n’a pas la fonction de lier le mot abrégé au mot suivant. Par contre, elle se trouve 234 Queneau. Zazie in de metro. p.57 Velde, Hans Van de, e.a. ‘De verstemlozing van de fricatieven in Standaard-Nederlands. Een onderzoek naar taalverandering in de periode 1935-1993.’ dbnl – 19.06.2010 http://www.dbnl.org/tekst/veld005vers01_01/veld005vers01_01_0001.php 236 Queneau. Zazie in de metro. p.50 237 Ibidem, p.147 238 Ibidem, p.59 235 70 au début de l’article abrégé. Pour ce qui est du reste des traductions de cette subcatégorie, Tuin n’a fait rien pour modifier l’orthographe. Il en est de même pour la dernière subcatégorie, dont Queneau à modifié l’orthographe officielle en laissant tomber des lettres, sans que ceci ait des conséquences pour la prononciation. Tuin n’a fait rien de spéciale avec ces mots. Nous pouvons conclure que cette catégorie n’a pas été traitée différemment de la catégorie qui porte sur la transcription de la prononciation. Parfois, Tuin a modifiée l’orthographe sur le modèle de la prononciation néerlandaise, mais souvent elle a traduit les mots modifiés par des termes normales. En ce qui concerne les traductions, nous ne pouvons plus séparer la catégorie des abréviation de celle de la transcription du langage parlé. Nous regrettons que la réforme de l’orthographe de ces catégories est beaucoup moins présente dans la traduction que dans le texte original et nous sommes d’avis que Tuin a du représenter plus de caractéristiques de la prononciation néerlandaise dans sa traduction. 6.3. La traduction de la liaison La liaison est un phénomène linguistique caractéristique pour le français. Au quatrième chapitre, nous avons vu qu’en français il y a des règles en ce qui concerne la liaison, mais en néerlandais il n’existe pas de règles pour ce phénomène linguistique. Cela ne veut pas dire qu’en néerlandais, on ne lie jamais un mot à un terme qui le suive directement. Dans la catégorie que nous venons de discuter, il y a par exemple le mot ‘kattat’239 ce qui est une sorte de coagulation phonétique pour ‘ik had dat’, mais ici il ne s’agit pas d’une liaison, mais d’une transcription de ce qu’on dit quand on utilise le registre familier, car le registre courant et le registre soutenu ne supportent pas une telle prononciation. C’est qu’en néerlandais il n’y a pas de règles qui obligent la liaison. En effet, il n’est alors pas possible de traduire la transcription de la liaison et son absence. C’est qu’elle est une caractéristique du français parlé, mais pas du néerlandais parlé, donc il n’est pas logique que Tuin a introduit ce phénomène dans sa traduction. Quand nous examinons le tableau avec la traduction de la (fausse) liaison et son absence, nous pouvons voir qu’il n’y a effectivement pas de liaisons dans la traduction néerlandaise. Souvent la traduction consiste d’un néerlandais normale, donc il n’y a plus rien de spéciale en ce qui concerne ces particularités du roman original. Pourtant, Tuin a parfois essayé de changer 239 Queneau. Zazie in de metro. p.148 71 l’orthographe de la traduction, pour que le caractère spéciale de ces phrases ne se perde pas totalement. Dans certains cas, l’écriture ressemble quand même à la liaison française. Parmi les traductions, il y a par exemple l’expression suivante : ‘’t izzun schok’.240 Ceci est la transcription de la prononciation familière de ‘het is een schok’. Nous pouvons voir qu’on a lié la consonne finale du mot ‘is’ à la voyelle initiale de l’article indéfini. De plus, le ‘s’ est devenu sonore (‘z’) et la traductrice l’a doublé, ce qui met l’accent sur ce son. Une telle ‘liaison’ correspond parfaitement à la liaison obligée du français. Ce qui est remarquable, c’est que cette traduction qui comporte quand même une sorte de liaison caractéristique pour la langue parlée du registre familière, est la traduction d’une phrase dans laquelle Queneau a ajouté un ‘h’ pour éviter la liaison. Dans la plupart des cas, Tuin a donc traduit les exemples d’une liaison marquée à l’écrit par un néerlandais avec son orthographe normale, mais elle a aussi utilisé la transcription du langage parlé pour marquer le caractère spéciale de ces phrases dans l’original. Elle a fait cela par la réduction de l’article ‘het’ à ‘’t’, la jonction de mots (comme ‘hebbuzzook’ et ‘vragus’) et la modification de l’orthographe (‘tiep’). En principe, nous sommes d’avis qu’elle a pu faire cela avec toutes les traductions dans cette catégorie. Bien que la liaison soit un phénomène linguistique qui est n’est pas propre au néerlandais, ce n’est pas une mauvaise idée de quand même indiquer d’une manière ou d’une autre que Queneau n’a pas utilisé l’orthographe officielle. De cette manière on garde l’effet d’une orthographe modifiée, qui éclate aux yeux. 6.4. La traduction des coagulations phonétiques Quand le lecteur ouvre la traduction néerlandaise, le premier mot qu’il voit est une coagulation phonétique et de cette manière il sait immédiatement que ce roman est un roman spéciale. Il est clair que Tuin a fait de son mieux pour bien traduire ces éléments typiques du roman, qui sont caractéristique pour le style de Queneau. Les plus belles traductions sont ‘Sdammunstankier’, ‘Wajjuzzeevuzzei’ et ‘sjarlumgusmeertis’. Cette première coagulation phonétique n’est pas une traduction littérale de la phrase qui a été réduite à ‘Doukipudonktan’. Ce n’est plus une question, mais plutôt une constatation de Gabriel. Il n’est pas facile de bien séparer les différents mots dont la coagulation consiste, mais nous 240 Queneau. Zazie in de metro. p.148 72 croyons que c’est la transcription phonétique monophasée de la phrase : ‘Is dat me een stank hier’. Pour la deuxième coagulation phonétique, Tuin a doublé quelques lettres et pour la dernière de ces trois exemples elle a même transcrit la prononciation du prénom ‘Charles’. Dans son ensemble, les coagulations phonétiques ne sont pas facile à déchiffrer, et l’effet de cela est que le lecteur doit s’arrêter à ce mot, pour le lire plus attentivement et de cette manière il est plus conscient du phénomène de la langue. Malheureusement, ceci n’est pas le cas pour toutes les traductions. ‘Salonsalamanger’ se lit plus difficilement que le mot ‘zit-eetkamer’. Une solution est peut-être la suppression du trait d’union ce qui donne ‘ziteetkamer’, qu’il faut probablement lire deux fois, parce que l’accent a changé. Au premier vu, le lecteur lit dans ce cas ‘ziteet’ comme un seul mot, ce qui fait en sorte qu’il ne comprend pas le mot et qu’il faut le lire encore une fois. Dans son article sur la traduction anglaise de Zazie, Sanders signale que le traducteur est parfois confronté à des éléments qui lui offrent plusieurs possibilités de traduction. Elle donne l’exemple de l’énoncé ‘skeutadittaleur’ qu’on pourrait traduire par ‘wotcher jussaid’, ce qui représente bien l’anglais parlé.241 Le problème est qu’on a dans ce cas un énoncé qui consiste de deux parties en anglais, tandis que l’énoncé français est ‘monophasé’.242 Sanders montre que dans la traduction anglaise on a traduit ceci par ‘wotchersaidjusnow’, ce qui ne représente pas bien l’anglais parlé mais, mais qui conserve l’effet du texte original à savoir l’obligation de lire le texte plus attentivement et l’effet de défamiliarisation.243 Par cet exemple, elle indique qu’un traducteur doit parfois rompre avec les normes de la langue cible, pour conserver l’effet du texte original. Nous sommes complètement d’accord avec cela et aussi nous croyons que Tuin a pu créer encore plus de coagulations phonétiques pour la traduction de cette catégorie. Ce n’est pas grave si le lecteur ne comprend pas tout suite ce qu’on veut dire, car cela est exactement l’effet de ce phénomène quenien. Dans l’ensemble, nous sommes très contents avec la traduction de cette catégorie et nous voudrions encore remarquer que Tuin n’a pas seulement traduit les coagulations phonétiques par des agglutinations sur le modèle de la prononciation néerlandaise, mais qu’elle a aussi créé des coagulations phonétiques à d’autres endroits dans le roman. Un exemple de cela est ‘kwilliessandus’, ce qui est la traduction de ‘jveux ottchose’, que nous avons classé dans la catégorie de la transcription du langage parlé. La traductrice maîtrise très 241 Sanders. ‘Translating Queneau’s français parlé in Zazie dans le métro and Le chiendent’, p.44 Ibidem 243 Ibidem 242 73 bien la création de ces éléments spécifiques du roman et sa traduction témoigne d’une grande créativité dans ce domaine. 6.5. La traduction des mots étrangers à l’orthographe modifiée Outre l’utilisation de langues étrangères que nous avons traité au troisième et cinquième chapitre, Queneau a modifié l’orthographe des éléments de langues étrangères. Il s’agit en effet de la francisation de termes étrangers et pour la traduction néerlandaise il est alors important qu’il ne faut pas tout simplement copier ce vocabulaire dont l’écrivain a modifié l’orthographe, comme Tuin a fait avec les mots étrangers non modifiés. C’est que dans un texte néerlandaise, on ne peut pas utiliser des termes francisés. Il faut adapter les mots étrangers au néerlandais. En ce qui concerne les termes anglais francisés, une sorte de franglais, Tuin a inventé quelques belles traductions, comme ‘heppibeursdeejtoejoe’, dont le lecteur comprend encore que c’est de l’anglais, mais qui est écrit à la néerlandaise. Une autre bonne traduction est ‘bainait’, ce qui correspond également à la prononciation néerlandaise, mais une traduction qui n’y correspond pas est ‘koiboi’. À notre avis, les Néerlandais ne le prononcent pas de cette manière et une meilleure transcription de la prononciation serait ‘kouwboi’. Parmi les traductions de cette subcatégorie, nous avons constaté quelque chose de remarquable. Le mot ‘bloudjinnzes’ a été traduit par le mot normal ‘spijkerbroeken’, mais aussi par ‘bloedjiens’. Nous ne comprenons pas pourquoi Tuin n’a pas seulement utilisé la deuxième traduction, qui est plus fidèle au texte original et pas incompréhensible, autrement Tuin ne l’avait pas du tout utilisée. Nous trouvons qu’il faut traduire tous ces mots francisés par des mots adaptés au néerlandais. Pour cette raison nous proposons les traductions suivantes, comme alternatives pour les traductions en néerlandais normal : Texte original bicose policemane plède ouisqui Traduction bikos poliesmen pleet wiskie Il en est de même pour la traduction de l’expression allemande, qui a été traduit par une autre expression allemande, parce qu’elle fait partie d’un fragment qui a été remplacé par un autre texte pour en garder l’humour. Au cinquième chapitre nous avons déjà traité ce remplacement. Ce n’est pas grave que Tuin a remplacé l’expression, mais elle a du modifier son orthographe pour garder l’effet. L’italien par contre, a été bien traduit. 74 Les latinismes du texte original, ne sont plus de latinismes dans la traduction, parce qu’il difficile, voire impossible, de traduire le sens de ces mots et en même temps garder l’aspect latin. De plus, le mot latin dont Queneau a modifié l’orthographe a été traduit par un mot néerlandais, tandis que le mot ‘quidam’ se trouve dans le dictionnaire néerlandaise244, mais probablement Tuin l’a traduit par un terme néerlandais, parce que cela est plus compréhensible pour le lecteur néerlandais. Le terme qui appartient au français régional n’a pas été traduit par un mot néerlandais qu’on n’utilise que dans une certaine région. Après la traduction, nous avons plutôt l’impression qu’il s’agit d’un anglais non modifié : ‘taximan’. En général, nous pouvons dire que la traductrice a bien traduit cette catégorie, mais comme toujours nous avons trouvé quelques points d’amélioration. 6.6. La réforme de l’orthographe dans la traduction néerlandaise Dans ce chapitre, nous avons vu qu’il n’est pas du tout facile de bien traduire la réforme de l’orthographe. À cause des différences entre la langue source et la langue cible, il est souvent impossible d’utiliser la même méthode pour modifier l’orthographe officielle. Il est question de glissements ou même d’une disparition de la réforme de l’orthographe. Pourtant, Tuin a également trouvé de bonnes manières de traduire l’écriture anormale et parfois elle a même utilisé une orthographe modifiée dans la traduction de mots qui sont écrits selon les règles orthographiques officielles.245 De telles traductions ne sont pas traitées dans ce chapitre, parce qu’elles tombent dans les catégories de la réforme du vocabulaire, car nous avons composé les catégories à la base du texte original et non pas à partir de la traduction néerlandaise. Ce n’est pas la qualité d’éléments du texte dont on a modifié l’orthographe, qui est un peu décevante, mais c’est la quantité. Il y a plus de mots avec une orthographe basée sur la langue parlée dans le texte original, que dans la traduction néerlandaise. La réforme de l’orthographe est moins vaste dans la traduction. Pourtant, cela n’empêche pas que le lecteur du roman néerlandais, remarque que l’orthographe dans ce roman diffère à certains points de l’orthographe officielle et que c’est la prononciation des mots qui est reflétée par l’orthographe modifiée. Grâce aux bonnes traductions, par exemple les coagulations phonétiques, le lecteur se rend quand même compte du fait que la langue parlée et la langue 244 245 Dikke Van Dale Le mot argotique ‘le marida’ a par exemple été traduit par ‘tuwulluk’. 75 écrite diffèrent fortement l’un de l’autre et heureusement, l’effet de la réforme de l’orthographe n’est alors pas complètement perdu. Dans ce chapitre, nous avons donné quelques suggestions spécifiques pour améliorer la traduction et enfin nous voudrions encore donner un dernier conseil. La réforme de l’orthographe nous fait penser à un langage typique, à savoir le langage SMS. Du temps de la parution du livre et de la parution des premières traductions, le SMS n’existait pas encore, mais de nos jours ce type de langage peut aider à améliorer la traduction. Les SMS sont des messages en abrégé, dans lesquels on utilise une ‘manière d’écrire les mots en phonétique’.246 De plus, l’effet de ce type de langage est le même que celui de la réforme de l’orthographe de Queneau. Marc Lits souligne que le langage SMS démontre l’idée suivante : … la langue n’est pas un code imposé une fois pour toutes par des autorités politiques, scientifiques ou éducatives, mais un outil de communication dont les règles de fonctionnement peuvent se construire de manière collective et évolutive.247 Au premier chapitre, nous avons vu que Queneau explique dans un de ses articles, qu’il y a beaucoup de personnes qui s’opposent à la réforme de l’orthographe.248 En effet, il en est de même pour le langage SMS, car beaucoup de gens croient que ce langage envahit l’orthographe officielle.249 Il existe déjà des dictionnaires du langage SMS qui peuvent servir comme une source d’inspiration.250 Il ne faut absolument pas utiliser trop d’éléments de ce langage dans la traduction du livre, parce qu’il ne faut pas en faire un roman complètement différent. La traductrice ne doit certainement pas utiliser des termes qui appartiennent clairement au langage SMS, comme ‘w8ff’, car le SMS n’existe pas encore dans le roman de Queneau. C’est tout simplement pour se faire une idée des possibilités de la réforme de l’orthographe. Nous sommes d’avis que ce n’est pas une mauvaise idée si la traductrice se laisse inspirer par le langage SMS, pour une révision éventuelle. De cette manière, elle peut être bien inspiré en ce qui concerne la réforme de l’orthographe, sans qu’elle s’éloigne trop de l’original. 246 Laclair, Agnès. ‘Quand le langage SMS envahit les copies du bac’. [19.05.2008] – 20.06.2010 http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/05/17/01001-20080517ARTFIG00653-quand-le-langage-sms-envahitles-copies-du-bac.php 247 Fairon, Cédrick, e.a. Le langage SMS. Louvain-la-Neuve: Presses universitaires de Louvain, 2007. 248 Queneau. ‘Écrit en 1955’. 249 Laclair. 250 Par exemple : Dictionnaire SMS – 20.06.2010 http://www.dictionnaire-sms.com/ C’est un dictionnaire du langage SMS français, qui comporte des mots comme: ‘komencava’. Ceci est une coagulation phonétique que Queneau aurait pu utiliser. Il est donc clair qu’il y a des ressemblances entre l’orthographe modifiée de Queneau et le langage SMS. Il y a aussi des dictionnaires du langage SMS néerlandais dont la traductrice néerlandaise peut se servir. 76 Conclusion Après avoir étudié les idées de Queneau sur la langue et le langage, avoir analysé le langage typique dans Zazie dans le métro et avoir regardé d’un œil critique sa traduction en néerlandais de Jenny Tuin, nous pouvons conclure que Sanders avait raison : Chez Queneau tout tourne vraiment autour du langage. Au premier chapitre, nous avons vu que Queneau est absolument persuadé du fait que le français protégé par les institutions officielles, n’est plus le français tel que les Français le parlent. Il est d’avis qu’il faut donner à la langue parlée le statut d’une langue autonome et Queneau appelle cette nouvelle langue le néo-français. Pour faire en sorte que le néo-français puisse devenir une vraie langue à part, il faut qu’il s’écrit et pour pouvoir réaliser cela Queneau propose une triple réforme du français traditionnel. Nous avons vu que Queneau a appliqué ses théories sur la langue dans Zazie et que le néo-français commence a prendre forme dans se roman. Au deuxième chapitre nous avons vu qu’il n’est pas facile de traduire la langue parlée utilisée dans un texte écrit. Henjum explique qu’il faut entre autres faire attention à la connotation du langage, à sa fonction et aux éventuelles différences entre la compréhensibilité et l’interprétation de l’original et de la traduction. Van Maris explique à son tour qu’en examinant une traduction, on constate souvent des glissements par rapport à l’original. Il arrive par exemple qu’un traducteur traduit le langage populaire par le langage courant et ceci cause un changement de l’effet du langage. Il n’y a donc pas mal de points auxquels le traducteur doit faire attention. Après avoir traité ces théories sur la traduction, nous avons établit une méthode d’analyse pour pouvoir analyser les deux éléments les plus importants du langage dans Zazie, à savoir le vocabulaire et l’orthographe. Au troisième chapitre, nous avons analysé six types de vocabulaire, qui sont caractéristiques pour le langage dans le roman de Queneau. Nous avons traité le vocabulaire familier, qui fait fortement penser à la langue parlée, ainsi que les abréviations et l’argot. De plus, nous avons parlé du grand nombre de gros mots dans le roman et du rôle des langues étrangères. La dernière catégorie du lexique que nous avons traitée consiste de néologismes, qui sont très importants pour le roman, parce qu’ils contribuent à la réforme du vocabulaire existant, car ce sont tous de nouveaux mots. Au quatrième chapitre, nous avons analysé l’orthographe modifiée que Queneau utilise dans le roman. Tout comme au troisième chapitre nous avons créé plusieurs catégories portant sur la transcription de la prononciation, l’abréviation de mots sous l’influence de la 77 prononciation rapide, la liaison et son absence, les coagulations phonétiques et la modification de l’orthographe des langues étrangères. Nous avons constaté qu’il n’est pas facile de bien séparer ces catégories, parce que les différents types de modification de l’orthographe sont fortement liés l’un à l’autre. Après tout, toute l’orthographe modifiée est basée sur la langue parlée. Tous ces chapitres, nous donnent la possibilité de donner une réponse à la première partie de la question centrale : quelles sont les caractéristiques du langage typique dans Zazie dans le métro ? Le langage typique dans ce roman de Queneau est composé de différents types de langages. Queneau utilise le français traditionnel, mais surtout la langue parlée, qu’il veut avancer. Il a réformé le français sur trois points et ce sont surtout la combinaison de différentes types de vocabulaire, qui ont tous leurs propres caractéristiques et leur propre effet, et la réforme de l’orthographe qui sont importantes. À cause du caractère non homogène du langage, il est difficile de donner une définition concrète et brève des caractéristiques de ce langage, mais le premier chapitre et les chapitres d’analyse, nous en donnent une bonne impression. L’orthographe modifiée éclate aux yeux et la combinaison de diverses types de vocabulaire crée un langage très riche, qui influence le caractère du roman. Ensemble, tous les éléments dont le langage typique est composé font en sorte que le lecteur se rende compte des différences entre la langue parlée et la langue écrite, et l’orthographe modifiée prouve que l’orthographe est un système arbitraire. Bref, le langage typique nous fait conscient du concept de la langue. Le caractère non homogène du langage complique la traduction du livre, mais pourtant le roman a été traduit en néerlandais. Les chapitres dans lesquels nous avons traité la traduction néerlandaise de Jenny Tuin, nous aident à donner une réponse au reste de la question centrale : comment ce langage a-t-il été traduit en néerlandais par Jenny Tuin et quelles sont les conséquences de la traduction ? Pour pouvoir traduire le néo-français de Queneau, il faut en effet créer une sorte de néo-néerlandais qui a les mêmes caractéristiques que le langage typique de Queneau. Nous avons vu que beaucoup d’éléments du texte ont été bien traduits par Tuin. Dans chaque catégorie, il y a de belles traductions et elle a par exemple bien traduit les langues étrangères, les coagulations phonétiques et beaucoup de termes familiers. Nous croyons qu’elle a vraiment essayé de traduire ce langage typique le mieux possible. Pourtant, nous avons aussi constaté des glissements par rapport au texte original. Malheureusement, les traductions de mots ne tombent pas toujours dans le même catégorie que l’original. Nous avons par exemple vu qu’il arrive parfois que Tuin a traduit des mots qui appartiennent aux registre familier par des mots qui appartiennent au registre courante, ou 78 nous avons vu des mots argotiques dont la traduction ne fait pas partie du vocabulaire argotique néerlandais. Nous avons vu que ces glissements peuvent être dus aux différences entre la langue source et la langue cible et dans ce cas ce n’est pas la faute de la traductrice qu’il y a une différence entre le langage original et celui de la traduction. Ces glissements forment une conséquence inévitable de l’acte de traduction. Pourtant nous avons également constaté que certains glissements sont quand même la ‘faute’ de la traductrice. Dans ce cas, nous avons donné quelques conseils pour améliorer la traduction et pour éviter des pertes inutiles de la richesse et de l’effet du langage. De plus, une autre conséquence de la traduction est qu’une grande partie de la modification de l’orthographe a été perdue. Il n’est pas possible d’utiliser les même méthodes pour la modification de l’orthographe dans la traduction néerlandaise, que dans le roman original, parce que les caractéristiques du français parlé diffèrent de celles du néerlandais parlé et ceci se manifeste clairement dans la modification de l’orthographe. Tuin a du inventer d’autres manières pour changer l’orthographe sur le modèle de la prononciation et elle n’a pas toujours fait cela. La conséquence est que la quantité de modifications de l’orthographe a diminuée par l’acte de traduction, ce qui est très dommage. Heureusement, l’effet général du langage typique de Zazie a été conservé. Le lecteur de la traduction remarque sans doute que le langage dans ce roman est très caractéristique et que le vocabulaire et l’orthographe modifiée sont basés sur la langue parlée. Ainsi que dans l’original, la différence entre la langue écrite et la langue parlée éclate aux yeux, malgré le fait que certains éléments ont, inévitablement ou pas, été perdus par la traduction. Nous sommes d’avis que Tuin a fait une traduction assez bonne, mais elle peut toujours l’améliorer. Le langage dans la traduction n’est pas encore le meilleur équivalent possible du langage original. De plus, la langue change tout le temps et nous sommes d’avis que la traduction de ce roman doit suivre ces changements. Après tout, Queneau était d’avis qu’il ne faut pas faire survivre les éléments d’une langue qui sont désuètes et si nous embrassons ce point de vue, nous pouvons conclure qu’on peut continuer à modifier la traduction. Ce roman spéciale reste alors toujours un sujet de recherche intéressant. 79 Bibliographie Livres : Blank, Andreas. Literarisierung von Mündlichkeit : Louis-Ferdinand Céline und Raymond Queneau. Tübingen : Narr, 1991. Calvet, Louis-Jean. L’argot. Paris: Presses Universitaires de France, 1994. Endt, Enno. Een taal van horen zeggen : Bargoens en andere ongeschreven taal. Amsterdam : Scheltema en Holkema, 1969. Fairon, Cédrick, e.a. Le langage SMS. Louvain-la-Neuve: Presses universitaires de Louvain, 2007. Queneau, Raymond. Zazie dans le métro. Paris: Gallimard, 2006. ---. Zazie in de metro. [1959] Traduit par Jenny Tuin. Amsterdam: Bezige Bij, 2004. Troisième édition. Sanders, Carol. Raymond Queneau. Amsterdam: Rodopi, 1994. 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À partir de cette liste nous avons créé des catégories, de tous les types de vocabulaire et tous les types de modification de l’orthographe, que nous avons traités dans cette recherche. Chaque catégorie comporte le texte original et la traduction de Jenny Tuin. Ces sont les catégories dans ces annexes, auxquelles nous avons référé dans les chapitres d’analyse et les chapitres sur la traduction néerlandaise. Index des annexes Annexe I : Les catégories du vocabulaire …………………………………. p.84 Vocabulaire familier ………………………………………………. p.84 Abréviations (A) ………………………………….………………. p.89 Argot ………………………………………………………………. p.89 Gros mot et vocabulaire vulgaire ………………………………….. p.90 Langues étrangères (A) ……………………………………………. p.93 Néologismes ……………………………………………………….. p.93 Annexe II : Les catégories de l’orthographe modifiée …………………….. p.96 Transcription du langage parlé …………………………………….. p.96 Abréviations (B) …………………………………………………… p.98 Liaison ……………………………………………………………… p.100 Coagulations phonétiques ………………………………………….. p.100 Langues étrangères (B) …………………………………………….. p.101 83 Annexe I: les catégories du vocabulaire Vocabulaire familier Zazie dans le métro A Fille(s) mouflette mouflettes la gosse gosselines poupée fillette môme gamine B C D E F 251 Traduction de Jenny Tuin meiske kleine meisjes het kind kleine meisjes deerntje lieve kind kippetje kind Enfants mômes Kinderen Homme(s) costaud armoire à glace jules pote coquin gaillard galapiat prétentiard refoulé tonton de famille bonhomme farauds minet reus, tarzan gevaarte bink, kloris, kerel, vrind, reuze kerel vrijer, kloris, knulletje vrind slampamper hebberd gefurstreerd mannetje251 allemansoom mannetje branieschoppers knulletje Femme(s) dinde gonzesse mousmé aanstellerig griet grietje Hommes et femmes minus smalah feignants radins slechts horde slampampers krentenkakkers Boire et manger la croûte patates la bouffe lampées godet litrons cette graine flotte râpé de bik aardappels het voer, de bik slokjes glaasje liters die hap water geraspte kaas Modification basée sur la langue parlée 84 je me taperais Zazie […] patauge dans le jus elle a tout liquidé liche picoler croûter je bouffe régale siffle tout casser une petite graine casser la graine ça s’arrose s’en jeter un pour leur arroser la dalle gobé gobergez-vous le zinc bibine gazeuse G H I J Partir prendre le large on s’éclipse je me tire zou ik lusten Zazie […] kliedert rond in het kooknat ze alles verzwolgen heeft likt pimpelen eten vreten trakteer slaat alles naarbinnen een kleinigheidje eten zijn hap nuttigen we drinken er eentje op D’r eentje nemen om ze vol te gieten opgeslurpt doe jullie te goed het zink borrelende vocht s’est tiré en douce elle s’est barrée se sera barré j’ai filé foutu le camp se carapate faire une fugue ophoepelen ik moet nu weg op te stappen, ik ga er meteen vandoor is er stilletjes tussenuit geknepen ze heeft de benen genomen heeft de benen genomen ben ik er tussenuit gegaan is ervandoor gaat er vandoor een slippertje maken Argent à gauche pour pas cher pas un rond le fric achterhouden goedkope geen rooie cent de poen Tête citrons empoilés ta pomme tronche behaarde knikkers die kop van jou koppen Bruit / faire du bruit tintouin beugler gueulait râler rumoer schallen schreeuwde tieren K Mots passe-partout / mots combinés avec un mot passe-partout ce truc-là dat geval daar transtrucs en commachin gemeentelijke toestanden van vervoergevallen Sainte-Chose Sainte-Dinges truc-chose dinges-geval L Substantifs 85 M tarin Barbouze fesses bide attirail manucure bidon bahut voiturin bagnoles boulot métier de feignant souk plumard son nid bacchantes pébroque mon petit Noël corrida culot tatanes godasses la lourde blagues mythe mégot hublots une trotte salamalecs contredanses dégoulinade bled frusques cochonnerie saloperie le conjugo bordel pelure sa planque casseur bouquin rigolade passage à tabac boucan (somnivore) calotte marrante cambrousse reculé voorgevel Bévédé zitvlak maagstreek manicure-etui brandhout voertuig, kar wagen wagens karwei luizenbaan kraampje donswaarts haar huisje snor plu kerstcadeautje corrida lef schoenen kistjes de deur smoesjes Fabeltjes ! peuk kijkgaten een hele tippel plichtplegingen een bekeuring stroom dorp spullen vunzigheden smeerlapperij de wettige bijslaap stinktent jurk, vel zijn stekkie inbreker boek gekkigheid een pak slaag (slaap)sabotage mep grappig ding plattelandsgehucht Adjectifs et adverbes tarte moche épaté chouette dégueulasse rétamé sourdingue bien tassé réquinqué planqué uitgekookt lelijk overdonderd charmant armoejiger --stokdoof stevige opgekikkerde weggestopt 86 N 252 vaseux emmerdante tannante dingue trouillard pouacre culottés foutus gratiné myrmidonne sidérante amoché moches fortiche deuzio ultra-chouette aftandse wat zeurt zeuren getikt schijterig gore hebben wel babbels verrekte volkomen geschift mieren maaiende gehavende waardeloos bijdehand ten tweede superfantastisch Verbes fignoler voiturer se grouiller déconnes déconner bossaient dégoter m’emmerde barbotait épater faucher foutre feinter bousiller dérouiller roupillait moisir pisser péter en biglant cueilleras que tu trimbales a été pêcher dégoisais faudrait pas charrier mouché ça me débecterais subodora affranchir toquait trifouiller je ne me la farcis pas charriez je vous saute dessus je l’ai fourgée dégoiser a coursé embarquèrent zorgvuldig samen te stellen rondtuffen opschieten leutert raaskallen werkten vandaan had gehaald kom om m’n kop zeuren pikte af overbluffen pikken, afpikken aanpakken erin luizen koud maken aftuigen lag te pitten verschimmelen wateren geknapt met een schuine blik kunt opvangen wat je daar bij je hebt hebt opgepikt afdraaide neem ons in de maling252 afgepoeierd ik zou dat niet moeten meende te bespeuren in te lichten werd geklopt gemorreld ik haar niet versierde leutert bespring ik u ik heb haar gestald kosten heeft nagejaagd gooiden […] de wagen in Ici, Tuin n’a pas traduit le verbe ‘charrier’ comme un verbe. 87 a refilé se dégonflaient remorqua se faire repérer O Expressions253 elle est mordue donner la beigne pousse la seringue fait tourner le moulin un chouïa répète un peu voir eu une telle trouille T’as eu les jetons ? j’étais démerdé comme un manche tu te la coules douce ça te la coupe en vadrouille ça a fait assez de foin maman pouvait pas blairer papa faire des papouilles tu y passera à la casserole Pas bête la guêpe, hein? elle l'a foutu à la porte Fous-moi la paix se fendent la pipe ça va barder un brin Il serait chiche de le faire? au trot on tire un coup décolla ses fesses de sus ça me fout le vertige Tu me faitigues les méninges vzêtes rien snob T'es pas chiche Allons grouillons ! que ça saute Il leur a tapé dans l'oeil foutre une tarte faire du plat à mon tonton Je tiens à ma peau Je manque vraiment de pot raquer un rond Démerdez-vous rien bath se rafistola le visage un coup de bigophone à passer tu boucles la lourde ça colle faites bien gaffe c'est bien ma veine je vous fous la trouille à poil ça tourne pas rond j'en ai soupé 253 hebt geleverd zakten in elkaar sleepte […] mee naar binnen herkend worden ze is smoor Een dreun geven de spuit indrukt de molen aan het draaien brengt een tikje Zeg noggus wat je daar zei zo in de rats gezeten Zat je in de rikketik? ging het me allerberoerdst je kunt je gemak ervan nemen daar sta je van te kijken aan de boemel d'r is anders genoeg over te doen geweest dat mama papa niet kon luchten zitten knuffelen je gaat voor de bijl Niet stom bekeken hè? heeft ze hem de deur uit geschopt Bemoei je d'r niet mee zich bescheuren dan zwaait er wat Zou hij het lef hebben? als de bliksem dan wordt er even gestoeid licht zijn zitvlak van daar krijg ik de duizeling van Jij zeurt me de kop gek. U bent ook mooi kieskeurig Dat durf je niet Vooruit, opschieten as de bliksem Ze zijn helemaal weg van hem een optater verkopen gesjans tegen mijn oom M'n leven is me te lief ik tref het toch werkelijk niet iets af te schuiven zoek 't dan zelf maar uit echt chic maakt zich vlug een beetje op bellen gooi je de deur op slot dat goed zit let wel! Ik tref het wel Ik jaag u de stuipen op het lijf alles uit! ik ben de kluts kwijt dat ik er [nu] m'n buik van vol heb Des locutions qui ne peuvent pas être coupées en plusieurs parties. 88 on vous a pas sonné c’est le même tabac il était un peu faux jeton sur les bords On en avait marre elle va nous les casser Ça va chier C’est rien chouette ça se gâte fait la foire Il se fout la gueule par terre sa vie était chamboulée Il va m'épater elle la boucle Abréviations (A) Zazie dans le métro Troncation A Apocope un tac le tac gars les gars ! le frome tartine de frome croco Amerlo autos micro restau de luxe le Sébasto un homo formi B apéro proprio C Aphérèse orama we hebben u niks gevraagd van hetzelfde laken een pak hij was welbeschouwd niet helemaal pluis hadden we er genoeg van Is ze van plan [nog lang zo] te blijven etteren? Dat wordt hommeles Leuke boel Dat loopt mis aan de boemel geweest Met z’n kop pardoes op de grond was ze overstag Dat zou me van ‘m meevallen ze doet stijf haar mond dicht Traduction de Jenny Tuin een tax de taxi vent jongens ! de kaas kaasboterham krokodil Amerikaan auto’s microfoon luxe eethuis de Sébastopol een hormo geweldig Apocope + -o aperitiefje huisbaas orama Argot A Zazie dans le métro Personnes malabar Amerlo mec gougnafier tas de caves fleur de nave bourin flicard une lope fiotte Traduction de Jenny Tuin poteling Amerikaan sul niksnut stelletje gapers uilskuiken diender smeris een mie slijmbal 89 B C D E F Parties du corps étiquette étiquettes derche baba pipe cassis gehoorschelp gehoorschelpen achterste trut strot koppen Substantifs glasse bectance tôle entôlage pacson sa tire bada la lourde éconocroques pourliche coinstot guérite le marida crampettes chabanais bigorne blase fouillouse Préfectance valoche glaasje, glas voer nor wederrechterlijk toe-eigening pak zijn kar hoofddeksel de deur spaarduitjes fooi buurt commandotoren tuwulluk stuiptrekkingen herrie offensief naam zak klabakkarium koffer Adjectifs planqué verstopt Verbes J’ai […] gambergé à ce qu’elles gambergent ils entravent aboulez-moi Ikzelf […] heb […] over […] nagedacht wat er in ze omgaat ze snappen overhandig me Expressions pollop écluser votre godet tu boucles la lourde faisait le tapin alors gy aller en tôle Quel tapin? me parle marida c’est le marida op je hoofd doet [wel lang] over dat glaasje gooi je de deur op slot liep te tippelen vurruittan de bajes indraaien Hoezo tippelen? praat me over trouwen stappen de boot in Gros mots et vocabulaire vulgaire Zazie dans le métro A Termes péjoratifs une méchante rombière Traduction de Jenny Tuin een nare meid mens 90 B C ostiné gâteux minable minable un minable populace moucheron gogos rombière nantis croquants petite mule stijfkop snoepers kale boel wat achterlijk om een cent te geven gepeupel onderkruipsel goegemeente matrone bezitters botteriken muilezeltje Insultes cochon gorille foireux espèce de con dégueulasse petite tête eh lope gy sorcière con grossière merde ptite vache lourdingue culottée nigaud coyon zwijn gorilla schijtlaars klootzak die je bent smeerlap stuk onbenul Marie Mackie heks lummel grote flapdrol klein loeder sufferd haaiebaai klootzak klootzak Gros mots merde alors merde de merde oui ou merde mon cul con conne connerie fais pas lcon t’es moins con que t’en as l’air foutue foutus fichtre grève de mes deux de mes deux occupez-vous de vos fesses fesses moulées avaient une pétoche monstre gueule casser la gueule vous crache alors en pleine gueule en plein poire en pleine poire colique ta putain de nièce cancrelat salauds verdomme nogtoe! verdomme nogtoe ja of nee amme gat flauwekul stom stommiteit doe niet zo lullig Je bent minder stom dan je eruitziet naar de bliksem verrekte bliksem kullerustaking van heb ik me jou daar dat gaat u geen bliksem aan gevormde achterwerk zaten enorm in de schijterij tronie de hersens in te slaan spuugt je dan pardoes in je gezicht pal in het doel pal in zijn gezicht zenuwentroep die sloerie van een nicht van jou druiloor schoften 91 D E salauds complets vaches la vache veau crouilles Fridolins Frisous une pédale tante un pédé tapettes roussins flic flicmane un faux flic cons cons têtes de cons salope enflé andouille la vieille taupe vieille soucoupe ce vieux débris cinglés fumier gougnafier satyre dégoûtant satyre doortrapte schurken lammelingen de schoft lummel Arabieren Fritzen Fritzen een flikker nicht een ruigpoot nichten plisie smeris diender een nepsmeris klootzakken idioten sullige koppen loeder opgeblazen kwast lummel die ouwe taart ouwe sok dat ouwe wrak mesjokkene figuren etter lummel kinderverkrachter smerige kinderjager Jurons sacrebleu Nondguieu Sacré bavard de mes deux Sacrée conarde Sacrée connarde Sacré cloche Nomdehieus le sacré con bon dieu crénom Sacré Gridoux sacré béguin crénom palsambleu sacré maladroit wat een rotstreek Gotsammeliefhebbe ouwe kletskous die u bent dekselse aap dekselse aap ouwe zwerver nondejuus sacré-knurf voor de donder verduiveld dekselse Gridoux razende zin potverdorie sakkerloot stomme eend Mots vulgaires chier connasse branler chier la terre verte m’allonger pesten mirakel bekokstoven zeiken grasland op m’n rug ga liggen 92 Langues étrangères (A) Zazie dans le métro A allemand natürlich Schnell ! Schnell ! B C D E F Traduction de Jenny Tuin natürlich Schnell! Schnell! anglais the reason why this man Charles went away She knows why and she bothers me quite a lot Most interesting Where are we going now? Hello ! my gretchen lady catch the reason why this man Charles went away She knows why and she bothers me quite a lot Most interesting Where are we going now? Hello! my gretchen lady catch espagnol adios amigos adios amigos italien spaghetti in petto tutti quanti anch'io son pittore spaghetti ien petto tutti quanti anch'io son pittore latin Ne suctor ultra crepidam Usque non ascendam Male bonas horas collocamus si non dicis istu puellae primo veritas odium ponit victis honos Ne suctor ultra crepidam Usque non ascendam Male bonas horas collocamus si non dicis istu puellae dat om te beginnen joci causa... keep smiling... kyrie eleison... Combinaison du français et une langue étrangère vulgue homme Pécus vulgus homo pecus le hic de ce nunc De hic van deze nunc le quid de ce quod de quid van deze quod adios amigos amen et toc adios amigos amen en schluss Go, femme Go, meid! djinns bleus blauwe djiens mêle-toi de tes cipolles bemoei je met je eigen zaken Néologismes Zazie dans le métro A Mots-valises midineurs métrollybus fligolo téléphonctionner guidenappeurs bellicose (l’uniforme) squeleptique caromba Traduction de Jenny Tuin twaalfuurders metrollybussen hartsklabak telefunctioneren gidsneppers vanweguzuttuniform skelepties caromba 93 cônerie colochaussent hanvélo B C D Mots dérivés de mots existants américanophile lessivophiles stoppés lichtkegel schuiven weer achter ons aan agent-te-fiets euréquation alléchée vicelardises factidiversialité voui, vuvurre vuvurrèrent bazardeur lunettes antisolaires hormosessuel hormosessualité hypospadie balanique bénévolence alexandrinairement xénophones décibélité se débouchonner morigénateurs guidenappé (conséquences) emmerdatoires déconnances en deuxième position jus de bière cicerona salle de café bulbulement dans l’endimanché natissements bibleries la racontouse moisonneur charabiaïsent la somnie (meute) limonadière noctinaute pro-Amerikaans pro-wasketel tot stoppen gedwongen automobilisten eurekatie verlekkerd gorigheden gemengde nieuws O j-j-ja, stamelt lispelen dumpman zonnebril hormoseksueel hormoseksuwaliteit balanische hypospadie welwillend op zijn alexandrijns gezegd xenofonen nog wat decibels vlot raken moralistieke genepte gids gedonderjaag geouwehoer dubbel geparkeerde biersap zet […] uiteen cafélokaal schuim in zijn zondagse pakje panden bijbelarijen iets dat ik kwijt moet --koeterwalen de slaap schenkershorde nachtelijk Mots forgés sur un nom zaziques la trouscaille trouscaillonne adamiaque mouaquien mouaquienne halliers l'eau anatomique faire charluter berlitzscoulien zaziaanse Trouscaillon trouscaillaanse --mouaquiaanse weduwlijk markthallers atoomwater een charlambool laten maken van al hun berlitz-kennis Dérivations préfixales rerentre gaat er weer in 94 E F G pseudoconnivence surhurlèrent pseudo-verstandhouding overbrulden Nouveaux sens terre-neuve emboutisseur mensenredder rammer Combinaisons de mots vert-anxieux tailleur deux-pièces salle de bains avec un chemisier porte-jarretelles cuisine aquagazeux Inventions subtruque paneuses angst-groene huismantelpakje met een tuinbloeze en keukenjarretels spuitwater toevoegt brokkelige 95 Annexe II: Les catégories de l’orthographe modifiée Transcription du langage parlé Zazie dans le métro A x > s / ss espliquer esspliquer esprès esprès s’esclame estrême esprimer escursion à l’eccès esplique s’esclame escuses espliquer au massimum s’esclama sessualité esprima escusa esposées s’escusa espérimenteront espliqua esploités l’esploitent esplications B C D Traduction de Jenny Tuin een verklaring te geven uitleggen espres espurres roept uit voorbeeldig uit te drukken speurtocht overdreven legt [het haar] uit brult neem me niet kwalijk verklaren maksimum brult seksuwaliteit sprak uit haar niet kwalijk kon nemen blootgesteld vroeg permissie verkennen verklaarde zwoegers buiten ’t uit verklaringen x > gz gzactement egzagérons gzakt egzagère egzamina egzagérer gzactement par egzample egzemple egzistance prussies overdrijven inderdaad zit in te hakken peilde overdrijven precies hetzelfde bijvoorbeeld voorbeeld leven ‘eu’ et ‘ff’ meussieu meussieu exeuprès neu teu plaiseu ffine efflorescence ffransouèze munneer meunheer espurres jou niet zint fienefleur Franse Sigles et lettres écrit selon leur prononciation vécés wésé exétéra enzovoort tévé tévé-apparaatje 96 l’esstéo vé té esse jitrouas E de Adé --u menssuh Orthographe correspondant à la prononciation (courante ou populaire) upu had kunnen il y en u dat er waren utu had gehad ça eille été was voui j-j-ja Vvui j-ja Voui Ja-a-ah! koua à koua? wat van wat? kouak ce soit à kouak ce soit ook maar wat van wat ook maar passque want pisque --non pus evenmin bin sûr nogal glad pimpons pingpongs pimpon pingpong quèque chose ja kèkchose isdriets manman mams moman moesje ma moman mijn mama jveux ottchose kwilliessandus psittaco-analyste pisigiater autt chose --chsuis ik ben ptête msgien ptêtt msgien p-têtt msgien xa --xa zo xa dat dat ce xé waddatis vott dame die dame van u vott gout --vott tutu uw tutu pas croyab Niettugguloven probab wellicht possib Hoe bestaat 't staprès-midi vanmiddag match de foute voetbalwedstrijd Dacor akkoord Dakor toegegeven tète hoofd tôste toost encré verankerd vlà daar komt la vlà present vlà hier ‘s çui-là die daar mdame mevrouw oscurité in ’t donker artisses artiesten 97 Abréviations (B) Zazie dans le métro Traduction de Jenny Tuin A La chute du ‘e’ muet à l’ intérieur d’un mot ptite mère moedertje ptit type kereltje À rvoir Tsiens À rvoir tossiens msieu meneer ptit jonger ptite jonger rgardez-moi kijkussier là-ddans daarin dssus --B La chute du ‘e’ muet à la fin d’un mot ltrain de trein lmétro de metro lbousiller ‘m koud maken lcoin de buurt jparie kwilwedden Jm’en fous lammekoud J’m’en fous mij laat de zaak koud jl’ai déjà hekkal jveux ik wil jraconte zakdan vertellen mdonner me te bezorgen jvous ai dit sooskalsei jlui ai répondu zeg ik terug cqu'elle wat mfaucher me afpikken tparler je wil spreken mles ‘m van mij mdéfendre me verdedigen jte lrappelle Ik herinner je d'r [alleen maar] aan lrappeler niks te herinneren Jl'avais ik was ‘t mla --rpasser langs zien komen scon wat een mens squi spullen tout dmême evengoed mchercher mij halen mcomprendre me [niet] begrijpen t’en as dla suite je bent aardig vasthoudend jvais ik zal je mpromène ik maak een wandelingetje jvous [..] mdites [..] prévnir Nogmaals [...] zegt 't me [...] waarschuwen jprévoyais [..] dmande [..] msieu kattat niet voorzien [...] moekeffe [...] munneer rpasserez mag u wel weglaten skalibre zo’n doortrapte faut sméfier linke soep C Il / ils > i i va pas i croit kan hij nog steeds niet denkt-ie 98 D E i sont i va Ah ça, i faudrait voir i faut i parle serait-i i comprendront pas i dit qu’i veut pas I sramène Isra ircommence die is hij gaat wat zullen we nou hebben zeg hoef je hij zegt --zullen ze het niet begrijpen hij zegt dat-ie niet wil hij is [...] terug zouwie hij begint weer Chute d’une lettre + apostrophe T’as compris ? t’es t’étais t’énerve pas ç’avait ç’aurait libre comme l’r pauv’veille st’année T't'déranger toi? c’en était Snap je? je bent je was wind je niet op het was het [...] zou zijn geweest vrij als een vogeltje ouwe stakker dit jaar jou storen ’t was Chute d’une lettre qui ne change pas la prononciation marer ’t is om je kapot te lachen je me marais ik lachte me rot faire marer aan het lachen te maken bourreau d’enfant kinderbeul stope remt af 99 Liaison A B C Zazie dans le métro Liaison izont izz applaudissaient Traduction de Jenny Tuin izan voyaient jamais zétés bin nonnêtes vzavez pas l’air vzêtes vzallez voir ce que vzallez voir vzétiez hebbuzzook de mensen hebben [mama zelfs] toegejuicht die […] meemaken nooit […] hebben heel schappelijk ziet u er niet --u zallus wat zien u zat Fausse liaison va-t-à-z-eux moi zossi boudain zaricos verts ton zoizo vzêtes zun mélancolique dmanddzi254 komt naar hen toe voor mij ook bloedworst-met-sperzieboontjes je vogel u bent een echt somber tiep vragus Absence de liaison c'est hun cacocalo que jveux c'est hun dégueulasse c'est hà moi c'est hurgent c'est hun choc Va hi deux hanvélos255 En ik zeg dat ik een cacocalo wil huttizzun vunzerd van mij is ’t is dringend 't izzun schok Zettumop! twee agenten te fiets Coagulations phonétiques Zazie dans le métro Doukipudonktan Skeutadittaleur essméfie cexé Singermindépré salonsalamanger Lagoçamilébou a boujplu A boujpludutout Ltipstu voulumfaucher ladssa, iadssa asteure kouavouar charlamilébou Traduction de Jenny Tuin Sdammunstankier Wajjuzzeevuzzei ze laat zich niks wijsmaken wattutwellis Sengzjermengdippree zit-eetkamer Twurmispleite Paf, azzun blok Doodstil De vent zwijgt me wilde afpikken Zitwattin, zitwattin op dat uur Watsien sjarlumgusmeertis 254 D’après Rodrigo López Carrillo, il s’agit ici d’une fausse liaison de ‘demande-lui’. López Carrillo, Rodrigo. ‘Procédés de création de mots nouveaux dans le langage populaire et dans l’argot’. Dengler Cassin, Roberto. Estudios humanísticos en homenaje a Luis Cortés Vázquez, Volume 1. Salamanca : Gráficas Varona, 1991. p.487 255 ‘Hanvélo’ est un exemple d’un mot dans lequel beaucoup de choses sont combinées: le ‘h’ qui évite la liaison, la transcription phonétique et la liaison de ‘en’ et ‘vélo’. De plus, nous pouvons le considérer comme un néologisme. 100 vozouazévovos de couaille à kimieumieu immbondit dssus isrelève Imdemande Langues étrangères (B) Zazie dans le métro A L’anglais – orthographe modifiée bicose bloudjinnzes bâille-naïte policemane coboille plède cornède bif ouisqui apibeursdè touillou sliptize jugganzenjukkoeie wasdat om het hardst bespringt-ie me hij staat op Dat vraagt-ie aan mij Traduction de Jenny Tuin omdat spijkerbroeken / bloedjiens bai-nait politieman koiboi plaid kornetbief whisky heppibeursdeejtoejoe slipties B L’allemand – orthographe modifiée fèr ghiss ma-inn nich't --- jetzt geht's los C L’italien – orthographe modifiée médza votché mèdza vootsjé Latinismes transvecte responsibilitas adspicez doorsnijdt verantwoordelijkheid let op Le latin – orthographe modifiée kidan256 manspersoon D E F 256 Le français africain, belge et magrébin – orthographe modifiée le taximane de taximan quidam 101