Zazie dans le métro et la traduction du langage de Queneau

Transcription

Zazie dans le métro et la traduction du langage de Queneau
Komantradwuir ?
Zazie dans le métro
et
la traduction du langage de Queneau
Mémoire de fin d’études
Heaven-Lee Roskam (3114333)
Université d’Utrecht
Master « Vertalen »
Juin 2010
Sous la direction de prof. dr. M.B. van Buuren
0
Table des matières
 Introduction ………………………………………………………………..
p.3
 Chapitre I :
Queneau, la langue et le langage …………………………….……………..
p.5
1.1. Queneau et ses idées sur la langue …………………………….
p.5
1.2. Le langage dans Zazie dans le métro ………………………….
p.11
 Chapitre II :
Les théories sur la traduction de la langue parlée et la méthode d’analyse ...
p.16
2.1. La langue parlée : un problème de traduction ………………….
p.16
2.2. Méthode d’analyse du langage …………………………………
p.21
 Chapitre III :
L’analyse du vocabulaire dans Zazie dans le métro ………………………..
p.24
3.1. Le vocabulaire familier ………………………………………...
p.24
3.2. L’abréviation de mots ………………………………………….
p.29
3.3. L’argot ………………………………………………………….
p.31
3.4. Les gros mots et le vocabulaire vulgaire ……………………….
p.33
3.5. Les langues étrangères ………………………………………….
p.36
3.6. Les néologismes ………………………………………………...
p.38
3.7. L’importance du vocabulaire …………………………………...
p.41
 Chapitre IV :
L’analyse de l’orthographe dans Zazie dans le métro ………………………
p.42
4.1. La transcription du langage parlé ………………………………
p.42
4.2. L’abréviation …………………………………………………...
p.46
4.3 La liaison ………………………………………………………..
p.48
4.4. Les coagulations phonétiques …………………………………..
p.49
4.5. Les langues étrangères et l’orthographe modifiée …………….
p.52
4.6. La réforme de l’orthographe dans son ensemble ……………….
p.52
1
 Chapitre V :
La traduction du vocabulaire ………………………………………………..
p.54
5.1. La traduction du vocabulaire familier ………………………….
p.55
5.2. La traduction des abréviations …………………………………
p.57
5.3. Comment traduire l’argot ? ……………………………………..
p.58
5.4. La traduction de gros mots ……………………………………...
p.60
5.5. Les langues étrangères : traduire ou ne pas traduire ? ………….
p.63
5.6. Les néologismes : un plaisir de les traduire ? …………………..
p.64
5.7. La traduction du vocabulaire dans sa totalité …………………..
p.65
 Chapitre VI :
La traduction de l’orthographe modifiée ……………………………………
p.67
6.1. De la transcription du français parlé à celle du néerlandais parlé
p.67
6.2. La traduction de l’abréviation de mots …………………………
p.69
6.3. La traduction de la liaison ………………………………………
p.71
6.4. La traduction des coagulations phonétiques ……………………
p.72
6.5. La traduction des mots étrangers à l’orthographe modifiée ……
p.74
6.6. La réforme de l’orthographe dans la traduction néerlandaise ….
p.75
 Conclusion …………………………………………………………………..
p.77
 Bibliographie ………………………………………………………………..
p.80
 Annexes ……………………………………………………………………...
p.83
2
Introduction
On ne peut soigner la France sans lui dire : « Tire ta langue »
Elle la tire. Moi, je la trouve un peu blanchâtre.
Ces sacrés habits verts la soignent mal.
Il faudrait qu’elle soit un peu plus rose, cette langue.
Un peu plus rose – au moins.1
C’est par ces mots éloquents que l’écrivain et l’un des co-fondateurs de l’Ouvroir de
Littérature Potentielle, Raymond Queneau (1903-1976)2 conclut un de ses articles sur la
langue française. La citation montre que la langue française est très importante pour Queneau
et qu’il n’est pas d’accord avec la manière dont les membres de l’Académie française la
traitent. Ils essayent, selon lui, de faire survivre une langue morte, car d’après Queneau le
français académique est mort, mais il a ‘un rejeton qui est le français parlé vivant’.3 Ce
français parlé est une nouvelle langue, qui est encore ‘une chrysalide’.4 L’écrivain explique
que la naissance de cette langue n’est pas facile : ‘Le cocon est dur a percer.’5
Dans les romans de Queneau la nouvelle langue sort de sa chrysalide. Dans Zazie dans
le métro (1959), Queneau se sert de cette langue vivante, qu’il appelle le néo-français. Il
utilise différentes types de langage et il y applique toutes ses idées sur la langue. Dès sa
parution, Zazie dans le métro connaît un succès. En 1960, le livre fut porté à l’écran par Louis
Malle6 et Clément Oubrerie en a fait une bande dessinée qui a paru en 2008.7 Du 15
septembre 2009 au 9 janvier 2010, on a même célébré l’anniversaire de Zazie au Havre, la
ville natale de Queneau.8 Et n’oublions pas le grand nombre de traductions de ce roman. Il
doit être difficile de bien traduire les différents types de langage que Queneau a utilisés,
pourtant beaucoup de traducteurs l’ont essayé et cela nous amène au sujet de cette recherche.
1
Queneau, Raymond. ‘Langage académique’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.52
Tellier, Hervé le. ‘Raymond Queneau’ Ouvroir de Littérature Potentielle – 21.06.2010
http://www.oulipo.net/oulipiens/RQ
3
Queneau, Raymond. ‘Écrit en 1955’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.74
4
Ibidem, p.66
5
Ibidem
6
‘Zazie dans le métro de Louis Malle’ La France au Canada : Ambassade de France – 21.06.2010
http://www.ambafrance-ca.org/spip.php?article3034
7
‘Catalogues’ Les Éditions Gallimard – 21.06.2010
http://www.gallimard.fr/
8
‘Bon anniversaire Zazie’ Apibeursdé touillou Zazie ! 50 ans Zazie dans le métro de Raymond Queneau –
21.06.2010 http://www.ville-lehavre.fr/zazie/Index.html
2
3
Dans cette recherche, nous voudrions examiner le langage typique dans Zazie dans le métro et
nous aimerons savoir comment ce langage peut être traduit en néerlandais. Nous examinerons
cela en plusieurs étapes. Dans le premier chapitre, nous discuterons des idées de Queneau sur
la langue et le langage. Nous verrons entres autres que Queneau encourage une triple réforme,
à savoir la réforme du vocabulaire, la réforme de l’orthographe et la réforme de la syntaxe. Ce
sont ces réformes qui doivent donner à la nouvelle langue, qui est basée sur la langue parlée,
le statut d’une langue autonome. Ensuite, nous examinerons de quelle manière nous pouvons
retrouver ces théories sur la langue dans Zazie dans le métro.
Au deuxième chapitre, nous traiterons deux théories sur la traduction de la langue
parlée dans des textes littéraires, qui peuvent nous donner une idée de ce qui est important
pour la traduction du français parlé. De cette façon, nous saurons à quels aspects nous devons
faire attention pendant l’analyse du roman. De plus, nous établirons une méthode d’analyse
dans ce chapitre, que nous utiliserons pour analyser le vocabulaire et l’orthographe du livre.
Les différents types de vocabulaire seront divisés en plusieurs catégories, ainsi que les
différentes types de la modification de l’orthographe. Ces catégories se trouvent dans les
annexes de cette recherche et doivent être consultées pour pouvoir bien comprendre les
chapitres d’analyse et les chapitres qui portent sur la traduction.
Le troisième chapitre consiste de l’analyse du vocabulaire dans Zazie. Nous parlerons
des types de vocabulaire les plus importants et nous traiterons les particularités de toutes ces
catégories. Cette analyse devra nous aider à regarder d’un œil critique la traduction
néerlandaise de Jenny Tuin.
Au quatrième chapitre nous ferrons la même chose avec l’orthographe modifiée que
Queneau utilise dans son roman. Nous examinerons les différentes types de la modification de
l’orthographe.
Au cinquième chapitre, nous étudierons la traduction du vocabulaire à l’aide de ce que
nous avons constaté dans le troisième chapitre. Le sixième et dernier chapitre porte sur la
traduction de l’orthographe, que nous traiterons à l’aide des résultats de l’analyse au
quatrième chapitre. Nous traiterons les points forts et les points faibles de la traduction de
Jenny Tuin et nous donnerons quelques suggestions pour améliorer la traduction.
En effet, la recherche comporte donc deux chapitres théoriques, deux chapitres
d’analyse et deux chapitres sur la traduction néerlandaise. Il faut que toutes ces parties nous
donnent la possibilité de répondre à la question centrale : Quelles sont les caractéristiques du
langage typique dans Zazie dans le métro, comment ce langage a-t-il été traduit en néerlandais
par Jenny Tuin et quelles sont les conséquences de la traduction ?
4
Chapitre I
Queneau, la langue et le langage
‘Chez Queneau, tout commence par le langage’9, dit Carol Sanders dans son livre sur
Raymond Queneau. Elle n’avait pas pu l’exprimer d’une façon plus incisive, parce que
l’œuvre de Queneau et ses idées sur la langue et le langage sont indissolublement liés l’un
avec l’autre. L’écrivain est fasciné par la richesse de la langue et surtout par la langue parlée
et les différents types de langage. Il encourage même une nouvelle langue qui doit naître du
français parlé. Dans ce chapitre, nous allons d’abord traiter les idées de Queneau sur la langue
et le langage, et ensuite nous allons parler du langage dans Zazie dans le métro et la manière
dont l’auteur a appliqué ses théories dans ce roman.
1.1. Queneau et ses idées sur la langue
La langue et surtout les différents langages jouent un rôle primordial dans l’œuvre de
Raymond Queneau. Il a non seulement intégré ses idées sur la langue et le langage dans ses
romans, mais il a également écrit un certain nombre d’articles plus ou moins scientifiques,
dans lesquels il présente son opinion sur le développement de la langue française et ses
différentes formes. Ces articles sont réunis dans le recueil Bâtons, chiffres et lettres.
Les articles les plus intéressants portent les titres ‘Écrit en 1937’ et ‘Écrit en 1955’.
Dans le premier article, Queneau nous informe que dès son enfance il s’est intéressé aux
langues étrangères et au langage populaire, qu’il a commencé à connaître par les Pieds
Nickelés, une série de bande dessinée pleine d’argot, dessinée par Louis Forton et publiée
dans le journal l’Épatant,10 et par la lecture d’Henri Monnier et Jehan Rictus.11 Queneau
explique que cet intérêt aux langues étrangères, et très probablement aussi l’intérêt qu’il porte
au langage populaire, lui a ‘sans doute fait considérer très tôt le français parlé comme un
langage différent (très différent) du français écrit’.12 Il va même plus loin en disant que le
français écrit et le français parlé sont deux langues différentes. Dans ‘Écrit en 1955’ Queneau
explique qu’il y a deux langues en France, à savoir la langue qu’on enseigne et qui est
protégée par des institutions officiels comme l’Académie française, et la langue parlée ou bien
9
Sanders, Carol. Raymond Queneau. Amsterdam: Rodopi, 1994. p.7
Chevrier, Matthieu. ‘L’Histoire des Pieds Nickelés’ Les Pieds Nickelés - 06.04.2010
http://matthieu.chevrier.free.fr/bio.html
11
Queneau, Raymond. ‘Écrit en 1937’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.11
12
Ibidem, p.12
10
5
la langue populaire.13 La première langue est alors le français écrit, Queneau la caractérise
comme la langue ‘qui, vers le XVe siècle, a remplacé le « francien »’.14 La deuxième langue,
le français parlé, est beaucoup plus moderne et Queneau lui donne le statut de langue à part et
l’appelle le néo-français.15 C’est ce néo-français qu’il met en avant dans ses articles et qu’il
utilise dans ses romans.
Mais qu’est-ce que ce néo-français ? D’après Queneau, c’est une nouvelle langue ‘qui
n’existe pas encore et qui demande à naître’.16 Mais comment peut-il alors parler d’une
France bilingue où il y a le français ‘académique’ et le néo-français ? C’est que d’une part le
néo-français existe déjà, parce qu’en fait c’est le français tel que les Français le parlent, mais
d’autre part il n’existe pas encore, parce qu’il n’existe pas sur papier et il n’a pas le même
statut que le français ‘académique’. C’était l’objectif de Queneau ‘d’aider le français parlé à
accéder au statut de langue autonome.’17 Dans son article ‘Connaissez-vous le chinook ?’, il
explique que pour faire en sorte que le néo-français puisse devenir une langue véritable, il faut
que les philosophes et les savants écrivent des textes, sur n’importe quel phénomène, en néofrançais.18 Il faut donc que la nouvelle langue commence à s’écrire et pour pouvoir réaliser
cela on a besoin d’une réforme du français traditionnel. Queneau :
Pour passer du français écrit ancien […] qui ne fait que se survivre, à un français
moderne écrit, au troisième français, correspondant à la langue réellement parlée, il
faut opérer une triple réforme, ou révolution : l’une concerne le vocabulaire, la
seconde la syntaxe, la troisième l’orthographe.19
En ce qui concerne la réforme du vocabulaire, Queneau ne donne qu’une petite impression de
ce qu’il entend par cela. Il ne faut surtout pas remplacer le français par l’argot, parce que, ditil en 1937, l’argot ‘n’est point une langue, mais un vocabulaire en transformation’.20 En 1955
par contre, il dit exactement le contraire : ‘l’argot, langue comme une autre, langue à part, et
qui a ses puristes. Il n’y a pas plus puriste que l’argotier’.21 Il a donc changé d’avis en ce qui
concerne le statut de l’argot, mais pourtant il maintient son opinion qu’il ne faut pas
remplacer le français par l’argot, car ce type de langage existe déjà. De plus, le français qu’on
13
Queneau, Raymond. ‘Écrit en 1955’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.66
Ibidem
15
Ibidem
16
Ibidem
17
Sanders, p.8
18
Queneau, Raymond. ‘Connaissez-vous le chinook ?’ Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1965. p.59,
63.
19
Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.19
20
Ibidem
21
Queneau. ‘Écrit en 1955’. p.70
14
6
parle est plus que cela. L’argot en fait partie, donc on le retrouve dans le néo-français et dans
les romans de Queneau, mais ce n’est qu’un seul de tant d’éléments de la langue nouvelle.
En matière du vocabulaire, Queneau ajoute encore qu’il y a une place pour des
néologismes, des fantaisies et des inventions personnelles, mais que ce sont ‘des questions
secondaires qui se résoudront d’elles-mêmes’.22 Tout porte à croire qu’il défend la libre
invention et qu’il est d’avis que l’inventeur peut lui-même décider comment son invention
s’écrit. Ceci est un peu curieux, quand on tient compte de ce que Queneau écrit plus tard, à
savoir que le néo-français est une nouvelle langue, qu’on doit écrire correctement.23 Le
dernier phénomène mentionné par Queneau quand il parle de la réforme du vocabulaire, c’est
la ‘francisation des termes étrangers’.24 En effet, ceci n’est pas seulement un phénomène qui
tombe dans la catégorie de la réforme du vocabulaire. C’est que la francisation des termes
étrangers est aussi liée au changement d’orthographe. D’une part, il y a des mots étrangers qui
ont été traduits en français, comme le mot français ‘ordinateur’ qui est la traduction du mot
anglais ‘computer’. Une telle forme de francisation appartient donc effectivement à la réforme
du vocabulaire. D’autre part, il y a des mots étrangers qui ne sont pas traduits, mais dont on a
tout simplement changé l’orthographe originelle. Un exemple est la francisation du mot
anglais américain ‘disc jockey’ qui est devenu en français ‘disque-jockey’. La francisation de
termes étrangers est alors à la fois liée à la réforme du vocabulaire et à celle de l’orthographe.
La deuxième réforme qui sera donc nécessaire est la réforme de la syntaxe, parce que
la syntaxe du français parlé n’est pas la même que celle du français écrit. Dans ‘Écrit en 1937’
Queneau dit que cette révolution est déjà faite par Louis-Ferdinand Céline ; ‘il suffit d’oser de
nouveau’.25 Cela ne nous donne aucune idée de cette structure différente, mais heureusement
Queneau donne une explication plus précise dans son article ‘Connaissez-vous le chinook ?’.
Il y réfère à Vendryes, un linguiste français qui a comparé la structure du français parlé avec
celle du chinook.26 Le chinook est une langue indienne avec une structure très particulière. En
fait, on peut couper une phrase chinook en deux parties, dont la première partie comporte
toutes les indications grammaticales, les morphèmes, et la seconde partie consiste de données
concrètes, les sémantèmes.27 En français écrit on ne retrouve jamais une telle structure, mais
c’est une construction très fréquente en français parlé. Pour illustrer la syntaxe chinook,
Queneau donne entre autres l’exemple suivant : ‘Il l’a-t-i jamais attrapé, le gendarme, son
22
Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.19
Queneau. ‘Écrit en 1955’. p.67
24
Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.19
25
Ibidem, p.19
26
Queneau. ‘Connaissez-vous le chinook ?’, p.57
27
Ibidem
23
7
voleur ?’.28 D’après Queneau, la première partie de l’énoncé, ‘Il l’a-t-i jamais’, ne donne que
des indications grammaticales, tandis que la deuxième partie est plus concrète.29 Suivant la
théorie de Queneau, qui dit que les indications grammaticales sont des morphèmes et que les
données concrètes sont des sémantèmes, on pourrait donc diviser la phrase comme suit :
Il l’a-t-i jamais
Morphèmes
 attrapé, le gendarme, son voleur ?
Sémantèmes
Pourtant, une telle division n’est pas correcte. ‘Jamais’ n’est par exemple pas un morphème.
En effet, toutes les deux parties comportent des sémantèmes et des morphèmes. Il serait
mieux de couper la phrase après le mot ‘attrapé’ et non pas avant, car de cette manière on
obtient une première partie qui consiste de l’acte et une seconde partie qui comporte les
actants, c’est-à-dire la personne qui fait l’acte (le sujet) et la personne qui subit l’acte (le
complément d’objet direct). Une telle division de la phrase est beaucoup plus logique que
celle faite par Queneau.
Malgré la confusion en ce qui concerne la description de la structure exacte de la
phrase chinook, il est clair qu’en français classique une telle phrase aurait une autre structure,
à savoir la suivante : ‘Le gendarme n’a-t-il jamais attrapé son voleur ?’. Sanders explique
dans son livre sur Queneau, qu’une telle phrase est plus neutre que la phrase qui a la syntaxe
chinook. La phrase chinook ‘offre des possibilités plus grandes d’expressivité (coupures pour
insérer des interjections, intonation plus variée)’.30 La syntaxe du néo-français se distingue
donc vraiment de celle du français classique. Queneau a même dit qu’il lui semblerait
intéressant de traduire des textes écrits en néo-français, en y appliquant la structure de la
phrase parlée.31 Le fait qu’il pense qu’on peut faire une traduction en néo-français, souligne
encore une fois qu’il voit le néo-français comme une langue à part.
La dernière réforme, celle de l’orthographe, est très importante, parce que c’est surtout
cette réforme qui pourrait nous montrer le plus clairement que le français et le néo-français
diffèrent fortement l’un de l’autre. Queneau : ‘Si l’on réaliserait chez nous une réforme
complète de l’orthographe, la différence de ces deux français éclaterait à tous les yeux.’32
Queneau est un grand partisan d’une réforme de l’orthographe, mais il sait bien qu’il y a
beaucoup de personnes qui n’en veulent rien entendre. Dans son article ‘Écrit en 1955’, il cite
28
Queneau. ‘Connaissez-vous le chinook ?’, p.57-58
Ibidem, p.58
30
Sanders, p.13
31
Queneau. ‘Connaissez-vous le chinook ?, p.58
32
Queneau. ‘Écrit en 1937’, p.14
29
8
quelques réactions sur le rapport de la Commission de réforme de l’orthographe, qui a été
approuvé, à l’unanimité, par le Conseil supérieur de l’Éducation nationale, en 1952.33 Ce sont
tous des défenseurs de l’orthographe actuelle qui appellent la réforme un ‘danger national’.34
Queneau n’est absolument pas d’accord avec les gens qui s’opposent à la réforme et pour
renforcer son propre point de vue, il souligne que ce ne serait pas la première réforme de
l’orthographe française : ‘Et s’ils ont modifié l’orthographe de Corneille et de Voltaire,
pourquoi ne modifieraient-ils pas la leur, laquelle est absurde ?’35 D’après Queneau,
l’orthographe n’est qu’un système absurde, qui est chaotique et complètement arbitraire.36
Rien de sacré qu’on ne peut pas toucher alors.
Pour mieux illustrer l’idée qu’il a sur l’orthographe, Queneau cite Ronsard qui a dit :
‘Tu éviteras toute orthographe superflue et ne mettras aucunes lettres en tels mots si tu ne les
prononces en lisant.’37 Queneau est complètement d’accord avec cela et en 1937 il avait déjà
proposé de changer l’alphabet, parce qu’il comprend des lettres qu’on ne prononce jamais,
donc on n’en a pas besoin. Sa proposition :
… on pourrait employer l’alphabet : a, â, b, d, e, é, è, ê, f, g (toujours dur), i, j, k, l, m,
n, o, ô, p, r, s (toujours ç, ss), t, u, v, y, z, ch, gn, ou, an, in, on en observant cette règle
que toute lettre se prononce, et sans jamais changer de valeur, quelle que soit sa
position.38
De cette manière il n’y a plus de superfluités et en outre, ‘téatre’ est aussi beau que ‘théâtre’.39
Tout semble donc être bien réglé. On n’écrit que ce qu’on prononce, c’est-à-dire on utilise une
notation phonétique. Pourtant, il y a un problème : ‘Quelle prononciation notera-t-on ?’40
Faut-il fixer comme norme la prononciation du Nord ou celle du Midi ? Qu’est qu’on fait
avec les dialectes ? Y a-t-il un sociolecte qui est préférable ? Queneau ne donne pas de
réponse à de telles questions, mais il est évident qu’il faut trouver une solution pour ce
problème. Comme Queneau a expliqué en 1937, la réforme de l’orthographe doit absolument
être accomplie, de manière à ce que la nouvelle langue peut atteindre le statut de langue
autonome et qu’une nouvelle poésie peut naître. Il souligne que ‘sans notation correcte du
33
‘Un bref aperçu de l’évolution de l’orthographe française’ Orthographe recommandée – 11.04.10
http://www.orthographe-recommandee.info/pourquoi_1.htm
34
Queneau. ‘Écrit en 1955’, p.75
35
Ibidem, p.77
36
Ibidem, p.79
37
Ibidem
38
Queneau. ‘Écrit en 1937’, p.22
39
Queneau. ‘Écrit en 1955’, p.76
40
Ibidem, p.84
9
français parlé, il sera impossible (il sera himpossible) au poète de prendre conscience de
rythmes authentiques, de sonorités exactes, de la véritable musique du langage.’41
Avant d’entamer l’étude du rôle de la langue et des différents langages dans le roman
Zazie dans le métro, il est encore important de traiter un aspect du néo-français dont nous
n’avons pas encore parlé, mais qui est quand même présent dans les textes de Queneau. Outre
le français écrit et le français parlé, il y a encore une troisième forme, à savoir le français oral
qui consiste d’aspects expressifs. Une conversation entre deux personnes n’est pas seulement
composée de plusieurs mots ‘plus ou moins organisés en phrases’42, on utilise aussi des
gestes, de la mimique, on grogne, on se racle la gorge, on hésite, etc. Tous ces éléments d’une
conversation contribuent à la communication et ils ont une valeur sémantique. Ce sont ces
aspects de la conversation que Queneau appelle la langue orale, bien que les gestes et la
mimique ne soient pas d’éléments oraux. L’étiquette qu’il colle sur ce groupe d’aspects
expressifs est donc mal choisi. Un meilleur terme pour cette forme du français serait par
exemple le français performatif qui couvre mieux les caractéristiques de ce type de langage,
mais pourtant Queneau a choisi d’utiliser ce terme un peu curieux. D’après lui, il y a donc non
seulement une différence entre la langue écrite et la langue parlée, mais aussi entre le parlé et
l’oral. Queneau : ‘le langage oral remplaçant les formes syntaxiques de l’écrit et même du
parlé par des gestes, des inarticulations, des mimiques, une présence.’43
Nous pouvons conclure que le néo-français est une langue à part, dérivée du français
parlé à l’aide d’une réforme du vocabulaire, de la syntaxe et de l’orthographe. De plus, la
nouvelle langue est aussi liée au français écrit, parce que c’est son orthographe qui doit être
réformée, et il ne faut pas oublier les aspects expressifs qui jouent également un rôle.
N’oublions pas que Queneau souligne que le néo-français n’existe pas encore, mais une fois
né de la langue française, les deux langues auront un statut autonome. Queneau : ‘Pour le
moment voici un accouchement difficile : la mère se refuse à enfanter, et pourtant l’enfant
demande bien à naître !’.44 Dans ce qui suit, on va voir que cette situation a changé dans Zazie
dans le métro.
41
Queneau. ‘Écrit en 1937’, p.20
Queneau. ‘Écrit en 1955’, p.87
43
Ibidem, p.88-89
44
Queneau. ‘Écrit en 1937’, p.25
42
10
1.2. Le langage dans Zazie dans le métro
La représentation de la langue française comme une mère et le néo-français comme l’enfant
de cette langue est repris par Marie-Sophie Armstrong, dans son article ‘Zazie dans le métro
and Neo-French’.45 D’après elle, l’idée qu’il y a des liens de famille entre les deux langues est
bien présente dans ce roman de Queneau. Armstrong explique que cette idée est cachée dans
le nom de la mère de Zazie, qui s’appelle Jeanne Lalochère. On peut couper son nom de
famille en deux parties, à savoir ‘Lalo’ et ‘chère’. ‘Lalo’ signifie ‘langue’ en grec et on peut
alors dire que ce nom de famille signifie ‘chère langue’. Outre cela, Armstrong renvoie à
l’article de 1955, dans lequel Queneau appelle les femmes qui s’opposent à la réforme de
l’orthographe du français des Jeanne d’Arc.46 Selon Armstrong, cela montre qu’on peut voir
le prénom Jeanne, qui rappelle donc Jeanne d’Arc, comme un signe de ‘Frenchness’.47
Armstrong conclut qu’on pourrait donc lire le nom Jeanne Lalochère comme ‘la chère langue
française’.48 Elle est d’avis que cette interprétation du nom de la mère de Zazie est la preuve
que la représentation métaphorique, d’une mère et son enfant, est présente dans le roman et
elle dit : ‘there is no doubt that as the daughter of Jeanne Lalochère, Zazie is the child of « la
chère langue française », i.e., the incarnation of Neo-French.’49 Le néo-français est alors,
finalement, né de la langue française et la nouvelle langue est représentée par le personnage
de Zazie, mais pouvons-nous en conclure que c’est Zazie qui parle le néo-français et que les
personnages qui font partie de la même génération de Jeanne Lalochère parlent le français tel
que conseillé par l’Académie française ?
D’après Roland Barthes, on peut effectivement parler d’une dichotomie en ce qui
concerne le langage dans le roman Zazie dans le métro, mais il ne parle pas, lui, du français
par opposition au néo-français, mais d’un langage-objet vs un méta-langage.50 Le langageobjet est le langage utilisé par Zazie et il est caractérisé par Barthes comme le ‘langage qui se
fond dans l’action, qui agit les choses, c’est le premier langage transitif, celui dont on peut
parler mais qui lui-même transforme plus qu’il ne parle.’51 Fille insolente, Zazie utilise tout le
temps l’impératif et l’optatif et Barthes appelle ce type de langage un ‘anti-langage
45
Armstrong, Marie-Sophie. ‘ « Zazie dans le métro » and Neo-French’. Modern Language Studies 22:3 (1992) :
p.4-16
46
Queneau. ‘Écrit en 1955’, p.77
47
Armstrong. ‘ « Zazie dans le métro » and Neo-French’, p.5
48
Ibidem
49
Ibidem
50
Barthes, Roland. ‘Zazie et la littérature’ (1959). Essais Critiques. Paris : Éditions du Seuil, 1964. p.125-131
51
Ibidem, p.128
11
triomphant’.52 Cet anti-langage dont Barthes parle est donc directement lié à Zazie, tout
comme le néo-français est représenté par Zazie chez Armstrong. Les deux auteurs sont
également du même avis que l’opposé du langage zazique est lié aux adultes. Selon Barthes,
le méta-langage est un langage des ‘grandes personnes’ et c’est un langage ‘dont on parle, non
pas les choses, mais à propos des choses (ou à propos du premier langage)’.53 Barthes n’est
pas très positif par rapport au méta-langage, qu’il appelle parasite et immobile.54 Il explique
que l’indicatif est son mode le plus courant et que ce langage représente le réel sans le
modifier. C’est le méta-langage qui donne au texte un sens complémentaire, par exemple
éthique ou sentimental et pour cette raison Barthes l’appelle un chant.55 Il souligne que c’est
en ce langage qu’on reconnaît ‘l’être même de la Littérature’.56
En tous cas, les deux types de langage (ou les deux langues) ont un statut différent.
S’il s’agit de français et néo-français ou s’il s’agit d’un langage-objet et un méta-langage, ils
n’occupent pas la même place dans l’hiérarchie. Le français et le méta-langage sont plus
littéraires; le néo-français et le langage-objet sont plus populaires. De plus les différents
langages sont utilisés par des groupes différents. De toute façon, la division fait par
Armstrong et Barthes est très claire :
Zazie
Adultes
Armstrong
néo-français
français
Barthes
langage-objet
méta-langage
Pourtant, il semble que Barthes se rend bien compte du fait qu’une telle représentation des
différents langages dans Zazie dans le métro, donnée dans le tableau ci-dessus, est peut-être
trop simple, car Barthes souligne que ‘pour Queneau, le procès du langage est toujours
ambigu, jamais clos et que lui-même n’y est pas juge mais partie’.57 En faisant une analyse
plus détaillée des types de langage dans ce roman, on voit que c’est en effet beaucoup plus
compliqué que le tableau ci-dessus fait penser. Il n’est absolument pas vrai qu’on peut diviser
les personnages en groupes qui ont tous leur propre type de langage. Laurent Fourcaut
explique que la parole dans Zazie dans le métro est non homogène et que toute cohérence de
la parole des personnages est détruite. Il dit :
52
Barthes, p.130
Ibidem, p.128
54
Ibidem
55
Ibidem
56
Ibidem
57
Ibidem, p.130
53
12
On note de constantes ruptures – une des principales sources du comique dans le
roman – entre leur être social, culturel et leur discours, du point de vue du niveau de
langue et du style …58
Il n’est donc pas vrai qu’un seul personnage utilise un seul type de langage. Même la parole
du narrateur n’est pas constante. Fourcaut signale que ‘le niveau de langue du discours du
narrateur se calque souvent sur celui des personnages’.59 L’inverse se voit également, quand
le style d’un personnage influence le style du narrateur. Un exemple d’une telle ressemblance
entre le style du narrateur et celui du personnage est la phrase suivante, qui fait partie du
discours du narrateur, mais qui est écrite dans le style grossier de Zazie : ‘Décidément, il était
temps de voir la gueule qu’avait le satyre.’60 À cause du fait que Queneau calque le style du
personnage, on peut avoir l’impression qu’on voit la scène par les yeux de Zazie, mais ceci
n’est pas le cas, parce que dans la phrase suivante on décrit le visage de Zazie à ce moment,
alors il n’est pas possible qu’on voit l’histoire du point de vue de Zazie. Fourcaut remarque
que ‘la voix du narrateur elle-même, elle surtout, est l’objet de manipulations’61 et qu’elle est
comporte des registres et des styles très différents.
Malgré le fait qu’il y a tant de langages différents dans le roman, Fourcaut parle
également de deux langues : le ‘français savant, momifié’62 et le néo-français, mais chez lui il
est évident que ce n’est pas seulement Zazie qui représente le néo-français. Au fond, nous
pouvons retrouver cette nouvelle langue partout dans le roman. Les différents langages se
trouvent à l’intérieur des deux langues.
En lisant Zazie dans le métro, il devient clair que pour ce livre, Queneau a mis en
pratique sa théorie sur la réforme de la langue française pour faire naître le néo-français. Ce
qui éclate par exemple aux yeux, c’est la réforme de l’orthographe de nombreux mots. La
transcription de la prononciation populaire est une des caractéristiques du néo-français de
Queneau. Quelques exemples sont : ‘égzagère’ (p.41), ‘quèque chose’ (p.42), ‘escuses’ (p.48)
et ‘gzactement’ (p.75). Cette réforme de l’orthographe n’est pas toujours faite d’une manière
constante, parce qu’il arrive que nous retrouvons les mêmes mots écrits différemment, dans ce
roman. Ce sont des différences d’orthographe éclatantes, comme ‘quèque chose’ et
‘kèkchose’ (p.107), ainsi que des différences plus subtiles, par exemple à la page 55 où
58
Fourcaut, Laurent. ‘Parole et langue: l’authencité perdue’. Queneau. Zazie dans le métro. Paris : Gallimard,
2006. p.242
59
Ibidem, p.243
60
Queneau, Raymond. Zazie dans le métro. Paris: Gallimard, 2006. p.44
61
Fourcaut, p.243
62
Ibidem, p.246
13
Queneau écrit d’abord ‘sacré conarde’ avec un seul ‘n’ et ensuite il l’écrit avec un double ‘n’
‘sacré connarde’. Sanders pense que ‘la présence des mots orthographiés de façon différente à
l’intérieur du même roman, ou de la même phrase, reflète l’hésitation humaine à appréhender
de mots nouveaux ou empruntés’.63 En ce qui concerne les exemples d’orthographe différente
qu’on a donnés ici, cet argument n’est pas convaincant, parce que ‘quelque chose’ et
‘connarde’ ne sont pas de mots nouveaux. Il est plus probable que Queneau écrit ces mots
différemment, parce qu’on les prononce de différentes façons dans la rue. De plus, il est aussi
possible que Queneau utilise plusieurs types d’orthographe pour mettre l’accent sur le
caractère arbitraire de l’orthographe.
La réforme du vocabulaire est également présente dans le roman. Queneau utilise
l’argot (par exemple ‘tôle’ et ‘malabar’), des mots qu’il a inventé lui-même (comme
‘euréquation’ et ‘lessivophiles’) et des mots qui appartiennent à une langue étrangère
(‘natürlich’). Dans certains cas, la réforme du vocabulaire et celle de l’orthographe sont même
combinées, par exemple quand Queneau utilise des mots étrangers qu’il écrit de la manière
dont les Français les prononcent : ‘apibeursdè touillou’ (p.153-154). Ceci est en même temps
un enrichissement du vocabulaire et une réforme de l’orthographe. Il s’agit ici de la
francisation de mots étrangers, dont nous avons déjà parlé dans la première section de ce
chapitre. Outre cela, il y a un grand nombre de néologismes qu’on peut retrouver dans le
roman, c’est-à-dire les mots que Queneau a inventés lui-même. Ces nouveaux mots
contribuent fortement à la réforme du vocabulaire.
La dernière réforme, c’est-à-dire la réforme de la syntaxe, est aussi appliquée au livre.
On y retrouve la syntaxe chinook, mais aussi d’autres structures qui sont caractéristiques pour
la langue parlée, par exemple : ‘Alors ? pourquoi que tu veux l’être institutrice ?’64 Ceci est
une structure syntaxique qui appartient à la langue parlée. En français écrit on aurait utilisé la
structure suivante : ‘Pourquoi veux-tu être institutrice ?’. Les caractéristiques syntaxiques
peuvent donc montrer que l’écrivain utilise la langue parlée dans son roman.
Pourtant, il y a des éléments qui montrent plus clairement qu’il s’agit d’un dialogue en
langue parlée, à savoir les aspects expressifs. Tous les éléments d’une conversation sont
intégrés dans le texte, à la fois à l’aide de la ponctuation et à l’aide de mots entre parenthèses.
En ce qui concerne la ponctuation, il s’agit par exemple d’un doublement du point
d’interrogation, pour mettre l’accent sur l’étonnement du personnage, ou de l’utilisation de
plusieurs points d’exclamation, quand le personnage parle de plus en plus fort ou quand
63
64
Sanders. Raymond Queneau. p.10
Queneau. Zazie dans le métro. p.22
14
l’enthousiasme augmente. Exemple : ‘Et ça ! là-bas !! regarde !!! le Panthéon !!!!’65 Cet
exemple montre également qu’on n’utilise pas toujours des phrases complètes. Un autre
élément de ponctuation est l’usage de trois points, pour marquer la silence ou une
interruption. Pour intégrer une pause dans la conversation, Queneau a trouvé encore une autre
manière, ce que montre le fragment suivant :
- Comment ça ? Comme ça. Je ne l’ai pas appris par cœur.
(Silence)
- Vous vous foutez de moi, dit Gridoux.66
Il nomme tout simplement l’élément de la langue orale et le met entre parenthèses. Il fait la
même chose avec les gestes (‘Turandot refuse l’offre (geste).67) et les pauses à l’intérieur
d’une phrase (‘Hein ? ça te la coupe, ça (pause) petite tête.’68) ou entre deux phrases (‘Lui ?
demanda la bourgeoise (un temps). Y a pas de doute.’69). L’intégration de ces éléments de
conversation fait en sorte que le dialogue devient plus vivant pour le lecteur. Il suffit d’ajouter
le mot ‘geste’ pour animer le texte, pour que le lecteur sache ce que fait le personnage.
En tous cas, il est clair que Queneau utilise la langue parlée et les aspects expressifs
d’une conversation dans Zazie dans le métro. De plus, la langue écrite est également présente
dans le roman, par exemple quand l’écrivain utilise le passé simple, qu’on ne retrouve jamais
dans la langue parlée, et quand il utilise un registre plus formel. Tous les éléments et tous les
contrastes dont Queneau a parlé dans ses articles sur la langue française et le néo-français se
trouvent dans ce livre. Reginald Hyatte, qui a analysé le langage dans Zazie dans le métro,
parle même de vingt-neuf sortes de vocabulaire, dont l’argot, des néologismes, des
anglicismes, différentes types de realia et des transcriptions phonétiques.70 Bref, Zazie dans le
métro est un roman plein de particularités en ce concerne le langage. Tout le livre tourne
autour des théories sur la langue de Queneau et il est alors très important que ce grand jeu de
langue ne perde pas son caractère spécial quand on le traduit, pour qu’on puisse le lire à
l’étranger. Mais quelles sont les conséquences pour la traduction d’un livre si particulier ?
Dans le chapitre suivant nous allons traiter des théories sur la traduction de la langue parlée et
nous allons élaborer une méthode qui peut nous aider à analyser d’une manière détaillée le
langage dans ce roman spéciale.
65
Queneau. Zazie dans le métro. p.85
Ibidem, p.83
67
Ibidem, p.26
68
Ibidem, p.39
69
Ibidem, p.103
70
Hyatte, Reginald. ‘Lexique Zazique : A Lexical Guide to the Reading of Queneau’s Zazie dans le métro’.
French Review 56:2 (1982) : p. 295-300
66
15
Chapitre II
Les théories sur la traduction de la langue parlée
et
la méthode d’analyse
Dans le chapitre précédent, nous avons vu qu’il y a de nombreux types de langage dans Zazie
dans le métro. Queneau utilise le français et le néo-français, la langue écrite et la langue
parlée, de l’argot, des néologismes, des transcriptions phonétiques et beaucoup d’autres
éléments langagiers. Le fait que le langage dans ce roman n’est pas homogène, ne facilite pas
la traduction du livre. De plus, le caractère non homogène du texte complique la description
des méthodes et techniques pour faire face à ce problème de traduction. En outre, il n’y a pas
beaucoup de théories qui portent sur la traduction de la langue parlée utilisée dans des textes
littéraires. Pourtant, il est important de prêter attention aux théories existantes, avant de
commencer l’analyse du langage dans Zazie dans le métro. Les théories peuvent nous faire
conscient du problème et de cette manière elles nous aident à trouver les éléments les plus
importants, pendant l’analyse. Nous avons trouvé deux théories portant sur la traduction de la
langue parlée en général, qui peuvent être utiles pour notre recherche. Dans ce chapitre nous
allons traiter ces théories et ensuite nous expliquerons quelle est notre méthode d’analyse.
2.1. La langue parlée : un problème de traduction
L’un des rares savants qui s’est plongé dans l’étude des problèmes liés à la traduction de la
langue parlée dans des textes littéraires, est Kjetil Henjum de l’Université de Bergen en
Norvège. Dans son article ‘Gesprochensprachlichkeit als Übersetzungsproblem’71 il parle des
caractéristiques de la langue parlée, ainsi que des conséquences pour la traduction de textes en
langue parlée. Henjum explique que pour chaque langue, il y a trois types de variation, à
savoir la variation diatopique, diastratique et diaphasique.72 La variation diatopique est la
variation géographique ou régional.73 Les dialectes et les régiolectes tombent dans cette
catégorie, le type de variation qui est le moins présent dans Zazie dans le métro. La variation
71
Henjum, Kjetil. ‘Gesprochensprachlichkeit als Übersetzungsproblem’. Kittel et al. Übersetzung,
Translation, Traduction. Berlin: De Gruyter, 2004-2007. p.512-519
72
Ibidem, p.513
73
‘Glossaire français-anglais de terminologie linguistique’ SIL International – 03.05.2010
http://www.sil.org/linguistics/glossary_fe/glossary_index.asp?searchlang=b&search=v&qual=good&type=
16
diastratique est la variation sociale74 ; dans ce cas il s’agit donc de sociolectes. Et la dernière
forme de variation, la variation diaphasique, est aussi connue comme la variation stylistique.75
C’est cette dernière variation qui est utilisé le plus souvent dans notre roman, mais Andreas
Blank, qui a écrit un livre sur la ‘Literarisierung von Mündlichkeit’ chez Louis-Ferdinand
Céline et Raymond Queneau, est même d’avis que c’est non seulement la variation
diaphasique, mais aussi la variation diastratique qui est présent dans le livre.76 Blank :
Entsprechend seiner Theorie galt Queneaus Wirken der « Oberflächenstruktur » der
Sprache, der Veränderung ihres Erscheinungsbildes. Seine Darstelllung der Lautung
bedient sich sowohl einzelsprachlicher Ausprägungen universeller Mündlichkeit sowie
diastratisch-diaphasisch markierter Elemente.77
Nous pouvons donc nous attendre à ce que nous retrouverons des éléments stylistiques, ainsi
que des éléments langagiers qui ne sont utilisés que par une certaine classe sociale, lors de
l’analyse du roman. Avant d’analyser les éléments spécifiques, il faut d’abord avoir une idée
de la langue parlée en général. La citation de Blank montre qu’il y a aussi des éléments de la
langue parlée qui sont universels. Pour cette raison, nous allons maintenant prêter attention au
problème de la traduction de la langue parlée en général.
Henjum commence avec l’explication des particularités syntaxiques, phonologiques,
sémantiques et les particularités en ce qui concerne la pragmatique textuelle, de la langue
parlée.78 Les caractéristiques de la langue parlée sont par exemple l’utilisation de phrases
brèves, phrases incomplètes, changements du volume sonore et l’utilisation de mots passepartout (comme ‘chose’ et ‘truc’). Henjum explique qu’il est difficile de mettre par écrit la
langue parlée, parce que dans quelle mesure peut-on utiliser un ordre de mots qui combat les
normes de syntaxe, sans que le texte devienne incompréhensible ? Combien de mots passepartout peut on utiliser dans un texte écrit, sans que le lecteur commence à s’irriter ? De plus,
Henjum est d’avis que l’alphabet ne comporte pas assez de signes pour pouvoir couvrir tous
les sons de la langue parlée.79 Dans le premier chapitre, nous avons déjà vu que ce dernier
problème n’est pas un problème pour Queneau, parce que d’après lui, l’alphabet comporte
trop de lettres. On peut se demander ce que les remarques de Henjum, en ce qui concerne la
difficulté de l’écriture de la langue parlée, ont à faire avec cette étude. Queneau l’a déjà fait,
74
‘Glossaire français-anglais de terminologie linguistique’ SIL International – 03.05.2010
http://www.sil.org/linguistics/glossary_fe/glossary_index.asp?searchlang=b&search=v&qual=good&type=
75
Ibidem
76
Blank, Andreas. Literarisierung von Mündlichkeit : Louis-Ferdinand Céline und Raymond Queneau.
Tübingen : Narr, 1991.
77
Ibidem, p.315
78
Henjum, p.513-514
79
Ibidem, p.514
17
alors quel est le problème ? Le problème c’est la traduction. Apparemment il est possible de
mettre par écrit le français parlé, mais est-ce qu’on peut faire la même chose avec le
néerlandais par exemple ? Ce qui est acceptable en français, ne l’est peut-être pas dans une
autre langue.
Henjum souligne l’importance de la fonction de la langue parlée dans le texte, parce
que ‘die Art und Weise der fingierten Mündlichkeit’80 varie selon la mesure dans laquelle
l’écrivain désire utiliser la langue parlée dans son texte. L’objectif de l’écrivain a donc une
grande influence sur la complexité du langage du roman et de cette manière aussi sur
l’étendue du problème de traduction. On a déjà vu que dans Zazie tout tourne autour du
langage, qui a donc une importance énorme dans le roman. Blank affirme ce qu’on a constaté
dans le premier chapitre : ‘Auf der Basis sprachwissenschaftlicher und literarischer Einflüsse
entwickelte er [Queneau] eine Sprachtheorie, welche er in die Literatur umzusetzen
versuchte.’81 Il a voulu innover la langue littéraire par un discours contrastif.82 Vu l’objectif
de Queneau et la fonction de la langue parlée, il est alors très important que le traducteur
traduit le roman d’une manière minutieuse et il faut absolument qu’il ne laisse pas disparaître
l’effet du langage.
En ce qui concerne la traduction de la langue parlée dans un texte littéraire, Henjum
explique qu’il y a trois questions que le traducteur doit se poser :
1) Le potentiel de signification change-t-il par l’acte de traduction ?
2) Y a-t-il des différences entre les bases de compréhension et les possibilités
d’interprétation de l’original et de la traduction ?
3) Aux quels niveaux de texte se manifestent-elles, ces modifications ?83
D’après Henjum, ces questions sont importantes dans le contexte de la fonction de la langue
parlée. Plus la fonction est d’une grande importance, moins les différences peuvent être
grandes. Henjum mentionne deux problèmes spécifiques, à savoir le rétablissement de
l’équivalence connotative et le rétablissement de l’équivalence textuelle normative. Le
premier problème, c’est-à-dire les modifications des connotations causées par l’acte de
traduction, est lié aux différences entre les systèmes de la langue source et la langue cible.
Henjum : ‘Obwohl die Merkmale von Gesprochensprachlichkeit, die übersetzt werden sollen,
80
Henjum, p.515
Blank, p.314
82
Henjum, p.515
83
Ibidem, p.516
81
18
universal sind, decken sich die Systeme der verschiedenen Sprachen nicht eins zu eins’.84 Il
est alors possible que la connotation d’un élément du texte original a disparu dans la
traduction et ceci est un appauvrissement du texte plus ou moins grave.
L’équivalence textuelle normative est lié aux différences entre les normes, les
traditions et les conventions littéraires, non-littéraires et stylistiques de la culture source et de
la culture cible. Il s’agit par exemple d’asymétries des traditions de discours.85 Le traducteur
peut prendre la décision de modifier le style du texte original, parce qu’il ne veut pas dévier
des normes de la culture cible. Un tel choix provoque des changements du potentiel de sens
du texte.86 De plus, Henjum ajoute que le goût personnel du traducteur joue un rôle dans la
traduction. En effet, ceci est toujours le cas ; le choix individuel du traducteur a toujours une
certaine influence sur sa traduction. Après tout, il est impossible que deux traducteurs
produisent une traduction identique du même texte original.
Henjum traite dans son article un certain nombre d’études de cas en ce qui concerne la
traduction de la langue parlée. Il parle des choix que les traducteurs ont fait et en fait cela
revient à dire que les traducteurs utilisent parfois des méthodes de traduction qui changent le
sens ou l’effet du texte original, par exemple parce qu’ils pensent devoir répondre aux normes
de la langue cible.87 Ils ont par exemple traduit des phrases grammaticalement incorrectes, par
des phrases correctes, parce qu’ils veulent observer les règles grammaticales. Nous avons déjà
vu que Queneau utilise entre autres une orthographe modifiée, alors nous savons déjà que le
traducteur de Zazie sera confronté à ce problème.
Henjum ne parle pas des différentes méthodes et techniques pour la traduction de la
langue parlée et il ne donne pas de solutions à ce problème de traduction. Il semble que
l’auteur veut tout simplement souligner que le traducteur doit être conscient des
caractéristiques de la langue parlée et de la fonction du langage dans le texte. De plus, il faut
qu’il cherche une manière de bien traduire la fonction stylistique et il faut qu’il se demande
dans quelle mesure il peut combattre les normes de la langue cible, pour ne pas trop s’écarter
du style du texte original.88
En 2006, un nouvel article parut dans le magazine néerlandais Onze taal, dans lequel
Berthold van Maris traite le même problème de traduction.89 Il explique qu’il n’y a pas mal de
84
Henjum, p.516
Ibidem
86
Ibidem, p.517
87
Henjum, p.517-519
88
Ibidem, p.519
89
Maris, Berthold van. ‘ « Doe effe normaal, oké? » – Het vertalen van spreektaal’. Onze taal : maandblad van
het genootschap Onze Taal 75:6 (2006), p.176-178
85
19
romans étrangers dans lesquels on utilise la langue parlée (régionale) ou une langue populaire
et qu’il n’est pas vraiment possible de traduire ce langage, mais qu’on l’a fait quand même.
Van Maris parle de la manière dont les traducteurs s’attaquent à ce problème et de ce qui peut
échouer. Il commence avec un exemple d’une traduction du livre The Shipping News écrit par
E. Annie Proulxs, dans lequel l’écrivain utilise le dialecte d’une île canadienne, qui est plein
de sons, tournures et mots déviant de l’anglais standard, des déviations qu’on ne retrouve plus
dans la traduction. Van Maris appelle le langage dans la traduction une sorte de ‘Algemeen
Gesproken Nederlands (AGN)’90 qui ne pose aucun risque pour le traducteur, mais qui a,
malheureusement, provoqué que cette traduction a perdu un élément important du roman, à
savoir la couleur locale du roman et une partie de l’atmosphère du livre.
Van Maris explique qu’il y a aussi des traducteurs qui utilisent une langue parlée qui
n’est pas du tout générale, mais qui est à son tour un peu bizarre, parce que d’après lui, c’est
un ramassis de ‘spreektaalachtige dingetjes’.91 Ceci donne un résultat artificiel et maladroit.
Une troisième manière de traduire un dialecte est l’utilisation de ce que Van Maris appelle le
‘Algemeen Volks Nederlands (AVN)’.92 Ce langage du peuple a des caractéristiques
grammaticaux qui ne sont pas toujours bien connus chez les traducteurs, qui ne maîtrisent la
langue populaire par exemple pas très bien, parce qu’ils ne sont pas de membres de la classe
ouvrière.
Van Maris parle de trois types de glissements en ce qui concerne la traduction de la
langue parlée. Premièrement, il est possible que le traducteur utilise la langue courante, tandis
que dans le texte original l’auteur utilise une langue régionale. Deuxièmement, il y a des
traducteurs qui remplacent la langue du peuple par la langue du bourgeoisie et troisièmement,
il existent des traductions dans lesquelles la langue parlée est remplacée par la langue écrite.93
Dans tous les cas, le résultat est un nivellement stylistique. Le caractère du roman a
partiellement changé par l’acte de traduction et c’est bien dommage. Le remplacement d’un
certain type de langage, par un autre langage peut avoir des effets non désirés. Quand on
traduit le langage populaire par exemple par le langage courant, la connotation du langage
peut changer. C’est que la langue populaire évoque d’autres images que la langue courante.
Ce changement de la connotation est un des deux problèmes de la traduction de la langue
parlée traités par Henjum, donc apparemment c’est un phénomène important.
90
Maris, p.176 (Traduction littérale de ‘Algemeen Gesproken Nederlands’: ‘néerlandais parlé général’)
Ibidem
92
Ibidem (Traduction littérale de ‘Algemeen Volks Nederlands’: ‘néerlandais populaire général)
93
Ibidem, p.177
91
20
Van Maris avoue qu’il y a aussi des types de langage (des sociolectes par exemple), qui sont
quand même traduisibles. Il est d’avis que ceci vaut pour la langue parlée non régionale de la
bourgeoisie.94 Cette forme de langage pose moins de problèmes que les dialectes, mais il y a
toujours ce problème de la connaissance du traducteur. Le traducteur n’est pas toujours
complètement à la pointe de l’utilisation de ce langage et il est aussi possible qu’il ne trouve
pas d’équivalent parfait pour traduire le langage du texte original.95 Il n’y a qu’un seul
dialecte qui ne pose pas de problèmes d’après Van Maris, à savoir le dialecte de l’avenir. Pour
le traducteur, il doit être agréable de traduire cette langue future, parce qu’il peut inventer tout
ce qu’il veut. Dans Zazie il y a également des mots inventés par Queneau qui n’existent donc
pas vraiment et pour lesquels il n’y a pas encore une traduction. Dans ce cas, le traducteur
peut inventer de nouveaux mots néerlandais, à condition que ce soient plus ou moins des
équivalents des néologismes et des mots inventés de l’original. À la fin de son article Van
Maris remarque que c’est un vrai paradoxe : le seul dialecte qu’on peut bien traduire est un
dialecte non existant.96
Nous avons vu que la langue parlée pose alors pas mal de problèmes de traduction et
qu’il y a beaucoup de choses qui peuvent échouer pendant la traduction d’un texte de ce type.
Il n’est pas toujours facile de trouver un bon équivalent et d’éviter des glissements qui causent
un changement d’effet ou de connotation. Il est important que nous avons traités ces
problèmes générales de la traduction de la langue parlée, avant de commencer l’analyse du
roman. De cette manière, nous savons mieux quels sont les éléments auxquels nous devons
être attentif, parce qu’ils peuvent poser des problèmes au traducteur.
2.2. Méthode d’analyse du langage
Les théories que nous avons traitées jusqu’ici, sont des théories générales qui ne couvrent pas
toutes les types de langage qu’on peut retrouver dans Zazie dans le métro. Dans l’introduction
de ce chapitre, nous avons déjà signalé que c’est le caractère non homogène du langage dans
ce roman, qui nous empêche d’établir un seul cadre théorique qui nous donne des méthodes et
des techniques pour faire face à ce problème de traduction. Dans un article qui porte sur les
problèmes de la traduction anglaise du français parlé dans Zazie, Carol Sanders affirme que
malheureusement, il n’existe pas d’approche de ce phénomène qui peut offrir un cadre
94
Maris, p.177
Ibidem, p.178
96
Ibidem
95
21
théorique satisfaisant.97 Elle explique qu’il y a des théories de Labov portant sur la
sociolinguistique et des théories de Halliday, qui touchent une partie du problème, mais
pourtant on ne peut pas les utiliser pour analyser les différents types de langage chez
Queneau. Il faut donc que nous procédons d’une autre manière, pour pouvoir obtenir un
tableau exact des différents types de langage utilisés par Queneau.
Pour pouvoir faire une analyse précise du langage, nous avons étudié le roman du
début à la fin et nous avons noté toutes les particularités que nous avons rencontrées. Ceci
varie de caractéristiques d’un certain registre du français à l’utilisation de l’orthographe
phonétique. De cette manière, nous avons établit une liste énorme, qui comporte pour tous les
chapitres du livre les particularités que nous y avons trouvé et le numéro de la page à laquelle
elles figurent. De plus, nous avons noté pour chaque mot et chaque énoncé qui l’a prononcé,
le narrateur ou un des personnages. Cela nous permet de voir si un certain type de langage
appartient à un personnage en particulier ou si tous les types de langage sont partagés par les
différents personnages qui figurent dans le roman. De plus, nous avons divisé les
particularités en plusieurs catégories. Chaque catégorie représente un élément typique du
langage du roman.
Le classement idéal des catégories serait bien sûr une division en trois parties, à
l’exemple de ce que nous avons vu au premier chapitre. Dans ce cas, nous pourrions établir un
schéma avec trois catégories principales, à savoir la réforme du vocabulaire, la réforme de
l’orthographe et la réforme de la syntaxe. Il serait même possible d’ajouter une quatrième
catégorie qui consiste de caractéristiques du français performatif, c’est-à-dire les aspects
expressifs. Nous pourrions répartir toutes les catégories qui figurent sur la liste qu’on a établit
en étudiant le roman, entre les trois (ou quatre) catégories principales et de cette manière,
nous aurions un schéma bien ordonné, à l’aide duquel nous pourrions facilement analyser la
traduction néerlandaise.
Malheureusement, une telle division n’est pas possible. En analysant le roman, nous
avons trouvé par exemple très peu de particularités qui sont liées à la réforme de la syntaxe.
De plus, nous croyons que cette catégorie n’est pas particulièrement intéressante pour l’étude
de la traduction, parce que la syntaxe du français diffère toujours de celle du néerlandais donc
c’est logique que la syntaxe change par l’acte de traduction. Outre cela, il est également
impossible de traiter toutes les catégories qui figurent sur la liste. C’est qu’il y a des
97
Sanders, Carol. ‘ « Pourquoi on dit des choses et pas d’autres ? » Translating Queneau’s français parlé in
Zazie dans le métro and Le chiendent’. Centre de recherches en traduction et stylistique comparée de l’anglais
et du français. Niveaux de langue et registres de traduction. Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1996.
22
catégories qui consistent de si peu d’éléments que nous ne sommes pas capable d’en dire
quelque chose de significatif. Un exemple d’une catégorie qui est vraiment trop petite pour
pouvoir être analysée, est la catégorie du ‘langage de l’enfant’. Il n’y a que cinq exemples du
langage enfantin dans Zazie, alors il est sans intérêt de prêter attention à un tel groupe. Un
dernier désavantage d’une division sur le modèle du premier chapitre est le fait qu’il y a des
catégories qui sont liées à plusieurs catégories principales. Dans le premier chapitre, nous
avons vu que ceci est par exemple le cas pour les éléments de langues étrangères. D’une part
les langues étrangères font partie de la réforme du vocabulaire, d’autre part ils tombent dans
la catégorie qui porte sur le changement d’orthographe.
Pour toutes ces raisons nous n’avons donc pas pu réaliser cette division idéale, mais
nous avons quand même essayé de rester le plus proche que possible de ce classement. Nous
avons décidé d’étudier les deux catégories principales les plus intéressantes, à savoir celle qui
porte sur le vocabulaire et celle qui touche à l’orthographe. À l’intérieur de ces deux groupes
nous allons traiter les catégories les plus grandes, qui seront le plus intéressant pour l’étude de
la traduction néerlandaise. Toutes ces catégories seront à leur tour subdivisées en rubriques.
Dans le schéma ci-dessous, nous pouvons voir qu’il y a des catégories qui figurent à la fois
dans la catégorie principale portant sur le vocabulaire et dans la catégorie des éléments
orthographiques. C’est que ces groupes sont liés à toutes les deux catégories principales et une
subcatégorie de ce type de langage tombe dans le premier groupe et une autre subcatégorie
dans le deuxième. Le schéma nous donne un aperçu de notre analyse. Dans le chapitre
suivant, nous allons analyser le vocabulaire dans Zazie et les éléments orthographiques seront
traités dans le quatrième chapitre.
23
Chapitre III
L’analyse du vocabulaire dans Zazie dans le métro
Dans ce chapitre, nous allons analyser les différents types de vocabulaire dans Zazie dans le
métro. Nous avons vu qu’il y a plusieurs subcatégories qui tombent dans cette catégorie
principale, à savoir le vocabulaire familier, les mots abrégés, l’argot, les gros mots et le
vocabulaire vulgaire, les mots qui appartiennent à des langues étrangères et les néologismes.
Dans ce qui suit, nous allons établir une définition de chaque type de vocabulaire et nous
voudrions parler de leur place dans la langue parlée. De plus, nous allons examiner le rôle de
ces éléments lexicaux dans notre roman. Quel division pouvons-nous faire à l’intérieur des
ces catégories ? Quels exemples avons-nous rencontré dans le roman ? Y a-t-il des types de
vocabulaire qui sont caractéristiques pour un personnage en particulier ? Quel est l’effet de
l’utilisation d’un tel vocabulaire ? Bref, nous allons analyser les catégories de façon détaillée,
pour que nous puissions obtenir une image claire et structurée de ce qui est important pour la
traduction du vocabulaire, à laquelle nous consacrerons un chapitre à part.
3.1. Le vocabulaire familier
La première catégorie que nous allons traiter consiste du vocabulaire du français familier.
Chaque langue connaît plusieurs styles ou registres, c’est-à-dire de différents types de langage
plus ou moins formels. Généralement, on peut diviser le français en trois registres: le français
soutenu, le français commun et le français familier.98 En fait, nous pouvons retrouver tout ces
trois types de français dans la langue parlée, mais le registre qui est le plus fortement lié à la
langue parlée est le registre familier. D’après Claire Blanche-Benveniste et Mireille Bilger,
qui ont fait une recherche sur le français parlé, les caractéristiques de la langue familière
‘semblent mener directement à l’idée de « langue parlée », même si on les trouve dans des
productions écrites.’99 Elles renvoient immédiatement aux romans de Queneau et elles
mentionnent explicitement Zazie dans le métro. C’est le registre familier que nous avons
98
‘Niveaux de langage’. Études littéraires – 26.05.2010
http://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/niveaux-de-langage.php
99
Blanche-Benveniste, Claire et Mireille Bilger. ‘ « Français parlé – oral spontané » Quelques réflexions’ Équipe
de Recherche en Syntaxe et Sémantique – 26.05.2010
http://w3.erss.univ-tlse2.fr:8080/index.jsp?perso=pery&subURL=etudiants/SL0014/CBB-Bilger.pdf
24
retrouvé le plus souvent dans ce roman et le vocabulaire familier, qui fait directement penser à
la langue parlée, y joue donc un rôle important.
La définition de la langue familière donnée dans le Petit Robert nous apprend qu’il
s’agit d’un type de langage ‘qu’on emploie naturellement en tous milieux dans la conversation
courante, et même par écrit, mais qu’on évite dans les relations avec des supérieurs, les
relations officielles et les ouvrages qui se veulent sérieux’.100 Il s’agit donc d’un langage de
tous les jours utilisé par toutes les classes sociales. Nous pouvons nous attendre donc à ce que
tous les personnages dans Zazie utilisent le vocabulaire familier. De plus, c’est un langage
qu’on n’emploie pas lorsqu’on parle de sujets sérieux, mais il n’est pas sûr que Queneau a
respecté cela. C’est qu’il tourne en dérision beaucoup de choses dans son roman et
l’utilisation du vocabulaire familier pour traiter des thèmes sérieux, serait une bonne méthode
de moquerie. Une dernière remarque que nous voudrions faire en ce qui concerne l’utilisation
du vocabulaire familier est que c’est bien un type de vocabulaire qu’on utilise dans tous les
milieux, mais il faut ajouter qu’on ne s’en sert qu’avec ‘des gens avec qui on est un peu plus à
l’aise’101 par exemple des membres de familles ou des amis. Normalement, quand il y a une
hiérarchie entre les interlocuteurs on n’utilise pas le registre familier. Si Queneau a respecté
cette règle, nous pouvons nous attendre à ce que les personnages n’utilisent pas un
vocabulaire familier quand il s’adressent par exemple à un agent de police.
À l’intérieur du vocabulaire familier, il y a de différents degrés de familiarité, de
légèrement familier jusqu'à franchement grossier ou un vrai langage de la rue. Il est important
de ne pas confondre le vocabulaire familier avec les mots argotiques et de bien séparer les
gros mots et le langage vulgaire des termes familiers. Malgré le fait qu’il est parfois très
difficile de dire à quel groupe un certain mot appartient, il est important de faire une
distinction entre ces groupes. C’est que l’argot et la langue vulgaire sont parfois considérés
comme un registre à part.102 Dans la catégorie du vocabulaire familier, nous ne traitons donc
que des mots qui appartiennent vraiment au registre familier. Nous partons du principe qu’un
mot ou une expression appartient au vocabulaire familier quand les dictionnaires, dans notre
cas le Petit Robert et le Trésor de la langue française, y ont ajouté l’abréviation ‘fam.’
(familier). Étant donné qu’il très difficile de déterminer le degré de familiarité, certainement
quand la langue en question n’est pas la langue maternelle de la personne qui analyse le
100
Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007
Le français dans tous les sens. Une introduction à la linguistique française historique et moderne. p.12
Le polycopié du cours ‘Le français dans tous les sens’ de l’Université d’Utrecht, imprimé en 2007.
102
Szabó, Dávid. ‘Les registres non conventionnels dans le dictionnaire bilingue’ – 31.05.2010
http://mnytud.arts.klte.hu/szleng/egyeb/szabod03.htm
101
25
vocabulaire, nous avons choisi de ne pas indiquer si tel ou tel mot est plus familier qu’un
autre. Au lieu d’une telle division, nous avons divisé cette catégorie en plusieurs
subcatégories. Nous avons créé des subcatégories pour les mots qui désignent des personnes
(filles, enfants, hommes et femmes), une subcatégorie ‘boire et manger’, une autre
subcatégorie pour les termes qui représentent l’action de partir et quatre petites catégories qui
consistent de mots et des locutions en ce qui concerne l’argent, la tête, le bruit et des mots
passe-partout. Le reste des termes qui appartiennent au vocabulaire familier, la catégorie est
énorme, n’est pas divisé selon sujet, parce que dans ce cas nous obtiendrions trop de
subcatégories qui sont très petites. Une subcatégorie d’un ou deux mots n’a pas de valeur. La
subcatégorie B est une exception, parce qu’elle fait partie des subcatégories de mots qui
désignent des personnes et les catégories H, I, J, et K sont des cas limites. C’est que ces
termes se rapportent au même sujet et dans une catégorie plus grande cela serait moins clair,
mais après tout il n’est pas préférable de créer de catégories si restreintes. Pour cette raison les
autres éléments du vocabulaire familier sont divisés suivant leur catégorie grammaticale,
c’est-à-dire les substantifs, les adjectifs, les adverbes et les verbes. La dernière subcatégorie
consiste de locutions.
Parmi tous ces mots et locutions, il y a des termes qui peuvent également tomber dans
la catégorie ‘langue populaire’. Ce sont des mots dont nous ne sommes pas sûr s’ils
appartiennent vraiment au registre familier ou s’ils font plutôt partie du langage populaire.
C’est que le Petit Robert et le Trésor de la langue française ont collé de différentes étiquettes
sur ces mots. Il s’agit des mots et de la locution en gros :
-
‘Zazie liche la mousse de son demi’ (p.51)
-
‘… y a qu’une chose à faire, qu’à lbousiller.’ (p.55)
-
‘Vous comprenez, à cause de ma haute taille, ils se fendent la pipe.’ (p.63)
-
‘Mais je dois les retrouver pour la bouffe.’ (p.128)
-
‘Quelques jets aquagazeux dirigés sur leur tronche par l’élément féminin’ (p.184)
En ce qui concerne le premier exemple, le Petit Robert indique que ‘licher’ est un verbe
populaire. Le Trésor de la langue française par contre n’est pas complètement convaincu de
cela et a indiqué que le verbe est à la fois populaire et familier. Le verbe ‘bousiller’ est
également un cas douteux pour ce dernier dictionnaire, tandis que le Petit Robert indique qu’il
s’agit d’un verbe familier. Les trois autres exemples tombent aussi dans la catégorie de la
langue familière, si nous croyons le Petit Robert, alors que le Trésor de la langue française
26
est convaincu qu’il s’agit de termes populaires. Mais quel est la différence entre la langue
familière et la langue populaire ? Nous avons vu que la langue familière est utilisée dans tous
les milieux et par toutes les classes sociales, mais ceci ne vaut pas pour la langue populaire.
Le vocabulaire populaire ‘est courant dans la langue parlée des milieux populaires’.103 La
langue populaire concerne donc l’appartenance sociale, tandis que la langue familière
concerne une situation de discours.104 L’utilisation d’un vocabulaire populaire est alors un
exemple de la variation diastratique que nous avons mentionnée dans le deuxième chapitre et
dont Andreas Blank a affirmé que ce type de variation est présente dans les romans de
Queneau.105 Outre ces termes dont nous ne sommes pas sûr s’ils sont familiers ou populaires,
il y un exemple d’un mot purement populaire, à savoir le verbe suivante : ‘elle voulait me
dérouiller’ (p.55) C’est Zazie qui utilise ce verbe populaire, dans une partie du discours dans
laquelle elle utilise le registre familier. Nous avons décidé de ne pas exclure ce mot de notre
catégorie du vocabulaire familier, parce que le verbe n’éclate pas aux yeux dans ce contexte.
Parmi les mots sur lesquels les dictionnaires ne sont pas d’accord, il y a aussi deux
exemples de mots qui sont parfois classé dans la catégorie du vocabulaire familier, mais dont
on dit aussi qu’ils appartiennent à l’argot. Une telle divergence d’opinion est assez
remarquable, parce que la différence entre le vocabulaire familier et l’argot est plus grande
que la différence entre le vocabulaire familier et le vocabulaire populaire. Le premier terme
que nous avons ajouté à la liste du vocabulaire familier, malgré la confusion sur sa nature, est
le mot ‘godet’. D’après le Petit Robert, il s’agit d’un mot familier qui signifie ‘verre’. Le
Trésor de la langue française par contre indique qu’il s’agit de l’argot et ceci est peut-être dû
au sens différent que ce dictionnaire donne à ‘godet’. Dans ce dictionnaire nous pouvons lire
que ce n’est pas le verre qu’on appelle ‘godet’, mais c’est le ‘contenu de ce récipient’.106 De
plus ce dictionnaire cite l’exemple de Zazie : ‘Vous en mettez du temps pour écluser votre
godet.’107 Le verbe ‘écluser’ appartient sans doute à l’argot et pour cette raison nous avons
choisi de classer le mot ‘godet’ utilisé séparément, dans la catégorie du vocabulaire familier,
et en combinaison avec écluser elle tombe dans la catégorie de l’argot. Le deuxième terme qui
est argotique d’après le Trésor de la langue française et familier d’après le Petit Robert, est le
mot ‘lourde’ qui signifie ‘porte’. Nous n’avons pas trouvé une raison pour l’exclure d’un des
deux catégories et c’est pourquoi il figure dans toutes les deux types de vocabulaire.
103
Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007
Ibidem
105
Blank, p.315
106
Trésor de la langue française
107
Queneau, Zazie dans le métro. p.51
104
27
Outre ces mots qui sont un peu plus difficiles à classifier, il y a aussi quelques termes sur la
liste qui sont vieillis. Ce sont les mots : mousmé, gosselines, le conjungo, pouacre, et bath. Ce
que les dictionnaires n’indiquent malheureusement pas, c’est depuis quand ces mots sont des
mots vieillis. Nous ne savons que ce sont des mots qui sont encore compréhensibles de nos
jours, mais qu’on n’emploie plus naturellement dans la langue parlée.108 Il est possible qu’en
1959, ces mots faisaient partie du vocabulaire familier courant et que petit à petit ces mots ont
disparu de la langue parlée, avec le résultat qu’ils sont vieillis de nos jours. Par contre, il se
peut également que Queneau a consciemment utilisé des mots vieillis. Ici, le traducteur doit se
poser une question. Faut-il traduire ces mots par des mots familier vieillis ou faut-il
moderniser le texte et traduire les mots par des mots contemporains ?
Une dernière chose remarquable est l’utilisation du passé simple. Le passé simple est
un temps grammatical qui n’est plus utilisé dans la langue parlée et qu’on retrouve surtout
dans des textes littéraires. Il est alors étonnant que nous avons trouvé des verbes familiers
conjugués au passé simple, parce qu’à l’oral on remplace ce temps normalement par un passé
composé. Queneau a créé un certain contraste à l’intérieur du vocabulaire familier. Il s’agit
bien de verbes familiers qui sont caractéristiques pour la langue parlée, mais le temps
grammatical appartient à la langue écrite, voire littéraire. Ce contraste est présente dans le
roman en entier. Il y a non seulement un contraste à l’intérieur du registre familier, mais aussi
par rapport à d’autres catégories. Queneau utilise par exemple aussi des mots savants ou des
mots formels, comme ‘lamellibranches’109 et ‘languissamment’110, qui éclatent aux yeux
parmi tous les éléments de la langue parlée appartenant au registre familier. Nous sommes
d’avis, que l’écrivain a créé ce contraste pour pouvoir ridiculiser certains éléments qui sont
absents en néo-français. Roland Barthes explique dans son article sur Zazie que Queneau
‘assume le masque littéraire’111 pour pouvoir la montrer du doigt. Il est concevable que
Queneau utilise des verbes familiers conjugués au passé simple, pour mettre l’accent sur
l’étrangeté de ce temps grammatical. De cette manière il avance le néo-français qui ne connaît
pas cette forme verbale. Blank, qui remarque que le passé simple est même utilisé dans le
discours, affirme que l’utilisation de ce temps grammatical est un procédé de style qui sert à la
dérision.112
108
Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007
Queneau, Zazie dans le métro. p.50
110
Ibidem, p.102
111
Barthes, p.132
112
Blank, p.298
109
28
En ce qui concerne l’emploi du vocabulaire familier, nous pouvons constater que, tout comme
nous avons attendu, tous les personnages utilisent des mots ou des expressions familiers. Peu
importe à qui ils s’adressent, ils ne tiennent pas compte d’une hiérarchie éventuelle. De plus,
Queneau n’a effectivement pas respecté la règle que la langue familière n’est pas utilisée
quand on parle de quelque chose de sérieux. C’est qu’il y a plusieurs monologues dans le
roman, qui portent par exemple sur le sens de l’existence et dans ce cas on ne s’attend pas à
un langage familier. Carol Sanders explique que vu le sujet sérieux de ces monologues et le
caractère continu du discours, on s’attendrait à un registre plus soutenu, mais il n’en est
rien.113 Le registre familier et les thèmes sérieux forment un contraste et d’après Sanders c’est
cet effet de contraste qui amplifie ‘la forte concentration de français parlé’.114 Elle aussi, elle
est donc d’avis que le contraste dans le livre met l’accent sur la langue parlée. Somme tout,
nous pouvons dire que le vocabulaire familier occupe une place importante dans la langue
parlée et l’étendue de la catégorie du vocabulaire familier dans Zazie dans le métro montre
que ce vocabulaire joue un rôle important dans le roman. Il est extrêmement important que le
traducteur sait bien traduire les termes familiers, parce qu’ils ont une importance considérable
en ce qui concerne la conservation du caractère du texte. En outre, nous allons voir qu’il y
d’autres catégories qui sont liées à cette grande catégorie, par exemple celle des mots abrégés.
3.2. L’abréviation de mots
Dans la langue parlée, il est très courant d’abréger des mots, surtout quand on emploi le
registre familier. On peut inventer ses propres mots abrégés, mais il y a aussi des abréviations
qui ont été lexicalisées, c’est-à-dire qu’elles deviennent une unité lexicale autonome et
qu’elles figurent dans les dictionnaires.115 Un exemple d’une telle abréviation lexicalisée est
le mot ‘maths’, dont tout le monde sait que c’est la forme abrégée de ‘mathématiques’. De
plus, ‘maths’ est un mot qui appartient au vocabulaire familier. Ce type d’abréviation est
appelé une troncation. Pour obtenir une telle abréviation, on supprime un ou plusieurs
phonèmes d’un mot.116 Jean-Pierre Lacroix explique que cette réduction orale est reproduit à
l’écrit. Il indique que ‘les mots obtenus par troncation ne sont soumis à aucune restriction
relevant de l’orthotypographie. Seuls le niveau de langue et le registre régissent leur
113
Sanders. Raymond Queneau. p.27
Ibidem
115
Trésor de la langue française
116
Lacroux, Jean-Pierre. ‘Troncation’. Orthotypografie. 04.06.2010
http://www.orthotypographie.fr/volume-II/telegramme-troncation.html#Troncation
114
29
emploi.’117 En outre, Lacroix souligne qu’il ne faut pas confondre la troncation avec
l’abréviation ou la siglaison. C’est que l’abréviation est une réduction graphique dont on ne
tient pas compte à l’oral, c’est-à-dire à l’écrit on a éliminé quelques lettres, mais quand on lit
l’abréviation à haute voix, on n’entend pas qu’il manque quelque chose.118 Un exemple est
l’abréviation ‘Mlle’ qui se lit ‘Mademoiselle’. La siglaison est également une sorte de
réduction qui commence à l’écrit, mais dans ce cas on entend qu’il s’agit d’une forme abrégée
quand on la lit à haute voix, parce qu’on ne prononce que les lettres qui sont écrites.119 Un
exemple est le sigle ONU. Il est alors clair que la troncation est la seul forme de ces trois
types d’abréviation, qui commence à l’oral et qui est reproduit à l’écrit. Aussi, il n’est pas
étonnant que c’est la troncation que Queneau a utilisé dans son roman.
La troncation peut être subdivisé en deux types, à savoir l’apocope et l’aphérèse.
L’apocope est un ‘type de troncation qui consiste à faire chuter la fin d’un mot’120 et pour
l’aphérèse c’est l’inverse, on garde la fin du mot et on fait en chuter le début. L’utilisation de
l’apocope est plus fréquente que celle de l’aphérèse, ce qui est bien représenté par Queneau
dans Zazie. Il n’y qu’un seul exemple d’une aphérèse, à savoir ‘orama’ qui a probablement été
inventé par Queneau, parce que c’est une aphérèse qui n’est pas lexicalisée. Nous pouvons
voir que l’inventaire des mots abrégés est subdivisé en trois catégories qui sont toutes
groupées sous le dénominateur ‘troncation’ : l’aphérèse, les apocopes et les apocopes qui se
terminent par un ‘o’, tandis que cette lettre n’est pas dans le mot que Queneau a tronqué.
Pourtant, ces mots n’ont pas été inventés par Queneau, parce que nous pouvons les trouver le
dictionnaire. Le Trésor de la langue française indique que le -o est une finale qu’on ajoute à
des mots tronqués pour donner ces termes une connotation familier, populaire ou argotique.
Ceci nous fait penser à ce que Henjum a expliqué dans son article sur la traduction de la
langue parlée. Il faut tenir compte de la connotation de mots et le traducteur doit faire de son
mieux pour garder cette connotation. Dans le chapitre sur la traduction, nous verrons si la
traductrice a réussi à bien traduire ces troncations.
En ce qui concerne les autres apocopes dans Zazie, nous avons encore quelques
remarques à faire. Nous pouvons voir qu’il y a trois apocopes qui figurent deux fois sur la
liste. Ceci est intéressant pour la discussion de la traduction, mais n’a pas d’importance pour
l’analyse des mots abrégés. Outre cela il y a une apocope sur la liste qu’on utilise si souvent,
117
Lacroix.
Ibidem
119
Ibidem
120
Gezundhajt, Henriette. ‘Autres procédés de lexicalisation: l’abrègement’. [1998-2009] Linguistes –
04.06.2010 http://www.linguistes.com/mots/abregement.html
118
30
qu’il n’est plus frappant qu’il s’agit d’une forme abrégée, mais en fait le mot ‘homo’ est
l’apocope du mot ‘homosexuel’. De plus, nous avons trouvé une troncation d’un nom propre,
le Sébasto est l’apocope du boulevard de Sébastopol, et une troncation du mot argotique
Amerloquin : Amerlo. Ce mot abrégé est également argotique et figure aussi dans la catégorie
de l’argot.
En ce qui concerne l’utilisation de mots abrégés, nous devons constater que tout
comme le vocabulaire familier, ce type de vocabulaire n’est pas caractéristique pour un
personnage en particulier. Malgré le fait, que ce type de vocabulaire ne forme pas une grande
catégorie, ces abréviations ont quand même une influence sur le roman, car elles amplifient le
caractère familier et elles sont caractéristiques pour la langue parlée. Dans le chapitre qui
porte sur la réforme de l’orthographe, nous verrons qu’il y a aussi un autre type d’abréviation
dans ce roman, qui est causé par la prononciation rapide et qui est aussi très caractéristique
pour la langue parlée. Ce type d’abréviation constitue un élément du néo-français, ainsi
que les troncations que nous avons traitées ici.
3.3. L’Argot
Nous avons vu que le vocabulaire familier et le vocabulaire argotique sont parfois très proche
l’un de l’autre, bien que l’argot soit en effet encore plus informel. D’après Queneau, l’argot
est ‘un vocabulaire en transformation’121 et il a raison que l’argot est toujours sujet à des
changements, comme tous langages en effet. Le caractère changeant de l’argot est lié à son
origine, car l’argot était d’abord une langue secrète. Il s’agissait d’une utilisation cryptique de
la langue ‘tendant à limiter la communication à un petit groupe, à un cercle d’initiés’.122 Il
fallait être en contact avec le « milieu » pour pouvoir comprendre le vocabulaire argotique,
mais aujourd’hui ceci n’est plus le cas. L’argot est présente dans les médias et de cette
manière son statut a changé, c’est que son vocabulaire est devenu plus compréhensible pour
un groupe plus grand.123 L’argot a perdu son caractère cryptique, ce qui est également dû au
fait que les linguistes en ont fait un objet d’étude, et il est devenu une langue refuge ou une
langue des exclus. D’après Calvet l’argot est une façon pour certaines personnes ‘de marquer
leur différence par un clin d’œil linguistique’.124 Aussi, il n’y a pas un seul argot, mais il y en
a plusieurs, car l’argot est ‘un langage particulier à une profession, à un groupe de personnes,
121
Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.19
Calvet, Louis-Jean. L’argot. Paris: Presses Universitaires de France, 1994. p.7
123
Calvet, p.31
124
Calvet, p.9
122
31
à un milieu fermé’.125 De ce fait, il y a donc différents types d’argot comme l’argot scolaire,
l’argot militaire et l’argot parisien.
L’argot fait donc partie de la langue parlée et est utilisé par certains groupes, dans des
situations informelles, avec des personnes qui connaissent le lexique argotique. Calvet
explique que l’argot a une connotation négative, parce qu’il a été baptisé ‘langue verte’.126
D’après lui ce terme renvoie à la langue des jeux et à la rudesse et il explique que ‘la langue
verte est ici conçue comme langue de tricheurs mais aussi comme langue rude’.127 Pourtant
les mots argotiques n’ont pas toujours une connotation négative et il faut encore ajouter qu’il
y a des nombreuses mots qui sont d’origine argotiques, mais qui ont passé dans le vocabulaire
familier. C’est à cause de ce glissement que nous avons trouvé des mots dans Zazie, discutés
dans paragraphe 3.1, dont nous n’étions pas sûr s’ils font partie de l’argot ou du vocabulaire
familier.
Bien que l’argot fasse principalement partie de la langue parlée, la littérature a
également contribué à la diffusion de l’argot. Beaucoup d’écrivains français ont utilisé l’argot
dans leur romans, par exemple Victor Hugo qui a introduit l’argot dans le français écrit dans
Les misérables.128 Calvet traite plusieurs écrivains qui ont utilisé l’argot dans leurs ouvrages,
d’où aussi Louis-Ferdinand Céline. Calvet explique que la langue de cet écrivain est ‘à la fois
une fusion de différents registres, avec donc de ruptures de niveaux de langue, la transcription
écrite d’une syntaxe orale et l’utilisation d’un vocabulaire argotique.’129 Ceci ressemble
fortement à ce que nous retrouvons chez Queneau et il est alors très probable que l’utilisation
de l’argot chez Céline ressemble à celle de Queneau. Calvet appelle l’argot de Céline un argot
naturel et nous sommes d’avis que ce terme représente bien l’argot dans Zazie dans le métro.
Les personnages l’utilisent naturellement et surtout pas tout le temps. C’est un élément de
langue parlée et donc du néo-français, mais pas l’élément principal.
Pour ce type de vocabulaire, nous avons également subdivisé les mots que nous avons
trouvé dans le roman, à savoir en deux catégories assez spécifiques, une pour les mots qui
désignent des personnes et une autre pour les parties du corps, et quatre catégories moins
spécifiques, à savoir les substantifs, les adjectifs, les verbes et quelques ‘expressions’, c’est-àdire des locutions figées et des paroles qui ne peuvent pas être coupées en plusieurs parties
pour que nous puissions les ranger dans une catégorie plus spécifique. Nous pouvons voir que
125
Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007
Calvet, p.3
127
Ibidem
128
‘Victor Hugo (1802 – 1885)’ Victo-Hugo.info – 05.06.2010 http://www.victor-hugo.info/
129
Calvet, p.102
126
32
le vocabulaire argotique comporte des termes péjoratifs comme ‘fleur de nave’ et ‘lope’. Ces
mots pourraient également figurer dans la catégorie de gros mots, parce qu’en fait ce sont des
insultes. En outre, il y a aussi un mot sur la liste qui appartient à l’argot ancien, à savoir
‘fouillouse’. Son équivalent moderne est ‘fouille’.130 Ici, Queneau utilise donc encore une fois
un terme vieilli, comme il l’a fait avec le vocabulaire familier.
Au sujet de l’utilisation de l’argot, nous devons constater qu’encore une fois, presque
tous les personnages utilisent ce type de vocabulaire, mais ce qui est remarquable c’est que le
narrateur l’utilise le plus fréquemment, à savoir dix-sept fois. Nous ne nous avions pas
attendu à ce que ce type de vocabulaire serait utilisé si souvent par le narrateur, parce que bien
que le narrateur copie souvent le langage des personnages et qu’il utilise donc pas mal de
différents langages, nous nous avions attendu à ce qu’un langage si spécifique serait plutôt
utilisé par des personnages spécifiques. Un personnage dont nous avions attendu qu’il utilise
l’argot assez souvent, est ‘le type’ alias Pédro-surplus, alias Trouscaillon, alias inspecteur
Bertin Poirée, alias Aroun Arachide, le personnage qui se déguise tout le temps et qui est en
effet un grand escroc. L’argot, qui est parfois considéré comme langue de tricheurs, serait
alors un langage qui correspond bien à ce personnage.
À part ces remarques, nous traiterons les particularités de l’argot dans Zazie dans le
chapitre portant sur la traduction du vocabulaire. Maintenant, nous allons continuer avec un
autre type de langage auquel on pense assez rapidement quand on pense à l’argot, mais qui
constitue quand même une catégorie à part, car les mots en question ne font pas forcément
partie de l’argot. Il s’agit de gros mots et du vocabulaire vulgaire.
3.4. Les gros mots et le vocabulaire vulgaire
Du vocabulaire argotique ce n’est qu’un petit pas vers les gros mots et le langage vulgaire.
Malgré le caractère négatif de ce lexique, ces mots font partie de toutes les langues et surtout
de la langue parlée, parce qu’on jure, tempête et profère des injures plutôt à l’oral que par
écrit. Dans la plupart des cas, les gros mots nous échappent plus ou moins spontanément sous
l’influence de la situation ou d’un certain sentiment, par exemple la colère ou la frustration.
D’après Marie-Jo Gacek, l’utilisation de gros mots permet de ‘donner plus de poids à certains
propos’131 et de plus c’est une garantie d’authenticité. En outre, Gacek explique que les jeunes
130
Queneau. Zazie dans le metro. p.45 (note en bas de page ajoutée par Laurent Fourcaut)
Gacek, Marie-Jo. ‘Les gros mots: une dérive aux multiples facettes’. [28.09.2007] Il est vivant ! – 06.06.2010
http://ilestvivant.com/Les-gros-mots-une-derive-aux.html
131
33
peuvent utiliser les gros mots pour s’insurger contre les adultes. Est-ce pour cette raison que
Zazie débite des grossièretés ?
Gacek explique également que les gros mots ont une forte connotation culturelle et
elle souligne qu’ils ont un caractère transgressif et qu’ils ‘font ainsi référence à des choses ou
des actes prohibés par la société ou rendus tabous’.132 Le fait que les gros mots sont souvent si
fortement liés à la société en question et qu’ils ont des connotations qui dépendent de la
culture, peut compliquer la traduction de ce type de vocabulaire. Pourtant il ne faut pas
oublier qu’il existent aussi des termes injurieux qui sont moins dépendant de la culture et
qu’on peut plus facilement traduire, comme l’exclamation ‘merde’ par exemple. Il y a en effet
de différents degrés dans cette catégorie, c’est-à-dire de différents types d’injures, de termes
péjoratifs à des jurons et un vocabulaire vulgaire.
Nous avons divisé cette catégorie en cinq groupes, à savoir les termes péjoratifs, les
insultes, les gros mots, les jurons et les termes vulgaires. Les termes péjoratifs sont des mots
qui ont une connotation négative, ils impliquent en effet un jugement négatif.133 Nous
pouvons bien sûr dire cela sur la plupart des mots de cette catégorie, parce qu’un mot comme
‘putain’ est également péjoratif, mais les termes qui font partie du groupe ‘termes péjoratifs’
sont moins grossiers et ne sont pas vraiment à leur place dans les autres groupes. La
subcatégorie ‘insultes’ par exemple consiste de termes qui sont utilisés pour insulter des
personnes et les personnages qui utilisent ces insultes s’adressent directement aux personnes
qu’ils désignent avec ces termes. Ils leur insultent sans ménagements.
La troisième catégorie, celle des gros mots, est la catégorie la plus grande et comporte
des exclamations qui ont une fonction libératrice, comme ‘merde alors’, mais aussi des gros
mots pour des personnes. Ces appellations sont injurieux, ainsi que les insultes, mais la
différence entre ces deux groupes est que les personnages qui profèrent les gros mots ne
s’adressent pas directement à la personne ou au groupe qu’ils insultent. Quand Gabriel parle
de ‘Frisous’ ou de ‘Fridolins’ il ne s’adresse pas à un groupe d’Allemands, mais ce sont quand
même des termes injurieux pour les Allemands.
Le quatrième groupe comprend tous les jurons, plus précisément les jurons
blasphématoires, proférés dans le roman. Il s’agit d’exclamations ‘offensante[s] à l’égard de
Dieu qui tradui[sent] une réaction vive de colère, dépit ou surprise’.134 En effet, ce n’est pas
seulement outrageant à l’égard de Dieu, mais aussi à la religion et à tout ce qui est considéré
132
Ibidem
‘Dictionnaire de la langue française’ Linternaute Encyclopédie – 07.06.2010
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/pejoratif/
134
Trésor de la langue française
133
34
comme sacré.135 Nous pouvons voir que la plupart des jurons qui figurent sur la liste
comportent le mot ‘sacré’, qui renforce le mot auquel il renvoie ou qui renforce le sentiment
exprimé par cette exclamation.
La dernière catégorie consiste de mots dont les dictionnaires indiquent que ce sont des
termes vulgaires, c’est-à-dire des mots avec un sens choquant ou l’emploi choquant d’un
terme, ‘le plus souvent lié à la sexualité et à la violence’.136 Tous les termes dans le groupe
‘mots vulgaires’ sont classés sous l’étiquette ‘vulgaire’, sauf ‘la terre verte’. Au premier
abord, ce terme n’est pas du tout vulgaire, car ‘la terre verte’ est un colorant, mais Laurent
Fourcaut suggère que Queneau fait allusion à une terme argotique, à savoir ‘la terre jaune’ qui
est l’anus.137 Dans ce cas, c’est bien vulgaire.
Quant à l’utilisation de ce type de vocabulaire, presque tous les personnages
l’utilisent, mais pas tous au même degré. Gabriel utilise pas mal de gros mots, Marceline jure
très peu et la veuve Mouaque, une bourgeoise étale ses idée sur l’éducation, n’utilise pas de
gros mots. Zazie par contre est vraiment une grande gueule et utilise un langage grossier, ce
qui est une caractéristique importante de sa personne. Charles, un des personnages, souligne
la grossièreté de cette petite fille : ‘Elle peut pas dire un mot, cette gosse, sans ajouter mon cul
après.’138 Zazie se révolte contre tous et tout et dit ses quatre vérités à tout le monde. De plus,
son langage grossier a parfois un effet humoristique, parce que ce n’est pas le type de
vocabulaire qu’on attend d’une petite fille. Turandot par exemple, un autre personnage du
roman, est vraiment choqué par le langage de Zazie et plus il s’énerve contre ce langage
grossier, plus il l’utilise lui-même. Ce type de vocabulaire est donc parfois un élément
humoristique du roman et il faut qu’on le traduit bien. Il faut absolument que le traducteur
tient compte de la fonction des gros mots et du contexte dans lequel ils figurent, mais nous
reviendrons sur ce point dans le chapitre qui porte sur la traduction. Pour le moment, nous
allons continuer avec un autre type de vocabulaire.
135
Gacek
Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007
137
Queneau, Zazie dans le métro. p.152 (note en bas de page ajoutée par Laurent Fourcaut)
138
Ibidem, p.20
136
35
3.5. Les langues étrangères
De nos jours, il est facile de passer de la discussion des gros mots à l’analyse des éléments de
langues étrangères, parce que l’influence d’autres langues, principalement l’anglais, sur le
langage grossier est assez grande. Au temps de la parution de Zazie dans le métro, l’influence
de langues étrangères n’était pas aussi grand qu’aujourd’hui, mais pourtant il y avait déjà des
éléments d’autres langues dans le français parlé. Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait
par exemple des gens qui utilisait des mots allemands, ce qui était une conséquence de
l’occupation. Nous en avons retrouvé un exemple dans notre roman : ‘Natürlich, dit Jeanne
Lalochère qui avait été occupée.’139 Ceci est déjà un jeu de mots, car le fait qu’elle avait été
occupée ne veut pas dire qu’elle a eu beaucoup de choses à faire, mais cela renvoie à
l’occupation. Pendant la guerre, la mère de Zazie a été la maîtresse des occupants.
Outre cet exemple spécifique, il y a aussi d’autres raisons pour lesquelles on utilise des
langues étrangères, par exemple à cause du commerce avec d’autres pays ou sous l’influence
du tourisme. Dans le roman de Queneau, les touristes jouent un rôle important en ce qui
concerne l’utilisation de langues autre que le français. Ce sont ces touristes qui parlent leur
propre langue ou les autres personnages s’adressent à eux dans une langue étrangère. Dans ce
chapitre d’analyse nous ne traitons qu’une seul partie de la catégorie ‘langues étrangères’, à
savoir le groupe qui consiste d’exemples authentiques de langues étrangères, c’est-à-dire les
paroles dans une autre langue dont Queneau a gardé l’orthographe originale, et les mots
étrangers qui sont combinés avec le français.
Dans la subcatégorie d’éléments ‘authentiques’ de langues étrangères, il y a cinq
langues, à savoir l’allemand, l’anglais, l’espagnol, l’italien et le latin. Pour ce qui est de
l’allemand il n’y que deux exemples, dont le premier (‘natürlich’) est utilisé deux fois, une
fois par la mère de Zazie et une fois par un marchand. L’autre exemple, ‘schnell, schnell !’,
est prononcé par Fédor Balanovitch, qui est le guide d’un groupe de touristes. L’utilisation de
l’anglais est également liée à la présence des touristes. Ce sont eux qui parlent anglais et
parfois Gabriel s’adresse à eux dans cette langue étrangère. Le seul mot anglais qui n’est pas
utilisé en présence de touristes est le mot ‘catch’. Ce mot est un mot anglais, mais c’est inséré
dans les dictionnaires français. Il s’agit donc d’un mot étranger, qui est intégré dans la langue
française sans qu’on ait changé son orthographe. Il se peut alors bien que les Français ne sont
plus conscient du fait que c’est un mot anglais et non pas français. Il en est de même pour les
139
Queneau. Zazie dans le métro. p.10
36
mots italiens ‘tutti quanti’ et ‘in petto’, parce que ce sont des locutions italiennes qu’on utilise
aussi en France et qui sont également intégrées dans le dictionnaire. ‘Spaghetti’ par contre est
un mot qu’on n’utilise qu’au pluriel en France. Queneau a supprimé le ‘s’, donc c’est le mot
italien qu’il utilise ici. Le dernier exemple de l’italien dans ce roman est l’expression ‘anch'io
son pittore’, le mot célèbre du peintre Corrège qui signifie ‘moi aussi je suis peintre’.140 C’est
Gridoux qui cite le peintre pour frimer, mais il croit que c’est du latin, donc ici la locution
contribue à l’humour du roman.
Concernant l’unique exemple de l’espagnol, il n’y a rien de spécial, mais l’utilisation
du latin est remarquable. Pourquoi Queneau utilise-t-il une langue morte, dans un roman qui
sert à avancer une langue qui correspond à la langue qui est effectivement parlée dans la rue ?
Pour un seul mot, c’est la même raison que pour l’utilisation de ‘tutti quanti’, parce que
‘primo’ est un mot latin qui est complètement intégré dans la langue française, mais les autres
locutions en latin ne sont pas utilisées couramment. Les deux derniers exemples sur la liste
(‘veritas odium ponit’ et ‘victis honos’) sont des formules latines que Bertin Poirée lit à haut
voix d’un dictionnaire et qu’il ne comprend pas.141 Ici, Queneau met l’accent sur le fait que
c’est une langue morte et nous croyons qu’il montre de cette manière que tout ce qu’on
retrouve dans les dictionnaires ne fait pas partie de la langue telle qu’on la parle. Ceci soutient
l’idée qu’on doit réformer le vocabulaire français. En néo-français on ne retrouve plus
d’expressions qui figurent dans les dictionnaires, mais qui ne sont jamais utilisées. En ce qui
concerne les trois autres locutions latines, elles sont utilisées par Gridoux, le cordonnier, et
par un touriste. Gridoux les utilise pour avoir l’air intelligent et le touriste croit vraiment
pouvoir communiquer en latin avec les Français. Ici, il s’agit d’une rupture en l’être social des
personnages et leur discours.142 On ne s’attend pas à ce qu’un cordonnier et un touriste parlent
latin.
La dernière subcatégorie consiste de mots étrangers qui sont combinés avec des mots
français, comme ‘adios amigos’ combiné avec ‘amen’ et l’expression ‘et toc’ qui est une
expression du français familier qui sert à ponctuer un propos ou à conclure une phrase.143 De
plus, il arrive aussi que Queneau traduit le dernier mot d’une expressions française par un mot
étranger et il y un exemple sur la liste qui consiste d’une combinaison d’un mot français et un
mot anglais à l’orthographe modifiée. Nous reviendrons sur la modification de l’orthographe
de langues étrangères dans le chapitre suivant. Pour le moment, il est important que le
140
Queneau. Zazie dans le métro. p.79
Ibidem, p.164
142
Fourcaut, p.242
143
Trésor de la langue française
141
37
mélange de plusieurs langues est caractéristique pour la langue parlée. C’est quelque chose
que nous faisons par exemple quand notre connaissance de la langue étrangère n’est pas
suffisante. Dans ce cas, il arrive que nous combinons cette langue avec notre langue
maternelle et il en peut résulter des situations comiques.
L’utilisation de langues étrangères dans le roman correspond alors d’une part à la
réalité, c’est que tout le monde ne parle pas ces langues étrangères. De plus, le fait que les
touristes ne savent pas parler français et qu’ils utilisent d’autres langues, contribue à la
vraisemblance. D’autre part, l’utilisation du latin a un effet de dissonance, parce que ce type
de vocabulaire ne correspond pas au statut social des personnages.144 En outre, l’utilisation de
langues étrangères a une sorte d’effet d’aliénation, parce que les lecteurs qui ne maîtrisent pas
ces langues ne comprennent pas ce qu’on dit. Il est important de bien tenir compte de ces
effets quand on traduit le texte. De toute façon, l’utilisation du vocabulaire étranger
contribuent à l’enrichissement du vocabulaire (néo-)français, bien que le dernier type de
vocabulaire, les néologismes, est encore plus important pour la réforme.
3.6. Les néologismes
Pour réaliser une réforme du vocabulaire, Queneau a évidemment combiné tous les types de
vocabulaire que nous avons traité jusqu’ici, et de cette manière il a obtenu un lexique très
riche, mais ce que l’écrivain semble vraiment désirer, est une sorte de révolution et quelle est
une meilleure manière de réformer le vocabulaire, que l’invention de nouveaux mots ? Albert
Doppagne explique que pour se révolter contre le français mort, ou bien le français
académique, Queneau ‘se forge une langue à lui, un néo-français de Queneau où les
néologismes abondent’.145 Sanders remarque que le français parlé est souvent le point de
départ de ces néologismes.146 Pendant la conversation, on utilise parfois des mots qui
n’existent pas ou des mots qui n’ont pas encore un statut officiel, c’est-à-dire qu’ils ne sont
pas encore insérés dans les dictionnaires, bien que les gens les utilisent dans la rue. En parlant
on peut inventer des mots par exemple en changeant des mots existants, en modifiant des
termes qui appartiennent à une langue étrangère ou en combinant plusieurs mots en un seul
terme. Ces néologismes naissent donc dans la langue parlée et sous certaines conditions ils
peuvent être insérés dans les dictionnaires et obtenir un statut officiel.
144
Fourcaut. p.242
Doppagne, Albert. ‘Le néologisme chez Raymond Queneau’. Cahiers de l’Association internationale des
études française 25:25 (1973) : p.91-107
146
Sanders. Raymond Queneau. p.26
145
38
Dès 1972, il y a des commissions spéciales à l’Académie française, qui s’occupent de la
terminologie et de la néologie.147 Ce sont ces commissions qui décident quels mots sont
acceptés comme de nouveaux mots et parfois il créent eux-mêmes de nouveaux termes, par
exemple pour de nouvelles notions pour lesquelles il n’y a pas encore un nom. L’Académie
française souligne que chaque dictionnaire a ses propres règles en ce qui concerne
l’intégration de nouveaux mots. Pour le Dictionnaire de l’Académie française on n’accepte
que ‘les mots correctement formés, répondant à une véritable besoin linguistique et déjà bien
ancrés dans l’usage’.148 Il faut donc qu’on utilise les mots déjà fréquemment, avant qu’ils
soient acceptés comme des mots officiels. Il est très probable que l’utilisation de néologismes
commence dans la langue parlée et non pas dans des textes écrits. Pourtant on retrouve
beaucoup de néologismes dans Zazie, qui ont été inventés par Queneau et qui ont alors surgi
pour la première fois dans un texte écrit et non pas dans la langue parlée, mais il est quand
même possible, et dans le cas de Queneau très probable, que l’écrivain s’est inspiré du
français parlé.
Dans un roman les néologismes peuvent avoir un effet stylistique. Il s’agit ‘des
inventions personnelles, des créations fantaisistes qui n’entreront pas forcément dans les
dictionnaires mais qui colorent le style d’un auteur.’149 De toute façon ces néologismes
contribuent à l’enrichissement du vocabulaire et ils enrichissent le néo-français de Queneau.
Doppagne explique que Queneau a utilisé beaucoup de méthodes pour créer de nouveaux
mots, par exemple ‘la dérivation suffixale’150, l’addition de préfixes et d’infixes et la
réduplication, c’est-à-dire la répétition d’une syllabe.151
Afin de mieux pouvoir analyser les néologismes dans Zazie, nous les avons divisé
suivant les méthodes de création. La première catégorie que nous avons obtenu de cette
manière, consiste de mots-valises. Un mot-valise est une ‘création verbale formée par
téléscopage de deux (ou trois) mots existant dans la langue’.152 ‘Midineurs’153 est par exemple
la contraction des mots ‘midi’ et ‘dîneurs’, et ‘guidenappeurs’154 est créé à partir des mots
147
‘Du françois au français’ Académie française – 31.05.2010
http://www.academie-francaise.fr/langue/index.html
148
‘Mots nouveaux ou néologismes’ Académie française – 31.05.2010
http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#motnouveau
149
‘Néologisme’ [2002] Office québécois de la langue française – 31.05.2010
http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4083
150
Doppagne. p.94
151
Ibidem, p.97
152
Trésor de la langue française
153
Queneau. Zazie dans le métro. p.72
154
Ibidem, p.106
39
‘guide’ et ‘kidnappeurs’. En combinant les mots, les sens de ces mots sont également
combinés. Un ‘guidenappeur’ est donc le kidnappeur d’un guide.
La deuxième catégorie réunit tous les mots qui dérivent de mots existants.
‘Américanophile’ et ‘lessivophiles’ sont par exemple créés sur le modèle de ‘francophile’, le
substantif ‘stoppés’ est dérivé du verbe ‘stopper’ et le substantif ‘moisonneur’ est devenu un
adjectif dans le texte de Queneau. Parfois les néologismes sont alors dérivés d’un mot qui
appartient à une autre catégorie grammaticale, mais il arrive aussi qu’on prend un substantif
comme point de départ, afin d’en former un autre substantif.
Le troisième groupe consiste de mots forgés sur des noms propres, par exemple les
noms propres de personnes : Zazie, Trouscaillon, Adam et Mouaque. Outre cela, Queneau a
créé un nom pour les personnes qui travaillent aux Halles et il a inventé un équivalent
moderne pour l’eau d’arquebuse (l’eau anatomique), qui était le nom d’une boisson alcoolisée
qu’on utilisait comme remède contre les blessures d’arquebuse.155 De plus, le mot ‘charluter’
est ‘composé à partir du prénom « Charles » et le verbe « culbuter ».156
Le dernier
néologisme dans cette catégorie, berlitzscoulien, renvoie à l’École Berlitz, auquel on enseigne
des langues étrangères.157
Les dérivations préfixales sont des néologismes que l’écrivain a créés en ajoutant des
préfixes à des mots existants. En outre, il y a des mots existants qui ont un nouveau sens dans
le roman de Queneau et les néologismes du groupe ‘combinaisons de mots’ sont des
combinaisons mots sans téléscopage, c’est-à-dire Queneau a combiné les mots en entier et
nous pouvons alors plus facilement distinguer les différentes parties. Le dernier groupe, que
nous avons appelé les ‘inventions’, consiste de mots dont nous n’avons pas pu retrouver les
sources à partir lesquelles il a Queneau a créé ces termes nouveaux.
L’utilisation de néologismes n’est pas caractéristique pour un personnage en
particulier, mais il faut quand même que nous avouons que la plupart des mots nouveaux sont
utilisés par le narrateur. Nous pouvons effectivement dire que les néologismes colorent le
style de Queneau et qu’ils contribuent comme pas un à la réforme du vocabulaire.
155
Fourcaut. p.68
Rolland-Nanoff, Dominique. Zazie dans le métro et la traduction de l’humour en littérature. Mémoire de fin
d’études. Université de York, 2000. p.83
157
Ibidem, p.99
156
40
3.7. L’importance du vocabulaire
Après avoir analysé les différents types de vocabulaire dans Zazie dans le métro, nous
pouvons conclure qu’ils ont une grande importance pour le style du roman. Une grande partie
des théories sur le néo-français de Queneau est liée à la réforme du vocabulaire. Tous les
types de vocabulaire que nous avons traités dans ce chapitre, sont liés à la langue parlée et
tous ensemble ils forment un vocabulaire très riche. La richesse du langage de ce roman,
dépend fortement de la combinaison de ces types de lexique et pour un roman dans lequel tout
tourne autour du langage, il est extrêmement important qu’on ne perd pas cette richesse
langagière en traduisant le texte. Il faut absolument que le traducteur tienne compte de la
fonction de ces éléments et qu’il essaie de traduire le roman d’une telle manière que l’argot
reste de l’argot, les néologismes restent des néologismes et le vocabulaire familier garde sont
caractère familier, et il faut que le contraste entre ce vocabulaire et le vocabulaire formel,
savant ou littéraire soit conservé. Dans le chapitre qui porte sur la traduction de Jenny Tuin,
nous examinerons si cela est possible et si oui, dans quelle mesure ?
Avant que nous en soyons là, nous allons analyser une autre caractéristique importante
du roman, à savoir la réforme de l’orthographe. Dans ce chapitre présent, nous en avons déjà
rencontré quelques exemples. Dans la catégorie des néologismes par exemple, il y a des mots
comme ‘quidnappé’ et ‘hanvélos’. Nous n’avons pas encore prêté attention à de telles
particularités d’orthographe, mais nous allons faire cela dans le chapitre suivant.
41
Chapitre IV
L’analyse de l’orthographe dans Zazie dans le métro
‘C’est malheureux pour les Français de ne pas avoir le droit d’écrire comme ils parlent, et par
conséquent comme ils sentent’,158 remarque Raymond Queneau lors d’une conversation avec
Georges Ribemont-Dessaignes. La manière dont nous écrivons le français maintient en vie
des choses qu’on n’entend plus dans la langue parlée. Queneau croit que le français écrit
comprend des formes désuètes et il est d’avis qu’il est nécessaire de ‘ramener la littérature, et
la poésie, à une simple sténographie […] lequel n’est somme toute que celui des académiciens
avec quelques petites incorrections’.159 Il n’est alors pas nécessaire que la réforme de
l’orthographe proposé par Queneau entraîne des modifications énormes, mais ce qui est
important, c’est qu’une réforme de l’orthographe fait éclater aux yeux la différence entre le
français écrit et le français parlé. L’orthographe modifiée dans Zazie dans le métro a donc une
grande importance, car il s’agit de l’orthographe du néo-français qui doit donner à cette
langue le statut autonome qu’elle mérite d’après Queneau.
Dans ce chapitre, nous allons examiner les particularités de l’orthographe utilisée par
Queneau. Nous allons voir que les modifications que l’écrivain a apportées sont tantôt
subtiles, tantôt très éclatantes. Ils varient de la suppression d’une seule lettre jusqu’à des
phrases entières qui sont réduites à un seul mot dont Queneau a transcrit la prononciation.
Dans ce qui suit, nous allons d’abord traiter la transcription de la prononcation et ensuite nous
allons parler de la seconde partie de la catégorie d’abrègements. Après cela nous allons
discuter la notation de liaisons et l’absence de la liaison. Puis, nous allons continuer avec les
liaisons les plus extrêmes et peut-être les plus caractéristiques pour ce roman, à savoir les
coagulations phonétiques et finalement nous allons parler des termes qui appartiennent à des
langues étrangères, mais dont Queneau a modifié l’orthographe.
4.1. La transcription du langage parlé
Pour atteindre son but, le statut autonome du néo-français, Queneau a réformé l’orthographe
du français écrit, car il n’apprécie pas vraiment l’orthographe officielle :
158
Queneau, Raymond. ‘Conversation avec Georges Ribemont-Dessaignes’ Bâtons, chiffres et letters. Paris :
Gallimard, 1965. p.40
159
Ibidem
42
‘Car enfin, qu’est-ce que l’orthographe ? Un système de graphies chaotiques, absurdes et
arbitraire, une invention des premiers imprimeurs pour rendre le métier difficile’.160 Il faut
donc qu’on utilise une orthographe simple, qui correspond à la prononciation et qui donne un
style à la langue parlée.161 Mais comment faire cela ?
Queneau a utilisé plusieurs méthodes pour réformer l’orthographe. Il a par exemple
replacé des lettres par d’autres, pour que l’orthographe correspond mieux à ce qu’on dit
vraiment. Ce qu’il a fait beaucoup, c’est remplacer la lettre ‘x’, à la fois par un ‘s’ ou même
deux et par ‘gz’. Au premier vu, il semble que chaque fois que le ‘x’ est suivi par une
consonne, Queneau le remplace par un ‘s’ et lorsqu’il est suivi par une voyelle, l’écrivain le
remplace par ‘gz’. Pourtant une telle division n’est pas correcte, parce que les mots
‘maximum’ et ‘sexualité’ contiennent un ‘x’ suivi d’une voyelle et Queneau a quand même
écrit ‘massimum’ et ‘sessualité’. En comparant les exemples d’une manière plus détaillée,
nous voyons que la raison pour laquelle l’écrivain remplace cette consonne tantôt par un ‘s’,
tantôt par ‘gz’, est liée à la transcription phonétique de tous ces termes. Tous les mots qui sont
normalement écrits avec un ‘x’, mais qui sont écrit avec un ‘s’ dans le roman, sont des mots
avec un ‘x’ sourde, qu’on écrit en écriture phonétique ‘ks’. Par contre, les mots qui sont écrits
avec ‘gz’ sont des termes qui ont un ‘x’ sonore qu’on écrit phonétiquement ‘gz’. Le tableau
ci-dessous illustre cela :
Orthographe officielle
Transcription phonétique
expliquer
ksplike
maximum
maksim m
Orthographe de Queneau
espliquer / esspliquer
massimum
exactement
gzakt mã
gzactement
exagérer
gza ere
egzagérer
Ce tableau nous montre aussi que Queneau n’utilise pas la transcription phonétique. Il utilise
l’alphabet normal et il n’a pas supprimé toutes les lettres qu’on ne prononce pas (comme le ‘r’
final des infinitifs), alors que nous avons vu, dans le premier chapitre, que l’écrivain est d’avis
qu’il ne faut écrire que les lettres qui se prononcent.162 En ce qui concerne la réforme de
l’orthographe, Queneau cite Vendryes, qui explique dans son livre Le langage qu’une
‘réforme trop vaste […] aurait pour conséquence de substituer d’un coup une nouvelle langue
160
Queneau. ‘Écrit en 1955’. p.78-79
Queneau. ‘Conversation avec Georges Ribemont-Dessaignes’. p.40
162
Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.22
161
43
écrite à celle dont nous avons l’habitude.’163 Vendryes veut dire qu’une telle réforme serait
trop grande. De plus, il serait extrêmement fatigant de devoir lire un texte en écriture
phonétique. Il nous paraît que Queneau ait combiné l’orthographe traditionnelle et
l’orthographe modifiée, pour ne pas trop choquer le lecteur.
Ce que montrent les exemples du tableau également, c’est que la prononciation que
l’écrivain a noté, ne correspond pas toujours à la prononciation officielle. Queneau remplace
le ‘x’ par un ‘s’, tandis que la prononciation prescrite est ‘ks’. Apparemment, il y a des
situations dans lesquelles les Français disent ‘espliquer’ au lieu de ‘expliquer’. Probablement
ceci est le cas quand ils utilisent le registre familier et ils ne font pas trop attention à la
prononciation correcte, mais en tout cas il est clair que la prononciation du néo-français n’est
pas égal à la prononciation prescrite par les institutions officielles, comme l’Académie
française. Outre ce changement de sons, il y a aussi des lettres et par là des sons, qui tombent,
comme le ‘e’ de exactement. Une telle chute d’un son est caractéristique pour la langue
parlée, parce qu’elle est causée par la prononciation rapide, qui cause l’abrègement de mots et
l’agglutination. Nous reviendrons sur ce point plus tard.
Un autre détail intéressant est l’utilisation de la combinaison de lettres ‘eu’ dans des
mots, qui ne sont normalement pas écrits de cette manière. ‘Monsieur’ est par exemple
remplacé par ‘meusieu’, ce qui correspond bien à la prononciation populaire, mais il y a aussi
des mots qui ont obtenu ce son, tandis qu’il ne sont pas prononcé ainsi, même pas dans les
registres les plus bas. Exemple : ‘Que ça te plaise ou que ça neu teu plaiseu pas, tu
entends ?’164 Dans cette phrase, l’accent est mis sur les mots à l’orthographe anormale. La
réforme de l’orthographe peut donc avoir la fonction de mettre l’accent sur certains éléments
du texte ou d’imposer une intonation spécifique. Le même effet est atteint par le
dédoublement d’une consonne : ‘la ffine efflorescence de la cuisine ffransouèze’.165 Le
doublage du ‘f’ indique qu’il est prolongé ici. De plus, l’orthographe de l’adjectif ‘française’
qui est devenu ‘ffransouèze’ montre que la phrase est prononcée avec exagération. En outre,
c’est la prononciation du mot ‘française’ qu’on utilisait jusqu’au 18ième siècle. Il s’agit donc
d’un archaïsme phonétique.
Ce que nous avons également pu constater en analysant l’orthographe dans le roman,
c’est qu’il y a des sigles et des lettres dans le texte qui ne sont plus écrites comme des sigles,
mais qui sont notés comme les Français les prononcent. Ceci est le contraire de ce que nous
163
Queneau. ‘Écrit en 1937’. p.23
Queneau. Zazie dans le métro. p.26
165
Ibidem, p.133
164
44
avons vu dans le troisième chapitre, dans lequel nous avons traité l’abrègement de mots. Les
sigles que Queneau a écrits suivant leur prononciation, sont les sigles suivants :
Sigle / lettre
Queneau, Zazie dans le métro
W.-C.
vécés
etc.
exétéra
TV
tévé
le STO
l’esstéo
v.t.
vé té
s
esse
J3
jitrouas
Les termes STO, v.t. et J3 demandent probablement un peu d’explication. Le STO était le
Service du travail obligatoire, ‘imposé aux jeunes Français par les Allemands à partir de
1943’.166 Le sigle v.t. signifie ‘verbe transitif’ et les J3 ‘étaient les adolescents, pendant la
guerre, par référence à un sigle figurant sur les cartes d’alimentation’.167 L’esstéo et les
jitrouas réfèrent donc à la Seconde Guerre mondiale et ont une orthographe modifiée, et il
s’avérera difficile de bien traduire ces deux particularités des termes.
Le dernier groupe de mots qui appartiennent à la transcription de la prononciation,
consiste de mots qui ont une orthographe modifiée, mais contrairement à ce que nous avons
vu jusqu’ici, l’écrivain n’a pas utilisé la même méthode de modification pour tous ces mots.
Ce groupe est un mélange de manières pour noter la prononciation. Il y a des mots dont
Queneau a remplacé deux lettres par une autre qui ne change rien au son, par exemple ‘il y en
u’168 au lieu de ‘il y en eu’. De plus, il arrive aussi que l’écrivain ajoute une lettre, par
exemple le ‘v’ qu’il ajoute au mot ‘oui’ quand les personnages qui prononcent ce mot
bredouillent. Encore une fois, l’orthographe a donc une fonction supplémentaire, à savoir
indiquer de quelle manière les personnages parlent. En outre Queneau écrit la prononciation
populaire de certain mots (‘pisque’). Il écrit ce qu’il entend et ne se laisse pas restreindre en
ce qui concerne les possibilités des les écrire, car il arrive qu’il écrit le même mot de
différentes manières : ‘quelque chose’ devient à la fois ‘quèque chose’ et ‘kèkchose’. Ceci
contribue à la richesse du langage dans le roman et soutient l’idée de Queneau que
166
Queneau. Zazie dans le métro. p.70 (Note en bas de page ajoutée par Fourcaut)
Ibidem, p.57 (Note de Fourcaut)
168
Ibidem. p.183
167
45
l’orthographe est arbitraire et que nous avons en effet plusieurs possibilités d’écrire un terme,
sans que l’un soit meilleur que l’autre. L’orthographe dans Zazie dans le métro atteste la
créativité énorme de l’écrivain et en même temps elle montre que le concept de la langue est
vraiment spécial. Queneau nous fait prendre conscience du fait que la langue est en effet un
phénomène très particulier. Il fait cela de manière indirecte, par la réforme de l’orthographe,
mais aussi de manière directe parce que les personnages se posent des questions sur ce sujet.
Zazie par exemple demande à Charles : ‘Pourquoi qu’on dit des choses et pas d’autres ?’169 Le
caractère arbitraire de la langue est alors mis en question.
Avant de continuer avec la deuxième catégorie liée à la réforme de l’orthographe,
nous voudrions encore faire une remarque. Sur les listes d’exemples que nous avons traitées
ci-dessus, il figure des verbes au passé simple qui ont quand même une orthographe modifiée
qui est basée sur la prononciation, par exemple ‘s’esclama’ et ‘espliqua’. Ceci est
remarquable, parce que le passé simple est un temps grammatical qu’on utilise dans la
littérature et absolument pas dans la langue parlée. Pourtant, Queneau y applique
l’orthographe du néo-français. Au troisième chapitre nous avons également constaté une telle
combinaison du langage que l’écrivain avance et de la langue qui est d’après lui en train de
passer au second plan. Le contraste en le français écrit et le français parlé est donc non
seulement présent dans les catégories qui portent sur la réforme du vocabulaire, mais aussi
dans celles qui portent sur la réforme de l’orthographe.
4.2. L’abréviation
Une conséquence de la transcription du langage parlé est qu’il arrive que l’écrivain abrège des
mots, parce que la prononciation rapide fait en sorte qu’on laisse tomber certains sons. Il
s’agit donc d’une sorte d’abréviation, mais pas du même genre que les abréviations que nous
avons vues dans le chapitre portant sur le vocabulaire. Dans ce cas ce ne sont pas de
troncations, mais il s’agit de la chute de quelques lettres, à cause d’une prononciation moins
soignée et plus rapide, qui est caractéristique pour le registre familier.170 Dans la catégorie que
nous avons discutée ci-dessus, nous pouvons déjà voir de tel exemples, parce qu’il est très
difficile de bien séparer ce type d’abréviation de la transcription du langage parlé, car c’est à
cause de leur prononciation que les mots ont été abrégés dans le roman de Queneau. En effet,
169
170
Queneau. Zazie dans le métro. p.89
‘Registres de langue’ Encyclopédie-enligne – 12.06.2010
http://www.encyclopedie-enligne.com/r/re/registre_de_langue.html
46
les deux catégories s’imbriquent partiellement. Dans cette catégorie, nous allons traiter
quelques types d’abréviation spécifiques.
Le plus souvent c’est le ‘e’ muet qui tombe à cause de la prononciation rapide, à la
fois à l’intérieur d’un mot et à la fin d’un mot. Quand le ‘e’ muet tombe, la consonne qui le
précède et celle qui le suive sont réunies, et pour pouvoir prononcer un tel mot, il faut parler
rapidement, parce qu’une fois qu’on prononce le mot lentement le ‘e’ muet revient. En effet,
les Français avalent donc des sons. Quelques exemples de cette chute sont ‘msieu’, ‘ptite
mère’ et ‘rgardez-moi’. Ce qui est remarquable, c’est que Queneau a également supprimé le
‘r’ de ‘monsieur’, mais il ne laisse pas tomber le ‘e’ à la fin de ‘ptite’ et à la fin de ‘mère’. En
ce qui concerne le ‘e’ final de ‘ptite’, il se peut qu’il n’a pas supprimé cette lettre, parce qu’on
obtient dans ce cas la forme masculine de l’adjectif, mais pour le mot ‘mère’ il n’y a pas de
raison pour garder le ‘e’ à la fin. Ceci montre que Queneau n’est pas très conséquent en ce qui
concerne l’abréviation de mots par la chute de lettres. Dans le paragraphe précédent, nous
avons déjà vu que ceci est le cas, parce qu’il ne faut pas pousser trop loin la réforme de
l’orthographe.
Outre la chute du ‘e’ muet à l’intérieur des mots, les Français le laissent également
tomber à la fin d’un mot et ceci a pour conséquence que le mot dont le ‘e’ final tombe est lié
au mot suivant. On laisse par exemple tomber le ‘e’ muet de l’article ‘le’ et on lie le ‘l’ qui
reste au substantif qui le suive, et de cette façon ‘le train’ devient par exemple ‘ltrain’171. Il en
est de même pour le pronom personnel ‘je’ qui est réduit à ‘j’ et lié au verbe, ce qui donne par
exemple ‘jparie’172. Pourtant, il y a aussi des cas dans lesquels il est question d’une
abréviation sans que les deux parties soient écrites en un seul mot. Ceci est par exemple le cas
quand on écrit la prononciation familière de ‘tu as’. On ne prononce plus le ‘u’, mais on
n’écrit pas ‘tas’ mais ‘t’as’. Au lieu de lier ces mots directement, on utilise donc l’apostrophe.
De plus, il y a aussi des cas dans lesquels on supprime des lettres finales, sans qu’on lie les
mots. ‘En français familier, on dit souvent [i] à la place de il quand le mot suivant commence
par une consonne’173 et dans ce cas les deux mots ne sont pas liés l’un à l’autre. Exemple :
‘Alors quoi, i va pas se décider ?’174
Outre la suppression de lettres ou de sons, il existe aussi des cas dans lesquels on
supprime un mot entier qui fait partie d’une locution fixe. Ce que nous avons vu beaucoup
171
Queneau. Zazie dans le métro. p.9
Ibidem
173
‘Prononciation de il’ Podcast français facile – 12.06.2010
http://www.podcastfrancaisfacile.com/podcast/2007/07/prononciation-d.html
174
Queneau. Zazie dans le métro. p. 49
172
47
dans Zazie, c’est le remplacement de ‘il y a’ par ‘y a’ ou ‘ya’, ce qui correspond bien à la
langue parlée. De plus, Queneau a très souvent supprimé la particule négative ‘ne’, ce qui est
d’après Blanche-Benveniste et Bilger une caractéristique de la langue parlée.175 Elles
soulignent qu’on ne retrouve presque jamais cette absence de la particule de négation dans un
registre plus soutenu et qu’il s’agit d’une caractéristique du registre familier. Il est discutable
si la suppression de ‘il’ et de la particule négative, est à sa place dans une analyse de
l’orthographe, mais en tout cas nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une sorte d’abréviation qui
est caractéristique pour la langue parlée et qui demande à être mentionnée, car Queneau
l’utilise très souvent.
4.3. La liaison
Dans le paragraphe précédent, nous avons vu que Queneau a très souvent lié des mots. Ceci
est dû à la chute de lettres, la prononciation plus rapide ou tout simplement parce que la
liaison est un phénomène linguistique propre au français. La liaison est un ‘procédé consistant
à prononcer devant la voyelle ou le h muet initial d’un mot, la consonne finale, ordinairement
muette, du mot précédant’.176 Pour cette raison, les mots liés comme ‘chsuis’177 (la
prononciation populaire de ‘je suis’) et ‘jte lrappelle’178 (‘je te le rappelle’) ne tombent pas
dans cette catégorie. Nous avons classé de tel exemples dans les catégories ‘Transcription du
langage parlé’ et ‘Abréviations (B)’. Dans ce paragraphe nous allons donc parler de vraies
liaisons et aussi de l’absence de la liaison.
La plupart des exemples de liaisons dans le roman, consistent de la liaison d’un mot
qui se termine par un ‘s’ et d’un mot qui commence par une voyelle. Dans ces cas, le ‘s’ est
prononcé comme un ‘z’. Il s’agit de voisement, c’est-à-dire une consonne sourde est
remplacée par une consonne sonore.179 Très souvent, la liaison est combinée avec
l’abréviation, parce qu’on laisse aussi tomber quelque lettres : ‘vous êtes’ devient ‘vzêtes’, ‘il
en voyaient’ devient ‘izan voyaient’. Dans le dernier cas, nous pouvons voir que le ‘e’ du mot
‘en’ a été remplacé par un ‘a’, ce qui est un exemple de la transcription du langage parlé. Il est
175
Blanche-Benveniste, Claire et Mireille Bilger. ‘ « Français parlé – oral spontané » Quelques réflexions’
Équipe de Recherche en Syntaxe et Sémantique – 26.05.2010
http://w3.erss.univ-tlse2.fr:8080/index.jsp?perso=pery&subURL=etudiants/SL0014/CBB-Bilger.pdf
176
Trésor de la langue française
177
Queneau. Zazie dans le métro. p.129
178
Ibidem, p.69
179
‘Langue française: quelques règles de liaison’ Études littéraires – 13.06.2010
http://www.etudes-litteraires.com/regles-de-liaison.php
48
alors clair que les catégories qui portent sur la réforme de l’orthographe sont toutes fortement
liées l’une à l’autre.
Outre la liaison littérale, c’est-à-dire écrire deux mots en un seul mot, Queneau utilise
encore une autre manière pour marquer la liaison. Il ajoute la dernière lettre du premier mot
au début du deuxième mot, mais la garde aussi à la fin du mot auquel elle appartient : ‘Ils sont
pourtant bin nonnêtes, nos prix.’180 Le ‘h’ muet de ‘honnêtes’ a été remplacé par le ‘n’ du mot
‘bi(e)n’.
Outre ces liaisons obligatoires et permises, nous avons également retrouvé de fausses
liaisons. Queneau a ajouté des ‘z’ pour marquer une liaison, dans des cas où on n’utilise pas
de liaison. Un exemple est ‘moi zossi’181. De plus, nous avons également constaté que
l’écrivain a marqué l’absence d’une liaison, en ajoutant ce que Blank appelle ‘ein liaisonverhinderndes Hiat-h’.182 ‘C’est hurgent’183 se prononce alors [s
yr ã] et non pas [s tyr ã].
L’écriture de la liaison et son absence a comme fonction d’attirer l’attention sur les
caractéristiques de la langue parlée. Normalement, la liaison n’est pas visible dans les textes,
tandis qu’elle est très caractéristique pour le français parlé. Selon toute probabilité, il est très
difficile de conserver cette caractéristique du roman, dans la traduction néerlandaise, parce
que la liaison est beaucoup moins courante en néerlandais qu’en français. Ceci n’est pas
grave, mais pour la catégorie suivante, qui consiste de liaisons extrêmes, il est quand même
d’une grande importance que le traducteur les traduit bien, car ce sont des éléments
importants du style de Queneau.
4.4. Les coagulations phonétiques
Le roman Zazie dans le métro s’ouvre sur un mot étrange : ‘Doukipudonktan’.184 Il s’agit
d’une sorte de liaison extrême, car Queneau a lié une phrase entière pour en faire un seul mot.
Une telle agglutination force les lecteurs à s’arrêter à ce mot et à le lire plus attentivement.
L’utilisation de ces agglutinations, que Queneau appelle lui-même des coagulations
phonétiques185, constitue peut-être la meilleure manière d’attirer l’attention des lecteurs sur le
phénomène de la langue. Blank souligne que ces mots phonétiques, il n’utilise pas le terme de
Queneau, forment un élément fondamental du comique de la langue dans le roman. De plus, il
180
Queneau. Zazie dans le métro. p.135
Ibidem, p.122
182
Blank. p.294
183
Queneau. Zazie dans le métro. p.139
184
Ibidem, p.7
185
Queneau. ‘Écrit en 1955’. p.81
181
49
explique que par la conglomération graphique, les mots prennent non seulement une autre
forme, mais leur apparence est également détruite.186 Les formes dont nous nous sommes
habitué sont détruite et il s’agit alors d’une réforme rigoureuse de l’orthographe.
Malheureusement, Queneau n’a pas donné une définition exacte de ce qu’il entend par
la notion ‘coagulation phonétique’, mais il est clair qu’il s’agit d’énoncés ‘monophasés’.187
L’écrivain ne précise pas de combien de mots une telle coagulation phonétique doit être
construite, donc c’est à nous d’établir une règle en ce qui concerne le nombre de mots qui
doivent être liés, pour qu’on puisse parler d’une coagulation phonétique. Nous avons décidé
qu’il faut au moins avoir trois mots qui sont liés l’un à l’autre, pour pouvoir parler d’une
coagulation phonétique. Sinon, les mots tombent dans la catégorie d’abréviations (B) ou dans
la catégorie de la transcription du langage parlé. Le tableau ci-dessous montre de quels mots
les coagulations phonétiques sont composées :
Coagulation phonétique
Mots liés l’un à l’autre 188
Doukipudonktan
D’où qu’ils puent donc tant ?
Skeutadittaleur
ce que tu as dit (tout) à l’heure
essméfie
elle se méfie
cexé
ce que c’est
Singermindépré
Saint-Germain-des-Prés
salonsalamanger
salon-salle à manger
Lagoçamilébou
La gosse a mis les bouts
a boujplu
elle (ne) bouge plus
A boujpludutout
Elle (ne) bouge plus du tout
Ltipstu
Le type se tut
voulumfaucher
voulu me faucher
ladssa, iadssa
Il y a de ça, il y a de ça
asteure
à cette heure
kouavouar
Quoi à voir ?
charlamilébou
Charles a mis les bouts
vozouazévovos
vos oies et vos veaux
de couaille
De quoi + aille / de quoi il est
186
Blank. p.294
Sanders, Carol. ‘ «Translating Queneau’s français parlé in Zazie dans le métro and Le chiendent’. p.44
188
Pour vérifier de quelle alliance de mots il s’agit, nous avons utilisé la liste de Hyatte.
187
50
à kimieumieu
à qui mieux mieux
immbondit dssus
il me bondit dessus
isrelève
il se relève
imdemande
il me demande
Il est clair qu’il y a parmi ces coagulations, des termes qui sont très difficiles à déchiffrer,
comme ‘Skeudittaleur’, mais aussi des agglutinations assez simples, comme ‘isrelève’. Ce
dernier exemple est bien à sa place dans la subcatégorie de ‘la chute du ə’, mais il tombe
quand même dans la catégorie des coagulations phonétiques, parce qu’il consiste de trois mots
qui sont liés.
La coagulation phonétique ‘de couaille’ est un peu compliquée, car il n’est pas très
clair de quels éléments elle est véritablement composée. D’après Hyatte, on peut le couper en
‘de quoi’ et ‘aille’189, mais cela ne signifie rien. De plus, nous pouvons voir que chaque fois
que Queneau transcrit le mot ‘quoi’ phonétiquement, ce mot ce termine par un ‘a’. Le ‘a’ de
‘couaille’ appartient donc à ‘quoi’ et ce qui reste n’est donc pas ‘aille’ mais ‘ille’, ce qui peut
être la transcription de ‘il est’. Dans ce cas, on obtient ‘de quoi il est’, ce qui est peut-être
dévié de ‘de quoi est-il question’. Il est plausible que ces mots forment les éléments dont la
coagulation est composée, parce que le personnage qui l’utilise se demande en effet le
suivant : Qu’est-ce qu’il y a ?
Il est très important que nous avons analysé les coagulations phonétiques et que nous
les avons déchiffré. Ceci peut nous aider à bien analyser la traduction néerlandaise, parce
qu’il ne faut pas seulement bien traduire le style de Queneau, dont ces mots phonétiques sont
caractéristiques, mais il faut également garder le contenu. De plus, il serait impossible de
traduire une coagulation phonétique sans savoir de quels mots elle est composée. Dans le
chapitre qui porte sur la traduction néerlandaise de Zazie, nous utiliserons le déchiffrement
des coagulations phonétiques ci-dessus, pour critiquer leurs traductions, mais avant de passer
à ce chapitre, nous allons traiter une dernière catégorie, à savoir la deuxième subcatégorie de
langues étrangères.
189
Hyatte, p.296
51
4.5. Les langues étrangères et l’orthographe modifiée
Dans le chapitre précédent, nous avons vu que dans son roman, Queneau a incorporé
l’influence de langues étrangères sur le français et nous avons traité tous les exemples de
l’utilisation de mots étrangers non modifiés. Outre ces mots ‘authentiques’, Queneau a
également modifié l’orthographe originale de ces langues. Dans cette paragraphe, nous allons
traiter ces modifications orthographiques.
Sur le tableau, nous pouvons voir qu’il s’agit de dix-sept exemples et dans la plupart
des cas, il s’agit de mots étrangers dont Queneau a transcrit la prononciation française, ce qui
a un effet comique. L’écrivain force le lecteur à regarder la réalité en face : la prononciation
des Français, quand ils utilisent des langues étrangères, ne correspond pas toujours à la
prononciation correcte. Surtout la modification du mot ‘striptease’, que Queneau a changé en
‘sliptize’, probablement plutôt pour créer un jeu de mot qu’en transcrivant la prononciation,
est très comique.
Ce qui est peut-être un peu étonnant, c’est qu’il y a un mot français dans la liste de
langues étrangères, mais ce mot (‘taximane’, normalement écrit sans ‘e’) n’appartient pas au
français de la France, mais il fait partie du vocabulaire français de l’Afrique, de la Belgique et
du Maghreb.190 Il s’agit ici de la variation diatopique, que nous avons mentionné dans le
deuxième chapitre. Pour la traduction il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’un terme
régional. Si le traducteur choisit de traduire ce terme par un terme régional de la langue cible,
il faut donc faire attention à ce que la connotation de ce langage régional ne diffère pas trop
de la langue cible. Sinon, on obtient un des glissements dont Van Marris a parlé.191
Outre ces langues étrangères modifiées, il y a aussi trois latinismes dans cette
catégorie, ce qui sont en effet des mots français, mais leur construction est propre au latin.192
Il s’agit donc d’un latin modifié. Ces latinismes poseront peut-être des problèmes pour le
traducteur, parce que probablement il est plus facile de construire des latinismes en français
qu’en néerlandais, mais les autres exemples sont probablement un peu plus facile à traduire.
4.6. La réforme de l’orthographe dans son ensemble
Nous avons vu que Queneau a appliqué plusieurs méthodes pour changer l’orthographe
officielle. Il a transcrit la prononciation, il a mis l’accent sur certains sons et il a abrégé des
190
Van Dale Frans-Nederlands
Maris.
192
Trésor de la langue française
191
52
mots en laissant tomber des lettres. De plus, il a attiré l’attention sur les caractéristiques de la
langue parlée, par exemple en marquant la liaison ou son absence. En outre les coagulations
phonétiques ont forcé les lecteurs à s’arrêter et à réfléchir sur le caractère spéciale de la
langue et surtout la langue parlée, sur laquelle ces agglutinations sont basées. Même les mots
étrangers ont dû y passer.
Albert Doppagne traite la réforme de l’orthographe dans son article sur les
néologismes de Queneau. Il énumère plusieurs changements orthographiques, d’où les
différentes manières dont Queneau a écrit le mot ‘existence’.193 Le fait qu’il traite les
exemples d’une orthographe modifiée dans un article portant sur les néologismes, montre que
Doppagne est d’avis que les mots qui sont écrits différemment sont des néologismes. Nous ne
sommes pas d’accord avec une telle opinion, parce qu’on peut se demander si se sont
vraiment des mots nouveaux. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une transcription de la
prononciation de mots existants, même en ce qui concerne les mots qui ne tombent pas dans la
catégorie de la ‘transcription de la prononciation’ de ce chapitre. ‘Skeutdittaleur’ est-il un
nouveau mot que nous retrouverons dans les dictionnaires un jour ? Non, c’est une phrase qui
est réduite à un seul mot à l’écrit, parce qu’elle est prononcée de cette manière. Ce n’est
qu’une manière de noter la langue parlée. Le néo-français que Queneau avance dans ce roman
est une nouvelle langue. Dans ce cas tout est donc nouveau.
Si nous classons tous les mots avec une orthographe modifiée sous les néologismes,
tout ce chapitre tombe dans la catégorie de la réforme du vocabulaire. Ceci n’est pas du tout
correcte, parce que Queneau dit explicitement qu’il propose une triple réforme : celle du
vocabulaire, celle de l’orthographe et celle de la syntaxe. Plus que la réforme du vocabulaire,
la réforme de l’orthographe nous fait prendre conscience du caractère arbitraire de
l’orthographe et fait vraiment éclater aux yeux la différence entre le français écrit et le
français parlé. L’orthographe modifiée a donc une grande importance et il faut que le
traducteur fait de son mieux pour bien transmettre cet effet.
Maintenant que nous avons analysé les deux types de réforme qui sont les plus
présents dans le roman Zazie dans le métro, il est temps que nous allons examiner de quelle
manière toutes les catégories que nous avons traitées, ont été traduites. Dans les deux
chapitres suivants, nous allons regarder d’un œil critique la traduction néerlandaise. Pas à pas,
catégorie à catégorie.
193
Doppagne, Albert. ‘Le néologisme chez Raymond Queneau’. Cahiers de l’Association internationale des
études française 25:25 (1973) : p.91-107.
53
Chapitre V
La traduction du vocabulaire
Dans le chapitres précédents, nous avons fait un exposé détaillé des idées de Queneau sur la
langue et les différents types de langage. Nous avons analysé de quelle manière ses idées sur
la réforme du vocabulaire et la réforme de l’orthographe sont appliquées sur le roman Zazie
dans le métro et de plus, nous avons déjà examiné quels sont les points auxquels un traducteur
doit prêter attention. Les théories de Henjum et Van Maris nous avons appris qu’il faut entre
autres tenir compte de la connotation de mots et locutions et qu’il faut éviter des glissements,
par exemple un glissement de la langue parlée vers la langue écrite.
Dans ce chapitre nous allons étudier d’un œil critique la traduction néerlandaise Zazie
in de metro de Jenny Tuin. Tuin n’a pas été la première personne à traduire ce roman célèbre,
car en 1960, un ans après la parution du livre français, la première traduction néerlandaise de
Ank van Haaren a paru.194 Tuin a pu s’inspirer de cette première traduction, car sa propre
traduction date de 1968. En 1983, elle a révisé cette traduction195 et en 2004, la troisième
édition a paru. C’est cette traduction, la traduction néerlandaise la plus récente, que nous
avons analysée.196 Nous avons choisi d’utiliser cette traduction, parce que nous croyons que
Tuin s’est développé en tant que traductrice et que sa dernière traduction doit être la meilleure
traduction.
Nous allons traiter toutes les catégories du troisième chapitre et nous allons examiner
de quelle manière la traductrice a traduit les différents types de vocabulaire. Certes, nous
n’allons pas parler de la traduction de chaque mot à part, mais nous allons traiter les grandes
lignes. Quels sont les plus belles inventions de Tuin ? Sur quels points rate-t-elle son coup ?
Et si elle a mal traduit quelque chose, que faut-il faire alors pour améliorer la traduction ? Estil possible que certains caractéristiques de ce roman sont intraduisibles ? Bref, ce chapitre
consiste d’une analyse des points forts et faibles de la traduction et de quelques conseils.
194
Depondt, Paul. ‘Zazie krijgt de metro niet te zien’ [15.01.2009] De Volkskrant – 14.06.2010
http://www.volkskrant.nl/archief_gratis/article597758.ece/Zazie_krijgt_de_metro_niet_te_zien
195
Ibidem
196
Queneau, Raymond. Zazie in de metro. [1959] Traduit par Jenny Tuin. Amsterdam: Bezige Bij, 2004.
Troisième édition.
54
5.1. La traduction du vocabulaire familier
Nous allons commencer notre analyse de la traduction, avec l’analyse du vocabulaire familier.
Nous allons d’abord traiter quelques belles traductions dans cette catégorie et ensuite nous
allons continuer avec quelques points de critique et des suggestions pour améliorer la
traduction de ce type de vocabulaire.
Dans cette catégorie, il y a quelques termes qui ont été traduits d’une bonne manière et
qui méritent un peu plus d’attention. Le premier terme qui est très bien traduit est le nom du
parfum de Gabriel : Barbouze. C’est à la fois un nom propre, le mot familier pour ‘barbe’ et
un agent secret.197 Il est impossible de traduire ce nom par un terme qui contient tous ces sens
et il faut donc faire un choix. Tuin l’a traduit par ‘Bévédé’, ce qui est la transcription de la
prononciation du sigle BVD. Le BVD était le service de la sûreté nationale, un service secret
des Pays-Bas.198 C’est donc une traduction naturalisante et la traductrice a gardé la référence à
un agent secret. De plus, elle a compensé la perte du sens ‘barbe’ en utilisant la transcription
de la prononciation, qui est caractéristique pour le roman de Queneau. Aujourd’hui le BVD
n’existe plus, depuis 2002 ce service porte le nom AIVD.199 Il est donc possible que les
lecteurs néerlandais ne comprennent pas directement le nom ‘Bévédé’. Pourtant, nous
sommes d’avis qu’il ne faut pas remplacer cette traduction par un équivalent moderne, parce
que l’histoire de Queneau n’a pas lieu aujourd’hui. Tout se passe vers la fin des années
cinquante, donc c’est une bonne traduction pour une histoire de cette période.
Une autre belle traduction est la traduction de ‘c’est le même tabac’ et ‘passage à
tabac’.200 Queneau joue ici avec le mot tabac de la première locution qu’il copie dans la
deuxième locution et dans la traduction néerlandaise nous avons retrouvé cette répétition :
‘van hetzelfde laken een pak’ et ‘een pak slaag’.201 Il est important qu’elle a conservé la
répétition, parce que le contexte de ce fragment nous apprend que Gridoux, qui prononce la
deuxième phrase, s’est inspiré de la première locution, sur laquelle il brode. Outre cette
traduction, Tuin a également inventé un beau néologisme pour traduire ‘direction plumard’,
qu’elle traduit par ‘donswaarts’.202
197
Trésor de la langue française
‘Korte geschiedenis van de AIVD’ Algemene Inlichtingen- en Veiligheidsdienst – 14.06.2010
https://www.aivd.nl/musea/museum-aivd/korte-geschiedenis
199
Ibidem
200
Queneau. Zazie dans le métro. p.174
201
Queneau. Zazie in de metro. p.185
202
Ibidem, p.40
198
55
Si cette catégorie ne consiste pas seulement de belles traductions, c’est que Tuin a fait des
traductions moins heureuses. Le mot ‘tarin’ qui signifie ‘nez’ a par exemple été traduit par
‘voorgevel’203, un mot néerlandais qui fait, de nos jours, plutôt penser à la poitrine d’une
femme. La connotation a donc changé. Il y a plusieurs possibilités pour traduire ‘tarin’, mais
le problème est que ces traductions causent des glissements. Quand on le traduit par ‘neus’, le
caractère familier est perdu, quand on le traduit par ‘gok’ on a plutôt à faire avec la langue du
peuple et ‘kokkerd’ est un mot qui n’est plus très courant dans le registre familier.204 Il faut
donc décider quel glissement est le moins grave, mais en tout cas nous sommes d’avis que ces
trois mots sont meilleurs que ‘voorgevel’.
Outre cet exemple, il y a aussi d’autres traductions qui sont mal choisies, comme la
traduction de ‘pote’ et ‘gaillard’. Tuin a traduit tous les deux termes par ‘vrind’, ce qui a l’air
vieilli et aussi assez affecté. Ceci ne correspond pas au registre familier du Néerlandais
moyen. Une meilleure traduction serait ‘maat’. De plus, il serait mieux de traduire ‘hublots’
par ‘doppen’ au lieu de ‘kijkgaten’, ‘pisser’ par ‘pissen’ au lieu de ‘wateren’ et ‘un coup de
bigophone à passer’ par ‘een belletje te plegen’ au lieu de ‘bellen’. Ces traductions
correspondent mieux au vocabulaire familier, que celles de Tuin.
De plus, ‘faire tourner le moulin’ est traduit trop littéralement. En néerlandais on ne
dit pas ‘de molen laten draaien’, on fait tourner ‘de motor’ (le moteur). En outre, la traduction
de ‘se fout la gueule par terre’ (‘met z’n kop pardoes op de grond’) est trop sage. Il y a deux
options pour améliorer la traduction : on peut supprimer le mot ‘pardoes’ ou remplacer la
traduction entière par ‘pleurt op z’n bek’. La dernière traduction est beaucoup plus familière
que la première, peut-être même populaire, mais nous sommes d’avis que le verbe ‘foutre’
demande une traduction assez grossière.
Au troisième chapitre, nous avons traité quelques termes dont les dictionnaires
n’étaient pas d’accord pour ce qui est de leur classification. S’agit-il vraiment de termes
familiers ou sont-ils populaires ou argotiques ? En ce qui concerne leur traduction, il n’y a
rien de spécial. Le verbe ‘licher’ est même traduit par un verbe d’un registre neutre (‘likken’).
De plus, le termes vieillis dont nous avons parlé passent inaperçus en ce qui concerne leur
traduction, qui n’est pas spéciale non plus. La dernière chose qui a disparu est l’effet de
l’utilisation du passé simple, parce que le néerlandais ne connaît pas de temps grammatical
qu’on ne retrouve que dans la littérature. Il n’est alors pas possible de conserver cet effet de
contraste.
203
204
Queneau. Zazie in de metro. p.5
Entrée « neus » Synoniemen.net – 14.06.2010 http://synoniemen.net/index.php?zoekterm=neus
56
En général, nous pouvons conclure que Tuin a bien traduit le vocabulaire familier. Il y a bien
sûr quelques points à améliorer, mais dans la plupart des cas il ne s’agit pas de fautes de
traduction, mais plutôt de différences de nuance. Sanders explique dans son article sur la
traduction, qu’en anglais on utilise le registre neutre plus souvent qu’en français. Dans des cas
où les Français utilisent des mots familiers, les Anglais utilisent des termes neutres et ceci
cause des glissements dans la traduction.205 Il est bien possible que cela vaut également pour
le néerlandais. En néerlandais il n’existe par exemple pas de mot familier pour traduire ‘la
lourde’ et la traductrice n’avait pas d’autre choix que de le traduire par le mot neutre ‘deur’.
De tels glissements ne peuvent pas être mis sur le compte de la traductrice. Ce sont des
glissements qui ressemblent à ceux que Van Maris a traités ; des glissements qui sont
inévitables à cause de différences entre la langue source et la langue cible. Dans l’ensemble,
la traductrice a bien traduit ce type de vocabulaire.
5.2. La traduction des abréviations
En ce qui concerne la troncation, nous devons constater qu’il est beaucoup plus difficile
d’abréger des mots néerlandais que de construire des troncations françaises. L’aphérèse a été
reprise littéralement et l’apocope ‘tac’ est une fois traduite par ‘tax’. Nous ne comprenons pas
pourquoi Tuin a choisi de ne l’employer qu’une seule fois, parce que plus loin dans le roman
elle l’a traduit par ‘taxi’. Ici, il faut être conséquent et traduire le terme, partout, de la même
manière et le mieux serait de le traduire par ‘tax’ pour ne pas perdre l’effet de l’abréviation.
Pour le reste, il est difficile, voire impossible, de traduire ces troncations par des troncations
néerlandaises. On peut considérer le mot néerlandais ‘auto’ comme l’apocope de
‘automobiel’, ainsi que le mot français, mais en néerlandais le mot ‘auto’ est si courant, qu’un
Néerlandais ne le considère plus comme une forme abrégée. Il en est de même pour le mot
‘homo’, sur lequel Tuin a appliqué le style quenien, en ajoutant le ‘r’. À cause de cette lettre
supplémentaire on ne peut plus le considérer comme une abréviation. C’est devenu un
néologisme.
Il est possible d’abréger les mots ‘krokodil’ et ‘microfoon’, parce qu’à l’aide du
contexte le lecteur néerlandais comprendrait ce que signifient ‘kroko’ et ‘micro’. Les autres
termes par contre, ne peuvent pas être abrégés. Tuin a encore essayé de conserver la
connotation familière du mot ‘apéro’ en le traduisant par ‘aperitiefje’, la forme diminutive,
205
Sanders. ‘Translating Queneau’s français parlé in Zazie dans le métro and Le chiendent’. p.43
57
mais en ce qui concerne le mot ‘proprio’ elle n’a pas pu sauver cette connotation. L’effet de
la troncation, une caractéristique du français parlé, a disparu dans la traduction néerlandaise,
mais ceci n’est pas la faute de la traductrice. C’est complètement dû au néerlandais, qui a
apparemment moins de possibilités d’abréger.
5.3. Comment traduire l’argot ?
Au troisième chapitre, nous avons vu que l’argot dans Zazie est un argot qui est utilisé
naturellement dans le roman. Le fait que ce vocabulaire est utilisé ici et là et qu’il n’a pas une
forte densité, n’empêche pas qu’il faut bien traduire ce vocabulaire en transformation. Pour
pouvoir faire cela, il faut savoir quel est l’équivalent néerlandais de l’argot. Au XIXe siècle,
on comparait déjà l’argot français avec les argots d’autres pays et en 1856 Francisque Michel
en disait : ‘les Hollandais ont également leur argot, désigné chez eux par les noms de
bargoens et de dieventael.’206 Tout comme l’argot, le ‘bargoens’ était d’abord une langue
secrète, mais ce type de langage s’est développé et beaucoup de ses termes sont utilisés par
monsieur et madame tout-le-monde, bien qu’on ne puisse pas l’utiliser dans toutes les
situations.207 Ainsi que l’argot, le ‘bargoens’ est utilisé par de différents groupes et nous
pouvons le retrouver dans la langue des jeunes et le langage de la rue.208 Le ‘bargoens’
appartient au registres les plus bas et pour la traduction il faut vraiment que le lecteur
remarque qu’il ne s’agit pas de la langue courante.
En examinant la traduction des mots argotiques, nous pouvons conclure que la liste de
traductions est un peu décevante. Tuin a utilisé quelques mots néerlandais qui figurent sur la
liste du vocabulaire du ‘bargoens’209, comme ‘smeris’, ‘trut’, ‘bajes’, ‘tippelen’ et ‘mie’, mais
malheureusement elle a aussi utilisé des mots qui n’appartiennent pas du tout à ce type de
vocabulaire. La traductrice traduit le mot argotique ‘étiquettes’210 (oreilles) par le mot
néerlandais ‘gehoorschelpen’211 qui ne fait même pas partie du registre neutre. C’est le terme
‘savant’ qu’on utilise pour indiquer cette partie du corps, mais on ne l’utilise pas pour dire que
206
Moormann, J. ‘De geheimtalen deel II, bronnenboek’. [15.02.1934] dbnl – 15.06.2010
http://www.dbnl.org/tekst/moor012gehe02_01/moor012gehe02_01_0029.php#363
207
Feenstra, Marcel. ‘Bargoens voor beginners’ Voor beginners – 15.06.2010
http://www.voorbeginners.info/bargoens/
208
Nedloni, Isis. ‘Bargoens ingeburgerd’ [22.07.2006] Volkskrant – 15.06.2010
http://www.vkblog.nl/bericht/63693/BARGOENS_INGEBURGERD
209
‘Bargoens - Alfabetische woordenlijst’ Voor beginners – 15.06.2010
http://www.voorbeginners.info/bargoens/alfabetisch-a-m.htm?ref=Sex%C5%9Ehop.Com
210
Queneau. Zazie dans le métro. p.127
211
Queneau. Zazie in de metro. p.135
58
quelqu’un colle ses oreilles à la porte pour écouter ce qu’on dit à l’autre côté. En tout cas, on
peut être sûr de ne jamais entendre parler de ‘gehoorschelpen’ par les gamins des rues. Il est
vrai que le néerlandais ne connaît pas de mot argotique pour traduire ‘étiquettes’ et qu’un
glissement est donc inévitable, mais dans ce cas il est mieux de traduire ce mot par le terme
neutre ‘oren’, qui est toujours plus proche du terme français que le mot ‘gehoorschelpen’.
De plus, Tuin a complètement raté son coup en ce qui concerne la traduction du mot
‘fiotte’, qu’elle a traduit par ‘slijmbal’. ‘Fiotte’ est un mot injurieux et argotique, qui signifie
‘homosexuel’.212 Le personnage qui utilise ce terme, se trouve dans une ‘boîte de tantes’ et il
se dispute avec un serveur homosexuel, alors il est assez clair que ce mot injurieux est lié à
l’orientation sexuelle de l’homme qu’on insulte. ‘Slijmbal’ est donc une mauvaise traduction.
Un mot comme ‘flikker’ est plus approprié.
Nous sommes d’avis qu’il y a de meilleures traductions pour quelques autres mots
argotiques qui figurent dans ce roman. La liste ci-dessous est une liste de suggestions pour
améliorer la traduction:
Argot
mec
tas de caves
derche
bectance
entôlage
crampettes
chabanais
bigorne
gambergé
entravent
me parle marida
Traduction de Tuin
sul
stelletje gapers
achterste
voer
wederrechterlijke toeeigening
stuiptrekkingen
herrie
offensief
nagedacht
snappen
praat me over trouwen
Traduction alternative
vent
stelletje onnozele gapers
kont
vreten
afzetterij
nummertjes
teringherrie
knokpartij
geprakkiseerd
vatten
heeft het over sjanken
Les traductions alternatives ne sont également pas toutes des termes ‘bargoens’, mais nous
croyons qu’elles traduisent mieux les mots français. C’est qu’un ‘sul’ est plutôt un benêt, ce
qui n’est pas un synonyme pour ‘mec’. Le deuxième mot argotique est difficile à traduire,
parce qu’un ‘cave’ est une personne qui n’est pas du milieu et qu’on peut tromper
facilement.213 En ajoutant le mot ‘onnozele’ à la traduction de Tuin, on garde l’idée d’une
personne naïve. Les traductions ‘kont’, ‘vreten’ et ‘teringherrie’ sont un peu plus grossières
que les termes utilisés par Tuin et ‘nadenken’ et ‘snappen’ sont des verbes trop courants, donc
il faut également remplacer ces traductions. De plus, ‘wederrechterlijke toe-eigening’ et
212
213
Queneau. Zazie dans le métro. p.152 (Note en bas de page ajoutée par Fourcaut)
Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007
59
‘offensief’ sont vraiment trop soutenus. En outre, nous avons remplacé deux autres
traductions, par des termes qui font partie du vocabulaire du ‘bargoens’. ‘Nummertjes’ vient
de l’expression ‘bargoens’ ‘een nummertje maken’214 et d’après Van Dale, le mot argotique
‘sjanken’ signifie ‘se marier’.215 Ce dernier verbe n’est pas très connu aux Pays-Bas, donc il
est possible que pour cette raison, Tuin n’as pas utilisé ce mot, mais les autres traductions
alternatives ne posent pas de problèmes de compréhension.
Il est vrai que ce n’est pas facile de traduire l’argot dans ce roman, mais pourtant Tuin
a pu faire mieux. Il est vrai qu’il y a des glissements inévitables, par exemple dans le cas de
‘étiquettes’, mais quelques petites adaptations à l’aide d’un dictionnaire du ‘bargoens’
auraient eu un meilleur résultat. Le Bargoens woordenboek216 du linguiste Enno Endt peut
être utile. Endt a fait beaucoup de recherche sur le ‘bargoens’ et écrivit entres autres le livre
Een taal van horen zeggen, qui porte sur ce langage. Il n’existe pas moins de dix éditions de
son dictionnaire du ‘bargoens’ et nous croyons que ce dictionnaire est utile pour la traduction
de l’argot.
5.4. La traduction de gros mots
En ce qui concerne la traduction des insultes, des gros mots et du vocabulaire vulgaire, Tuin a
mieux réussi. Dans l’ensemble elle a bien traduit ce type de vocabulaire, mais nous avons
aussi quelques remarques à faire. Dans la subcatégorie des termes péjoratifs, il y a le mot
‘croquants’, pour lequel nous avons trouvé une meilleure traduction que ‘botteriken’. C’est
que ‘croquant’ est un terme péjoratif qui signifie paysan217 et la traduction de Tuin ne couvre
pas ce sens, tandis qu’il y a une traduction néerlandaise qui transpose à la fois ce sens et le
sens du terme que Tuin a utilisé, à savoir : ‘botte boeren’.
Dans la subcatégorie des insultes, il y a un mot qui a plusieurs sens qu’on ne peut pas
tous traduire. ‘Gorille’ est à la fois un singe, un garde du corps et un agent secret.218
L’équivalent néerlandais (‘gorilla’) contient les deux premiers sens, mais ce n’est pas un mot
qui renvoie à un agent secret. C’est dommage qu’on perd ce sens, parce que le mot n’est
utilisé que quelques lignes après le mot Barbouze, qui signifie également ‘agent secret’, donc
il serait beau si cette répétition de sens cachés aurait été présente dans le texte néerlandais.
214
‘Bargoens - Alfabetische woordenlijst’ Voor beginners – 15.06.2010
http://www.voorbeginners.info/bargoens/alfabetisch-a-m.htm?ref=Sex%C5%9Ehop.Com
215
Dikke Van Dale informatisé
216
Endt, Enno. Bargoens woordenboek: kleine woordenschat van de volkstaal. Amsterdam: Bakker, 2003
217
Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007
218
Le trésor de la langue française
60
Parmi les insultes, il y a aussi deux traductions qui nous frappent, à savoir ‘Marie’ qui est la
traduction de ‘eh lope’ et le nom ‘Mackie’ qui est la traduction de ‘gy’. ‘Lope’ est un mot
péjoratif pour un homosexuel, mais nous n’avons pas pu trouver des sources qui montrent
qu’en néerlandais, on appelle un homosexuel Marie. Il est possible que même si le lecteur ne
connaît pas non plus cet usage du nom, il comprenne quand même ce qu’on veut dire, mais
pourquoi la traductrice a-t-elle remplacé un terme direct, par un mot qui n’est pas très connu ?
Nous préférons une traduction qui est plus proche du texte original. Le terme ‘lope’ fait partie
du lexique argotique219 et il faut donc le traduire par un terme du ‘bargoens’. Dans ce cas nous
n’avons que l’embarras du choix : ‘bruinwerker, flikker, mie(tje), nicht, (ruig)poot’.220
En ce qui concerne l’utilisation du nom ‘Mackie’ dans la traduction néerlandaise, nous
ne comprenons pas pourquoi Tuin utilise ce nom, dont l’usage (et la connotation) nous est
inconnu. En étudiant le texte original, nous pouvons voir que ‘Mackie’ n’est pas la traduction
d’un nom propre. La phrase original est ‘Eh bien gy, dit Gabriel, apporte nous la bibine
gazeuse …’221 que Tuin a traduit par ‘Kom, Mackie,’ zei Gabriël, 'breng ons dat borrelende
vocht…’.222 Le Trésor de la langue française nous apprend que ‘gy’ est un mot argotique ou
populaire, qui signifie ‘oui, d’accord’. Une traduction possible est alors ‘Goed, oké’ zei
Gabriël …’ et dans ce cas, le mot ‘gy’ ne tombe pas du tout dans cette catégorie. Il semble
qu’à cause de la traduction, le terme est tombé dans ce groupe de vocabulaire, mais si notre
traduction alternative est correcte, c’est un exemple de vocabulaire argotique et non pas un
insulte.
Continuons avec la subcatégorie de gros mots, qui est dans son ensemble bien traduit.
Pour cette catégorie, nous avons également quelques points à améliorer. Dans un autre
chapitre, nous avons vu que Zazie dit tout le temps ‘mon cul’, ce qui choque d’autres
personnages, parce que c’est très grossier. Dans le texte néerlandais, elle dit ‘amme gat’, ce
qui n’est pas une mauvaise traduction, mais elle semble un peu datée. Une traduction plus
moderne et à notre avis un peu plus grossière est ‘m’n reet’. De plus, ‘en plein poire’ peut être
traduit par ‘recht in z’n smoel’, ce qui est plus dur que ‘pal in het doel’. Pour le reste, il faut
faire attention à la richesse de ce type de vocabulaire. Queneau utilise par exemple à la fois le
mot ‘fridolins’ et ‘frisous’, qui sont tous les deux traduit par ‘fritzen’. Pour ne pas perdre la
richesse de ce vocabulaire, nous proposons de traduire un de ces deux termes par ‘moffen’.
219
Nous avons choisi de traiter ce terme à la fois dans la catégorie de l’argot et dans la catégorie de gros mots,
parce que c’est un insulte argotique.
220
Bargoens - Alfabetische woordenlijst’ Voor beginners – 15.06.2010
http://www.voorbeginners.info/bargoens/alfabetisch-a-m.htm?ref=Sex%C5%9Ehop.Com
221
Queneau. Zazie dans le métro. p.152
222
Queneau. Zazie in de metro. p.161
61
Quant aux jurons, nous pouvons constater qu’il y a un glissement, car la plupart des jurons n’a
pas été traduit par des jurons, c’est qu’ils ont perdu leur caractère blasphématoire. Il est
possible que Tuin à fait cela exprès, parce que les lecteurs peuvent être choqués par les jurons.
Il y a des traducteurs qui estiment qu’il ne faut pas utiliser des jurons dans une traduction.
Pourtant, nous ne croyons pas que Tuin partage cette opinion vraiment, parce qu’elle a quand
même traduit quelques jurons par des termes blasphématoires, comme ‘nondejuus’ (terme
dérivé de ‘nom de Dieu’) et ‘gotsammeliefhebbe’. Il est assez facile de traduire tous les jurons
d’une telle manière qu’ils restent des jurons. Pour obtenir ce résultat, la traductrice peut tout
simplement traduire le mot ‘sacré’, qu’on retrouve dans presque tous les jurons, par
‘verdomde’.
La dernière subcatégorie, celle qui consiste d’un vocabulaire vulgaire, n’est plus très
vulgaire après la traduction. L’expression ‘la terre verte’ qui est une allusion à ‘la terre jaune’,
a perdu sa connotation vulgaire et les deux premiers mots de cette petite liste ont été traduit
par des termes trop faibles. Gabriel demande Zazie pourquoi elle veut devenir institutrice et
elle répond : ‘Pour faire chier les mômes.’223 Ceci est une réponse grossière, alors il faut une
traduction grossière : ‘Om die koters te laten schijten.’ Il en est de même pour la traduction de
‘connasse’. Van Dale donne la traduction suivante : ‘(stomme) trut, kutwijf’. Surtout le
dernier terme est très vulgaire et nous croyons que la traductrice trouvait une telle traduction
peut-être trop choquant et que c’est pour cette raison quelle l’a traduit par ‘mirakel’, qui est
dans son contexte péjoratif, mais certainement pas vulgaire. Nous sommes d’avis que quand
l’écrivain utilise des termes choquants, il fait cela avec une raison et c’est pour cela que le
traducteur ne doit pas trop s’éloigner du texte original.
Au troisième chapitre, nous avons traité l’article de Gacek224 qui a souligné que les
gros mots ont une forte connotation culturelle et cette connotation peut provoquer un
glissement de la traduction par rapport au texte original. Nous ne croyons pas que ceci est le
cas pour la traduction de Tuin. Les quelques glissements que nous avons constatés, ne sont
d’après nous pas causés par les différences culturelles entre la France et les Pays-Bas, mais ils
sont plutôt liés aux choix personnels de la traductrice. L’effet humoristique que les gros mots
ont parfois n’a pas disparu et de plus Gacek avait raison que ces mots donnent parfois plus de
poids à une expression et qu’ils contribuent à l’authenticité du texte et le caractère oral du
roman. Cette caractéristique de ce type de vocabulaire n’est pas perdu par la traduction.
223
224
Queneau. Zazie dans le métro. p.22
Gacek, Marie-Jo.
62
5.5. Les langues étrangères : traduire ou ne pas traduire ?
En ce qui concerne les langues étrangères autre que le français et utilisées sans modifications,
Tuin a appliqué une stratégie claire et bien choisie. C’est qu’elle ne les a pas traduites, mais
elle a copié ces phrases et termes en langue originale. De cette manière, elle garde les effets
du texte original, à savoir l’effet de vraisemblance, l’effet de dissonance et l’effet
d’aliénation, dont nous avons parlé au troisième chapitre. Il n’y a que trois exceptions dans
cette catégorie d’éléments authentiques d’autres langues. La première exception est la
traduction de ‘in petto’, dont Tuin a modifié l’orthographe : ‘ien petto’. De cette manière, la
traduction correspond à la prononciation étrangère, elle met l’accent sur le fait que c’est un
mot italien, et une telle traduction va bien ensemble avec le style de Queneau. La deuxième
exception est le mot ‘primo’ qu’elle a traduit par ‘om te beginnen’. Ici, Tuin a également pris
la bonne décision, parce que ‘primo’ est un mot qui est bien intégré dans la langue française,
alors il n’a pas d’effet spécifique dans le roman qui peut être perdu, mais en néerlandais c’est
un terme qu’on n’utilise pas, alors il faut une traduction. La dernière exception ne peut pas
être traitée sans parler de son contexte. Les deux expressions latines font partie d’une
énumération d’expressions que Bertin Poirée lit à haute voix d’un dictionnaire. Comme il
n’est pas possible de traduire à la fois le contenu des mots dans le dictionnaire et de garder
l’ordre alphabétique (le fragment commence par une énumération de mots qui commencent
tous par un ‘v’), Tuin a substitué le fragment par un texte dans le même style, dont le contenu
est différent. La traduction est encore plus comique que l’original :
Queneau : ‘des cochonneries, je parie… j’avais tort, c’est en latin … « fèr’ ghiss
ma-inn nich’t, veritas odium, victis honos », ça y est pas non plus.’225
Tuin :
‘smeerlapperijen, wed ik… zie je wel, allemaal Latijn : … jetzt geht’s los…
joci causa… keep smiling… kyrie eleison… hier staat ‘t ook niet bij.’226
Dans le texte original le personnage a tort, mais dans la traduction néerlandaise il a raison
(‘zie je wel’). De plus, le personnage est encore plus ridiculisé dans la traduction que dans
l’original, parce que dans le texte français il y a encore du latin dans son énumération
d’expressions qu’il croit être latines, mais dans la traduction il n’y a qu’une expression qui est
dérivée du latin (‘joci causa’ vient de ‘ioci causa’227) et les autres expressions appartiennent à
225
Queneau. Zazie dans le métro. p.164
Queneau. Zazie in de metro. p.174
227
Dikke Van Dale informatisé
226
63
d’autres langues, ce qui rend le personnage encore plus stupide et le texte plus comique. Nous
trouvons cette traduction une belle solution pour le problème.
En ce qui concerne la subcatégorie qui consiste de combinaisons du français et de
langues étrangères, nous sommes très contents avec les traductions de Tuin. Elle les a traduit
assez littéralement, ce qui est bien ici. Nous n’avons qu’une seule remarque par rapport à la
traduction de ‘mêle-toi de tes cipolles’.228 Queneau a traduit le dernier mot de l’expression
‘mêle-toi de tes oignons’ en italien et cette combinaison de langues n’est plus présente dans la
traduction de Tuin. Il est possible d’également traduire le dernier mot de l’expression
néerlandaise ‘bemoei je met je eigen zaken’ et il n’est pas nécessaire qu’on utilise l’italien.
‘Bemoei je met je eigen business’ a par exemple le même effet, parce que c’est aussi une
combinaison bizarre qui frappe le lecteur, mais qui ne devient pas incompréhensible. À
l’exception de ce petit détail, nous sommes d’avis que Tuin a bien traduit ce type de
vocabulaire ou à vrai dire, dans la plupart des cas elle a pris la bonne décision de ne pas
traduire du tout.
5.6. Les néologismes : un plaisir de les traduire ?
Au deuxième chapitre, nous avons expliqué que Van Maris est d’avis que le seul type de
langage qui est vraiment traduisible sans que des glissements apparaissent, est un langage qui
n’existe pas, parce que dans ce cas le traducteur peut utiliser toute sa créativité, puisqu’il n’y a
pas encore une traduction existante. Dans ce cas la traduction du grand nombre de
néologismes dans Zazie doit avoir été une tâche agréable pour la traductrice, bien qu’il puisse
également être difficile de traduire des mots non existants, car il manque de repères.
En examinant la liste de traductions de cette catégorie, nous pouvons voir que Tuin a
utilisé plusieurs méthodes pour traduire ces mots nouveaux. Elle copie le néologisme français
sans modifications (‘caromba’), elle traduit les néologismes littéralement (‘telefunctioneren’)
ou elle donne une sorte de description du sens du nouveau terme (‘tot stoppen gedwongen
automobilisten’). De plus, il y a aussi des cas dans lesquels elle traduit le néologisme par un
mot normal et de cette manière l’effet innovant du néologisme est perdu.
De bonnes traductions dans cette catégorie sont ‘eurekatie’, ‘gidsneppers’ et ‘berlitzkennis’. De plus, la traductrice a trouvé une bonne solution pour le mot ‘bellicose’ (composé
de ‘illico’ et ‘because’) qu’on ne peut pas traduire par un néologisme. Elle a lié sa traduction à
228
Queneau. Zazie dans le métro. p.94
64
l’article et au substantif qui le suivent et de cette manière elle a crée une coagulation
phonétique dans le style de Queneau, qui d’après tout n’existe pas non plus.
Malheureusement, il y a aussi des traductions qui ne témoignent pas vraiment d’une grande
créativité. Un exemple d’une occasion manquée est la traduction de ‘lunettes antisolaires’ que
Tuin a traduit par ‘zonnebril’, qui est un terme courant, tandis que le terme français a été
modifié, parce que normalement on dit ‘lunettes solaires’ ou ‘lunettes de soleil’. Il faut donc
également un mot néerlandais anormale, comme ‘anti-zonbril’, un néologisme qui est un bon
équivalent du néologisme français. De plus, nous avons également constaté que le sens de
mots a parfois changé. Tuin traduit le verbe inventé ‘vuvurrer’, comme ‘stamelen’ of
‘lispelen’ ce qui signifie que les personnages balbutient ou zézayent, ce qui n’est pas la même
chose. De plus, ces traductions ne correspondent pas à l’explication de Fourcaut qui explique
qu’il s’agit d’un ‘mot forgé sur le modèle [du verbe susurrer], par attraction du v de
« voui »’.229 ‘Susurrer’ signifie chuchoter, ce qui est toute outre chose que le fait de ne pas
savoir bien prononcer quelque chose.
Nous pouvons bien sûr traiter chaque néologisme à part et discuter si le néologisme en
question est traduisible ou pas, si la traductrice l’a bien traduit ou pas, si nous pouvons
améliorer la traduction ou si c’est impossible, mais dans ce cas le résultat serait un discours
qui n’en finit pas. Dans l’ensemble, nous pouvons conclure que cette catégorie n’a pas été mal
traduite, mais pas non plus d’une manière excellente, parce qu’il y a encore trop de
néologismes qui ont été traduits par des mots qui ne sont pas du tout nouveaux. Ceci influence
négativement la richesse du vocabulaire dans le roman. L’utilisation de néologismes contribue
fortement à la réforme du vocabulaire qui est si importante pour Queneau et c’est vraiment
dommage que le nombre de néologismes a diminué par la traduction.
5.7. La traduction du vocabulaire dans sa totalité
Après avoir examiné la traduction de tous les types de vocabulaire dans le roman de Queneau,
nous pouvons conclure que Tuin a bien traduit ce lexique. Pour chaque catégorie nous avons
trouvé des points à améliorer, pour l’une un peu plus que pour l’autre, mais ceci est normale
car la traduction parfaite n’existe pas. Il n’est jamais facile de traduire un texte littéraire, car le
traducteur a à faire avec deux langues différentes et deux cultures différentes, mais dans le cas
de Queneau on est encore confronté à toute une théorie sur la langue.
229
Queneau. Zazie dans le métro. p.47 (Note en bas de page ajoutée par Fourcaut)
65
Au deuxième chapitre, nous avons vu qu’il y a d’après Henjum trois questions que le
traducteur d’un texte plein d’éléments de la langue parlée doit se poser. La première question
était la question si le potentiel de signification change par l’acte de traduction. Dans
l’ensemble, la signification du vocabulaire dans la traduction de Tuin n’a pas vraiment
changé, à l’exception de quelques mots spécifiques qui ont un double sens et dont on perd un
de ces sens par l’acte de traduction. De plus, il y a quelques différences de nuance, qui sont
souvent petites, mais qui peuvent aussi être assez grandes. C’est qu’il arrive qu’un mot est
traduit par un terme qui ne tombe pas dans la même catégorie que le mot original, par
exemple quand la traduction fait partie d’un autre registre. Dans ce cas, nous devons constater
qu’il est question d’un glissement, par exemple du registre familier vers le registre neutre. Un
tel glissement est regrettable, parce qu’elle peut causer un changement de connotation, mais
malheureusement ce n’est pas toujours inévitable, à cause de la différence entre les langues et
la richesse de leurs registres.
La deuxième question porte sur la compréhension et l’interprétation du texte. Y a-t-il
des différences entre l’original et la traduction sur ces points ? Dans l’ensemble la traduction
est parfaitement compréhensible pour le lecteur néerlandais. À l’exception de quelques
allusions il comprendra tout et nous pouvons nous demander si les Français comprennent
toutes les allusions. Comprennent-ils tous que le terme ‘éonisme’230 renvoie à un travesti
célèbre ? À notre avis, de telles significations peuvent aussi bien échapper au lecteur français
qu’au lecteur néerlandais. De plus, en ce qui concerne l’interprétation du texte, nous ne
croyons pas qu’il y a de grandes différences entre le texte original et la traduction.
La dernière question est celle de savoir sur quels niveaux de texte les modifications se
manifestent. La réponse sur cette question est assez simple : sur le niveau lexical. Il faut prêter
beaucoup d’attention au vocabulaire dans ce roman, ce que Tuin a bien fait, mais elle peut
toujours améliorer sa traduction sur quelques points, pour que l’importance que Queneau
prête au vocabulaire est bien mise en valeur. Après tout, nous avons constaté quelques
glissements qui ne sont pas inévitables et les suggestions que nous avons données doivent
aider à éviter ou en tout cas limiter ces glissements. Dans le chapitre suivant, nous allons
parler de la traduction des éléments d’un autre niveau du texte, à savoir le niveau
orthographique.
230
Queneau. Zazie dans le métro. p.67
66
Chapitre VI
La traduction de l’orthographe modifiée
Dans ce dernier chapitre, nous allons traiter la traduction de l’orthographe modifiée dans
Zazie dans le métro. Toutes les catégories du quatrième chapitre vont être discutées, de la
même manière que nous avons examiné la traduction du vocabulaire. Nous allons parler des
points forts et des points faibles de la traduction de cette catégorie importante, pour pouvoir
découvrir si la réforme de l’orthographe qui a une grande valeur pour Queneau et qui a un
effet important, est bien mise en valeur par la traduction de Jenny Tuin.
6.1. De la transcription du français parlé à celle du néerlandais parlé
Dans son roman, Queneau a modifié l’orthographe pour pouvoir donner un style au français
parlé et ce sont donc les caractéristiques de la prononciation du français, qu’il a introduit dans
ce texte littéraire. La traduction de ce caractéristique du roman entraîne donc sans doute des
changements, car le traducteur ne peut pas représenter les signes particuliers de la
prononciation française dans un texte en néerlandais. Tuin a du utiliser l’orthographe pour
mettre par écrit le néerlandais parlé, de la même manière que Queneau l’a fait avec le français
parlé. Le néerlandais parlé à d’autres caractéristiques et nous pouvons nous attendre à ce que
Tuin a cherché des méthodes de compensation, pour remplacer les particularités de
l’orthographe de la langue source, par une orthographe modifiée de la langue cible.
En ce qui concerne la première subcatégorie, celle des mots avec un ‘x’ qui est
remplacé par un ‘s’, il est directement clair que la traductrice n’a pas pu traduire cette
caractéristique, parce qu’après la traduction de cette liste, on n’a plus à faire avec un groupe
de mots qui comportent un ‘x’ qu’on peut remplacer. Il faut donc que la traductrice invente
quelque chose pour qu’elle puisse marquer que Queneau n’utilise pas l’orthographe officielle.
Dans un seul cas, la traduction néerlandaise comporte quand même un ‘x’ et Tuin s’est servi
de cette occasion et elle a utilisé deux traductions différentes pour le mot ‘esprès’, à savoir
‘espres’ et ‘espurres’. Ainsi que Queneau, elle a remplacé le ‘x’ par un ‘s’ et pour la deuxième
traduction elle a encore plus modifié l’orthographe. Quant aux autres traductions dans cette
catégorie, il y a encore trois autres mots qui sont écrits d’une autre manière, à savoir
‘maksimum’, ‘seksuwaliteit’ et ‘buiten ‘t uit’. L’écriture de tous ces trois exemples
67
correspond à la prononciation, les deux premiers à la prononciation générale et le dernier
exemple à la prononciation un peu plus familière. Quand on emploi un registre plus soutenu,
l’article ‘het’ n’est pas abrégé dans la langue parlée, mais les deux autres exemples sont
toujours prononcés de la manière que Tuin les a écrits. Ces sont donc de bonnes traductions.
Malheureusement, les autres exemples n’ont pas été bien traduit, c’est-à-dire si Tuin a
bien traduit leur sens, elle a fait disparaître l’effet d’une orthographe qui éclate aux yeux et
qui rend le lecteur conscient des différences entre la langue parlée et la langue écrit, et du
caractère arbitraire de l’orthographe. Pour cette subcatégorie, la traductrice a dans 80% des
cas traduit le français modifié par un néerlandais à l’orthographe officielle. Nous sommes
d’avis que pour bien représenter les idées sur l’orthographe que Queneau a appliqué sur son
roman, Tuin a du changer l’orthographe de ces mots, même s’il n’est pas possible de le faire
aussi structuré que Queneau, c’est-à-dire à l’aide d’une méthode qu’on applique à tous ces
mots. Il y a une caractéristique du néerlandais parlé, que nous pouvons facilement appliquer à
la traduction, à savoir la chute du ‘n’ final. C’est une règle officielle qu’en néerlandais parlé il
est permis de supprimer le ‘n’ final quand celui est précédé par un ‘e’ muet.231 Quand nous
appliquons cette règle à l’orthographe de la traduction néerlandaise, nous obtiendrons des
traductions comme ‘uitlegge’, ‘overdreve’ et ‘verklare’. De cette manière, le lecteur
comprend directement que l’orthographe a été changé sur le modèle de la prononciation. Il y a
huit traductions dont nous pouvons supprimer le ‘n’ final et pour les autres traductions il faut
trouver une autre solution pour changer l’orthographe.
Il en est de même pour la subcatégorie de mots dont Queneau a remplacé le ‘x’ par
‘gz’. Dans 90% des cas, Tuin a traduit le français modifié par un néerlandais normale. Il n’y a
qu’une traduction avec une orthographe modifiée, tandis qu’elle a pu utiliser cette traduction
plusieurs fois. Une fois, elle a traduit ‘gzactement’ par ‘prussies’ et une fois par ‘precies
hetzelfde’, alors qu’elle avait pu utiliser sa trouvaille deux fois (‘prussies hetzelfde’). Henjum
explique dans son article que beaucoup de glissements dans les traductions de textes basés sur
la langue parlée, sont dus au fait que le traducteur doit se demander dans quelle mesure il veut
s’insurger contre les normes de la langue cible pour être fidèle au style du texte original.232
Henjum constate que les traducteurs ne sont pas toujours fidèle au style d’un écrivain, parce
qu’ils ne veulent pas trop s’écarter de ce qui est accepté dans la langue cible. Il se peut bien
que ceci est une raison pour laquelle Tuin n’a pas toujours traduit un mot à l’orthographe
modifiée par un mot qui ne s’écrit pas suivant les règles orthographiques. Tout comme
231
232
‘Uitspraak slot-n’ Nederlandse Taalunie – 18.06.2010 http://taaladvies.net/taal/advies/tekst/47/
Henjum, p.519
68
Queneau était d’avis qu’il ne faut pas aller trop loin dans la réforme de l’orthographe, pour ne
pas trop choquer le lecteur, Tuin a peut-être cru qu’il ne faut pas exagérer la modification de
l’orthographe.
La troisième subcatégorie a été bien traduite par Tuin, parce que pour quatre des six
mots, Tuin a modifié l’orthographe. Une belle transcription de la prononciation est ‘munneer’,
mais une traduction moins heureuse est ‘meunheer’ ce qui ne correspond pas à la
prononciation néerlandaise. La traduction des sigles écrits en toutes lettres selon leur
prononciation correspond bien à la prononciation néerlandaise. L’abréviation ‘l’esstéo’ a été
remplacé par un équivalent néerlandais ‘de Adé’ ce qui renvoie au ‘Arbeidsdienst’, un service
de travail obligatoire pendant la Seconde Guerre Mondiale.233 Le terme J3 a été remplacé par
un mot très général, ‘menssuh’, probablement pour éviter des problèmes de compréhension.
De cette manière on perd l’allusion à la Seconde Guerre mondiale, mais c’est en faveur de la
compréhensibilité du texte.
La dernière subcatégorie est pleine de traductions normales, sans modification de
l’orthographe. Ici et là, Tuin a essayé de transcrire le langage parlé, par exemple par la
création d’une coagulation phonétique : ‘kwilliessandus’. Nous voudrions encore remarquer
que la traduction n’est pas aussi richesse que l’original, en ce qui concerne les différentes
manières d’écrire un mot. Queneau utilise par exemple trois manières d’écrire le mot ‘peutêtre’ et Tuin les a tous traduit par ‘msgien’ ce qui est une bonne transcription du langage
parlé, mais il y a donc moins de variation dans la version néerlandaise.
Dans l’ensemble, nous pouvons conclure que Tuin a, consciemment ou non, manqué
beaucoup d’occasions pour modifier l’orthographe néerlandaise, par la transcription du
langage parlé. De ce fait, la réforme de l’orthographe est moins riche dans la traduction
néerlandaise que dans le roman original.
6.2. La traduction de l’abréviation de mots
Pour la traduction des abréviations et la chute de lettres, il en est de même que pour la
transcription du langage parlé. Le termes français ont d’autres caractéristiques que leurs
traductions néerlandaises et à cause de ces différences nous devons constater qu’après la
traduction il ne s’agit plus de la même type d’abrègement. L’effet de la traduction des termes
dont Queneau a supprimé le ‘e’ muet est comparable à celui des catégories qui portent sur le
233
Soeters. ‘Arbeiddienst’ Nederland in de Tweede Wereldoorlog – 18.06.2010
http://www.tweede-wereldoorlog.org/arbeidsdienst-introductie.html
69
remplacement du ‘x’. La traductrice doit d’abord traduire le sens, et s’il n’y a pas de ‘e’ muet
qu’on peut laisser tomber dans la traduction, elle doit chercher une autre manière à traduire la
modification de l’orthographe. Ainsi que la traduction de la transcription phonétique, les deux
catégories de la chute du ‘e’ muet, sont plein de traductions en néerlandais non modifié. Si
Tuin a modifié l’orthographe, elle a fait cela en supprimant des lettres et en liant plusieurs
mots. De cette manière plusieurs coagulations phonétiques sont créées, parce qu’il s’agit de la
liaison d’au moins trois mots. Ces coagulations sont clairement basées sur le néerlandais
parlé, qui lie parfois des mots, sans que ceci est prescrit.
En examinant la catégorie de la chute du ‘e’ muet à l’intérieur des mots, nous pouvons
voir que Tuin a traduit ‘À rvoir’ de deux manières différentes: ‘tossiens’ et ‘tsiens’. À certains
points la richesse de la réforme de l’orthographe est donc perdu, mais de tels exemples
compensent cette perte. Ce que nous voyons aussi dans la deuxième subcatégorie, c’est que le
pronom personnel ‘ik’ est parfois réduit à ‘k’ et lié au mot qui le suive, ce qui correspond bien
à la prononciation familière ou populaire du néerlandais. De plus, nous pouvons retrouver des
exemples de dévoisement, par exemple de la consonne fricative ‘z’ qui est remplacée à l’oral
par son équivalent sourde ‘s’ (‘sooskalsei’234), ce qui est caractéristique pour le néerlandais
parlé et en outre le dévoisement augmente.235 Il est positif que la traductrice à ajouté de tels
éléments qui sont propre au néerlandais parlé à sa traduction. De cette manière le lecteur à
vraiment l’impression de lire un discours écrit dans la langue parlée.
En ce qui concerne la réduction du pronom personnel ‘il(s)’, il y a moins de
possibilités de le réduire en néerlandais qu’en français. En néerlandais parlé, il est possible de
remplacer ‘hij’ par ‘ie’, s’il est précédé par le verbe ou par le mot ‘dat’: ‘denkt-ie’236 et ‘datie’.237 Le mot ‘ie’ est parfaitement oral, nous ne le retrouvons jamais dans la langue écrite et
de plus, il fait partie du langage familier ou populaire.
Quant à la catégorie de mots dont Queneau a supprimé des lettres finales et auxquels il
a ajouté une apostrophe pour le lier au mot suivant, nous devons remarquer qu’en néerlandais
l’utilisation de l’apostrophe n’est pas très courante. Il n’y a qu’une traduction dans laquelle il
est question d’une abréviation plus une apostrophe, à savoir ‘’t was’238 (‘het was’), mais ici
l’apostrophe n’a pas la fonction de lier le mot abrégé au mot suivant. Par contre, elle se trouve
234
Queneau. Zazie in de metro. p.57
Velde, Hans Van de, e.a. ‘De verstemlozing van de fricatieven in Standaard-Nederlands. Een onderzoek naar
taalverandering in de periode 1935-1993.’ dbnl – 19.06.2010
http://www.dbnl.org/tekst/veld005vers01_01/veld005vers01_01_0001.php
236
Queneau. Zazie in de metro. p.50
237
Ibidem, p.147
238
Ibidem, p.59
235
70
au début de l’article abrégé. Pour ce qui est du reste des traductions de cette subcatégorie,
Tuin n’a fait rien pour modifier l’orthographe. Il en est de même pour la dernière
subcatégorie, dont Queneau à modifié l’orthographe officielle en laissant tomber des lettres,
sans que ceci ait des conséquences pour la prononciation. Tuin n’a fait rien de spéciale avec
ces mots.
Nous pouvons conclure que cette catégorie n’a pas été traitée différemment de la
catégorie qui porte sur la transcription de la prononciation. Parfois, Tuin a modifiée
l’orthographe sur le modèle de la prononciation néerlandaise, mais souvent elle a traduit les
mots modifiés par des termes normales. En ce qui concerne les traductions, nous ne pouvons
plus séparer la catégorie des abréviation de celle de la transcription du langage parlé. Nous
regrettons que la réforme de l’orthographe de ces catégories est beaucoup moins présente dans
la traduction que dans le texte original et nous sommes d’avis que Tuin a du représenter plus
de caractéristiques de la prononciation néerlandaise dans sa traduction.
6.3. La traduction de la liaison
La liaison est un phénomène linguistique caractéristique pour le français. Au quatrième
chapitre, nous avons vu qu’en français il y a des règles en ce qui concerne la liaison, mais en
néerlandais il n’existe pas de règles pour ce phénomène linguistique. Cela ne veut pas dire
qu’en néerlandais, on ne lie jamais un mot à un terme qui le suive directement. Dans la
catégorie que nous venons de discuter, il y a par exemple le mot ‘kattat’239 ce qui est une
sorte de coagulation phonétique pour ‘ik had dat’, mais ici il ne s’agit pas d’une liaison, mais
d’une transcription de ce qu’on dit quand on utilise le registre familier, car le registre courant
et le registre soutenu ne supportent pas une telle prononciation. C’est qu’en néerlandais il n’y
a pas de règles qui obligent la liaison.
En effet, il n’est alors pas possible de traduire la transcription de la liaison et son
absence. C’est qu’elle est une caractéristique du français parlé, mais pas du néerlandais parlé,
donc il n’est pas logique que Tuin a introduit ce phénomène dans sa traduction. Quand nous
examinons le tableau avec la traduction de la (fausse) liaison et son absence, nous pouvons
voir qu’il n’y a effectivement pas de liaisons dans la traduction néerlandaise. Souvent la
traduction consiste d’un néerlandais normale, donc il n’y a plus rien de spéciale en ce qui
concerne ces particularités du roman original. Pourtant, Tuin a parfois essayé de changer
239
Queneau. Zazie in de metro. p.148
71
l’orthographe de la traduction, pour que le caractère spéciale de ces phrases ne se perde pas
totalement.
Dans certains cas, l’écriture ressemble quand même à la liaison française. Parmi les
traductions, il y a par exemple l’expression suivante : ‘’t izzun schok’.240 Ceci est la
transcription de la prononciation familière de ‘het is een schok’. Nous pouvons voir qu’on a
lié la consonne finale du mot ‘is’ à la voyelle initiale de l’article indéfini. De plus, le ‘s’ est
devenu sonore (‘z’) et la traductrice l’a doublé, ce qui met l’accent sur ce son. Une telle
‘liaison’ correspond parfaitement à la liaison obligée du français. Ce qui est remarquable,
c’est que cette traduction qui comporte quand même une sorte de liaison caractéristique pour
la langue parlée du registre familière, est la traduction d’une phrase dans laquelle Queneau a
ajouté un ‘h’ pour éviter la liaison.
Dans la plupart des cas, Tuin a donc traduit les exemples d’une liaison marquée à
l’écrit par un néerlandais avec son orthographe normale, mais elle a aussi utilisé la
transcription du langage parlé pour marquer le caractère spéciale de ces phrases dans
l’original. Elle a fait cela par la réduction de l’article ‘het’ à ‘’t’, la jonction de mots (comme
‘hebbuzzook’ et ‘vragus’) et la modification de l’orthographe (‘tiep’). En principe, nous
sommes d’avis qu’elle a pu faire cela avec toutes les traductions dans cette catégorie. Bien
que la liaison soit un phénomène linguistique qui est n’est pas propre au néerlandais, ce n’est
pas une mauvaise idée de quand même indiquer d’une manière ou d’une autre que Queneau
n’a pas utilisé l’orthographe officielle. De cette manière on garde l’effet d’une orthographe
modifiée, qui éclate aux yeux.
6.4. La traduction des coagulations phonétiques
Quand le lecteur ouvre la traduction néerlandaise, le premier mot qu’il voit est une
coagulation phonétique et de cette manière il sait immédiatement que ce roman est un roman
spéciale. Il est clair que Tuin a fait de son mieux pour bien traduire ces éléments typiques du
roman, qui sont caractéristique pour le style de Queneau. Les plus belles traductions sont
‘Sdammunstankier’, ‘Wajjuzzeevuzzei’ et ‘sjarlumgusmeertis’. Cette première coagulation
phonétique n’est pas une traduction littérale de la phrase qui a été réduite à
‘Doukipudonktan’. Ce n’est plus une question, mais plutôt une constatation de Gabriel. Il
n’est pas facile de bien séparer les différents mots dont la coagulation consiste, mais nous
240
Queneau. Zazie in de metro. p.148
72
croyons que c’est la transcription phonétique monophasée de la phrase : ‘Is dat me een stank
hier’. Pour la deuxième coagulation phonétique, Tuin a doublé quelques lettres et pour la
dernière de ces trois exemples elle a même transcrit la prononciation du prénom ‘Charles’.
Dans son ensemble, les coagulations phonétiques ne sont pas facile à déchiffrer, et
l’effet de cela est que le lecteur doit s’arrêter à ce mot, pour le lire plus attentivement et de
cette manière il est plus conscient du phénomène de la langue. Malheureusement, ceci n’est
pas le cas pour toutes les traductions. ‘Salonsalamanger’ se lit plus difficilement que le mot
‘zit-eetkamer’. Une solution est peut-être la suppression du trait d’union ce qui donne
‘ziteetkamer’, qu’il faut probablement lire deux fois, parce que l’accent a changé. Au premier
vu, le lecteur lit dans ce cas ‘ziteet’ comme un seul mot, ce qui fait en sorte qu’il ne
comprend pas le mot et qu’il faut le lire encore une fois.
Dans son article sur la traduction anglaise de Zazie, Sanders signale que le traducteur
est parfois confronté à des éléments qui lui offrent plusieurs possibilités de traduction. Elle
donne l’exemple de l’énoncé ‘skeutadittaleur’ qu’on pourrait traduire par ‘wotcher jussaid’,
ce qui représente bien l’anglais parlé.241 Le problème est qu’on a dans ce cas un énoncé qui
consiste de deux parties en anglais, tandis que l’énoncé français est ‘monophasé’.242 Sanders
montre que dans la traduction anglaise on a traduit ceci par ‘wotchersaidjusnow’, ce qui ne
représente pas bien l’anglais parlé mais, mais qui conserve l’effet du texte original à savoir
l’obligation de lire le texte plus attentivement et l’effet de défamiliarisation.243 Par cet
exemple, elle indique qu’un traducteur doit parfois rompre avec les normes de la langue
cible, pour conserver l’effet du texte original. Nous sommes complètement d’accord avec
cela et aussi nous croyons que Tuin a pu créer encore plus de coagulations phonétiques pour
la traduction de cette catégorie. Ce n’est pas grave si le lecteur ne comprend pas tout suite ce
qu’on veut dire, car cela est exactement l’effet de ce phénomène quenien.
Dans l’ensemble, nous sommes très contents avec la traduction de cette catégorie et
nous voudrions encore remarquer que Tuin n’a pas seulement traduit les coagulations
phonétiques par des agglutinations sur le modèle de la prononciation néerlandaise, mais
qu’elle a aussi créé des coagulations phonétiques à d’autres endroits dans le roman. Un
exemple de cela est ‘kwilliessandus’, ce qui est la traduction de ‘jveux ottchose’, que nous
avons classé dans la catégorie de la transcription du langage parlé. La traductrice maîtrise très
241
Sanders. ‘Translating Queneau’s français parlé in Zazie dans le métro and Le chiendent’, p.44
Ibidem
243
Ibidem
242
73
bien la création de ces éléments spécifiques du roman et sa traduction témoigne d’une grande
créativité dans ce domaine.
6.5. La traduction des mots étrangers à l’orthographe modifiée
Outre l’utilisation de langues étrangères que nous avons traité au troisième et cinquième
chapitre, Queneau a modifié l’orthographe des éléments de langues étrangères. Il s’agit en
effet de la francisation de termes étrangers et pour la traduction néerlandaise il est alors
important qu’il ne faut pas tout simplement copier ce vocabulaire dont l’écrivain a modifié
l’orthographe, comme Tuin a fait avec les mots étrangers non modifiés. C’est que dans un
texte néerlandaise, on ne peut pas utiliser des termes francisés. Il faut adapter les mots
étrangers au néerlandais.
En ce qui concerne les termes anglais francisés, une sorte de franglais, Tuin a inventé
quelques belles traductions, comme ‘heppibeursdeejtoejoe’, dont le lecteur comprend encore
que c’est de l’anglais, mais qui est écrit à la néerlandaise. Une autre bonne traduction est ‘bainait’, ce qui correspond également à la prononciation néerlandaise, mais une traduction qui
n’y correspond pas est ‘koiboi’. À notre avis, les Néerlandais ne le prononcent pas de cette
manière et une meilleure transcription de la prononciation serait ‘kouwboi’. Parmi les
traductions de cette subcatégorie, nous avons constaté quelque chose de remarquable. Le mot
‘bloudjinnzes’ a été traduit par le mot normal ‘spijkerbroeken’, mais aussi par ‘bloedjiens’.
Nous ne comprenons pas pourquoi Tuin n’a pas seulement utilisé la deuxième traduction, qui
est plus fidèle au texte original et pas incompréhensible, autrement Tuin ne l’avait pas du tout
utilisée. Nous trouvons qu’il faut traduire tous ces mots francisés par des mots adaptés au
néerlandais. Pour cette raison nous proposons les traductions suivantes, comme alternatives
pour les traductions en néerlandais normal :
Texte original
bicose
policemane
plède
ouisqui
Traduction
bikos
poliesmen
pleet
wiskie
Il en est de même pour la traduction de l’expression allemande, qui a été traduit par une autre
expression allemande, parce qu’elle fait partie d’un fragment qui a été remplacé par un autre
texte pour en garder l’humour. Au cinquième chapitre nous avons déjà traité ce
remplacement. Ce n’est pas grave que Tuin a remplacé l’expression, mais elle a du modifier
son orthographe pour garder l’effet. L’italien par contre, a été bien traduit.
74
Les latinismes du texte original, ne sont plus de latinismes dans la traduction, parce qu’il
difficile, voire impossible, de traduire le sens de ces mots et en même temps garder l’aspect
latin. De plus, le mot latin dont Queneau a modifié l’orthographe a été traduit par un mot
néerlandais, tandis que le mot ‘quidam’ se trouve dans le dictionnaire néerlandaise244, mais
probablement Tuin l’a traduit par un terme néerlandais, parce que cela est plus
compréhensible pour le lecteur néerlandais. Le terme qui appartient au français régional n’a
pas été traduit par un mot néerlandais qu’on n’utilise que dans une certaine région. Après la
traduction, nous avons plutôt l’impression qu’il s’agit d’un anglais non modifié : ‘taximan’.
En général, nous pouvons dire que la traductrice a bien traduit cette catégorie, mais
comme toujours nous avons trouvé quelques points d’amélioration.
6.6. La réforme de l’orthographe dans la traduction néerlandaise
Dans ce chapitre, nous avons vu qu’il n’est pas du tout facile de bien traduire la réforme de
l’orthographe. À cause des différences entre la langue source et la langue cible, il est souvent
impossible d’utiliser la même méthode pour modifier l’orthographe officielle. Il est question
de glissements ou même d’une disparition de la réforme de l’orthographe. Pourtant, Tuin a
également trouvé de bonnes manières de traduire l’écriture anormale et parfois elle a même
utilisé une orthographe modifiée dans la traduction de mots qui sont écrits selon les règles
orthographiques officielles.245 De telles traductions ne sont pas traitées dans ce chapitre,
parce qu’elles tombent dans les catégories de la réforme du vocabulaire, car nous avons
composé les catégories à la base du texte original et non pas à partir de la traduction
néerlandaise.
Ce n’est pas la qualité d’éléments du texte dont on a modifié l’orthographe, qui est un
peu décevante, mais c’est la quantité. Il y a plus de mots avec une orthographe basée sur la
langue parlée dans le texte original, que dans la traduction néerlandaise. La réforme de
l’orthographe est moins vaste dans la traduction. Pourtant, cela n’empêche pas que le lecteur
du roman néerlandais, remarque que l’orthographe dans ce roman diffère à certains points de
l’orthographe officielle et que c’est la prononciation des mots qui est reflétée par
l’orthographe modifiée. Grâce aux bonnes traductions, par exemple les coagulations
phonétiques, le lecteur se rend quand même compte du fait que la langue parlée et la langue
244
245
Dikke Van Dale
Le mot argotique ‘le marida’ a par exemple été traduit par ‘tuwulluk’.
75
écrite diffèrent fortement l’un de l’autre et heureusement, l’effet de la réforme de
l’orthographe n’est alors pas complètement perdu.
Dans ce chapitre, nous avons donné quelques suggestions spécifiques pour améliorer
la traduction et enfin nous voudrions encore donner un dernier conseil. La réforme de
l’orthographe nous fait penser à un langage typique, à savoir le langage SMS. Du temps de la
parution du livre et de la parution des premières traductions, le SMS n’existait pas encore,
mais de nos jours ce type de langage peut aider à améliorer la traduction. Les SMS sont des
messages en abrégé, dans lesquels on utilise une ‘manière d’écrire les mots en phonétique’.246
De plus, l’effet de ce type de langage est le même que celui de la réforme de l’orthographe de
Queneau. Marc Lits souligne que le langage SMS démontre l’idée suivante :
… la langue n’est pas un code imposé une fois pour toutes par des autorités politiques,
scientifiques ou éducatives, mais un outil de communication dont les règles de
fonctionnement peuvent se construire de manière collective et évolutive.247
Au premier chapitre, nous avons vu que Queneau explique dans un de ses articles, qu’il y a
beaucoup de personnes qui s’opposent à la réforme de l’orthographe.248 En effet, il en est de
même pour le langage SMS, car beaucoup de gens croient que ce langage envahit
l’orthographe officielle.249
Il existe déjà des dictionnaires du langage SMS qui peuvent servir comme une source
d’inspiration.250 Il ne faut absolument pas utiliser trop d’éléments de ce langage dans la
traduction du livre, parce qu’il ne faut pas en faire un roman complètement différent. La
traductrice ne doit certainement pas utiliser des termes qui appartiennent clairement au
langage SMS, comme ‘w8ff’, car le SMS n’existe pas encore dans le roman de Queneau.
C’est tout simplement pour se faire une idée des possibilités de la réforme de l’orthographe.
Nous sommes d’avis que ce n’est pas une mauvaise idée si la traductrice se laisse inspirer par
le langage SMS, pour une révision éventuelle. De cette manière, elle peut être bien inspiré en
ce qui concerne la réforme de l’orthographe, sans qu’elle s’éloigne trop de l’original.
246
Laclair, Agnès. ‘Quand le langage SMS envahit les copies du bac’. [19.05.2008] – 20.06.2010
http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/05/17/01001-20080517ARTFIG00653-quand-le-langage-sms-envahitles-copies-du-bac.php
247
Fairon, Cédrick, e.a. Le langage SMS. Louvain-la-Neuve: Presses universitaires de Louvain, 2007.
248
Queneau. ‘Écrit en 1955’.
249
Laclair.
250
Par exemple : Dictionnaire SMS – 20.06.2010 http://www.dictionnaire-sms.com/
C’est un dictionnaire du langage SMS français, qui comporte des mots comme: ‘komencava’. Ceci est une
coagulation phonétique que Queneau aurait pu utiliser. Il est donc clair qu’il y a des ressemblances entre
l’orthographe modifiée de Queneau et le langage SMS. Il y a aussi des dictionnaires du langage SMS
néerlandais dont la traductrice néerlandaise peut se servir.
76
Conclusion
Après avoir étudié les idées de Queneau sur la langue et le langage, avoir analysé le langage
typique dans Zazie dans le métro et avoir regardé d’un œil critique sa traduction en
néerlandais de Jenny Tuin, nous pouvons conclure que Sanders avait raison : Chez Queneau
tout tourne vraiment autour du langage. Au premier chapitre, nous avons vu que Queneau est
absolument persuadé du fait que le français protégé par les institutions officielles, n’est plus le
français tel que les Français le parlent. Il est d’avis qu’il faut donner à la langue parlée le
statut d’une langue autonome et Queneau appelle cette nouvelle langue le néo-français. Pour
faire en sorte que le néo-français puisse devenir une vraie langue à part, il faut qu’il s’écrit et
pour pouvoir réaliser cela Queneau propose une triple réforme du français traditionnel. Nous
avons vu que Queneau a appliqué ses théories sur la langue dans Zazie et que le néo-français
commence a prendre forme dans se roman.
Au deuxième chapitre nous avons vu qu’il n’est pas facile de traduire la langue parlée
utilisée dans un texte écrit. Henjum explique qu’il faut entre autres faire attention à la
connotation du langage, à sa fonction et aux éventuelles différences entre la compréhensibilité
et l’interprétation de l’original et de la traduction. Van Maris explique à son tour qu’en
examinant une traduction, on constate souvent des glissements par rapport à l’original. Il
arrive par exemple qu’un traducteur traduit le langage populaire par le langage courant et ceci
cause un changement de l’effet du langage. Il n’y a donc pas mal de points auxquels le
traducteur doit faire attention. Après avoir traité ces théories sur la traduction, nous avons
établit une méthode d’analyse pour pouvoir analyser les deux éléments les plus importants du
langage dans Zazie, à savoir le vocabulaire et l’orthographe.
Au troisième chapitre, nous avons analysé six types de vocabulaire, qui sont
caractéristiques pour le langage dans le roman de Queneau. Nous avons traité le vocabulaire
familier, qui fait fortement penser à la langue parlée, ainsi que les abréviations et l’argot. De
plus, nous avons parlé du grand nombre de gros mots dans le roman et du rôle des langues
étrangères. La dernière catégorie du lexique que nous avons traitée consiste de néologismes,
qui sont très importants pour le roman, parce qu’ils contribuent à la réforme du vocabulaire
existant, car ce sont tous de nouveaux mots.
Au quatrième chapitre, nous avons analysé l’orthographe modifiée que Queneau
utilise dans le roman. Tout comme au troisième chapitre nous avons créé plusieurs catégories
portant sur la transcription de la prononciation, l’abréviation de mots sous l’influence de la
77
prononciation rapide, la liaison et son absence, les coagulations phonétiques et la modification
de l’orthographe des langues étrangères. Nous avons constaté qu’il n’est pas facile de bien
séparer ces catégories, parce que les différents types de modification de l’orthographe sont
fortement liés l’un à l’autre. Après tout, toute l’orthographe modifiée est basée sur la langue
parlée.
Tous ces chapitres, nous donnent la possibilité de donner une réponse à la première
partie de la question centrale : quelles sont les caractéristiques du langage typique dans Zazie
dans le métro ? Le langage typique dans ce roman de Queneau est composé de différents
types de langages. Queneau utilise le français traditionnel, mais surtout la langue parlée, qu’il
veut avancer. Il a réformé le français sur trois points et ce sont surtout la combinaison de
différentes types de vocabulaire, qui ont tous leurs propres caractéristiques et leur propre
effet, et la réforme de l’orthographe qui sont importantes. À cause du caractère non homogène
du langage, il est difficile de donner une définition concrète et brève des caractéristiques de ce
langage, mais le premier chapitre et les chapitres d’analyse, nous en donnent une bonne
impression. L’orthographe modifiée éclate aux yeux et la combinaison de diverses types de
vocabulaire crée un langage très riche, qui influence le caractère du roman. Ensemble, tous les
éléments dont le langage typique est composé font en sorte que le lecteur se rende compte des
différences entre la langue parlée et la langue écrite, et l’orthographe modifiée prouve que
l’orthographe est un système arbitraire. Bref, le langage typique nous fait conscient du
concept de la langue.
Le caractère non homogène du langage complique la traduction du livre, mais pourtant
le roman a été traduit en néerlandais. Les chapitres dans lesquels nous avons traité la
traduction néerlandaise de Jenny Tuin, nous aident à donner une réponse au reste de la
question centrale : comment ce langage a-t-il été traduit en néerlandais par Jenny Tuin et
quelles sont les conséquences de la traduction ? Pour pouvoir traduire le néo-français de
Queneau, il faut en effet créer une sorte de néo-néerlandais qui a les mêmes caractéristiques
que le langage typique de Queneau. Nous avons vu que beaucoup d’éléments du texte ont été
bien traduits par Tuin. Dans chaque catégorie, il y a de belles traductions et elle a par exemple
bien traduit les langues étrangères, les coagulations phonétiques et beaucoup de termes
familiers. Nous croyons qu’elle a vraiment essayé de traduire ce langage typique le mieux
possible. Pourtant, nous avons aussi constaté des glissements par rapport au texte original.
Malheureusement, les traductions de mots ne tombent pas toujours dans le même catégorie
que l’original. Nous avons par exemple vu qu’il arrive parfois que Tuin a traduit des mots qui
appartiennent aux registre familier par des mots qui appartiennent au registre courante, ou
78
nous avons vu des mots argotiques dont la traduction ne fait pas partie du vocabulaire
argotique néerlandais. Nous avons vu que ces glissements peuvent être dus aux différences
entre la langue source et la langue cible et dans ce cas ce n’est pas la faute de la traductrice
qu’il y a une différence entre le langage original et celui de la traduction. Ces glissements
forment une conséquence inévitable de l’acte de traduction. Pourtant nous avons également
constaté que certains glissements sont quand même la ‘faute’ de la traductrice. Dans ce cas,
nous avons donné quelques conseils pour améliorer la traduction et pour éviter des pertes
inutiles de la richesse et de l’effet du langage.
De plus, une autre conséquence de la traduction est qu’une grande partie de la
modification de l’orthographe a été perdue. Il n’est pas possible d’utiliser les même méthodes
pour la modification de l’orthographe dans la traduction néerlandaise, que dans le roman
original, parce que les caractéristiques du français parlé diffèrent de celles du néerlandais
parlé et ceci se manifeste clairement dans la modification de l’orthographe. Tuin a du inventer
d’autres manières pour changer l’orthographe sur le modèle de la prononciation et elle n’a pas
toujours fait cela. La conséquence est que la quantité de modifications de l’orthographe a
diminuée par l’acte de traduction, ce qui est très dommage.
Heureusement, l’effet général du langage typique de Zazie a été conservé. Le lecteur
de la traduction remarque sans doute que le langage dans ce roman est très caractéristique et
que le vocabulaire et l’orthographe modifiée sont basés sur la langue parlée. Ainsi que dans
l’original, la différence entre la langue écrite et la langue parlée éclate aux yeux, malgré le fait
que certains éléments ont, inévitablement ou pas, été perdus par la traduction. Nous sommes
d’avis que Tuin a fait une traduction assez bonne, mais elle peut toujours l’améliorer. Le
langage dans la traduction n’est pas encore le meilleur équivalent possible du langage
original.
De plus, la langue change tout le temps et nous sommes d’avis que la traduction de ce
roman doit suivre ces changements. Après tout, Queneau était d’avis qu’il ne faut pas faire
survivre les éléments d’une langue qui sont désuètes et si nous embrassons ce point de vue,
nous pouvons conclure qu’on peut continuer à modifier la traduction. Ce roman spéciale reste
alors toujours un sujet de recherche intéressant.
79
Bibliographie
Livres :
Blank, Andreas. Literarisierung von Mündlichkeit : Louis-Ferdinand Céline und Raymond Queneau. Tübingen :
Narr, 1991.
Calvet, Louis-Jean. L’argot. Paris: Presses Universitaires de France, 1994.
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Holkema, 1969.
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Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007
Le Trésor de la langue française informatisé http://atilf.atilf.fr/tlf.htm
Dikke Van Dale informatisé http://surfdiensten.vandale.nl.proxy.library.uu.nl/
Van Dale Frans-Nederlands informatisé http://surfdiensten.vandale.nl.proxy.library.uu.nl/
‘Dictionnaire de la langue française’ L’internaute Encyclopédie – 07.06.2010
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/pejoratif/
Endt, Enno. Bargoens woordenboek: kleine woordenschat van de volkstaal. Amsterdam: Bakker, 2003
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Armstrong, Marie-Sophie. ‘ « Zazie dans le métro » and Neo-French’. Modern Language Studies 22:3 (1992) :
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Barthes, Roland. ‘Zazie et la littérature’ (1959). Essais Critiques. Paris : Éditions du Seuil, 1964. p.125-131
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Fourcaut, Laurent. ‘Parole et langue: l’authencité perdue’. Queneau, Raymond. Zazie dans le métro. Paris:
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Henjum, Kjetil. ‘Gesprochensprachlichkeit als Übersetzungsproblem’. Kittel et al. Übersetzung,Translation,
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Maris, Berthold van. ‘ « Doe effe normaal, oké? » – Het vertalen van spreektaal’. Onze taal : maandblad van het
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80
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---. ‘Conversation avec Georges Ribemont-Dessaignes’ p.35-47
---. ‘Langage académique’. p.49-52
---. ‘Connaissez-vous le chinook ?’ p.55-63
---. ‘Écrit en 1955’. p.65-94
Rolland-Nanoff, Dominique. Zazie dans le métro et la traduction de l’humour en littérature. Mémoire de fin
d’études. Université de York, 2000.
Sanders, Carol. ‘ « Pourquoi on dit des choses et pas d’autres ? » Translating Queneau’s français parlé in Zazie
dans le métro and Le chiendent’. Centre de recherches en traduction et stylistique comparée de l’anglais et du
français. Niveaux de langue et registres de traduction. Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1996.
Le français dans tous les sens. Une introduction à la linguistique française historique et moderne. Le polycopié
du cours ‘Le français dans tous les sens’ de l’Université d’Utrecht, imprimé en 2007.
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Blanche-Benveniste, Claire et Mireille Bilger. ‘ « Français parlé – oral spontané » Quelques réflexions’ Équipe
de Recherche en Syntaxe et Sémantique – 26.05.2010
http://w3.erss.univ-tlse2.fr:8080/index.jsp?perso=pery&subURL=etudiants/SL0014/CBB-Bilger.pdf
Chevrier, Matthieu. ‘L’Histoire des Pieds Nickelés’ Les Pieds Nickelés - 06.04.2010
http://matthieu.chevrier.free.fr/bio.html
Depondt, Paul. ‘Zazie krijgt de metro niet te zien’ [15.01.2009] De Volkskrant – 14.06.2010
http://www.volkskrant.nl/archief_gratis/article597758.ece/Zazie_krijgt_de_metro_niet_te_zien
Feenstra, Marcel. ‘Bargoens voor beginners’ Voor beginners – 15.06.2010
http://www.voorbeginners.info/bargoens/
Gacek, Marie-Jo. ‘Les gros mots: une dérive aux multiples facettes’. [28.09.2007] Il est vivant ! – 06.06.2010
http://ilestvivant.com/Les-gros-mots-une-derive-aux.html
Gezundhajt, Henriette. ‘Autres procédés de lexicalisation: l’abrègement’. [1998-2009] Linguistes – 04.06.2010
http://www.linguistes.com/mots/abregement.html
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http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/05/17/01001-20080517ARTFIG00653-quand-le-langage-sms-envahit-lescopies-du-bac.php
Lacroux, Jean-Pierre. ‘Troncation’. Orthotypografie. 04.06.2010 http://www.orthotypographie.fr/volumeII/telegramme-troncation.html#Troncation
Moormann, J. ‘De geheimtalen deel II, bronnenboek’. [15.02.1934] dbnl – 15.06.2010
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Nedloni, Isis. ‘Bargoens ingeburgerd’ [22.07.2006] Volkskrant – 15.06.2010
http://www.vkblog.nl/bericht/63693/BARGOENS_INGEBURGERD
Soeters. ‘Arbeiddienst’ Nederland in de Tweede Wereldoorlog – 18.06.2010
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81
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Velde, Hans Van de, e.a. ‘De verstemlozing van de fricatieven in Standaard-Nederlands. Een onderzoek naar
taalverandering in de periode 1935-1993.’ dbnl – 19.06.2010
http://www.dbnl.org/tekst/veld005vers01_01/veld005vers01_01_0001.php
Articles sur Internet sans auteur :
‘Du françois au français’ Académie française – 31.05.2010
http://www.academie-francaise.fr/langue/index.html
‘Mots nouveaux ou néologismes’ Académie française – 31.05.2010
http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#motnouveau
‘Néologisme’ [2002] Office québécois de la langue française – 31.05.2010
http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4083
‘Glossaire français-anglais de terminologie linguistique’ SIL International – 03.05.2010
http://www.sil.org/linguistics/glossary_fe/glossary_index.asp?searchlang=b&search=v&qual=good&type=
‘Niveaux de langage’. Études littéraires – 26.05.2010
http://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/niveaux-de-langage.php
‘Langue française: quelques règles de liaison’ Études littéraires – 13.06.2010
http://www.etudes-litteraires.com/regles-de-liaison.php
‘Registres de langue’ Encyclopédie-enligne – 12.06.2010
http://www.encyclopedie-enligne.com/r/re/registre_de_langue.html
‘Un bref aperçu de l’évolution de l’orthographe française’ Orthographe recommandée – 11.04.10
http://www.orthographe-recommandee.info/pourquoi_1.htm
‘Prononciation de il’ Podcast français facile – 12.06.2010
http://www.podcastfrancaisfacile.com/podcast/2007/07/prononciation-d.html
‘Uitspraak slot-n’ Nederlandse Taalunie – 18.06.2010 http://taaladvies.net/taal/advies/tekst/47/
‘Victor Hugo (1802 – 1885)’ Victo-Hugo.info – 05.06.2010 http://www.victor-hugo.info/
‘Korte geschiedenis van de AIVD’ Algemene Inlichtingen- en Veiligheidsdienst – 14.06.2010
https://www.aivd.nl/musea/museum-aivd/korte-geschiedenis
Entrée « neus » Synoniemen.net – 14.06.2010 http://synoniemen.net/index.php?zoekterm=neus
‘Bargoens - Alfabetische woordenlijst’ Voor beginners – 15.06.2010
http://www.voorbeginners.info/bargoens/alfabetisch-a-m.htm?ref=Sex%C5%9Ehop.Com
‘Bon anniversaire Zazie’ Apibeursdé touillou Zazie ! 50 ans Zazie dans le métro de Raymond Queneau –
21.06.2010 http://www.ville-lehavre.fr/zazie/Index.html
‘Zazie dans le métro de Louis Malle’ La France au Canada : Ambassade de France – 21.06.2010
http://www.ambafrance-ca.org/spip.php?article3034
‘Catalogues’ Les Éditions Gallimard – 21.06.2010 http://www.gallimard.fr/
Image :
Zazie dans le métro
http://laboiteamots.fr/blog/wp-content/uploads/2009/10/9782070361038.jpg
82
Annexes
Au deuxième chapitre nous avons expliqué que nous avons établit une grande liste avec toutes
les particularités du langage typique dans Zazie dans le métro. À partir de cette liste nous
avons créé des catégories, de tous les types de vocabulaire et tous les types de modification de
l’orthographe, que nous avons traités dans cette recherche. Chaque catégorie comporte le
texte original et la traduction de Jenny Tuin. Ces sont les catégories dans ces annexes,
auxquelles nous avons référé dans les chapitres d’analyse et les chapitres sur la traduction
néerlandaise.
Index des annexes
 Annexe I : Les catégories du vocabulaire ………………………………….
p.84
Vocabulaire familier ……………………………………………….
p.84
Abréviations (A) ………………………………….……………….
p.89
Argot ……………………………………………………………….
p.89
Gros mot et vocabulaire vulgaire …………………………………..
p.90
Langues étrangères (A) …………………………………………….
p.93
Néologismes ………………………………………………………..
p.93
 Annexe II : Les catégories de l’orthographe modifiée ……………………..
p.96
Transcription du langage parlé ……………………………………..
p.96
Abréviations (B) ……………………………………………………
p.98
Liaison ………………………………………………………………
p.100
Coagulations phonétiques …………………………………………..
p.100
Langues étrangères (B) ……………………………………………..
p.101
83
Annexe I: les catégories du vocabulaire
Vocabulaire familier
Zazie dans le métro
A
Fille(s)
mouflette
mouflettes
la gosse
gosselines
poupée
fillette
môme
gamine
B
C
D
E
F
251
Traduction de Jenny Tuin
meiske
kleine meisjes
het kind
kleine meisjes
deerntje
lieve kind
kippetje
kind
Enfants
mômes
Kinderen
Homme(s)
costaud
armoire à glace
jules
pote
coquin
gaillard
galapiat
prétentiard
refoulé
tonton de famille
bonhomme
farauds
minet
reus, tarzan
gevaarte
bink, kloris, kerel,
vrind, reuze kerel
vrijer, kloris, knulletje
vrind
slampamper
hebberd
gefurstreerd mannetje251
allemansoom
mannetje
branieschoppers
knulletje
Femme(s)
dinde
gonzesse
mousmé
aanstellerig
griet
grietje
Hommes et femmes
minus
smalah
feignants
radins
slechts
horde
slampampers
krentenkakkers
Boire et manger
la croûte
patates
la bouffe
lampées
godet
litrons
cette graine
flotte
râpé
de bik
aardappels
het voer, de bik
slokjes
glaasje
liters
die hap
water
geraspte kaas
Modification basée sur la langue parlée
84
je me taperais
Zazie […] patauge dans le jus
elle a tout liquidé
liche
picoler
croûter
je bouffe
régale
siffle tout
casser une petite graine
casser la graine
ça s’arrose
s’en jeter un
pour leur arroser la dalle
gobé
gobergez-vous
le zinc
bibine gazeuse
G
H
I
J
Partir
prendre le large
on s’éclipse
je me tire
zou ik lusten
Zazie […] kliedert rond in het
kooknat
ze alles verzwolgen heeft
likt
pimpelen
eten
vreten
trakteer
slaat alles naarbinnen
een kleinigheidje eten
zijn hap nuttigen
we drinken er eentje op
D’r eentje nemen
om ze vol te gieten
opgeslurpt
doe jullie te goed
het zink
borrelende vocht
s’est tiré en douce
elle s’est barrée
se sera barré
j’ai filé
foutu le camp
se carapate
faire une fugue
ophoepelen
ik moet nu weg
op te stappen, ik ga er meteen
vandoor
is er stilletjes tussenuit geknepen
ze heeft de benen genomen
heeft de benen genomen
ben ik er tussenuit gegaan
is ervandoor
gaat er vandoor
een slippertje maken
Argent
à gauche
pour pas cher
pas un rond
le fric
achterhouden
goedkope
geen rooie cent
de poen
Tête
citrons empoilés
ta pomme
tronche
behaarde knikkers
die kop van jou
koppen
Bruit / faire du bruit
tintouin
beugler
gueulait
râler
rumoer
schallen
schreeuwde
tieren
K
Mots passe-partout / mots combinés avec un mot passe-partout
ce truc-là
dat geval daar
transtrucs en commachin
gemeentelijke toestanden van
vervoergevallen
Sainte-Chose
Sainte-Dinges
truc-chose
dinges-geval
L
Substantifs
85
M
tarin
Barbouze
fesses
bide
attirail manucure
bidon
bahut
voiturin
bagnoles
boulot
métier de feignant
souk
plumard
son nid
bacchantes
pébroque
mon petit Noël
corrida
culot
tatanes
godasses
la lourde
blagues
mythe
mégot
hublots
une trotte
salamalecs
contredanses
dégoulinade
bled
frusques
cochonnerie
saloperie
le conjugo
bordel
pelure
sa planque
casseur
bouquin
rigolade
passage à tabac
boucan (somnivore)
calotte
marrante
cambrousse reculé
voorgevel
Bévédé
zitvlak
maagstreek
manicure-etui
brandhout
voertuig, kar
wagen
wagens
karwei
luizenbaan
kraampje
donswaarts
haar huisje
snor
plu
kerstcadeautje
corrida
lef
schoenen
kistjes
de deur
smoesjes
Fabeltjes !
peuk
kijkgaten
een hele tippel
plichtplegingen
een bekeuring
stroom
dorp
spullen
vunzigheden
smeerlapperij
de wettige bijslaap
stinktent
jurk, vel
zijn stekkie
inbreker
boek
gekkigheid
een pak slaag
(slaap)sabotage
mep
grappig ding
plattelandsgehucht
Adjectifs et adverbes
tarte
moche
épaté
chouette
dégueulasse
rétamé
sourdingue
bien tassé
réquinqué
planqué
uitgekookt
lelijk
overdonderd
charmant
armoejiger
--stokdoof
stevige
opgekikkerde
weggestopt
86
N
252
vaseux
emmerdante
tannante
dingue
trouillard
pouacre
culottés
foutus
gratiné
myrmidonne
sidérante
amoché
moches
fortiche
deuzio
ultra-chouette
aftandse
wat zeurt
zeuren
getikt
schijterig
gore
hebben wel babbels
verrekte
volkomen geschift
mieren
maaiende
gehavende
waardeloos
bijdehand
ten tweede
superfantastisch
Verbes
fignoler
voiturer
se grouiller
déconnes
déconner
bossaient
dégoter
m’emmerde
barbotait
épater
faucher
foutre
feinter
bousiller
dérouiller
roupillait
moisir
pisser
péter
en biglant
cueilleras
que tu trimbales
a été pêcher
dégoisais
faudrait pas charrier
mouché
ça me débecterais
subodora
affranchir
toquait
trifouiller
je ne me la farcis pas
charriez
je vous saute dessus
je l’ai fourgée
dégoiser
a coursé
embarquèrent
zorgvuldig samen te stellen
rondtuffen
opschieten
leutert
raaskallen
werkten
vandaan had gehaald
kom om m’n kop zeuren
pikte af
overbluffen
pikken, afpikken
aanpakken
erin luizen
koud maken
aftuigen
lag te pitten
verschimmelen
wateren
geknapt
met een schuine blik
kunt opvangen
wat je daar bij je hebt
hebt opgepikt
afdraaide
neem ons in de maling252
afgepoeierd
ik zou dat niet moeten
meende te bespeuren
in te lichten
werd geklopt
gemorreld
ik haar niet versierde
leutert
bespring ik u
ik heb haar gestald
kosten
heeft nagejaagd
gooiden […] de wagen in
Ici, Tuin n’a pas traduit le verbe ‘charrier’ comme un verbe.
87
a refilé
se dégonflaient
remorqua
se faire repérer
O
Expressions253
elle est mordue
donner la beigne
pousse la seringue
fait tourner le moulin
un chouïa
répète un peu voir
eu une telle trouille
T’as eu les jetons ?
j’étais démerdé comme un manche
tu te la coules douce
ça te la coupe
en vadrouille
ça a fait assez de foin
maman pouvait pas blairer papa
faire des papouilles
tu y passera à la casserole
Pas bête la guêpe, hein?
elle l'a foutu à la porte
Fous-moi la paix
se fendent la pipe
ça va barder un brin
Il serait chiche de le faire?
au trot
on tire un coup
décolla ses fesses de sus
ça me fout le vertige
Tu me faitigues les méninges
vzêtes rien snob
T'es pas chiche
Allons grouillons !
que ça saute
Il leur a tapé dans l'oeil
foutre une tarte
faire du plat à mon tonton
Je tiens à ma peau
Je manque vraiment de pot
raquer un rond
Démerdez-vous
rien bath
se rafistola le visage
un coup de bigophone à passer
tu boucles la lourde
ça colle
faites bien gaffe
c'est bien ma veine
je vous fous la trouille
à poil
ça tourne pas rond
j'en ai soupé
253
hebt geleverd
zakten in elkaar
sleepte […] mee naar binnen
herkend worden
ze is smoor
Een dreun geven
de spuit indrukt
de molen aan het draaien brengt
een tikje
Zeg noggus wat je daar zei
zo in de rats gezeten
Zat je in de rikketik?
ging het me allerberoerdst
je kunt je gemak ervan nemen
daar sta je van te kijken
aan de boemel
d'r is anders genoeg over te doen
geweest
dat mama papa niet kon luchten
zitten knuffelen
je gaat voor de bijl
Niet stom bekeken hè?
heeft ze hem de deur uit geschopt
Bemoei je d'r niet mee
zich bescheuren
dan zwaait er wat
Zou hij het lef hebben?
als de bliksem
dan wordt er even gestoeid
licht zijn zitvlak van
daar krijg ik de duizeling van
Jij zeurt me de kop gek.
U bent ook mooi kieskeurig
Dat durf je niet
Vooruit, opschieten
as de bliksem
Ze zijn helemaal weg van hem
een optater verkopen
gesjans tegen mijn oom
M'n leven is me te lief
ik tref het toch werkelijk niet
iets af te schuiven
zoek 't dan zelf maar uit
echt chic
maakt zich vlug een beetje op
bellen
gooi je de deur op slot
dat goed zit
let wel!
Ik tref het wel
Ik jaag u de stuipen op het lijf
alles uit!
ik ben de kluts kwijt
dat ik er [nu] m'n buik van vol heb
Des locutions qui ne peuvent pas être coupées en plusieurs parties.
88
on vous a pas sonné
c’est le même tabac
il était un peu faux jeton sur les bords
On en avait marre
elle va nous les casser
Ça va chier
C’est rien chouette
ça se gâte
fait la foire
Il se fout la gueule par terre
sa vie était chamboulée
Il va m'épater
elle la boucle
Abréviations (A)
Zazie dans le métro
Troncation
A
Apocope
un tac
le tac
gars
les gars !
le frome
tartine de frome
croco
Amerlo
autos
micro
restau de luxe
le Sébasto
un homo
formi
B
apéro
proprio
C
Aphérèse
orama
we hebben u niks gevraagd
van hetzelfde laken een pak
hij was welbeschouwd niet helemaal
pluis
hadden we er genoeg van
Is ze van plan [nog lang zo] te blijven
etteren?
Dat wordt hommeles
Leuke boel
Dat loopt mis
aan de boemel geweest
Met z’n kop pardoes op de grond
was ze overstag
Dat zou me van ‘m meevallen
ze doet stijf haar mond dicht
Traduction de Jenny Tuin
een tax
de taxi
vent
jongens !
de kaas
kaasboterham
krokodil
Amerikaan
auto’s
microfoon
luxe eethuis
de Sébastopol
een hormo
geweldig
Apocope + -o
aperitiefje
huisbaas
orama
Argot
A
Zazie dans le métro
Personnes
malabar
Amerlo
mec
gougnafier
tas de caves
fleur de nave
bourin
flicard
une lope
fiotte
Traduction de Jenny Tuin
poteling
Amerikaan
sul
niksnut
stelletje gapers
uilskuiken
diender
smeris
een mie
slijmbal
89
B
C
D
E
F
Parties du corps
étiquette
étiquettes
derche
baba
pipe
cassis
gehoorschelp
gehoorschelpen
achterste
trut
strot
koppen
Substantifs
glasse
bectance
tôle
entôlage
pacson
sa tire
bada
la lourde
éconocroques
pourliche
coinstot
guérite
le marida
crampettes
chabanais
bigorne
blase
fouillouse
Préfectance
valoche
glaasje, glas
voer
nor
wederrechterlijk toe-eigening
pak
zijn kar
hoofddeksel
de deur
spaarduitjes
fooi
buurt
commandotoren
tuwulluk
stuiptrekkingen
herrie
offensief
naam
zak
klabakkarium
koffer
Adjectifs
planqué
verstopt
Verbes
J’ai […] gambergé à
ce qu’elles gambergent
ils entravent
aboulez-moi
Ikzelf […] heb […] over […]
nagedacht
wat er in ze omgaat
ze snappen
overhandig me
Expressions
pollop
écluser votre godet
tu boucles la lourde
faisait le tapin
alors gy
aller en tôle
Quel tapin?
me parle marida
c’est le marida
op je hoofd
doet [wel lang] over dat glaasje
gooi je de deur op slot
liep te tippelen
vurruittan
de bajes indraaien
Hoezo tippelen?
praat me over trouwen
stappen de boot in
Gros mots et vocabulaire vulgaire
Zazie dans le métro
A
Termes péjoratifs
une méchante
rombière
Traduction de Jenny Tuin
een nare meid
mens
90
B
C
ostiné
gâteux
minable
minable
un minable
populace
moucheron
gogos
rombière
nantis
croquants
petite mule
stijfkop
snoepers
kale boel
wat achterlijk
om een cent te geven
gepeupel
onderkruipsel
goegemeente
matrone
bezitters
botteriken
muilezeltje
Insultes
cochon
gorille
foireux
espèce de con
dégueulasse
petite tête
eh lope
gy
sorcière
con
grossière merde
ptite vache
lourdingue
culottée
nigaud
coyon
zwijn
gorilla
schijtlaars
klootzak die je bent
smeerlap
stuk onbenul
Marie
Mackie
heks
lummel
grote flapdrol
klein loeder
sufferd
haaiebaai
klootzak
klootzak
Gros mots
merde alors
merde de merde
oui ou merde
mon cul
con
conne
connerie
fais pas lcon
t’es moins con que t’en as l’air
foutue
foutus
fichtre
grève de mes deux
de mes deux
occupez-vous de vos fesses
fesses moulées
avaient une pétoche monstre
gueule
casser la gueule
vous crache alors en pleine gueule
en plein poire
en pleine poire
colique
ta putain de nièce
cancrelat
salauds
verdomme nogtoe!
verdomme nogtoe
ja of nee
amme gat
flauwekul
stom
stommiteit
doe niet zo lullig
Je bent minder stom dan je eruitziet
naar de bliksem
verrekte
bliksem
kullerustaking
van heb ik me jou daar
dat gaat u geen bliksem aan
gevormde achterwerk
zaten enorm in de schijterij
tronie
de hersens in te slaan
spuugt je dan pardoes in je gezicht
pal in het doel
pal in zijn gezicht
zenuwentroep
die sloerie van een nicht van jou
druiloor
schoften
91
D
E
salauds complets
vaches
la vache
veau
crouilles
Fridolins
Frisous
une pédale
tante
un pédé
tapettes
roussins
flic
flicmane
un faux flic
cons
cons
têtes de cons
salope
enflé
andouille
la vieille taupe
vieille soucoupe
ce vieux débris
cinglés
fumier
gougnafier
satyre
dégoûtant satyre
doortrapte schurken
lammelingen
de schoft
lummel
Arabieren
Fritzen
Fritzen
een flikker
nicht
een ruigpoot
nichten
plisie
smeris
diender
een nepsmeris
klootzakken
idioten
sullige koppen
loeder
opgeblazen kwast
lummel
die ouwe taart
ouwe sok
dat ouwe wrak
mesjokkene figuren
etter
lummel
kinderverkrachter
smerige kinderjager
Jurons
sacrebleu
Nondguieu
Sacré bavard de mes deux
Sacrée conarde
Sacrée connarde
Sacré cloche
Nomdehieus
le sacré con
bon dieu
crénom
Sacré Gridoux
sacré béguin
crénom
palsambleu
sacré maladroit
wat een rotstreek
Gotsammeliefhebbe
ouwe kletskous die u bent
dekselse aap
dekselse aap
ouwe zwerver
nondejuus
sacré-knurf
voor de donder
verduiveld
dekselse Gridoux
razende zin
potverdorie
sakkerloot
stomme eend
Mots vulgaires
chier
connasse
branler
chier
la terre verte
m’allonger
pesten
mirakel
bekokstoven
zeiken
grasland
op m’n rug ga liggen
92
Langues étrangères (A)
Zazie dans le métro
A
allemand
natürlich
Schnell ! Schnell !
B
C
D
E
F
Traduction de Jenny Tuin
natürlich
Schnell! Schnell!
anglais
the reason why this man Charles
went away
She knows why and she bothers
me quite a lot
Most interesting
Where are we going now?
Hello !
my gretchen lady
catch
the reason why this man Charles
went away
She knows why and she bothers me
quite a lot
Most interesting
Where are we going now?
Hello!
my gretchen lady
catch
espagnol
adios amigos
adios amigos
italien
spaghetti
in petto
tutti quanti
anch'io son pittore
spaghetti
ien petto
tutti quanti
anch'io son pittore
latin
Ne suctor ultra crepidam
Usque non ascendam
Male bonas horas collocamus si
non dicis istu puellae
primo
veritas odium ponit
victis honos
Ne suctor ultra crepidam
Usque non ascendam
Male bonas horas collocamus si non
dicis istu puellae
dat om te beginnen
joci causa... keep smiling... kyrie
eleison...
Combinaison du français et une langue étrangère
vulgue homme Pécus
vulgus homo pecus
le hic de ce nunc
De hic van deze nunc
le quid de ce quod
de quid van deze quod
adios amigos amen et toc
adios amigos amen en schluss
Go, femme
Go, meid!
djinns bleus
blauwe djiens
mêle-toi de tes cipolles
bemoei je met je eigen zaken
Néologismes
Zazie dans le métro
A
Mots-valises
midineurs
métrollybus
fligolo
téléphonctionner
guidenappeurs
bellicose (l’uniforme)
squeleptique
caromba
Traduction de Jenny Tuin
twaalfuurders
metrollybussen
hartsklabak
telefunctioneren
gidsneppers
vanweguzuttuniform
skelepties
caromba
93
cônerie
colochaussent
hanvélo
B
C
D
Mots dérivés de mots existants
américanophile
lessivophiles
stoppés
lichtkegel
schuiven weer achter ons aan
agent-te-fiets
euréquation
alléchée
vicelardises
factidiversialité
voui, vuvurre
vuvurrèrent
bazardeur
lunettes antisolaires
hormosessuel
hormosessualité
hypospadie balanique
bénévolence
alexandrinairement
xénophones
décibélité
se débouchonner
morigénateurs
guidenappé
(conséquences) emmerdatoires
déconnances
en deuxième position
jus de bière
cicerona
salle de café
bulbulement
dans l’endimanché
natissements
bibleries
la racontouse
moisonneur
charabiaïsent
la somnie
(meute) limonadière
noctinaute
pro-Amerikaans
pro-wasketel
tot stoppen gedwongen
automobilisten
eurekatie
verlekkerd
gorigheden
gemengde nieuws
O j-j-ja, stamelt
lispelen
dumpman
zonnebril
hormoseksueel
hormoseksuwaliteit
balanische hypospadie
welwillend
op zijn alexandrijns gezegd
xenofonen
nog wat decibels
vlot raken
moralistieke
genepte gids
gedonderjaag
geouwehoer
dubbel geparkeerde
biersap
zet […] uiteen
cafélokaal
schuim
in zijn zondagse pakje
panden
bijbelarijen
iets dat ik kwijt moet
--koeterwalen
de slaap
schenkershorde
nachtelijk
Mots forgés sur un nom
zaziques
la trouscaille
trouscaillonne
adamiaque
mouaquien
mouaquienne
halliers
l'eau anatomique
faire charluter
berlitzscoulien
zaziaanse
Trouscaillon
trouscaillaanse
--mouaquiaanse
weduwlijk
markthallers
atoomwater
een charlambool laten maken
van al hun berlitz-kennis
Dérivations préfixales
rerentre
gaat er weer in
94
E
F
G
pseudoconnivence
surhurlèrent
pseudo-verstandhouding
overbrulden
Nouveaux sens
terre-neuve
emboutisseur
mensenredder
rammer
Combinaisons de mots
vert-anxieux
tailleur deux-pièces salle de bains
avec un chemisier porte-jarretelles
cuisine
aquagazeux
Inventions
subtruque
paneuses
angst-groene
huismantelpakje met een tuinbloeze
en keukenjarretels
spuitwater
toevoegt
brokkelige
95
Annexe II: Les catégories de l’orthographe modifiée
Transcription du langage parlé
Zazie dans le métro
A
x > s / ss
espliquer
esspliquer
esprès
esprès
s’esclame
estrême
esprimer
escursion
à l’eccès
esplique
s’esclame
escuses
espliquer
au massimum
s’esclama
sessualité
esprima
escusa
esposées
s’escusa
espérimenteront
espliqua
esploités
l’esploitent
esplications
B
C
D
Traduction de Jenny Tuin
een verklaring te geven
uitleggen
espres
espurres
roept uit
voorbeeldig
uit te drukken
speurtocht
overdreven
legt [het haar] uit
brult
neem me niet kwalijk
verklaren
maksimum
brult
seksuwaliteit
sprak uit
haar niet kwalijk kon nemen
blootgesteld
vroeg permissie
verkennen
verklaarde
zwoegers
buiten ’t uit
verklaringen
x > gz
gzactement
egzagérons
gzakt
egzagère
egzamina
egzagérer
gzactement
par egzample
egzemple
egzistance
prussies
overdrijven
inderdaad
zit in te hakken
peilde
overdrijven
precies hetzelfde
bijvoorbeeld
voorbeeld
leven
‘eu’ et ‘ff’
meussieu
meussieu
exeuprès
neu teu plaiseu
ffine efflorescence
ffransouèze
munneer
meunheer
espurres
jou niet zint
fienefleur
Franse
Sigles et lettres écrit selon leur prononciation
vécés
wésé
exétéra
enzovoort
tévé
tévé-apparaatje
96
l’esstéo
vé té
esse
jitrouas
E
de Adé
--u
menssuh
Orthographe correspondant à la prononciation (courante ou populaire)
upu
had kunnen
il y en u
dat er waren
utu
had gehad
ça eille été
was
voui
j-j-ja
Vvui
j-ja
Voui
Ja-a-ah!
koua à koua?
wat van wat?
kouak ce soit à kouak ce soit
ook maar wat van wat ook maar
passque
want
pisque
--non pus
evenmin
bin sûr
nogal glad
pimpons
pingpongs
pimpon
pingpong
quèque chose
ja
kèkchose
isdriets
manman
mams
moman
moesje
ma moman
mijn mama
jveux ottchose
kwilliessandus
psittaco-analyste
pisigiater
autt chose
--chsuis
ik ben
ptête
msgien
ptêtt
msgien
p-têtt
msgien
xa
--xa
zo
xa
dat dat
ce xé
waddatis
vott dame
die dame van u
vott gout
--vott tutu
uw tutu
pas croyab
Niettugguloven
probab
wellicht
possib
Hoe bestaat 't
staprès-midi
vanmiddag
match de foute
voetbalwedstrijd
Dacor
akkoord
Dakor
toegegeven
tète
hoofd
tôste
toost
encré
verankerd
vlà
daar komt
la vlà
present
vlà
hier ‘s
çui-là
die daar
mdame
mevrouw
oscurité
in ’t donker
artisses
artiesten
97
Abréviations (B)
Zazie dans le métro
Traduction de Jenny Tuin
A
La chute du ‘e’ muet à l’ intérieur d’un mot
ptite mère
moedertje
ptit type
kereltje
À rvoir
Tsiens
À rvoir
tossiens
msieu
meneer
ptit
jonger
ptite
jonger
rgardez-moi
kijkussier
là-ddans
daarin
dssus
--B
La chute du ‘e’ muet à la fin d’un mot
ltrain
de trein
lmétro
de metro
lbousiller
‘m koud maken
lcoin
de buurt
jparie
kwilwedden
Jm’en fous
lammekoud
J’m’en fous
mij laat de zaak koud
jl’ai déjà
hekkal
jveux
ik wil
jraconte
zakdan vertellen
mdonner
me te bezorgen
jvous ai dit
sooskalsei
jlui ai répondu
zeg ik terug
cqu'elle
wat
mfaucher
me afpikken
tparler
je wil spreken
mles
‘m van mij
mdéfendre
me verdedigen
jte lrappelle
Ik herinner je d'r [alleen maar] aan
lrappeler
niks te herinneren
Jl'avais
ik was ‘t
mla
--rpasser
langs zien komen
scon
wat een mens
squi
spullen
tout dmême
evengoed
mchercher
mij halen
mcomprendre
me [niet] begrijpen
t’en as dla suite
je bent aardig vasthoudend
jvais
ik zal
je mpromène
ik maak een wandelingetje
jvous [..] mdites [..] prévnir
Nogmaals [...] zegt 't me [...]
waarschuwen
jprévoyais [..] dmande [..] msieu
kattat niet voorzien [...] moekeffe [...]
munneer
rpasserez
mag u wel weglaten
skalibre
zo’n doortrapte
faut sméfier
linke soep
C
Il / ils > i
i va pas
i croit
kan hij nog steeds niet
denkt-ie
98
D
E
i sont
i va
Ah ça, i faudrait voir
i faut
i parle
serait-i
i comprendront pas
i dit qu’i veut pas
I sramène
Isra
ircommence
die is
hij gaat
wat zullen we nou hebben zeg
hoef je
hij zegt
--zullen ze het niet begrijpen
hij zegt dat-ie niet wil
hij is [...] terug
zouwie
hij begint weer
Chute d’une lettre + apostrophe
T’as compris ?
t’es
t’étais
t’énerve pas
ç’avait
ç’aurait
libre comme l’r
pauv’veille
st’année
T't'déranger toi?
c’en était
Snap je?
je bent
je was
wind je niet op
het was
het [...] zou zijn geweest
vrij als een vogeltje
ouwe stakker
dit jaar
jou storen
’t was
Chute d’une lettre qui ne change pas la prononciation
marer
’t is om je kapot te lachen
je me marais
ik lachte me rot
faire marer
aan het lachen te maken
bourreau d’enfant
kinderbeul
stope
remt af
99
Liaison
A
B
C
Zazie dans le métro
Liaison
izont
izz applaudissaient
Traduction de Jenny Tuin
izan voyaient
jamais zétés
bin nonnêtes
vzavez pas l’air
vzêtes
vzallez voir ce que vzallez voir
vzétiez
hebbuzzook
de mensen hebben [mama zelfs]
toegejuicht
die […] meemaken
nooit […] hebben
heel schappelijk
ziet u er niet
--u zallus wat zien
u zat
Fausse liaison
va-t-à-z-eux
moi zossi
boudain zaricos verts
ton zoizo
vzêtes zun mélancolique
dmanddzi254
komt naar hen toe
voor mij ook
bloedworst-met-sperzieboontjes
je vogel
u bent een echt somber tiep
vragus
Absence de liaison
c'est hun cacocalo que jveux
c'est hun dégueulasse
c'est hà moi
c'est hurgent
c'est hun choc
Va hi
deux hanvélos255
En ik zeg dat ik een cacocalo wil
huttizzun vunzerd
van mij is
’t is dringend
't izzun schok
Zettumop!
twee agenten te fiets
Coagulations phonétiques
Zazie dans le métro
Doukipudonktan
Skeutadittaleur
essméfie
cexé
Singermindépré
salonsalamanger
Lagoçamilébou
a boujplu
A boujpludutout
Ltipstu
voulumfaucher
ladssa, iadssa
asteure
kouavouar
charlamilébou
Traduction de Jenny Tuin
Sdammunstankier
Wajjuzzeevuzzei
ze laat zich niks wijsmaken
wattutwellis
Sengzjermengdippree
zit-eetkamer
Twurmispleite
Paf, azzun blok
Doodstil
De vent zwijgt
me wilde afpikken
Zitwattin, zitwattin
op dat uur
Watsien
sjarlumgusmeertis
254
D’après Rodrigo López Carrillo, il s’agit ici d’une fausse liaison de ‘demande-lui’.
López Carrillo, Rodrigo. ‘Procédés de création de mots nouveaux dans le langage populaire et dans l’argot’.
Dengler Cassin, Roberto. Estudios humanísticos en homenaje a Luis Cortés Vázquez, Volume 1. Salamanca :
Gráficas Varona, 1991. p.487
255
‘Hanvélo’ est un exemple d’un mot dans lequel beaucoup de choses sont combinées: le ‘h’ qui évite la liaison,
la transcription phonétique et la liaison de ‘en’ et ‘vélo’. De plus, nous pouvons le considérer comme un
néologisme.
100
vozouazévovos
de couaille
à kimieumieu
immbondit dssus
isrelève
Imdemande
Langues étrangères (B)
Zazie dans le métro
A
L’anglais – orthographe modifiée
bicose
bloudjinnzes
bâille-naïte
policemane
coboille
plède
cornède bif
ouisqui
apibeursdè touillou
sliptize
jugganzenjukkoeie
wasdat
om het hardst
bespringt-ie me
hij staat op
Dat vraagt-ie aan mij
Traduction de Jenny Tuin
omdat
spijkerbroeken / bloedjiens
bai-nait
politieman
koiboi
plaid
kornetbief
whisky
heppibeursdeejtoejoe
slipties
B
L’allemand – orthographe modifiée
fèr ghiss ma-inn nich't
--- jetzt geht's los
C
L’italien – orthographe modifiée
médza votché
mèdza vootsjé
Latinismes
transvecte
responsibilitas
adspicez
doorsnijdt
verantwoordelijkheid
let op
Le latin – orthographe modifiée
kidan256
manspersoon
D
E
F
256
Le français africain, belge et magrébin – orthographe modifiée
le taximane
de taximan
quidam
101

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