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- Dossier de création -
« LE COMMENCEMENT DES DOULEURS »
de Sony Labou Tansi
Tragi-comédie
"Messieurs, je vous le dis,
il y aura un grand trou dans le ciel.
Un grand trou juste au dessus de nous..."
La Mauvaise Compagnie
Adaptation et mise en scène : Samuel Wego
"La folie est la vraie mesure du monde."
Sony Labou Tansi
Le commencement des douleurs – Page 1
Tragi-comédie
« LE COMMENCEMENT DES DOULEURS »
de Sony Labou Tansi.
Par La Mauvaise Compagnie.
Adaptation et mise en scène
Samuel Bégot
Distribution (en cours)
Gratien Zossou, Hounhouénou Joël Lokossou, Nadège Rousseau, Carole Lokossou,
James Rémy Salanon, Franck Taponard, quatre musiciens...
Création lumières / création sonore
Jérôme Alaire / Yannick Chapuis
Musique (en cours)
Gangbé Brass Band
Scénographie et costumes (en cours)
Intervenants au Bénin
Au commencement du commencement………..……….....…..page 3
Le texte à l’origine du spectacle …………………………….......pages 4 - 5
Résumé,
Une tragicomédie,
Le commencement des douleurs au théâtre …………....…….pages 6 - 9
Adaptation-transposition,
Quelques intentions et pistes de mise en scène,
Musique, décors, sons, langue et langage.
Sony Labou Tansi.
Équipe de création …………………......…………………......……pages 10 - 12
Jouer au Bénin, en France et ailleurs… …………………......…page 13
« LE COMMENCEMENT DES DOULEURS » de Sony Labou Tansi.
Roman publié aux éditions du Seuil (1995).
Le commencement des douleurs – Page 2
1. Au commencement du commencement
"Si l'on regarde ce que j'écris, il y a une prière faite aux hommes,
à tous les hommes, s'il vous plaît, soyons vivants."
(Toutes les citations dans ce dossier sont de Sony Labou Tansi, extraites
du «Commencement des douleurs», de différents textes et entretiens).
Quand on s'intéresse au théâtre en Afrique, à son histoire et à ses auteurs, on en arrive
naturellement au dramaturge congolais Sony Labou Tansi. Il en est un acteur marquant,
libre et singulier, autant par les sujets qu'il a abordés en une approche originale de la
modernité que par son invention langagière.
«Le Commencement des douleurs» (publié à titre
posthume) n'est pas, à l'origine, un texte de théâtre,
mais le cinquième roman de cet auteur. La
théâtralité de ce texte, le langage, les dialogues, les
rebondissements de l’intrigue, la profusion des
personnages, leur beauté, leur sagesse, leur
exubérance, et de nombreuses situations : procès,
diverses cérémonies, pourparlers et disputes,
carnaval, chants, danses... sont très inspirants pour
la création d’un spectacle vivant.
Avec comme point de départ une improbable
cérémonie traditionnelle ratée, «Le Commencement
des douleurs», œuvre à la fois désespérée et pleine
d'espoir, narre une humanité perdue, piégée,
condamnée à se réinventer sans cesse pour
perdurer. Le texte est riche, humoristique et
métaphysique et je souhaiterais en faire naître une
belle tragi-comédie. Une fresque de la condition
humaine inscrite dans la durée car le temps est un
acteur fondamental de cette histoire.
Quelque chose échappe à la compréhension, ce qui
est en même temps inquiétant et très stimulant. Il y a
une invitation à reconsidérer la vie – «reconsidérer»
dans tous les sens du terme – et j'aimerais
soumettre cette invitation aux spectateurs.
"Hoscar Hana, je vous aime.
Entendez cela ou bien je perdrai
la signification du monde."
À la suite du Fitheb 2006 (Festival International de Théâtre du Bénin) auquel participaient
des amis, j'ai eu l'occasion, expérience riche, de vivre trois mois au Bénin. J'y ai rencontré
des comédiens qui pourront porter haut le texte du «commencement des douleurs»
notamment Gratien Zossou auquel j'ai tout de suite pensé en découvrant le personnage
de Hoscar Hana et Joël Lokossou, avec lequel j'ai déjà partagé plusieurs expériences
théâtrales et qui, par sa grande expérience du monologue et ses forts potentiels
tragicomiques, s'impose comme narrateur.
Ils me rendent confiant en cette entreprise, car je sais qu’il se passera toujours quelque
chose sur scène, quelque chose de vivant, de l’ordre de la beauté, de l’essentiel
insaisissable…
Le commencement des douleurs – Page 3
2. Le texte à l’origine du spectacle
Résumé
À Hondo-Noote, petite ville construite entre un volcan et l'océan, aussi menaçants l'un que
l'autre, on se méfie des ricanements de la Fortune. Heureusement, les éléments naturels
ont toujours prévenu ses habitants des pièges que leur tendait l'Histoire. Mais lorsqu'une
cérémonie rituelle - le mariage symbolique d'une enfant avec un vieil homme - tourne
mal, tout le monde sent bien qu'il y aura des conséquences et que plus rien ne sera
comme avant.
Un baiser léger et ritualisé doit être donné du bout des lèvres au cours de cette
cérémonie. Mais le savant Hoscar Hana, ivre et emporté par on ne sait quel démon, en
donne un bien trop appuyé à la petite Banos Maya qui, ensorcelée par sa salive, mêlant «
le rance du tabac indien et le miasme de l'agave allié à l'odeur de l'oignon et à l'effluve de
l'absinthe-sodabi », clamera désormais son dérangeant amour fou pour le vieil homme.
Ce simple «baiser pour rire» raté, donné en dehors des règles, devenu une terrible
transgression, semble provoquer le déchaînement des esprits et rompre tous les équilibres
(entre hommes et femmes, sociaux, environnementaux...) jusqu’au chaos. Une telle
entorse à la coutume n'annonce-t-elle pas la fin des temps? Les réponses que délivre la
nature, sous forme de sinistres, catastrophes et cataclysmes variés, se révèlent plutôt
sybillines.
Banos Maya devenue jeune femme, son amour se double d’un désir tyrannique. À ses
vingt ans, toute la communauté se met à souhaiter un vrai mariage pour tenter de réparer
ce qui peut encore l'être. Hoscar Hana tentera lui, dans une lutte contre tous, acharnée et
pleine d'astuces (dont la fabrication d'une ceinture de chasteté), par rationalisme, pour
résoudre une énigme fondamentale et pour quelques raisons secrètes, d'échapper à ce
mariage et à son destin.
Cette histoire pleine de rebondissements, à la fois course en avant comique et tragédie de
onze années, nous est racontée par un narrateur soucieux de témoigner. Il le fait avec un
bel humour qui semble lui échapper autant que les événements qu'il décrit. Le
dénouement, rapide comme la modernité, est un coup de théâtre «sidérant».
Le commencement des douleurs – Page 4
Une tragi-comédie
"J‘en appelle au rire de sauvetage.
J’exige le courage tragique de se marrer en connaissance de cause."
(Note au metteur en scène. Moi, veuve de l’empire, Oct. 87)
Ce qui touche d'abord dans «Le commencement des douleurs», c'est la force de l'humour.
Mais au delà de cet humour (et avec lui), le texte révèle plein d'autres richesses. Il est
métaphysique, complexe, fait de multiples paradoxes à l'image de l'humanité ; il est
porteur de vie et de mort intimement mêlés (on a pu parler, pour Sony Labou tansi,
d'«écriture du chaos»). C'est une belle matière à porter au théâtre.
"Hélas! On ne rit pas des dents du destin. Pas impunément en tout cas. "
«Le Commencement des douleurs», est tout à la fois:
- Une tragi-comédie peignant une humanité qui se débat, comme elle le peut, face aux
éléments naturels, aux prophéties millénaires, aux dieux, au destin et à l'Histoire. Dans
cette lutte, l'irrationnel comme la raison semblent tout aussi inefficaces. Le titre peut
suggérer aussi l'enfantement (il en est question à la fin du récit) et par là même, la
punition divine, la perte du paradis terrestre et de l'immortalité, rappelant ainsi la tragédie
de la condition humaine.
« [Chez Sony Labou Tansi], les villes sont blotties entre l’eau et les roches, le flux et la
permanence, les événements et l’Histoire. Pourtant entre la pierre et l’eau, il n’y a pas
d’opposition, mais plutôt une étrange complicité. La pierre n’est jamais autant elle-même que
lorsqu’elle est entourée d’eau. L’homme n’a alors pas sa place. Il est un naufragé ballotté entre la
permanence de l’histoire et le flux des événements. Témoin impuissant de cette complicité de
l’océan et de la pierre, l’Homme n’existe que par elle, sur une fragile frontière où se constitue le
sens de sa vie et dont Sony Labou Tansi, dans ses trois derniers romans a relancé la genèse. »
Extrait de «Sony Labou Tansi ou la quête permanente de sens»(ouvrage sous la direction de Kadima Mukala).
"Quelle folie de jouer ainsi avec le destin!"
- Une fresque baroque de la peur avec, en fond, comme dans la pièce «Qu'ils le disent,
qu'elles le beuglent», une menace constante de la catastrophe, de la fin du monde, qui
porte en filigrane les bouleversements climatiques et nous met face à notre situation.
"Il n'y a que la fable qui nous permet d'approcher les choses..."
- Il s'agit aussi d'un récit allégorique
marquant la transition entre un monde de
croyances traditionnelles et un monde plus
rationaliste, le nôtre. Entre un monde
vivant dans une forme d'accord plus ou
moins harmonieux avec la nature mais
empêtré dans la complexité de liens
sociaux contraignants, de superstitions et
de cérémonies irrationnelles et un monde
en apparence moins fou mais qui, en
perdant la magie de la vie et le lien avec la
nature contre laquelle il lutte et qu’il
exploite sans se soucier des conséquences,
a perdu la raison et se conduit à sa perte.
"Le ciel viendra recoudre la terre. Tout sera
Ce que l'on entrevoit, c'est que les croyanpoussière d'or et d'argent. Ainsi naîtra
ces et les cérémonies traditionnelles, avec
le commencement de la fin de toutes les fins"
tout l'irrationnel qu'elle comportent, sont issues
de pensées et de connaissances qui permettent de vivre sur terre et d'y vivre ensemble, le
mieux possible. Ce n'est bien sûr pas parce qu'une cérémonie a été mal effectuée que la
catastrophe s'annonce, mais tout cela n'est-il pas le fruit d'une perte de savoirs
respectueux de l'environnement, une perte qui s'est peut-être traduite, à l'origine, par une
cérémonie mal effectuée ? Le commencement des douleurs...
Le commencement des douleurs – Page 5
3. « Le commencement des douleurs » au théâtre
Adaptation
"Il faut commencer à réfléchir en terme de textes-chantier qui laissent des ouvertures à tout moment.
Des choses sont projetées : aux acteurs de s'en abreuver et d'organiser un spectacle.[...]
Un texte doit avoir une dynamique, une dramaturgie, un rythme. Une direction de recherche.
Durant les répétitions, le travail avec les comédiens peut faire évoluer
le texte qui n'est plus qu'un "canevas". Il s'agit d'entremêler la mise en scène à l'écrit.
Le théâtre, ce n'est pas un travail d'écriture. C'est un travail de chantier, d'atelier.
C'est un laboratoire de comportement, un laboratoire d'inspiration aussi.
On tente une modernisation, une modernité."
Sony Labou Tansi était un homme de théâtre, l'oralité est forte dans ses romans, tous
construits autour d'un narrateur. En conservant le principe de narration, essentiel ici, «Le
commencement des douleurs» peut être facilement porté à la scène. Plutôt que
d’adaptation, il est plus juste de parler de transposition. Fidèle au texte d'origine, le
travail a consisté principalement à retranscrire les nombreux dialogues, à transformer
quelques précisions données par le narrateur en didascalies ainsi qu’à enrichir ces
didascalies de premières indications de mise en scène…. On s'inspirera de la pensée et de
l'approche théâtrale de Sony Labou Tansi. Cela nous donnera, entre autres choses, une
liberté avec le «texte-chantier» qui pourra évoluer au cours des répétitions.
Quelques pistes et intentions de mise en scène
"La mise en scène, c'est une aventure collective.
Suivant les répétitions, suivant les acteurs, suivant comment ils se sentent,
suivant le public, tu fais un spectacle différent, un spectacle vivant.
Il y en a qui écrivent leur mise en scène d'un bout à l'autre...
je ne le ferai jamais parce que c'est de la mort..."
Le spectacle débutera avec la déclamation délirante de Hoscar Hana «Messieurs, je vous le
dis, il y aura un grand trou dans le ciel. Un grand trou juste au dessus de nous...» pour se
poursuivre par la procession titubante du faux mariage, narrateur en tête, accompagnée
par un petit Brass Band en queue de cortège. Le narrateur s'approchera ensuite du public
pour lui adresser la parole.
Le spectacle fera vivre le récit en mêlant intimement narration et situations jouées. Le
narrateur pourra parfois se déplacer au cœur d'une scène comme un esprit invisible,
parfois être un des protagonistes présents au moment des faits, témoin privilégié, parfois
il pourra dire la pensée d'un personnage en sa présence et parfois même interpréter un
personnage, il pourra également se faire oublier.
Le théâtre a un caractère sacré et cérémonial qu'on pourra afficher ici pour se rapprocher
formellement du propos du «commencement des douleurs». Aussi, le comédien-narrateur
sera également «maître de cérémonie théâtrale», s'assurant que tout se fait dans les
règles.
"Même le temps s’était planté !"
Je souhaiterais que cette tragi-comédie, soit une fresque inscrite dans la durée - le
spectacle sera d’un peu plus de deux heures, avec un entracte - une durée nécessaire car
il s'agit d'un élément fondamental du «commencement des douleurs» qui se déroule sur
de nombreuses années. Le sens et l'humour se construisent par cette durée même.
Le commencement des douleurs – Page 6
Autre extrait de «Sony Labou Tansi ou la quête permanente de sens» :
« Tout événement doit normalement être recouvert, doublé, désamorcé par une célébration
sociale. Le procès double le meurtre, l’enterrement double la mort, la noce double le baiser…
L’événement sans sa doublure sociale est dangereux car il en appelle d’autres, car il entre en
résonance avec une multiplicité d’événements de toutes natures, de toutes époques, car il entre
dans un réseau événementiel qui échappe au contrôle humain. Le maire, le juge, l'abbé sont des
figures chargées de résorber l'événement, de l'inscrire dans l'histoire, de «l'effectuer». Le peuple
lui-même tente d'enraciner l'événement par des fêtes. […] le combat contre l’événement pur est
un combat contre la fortune, contre le destin. Célébrer l’événement revient à la fois à l'entériner
et à l’enterrer, c’est lui donner une place dans l’ordre social, c’est le fixer pour pouvoir continuer
à vivre après lui. Toutes les douleurs viennent du fait que la célébration est sans cesse reportée.
Le baiser marque une rupture, une sortie du temps. Entre le baiser et les noces qui le
régularisent s’ouvre le temps des douleurs, un temps à la fois frénétique et vacant. »
Ce sera une belle piste de réflexion et d'inspiration pour nous et ce sera certainement une
belle expérience théâtrale que d'explorer ce « temps à la fois frénétique et vacant ».
"Le théâtre est la seule chance laissée à l’homme de définir
sa nature profonde de simplicité magique."
Les rôles des mariés: Banos Maya et Hoscar Hana, seront tenus de bout en bout par une
comédienne et un comédien quand le narrateur, quelques comédiens et les musiciens
incarneront les multiples autres personnages.
Il s'agira pour les comédiens de raconter aussi avec une certaine présence.
"Mes acteurs ne jouent pas: ils vivent leurs peaux cassées*"
(* La peau cassée est une pièce de l'auteur).
Le récit porte une espèce de conscience de l'ivresse, d’un état second. A nous de nous en
approcher. L'auteur donne toute son importance à l'exubérance et à la folie certainement
nécessaires à l'humanité pour dépasser sa condition et d’où peuvent jaillir l'amour et la
vie. Folie amoureuse, folie du savant qui sauvera peut-être le monde des folies de la
science, folie superstitieuse, folie festive, folies multiples... Pas un habitant de HondoNoote qui - certainement sous l'influence du volcan, de la puissance de l'océan et des
éléments - ne porte sa part de folie et n'alimente ainsi le feu de vie de la communauté.
On pourra utiliser le chant, la danse et la variété des situations (scènes intimes comme
scènes de groupes, entrevues sérieuses comme bacchanales débridées...) nous invitera à
explorer différents genres théâtraux sans craindre le baroque et la loufoquerie. Si une
certaine simplicité «directe» est cherchée dans l'adresse faite au public, on pourra utiliser
un large panel de jeu allant d'une grande sobriété à l'exubérance, jusqu'à l'exagération la
plus outrée s'il le faut. Cependant on cherchera une grande sincérité. Chaque individu
compte à Hondo-Noote et il s'agira d'incarner ces personnages le plus respectueusement
possible.
Le choix des comédiens et comédiennes a été inspiré autant par leurs qualités de jeu que
par leurs personnalités. Au-delà du cadre narratif précis et exigeant, la mise en scène se
devra de leur offrir une grande liberté, de laisser vivre leurs inventivités et de s'enrichir de
leurs présences et d'un travail collectif.
Musique, décors, sons
Les musiciens interpréteront de nombreux personnages et le mini Brass Band jouera le
rôle d'un chœur. La musique (mélange de sonorités africaines, de salsa béninoise et
d'autres genres musicaux, parfois accompagnée de chants) sera ici fondamentale. Elle
soulignera les états traversés par les habitants de Hondo-Noote, rythmera les différentes
cérémonies et ponctuera les étapes de notre histoire. On utilisera certainement le rythme
Kpanouhoun, né de la sonorité des assiettes, pratiqué dans le sud-est du Bénin et à PortoNovo notamment pour demander une jeune fille en mariage.
Le commencement des douleurs – Page 7
Seule la maison de Hoscar Hana, surmontée d'un palmier, sa tour d'ivoire-laboratoire,
sera matérialisée. Le reste de l'espace, délimité par un arc de cercle incluant le public à la
communauté de Hondo-Noote, probablement par quelques plateaux, bancs et accessoires,
figurera tour à tour une place ou une habitation, la montagne, la plage... La narration, un
mouvement, un geste parfois, pourront nous faire passer d'un espace à l'autre mais
également d'un temps à un autre.
"...La montagne du côté de Wama-Hassa s'était
mise à hurler sans désemparer, poussant une
manière de barrissement entrecoupé de quintes et
d'éternuements fantastiques. Puis nous avions vu
et entendu les falaises de Balma-Yayos s'étirer
dans un cabrement d'ardoises fracassées..."
Le véritable décor du «commencement des
douleurs», ce sont les éléments naturels.
Quelques sons les incarneront, se glissant
parfois dans l'espace théâtral, accompagnant discrètement le récit, colorant
l'instant (vent, pluie fine, croassement des
crapauds) ou surgissant de façon anachronique et terrifiante, annonçant la catastrophe à
venir...
"Puis l'Océan cria, dans un fracas d'écume. C'était une sorte de cri bégayé qui montrait que les
épousailles si fortement souhaitées ne jouissaient pas de toutes les connivences ni de tous les
consentements."
Langue et langage
«Je pense qu'il faut essayer de souffler dans les mots comme on souffle dans le verre,
de souffler dans les mots, dans la syntaxe et créer sa propre langue».
«Or, ce qui m'intéresse, moi, ce n'est pas la langue française, c'est le langage
que je peux y trouver, à l'intérieur, pour arriver à communiquer».
Fruit d'une relation complexe avec la langue française (autant amicale que conflictuelle l'écrivain s'en est libéré en se la réappropriant), en interférence avec le kikongo, écho
d'inventions de la rue et de la campagne congolaise, la langue de Sony Labou Tansi a pu
être définie comme étant «une sorte de frankongo».
"Dans la langue de ma mère est posé un sous-langage, sous le dire,
un sous-dire qui agit de la même manière que le sucre dans l'amidon :
il faut mâcher fort pour qu'il sorte."
De sa langue maternelle, porteuse de sens cachés, de tournures oraculaires et
métaphoriques hermétiques pour les non-initiés, Sony Labou Tansi a conservé le sens
d'une force et d'un pouvoir d'évocation des mots (il était aussi poète). Le langage porte le
mystère du monde. Il s'agira aussi pour nous d'incarner cela sur scène, de faire vivre le
mystère et lorsqu'un personnage interviendra dans l'histoire pour dire «Le bât blesse», ou
un autre: «Le baiser commence à dire son mot», on veillera à donner tout son poids à
cette intervention.
Le commencement des douleurs – Page 8
Extrait : Le commencement du «Commencement des douleurs».
«Tout avait commencé par un baiser. Baiser de
malheur. Baiser puant. Nous pouvions tout
penser, tout envisager, nous à qui l'histoire avait
piqué cinq siècles. Mais, cette fois-ci, personne ne
voulut en croire ses yeux ni ses oreilles. Que
Diable! L'affaire nous sembla trop belle, le temps
trop mou, les circonstances trop mesquines.
Hondo-Noote. Petite bourgade blottie dans les
feuillages. Sans battage. Deux mille âmes au
grand complet. Cité finie, enfouie dans les pierres
rouges, face au promontoire de Wama-Hassa.
Nous étions, rien à faire, le vrai trou du cul du
monde, coincés entre les furies de l'Atlantique et
les déchaînements tentaculaires du Houango. En
tout et pour tout, deux portions de ciel vétuste
couleur de fer, chauffées à mort entre d'éternelles
poutres de strato-nimbus.
Le baiser avait sabordé les dieux, ceux du ciel et ceux des enfers. Il avait déraciné nos coutumes,
éventré notre entendement, déchiré nos usages, pulvérisé les bases mêmes de notre existence. Quelle
honte cette histoire! Les morts s'énervaient dans leurs tombes. Même le temps s'était planté. Ç'aurait pu
être une jobardise à nous faire mourir de rire. Hélas! On ne rit pas des dents du destin. Pas
impunément en tout cas. Nassamar Dima nous avait prévenus en ces termes : «Gens de Hondo-Noote,
méfiez-vous du ricanement de la fortune!»
Et nous, tordus de peuple nous avions commencé à rire, toutes dents dehors...»
Sony Labou Tansi
(Kimwanza 1947 – Brazzaville, 1995)
"Qui je suis, quand je suis né, comment et pourquoi?...
Je crois que là n'est pas l'essentiel.
On le dira un jour. Ce qui peut compter
pour l'instant c'est en gros mon acte d'écrire"
Marcel Sony pour l'état civil est «né entre deux rives» de père
zaïrois (RDC) et d'une mère congolaise (RC). Il devient
enseignant et se consacre très vite à l'écriture. Il dirige la
troupe du Rocado Zulu Théâtre à Brazzaville. A la publication
en France, en 1979, de La Vie et demie, son premier roman, il
choisit pour pseudonyme Sony Labou Tansi, en hommage à
Tchicaya U Tam'si.
"Je ne suis pas une vilaine goutte de matière :
ça sera désormais le thème central de ma vie.
Je tiens à me prouver que je suis vivant une fois et demie"
Ses pièces ont été jouées un peu partout dans le monde et il
est l'un des auteurs africains de la fin du XXe siècle les plus
reconnus et étudiés. S'émancipant de la langue française, il
marque une des étapes importantes pour la littérature
africaine dite «francophone».
Quelques titres : Théâtre : La Parenthèse de sang. Moi, veuve de
l'empire. Qui a mangé madame d'Avoine Bergotha? Une chouette petite vie bien osée. Antoine m'a vendu son destin...
Romans : L'État honteux. L'anté-peuple. Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez. Les Yeux du volcan.
"Moi je vous parle de l'absurdité de l'absurde. Moi qui inaugure l'absurdité du désespoir, d'où
voulez-vous que je vous parle sinon de dehors? À une époque où l'homme est plus que jamais
résolu à tuer la vie, comment voulez-vous que je parle sinon en chair-mots-de-passe? J'ose
renvoyer le monde entier à l'espoir, et comme l'espoir peut provoquer des sautes de viande, j'ai
cruellement choisi de paraître comme une seconde version de l'humain - pas la dernière bien
entendu - pas la meilleure - simplement la différente."
Le commencement des douleurs – Page 9
4. Équipe de création
Distribution (en cours)
Gratien Zossou : Hoscar Hana
Figure de la vie artistique du Bénin et de la vie de Cotonou, célèbre
acteur du premier film béninois et également du grand succès
"Ironu" de François Sourou Okioh, Gratien Zossou n'est pas
seulement comédien, mais aussi peintre, poète... Cet artiste à
multiples facettes a même été danseur sur des tournées de Fela
Kuti. Ces dernières années, il a créé et incarné le personnage "Zigi
Zigi" son double «poète de la cité, le porte-parole des sans
paroles». Le dernier spectacle dont il est l'auteur et l'interprète
s'appelle "La résurrection" et il tourne actuellement pour la
télévision.
Le personnage d’Hoscar Hana est décrit au départ comme un
presque-clochard alcoolique et délirant, déclenchant la risée de tous. On le découvrira, peu à peu, savant
persévérant et ses travaux seront reconnus internationalement, se métamorphosant, peut-être grâce au
regard amoureux de Banos Maya, en homme à la résistance exemplaire. Avec tout son savoir et le
parcours qui a été le sien, Gratien Zossou devrait incarner un magnifique Hoscar Hana.
Hounhouénou Joël Lokossou : Le narrateur et maître de cérémonie.
Comédien, il poursuit une double
carrière française et béninoise.
Il a travaillé avec la plupart des metteurs en
scène béninois et joue principalement en
France depuis 2006. Lecteur-dévoreur de
littérature mondiale, il a plusieurs monologues
à son actif dont "La leçon de géographie" de
Fritz Bell, "M'sieur" de Frigyes Karinthy et
dernièrement: "Cahier d’un retour au pays
natal" d’Aimé Césaire.
Quelques uns des derniers spectacles en
date:"Bureau National des Allogènes" de
Stanislas Cotton.
" Mais détendez-vous, vous n’avez aucun
avenir" (La Mauvaise Compagnie). "Les nègres" de Jean Genet (mise en scène d'Emmanuel Daumas).
Il incarnera le narrateur, celui qui parle intimement au nom de la communauté de Hondo-Noote,
celui qui essaie de saisir les événements, de réordonner le monde avec le langage
(qui lui échappe lui aussi, comme l'humour), celui qui témoigne et tâche de mettre
en mot l'indicible.
Nadège Rousseau : Banos Maya
Paris, chanteuse (gospel, jazz) et comédienne.
Nadège Rousseau a suivi l'enseignement de Jack Waltzer
(Actor's Studio, atelier de Paris).
Sa voix, clamant les poèmes de Banos Mayas, chantant ou criant son amour pour
Hoscar Hana, devrait autant troubler le public que les habitants de Hondo-Noote.
Le commencement des douleurs – Page 10
Franck Taponard
Arthur Banos Maya, père de Banos Maya.
Saïdi Malek, le libanais.
M. Michael Handa de Souza, consul de France.
Auteur, comédien et metteur
en scène de la compagnie La Fille du Pêcheur
(Lyon, résidence à Rilleux la Pape). Parmi ses
nombreuses créations et mise en scène,
Franck Taponard a eu quelques expériences
africaines, en jouant deux monologues: "Vol dans l'espace" (textes de Charles Bukowski) au Festhef 2005
(Togo), "La Peau et les os" de Georges Hyvernaud (à Cotonou) et en participant au Fitheb 2006 avec la
mise en scène de"Brenda Oward" de l'écrivain et homme de théâtre Camille Amouro.
Il incarnera le père de Banos Maya, habitant de Hondo-Noote depuis toujours, ainsi que les deux autres
personnages, hauts en couleurs, de «yovos» («blancs» en fongbwé).
Akpé Carole Lokossou
Sarah Banos Maya, mère de Banos Maya.
Pascale Mala, tante de Hoscar Hana.
Une danseuse de la troupe
de Ciao Zeping.
Le choeur des femmes en colère.
Cotonou, comédienne et danseuse depuis
une quinzaine d'années. Elle a joué, dans
plusieurs festivals africains, en France et en Tunisie, les textes de nombreux auteurs dont : Hermas
Gbaguidi (Mô Pouka), Aristophane (Lysistrata), Shakespeare (Richard III), Marcel Zang (La Danse du
Pharaon, joué à la Comédie française), Jean Genet (Les nègres mis en scène par Emmanuel Daumas)
et... Sony Labou Tansi dans "Une Chouette petite vie bien osée".
Carole Lokossou incarnera l'énergie, la force des femmes de Hondo-Noote.
James Rémy Salanon
Estango Douma, gardien de la coutume.
L'avocat des accusations pour rire.
Ciao Zepping, prestidigitatrice savante
et danseuse de Chine continentale.
Comédien aussi célèbre au Bénin que Gratien
Zossou, James Salanon a incarné, depuis de
nombreuses années, de multiples personnages
pour le théâtre et la télévision où on lui distribue volontiers les rôles d'hommes
troubles. Notamment celui d'un féticheur dans le film "Pim-Pim Tché" (Toast de
vie) de Jean Odoutan. Il a joué récemment aux cotés de Carole Lokossou dans
"9 hommes et 3 femmes en colère" mis en scène par Tola Koukoui.
James Salanon sera un très honorable Estango Douma, gardien de la coutume un peu égaré.
Un autre comédien incarnera : Yongolo Maurice Wema, le sage ; D'Estienne Fabre, ami de
Hoscar Hana ; M. Banos Lima, le maire de Hondo-Noote ainsi que d’autres personnages.
Le commencement des douleurs – Page 11
(Pour inspiration: photographie de membres
du célèbre Gangbé Brass Band).
Les musiciens.
Trois ou quatre instrumentistes pour un mini
Brass Band: caisse claire, percussions, trombone,
trompette...
Chœur des habitants de Hondo-Noote, ils incarneront
également quelques personnages aux brèves apparitions :
Hartamio Fabre, le faux maire; Habiola Lopez, le faux curé;
les quatre Pygmées d'Owando, chanteurs de la troupe de
Ciao Zepping...
On ajoutera une guitare électrique pour interpréter le tube «La vie est peut-être un trucage» (refrain du
crooneur Affonso Zangar Konga imaginé par Sony Labou Tansi).
Adaptation et mise en scène
Samuel Bégot
Participe, depuis une quinzaine d'années, comme comédien et metteur
en scène, à la création de nombreux spectacles pour différentes
compagnies. Derniers spectacles en dates (comédien) : "Le temps des
pissenlits" d'après P. Kermann (par le collectif de la Cerise). Collectif des
Esprits Solubles : "Histoire de Frédéric II, roi de Prusse.", "Bérénice"
(rôle d’Antiochus, création à venir). A réalisé, ces dernières années,
des films expérimentaux courts, écrit pour la radio et a quelques
projets de réalisation de court-métrages (fictions dont il est l'auteur).
Conceptions, adaptations et mises en scène pour La Mauvaise
Compagnie : "Mais détendez-vous, vous n’avez aucun avenir" (auteurs
divers. Jeu avec Joël Lokossou, 2011), "On arrête tout, on réfléchit et
c'est pas triste" d'après L'An 01 de Gébé (avec une distribution franco-québécoise, Montréal, 2012-2013).
Costumes
Les costumes, à l'image des habitants de Hondo-Noote, seront faits d'un mélange de traditions multiples
et de modernité. Le père de Banos Maya, blanc, portera un boubou quand d'autres personnages pourront
porter la tenue pantalon t-shirt devenue mondiale, y compris Estango Douma, le gardien de la coutume
qui portera des jeans hors cérémonie.
Banos Maya portera certainement une voilette en tulle durant tout le spectacle.
Les tenues de cérémonie et de quelques personnages s'inspireront de multiples traditions et modes
vestimentaires africaines pour qu'on puisse difficilement situer la ville imaginaire d'Hondo-Noote. On
pourra faire appel à un(e) styliste.
Le commencement des douleurs – Page 12
5. Jouer au Bénin, en France et ailleurs…
À Porto Novo, capitale du Bénin.
Ce bâtiment qui affiche
sur sa façade des «strates»
de l'Histoire, un baroque portugais
avec des ajouts d'une modernité improbable,
pourrait symboliser Hondo-Noote, la ville
imaginée par Sony Labou Tansi dans
«Le commencement des douleurs».
(Les photographies « rouille et murs » des pages 1, 5 et
8 ainsi que celles des pages 3 et 13 ont été prises au
Bénin par Stéphane Hirleman).
"L'arbre à palabres de béton, œuvre de
l'architecte Claude, mélange de voûtes
audacieuses, de cabrements d'ogives,
de projections diverses, mélange de
ferraille de cuivre et de mortier, mariage d'hier et de demain,
ouvrage définitif jeté comme une aventure sur le pont des temps.
Ce palais de la palabre répétait à haute voix la seule chose que Hondo-Noote sût
sans ambages ni ambiguïté : on nous avait piqué cinq siècles."
Nous souhaiterions créer le spectacle à Cotonou, organiser une tournée dans la région
puis le jouer en France et dans d'autres pays de l'espace francophone. En quête de
partenaires, le spectacle sera proposé à différents festivals, théâtres et lieux de
programmation...
Construite sur du sable, la ville de Cotonou n'est pas dominée par un volcan mais elle a en
commun avec Hondo-Noote, la cité imaginée par Sony Labou Tansi, d'être menacée par
l'océan qui la «grignote» et par les inondations provoquées par des pluies diluviennes. Il
existe également des points communs entre les béninois et les habitants de Hondo-Noote:
une culture de la paix, une tradition cérémoniale forte (le vodoun est très présent au
Bénin) et un goût pour la parole et la langue... Le public ne devrait pas rester insensible à
ce texte et, au-delà de ces points communs, en sentir la portée et la dimension
universelle.
Le narrateur dépeint la communauté d'Hondo-Noote, ses coutumes et son histoire à un
auditoire étranger (forcément puisqu'il s'agit d'une cité africaine imaginaire). Il le fait avec
le souci d'être compris et entendu par cet auditoire, en lui donnant les bases de
compréhension qu'il pourrait ne pas avoir (que celui-ci soit africain ou non), en l'initiant
avec une certaine confiance. Et c'est certainement également ainsi que le récit prend un
caractère universel, l'auteur nous plaçant tous et toutes en situation d'étrangers
(d'enfants) ayant tout à apprendre.
Le commencement des douleurs – Page 13
...Je crois que la vie a une telle saveur, une force... quelque chose de fondamental. Elle est
fondamentale, la vie, c'est une explosion, un dévalement et tout ce qu'on veut mais laissons-la
comme ça! Pourquoi vouloir la maîtriser, la saucissonner, la programmer? Pourquoi?
Vous êtes optimiste?
Oh oui! Oui! Absolument.
Résolument?
Résolument.
Vous avez des raisons de l'être?
Absolument, absolument! Pourquoi. Parce que, de toute façon, je sais que tant qu'on n'ira pas
à l'essentiel, tout ce qu'on va élever va se casser la gueule! Tant qu'on n'ira pas vers
l'essentiel, on sera toujours à côté de la plaque.
Et l'essentiel?
L'essentiel, c'est justement la saveur fondamentale de la vie, de ma vie, de la vie des autres.
(Propos recueillis par Bernard Magnier, le 26 octobre 1993,
dans les studios de RFI à Paris).
Contacts
Samuel Bégot
La Mauvaise Compagnie
3, rue Soufflot - 69005 LYON.
00 33 (0)6 09 09 35 85
[email protected]
Administration
François Nouel
Tel : 01 48 84 75 79
[email protected]
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