Chronique administrative du Cameroun
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Chronique administrative du Cameroun
Chronique administrative du Cameroun M. Alphonse KESSENG Chef du Service du fichier et du classement au Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative du Cameroun Depuis le 1er janvier 1960, date de son accession à l'indépendance, le Cameroun a opté pour un régime présidentiel centralisé avec séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. La Constitution de 1961 en faisait un Etat fédéral, celle de 1972 une république unie, et celle de 1994 un Etat unitaire. A la faveur du multipartisme instauré dans les années 90, une nouvelle Constitution qui propose un régime semi-présidentiel, avec séparation des pouvoirs et un accent sur la décentralisation, est actuellement examinée par les députés à l'Assemblée Nationale. 1-Le Statut général de la Fonction publique Le décret n° 94-199 du 7 octobre 1994, qui succède au décret no° 74-138 du 18 février 1974, portant statut général de la Fonction publique, traduit le souci du Gouvernement camerounais de rationaliser la gestion des personnels de l'Etat ainsi que les exigences des institutions financières internationales d'alléger la masse salariale de l'Etat par la réduction des effectifs pléthoriques de la Fonction publique. Le présent statut comporte quelques innovations par rapport au précédent. Un vaste mouvement de déconcentration de la gestion des personnels de la Fonction publique ; Le pouvoir reconnu au Ministre chargé de la Fonction publique de rectifier les résultats des concours administratifs en fonction des origines provinciales des candidats ; L’avènement de la notion de poste de travail. Par l'instauration du poste de travail, les autorités entendaient passer d'une Fonction publique de carrière à une Fonction publique de poste de travail. Toutefois, le nouveau statut général de la Fonction publique consacre plus que jamais la notion de carrière. C'est certainement à la pratique que sera jugé le nouveau système. De janvier à juin 1995, de nombreuses actions tendent à la mise en application du nouveau statut et à la satisfaction des exigences des institutions financières internationales ont été entreprises, notamment en matière des effectifs et de réduction de la masse salariale. 2-"Fonction publique : la réforme bien engagée" Tel fut le titre d'un article paru dans le quotidien national bilingue " Cameroon Tribune " du 12 janvier 1995. Monsieur Sali Daïrou, Ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative a présenté d'une part le programme de la réforme administrative et, d'autre part, l'évaluation des différentes actions conduites : toutes les actions à impact budgétaire immédiat ont été réalisées , les objectifs de restructuration profonde sont partiellement atteints : Le processus de réalisation des organigrammes des ministères et du secteur Transports est en cours ; Les plans d'organisation des effectifs (POE) d'un certain nombre de ministères seront étudiés dans le cadre du Programme d'ajustement structurel. Selon M. Daïrou, si la réforme de la Fonction publique est bel et bien engagée au Cameroun, la plupart des volets se trouvent néanmoins à un stade de ralentissement dans le rythme de leur finalisation qui nuit à l'aboutissement du progrès. Ces retards peuvent conduire au gel des programmes conclus avec le F.M.I. ou la Banque Mondiale et, par voie de conséquence, entraîner la suspension des relations financières et économiques avec la plupart des bailleurs de fonds bilatéraux. 3-allégement des effectifs de la Fonction publique La structure du gouvernement est appelée à subir une cure d'amaigrissement du fait notamment des exigences extérieures d'ordre économique. L'allégement des effectifs du Ministère de la Fonction publique est ainsi devenu une réalité. Le Ministre a annoncé le 20 juin 1995 que 105 fonctionnaires et agents de l'Etat en service au Ministère de la Fonction publique et de la réforme administrative seront libérés des effectifs de l'Administration camerounaise. a-Les objectifs Le Ministre de la Fonction publique a déclaré que cette mesure rentrait dans 1e cadre de l'allégement des effectifs dans 1a Fonction publique, l'un des volets essentiels du programme d'ajustement structurel mis en place par le Gouvernement depuis 1987-1988. Ceci, a-t-il poursuivi, afin d'enrayer les déséquilibres profonds apparus dans l'économie nationale à la suite de la récession de 1985 1986. Le Ministre a également rappelé les principales mesures mises en oeuvre depuis 1987 concernant la masse salariale, notamment le gel des effets financiers des avancements, la réforme du système des frais de relève, la réduction des frais de transport de bagages, la suppression des indemnités de congés pour les personnels de l'Etat, la baisse des salaires des agents de l'Etat en janvier et en novembre 1993, le gel des recrutements dans la Fonction publique depuis 1987, la mise à la retraite systématique des personnels atteints par la limite d'âge ou par 30 ans d'ancienneté à la Fonction publique, etc. La conséquence de ces mesures, selon M. Daïrou, étant la maîtrise de la masse salariale de 190 milliards de francs Cfa en 1993-1994 contre 300 milliards en 1990-1991. De même ' les effectifs des personnels en activité passeront de 188 200 personnes en 1990 à 157 510 en Mai de cette année. L'objectif de la réduction de la masse salariale a été largement atteint, surtout par le biais des départs volontaires qui s'obtiennent à la demande de l'agent public, après avis du Ministre utilisateur, et qui donnent droit à des indemnités supérieures à celles des partants licenciés. b-Les critères retenus pour identifier les agents partants Deux critères ont été essentiellement retenus : Le mauvais rendement provenant de l'inadéquation du profil de l'agent par rapport aux exigences des postes ; Le mauvais comportement de l’agent révélé par son dossier administratif. c- La détermination des droits Le Ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative a précisé que le partant, en contrepartie de sa radiation, recevrait une prime de licenciement équivalent à 24 mois de son salaire de base indiciaire actuel et le remboursement de ses - cotisations à titre de retenues pour pension sur la base du salaire de décembre 1992 selon le mode de calcul suivant : 10 % pour les fonctionnaires et 7 % pour les agents de l'Etat régis par le code du travail. d- Les droits à liquider Ils comportent les primes de départ, les arriérés des salaires des mois de Septembre et octobre 1993 et les rappels de solde en mémoire. e-Le paiement des droits Le Ministre de l'Economie et des Finances veille au paiement de ces droits à travers une procédure spéciale qui fait intervenir les banques à l'effet de faire accéder les partants le plus rapidement possible à la totalité de leur dû. Le gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires pour que cette procédure se déroule dans la plus totale transparence. f- Réinsertion des déflatés Celle-ci se fait en priorité par le biais du Fonds National de l'Emploi (FNE) qui a imaginé des modèles qui tiennent compte des besoins et aspirations des uns et des autres. L’activité du FNE s'oriente en priorité vers les activités de production, de prestation de services et des activités de distribution. La stratégie de cet organisme porte notamment sur l'accueil des déflatés, 1"information, les conseils, l'orientation, la formation et l'appui à la création des projets. Cet appui spécifique permet au FNE d'apporter go % du coût total du projet, d'assurer la formation et l'encadrement. Après le Ministère de la Fonction publique, certaines sources indiquent que le dégraissage des effectifs pourrait concerner le Ministère du Développement industriel et commercial. Suivront ensuite les ministères sociaux (Affaires sociales et Condition féminine par exemple). 4-Les conséquences des mesures de restructuration des effectifs L’opération d'allégement des effectifs dans la Fonction publique camerounaise qui est entrée dans sa phase d'exécution avec le désintéressement des premiers déflatés du Ministère de la Fonction publique et de la réforme administrative n'a pas déclenché de bouleversements sociaux manifestes. La majorité de ces agents semblaient accueillir avec satisfaction les conditions pécuniaires de leur séparation avec l'Etat et surtout toutes les possibilités ouvertes pour leur réinsertion dans la vie active. Pour comprendre cet allégement des effectifs dans la Fonction publique, il faut retenir, selon le Ministre de la Fonction publique, que dès l'indépendance, la Fonction publique était considérée comme un atout de développement. Avec les débuts de la crise en 1985 - 1986, elle est devenue une boule de fer qui traînait l'Etat, le conduisant progressivement vers des déséquilibres budgétaires. Aussi, a-t-il été prescrit une réforme sectorielle de la Fonction publique dans le cadre global des réformes macro-économiques et structurelles entreprises par le gouvernement pour enrayer les déséquilibres de l'économie et favoriser la relance. Pour sensibiliser l'opinion publique et informer les citoyens du bien-fondé de cette opération, une semaine africaine de l'Administration et de la Fonction publique a été organisée du 19 au 25 juin 1995 par le Ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative. Selon le Ministre Sali Daïrou, la réforme de la Fonction publique poursuit deux principaux objectifs à savoir, la maîtrise de la masse salariale et l'amélioration de l'efficacité de la Fonction publique qui devrait désormais adopter le comportement des entreprises privées, une efficacité accrue qui devrait la rendre plus apte à affronter les défis du 3ème millénaire. Toujours d'après lui, le caractère irréversible du libéralisme défini par le Chef de l'Etat pour le futur du Cameroun et imprimé progressivement à l'économie camerounaise ne pouvait plus s'accommoder d'un certain comportement évangélique de la Fonction publique. L’Etat le voudrait-il qu'il n'en aurait pas les moyens. Il s'agit désormais, a poursuivi le Ministre, de n'utiliser que le nombre de personnes qu'il faut payer, chacun pour son mérite et au poste défini à cet effet, c'est-à-dire une administration de poste de travail. Le gouvernement, avant de se résoudre à réduire les effectifs de la Fonction publique a par ailleurs exploré toutes les solutions alternatives, notamment les baisses de salaires, ce qui vaudra à beaucoup de conserver leur emploi demain. Le Cameroun semble désormais, en pratique, être passé de la Fonction publique de carrière à la Fonction publique de poste de travail.