Mémoire en vue de l`obtention du Diplôme d`Études Approfondies

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Mémoire en vue de l`obtention du Diplôme d`Études Approfondies
 CHAIRE UNESCO DES DROITS DE LA PERSONNE ET DE LA DEMOCRATIE
Université d'Abomey-Calavi
Faculté de Droit et de Sciences Politiques
01 BP 1287 RP Cotonou
BENIN
Tél/Fax (229) 21.36.10.08
e-mail : [email protected]
Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme d’Études
Approfondies (DEA)
PROCESSUS DE DEMOCRATISATION DES
ANNEES 1990 A NOS JOURS : LE CAS DU TOGO
Présenté et soutenu par :
Sous la direction de :
LAWSON Latré Nono Kafui
Professeur F. Adama KPODAR
Agrégé de Droit Public et de Science Politique
Vice Doyen de la Faculté de Droit de Lomé
Année académique : 2009-2010 Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
SOMMAIRE
SIGLES ET SIGNIFICATIONS............................................................................................ iii
DEDICACE.............................................................................................................................. iv
REMERCIEMENTS ................................................................................................................ v
AVERTISSEMENT ................................................................................................................ vi
INTRODUCTION…………………………………………………………………………….1
PREMIÈRE PARTIE : LA RECHERCHE LABORIEUSE DE LA PROTECTION DES
DROITS DE L’HOMME......................................................................................................... 7
CHAPITRE 1 : UNE PROCLAMATION GENEREUSE DES DROITS DE L’HOMME
.................................................................................................................................................... 9
SECTION 1 : UNE PROCLAMATION LIBERALE DES DROITS ET LIBERTES. .... 9
SECTION 2 : LES INSTITUTIONS DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
.................................................................................................................................................. 17
CHAPITRE 2 : UNE EFFECTIVITE EN DEMI-TEINTE ............................................... 23
SECTION 1 - L’INEFFECTIVITE DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX
.................................................................................................................................................. 23
SECTION 2 : LES DERIVES DES INSTITUTIONS DE PROTECTION DES DROITS
DE L’HOMME ....................................................................................................................... 30
DEUXIEME PARTIE : LA CONSOLIDATION DIFFICILE DU PLURALISME
POLITIQUE ........................................................................................................................... 37
CHAPITRE 1 : L’AFFIRMATION DU PLURALISME POLITIQUE............................38
SECTION1 : L’AFFIRMATION THÉORIQUE DU PLURALISME POLITIQUE AU
TOGO ...................................................................................................................................... 38
SECTION 2 : UNE AFFIRMATION PRATIQUE DU PLURALISME POLITIQUE ... 47
CHAPITRE 2 : LA MISE EN ŒUVRE COMPLEXE DU PLURALISME POLITIQUE
…………….…………………………………………………………………………………..55
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
Chaire UNESCO des Droits de la Personne et de la Démocratie
i
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
SECTION 1 : DES RÉALITÉS SOCIO- JURIDIQUES : OBSTACLES À
L’EFFECTIVITÉ DU PLURALISME POLITIQUE……………………………………56
SECTION 2 : L’INSTABILITÉ, OBSTACLE MAJEUR À
L’INSTITUTIONNALISATION DU PLURALISME POLITIQUE…………………….59
CONCLUSION……………………………………………………………………………….63
RECOMMANDATIONS……………………………………………………………….…..66
Annexe 1……………………………………………………………………………………...69
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………….…………….70
WEBOGRAPHIE…………………………………………………………………………...73
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ii
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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SIGLES ET SIGNIFICATIONS
ANC : Alliance Nationale pour le Changement
CACIT : Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo
CAR : Comité d’Action pour le Renouveau
CEN : Commission Electorale Nationale
CENI : Commission Electorale Nationale Indépendante
CNDH : Commission Nationale des Droits de l’Homme
FIDH : Fédération Internationale des Droits de l’Homme
FRAC : Front Révolutionnaire pour l’Alternance et le Changement
HAAC : Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication
IDH : Investir Dans l’Humain
LTDH : Ligue Togolaise des Droits de l’Homme
MCA : Mouvement Citoyen pour l’Alternance
OBUTS : Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo Solidaire
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OUA : Organisation de l’Unité Africaine
Op. cit. : Opere citato
P : Page
ReDéMaRe : Réseau pour le Développement de la Masse sans Ressource
RPT : Rassemblement du Peuple Togolais
UA : Union Africaine
UFC : Union des Forces de Changement
UTD :
Union
Togolaise
pour
la
Démocratie
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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iii
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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DEDICACE
A mes très chers parents, veuillez trouver ici le fruit de vos sacrifices, de votre soutien
permanent et de la confiance placée en moi.
A M. Komi WOLOU, Professeur agrégé de droit privé, votre assistance, vos conseils, votre
disponibilité d’écoute et votre sens d’humanisme dans nos moments difficiles nous ont permis
d’atteindre ce niveau aujourd’hui.
A mon époux Walter et à ma petite fille chérie Manuella-Faith, merci pour votre présence à
mes
côtés.
Puisse
ce
travail
nous
ouvrir
les
portes
d’un
avenir
meilleur.
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iv
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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REMERCIEMENTS
Nos remerciements vont de prime abord à Dieu, pour toutes les grâces qu’il nous
accorde.
Ensuite, ils vont à l’endroit de notre Maître, guide et modèle, le professeur Ferdinand Adama
KPODAR à qui nous exprimons toute notre gratitude, pour avoir accepté diriger ce mémoire.
Votre suivi, vos conseils et la disponibilité avec lesquels vous avez su nous encadrer au cours
de notre initiation à la recherche scientifique méritent toute notre reconnaissance. Nous
sommes remplie de fierté d’avoir été et d’être votre apprenante. Nous espérons que ce travail
ne sera que le début d’une longue marche sur les traces du véritable modèle de réussite que
vous incarnez.
Nous tenons enfin à exprimer nos remerciements à toutes les personnes qui ont de près ou de
loin contribué à la réalisation de ce mémoire, en particulier, mon époux Walter et mes
camarades et amis de la Chaire, Romuald IROTORI, Jessica GASCH, Ulrich DJIVOH,
Gildas SOUNOUVOU …
Que l’Eternel vous bénisse…
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v
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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AVERTISSEMENT
La Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie n’entend ni approuver,
ni désapprouver les assertions contenues dans ce mémoire. Elles restent propres à
l’auteur, qui en répond seul. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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vi
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
INTRODUCTION
Après l’échec de la dictature et suite à la guerre froide et aux pressions internes et
internationales croissantes ayant soulevé un vent de changement sans précédent, les années
1990 s’étaient annoncées comme porteuses d’espoir pour l’érection de la démocratie en
Afrique avec en toile de fond, la célébration des droits de l’homme et l’instauration de l’Etat
de droit. Les appels populaires croissants qui ont balayé le continent au début des années
1990, ont forcé beaucoup de régimes autoritaires au pouvoir, à faire des concessions
politiques, basées sur la démocratie et l’Etat de droit, comme c’est le cas au Togo.
En effet, à cette époque, la démocratie était devenue le système politique adopté par tous les
régimes autoritaires contraints de répondre aux aspirations légitimes des peuples soucieux de
fermer définitivement la triste page de la dictature. Le Togo, à l’instar d’autres pays du
continent va s’engager dans une transition démocratique1 qui débouchera sur l’adoption d’une
nouvelle constitution2. Ce nouveau constitutionnalisme africain issu des transitions
démocratiques3 est fondé sur des principes traditionnels qui le caractérisent en occident à
savoir : la séparation des pouvoirs, la protection juridictionnelle des droits fondamentaux aux
1
La transition démocratique est par définition le passage d’un régime oligarchique à un autre plus libéral fondé
sur des valeurs démocratiques. Pour le professeur HOLO (Th.), la transition démocratique est entendue comme
un passage graduel d’un régime autoritaire vers un ordre démocratique ; « Démocratie revitalisée ou démocratie
émasculée ? Les constitutions du renouveau démocratique dans les Etats de l’espace francophone africain :
Régimes juridiques et systèmes politiques. », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et administratives n°.16,
2002, p.18.
2
La Constitution Togolaise du 27 septembre 1992, révisée par la loi n° 2002- 029 du 31décembre 2002.
3
Voir CONAC (G.), dir. L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993 ; Plus
précisément du même auteur : Les processus de démocratisation en Afrique, idem. pp. 11-41 ; Dans le même
sens voir, FALL (I.), Esquisse d’une théorie de la transition : du monopartisme au multipartisme en Afrique,
idem. Pp.43-53 ; AMOR (A), L’émergence démocratique dans les pays du tiers monde : le cas des pays
africains, idem, pp.55-58 ; MESCHERIAKOFF(A.-S), Le multipartisme en Afrique francophone : illusion ou
solution ?, idem, pp.67-77 ; HAMON(L.), La démocratie pluripartite en Afrique, idem, pp. 80et ss.; KODJO(E.)
Environnement international et Etat de droit : le cas de l’Afrique, idem, pp.83-87 ; CHEMILLIER-GENDREAU
(M.), La démocratie pluraliste en Afrique, idem, pp110 et ss.; SAVONNET-GUYOT(C-I), Réflexion sur
quelques sujets politiques à identifier : crise de l’Etat, crise de la société civile, ouverture démocratique, idem,
pp.126-128 ; Le ROY(E.), La démocratie pluraliste face à l’obstacle des présidentialismes africains
francophones, idem, pp.129-138 ;GLELE (M.A.), le Benin, idem, pp.173-177 ; DOSSOU(R), Le Bénin : du
monolithisme à la démocratie pluraliste, un témoignage, idem, pp.179-197 ; KAMTO (M.), Quelques réflexions
sur la transition vers le pluralisme, un témoignage, idem, pp.209-236 ; DEGNI-SEGUI(R.), Evolution politique
et constitutionnelle en cours et perspectives en Cote d’Ivoire, idem, pp.291-300 ; DIOP(S.), La transition
démocratique :l’exemple du Sénégal, idem, pp.379-386 ; Ntsakala (R.), Les conférences nationales de
démocratisation en Afrique francophone et leurs résultats, Thèse droit, Université de Poitiers, 2001 ; EBOUSSIBOULAGA (F.), Les conférences nationales en Afrique noire, Paris, Karthala,1993 ; RAYNAL(J.J.), Les
conférences nationales en Afrique : au-delà du mythe, la démocratie ? Penant, octobre-décembre 1994, pp.310 et
ss ; TEGLA(P.), Ouverture démocratique en Afrique, Paris, l’Harmattan, 1994 ; DALLOZ (J-P) /QUANTIN (P.)
Etudes réunies et présentées par-, transitions démocratiques africaines, Paris, Karthala, 199ç, CEAN Bordeaux,
l’Afrique politique 1994, vue sur la démocratie à marrée basse, Paris Karthala, 1994.
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1
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
individus4, la compétition électorale entre plusieurs partis. Il repose également sur l’idée de
l’Etat de droit5.
Par ailleurs, il suppose le respect de l’opposition, la conquête et l’exercice du pouvoir en
accord avec la volonté populaire librement exprimée et effectivement reconnue puisqu’à cette
époque, l’ordre autoritaire au Togo était essentiellement fondé sur le monolithisme.
Du coup, ce nouveau constitutionnalisme6, calqué sur le modèle occidental et mis en œuvre
au Togo crée un cadre idéal pour le rayonnement de la démocratie perçue désormais comme
une forme de gouvernement, un modèle référentiel dans les Etats africains engagés dans le
processus de démocratisation.
4
L’équation est fondé sur la délégitimation des régimes autoritaires et totalitaires, et sur la revendication de la
démocratie comme moteur de développement économique qui permet l’effectivité de la protection des droits de
l’homme. Sur ce problème, voir AHADZI-NONOU (K.), Droits de l’homme et développement : théories et
réalités, in Territoires et liberté, Mélanges en hommage au doyen Yves MADIOT, Bruylant, Bruxelles, 2000 ;
Dans le même sens, NGUEMA (I), La démocratie, l’Afrique et le développement, RJPIC, n°2, pp. 158-161 ;
PERENNES (J.J.) / PUEL (H.) Démocratie et développement au Sud, Economie et Humanisme, 1991 ;
TIANAGAYE (N.), Aux sources du pluralisme politique en Afrique, Afrique 2000, 1992, n°11, p.60.
5
Selon la définition de Bernard stirn, « Une société connaît un Etat de droit lorsque les rapports entre ses
membres sont organisés selon des règles qui définissent les droits de chacun et assurent les garanties nécessaires
au respect de ces droits », in Les sources constitutionnelles du droit administratif, Paris, LGDJ, 1995,2ème éd. P.
13. Cité par KPODAR (A) , «Réflexion sur la justice constitutionnelle à travers le contrôle de constitutionnalité
de la loi dans le nouveau constitutionnalisme : les cas du Bénin, du Mali, du Sénégal et du Togo » . RBSJA,
n°16, p.106.Pour Jacques Chevallier l’Etat de droit « est posé comme une valeur en soi, dont le bien fondé ne
saurait être mis en doute et sur laquelle aucun compromis n’est possible», in Les doctrines de l’Etat de droit, La
documentation française , 1998, pp. 27 et ss.
6
Le constitutionnalisme désigne le mouvement qui est apparu au siècle des lumières et qui s’est forcé d’ailleurs
avec succès de substituer aux coutumes existantes souvent vagues et imprécises et qui laissent de très grandes
possibilités d’action discrétionnaire aux souverains des constitutions écrites conçues comme devant limiter
l’absolutisme et
parfois le despotisme des pouvoirs monarchiques. Le syntagme«nouveau
constitutionnalisme» africain doit être appréhendé à l’aune des nouvelles constitutions qui ont essaimé à travers
l’Afrique noire francophone, image d’une nuée de sauterelles dans les années 1990 rompant ainsi avec le
constitutionnalisme avant 1990.
Le concept est utilisé pour décrire un changement de régime politique ou plutôt une modification en profondeur
des rapports socio-économiques.IL ne date pas des révolutions de 1990 en Europe de l’Est ou en Afrique voire
l’étude de cas des transitions espagnoles, grecques, etc. Le concept était déjà avant, au sein de la transition
marxiste, où il désignait le passage du capitalisme au communisme. Cette remarque est capitale car c’est sur ce
fond qu’apparait la nouvelle orientation politique de la transition. Le concept se distingue par une inversion des
termes traditionnels : On passe du communisme à la démocratie et au capitalisme. Et cette transition est dite
démocratique parce qu’elle conduit vers la démocratie. Cf KOKOROKO(D) « Apport de la jurisprudence
constitutionnelle africaine à la consolidation des acquis démocratiques :les cas du Bénin, du Mali, du Sénégal et
du Togo », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives, n°16,2006,p.8 ; le constitutionnalisme
traduit ‘’l’acception à la fois juridique et politique de la supériorité de la constitution sur toute autre
norme…’’Voir
(P.)
PACTET,’’institutions
politiques
et
droit
constitutionnel,’’ cité
par
KPODAR(A),« Réflexions sur la justice constitutionnelle à travers le contrôle de constitutionnalité de la loi dans
le nouveau constitutionnalisme : Les cas du Bénin, du Mali, du Sénégal et du Togo.» RBSJA, n°16, p.104 .
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2
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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A cet égard, notons que G. Burdeau avait déjà affirmé que « la démocratie est une
philosophie, une religion, une manière de vivre, un style des relations humaines de telle sorte
qu’elle est devenue un principe de référence7 »
En réalité, la démocratie s’entend étymologiquement du « gouvernement du peuple8 ». Elle
reçoit une belle et populaire définition de Périclès reprise par le président Abraham
LINCOLN qui entend par démocratie, «gouvernement du peuple, par le peuple et pour le
peuple»9.
En clair, c’est un gouvernement auquel le peuple prend une part plus ou moins grande et son
sens est intimement lié à l’idée de liberté10.
Pour Luis VELLORO le mot démocratie a plusieurs acceptions. Ainsi, une distinction doit
être faite entre la démocratie en tant qu’idéal d’association politique et la démocratie en tant
que système de gouvernement. La première est un but de l’action collective, elle a une valeur
en soi ; la seconde est un moyen d’atteindre certains buts communs, elle n’a de valeur que
dans la mesure où elle contribue à leur réalisation. Dans la seconde acception qui est celle qui
nous intéresse ici, la démocratie désigne l’ensemble des règles et institutions qui sous-tendent
un système de pouvoir par exemple, l’égalité des citoyens devant la loi, les droits civiques,
l’élection des gouvernants par les citoyens, le principe de la prise de décision à la majorité, la
séparation des pouvoirs. Ce n’est pas un idéal, mais une forme de gouvernement qui obéit à
certaines procédures selon différentes modalités définies par les circonstances.
Comme le rappelle J.L Quermonne, le mot démocratie est en même temps un système
politique concret, c'est-à-dire une forme de gouvernement des hommes bien précis, qui
s’oppose aux gouvernements dictatoriaux11.
7
Georges BURDEAU., Traité de sciences politiques, t.v, les régimes politiques, Paris, LGDJ, 1970, p.457
Étymologiquement du grec démos qui signifie peuple et kratos qui veut dire pouvoir, autorité ou encore
gouvernement.
Tiré
de
Toupictionnaire :
le
dictionnaire
de
la
politique,http://www.toupie.org/dictionnaire/démocratie.htm
9
http://fr.wikipédia.org/wiki/D%C3%Adémocratie 25 juillet 2010 à 12h17.
10
De TOCQUEVILLE (A.), De la démocratie en Amérique, tome 1, Paris, Gallimard, 1961, p.389.
11
La notion de dictature reste bien entendu ambigüe et floue. Dans sa première dimension, la dictature désigne
une concentration légale et temporaire des pouvoirs au profit d’une autorité ou d’un organe. Elle correspond
alors à ce que Mommsen appelle «un pouvoir d’exception, à peu près ce que sont aujourd’hui la suppression de
la justice civile et la proclamation de l’état de siège ». Au sens classique et noble, «la dictature désigne donc un
mécanisme de régulation mis en œuvre conformément à la constitution de l’Etat». Dans sa seconde dimension,
proche des tyrannies de la Grèce antique, «la dictature désigne l’exercice sans contrôle du pouvoir absolu et
souverain. Elle implique l’attribution du pouvoir politique souverain à un individu, un parti, une classe ou une
institution. Cette concentration des pouvoirs entre les mains d’un titulaire unique représente, telle l’épée de
Damoclès, une menace permanente pour la liberté des citoyens. Ainsi entendue, la dictature tend dans le langage 8
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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En réalité, la démocratie, comme partout ailleurs, a pour finalité la construction de l’Etat de
droit. Ces deux notions, bien qu’étant distinctes sont en réalité fortement imbriquées l’une
dans l’autre à tel point qu’il est quasi impossible d’évoquer l’une sans faire référence à
l’autre. L’auteur qui traduit le mieux cette nouvelle approche, est Gérard CONAC qui,
souligne que « si l’Etat de droit et la démocratie correspondent à des notions différentes,
dans la pratique comme dans la théorie, elles sont complémentaires. La démocratie, c’est la
transposition politique de l’Etat de droit, et l’Etat de droit, la traduction juridique de la
démocratie. Une démocratie authentique ne peut survivre que si elle réussit à se mouler dans
l’Etat de droit et un Etat de droit moderne, sauf à se renier, ne peut que ouvrir la voie à la
démocratie ; démocratie et Etat de droit sont comme deux aimants s’orientant vers le même
pole ».
Ce faisant, l’Etat de droit12 est ainsi devenu, une référence majeure et incontournable des
démocraties contemporaines.
N’ayant jamais été, une simple pétition de principe, il parait évident que le processus de
démocratisation au Togo doit être analysé de façon dynamique et notre analyse s’affinera au
contact des réalités13.
commun à se confondre soit avec le totalitarisme, soit avec le despotisme. Elle évoque bien l’idée d’un pouvoir
arbitraire, abusif, bousculant les droits politiques ou individuels, gouvernant par la terreur et ne reculant pas
devant la plus extrême violence»,in HOLO (Th), «Réflexions sur la dictature en Afrique», Revue Béninoise des
Sciences Juridiques et Administratives, n° 6 mai 1986 p.28 - 39. Cité par KOKOROKO(D) «Apport de la
jurisprudence constitutionnelle africaine à la consolidation des acquis démocratiques : les cas du Bénin, du Mali,
du Sénégal et du Togo», Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives, n°16, 2006,p .90.
12
En réalité, le concept d’Etat de droit n’est apparu qu’au 19è siècle. Certains en attribuent la paternité à Van
MOLL. D’autres auteurs comme Maurice BOURJOL estime que l’Etat de droit est plutôt l’œuvre de l’école
allemande de droit public, laquelle a subi l’influence de HEGEL. Selon le même auteur, la doctrine française n’a
découvert l’Etat de droit que tardivement, par référence à la philosophie allemande du REICHSTAG. Il existe
néanmoins de nombreux auteurs qui attribuent à Carré de MALBERT et à la célèbre école de droit public en
France, l’approfondissement de la notion de l’Etat de droit. Selon Jacques CHEVALLIER, la conception
originaire de l’Etat de droit est de nature formelle. L’Etat de droit est un Etat qui se soumet à un régime de droit,
c’est-à-dire dont l’action est entièrement encadrée et régie par le droit. La notion d’Etat de droit est susceptible
de deux acceptions à savoir l’Etat de droit formel et l’Etat de droit substantiel. Au sens formel, Hans KELSEN le
définit comme un Etat dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en
trouve limitée. Trois éléments sont à retenir :la hiérarchie des normes, l’égalité des sujets de droit devant la
norme juridique et l’existence de juridictions indépendantes. Une analyse formelle ne rend pas totalement
compte de ses réalités. Il faut remarquer qu’un État de droit n’est pas forcément démocratique ou peut-être
manipulé. Un Etat peut fonctionner conformément à des lois fondées sur la volonté personnelle du détenteur du
pouvoir. L’Etat Nazi était un Etat de droit, et pourtant HITLER et VICHY, ont adopté des lois « antijuives ».
Par contre, l’Etat de droit substantiel impose que la règle juridique respecte des contenues précis à savoir la
promotion des droits fondamentaux de l’individu. C’est pourquoi la promotion de la démocratie et des droits de
l’Homme s’impose comme une nécessité dans un Etat qui se veut de droit. Pour le même auteur, l’Etat de droit
s’oppose à l’Etat de police, dans lequel règne le bon vouloir du prince. L’Etat de police qualifie les régimes
autoritaires tandis que l’Etat de droit marque l’apogée de l’idéal démocratique. Et c’est précisément ici
qu’intervient la dimension actuelle de la réflexion sur l’Etat de droit, à savoir son identification à la démocratie.
Aujourd’hui, c’est l’adjectif démocratique qui donne tout son sens à l’Etat de droit.
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Ainsi, une meilleure appréciation du processus de démocratisation au Togo, objet de notre
recherche, nécessite donc de passer au peigne fin la situation des droits de l’homme et celle du
pluralisme politique.
Ceci est d’autant plus vrai qu’il est permis de constater, que le Togo, bien que revendiquant
son appartenance à un Etat de droit démocratique, semble faire montre des faits les plus
criards de violations massives et flagrantes des droits fondamentaux de l’individu.
Plus de vingt ans après le processus de démocratisation au Togo, l’on se demande si la greffe
de la démocratie des années 1990 a connu une réussite dans ce pays. En d’autres termes,
comment s’est traduite dans la pratique l’adhésion théorique du Togo à la démocratie ?
Pour répondre à ces interrogations, il importe de confronter le rêve à la réalité, l’idéal d’une
vision démocratique au Togo à la résistance, la résurgence des pratiques autoritaires qui
vident le nouveau constitutionnalisme de toute sa substance.
A l’heure actuelle, il est clairement établi que la mise à l’épreuve de la démocratie, de l’Etat
de droit, du respect des droits et des libertés fondamentaux a conduit à une insatisfaction au
Togo.
Cette étude vient donc à point nommé et permettra de faire un bilan du processus de
démocratisation au Togo à travers l’Etat de droit depuis 1990 en vue de proposer des solutions
pour l’effectivité de la démocratie. Ce bilan nécessite donc une étude du cadre théorique de la
mise en place de la démocratie au Togo en confrontation avec la pratique. C’est ce qui ravive
en réalité son intérêt car il s’agit d’évaluer le chemin parcouru par le Togo dans sa difficile
marche vers la démocratie depuis 1990.
Vingt ans après l’instauration d’un régime de protection poussé des droits de l’Homme et la
sacralisation de l’individu par la constitution togolaise, le résultat devrait être une effectivité
de l’Etat de droit et l’apogée de l’idéel démocratique. Tel n’est point le cas puisque, faute de
volonté politique, le processus de démocratisation au Togo nous semble être une arlésienne.
En d’autres termes, au rêve joyeux d’une démocratie revitalisée semble se substituer la triste
réalité d’une démocratie émasculée14 avec en toile de fond des violations massives des droits
de l’homme et un pluralisme politique sérieusement menacé.
13
AMDRIAMANJATO( R), La démocratie et ses problèmes, bilan des conférences nationales et autres
processus de démocratisation, Actes de la conférence internationale sur les démocraties nouvelles ou rétablies,
Paris, 2ème édition, p.213.
14
HOLO (Th.), Démocratie revitalisée ou démocratie émasculée ? Les constitutions du renouveau démocratique
dans les Etats de l’espace francophone africain : régimes juridiques et systèmes politiques ; Revue béninoise de
science juridique et administrative, n°16, 2006, p.19
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Pour cela, il nous parait nécessaire de montrer dans une première partie que la protection des
droits de l’homme au Togo a fait l’objet d’une recherche laborieuse depuis 1990 (première
partie). Dans une seconde partie, nous essayerons de montrer que cette recherche laborieuse
n’a pas encore permis une consolidation du pluralisme politique (deuxième partie).
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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PREMIÈRE PARTIE : LA RECHERCHE LABORIEUSE DE LA PROTECTION DES
DROITS DE L’HOMME
Depuis la chute du mur de Berlin, la promotion et la protection internationales des droits de
l’homme ont connu une progression importante sous l’égide de l’Organisation des Nations
Unies (ONU)15, et des divers partenaires économiques et financiers. Ce faisant, l’ONU a
joué un rôle prépondérant dans tous ses Etats membres, aspirant volontairement ou sous
pression de la conjoncture internationale à la démocratie, en les incitant à mettre en place des
mécanismes efficaces de promotion et de protection des droits humains dans leurs ordres
institutionnels et juridiques nationaux.
Le Togo, à l’instar des autres pays africains s’inscrit dans cette logique de recherche de
mécanisme de protection des droits de l’homme. Dans cet Etat comme dans la plupart des
pays du continent, on assiste, au delà de l’adhésion à des instruments internationaux et
régionaux16 de promotion et de protection des droits de l’homme, à l’émergence d’un
mécanisme constitutionnel national.
En effet, cette nouvelle ère avait des exigences dont le respect par les Etats leur assurait une
place dans le concert des nations et dont le non respect les condamnait systématiquement à un
isolement multiforme (sanctions politique, économique, …).
15
Il importe de rappeler qu’avant la chute du mur de Berlin qui a marqué la fin des rivalités Est- ouest, la
protection des droits de la personne humaine s’est d’abord organisée au sein de chaque Etat de manière diverse.
On peut dans ce sens noter certaines institutions comme la protection diplomatique, l’intervention humanitaire,
la puissance protectrice et certains textes internes qui ont eu un très large champ car s’adressant consciemment
ou inconsciemment à tous les hommes de la planète. Ces textes ont ainsi acquis une renommée historique et
extraterritoriale. C’est l’exemple de la « Magna carta » du 15 juin 1215, la « petition of rights » de 1628, «
l’habeas corpus » de 1679, le « Bill of rights » du 13 février 1689 en Angleterre ; la Déclaration des droits de la
Penn sylvanie, du Maryland, de la Caroline du nord et de Virginie du 12 juin 1776, du Vermont en 1777, du
Massachussetts en 1780, la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, le « Bill of rights » de 1791 aux Etats
unis, la Déclaration française des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, la Déclaration genevoise
des droits et des devoirs de l’Homme social du 9 juin 1793. Voir LAGELEE Guy et MANCERON Gilles, La
conquête mondiale des droits de l’Homme, Paris, éd. UNESCO, 1998, p. 29 et ss.
16
L’instrument régional sur lequel il convient ici d’insister est la Charte Africaine des droits de l'homme et des
peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18e Conférence de l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA). Entrée en vigueur le 21 octobre 1986 après ratification de la Charte par 25 Etats. 49 des 52
membres de l'OUA dont le Togo l'ont ratifié. Cet instrument dans son préambule consacre l’engagement des
Etats africains en « Réaffirmant leur attachement aux libertés et aux droits de l'homme et des peuples contenus
dans les déclarations, conventions et autres instruments adoptés dans le cadre de l'Organisation de l'Unité
Africaine, du Mouvement des Pays Non-Alignés et de l'Organisation des Nations Unies » ; Cette charte dans son
Chapitre 1 intitulé Des droits de l'homme et des peuples dispose en son article 1 « Les Etats membres de
l'Organisation de l'Unité Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés
énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer. ».
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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7
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Tout régime démocratique devait donc fondamentalement tirer sa légitimité de sa volonté de
recherche d’un cadre juridique de protection des droits de l’homme et de sa détermination à
faire de cette volonté une réalité.
Le Togo se mettra donc en route, à la recherche d’instruments juridiques de protection des
droits de l’homme tant sur le plan international que national.
Mais est-ce résolument et de façon sérieuse ? Autrement dit, les droits de l’homme sont-ils
vraiment effectifs ou ne sont-ils qu’une arlésienne ?
A en croire les rapports des organismes internationaux et nationaux de défense des droits de
l’homme qui présentent un tableau sombre de la situation des droits de l’homme au Togo, nul
ne peut douter que leur effectivité est en demi-teinte (chapitre 2) et que leur proclamation
demeure
généreuse
(chapitre
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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1).
8
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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CHAPITRE 1 : UNE PROCLAMATION GENEREUSE DES DROITS DE L’HOMME
Les années 1990 marquent en Afrique noire francophone l’avènement du libéralisme. Ce
libéralisme politique à l’égard des droits humains annonce la transition vers le pluralisme
politique17 gage de démocratie. L’avènement du libéralisme au Togo s’appuie, comme dans
la plupart des cas, sur une organisation plus libérale des droits de l’homme et des libertés
publiques et des efforts de mise en œuvre de ces droits et libertés.
Une telle organisation repose sur une proclamation libérale des droits et libertés (section1) et
sur la mise en place d’un système efficace de garantie assuré par les institutions idoines
(section 2).
SECTION 1 : UNE PROCLAMATION LIBERALE DES DROITS ET LIBERTES.
L’Afrique noire, depuis les années d’indépendance, se caractérise par une proclamation abondante des
droits de l’homme. Cet intéressement à la promotion et à la protection des droits de l’homme s’est
renforcée dans les années 1990 « à la fois par la démultiplication des instruments protecteurs et la
consolidation des droits protégés. »18.
Le Togo dans sa marche vers la démocratie et la promotion de l’Etat de droit n’a pas manqué
de proclamer solennellement les droits de l’homme (Paragraphe 1) et les libertés publiques
(Paragraphe 2) à travers plusieurs instruments juridiques19.
17
Voir G. CONAC, « L’Afrique en transition vers le pluralisme politique », La vie du droit en Afrique,
Economica, 1993. Cité par René DEGNI-SÉGUI in « État de droit, droits de l’Homme, bilan des dix années »
18
Cf. René DEGNI-SÉGUI in « État de droit, droits de l’Homme, bilan des dix années », op. cit.
19
Comme nous allons le voir plus loin, le Togo dans le but de sa démocratisation a souvent adhéré aux
conventions internationales de protection et de promotion des droits de l’homme sans réserve. Il faut toutefois
signaler que les réserves visent à assurer dans une société hétérogène l’universalité des conventions
multilatérales et qu’en réalité, la possibilité de pouvoir les insérer dans telle ou telle convention des droits de
l’homme dépend du rapport des forces idéologiques et politiques en présence. Cf Pierre-Henri IMBERT ? Les
réserves aux traitsé multilatéraux, édition A. Pédone, Paris, 1979, PP. 409 et s. « L’obligation d’exécuter un
traité de bonne foi est d’autant plus difficile à cerner, et d’autant plus liée à l’existence même des engagements
conventionnels que les normes du traité sont ambiguës ou que leurs effets peuvent être suspendus par les Etats
parties en raison de difficultés conjoncturelles » Cf NGUYEN QUOC DINH, Patrick DAILLER et Alain
PELLET, le droit international public, LGDJ, Paris, 1980, 2ème édition, p. 208
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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9
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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PARAGRAPHE 1 : DE LA PROCLAMATION DES DROITS DE L’HOMME.
L’arsenal juridique togolais en matière de promotion et de protection des droits de l’homme
montre une valeur quantitative et qualitative importante. Cette proclamation, inscrite dans
une logique de suivisme juridique20 exige qu’on distingue l’adhésion
aux conventions
internationales (A) et l’adoption des textes nationaux (B)
A – L’Adhésion aux conventions internationales.
Le Togo, depuis son accession à l’indépendance le 27 avril 1960, est membre des Nations
Unies et de l’Union Africaine. Malgré cette impressionnante position dans le concert des
nations, cet Etat de l’Afrique de l’ouest comme la plupart des autres Etats africains s’est
jusqu’aux années 1990 abstenu à l’égard des instruments internationaux. C’est à partir de
1990 que le gouvernement togolais va donc s’engager en adhérant ou en ratifiant les
principales conventions internationales et régionales.
En ce qui concerne d’une part les conventions internationales relatives à la promotion et à la
protection internationales des droits de l’homme, le Togo a adhèré comme bon nombre de
pays africains aux conventions universelles générales ou spécifiques.
Pour les conventions générales, le Togo a adhéré21 aux deux pactes internationaux relatifs
respectivement aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels
adoptés le 16 décembre 1966 et leurs protocoles facultatifs.
Pour les conventions spécifiques le Togo a adhéré ou ratifié les instruments suivants:
-
la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre
198122 ;
-
la convention relative aux droits de l’enfant adoptée le 20 novembre 1989 et entrée en
vigueur le 2 septembre 1990. Notons que cette convention a été également ratifiée par
20
Ce suivisme juridique est lui-même porteur des germes des interprétations divergentes. Cf MELEDJE
DJEDJRO F., la contribution des organisations non gouvernementales à la sauvegarde des droits de l’homme,
Université d’Amiens, thèse, 1987, p.19
21
L’adhésion désigne l’acte par lequel un Etat non partie à un traité se place sous l’empire de ses dispositions.
On emploi aussi le nom accession. Cependant, la ratification désigne l’approbation d’un traité par les organes
internes compétents pour engager internationalement l’Etat ( le plus souvent le Chef de l’Etat, avec parfois
l’autorisation du Parlement), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13ème édition, p.21 et 459.
22
La plupart des Etat africains ont adhéré ou ratifié cet instrument international. Au 28 février 1990, elle
recueillait le suffrage de 10 États. Les 8 autres y ont adhéré dans la période de 91 à 99. Ce sont : le Bénin (11
mars 92), le Burundi (7 janvier 92), le Cameroun (22 août 92), la Côte d’Ivoire (12 décembre 95), le Niger (8
octobre 99), la République Centrafricaine (20 juin 91), le Tchad (8 juin 95). Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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10
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, la
Gabon, la Guinée, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République
Centrafricaine, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad, et le Zaïre (devenu République
Démocratique du Congo) entre 1990 et 1994 ;
-
la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, adoptée le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987.
Signalons que cette convention a été ratifiée bien avant 1990 par le Togo et quatre
autres États dont le Bénin, le Cameroun, la Guinée et le Sénégal23 ;
S’agissant d’autre part des conventions régionales de protection et de promotion des droits de
l’homme, malgré leur rareté en Afrique, celles qui existent connaissent un succès indéniable.
Le Togo
en adhérant
ou en ratifiant ces instruments régionaux s’inscrit ainsi
indiscutablement dans la lignée des Etats africains aspirant à la démocratie ou se prétendant
déjà démocratiques. Deux conventions
régionales méritent
d’être évoquées. La première
est la Charte Africaine des droits de l’Homme et des Peuples adoptée le 28 juin 1981 que le
Togo a ratifié bien avant 1990. La seconde est la convention de l’OUA régissant les aspects
propres au problème des réfugiés en Afrique adoptée le 10 septembre 1969. Cette convention
a recueilli, au 1er janvier 1994, 42 ratifications de l’ensemble des Etats membres de l’OUA.
Parmi les parties figurent, en bonne place, les États d’Afrique noire francophone dont la
République togolaise.
En matière donc de proclamation des droits de l’homme, le mécanisme textuel togolais a
des mérites et apparaît inégalé. Ce constat se conforte d’ailleurs au regard de la constitution
dont le préambule fournit une belle illustration de l’engagement de l’Etat à promouvoir les
instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme puisqu’il fait référence à la
Charte des Nations Unies de 1945, à la Déclaration Universelle des droits de l’homme de
1948, aux Pactes internationaux de 1966, à la Charte Africaine des droits de l’homme et des
peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine, aujourd’hui
Union
Africaine.
Une question fondamentale, au regard d’une analyse juridique de la politique démocratique
au Togo se pose cependant : quel est le statut des traités internationaux relatifs aux droits de
l’homme en droit interne dans cet Etat ?
23
D’autres États y ont adhéré entre 1991 et 1999. Ce sont : le Burkina Faso (4 janvier 1999), la Côte d’Ivoire (17
janvier 1995), le Gabon (21 janvier 1998), le Mali (28 février 1999), le Niger (5 octobre 1998), la République
Démocratique du Congo (4 février 1998), le Tchad (8 juin 1995). Au 3 février an 2000, n’y étaient pas encore
parties le Congo, Madagascar, la Mauritanie, la République Centrafricaine et le Rwanda Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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11
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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En 2002 par exemple, lors de l’examen du rapport du Togo sur la mise en œuvre du Pacte des
droits civils et politiques, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies déclarait : «Le
comité note avec préoccupation que le processus d’harmonisation des lois nationales, dont
un grand nombre est antérieur
à la constitution de 1992,avec les dispositions de la
constitution et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme est au point
mort. Des propositions formulées avec l’assistance du Bureau du Haut Commissaire aux
droits de l’homme au cours des années 1990, n’ont été suivies d’aucun effet. Le Comité
s’inquiète par ailleurs du fait que de nombreux projets de réforme, en matière notamment de
droits des enfants et des femmes, annoncés parfois depuis plusieurs années, n’ont toujours
pas abouti. L’État partie devrait réviser sa législation, de manière à la mettre en conformité
avec les dispositions du Pacte »24
Comme on le voit,
malgré la ratification d’importants instruments internationaux et
l’intégration des normes internationales dans l’ordonnancement juridique du fait de l’article
50 de la constitution,25force est de constater que la législation interne nationale n’a pas été
harmonisée avec les obligations internationales de l’Etat.
Qu’en est-il en réalité de la proclamation des droits au plan interne ?
B- L’adoption des textes nationaux.
Le libéralisme africain marque la transition entre les régimes autoritaires et la démocratie.
Cette transition a connu au Togo comme dans la plupart des Etats africains une véritable
« fièvre » législative et constitutionnelle26. Les libertés fondamentales
bénéficient ainsi
d’une large place dans les nouvelles constitutions africaines. A côté de la constitution, les
sources dérivées assurent une fonction normative en matière de proclamation des droits de
l’homme au Togo.
1- La constitutionnalisation des droits de l’Homme
La République
Togolaise depuis
son accession à l’indépendance s’est dotée d’une
constitution et tente inlassablement de s’inscrire dans le concert des sociétés modernes en
24
Observations finales du comité des droits de l’Homme, CCPR/CO/76/TGO,28 novembre 2002 ,§6.
Article 50 ‘’Les droits et devoirs, énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ratifiés par
le TOGO, font partie intégrante de la présente Constitution’’.
26
Voir, en ce sens, J. du Bois de GAUDUSSON, G. CONAC et Ch. DESOUCHES, Les constitutions africaines,
La Documentation française, Bruylant, Bruxelles 1998, p. 9. Cité par René DEGNI-SÉGUI in « État de droit,
droits de l’Homme, bilan des dix années », op. cit.
25
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12
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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accordant une valeur constitutionnelle aux droits humains27. Cette observation est valable
pour tous les autres Etats africains. En effet, la constante juridique et normative en Afrique
noire reste la constitutionnalisation des droits de l’homme. Le système togolais des droits de
l’homme corrobore cette règle. Le cadre juridique national de protection des droits humains
au Togo est en effet déterminé par la constitution du 14 octobre 199228. Cette
constitutionnalisation des droits, libertés et devoirs des citoyens, est la manifestation la plus
flagrante du gouvernement togolais de s’approprier les principes et droits contenus dans la
Charte des Nations Unies, la Déclaration Universelle des droits de l’Homme et, plus
récemment, la Charte Africaine des droits de l’Homme et des peuples.
La constitution togolaise consacre un titre entier à une Déclaration des droits de l’homme et
des libertés fondamentales. Ces dispositions sont d’autant plus importantes qu’elles sont
portées par le titre II de la constitution togolaise du 14 octobre 1992 (titre II)29.
La 4ème République togolaise apparait par cette proclamation des libertés fondamentales,
comme la championne des libertés, si l’on prend en compte la place qu’elle accorde aux droits
de l’homme dans la constitution.
Les droits reconnus sont aussi bien des droits civiques et politiques que des droits
économiques et sociaux. 0n peut citer :
L’égalité entre tous les êtres humains (Articles 2et 11) ;
L’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des droits de l’homme(Article10) ;
L’intégrité physique et morale, le droit à la vie et à la sécurité(Article13) ;
Le droit de propriété (Article 27) ;
27
La Déclaration Française des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui est un des textes fondamentaux à
l’universalisation des droits de l’homme précise en effet en son article 16 que « toute société dans laquelle la
garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». Le
respect des droits de l’homme auquel il importe d’ajouter le principe de la séparation des pouvoirs sont les
deux éléments qui révèlent un régime qui n’est pas despotique, c’est-à-dire un régime constitutionnel.
28
Cette constitution a été modifiée par la loi n ° 2002/0029 du 31 décembre 2002.
29
Il existe deux séries de dispositions bien distinctes de constitutionnalisation des droits de l’homme. Les
premières déclarent « partie intégrante de la présente constitution, les principes proclamés et garantis » par les
conventions internationales. Les secondes sont les plus importantes. Elles y consacrent un titre entier, c’est le
cas de la constitution togolaise. Il importe de signalée que certaines constitutions font exception à cette règle
par l’absence de déclaration des libertés fondamentales C’est particulièrement le cas de la Constitution
ivoirienne du 3 novembre 1960 qui, dans ses différentes révisions, n’a jamais envisagé accorder une place
particulière aux droits de l’Homme. Depuis le coup d’État survenu en Côte d’Ivoire, le 23 décembre 1999, cette
constitution n’est plus en vigueur en vertu de l’ordonnance n° 1/99 PR du 27 décembre 1999 portant suspension
de la constitution et organisation provisoire des pouvoirs publics.
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13
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Le droit à l’éducation(Article35) ;
Le droit à l’emploi (Article37) ;
Le droit à un environnement sain (Article 41) ;
La liste des droits ainsi reconnus par la constitution togolaise apparait bien classique et
fournie. Elle dénote sans nul doute le souci du constituant de doter le citoyen togolais de toute
la panoplie des droits aujourd’hui concevables. Si ce souci est fort louable, il reste que
l’inflation des droits à laquelle il aboutit peut devenir un facteur préjudiciable parce que
certains de ces droits, comme le droit du travail, le droit au développement, le droit à un
environnement sain sont encore à l’état embryonnaire ; car ils ne bénéficient pas de protection
juridique et demeurent avant tout des objectifs à atteindre. Ils favorisent de ce fait, la dilution
de la notion des droits de l’homme dans un ensemble flou et contribuent à l’affaiblir30. Mais
peut-être, ce risque a-t-il été délibérément pris par le constituant parce qu’il lui était difficile,
voire impossible, de faire un tri parmi des droits précisément censés indissociables.
2- L’intervention des sources dérivées
La constitution togolaise malgré sa générosité en matière de proclamation des droits humains
n’épuise pas toutes les questions relatives à la protection des droits de l’homme. Il est de
coutume que les constitutions africaines lorsqu’elles sont confrontées à cette situation,
renvoient aux sources dérivées en leur confiant le soin de fixer le cadre et les conditions
d’exercice des droits et libertés proclamés31. Ainsi, le domaine de la loi est consacré par la
constitution togolaise. En ce qui concerne le règlement, la compétence législative en matière
de droits de l’homme n’exclut pas le règlement qui peut intervenir sous la forme dérivée pour
assurer « l’exécution des lois » ou sur habilitation législative ou même de manière autonome
pour assurer la réglementation de l’exercice de certaines libertés32.
Au titre des sources dérivées qui proclament les droits et libertés fondamentales, outre la
constitution, peuvent être citées dans une certaine mesure :
-code pénal du 13 août 1980
30
Cf. MADIOT (Yves), op. cit. p.26. Cf. aussi PELLOUX (Robert) Vrais et faux droits de l’homme…, art. Cité
Les principales sources écrites sont la loi et le règlement. Mais c’est à la loi que revient la compétence de
déterminer le statut des droits de l’homme. Voir en ce sens les articles 34 et 37 de la constitution française de
1958 qui opère le partage entre loi et règlement.
32
Cf. René DEGNI-SÉGUI in « État de droit, droits de l’Homme, bilan des dix années », op. cit. 31
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14
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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-code de procédure pénale de 1983
-code de procédure civile de 1983
-code du travail de 1974
-code des personnes et de la famille du 30 novembre 1988
-code de l’environnement du 03 novembre1988
-code de la presse et de la communication du 11 février 1998
PARAGRAPHE 2 : DE LA PROCLAMATION DES LIBERTES
La constitution togolaise33 consacre le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion,
de culte, d’opinion et d’expression. Elle souligne que l’exercice de ces droits et libertés se
fait dans le respect des libertés d’autrui, de l’ordre public et des normes établies par la loi et
les règlements. Dans nos développements nous nous intéresserons particulièrement à la
liberté de presse(A) et aux libertés d’association, de réunion et de manifestation(B) vu la place
qu’elles occupent dans les efforts d’érection difficile de la démocratie et de l’Etat de droit au
Togo.
A- La liberté de presse
Au Togo, la liberté de presse est garantie et protégée par l’article 26 de la constitution. En
effet, les prémices de cette liberté ont été jetées le 30 août 1989 par le président Eyadéma qui
lança un appel pour la création des journaux indépendants afin de permettre à la presse
plurielle de jouer son rôle de critique social et culturel du pays. Suite à cet appel, le paysage
médiatique togolais a connu une floraison de titres qui rappellent la période de la lutte pour
l’indépendance où les journaux privés avaient animé la vie politique et syndicale du pays.
Survenu dans un contexte où les médias d’Etat exerçaient un monopole, l’émergence de la
presse écrite privée a été le premier élément d’accompagnement du multipartisme au Togo.
En matière audiovisuelle, le mouvement bien que moins rapide a été similaire. Ainsi, à coté
des médias audiovisuels publics (Radio Lomé, Radio Kara, et la Télévision Togolaise), sont
venues s’ajouter de nombreuses radios et télévisions privées.
33
Cf. art.25 de la constitution togolaise de 1992
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15
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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On dénombre aujourd’hui huit (08) chaines de télévision dont sept (07) privées, une trentaine
de titres de presse dont une vingtaine sont de l’opposition. On compte également une centaine
de radios libres légalement autorisées sur l’ensemble du territoire.
Ce faisant, l’organisation de l’exercice de la liberté de presse a fait l’objet d’un code de la
presse en République togolaise promulgué le 30 novembre 1990.Ce code a été abrogé le 11
février 1998 par un autre dont le champ d’application couvre la presse audiovisuelle, ce qui
n’était pas le cas dans le code de 1990.
Rappelons que le code de 1998 a été abrogé à deux reprises : d’abord par la loi du 23 février34
et ensuite par la loi du 3 septembre 200235.
Dans cette conjoncture, le ministère en charge de la communication est chargé de
l’application et de la coordination de la politique du gouvernement dans les domaines de la
communication écrite et audiovisuelle.
Aussi, convient-il de souligner que la loi du 3 septembre 2002 porte également
l’établissement d’une carte d’identité professionnelle des journalistes et techniciens de la
communication en précisant les conditions de délivrance, de renouvellement et de retrait de la
carte
de
presse
délivrée
par
la
Haute
Autorité
de
l’Audiovisuel
et
de
la
Communication(HAAC).
La proclamation de la liberté de presse au Togo par la constitution et l’encadrement juridique
dont cette liberté fait l’objet, semble pour le moins, témoigner de la volonté du pouvoir en
place de promouvoir la démocratie et l’Etat de droit.
B- Les libertés d’association, de réunion et de manifestation
La liberté d’association est consacrée au Togo par l’article 30 de la constitution de 1992.36
Cette liberté a connu un essor depuis le processus de démocratisation au Togo.
Ainsi la création d’association au Togo est régie par la loi française du 1er juillet 1901 rendue
applicable par arrêté n°265 Cab. du 18 avril 1946. On dénombre aujourd’hui près de 3000
associations qui opèrent sur toute l’étendue du territoire national. Il s’agit entre autre
d’associations de défense des droits de l’homme, d’associations religieuses, d’associations
pour la promotion de la démocratie, d’associations de développement, de promotion de
l’éducation, de la science et de la culture etc.
34
La loi du 23février 2000 institué la saisie administrative pour certains cas de délits de presse de nature à
troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la sécurité des citoyens ou de l’État.
35
La loi du 3septembre 2002 a apporté de nouvelles modifications au code de la presse qui font désormais
obligation aux directeurs d’organes de publication ou de diffusion d’employer des journalistes professionnels
dans leurs entreprises.
36
Article 30 de la constitution de 1992 « l’État reconnait et garantit dans les conditions fixées par la loi,
l’exercice des libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifique et sans instruments de violence »
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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16
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Les associations sont créées
par une simple déclaration au ministère en charge de
l’administration territoriale après dépôt de leurs statuts, du règlement intérieur, de la liste des
membres du bureau exécutif et celle des membres fondateurs. Elles exercent librement avant
même l’obtention du récépissé.
S’agissant des libertés de réunion et de manifestation pacifique, elles sont également
consacrées dans le texte de la constitution, mais aussi dans les lois.
En effet, selon l’article 30 de la constitution togolaise du 14 octobre 1992, l’Etat reconnait et
garantit dans les conditions fixées par la loi l’exercice des libertés de réunion et de
manifestation pacifique et sans instruments de violence.
La loi du 8 juillet 1992 modifiée par l’ordonnance du 16 avril 1993, la loi du 5 avril 2000
modifiée par la loi n°2002 du 12 mars 2002 et la loi n°2003-01 du 07 février 2003 portant
code électoral posent le principe de la liberté des réunions et manifestations électorales sur
l’ensemble du territoire avec les restrictions suivantes : elles sont interdites sur la voie
publique ; elles sont interdites entre vingt deux (22) heures et six (06) heures, les réunions et
manifestations électorales doivent être déclarées au préfet ou au maire au moins huit(8) heures
à l’avance, en leur cabinet, par écrit et au cours des heures légales d’ouverture des services
administratifs (article 88 du nouveau code).
Ces libertés telles que proclamées concernent donc les partis politiques, les syndicats, les
associations, les amicales et les groupes culturels.
La protection optimale de ces droits et libertés implique non seulement une législation
adéquate, mais également une magistrature indépendante, l’adoption et la mise en œuvre de
garanties et de recours individuels et la mise en place d’institutions démocratiques.
Car proclamer les droits et les inscrire dans un texte constitutionnel est une bonne chose, mais
organiser des mécanismes de protection est primordial.
C’est pourquoi, le gouvernement togolais, dans ses efforts de faire asseoir la démocratie et
l’État de droit et d’élargir les horizons de la liberté et de la justice, a procédé à la création et à
l’installation de presque toutes les institutions de protection et de défense des droits de
l’homme prévues par la constitution de la 4ème République.
SECTION 2 : LES INSTITUTIONS DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
La constitution togolaise de 1992 a institué des organes chargés d’assurer le respect des droits
qu’elle consacre. Ces organes sont d’une part juridictionnels (Paragraphe 1) et d’autre part
non juridictionnels (Paragraphe 2).
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PARAGRAPHE 1 : LES ORGANES JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES
DROITS DE L’HOMME
La protection des droits et libertés est l’apanage du pouvoir judiciaire (A) et de la cour
constitutionnelle(B).
A- Le pouvoir judiciaire
L’article 113 de la constitution togolaise prévoit que « le pouvoir judiciaire est indépendant
du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leurs
fonctions qu’à l’autorité de la loi. Le pouvoir judiciaire est garant des libertés individuelles et
des droits fondamentaux des citoyens ».
Conformément à l’article 1er de l’ordonnance du 7 septembre 1978 portant organisation
judiciaire, la justice est rendue par les juridictions ordinaires de droit commun, les juridictions
ordinaires spécialisées et les juridictions d’exception.
Les juridictions ordinaires de droit commun se composent de la Cour suprême, des Cours
d’appel (Lomé et Kara) qui siègent en chambre correctionnelle, en chambre civile,
commerciale et sociale, en chambre d’accusation, en chambre administrative et en cour
d’assises et par les tribunaux de première instance qui siègent en chambre civile, en chambre
commerciale et en chambre correctionnelle.
En ce qui concerne les juridictions ordinaires spécialisées, elles comprennent les tribunaux du
travail et les tribunaux pour enfants.
Quant aux juridictions d’exception, elles se composent de la Cour de sureté de l’Etat, et du
tribunal spécial chargé de la répression des détournements des deniers publics.
On retrouve cette organisation dans la constitution de 1992. Mais il faut préciser qu’elle a en
son article 119 alinéa 3 prohibé les juridictions d’exception.
La Cour suprême est régie par les dispositions des articles 120 à 125 de la constitution
togolaise. Selon l’article 120, elle est la haute juridiction de l’Etat en matière judiciaire et
administrative.
L’article 124 dispose que : « La chambre judiciaire de la cour suprême a compétence pour
connaitre :
-
des pourvois en cassation formés contre les décisions rendues en dernier ressort par les
juridictions civiles, commerciales, sociales et pénales.
-
des prises à partie contre les magistrats de la cour d’appel selon les dispositions du
code de procédure civile.
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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-
des poursuites pénales contre les magistrats de la cour d’appel selon les conditions
déterminées par le code de procédure pénale.
-
des demandes en révision et des règlements de juge. »
B- La Cour constitutionnelle
La Cour constitutionnelle est régie par les dispositions des articles 99 à 106 de la constitution.
Selon l’article 99, elle « constitue la plus haute juridiction en matière constitutionnelle. Elle
juge de la constitutionnalité des lois et garantit les droits fondamentaux de la personne
humaine et les libertés publiques(…) ».
Cependant, elle ne peut être directement saisie par un individu dont les droits constitutionnels
ont été lésés. L’article 106 dispose de son coté que : « Les décisions de la cour
constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics
et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles. »
Son organisation et fonctionnement sont régis par la loi, organique n°97/01/PR.
Contrairement à ses homologues d’autres pays37, la Cour constitutionnelle du Togo ne peut
être saisie par les citoyens dont les droits ont été lésés. Elle ne peut être saisie que par le
Président de la République, le premier Ministre, le Président de l’assemblée nationale le
cinquième des membres de cette assemblée. Il s’agit là incontestablement d’une limite
sensible et flagrante dans la protection des droits humains38.
Toutefois, il faut dire que l’article 104 alinéa 5 permet à toute personne physique, au cours
d’une instance judiciaire, d’invoquer in limine litis l’inconstitutionnalité d’une loi. Dans ce
cas, précise le texte, la juridiction sursoit à statuer et saisit la Cour constitutionnelle.
A coté de ces organes juridictionnels, la constitution togolaise a prévu d’autres organes non
juridictionnels chargés eux aussi d’assurer la protection des droits et libertés fondamentaux.
PARAGRAPHE 2 : LES ORGANES NON JURIDICTIONNELS DE PROTECTION
DES DROITS DE L’HOMME
Ces organes résultent principalement des dispositions constitutionnelles(A). C’est le cas par
exemple de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication(HAAC), de la
Commission Nationale des Droits de l’Homme(CNDH), et du Médiateur de la République.
Par la suite, le gouvernement a mis en place un ministère chargé des droits de l’homme, de la
37
Cas du Bénin, article 122 de la constitution de 1990 « Tout citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle sur la
constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée
dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. Celle –ci doit surseoir jusqu’à la décision de la Cour
constitutionnelle qui doit intervenir dans un délai de trente jours ».
38
Cf. Violations des droits de l’homme au Togo, Rapport alternatif présenté au comité des Nations Unies, 2004
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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démocratie et de l’Etat de droit et accepté l’idée de la création de la Ligue Togolaise des
Droits de l’Homme(B).
A- Les organes constitutionnels
Il s’agit en effet de la CNDH, de la HAAC, et du Médiateur de la République.
D’abord, en ce qui concerne la CNDH, il faut souligner qu’elle est l’institution nationale des
droits de l’homme avec pour mission la promotion, la protection et la défense des droits de
l’homme au Togo. Elle est indépendante et n’est soumise qu’à la constitution et à la loi39. Sa
composition, son organisation et son fonctionnement sont fixés par une loi organique et, selon
l’article 153 de la constitution, « aucun membre du Gouvernement ou du parlement, aucune
autre personne ne s’immisce dans l’exercice de ses fonctions et tous les autres organes de
l’Etat lui accordent l’assistance dont elle peut avoir besoin pour préserver son indépendance,
sa dignité et son efficacité. »
A sa création en 1987, cette institution a réalisé avec satisfaction plusieurs activités dans le
sens de la promotion et de la protection des droits humains. Aussi a-t-elle organisé plusieurs
séminaires et ateliers sur la connaissance et la vulgarisation des instruments juridiques
internationaux de protection des droits de l’homme.
Notons que la CNDH a connu une restructuration par la loi N° 96-12 de décembre 1996. Aux
termes de cette loi, la CNDH a pour mission d’assurer la protection et la défense des droits de
l’homme sur le territoire de la République togolaise, de promouvoir les droits de l’homme par
tout moyen, d’examiner et de recommander aux pouvoirs publics toute proposition de texte
ayant trait aux droits de l’homme, d’émettre des avis dans le domaine des droits de l’homme,
d’organiser des colloques et séminaires en matière des droits de l’homme.
Ensuite, s’agissant de la HAAC, cette institution a pour mission de «garantir et d’assurer la
liberté et la protection de la presse et des autres moyens de communication de masse »40. A
cet effet, elle doit veiller à l’accès équitable des partis politiques et des associations aux
moyens officiels d’information et de communication. Par ailleurs, elle est chargée d’assurer le
respect de l’expression pluraliste des courants d’opinion dans la communication audiovisuelle
et dans la presse écrite, notamment en matière d’information politique. Ainsi, au cours des
élections et en période de campagne électorale, la HAAC doit, en concertation avec les
acteurs politiques, procéder à une répartition équitable du temps d’antenne et des colonnes de
presse d’Etat. Par ailleurs, la HAAC est l’organe qui donne les autorisations d’installation de
39
40
Article 152 de la constitution togolaise de 1992.
Article 130 de la constitution togolaise de 1992.
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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chaines de télévision et de radio privées. Enfin, elle veille au respect de la déontologie en
matière d’information et de communication. Sa composition, son organisation et son
fonctionnement sont fixés par une loi organique41.
Enfin, pour ce qui est du Médiateur de la République, elle est une nouvelle institution créée
par la loi n° 2002/09 du 31 décembre 2002 modifiant la constitution de 1992.
Selon les dispositions de la constitution togolaise42, le médiateur est une autorité
administrative indépendante nommée par décret pris en conseil des ministres pour un mandat
de trois ans renouvelable et est chargé de régler les conflits non juridictionnels entre les
citoyens et l’administration. Sa composition et son fonctionnement sont fixés par une loi
organique n°2003/21 du 9 décembre 2003.
Conformément à l’article 7 de cette loi, le médiateur de la République est chargé de recevoir
les réclamations concernant le fonctionnement des administrations de l’Etat, des collectivités
publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d’une
mission de service public dans leurs relations avec les administrés.
Cette institution n’est pas encore opérationnelle. Elle n’a pas encore inscrit d’affaire à son
registre. Le décès il ya quelques années du médiateur nommé compromet sans doute l’espoir
des citoyens togolais de régler rapidement leurs différends avec l’administration.
B- Les organes gouvernementaux
Le ministère en charge des droits de l’homme, de la promotion de l’Etat de droit et de la
démocratie et la ligue togolaise des droits de l’homme(LTDH) sont les organes de promotion
et de protection des droits fondamentaux mis en place par le gouvernement après les années
1990 pour répondre aux exigences de l’opposition togolaise et des partenaires extérieurs
notamment le Haut-commissariat des Nations Unies.
Ainsi, en 1992, le gouvernement togolais a créé un ministère des droits de l’homme pour
protéger les droits des citoyens, promouvoir les droits de l’homme et instruire le peuple
togolais de ses droits.
Par ailleurs, le gouvernement s’est engagé en 1996 dans des projets de coopération technique
avec le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en vue de renforcer
l’Etat de droit et d’instaurer une culture des droits de l’homme au Togo, ce qui aboutit en
1998 à un certain nombre d’activités comme la mise en place d’un centre d’information et de
documentation.
41 Article 131 de la constitution togolaise de 1992.
42 Article154 de la constitution togolaise de 1992.
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S’agissant de la LTDH, il convient de souligner que c’est au sortir de la conférence nationale
de 1992 que l’opposition togolaise s’est battue pour sa mise en place. Elle apparait
aujourd’hui comme la plus crédible et la plus efficace des organismes de défense des droits de
l’homme. L’indépendance qui la caractérise se dégage nettement de ses rapports périodiques
qui n’affichent aucune complaisance vis-à-vis du pouvoir, ce qui justifie les poursuites,
menaces et intimidations incessantes dont font l’objet ses membres et qui nous amène à nous
interroger sur l’effectivité de la proclamation et de la protection des droits de l’homme au
Togo.
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CHAPITRE 2 : UNE EFFECTIVITE EN DEMI-TEINTE
Le début des années 1990 avait suscité beaucoup d’espoir au peuple togolais. Ainsi, pendant
la période dite de « révolution démocratique », des textes supposés garantir les droits
fondamentaux des togolais avaient été promulgués d’un commun accord ou se trouvaient à
l’état de projet.
Vingt ans plus tard, si la plupart des projets de réforme sont restés lettres mortes, les textes
promulgués sont aujourd’hui méconnaissables. Ils ont été modifiés par le pouvoir seul qui,
ensuite, révise les organes issus de ces textes pour mieux les contrôler.
Ce faisant, les belles architectures érigées pour le rayonnement de la démocratie au Togo sont
progressivement laissées à l’abandon quand elles ne sont pas purement et simplement
saccagées43. Elles ne servent en réalité que de façade qui tente de couvrir, en vain, les
dérapages grossiers d’un régime dictatorial vieux de plus de quatre décennies et qui éprouve
une hostilité manifeste vis-à-vis des principes démocratiques.
Pour tout esprit éclairé, il ne fait aucun doute que ce bel arsenal juridique de promotion et de
protection des droits de l’homme est manifestement contradictoire dans sa mise en œuvre.
En effet, la torture, l’impunité et la corruption sont monnaie courante au Togo. L’opposition
est en permanence entravée et traquée et toutes les libertés sont catégoriquement en
berne (presse, manifestation, réunion, syndicat, …)
Cette situation démontre bien que les droits de l’homme sont en demi-teinte ou quasiment
ineffectifs (Section 1) et reste corroborée par les dérives des institutions censées protéger les
droits humains (Section 2).
SECTION 1 - L’INEFFECTIVITE DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX
Cette ineffectivité se remarque dans la violation flagrante des droits de l’homme (Paragraphe
1) et dans le massacre des libertés publiques (Paragraphe 2) tels que relevés et publiés par les
organismes nationaux et internationaux de défense des droits de l’homme.
43 HOLO (Th.), Démocratie revitalisée ou démocratie émasculée ? Les constitutions du renouveau démocratique dans les Etats dE l’espace francophone africain : régimes
juridiques et systèmes politiques ; op. cit. p.31.
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PARAGRAPHE 1 : LA VIOLATION INSTITUTIONNALISEE DES DROITS DE
L’HOMME
Plus de deux décennies après la ratification par le Togo de la convention contre la torture et
autre traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, les détentions arbitraires(A) et
les tortures et autres mauvais traitements(B) constituent une pratique courante dans
l’environnement judiciaire au Togo.
Ces violations, sur une grande échelle, constituent une caractéristique fondamentale du régime
en place au Togo et font partie intégrante d’une politique délibérée présentée comme étant la
seule voie possible susceptible de conduire le pays vers le développement économique et
social. Elles sont pour ainsi dire consubstantielles à ce type de régime et concerne
essentiellement les droits politiques. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’elles sont
institutionnalisées.
A- La persistance des arrestations et détentions arbitraires
Le régime togolais se montre réfractaire à toute idée de l’opposition qui tend à contester la
légitimité du pouvoir ou son exercice. A cet égard, il est mis en place d’impressionnants
mécanismes de répression qui frappent tous les dissidents notamment par leur arrestation et
leur détention arbitraire.
Le professeur René DEGNI-SEGUI avait déjà fait remarquer que les régimes dictatoriaux se
caractérisent généralement par des vagues d’arrestations et de détentions consécutives à des
putschs ou tentatives, qu’ils soient réels ou imaginaires. Cette pensée reçoit une parfaite
illustration dans le paysage politique togolais ou le frère cadet du président de la République,
Kpatcha Gnassingbé, accusé de tentative de coup d’état a été arrêté et détenu pendant plus de
deux ans dans les locaux de l’agence nationale de renseignements généraux, reconnue comme
un haut lieu de torture au Togo44. Cette arrestation reste pour le moins arbitraire puisqu’elle
s’est faite au mépris des règles de procédure et que les preuves de cette accusation n’ont
jamais convaincu aucun esprit.
En fait, cette répression ne s’exerce pas que dans le cadre de la découverte des complots
imaginaires ou réels. Elle frappe indistinctement tout le monde puisque dans tous les régimes
dictatoriaux notamment au Togo, le règne de la loi garante des libertés individuelles est une
notion complètement inconnue.
Comment ne pas aboutir à une telle conclusion lorsque l’on sait que les détentions et les
arrestations sont tout à fait arbitraires en ce sens qu’elles ne se conforment pas aux règles de
44
Quotidien LIBERTE, N°433 du 15 avril 2009et N° 832 du 16 septembre 2011. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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forme et de procédure45. C’est ainsi que le Togo offre le triste spectacle familier d’arrestations
et de détentions de personnes opérées par des agents sans mandat, voire sur la personne des
parlementaires sans la levée de l’immunité. Les perquisitions et visites domiciliaires sont
effectuées à toute heure du jour ou de la nuit.
Par ailleurs, les délais de garde à vue ne sont pas respectés et vont bien au-delà du temps
réglementaire.
Notons que le cas le plus illustratif des arrestations et détentions arbitraires est le cas de M.
Agbéyomé Kodjo arrêté en 2002. Ancien président de l’assemblée nationale, ancien premier
Ministre du gouvernement togolais, M. Agbéyomé était un dignitaire du parti au pouvoir
jusqu’en 2002 quand il a sorti un véritable pamphlet contre le régime du général Eyadema.
Craignant pour sa sécurité, il s’est exilé en France d’où il est rentré le 8 avril 2005. Il fut
immédiatement arrêté au poste frontière de Hilla-Condji entre le Togo et le Bénin. Après une
brève comparution devant le doyen des juges d’instruction, il fut déféré dans un premier
temps à la prison civile de Lomé ; quelques heures plus tard, il fut déféré à la prison civile de
Kara en violation des règles de procédure.
Le régime au pouvoir fait état d’un mandat d’arrêt international décerné contre lui depuis son
départ. Selon son avocat français, la justice française a refusé de donner suite au montant à
cause du caractère non fondé de la poursuite. Selon le journal forum de la semaine n°55 du 14
avril 2005, il a fait l’objet de mauvais traitements et est soumis à des restrictions particulières.
Il est placé non pas sous la responsabilité des gardiens de prison mais des commandos
parachutistes, les fameux bérets rouges précédemment dirigés par Ernest Gnassingbé, un fils
du général Eyadema connu pour sa brutalité et son animosité.
Rappelons que ce dernier a été finalement libéré suite aux pressions des représentations
étrangères et des organismes nationaux et internationaux de défense des droits de l’homme.
B- La récurrence des tortures et autres mauvais traitements
Il est aujourd’hui impossible de dresser la liste exacte et exhaustive des actes de torture qui
ont beaucoup marqué les esprits dans le pays. Une fois arrêté, tout citoyen peut être soumis à
la torture. A cet égard, les rapports périodiquement publiés par l’organisation humanitaire,
Amnesty International, le prouvent fort éloquemment. Le catalogue des mauvais traitements
infligés aux personnes détenues est très richement fourni.
45 Les règles de forme et de procédure obligent les agents des forces de l’ordre à être munis d’un mandat délivré par un juge pour procéder à toute arrestation, garde à vue ou
détention préventive. La garde à vue doit être limitée à un court délai (par exemple 48 heures) renouvelables une fois. Les perquisitions au domicile doivent être opérées en
principe de jour par un officier de police judiciaire agissant sur mandat judiciaire ou commission rogatoire ; etc.
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Parmi ces traitements inhumains et dégradants, les passages à tabac sont les sévices les plus
fréquemment signalés. Les victimes sont frappées à coup de ceinture de soldats, de crosse de
fusil, de matraque, de bâtons et de pieds avec les chaussures rangers. Les détenus sont souvent
maltraités dès le moment de leur arrestation, puis, quelques fois, quotidiennement, durant
toute leur détention par les forces de sécurité.
Bien d’autres traitements inhumains et dégradants peuvent également être cités telles les
décharges électriques sur les organes génitaux, l’insertion des baguettes entre les doigts qui
sont ensuite écrasés les uns contre les autres, l’exposition prolongée au soleil, les privations
de nourriture et d’eau et des menaces ou simulations d’exécution capitale.
On assiste également suivant les déclarations des victimes, après certaines arrestations à des
immersions forcées des personnes arrêtées dans des eaux stagnantes infestées de saletés et
parfois d’insectes et de reptiles. D’autres encore sont contraints à ramper à quatre pattes et
arracher les herbes avec la bouche.
Tous ces actes ont été constamment dénoncés par les ONG nationales et internationales des
droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les cas les plus emblématiques :
En 2003 par exemple, Marc Palanga était militant et responsable du parti de l’opposition
UFC46 à Kara (ville natale du feu président Eyadema située dans le nord du Togo).
Le 09 février 2003, il a été interpellé avec cinq autres militants de son parti et placé en
détention à la gendarmerie de la ville de Kara. Au cours de leur détention, Marc Palanga et ses
compagnons ont été conduits à plusieurs reprises au camp militaire de Landja à Kara ou ils
ont été soumis à des actes de torture et d’autres mauvais traitements par les militaires de
l’armée togolaise. Le 17 février 2003, tous ont été remis en liberté sans inculpation. Le
22février2003, Marc Palanga a été à nouveau arrêté et accusé d’avoir organisé une réunion
politique à Sokodé (ville voisine de Kara). Il a été détenu pendant plus de 6mois avant d’être
finalement libéré.
La même année, plus précisément le 26 février, Mazama Katassa, un autre membre de l’UFC
a été arrêté à Sotouboua, une localité située au centre du Togo. Le 1er mars 2003, il a été
transféré dans les locaux de la gendarmerie de Kara et détenu au secret avant d’être
finalement libéré.
Par ailleurs, en 1999, un citoyen nigérian du nom d’Ameen Ayodélé, membre actif de la
section nigériane de Amnesty International a été arrêté et torturé par les forces de sécurité
togolaises après la publication d’un rapport de l’organisation intitulé « Togo État de terreur »
46 Union des Forces de Changement, principal parti de l’opposition togolaise dont le leader est M. Gilchrist OLYMPIO
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le 5 mai 1999. Il se rendait le 10 mai 1999 du Ghana au Nigéria. Il a passé environ une
dizaine de jours enfermé dans une cellule. Il a avoué avoir été battu quotidiennement. Il a été
menacé de mort et a subi des simulations d’exécution capitale.
Le cas le plus récent qui hante encore les mémoires est celui de Komi-Kouma Tengue en
2003 qui a été torturé jusqu’à ce que mort s’ensuive au commissariat de police de Kévé
(préfecture de l’Avé) à environ 50 km de Lomé. L’intéressé a été retrouvé dans un réservoir
d’eau du commissariat suivant un rapport de la ligue togolaise des droits de l’homme (janvier
2003- avril 2004), un de ses testicules « écrasé et aplati en galette était sorti de la bourse ».
Suivant le même rapport, l’autopsie a révélé que la mort provenait non pas d’une noyade mais
à la suite d’un choc violent.
Dans un tel contexte, on voit bien que le citoyen togolais vit dans un climat d’insécurité
permanente et de terreur. Aussi n’est-il pas surprenant selon Edem Kodjo ex secrétaire
général de l’Organisation de l’Unité Africaine, qu’il ait l’esprit « taraudé d’inquiétude et
pétrifié par la peur »47.
PARAGRAPHE 2 : LE MASSACRE DES LIBERTES PUBLIQUES
Les libertés fondamentalement mises en berne au Togo sont d’une part la liberté de presse(A)
et d’autre part les libertés de réunion, d’association et de manifestation(B).
A- La poursuite incessante des acteurs de presse
La liberté de presse est quasi introuvable au Togo et le pays apparait comme l’un des plus
répressifs en la matière sur le continent. Les saisies de journaux sont devenues monnaie
courante et plusieurs journalistes ont déjà visité les cellules de la prison civile de Lomé.
Le pouvoir togolais, à la fois par habitude de cadenasser toute contestation interne mais aussi
parce qu'il reste obsédé par son image de marque à l'étranger, n'a en réalité aucune volonté de
laisser un tant soit peu une bride relâchée aux journalistes togolais. Au contraire, tout est fait
pour sévèrement encadrer ces derniers et ce par quatre moyens : la répression, les médias
d'État, le Code de la presse et la HAAC et les associations corporatistes contrôlés et aux
ordres du pouvoir en place.
S’agissant de la répression ciblée à l’encontre des journalistes, elle est reconnue par certains
hauts responsables d’organes étatiques notamment le président de la HAAC qui a affirmé aux
chargés de mission de la FIDH : « je ne dis pas qu’il n’y a pas d’atteinte à la liberté de la
presse lorsque l’on arrête des journalistes dans un cybercafé » faisant allusion au cas des
47Et Demain l’Afrique, Paris, Stock, 1985, p. 164
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journalistes Dimas Dzikodo et Colombo Kpakpabia en 2003. En effet, le 14 juin 2003, en
début d’après midi, le rédacteur en chef, Dimas Dzikodo s’est rendu dans un cybercafé en vue
de chercher des informations sur internet afin de préparer un article pour son journal
l’ « Évènement ». Vers 18 heures, il est rejoint par son confrère Colombo Kpakpabia,
journaliste au « Nouvel Écho ».
Ils ont été arrêtés par la police en plein travail au cybercafé. Déférés à la sureté nationale, ils
ont fait l’objet de violentes bastonnades et de mauvais traitements au cours de leur
interrogatoire. Le lendemain, Philip Evégnon, directeur de publication du journal
l’Évènement, accusé d’avoir commandé ce travail, est également appréhendé.
Il leur était reproché de faire de la publication de fausses nouvelles et ternir l’image du pays.
Le 24 juin, ils sont inculpés par le procureur de la république pour diffusion de fausses
nouvelles et troubles à l’ordre public, et transférés à la prison civile de Lomé. Le 22 juillet, le
tribunal correctionnel de Lomé relaxe Philip Evégnon et Colombo Kpakpabia mais condamne
Dimas Dzikodo à une amende de 500 000 francs CFA pour tentative de publication de fausses
nouvelles.
Pour ce qui concerne les médias d’État, ils sont clairement confisqués par le pouvoir en place
qui ne souhaite laisser aucune marge de manœuvre aux médias privés. Ce faisant, l’opposition
togolaise n’a aucun accès à ces médias d’État.
Enfin, le pouvoir a mis en place un code de la presse avec des dispositions draconiennes qui
prévoient des délits de presse dépourvus de sens et assortis de peines extraordinaire dans le
dessein unique de paralyser l’action de la presse privée. A cet égard, ce ne sont pas moins les
sanctions, menaces et intimidations maladroites de la HAAC qui nous démontreront le
contraire.
B- La prise en otage des libertés d’association, de réunion et de manifestation
Les libertés d’association, de réunion et de manifestation consacrées par la constitution
togolaise48 ne sont acceptées que du bout des lèvres par le pouvoir en place.
S’agissant d’abord de la liberté d’association, il faut noter qu’en dépit de la législation en la
matière, les associations et ONG éprouvent d’énormes difficultés relatives au retard dans la
délivrance des récépissés leur permettant d’exercer librement leurs activités sur le territoire
national. La lenteur de l’administration dans le traitement des dossiers est plus remarquable
dans la procédure de délivrance des récépissés aux associations et ONG. Cette lenteur est
48
Article 30 de la constitution togolaise : « L’Etat reconnait et garantit dans les conditions fixées par la loi, l’exercice des libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifique et sans instrument de violence ». Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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28
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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aussi souvent observée lorsqu’il s’agit d’une association que le pouvoir suppose proche de
l’opposition comme c’était le cas du MCA (Mouvement Citoyen pour l’Alternance).
On note aujourd’hui que plus des 2/3 des associations existantes exercent sans leur récépissé
ce qui atteste le non respect de cette liberté d’association.
Mais les graves violations de la liberté d’association sont dirigées contre les partis politiques
et associations, en particulier ceux dits de l’opposition (OBUTS49, UFC, MCA).
Ensuite, l’année 2010 a laissé des souvenirs amers dans les esprits des membres de certains
partis politiques de l’opposition.
En effet, pour avoir refusé de participer au Gouvernement dit de large ouverture proposé par
Faure Gnassingbé après sa réélection, Monsieur Agbéyomé Kodjo, Président du parti
politique OBUTS (Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo Solidaire) en a subi les
conséquences. Son parti avait été dissout en flagrante violation de la loi N°91-4 du 12 avril
1991 portant Charte des Partis Politiques. Il n’a été réhabilité que grâce au courage des juges
de la Cour d’Appel qui ont infirmé le jugement ayant prononcé la dissolution.
En ce qui concerne les libertés de manifestation et de réunion, il faut signaler que le pouvoir
en place s’est toujours montré hostile à toute idée de manifestation et de rassemblement.
Ainsi, toute manifestation non autorisée par les autorités politiques du Togo est simplement
réprimée dans le sang. L’un des soulèvements populaires violemment réprimés est celui des
22 et 23 Juin 2010 suite à la hausse du prix des produits pétroliers et a entraîné la mort d’un
homme et plusieurs dizaines de blessés.
Les veillées diurnes à bougies allumées par des militants et sympathisants du Front
Républicain pour l’Alternance et le Changement (F.R.A.C), les mouvements de contestations
des résultats des élections présidentielles du 04 Mars 2010, les manifestations de protestations
des membres et sympathisants du parti OBUTS lors du procès de sa dissolution au Tribunal
de Première Instance de Première Classe de Lomé , ont été réprimées par des forces de l’ordre
à coups de gaz lacrymogène, de crosses, de cordelettes et de ceintures avec objets métalliques
.
Ces interventions de la Police et de la Gendarmerie Nationales ont eu pour bilan plusieurs
dizaines de blessés. Les forces de l’ordre au lieu de faire des tirs de sommation en l’air,
dirigent leurs armes directement dans la foule, ainsi les balles blanches et les contenus des
49
« Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo Solidaire », un parti politique de l’opposition dont le Président est l’ex‐premier ministre Agbéyomé KODJO. Ce parti, de par les prises de position politique de son président constitue aujourd’hui une énorme épine dans les pieds du parti au pouvoir qui cherche à s’en débarrasser par tout moyen. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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grenades lacrymogènes causent des blessures graves entraînant parfois l’hospitalisation des
blessés. Dans certains cas, des balles réelles sont tirées dans la foule.
Face à cette situation, on voit bien que l’action de gouvernement togolais s’arrête à la
promotion et ne va pas au-delà et ce ne sont pas moins les institutions censées protéger les
citoyens qui nous démontreront le contraire.
SECTION 2 : LES DERIVES DES INSTITUTIONS DE PROTECTION DES DROITS
DE L’HOMME
Au Togo, la protection des droits et libertés fondamentaux est l’apanage du juge
constitutionnel et du juge judiciaire. Mais comme dans ce domaine, le mieux ne semble pas
être l’ennemi du bien, le constituant togolais a créé à coté des organes juridictionnels, des
organes non juridictionnels afin de favoriser une protection maximale des citoyens contre les
abus de toutes sortes.
Au regard de leur fonctionnement, on se rend compte que cette belle architecture n’est en
réalité, qu’une façade puisque le juge constitutionnel apparait comme un véritable instrument
du pouvoir (Paragraphe 1). De plus, le juge judiciaire et les autres organes investis de la
mission de protection des droits humains se sont révélés être des fidèles serviteurs du régime
en place (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L’INSTRUMENTALISATION DU JUGE CONSTITUTIONNEL
Selon les dispositions de la constitution togolaise notamment en son article 99, le juge
constitutionnel est garant des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés
publiques. Cependant ses décisions sont confrontées à des obstacles d’ordre politique et
juridique.
Ces
obstacles
mettent
en
danger
l’indépendance
de
la
juridiction
constitutionnelle(A), ce qui conduit à la récurrence des décisions constitutionnelles
orientées(B).
A- Une indépendance compromise
L’indépendance de la justice constitutionnelle implique que le juge statue en totale autonomie,
c’est-à-dire qu’il n’a d’autre maitre que la constitution et par extension les normes de valeur
constitutionnelle. Ce principe se trouve se cependant sérieusement malmené au Togo.
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Ainsi,
le
quotidien
de
la
cour
constitutionnelle
togolaise
apporte
la
preuve
d’interventionnisme et de pression envahissante des pouvoirs publics ou parapublics les
réduisant à des acteurs secondaires du nouveau constitutionnalisme50.
En effet, l’illustration est apportée par la décision E 004/98 du 02 juillet 1998 de la cour
constitutionnelle togolaise tendant au contrôle de régularité des actes posés par le ministre de
l’intérieur et de la sécurité aux lieux et place de la Commission Électorale Nationale (CEN).
Saisis en effet par trois candidats à l’élection présidentielle du 21 juin 1998, la Haute
juridiction a procédé à une analyse politico-juridique de la situation politique générée par
cette consultation. Si elle a considéré au terme d’une analyse juridique objective que la « la
situation de blocage constatée n’a pas été prévue par aucun texte et qu’il en résulte qu’aucun
organe de l’Etat ne pouvait, sans violer l’article 71 du code électoral, agir en lieux et place de
la CEN paralysée », elle n’en a pas moins légitimer l’intrusion du ministre de l’intérieur dans
le processus de proclamation officielle des résultats.
La Cour constitutionnelle observait en effet qu’au regard des circonstances particulières ou
l’application rigoureuse de l’article 71 s’avérait impossible, l’inaction du ministre de
l’intérieur aurait pu bloquer définitivement l’évolution du processus d’élection du Président
de la République et aboutit raisonnablement à un vide juridique. Ainsi, à défaut d’organes
pouvant légalement se substituer à la CEN, seul le ministre de l’intérieur et de la Sécurité ;
organisateur du scrutin et de fait partenaire de la CEN qui en assure la supervision, était à
même de procéder à la centralisation des résultats et à la cour constitutionnelle afin d’éviter
l’arrêt du processus électoral. En conséquence, « refuser de recevoir du ministre de l’Intérieur
et de la Sécurité les procès verbaux et l’ensemble des pièces relatives aux opérations
électorales déjà en sa possession, et annuler les actes incriminés serait une décision plus grave
qui consacrerait un blocage définitif ou un transfert de toutes les attributions en matière
électorale au ministre de l’intérieur et de la sécurité.
La Cour, en tant qu’organe suprême en matière électorale ne saurait refuser de recevoir du
ministre de l’intérieur et de la sécurité les pièces relatives à l’élection du Président de la
République »51.
Cette décision qui n’est qu’une parmi tant d’autres constitue un témoignage assez fort des
dérives la justice constitutionnelle qui ont porté un coup d’arrêt à l’affermissement de la
50
Nguélé‐Adaba(M.) « Naissance d’un contre‐pouvoir. Réflexion sur la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel camerounais », RRJ, 2005‐4, p.2474‐2484. 51
Décision E 004/98 du 02 juillet 1998 Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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démocratie pluraliste au Togo aux termes d’une justice constitutionnelle surveillée, marquée
par des sollicitations inavouables »52.
En effet ces scénarios ne peuvent que susciter des interrogations sur l’impartialité et la probité
des la juridiction constitutionnelle togolaise Ainsi, la justice constitutionnelle togolaise dans
son ensemble doit donc éviter de donner l’image d’une institution de notables dépositaires
d’une culture politique rétrograde et qui cherchent à perpétuer un ordre politique honni par les
citoyens53.
Eu égard à ce qui précède, il est clair que cette absence d’indépendance des juges
constitutionnels conduit évidemment à des décisions orientées.
B- Des décisions constitutionnelles orientées.
Les missions essentielles voire traditionnelles des juridictions constitutionnelles sont d’une
part, le contrôle de constitutionnalité des lois et la garantie des droits humains, et d’autre part
la régulation des institutions de la République. C’est dans ce sens qu’elles sont juges de la
régularité des consultations électorales nationales. La Cour constitutionnelle togolaise a eu à
manquer à ses deux devoirs puisqu’elle est fortement influencée par le pouvoir en place
envers qui elle reste redevable.
En effet, le mode de désignation54 des membres de la cour constitutionnelle réduit
considérablement leur marge de manœuvre et accentue le caractère politique de l’institution.
Ainsi, est nommé juge à la Cour constitutionnelle togolaise de proches collaborateurs à la
fidélité établie avec en toile de fond des jurisprudences dénuées de tout intérêt juridique.
D’abord, en ce qui concerne le contrôle de la régularité des consultations électorales, le refus
a toujours été la règle. Cela s’est remarqué avec la première consultation sur laquelle la Cour
a eu à exercer son contrôle. En effet, il s’agit de l’élection présidentielle de 1998. Comme
relevé plus haut55, l’institution chargée de conduire le processus ayant connu des défections,
le ministre de l’intérieur et de la Sécurité s’était substitué à cette institution pour proclamer les
résultats. Des résultats qu’ont condamnés les membres de la CEN non démissionnaires56. La
52
KAMTO (M.) « Charte africaine, instrument internationaux de protection des droits de l’homme, Constitutions nationales : articulations respectives », in J‐F. Flauss, E. Lambert‐Abdelgawad (dir.), L’application nationale de la Charte…, op. Cit. p. 41. 53
MEUNIER (J.), Le pouvoir du conseil constitutionnel. Essai d’analyse stratégique, Bruylant, LGDJ, 1994, p. 52‐
89. 54
Au Togo, la Cour constitutionnelle est composée de neuf membres dont trois sont désignés par le Président de la République, trois élus par l’Assemblée nationale à la majorité des 2/3 des députes et trois élus par le Sénat à la majorité des 2/3 des sénateurs. 55
Chapitre 2, Section 2 , Paragraphe 1, A, troisième alinéa 56
Le vice‐président de la CEN, M. Diabacté, au nom des membres non démissionnaires, portera à l’attention de la Communauté internationale que : « tous résultats des élections présidentielles du 21juin 1998, qui seraient Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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32
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Cour validera ces résultats alors qu’elle avait elle- même dans un premier temps reconnu que
le ministre n’avait pas compétence pour proclamer ces résultats.
Ensuite, la Cour constitutionnelle togolaise se rendra plus tristement célèbre en participant
activement et de façon flagrante à la violation de la constitution intervenue en février 2005
suite au décès du Président Gnassingbé Eyadema.57 En effet, elle a été complice des révisions
constitutionnelles initiées par le parlement et ira plus loin en recevant le serment du nouveau
président Faure Gnassingbé. Et, comme une cerise sur le gâteau, le président de la Cour va
modifier en personne le texte du serment58.
A n’en pas douter, ces différents cas montrent bien que le juge constitutionnel togolais est un
fidèle toutou du pouvoir à l’encontre de qui il ne peut rendre des décisions défavorables.
Autrement dit, le juge constitutionnel s’est révélé complice d’une ‘’monarchisation’’
rampante de la République au terme des événements du 5 février 2005.59
PARAGRAPHE 2 : LES ERREMENTS DU POUVOIR JUDICIAIRE ET DES
ORGANES NON JURIDICTIONNELS
Le pouvoir judiciaire, dans son fonctionnement est typiquement à l’image de la justice
constitutionnelle au Togo. Son indépendance n’est que théorique puisqu’il est fortement
influencé par le pouvoir exécutif(A). Ces mêmes insuffisances se retrouvent également au
niveau des organes non juridictionnels chargés d’assurer cette mission(B).
proclamés en violation de l’article 71 du code électoral seraient nuls et de nul effet. » (Propos rapportés par Tété G. op. cit, p. 77). Cet article 71 dispose que : « un représentant de chaque parti politique légalement constitué participera aux travaux de la CEN avec voie consultative. » 57
La mort du Président Gnassingbé Eyadéma, le 5février2005, a donné lieu à une ‘’démythisation’’ de la constitution togolaise de 1992 avec la complicité active de la cour constitutionnelle togolaise. En effet, la constitution a été modifiée en un temps record dans ses dispositions relatives à la succession constitutionnelle du chef de l’Etat au profit du Faure Gnassingbé. Or, la constitution organise la vacance du pouvoir en cas d’empêchement du chef de l’Etat. Les articles 54 al.3 et 144 al.4 de la constitution en sont conséquents. Cependant la cour constitutionnelle a accepté la prestation de serment de Faure Gnassingbé en admettant au surplus qu’il assurerait ‘’la durée du mandat du prédécesseur qui continue par courir jusqu’en 2008’’. En dépit du retour à la légalité constitutionnelle par la démission de Faure Gnassingbé au profit d’Abbas Bonfoh et son élection au terme du scrutin présidentiel du 24 avril 2005, il est logique d’affirmer que la cour constitutionnelle togolaise s’est rendue coupable de forfaiture en entérinant de pareils liftings de la constitution togolaise. 58
Le président de la cour constitutionnelle, de son propre chef changea les termes du serment du Président de la République prévu à l’article 64 de la constitution. Il remplaça le terme « élu » par « désigné » et introduit le mot « intérim ». Ainsi, « … Nous … Elu Président de la République conformément aux lois de la République … » devient « … Nous … désigné Président de la République par intérim conformément aux lois de la République… » 59
KOKOROKO(D), Apport de la jurisprudence constitutionnelle africaine à la consolidation des acquis démocratiques : les cas du Bénin, du Mali, du Sénégal et du Togo. Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives n°16,2006, p. 95. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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A- Une justice dépendante et partiale
Aujourd’hui, les droits de l’homme demeurent encore un vaste chantier surtout dans le
domaine judiciaire au Togo.
Aux termes des dispositions de l’article 113, alinéas 1er et 2 de la Loi Fondamentale
togolaise, « Le Pouvoir Judiciaire est indépendant du Pouvoir Législatif et du Pouvoir
Exécutif. Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à l’autorité de la
loi ».
Cet idéal est encore loin d’être atteint au Togo. La décision du Tribunal de Première Instance
de Lomé prononçant la dissolution du parti OBUTS, la manière dont s’est déroulée
l’instruction dans les affaires Kpatcha Gnassingbé, Sama, et la récente décision de la Cour
Constitutionnelle entérinant avec une légèreté remarquable l’exclusion des 09 députés UFC
(d’obédience ANC60) prouve à suffisance qu’on est loin de procès équitable au TOGO.
L’indépendance de la magistrature garantie par la Constitution n’est qu’un leurre, le
gouvernement ayant bel et bien une mainmise sur certains dossiers.
Le lendemain de l’élection présidentielle de 2010 a montré que le TOGO s’est éloigné des
avancées démocratiques observées dans les cinq dernières années.
Il faut souligner enfin que outre l’instrumentalisation de la justice par le parti au pouvoir, la
justice togolaise est sérieusement gangrénée par le problème récurent de l’impunité aux
plans politique et économique et se caractérise surtout par une justice de « deux poids deux
mesures ».
En effet, beaucoup de criminels circulent librement aux travers des artères des villes du pays
sans être inquiétés alors que la justice doit être la même pour tous. Il ne doit pas y avoir une
justice pour les proches et une justice pour les éloignés, ni une justice pour les partisans d’un
même parti politique et une autre pour les partisans de partis opposés.
Dans le dossier qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Abass Bonfoh61 », malgré la grande
indignation qu’ont suscité les propos négationnistes du Président de l’Assemblée Nationale,
rien, plus rien, rien d’autre qu’un silence coupable et complice gardé par les premiers
responsables de notre pays, notamment les députés, le Premier Ministre et son Gouvernement,
le Président de la République.
60
Alliance Nationale pour le Changement, parti nouvellement créé par les dissidents de l’UFC suite à un accord signé par l’UFC et le RPT et qui a permis l’entrée de l’UFC au gouvernement. L’ANC est dirigé aujourd’hui par M. Jean‐Pierre FABRE, ex secrétaire général de l’UFC. 61
Le président de l’assemblée nationale, Abass Bonfoh, dans une interview affirme qu’il n’y a pas eu un seul mort à la période post électorale de 2010 remettant ainsi en cause les rapports des Nations unies et des autres organismes de défense des droits de l’homme qui ont fait état de plus de 500 morts. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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34
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Dans l’affaire ReDéMaRe62, les organismes de défense des droits de l’homme ont exprimé,
dans une correspondance qu’elles ont adressée au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
avec ampliation à sa Collègue des Droits de l’Homme, leur plus grande indignation, pour
n’avoir pu faire fléchir le bras dur de l’arbitraire qui continue par faire croupir illégalement un
humble et honnête citoyen en détention, alors que Monsieur Kwassi Klutsè, ancien Premier
Ministre de son état et Premier Responsable d’une société de microfinance « Investir Dans
l’Humain » (IDH) dont les activités ont cessé pour cause de détournements avérés des fonds
déposés par les citoyens togolais sur toute l’étendue du territoire, circule librement et baigne
dans une impunité totale.
Cela traduit également la persistance de l’impunité, de la justice à double vitesse, de la justice
de deux poids, deux mesures.
De nombreuses personnes à l’origine de violences électorales et postélectorales sont restées
impunies jusqu’à ce jour malgré les rapports significatifs de la « Commission Koffigoh »63 et
des Nations Unies.
De nombreuses plaintes déposées par le CACIT64 dans ce sens n’ont jamais abouti, le
politique ayant une mainmise sur les procédures.
B- La pagaille des organes non juridictionnels
En l’absence d’un médiateur de la République, la CNDH, la HAAC et la LTDH restent les
organes non juridictionnels en charge de la protection des droits de l’homme au Togo.
S’agissant de la CNDH et de la HAAC, il convient de relever que ces deux institutions n’ont
jamais su être à la hauteur des attentes du peuple togolais. Ces deux institutions, au jour
d’aujourd’hui, sont indéniablement au service du pouvoir en place de qui elles reçoivent des
injonctions avant toute décision. Cette influence est d’autant forte et manifeste qu’il est quasi
impossible de parler encore d’une indépendance de ces institutions. Ces institutions ont
toujours été présidées par des proches du pouvoir RPT et la quasi majorité des membres qui
les composent sont d’obédience RPT.
62
Réseau pour un Développement de la Masse sans Ressource, une institution de microfinance créée légalement par M. Sama Essohamlon et qui accorde des prêts à la population démunie avec un taux d’intérêt négligeable et des avantages extraordinaires. Le pouvoir ayant des doutes sur le fonctionnement de cette institution n’a trouvé mieux que d’inculper son directeur M. Sama pour tentative d’escroquerie au grand dam des milliers d’adhérents qui ont toujours été satisfaits des prestations de leur institution. Au jour d’aujourd’hui, le Directeur Général de ReDéMaRe n’est toujours pas libéré. Et malgré la décision de la Chambre d’Accusation mettant en liberté provisoire M. Sama Essohamlon en se fondant sur l’état d’avancement de la procédure, le Parquet Général forme pourvoi et au motif qu’il n’a pas été consulté. 63
Commission mise en place à l’issue des élections présidentielles de 2010 pour enquêter sur les auteurs des violences électorales et postélectorales et présidée par l’ex‐premier ministre Joseph Kokou Koffigoh. 64
Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo, une ONG qui lutte contre l’impunité au Togo. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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35
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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En effet, depuis sa constitutionnalisation en 1992, la CNDH a commencé à perdre son
indépendance et sa crédibilité. Elle n’exerce plus autant d’attrait sur les citoyens comme de
par le passé. Cette situation est reconnue par les autorités qui ont pris l’engagement vis-à-vis
de l’Union Européenne de revoir le mandat et le statut de la CNDH en vue de garantir son
indépendance effective par rapport aux autorités administratives. Mais plus les années
passent, on se rend compte que cette promesse n’a été qu’un miroir aux alouettes étant donné
que le régime en place ne fait en réalité preuve d’aucune volonté politique pour changer les
choses.
Pour ce qui est de la HAAC, cette institution manque cruellement d’indépendance et
d’autonomie. Elle est aussi un instrument du pouvoir chargée de contrôler et de museler les
opinions contraires à l’idéologie du parti au pouvoir. En témoigne la récente nomination des
membres de cette institution avec à sa tête un ténor du RPT en la personne de M. TOZOUN
K. Biossey.
Dans cette atmosphère, seule la LTDH tente, tant bien que mal, de répondre aux aspirations
du peuple togolais en se démarquant de la CNDH et de la HAAC. De par ses prises de
position et ses dénonciations, la LTDH apparait aujourd’hui comme la seule institution
véritablement protectrice des droits de l’homme et qui lutte contre vents et marées pour le
triomphe de l’Etat de droit et la consolidation du pluralisme politique au Togo.
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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DEUXIEME PARTIE : LA CONSOLIDATION DIFFICILE DU PLURALISME
POLITIQUE
La problématique du pluralisme politique togolais est intimement liée à son histoire politique.
Il est loisible d’imaginer l’existence d’un bref pluralisme politique, période que l’on situe peu
avant les indépendances. Au lendemain des indépendances, le système politique togolais est
caractérisé par son monopartisme. En effet, le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) créé
en 1969 était le seul parti politique, et toute compétition politique dans la conquête du
pouvoir d’Etat était impossible. Durant cette longue période qui va durer jusqu’en 1990, les
quelques élections législatives organisées n’ont pas été à proprement parler ouvertes65et par
conséquent très peu démocratiques pour cette raison et bien d’autres notamment l’absence de
partis politiques en compétition.
L’avènement récent du pluralisme politique au Togo constitue en soi un tournant politique
décisif sur la trajectoire post indépendance de ce pays à histoire politique particulièrement
tourmentée. Cet évènement politique très important dans l’affirmation et la manifestation des
droits humains au Togo de part son importance d’avoir des bases légale, textuelle qui
garantissent juridiquement et politiquement sa mise en œuvre pratique. Il s’agira donc pour
nous dans cette deuxième partie de rechercher les moyens ou sources qui permettent de penser
65
Michel AMELLER disait : « le consentement du peuple, fondement de l’autorité, s’exprime par l’élection » in
AMELLER (Michel), Parlements, Deuxième édition revue et corrigée, PUF, 1966, p. 10 et s. La notion
d’élection comprend celle de choix entre plusieurs concurrents en présence. En effet élection vient du latin
eligere qui signifie choisir et l’élection correspond en effet, en français vieilli, à cette faculté. On ne saurait
donc parler d’élection s’il n’y a qu’un seul concurrent, s’il n’y a pas d’opposant. C’est d’ailleurs par le boycott
des élections que les partis de l’opposition ont souvent voulu mettre en cause la crédibilité et la validité des
élections. L’élection est le moyen idéal, le plus adéquat pour choisir les représentants du peuple, les
gouvernants. « En tant qu’instrument de désignation des gouvernants, l’élection a conquis ses lettres de noblesse
aux dépens d’autres modes de dévolution du pouvoir. Elle s’est ainsi imposée comme un possible substitut au
tirage au sort, invention de la démocratie grecque qui choquerait aujourd’hui mais qui fut longtemps la marque
d’un idéal républicain. Elle est également ressentie comme une alternative viable, limitant le "bon plaisir", aux
modes de gouvernement par nomination ; elle est enfin, c’est historiquement très net à travers le passage des
monarchies héréditaires aux régimes représentatifs de type parlementaire, un instrument de participation des
citoyens à la chose publique, à la différence d’une transmission héréditaire du pouvoir qui en confisque la
dévolution au profit d’une famille ou d’une lignée et peut toujours faire craindre l’arbitraire et l’incompétence de
la descendance […] Par-delà le droit interne, la communauté internationale, qui dépêche souvent à ce titre
d’importantes missions d’observation, voit dans l’élection, lorsqu’elle n’est pas qu’une simple vitrine, un indice
fort autant qu’un gage du caractère démocratique d’un État, ainsi qu’une condition indispensable de
reconnaissance officielle. Les élections sont une condition sine qua non de la démocratie, en tant qu’elles
constituent l’alternative moderne à la légitimité charismatique ou historique ; par elles, la raison d’être du
pouvoir des gouvernants tient au fait qu’ils représentent (certes de manière fictive) la volonté du peuple, à tout le
moins du corps électoral. L’élection est ainsi devenue le procédé d’expression de la volonté des électeurs et de
leur choix des dirigeants chargés de décider en leur nom », in Dictionnaire de culture juridique, D. ALLAND, S.
RIALS (dir.), Lamy, PUF, 2003, (1649 p.), p. 604-607.
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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à une affirmation du pluralisme politique au Togo (chapitre 1) afin de démontrer la
complexité de sa mise en œuvre dans le processus de démocratisation (chapitre 2).
CHAPITRE 1 : L’AFFIRMATION DU PLURALISME POLITIQUE
L'instauration du pluralisme politique en Afrique en général remonte à la fin des années
198066. Cet évènement pose le problème de la signification même du pluralisme politique
comme principe de démocratie. Il s'agit d'une part de la remise en cause des autoritarismes de
partis uniques et de l'aspiration légitime des peuples à la démocratie. D'autre part, il s'agit de
garantir les libertés individuelles des citoyens et d'intégrer ceux-ci dans la vie politique.
Le pluralisme politique est en effet l’un des principes fondamentaux de la démocratie. Ce
principe exige pour son existence réelle et pour son évolution, certaines conditions.
s’agit entre autres d’une base légale notamment
67
constitutionnelle
Il
(section 1) et
d’institutions diverses comme le parlement, la cour suprême, le multipartisme, la presse
privée et bien d’autres encore pour le fonctionnement efficace de la démocratie
(section 2).
SECTION1 : L’AFFIRMATION THÉORIQUE DU PLURALISME POLITIQUE AU
TOGO
Le pluralisme politique au Togo est récent. Il importe dans un esprit de recherche scientifique,
de signaler que la période du monopartisme togolais a connu toutefois de nombreux partis
politiques de fait, sans existence légale et sans une reconnaissance juridique nationale
véritable. La naissance du véritable multipartisme remonte donc aux années 1990. Comme
dans la plus part des Etats africains d’alors, le pluralisme politique togolais marque la fin
66
La période 1980 à 1990 est considérée en Afrique comme celle des transitions démocratiques. Aussi,
« L’année 1990 sera sans nul doute gravée en lettres d’or dans l’histoire de la quête de la démocratie par
l’Afrique noire indépendante. Elle rompt en effet avec la conception unanimiste du pouvoir solitaire des trois
décennies d’indépendance en réinstaurant l’expression plurielle, tout particulièrement la dimension politique,
marquant ainsi une étape importante et décisive, celle de « l’Afrique en transition vers le pluralisme politique
»(1). Aussi, n’est-il pas exagéré d’affirmer que 1990 est à la démocratie ce que 1960 est à l’indépendance. » in
« état de droit, droits de l’homme, bilan des dix années » RENÉ DEGNI-SÉGUI, Rapport de la conférence
africaine sur la Constitution et les changements Constitutionnels tenue en Nairobi, Kenya avril 2007
67
Comparant l’Etat à une société on peut dire que la Constitution est le statut de l’Etat. Elle est donc
l’instrument qui puisse donner force probante à tout droit qu’on veut protéger contre les incursions du politique,
in CHANTEBOUT (B), droit constitutionnel et science politique, Paris, éd Armand Colin, 1985, 6è éd, 24 ; une
idée du genre est développée par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
« toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a
point de Constitution » ; la Constitution apparaît donc comme un instrument de garantie des droits qu’on cherche
à rendre dérogeable ou à soustraire de l’emprise du Politique et à mettre sous la protection stricte du juge
constitutionnel.
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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d’une période de dictature, de gestion cavalière des affaires de l’Etat, une période d’exil forcé,
de violations massives et systématiques des droits de l’homme. C’est la transition du système
politique monopartiste vers un système pluraliste plus enclin à instaurer l’Etat de droit
démocratique. Cette transition démocratique était un impératif pour toute l’Afrique noire,
compte tenu du nouveau contexte international où la démocratie et l’économie de marché
semblent gagner du terrain.
Le pluralisme politique devient ainsi au Togo comme partout ailleurs en Afrique noire la
mode et avec des conséquences tant sur l’organisation constitutionnelle traditionnelle, que sur
le fonctionnement du pouvoir politique et des institutions nationales. Ce nouveau changement
politique au Togo, notamment l’apparition du pluralisme politique ouvre ainsi une véritable
crise de l’autoritarisme politique traditionnel
longtemps dominé par le feu Président
Gnassingbé Eyadema, obligé de procéder à des réformes juridiques de grandes ampleurs. Au
rang de ces réformes il faut noter
principalement sur le plan politique, la
déconstitutionnalisation et la reconstruction constitutionnelle68 au profit
du pluralisme
politique. La notion de pluralisme politique mérite dans cette atmosphère politique
particulière d’être située par rapport à l’ordre constitutionnel établi par la constitution
togolaise du 14 octobre 1992 (Paragraphe 1) et au processus de démocratisation au Togo
(Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L’AMÉNAGEMENT CONSTITUTIONNEL DU PLURALISME
POLITIQUE AU TOGO
La transition démocratique togolaise s’est caractérisée par l’élaboration urgente d’une
nouvelle constitution ou de nouvelles lois prenant en compte les exigences d’un Etat de droit
démocratique. La constitution est la loi suprême d’un Etat. De manière classique, on définit
la constitution au sens matériel comme l’ensemble des règles écrites et coutumières qui
déterminent la forme d’un Etat (unitaire ou fédéral), la dévolution et l’exercice du pouvoir69.
Elle représente le statut d’un Etat démocratique en tant que personne juridique du droit
international.
Les notions de pluralisme politique et d’ordre constitutionnel procèdent respectivement de
celle de politique et de droit. Elles permettent toutes deux de circonscrire la relation entre le
politique et le droit et de la rendre plus concrète. La principale question que l’on peut se poser
68
Ces expressions ont été empruntées au Professeur MELEDJE, in MELEDJE Francisco D. « faire, défaire et
refaire la Constitution en côte d’Ivoire : un exemple d’instabilité chronique. » source www.publi.clawuct.ac.za/usr/public
69
Lexique des termes juridiques, 13ème édition, Dalloz, 2001, p.147. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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39
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
dans ce paragraphe est de savoir si dans le processus de démocratisation au Togo, le
pluralisme politique ressort du droit ou du politique ? Il importe dès lors de préciser le sens de
la notion de pluralisme politique (1) et la place du droit constitutionnel dans l’ordre juridique
(2)
national togolais avant d’envisager l’avantage de l’affirmation constitutionnelle du
pluralisme politique dans le système politique togolais.
A- Le pluralisme politique et la constitution : le cadre théorique.
Le pluralisme politique au Togo comme dans la plupart des Etats africains a une place
constitutionnelle. Dans le but de comprendre pourquoi le politique a eu besoin de
constitutionnaliser le pluralisme politique, il importe avant tout de cerner les notions de
pluralisme politique et celui de droit constitutionnel.
1- La notion de pluralisme politique
Le terme est constitué de deux notions qu’il est possible de cerner séparément. Ainsi, en
considérant d’abord le pluralisme, la notion renvoie à l’idée de diversité. En ce sens
distingue-t-on le pluralisme juridique, le pluralisme culturel etc. Mais ce qu’il importe de
retenir ici est que la notion de pluralisme comporte l’affirmation à la fois de la liberté
d’opinion et de croyance mais aussi un « système qui enracine cette liberté dans sa structure
sociale »70. Le pluralisme se distingue ainsi de l’unicité, de l’uniformité, de l’unique ou de
l’unifié.
Quant à la seconde notion, celle de politique, elle admet plusieurs acceptions. Ainsi, le
Professeur Jean DABIN tout en jouant sur le genre, trouve une double signification au terme
politique. Selon lui on distingue la politique du politique. La politique désignerait « le jeu
trouble des forces en action dans “ l’arène ”... spécialement en vue de la conquête et de “
l’exploitation ” du pouvoir ” »71 alors que le politique relèverait de la rationalité et
signifierait “ une catégorie désignant la science et l’art de l’aménagement et du
gouvernement de la société politique (nationale ou internationale) en vue du meilleur
accomplissement de sa fin... ” »72 Quant à Georges BURDEAU, la politique a une fonction
sociale et serait également une activité pédagogique, un processus de création de valeur
« dont l’importance est telle pour la collectivité qu’elle justifie la mise à leur service du
mécanisme des relations d’autorité et d’obéissance »73. S’inscrivant dans la même démarche,
70
BURDEAU (G), Traité de science politique. T. VII, p. 559. Paris, L.G.D.J., 1973, 671 p.
DABIN (J), “ Droit et politique ”, Mélanges SAVATIER, p. 184 (pp. 183-218). Paris, Dalloz, 1965, 972 p.
72
ibid
73
BURDEAU (G), Traité de science politique, T. 1, vol. 1, p. 147. Paris, L.G.D.J. 1980, P.149, le politique
répondrait à « un problème de structure, c’est à dire, qu’il qualifie un certain aménagement ordonné des données
71
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40
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
le professeur Jean GICQUEL appréhende la notion de politique à partir de deux acceptions,
restrictive et extensive.74 Enfin, le professeur Jean BAECHLER distingue le politique au
sens neutre. Pour lui, “ le ” politique, au genre neutre, correspond à « une sphère d’activités
ou ordre spécifique, à côté de l’économique, du religieux, du démographique... »75 et
désigne « ... toutes activités humaines, il est en quelque sorte l’ordre qui rend possible le
développement de tous les autres ordres »76.
Au terme de cette analyse théorique sur la notion de politique, dans le cadre de ce travail,
c’est l’approche du professeur Jean BAECHLER qui demeure la plus susceptible à nous
permettre de voir si l’affirmation du pluralisme politique au Togo
ressort du droit
constitutionnel ou du politique.
Le pluralisme lié au politique est donc un système politique qui accepte l’existence et
l’exercice de la libre expression des différents courants d’idées ou d’idéologie politiques. Il
s’agit non seulement d’un système qui reconnaît l’existence juridique et politique de
différents partis politiques mais surtout et aussi qui accepte et tolère leur libre participation à
l’animation de la vie politique et à la compétition dans la conquête du pouvoir politique.
Le pluralisme défini dans ce sens
peut donc s’analyser
sous un double point de vue
quantitatif et qualitatif.
Sur le plan quantitatif, il s’agira de constater l’existence et la reconnaissance du nombre de
partis politiques; on parlera alors soit du bipartisme, soit du multipartisme.
Sur le plan qualitatif, le pluralisme politique renvoie à l’efficience. Autrement dit, à la façon
dont il est vécu, du rapport entre ses objectifs et ses résultats, de la liberté d’exercice des
partis politiques. Dès lors, à la suite de Georges LAVAU il est possible de parler, mutatis
mutandis, de pluralisme parfait ou imparfait77.
L’affirmation constitutionnelle togolaise du pluralisme politique
est-elle quantitative ou
qualitative, parfaite ou imparfaite ? Une affirmation constitutionnelle établie la prise de place
dans l’ordre constitutionnel du pluralisme politique. Cet état de chose n’est d’ailleurs pas
propre au Togo. Toutes les constitutions de la transition démocratique en Afrique noire
matérielles d’une collectivité et des éléments spirituels qui constituent sa culture » alors que la politique
désignerait « l’activité qui consiste à définir le Pouvoir et en exercer les prérogatives » Ibid, P. 148
74
GICQUEL (J), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 10ème édition, 1989, pp. 45
75
BAECHLER (J), Précis de la démocratie, Paris, Calmann–Lévy Editions UNESCO, 1994, 214 p
76
Ibid., p.27
77
LAVAU (G), “ Le parti communiste français et le pluralisme imparfait en France ” in SEURIN Jean-Louis
(sous la dir. de), La démocratie pluraliste, pp. 225-241. Paris Economica, 1981, 322 p.
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41
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
francophone ont pour caractéristique particulière l’inscription dans l’ordre constitutionnel des
droits humains en général78.
2- Le droit constitutionnel dans d’ordre juridique togolais.
Dans l’ordre normatif d’un Etat, le droit constitutionnel apparaît comme le plus politique. En
effet, plus que toute autre branche du droit, il est marqué par l’influence du politique sur le
droit.79 . Il apparaît ainsi comme un ensemble de « principes qui président à la construction
de l’ordre politique »80.
Dans le cadre de notre étude, le droit constitutionnel, défini comme l’ensemble des règles
juridiques relatives aux institutions grâce auxquelles l’autorité s’établit, se transmet ou
s’exerce dans l’Etat, apparaît comme l’exemple type qui traduit la relation du politique au
droit, dans la mesure où il porte sur le statut des pouvoirs, les conditions de leur exercice, du
régime politique et de tout l’environnement sociopolitique qui en est l’ossature.
Il apparaît ainsi, que dans l’ordre juridique togolais comme dans la plupart des ordres
juridiques africains
aux lendemains des transitions démocratiques, le droit constitutionnel
est au dessus de tous les autres. Cette approche du droit constitutionnel et du pluralisme
politique permet de s’affirmer sur les avantages de la place constitutionnelle du pluralisme
politique.
B- La constitutionnalisation du pluralisme politique : une affirmation parfaite
« La constitutionnalisation des droits de l’Homme est une constante de l’Afrique noire
francophone. Toutes les lois fondamentales adhèrent au moins aux idéaux, principes et droits
contenus dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration Universelle des droits de
l’Homme et, plus récemment, la Charte Africaine des droits de l’Homme et des peuples. Mais,
ce phénomène se trouve renforcé par une tendance qui, timidement amorcée avant 1990, s’est
généralisée. Elle s’exprime dans deux séries de dispositions bien distinctes. Les premières
78
« • La constitutionnalisation des droits de l’Homme. Certes la constitutionnalisation des droits de l’Homme est
une constante de l’Afrique noire francophone. Toutes les lois fondamentales adhèrent au moins aux idéaux,
principes et droits contenus dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration Universelle des droits de l’Homme
et, plus récemment, la Charte Africaine des droits de l’Homme et des peuples. Mais, ce phénomène se trouve
renforcé par une tendance qui, timidement amorcée avant 1990, s’est généralisée. Elle s’exprime dans deux
séries de dispositions bien distinctes. Les premières déclarent « partie intégrante de la présente constitution, les
principes proclamés et garantis » par les instruments précités. Il en va ainsi, pour ne citer qu’un exemple, de la
constitution congolaise du 15 mars 1992…Elles n’appellent pas de commentaire particulier. Les secondes sont
les plus importantes. Elles consacrent un titre entier à une Déclaration des droits de l’Homme et des Libertés
fondamentale. » in « Etat de droit, droits de l’homme, bilan des dix années » RENÉ DEGNI-SÉGUI, op. cit.
79
Le droit constitutionnel exerce toutefois son influence sur l’ordre politique, in FAVOREU (L) et autres, «Droit
constitutionnel »,. Paris, Dalloz, 1999, pp.262-266
80
Chevallier (J), « Administration et régime politique » in Olivier DUHAMEL et Yves MENY (sous la dir. de)
Dictionnaire institutionnel,. Paris, PUF, 1992, pp. 11-14
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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42
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
déclarent « partie intégrante de la présente constitution, les principes proclamés et garantis
»81 par les instruments précités. … Les secondes sont les plus importantes. Elles consacrent
un titre entier à une Déclaration des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ».
Le Togo, Etat africain francophone, aspirant ou contraint
à aspirer à un Etat de droit
démocratique, n’échappe pas à cette réalité. En effet, la constitution togolaise du 14 octobre
1992 à l’instar de l’ensemble des constitutions africaines, consacre le pluralisme politique.
En ce sens le constituant togolais proclame dans le préambule de la loi fondamentale du 14
octobre 1992 qu’il est « convaincu qu’un tel Etat (Etat de droit) ne peut être fondé que sur le
pluralisme politique…. »82. Par cette consécration, le Togo certes théoriquement, s’inscrit
dans le concert des nations démocratiques.
La démocratie suppose non seulement l’existence d’un Etat de droit démocratique mais aussi
le respect des droits de l’Homme. « Les modalités de la démocratie sont les vertus cardinales
qui la caractérisent. Elles se ramènent à deux : le pluralisme et l’alternance politiques. »83.
Le pluralisme politique, sans épuiser la notion de démocratie, en constitue un élément
fondamental. Dimension politique de l’expression plurielle, il s’appréhende en effet comme
une condition minimale à la réalisation de la démocratie au même titre que les droits de
l’homme.
La volonté politique de l’affirmation des droits de l’homme, de leur consécration
constitutionnelle a pour but de les enlever de l’emprise du politique. En effet selon la théorie
de la hiérarchie des normes, la constitution est la norme fondamentale d'un système juridique
globalement efficace et sanctionné. C'est elle qui détermine la production et la validité des
normes inférieures. Ainsi, un acte ou une disposition légale prend donc rang dans l’ordre
hiérarchique des normes lorsque cet acte ou cette disposition se retrouve inséré dans la
constitution de l’Etat.
L’affirmation du pluralisme politique dans la constitution togolaise
de 1992 est certes
théorique mais ce pluralisme politique qualitatif, par là acquiert une protection théorique et
légale sans faille et paraît parfait dans son affirmation. Cela est de bon droit dans l’élan
africain de protection constitutionnelle des droits de l’homme et de la démocratie. Et c’est de
81
Cf. DEGNI-SÉGUI R., « Etat de droit, droits de l’homme, bilan des dix années », op cit
Ce texte de loi s’inscrit dans une logique générale de consécration constitutionnelle du pluralisme politique par
le constituant africain. C’est en ce sens que le constituant togolais proclame dans le préambule de la loi
fondamentale du 14 octobre 1992 qu’il est « convaincu qu’un tel État (État de droit) ne peut être fondé que sur le
pluralisme politique…. » Le constituant burundais s’oriente dans le même sens en affirmant, dans le préambule
de la loi fondamentale du 9 mars 1992, « la nécessité d’instaurer un ordre démocratique pluraliste et l’État de
droit ». De même la constitution nigérienne du 12 mai 1996 proclame son « attachement au principe de la
démocratie pluraliste ».
1
Ibid.
82
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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43
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
bon ton que l’article 14 de cette même constitution dispose « l’exercice des droits et libertés
garantis par la présente constitution ne peut être soumis qu’à des restrictions expressément
prévues par la loi et nécessaires à la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la
santé publique, de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui. »
Cette disposition constitutionnelle tout en définissant les conditions de restriction
du
pluralisme politique, en assure la protection et la déroge à la volonté politique.
PARAGRAPHE 2 : LES LIMITES DE L’AMÉNAGEMENT CONSTITUTIONNEL
DU PLURALISME POLITIQUE
Ce qui est le plus admis dans la sphère politique internationale est que le pluralisme politique
n’est pas une fin en soi. Il est un moyen dont le but est la réalisation parfaite de la
démocratie. La démocratie en tant que régime politique n’est pas elle-même une entité finie,
réalisée dans l’espace et dans le temps. Autrement dit, on tend vers la démocratie mais sans
jamais la réaliser pleinement. Jean-Jacques ROUSSEAU déjà au 18ème siècle confortait cette
réflexion en affirmant que la démocratie serait un régime de dieux84 et qu’ « à prendre les
termes dans la rigueur de leur acception, il n’a jamais existé de véritable démocratie et il n’en
existera jamais »85. Cependant même à admettre son caractère insaisissable et infini dans sa
réalisation la démocratie à l’ère actuelle demeure et reste le seul et unique régime politique
auquel on prête le plus de vertus.
Du coup, le Togo dans sa quête de démocratie rencontre certes des limites, mais ce qui peut
lui être reproché est que malgré l’affirmation constitutionnelle du pluralisme politique, on
note la persistance et cela, d’un système politique traditionnel. Cette situation s’explique par
la profonde implantation dans la culture politique togolaise
des données de la culture
africaine traditionnellement fondée sur le sacré et la pratique autoritaire du pouvoir à travers
la famille Gnassingbé. Ainsi la consécration constitutionnelle du pluralisme politique au Togo
montre des limites de deux sortes: les unes sont liées aux bases socioculturelles sacrées du
pouvoir (A) alors que les autres procèdent des traditions autoritaires de son exercice (B).
A- Les limites liées à la forme traditionnelle sacrée du pouvoir politique au Togo
Un fait marquant au Togo est que depuis
la redécouverte du pluralisme politique en
octobre 1990, le paysage politique ne cesse de s’enrichir de nouveaux partis politiques. D'une
vingtaine à la veille de la Conférence nationale de 1991, le nombre des partis politiques
dépasse 80 à l'heure actuelle. Cette situation ne constitue cependant pas un facteur à prendre
84
85
ROUSSEAU (JJ), Du contrat social, livre III, chapitre IV, p. 97.
Ibid., p. 95.
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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44
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
LAWSON Latré Nono Kafui
en compte dans la valeur intrinsèque de la consécration constitutionnelle du principe du
pluralisme politique.
En effet, un autre fait marquant est que depuis la transition démocratique au Togo, un seul
président a régné en roi86. Ce qui, malgré l’existence d’autres partis politiques témoigne de
la persistance de la forme traditionnelle de pouvoir. On pourrait parler d’une ethnicisation du
pouvoir ou même d’une régionalisation du pouvoir. Il est certes à admettre que le pluralisme
politique contrairement au règne du parti unique a permis une coexistence politique qu’il
convient de souligner ici.
Au lendemain
de
la conférence nationale mouvementée et ensanglantée qu’a connu
Togo87,des élections générales se sont tenues en 1994. Dans le but de conquérir le pouvoir,
l’opposition se réunit en coalition autour du Comité d’Action pour le Renouveau (C.A.R.)
dirigé par Me. Yawovi Agboyibo et de l’Union Togolaise pour la Démocratie (U.T.D.) parti
de M. Edem Kodjo. A l’intérieur de cette coalition C.A.R. - U.T.D., le C.A.R. détenait la
majorité des sièges. Mais le Président Eyadéma va mettre à rude épreuve la cohésion de cette
opposition, qui ne va pas résister, en nommant M. Edem Kodjo, au poste de Premier ministre
en avril 1994 ; Me. Agboyibo en signe de désapprobation regagnait alors l’opposition à la fois
au gouvernement Kodjo et au Président Eyadéma. Mais cette coexistence superficielle ne
connaîtra pas longue vie car le Président Eyadéma va très tôt montrer une fois encore son
habileté de dictateur. Ainsi deux ans plus tard, en 1996, un conflit éclate entre le Premier
ministre et le Président de la République à propos de la nomination des hauts fonctionnaires;
ce qui allait donner lieu à un avis de la Cour suprême et à un échange de lettres dont les
termes défiaient toute courtoisie, entre M. Kodjo et M. Eyadéma88. Cette crise ne sera
dénouée qu’à l’occasion des élections législatives partielles des 4 et 18 août 1996 dans les
circonscriptions de Haho, Wawa et Oti89 au terme desquelles le Rassemblement du Peuple
Togolais (R.P.T.), le parti du Président Eyadéma, remportera les trois sièges. Ce qui lui
donnait ainsi une majorité à l’Assemblée nationale de 43 sièges contre 38 pour l’opposition.
86
Il s’agit du président Gnassingbé Eyadema qui pendant tout son règne au pouvoir à fait usage d’une
récupération du culte syncrétique à des fins politiques et juridiques. Celui-ci se considère comme un « être
médiumnique » qui exploite à la fois la magie, la symbolique de l’accident de Sarakawa , en s’identifiant au
culte de Gu, in Toulabor (Comi M.), Le Togo sous Eyadéma, Paris, Karthala, 1986, p. 121. Voir également
Eliade (Mircea), Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1991, 185 p.
87
AKINDES (F) qui parle de “ la transition de tous les dangers au Togo ”, op. cit., pp. 68-73.
88
On peut lire ces lettres et les extraits de l’arrêt dans Hamza Kaidi, “ Les lettres de la discorde ”, Jeune Afrique,
n°1852, du 3 au 9 juillet 1996, pp.27-29.
89
KAIDI (Hamza), “ Que va faire Eyadéma de sa victoire ? ”, Jeune Afrique, n°1858-1859, du 14 au 27 août
1996, pp. 46-47. (2) Sall (Alioune), “ Le bicéphalisme du pouvoir exécutif dans les régimes politiques d’Afrique
noire : crises et mutations ”, Penant, n°825, septembre-décembre 1997, pp. 287-309.
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Dans ces conditions M. Edem Kodjo a remis sa démission et le Président Eyadéma nomme
un nouveau Premier ministre, M. Kwassi Klutsé, issu de son parti.
Cette brève historique politique indique la persistance de la dictature conçu par le feu
Président Eyadéma comme l’expression d’un pouvoir sacré. Ainsi le pluralisme politique
trouve sa limite dans la recrudescence du sacré et du charisme au Togo. Le Clan Eyadéma, du
père au fils détient le pouvoir depuis des décennies ce qui, inéluctablement semble révéler
l’existence au d’un charisme propre à ce clan. Le charisme est la qualité d’une personne lui
permettant de s’imposer et de se faire respecter par le plus grand nombre de personnes
auxquelles elle s’adresse, d’exercer un pouvoir ou de désirer l’exercer 90..
Mais tout compte fait, il apparaît que cette prétendue tradition ou culture togolaise, certes
largement discutable dans son existence et ses fins politiques ne saurait favoriser d’une part
l’endurcissement pratique de l’affirmation constitutionnelle du pluralisme politique au Togo
et ne saurait d’autre part être porteuse d’un ordre juridique conforme à l’idéal de démocratie
que le pluralisme politique véhicule.
B- Les limites dues à la persistance de la tradition autoritaire
Même s’il faut admettre aujourd’hui avec le régime de Faure Gnassingbé, de modestes
changements dans le système politique, il convient de reconnaître la persistance en sourdine
d’une tradition autoritaire héritée.
L’autoritarisme est marqué en Afrique noire par une permanence à la fois de la violence, à des
degrés différents. Le Togo à l’instar des autres Etats africains se proclame démocratique et
s’est depuis sa transition démocratique par le truchement d’une conférence nationale
ensanglantée proclamé tel. D’où la nécessité pour nous de distinguer l’autoritarisme politique
des autres formes de gouvernement, en l’occurrence du totalitarisme et de la démocratie en
particulier. La spécificité de ces formes de gouvernement réside dans les rapports entre
gouvernants et gouvernés et est constituée à la fois par le mode de recrutement des dirigeants,
par la dévolution du pouvoir ainsi que par la permanence de la violence91. Certes depuis 1994
les élections sont organisées régulièrement mais sont toujours remportées par le parti au
pouvoir qui les organise à sa guise. Dans ces élections aux résultats connus avant même
l’enclenchement de la course au pouvoir, on ne saurait reconnaître sans se méprendre
l’existence d’une réelle relation entre gouvernants et gouvernés encore moins l’acceptation de
90
WEBER (M), Economie et société, T.I, op. cit. p. 327.
LISSOUCK (Félix François), pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone, Essai sur les
dimensions institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique noire francophone, Thèse de
Doctorat en Droit Public et Analyse Politique, Lyon, 2000, p. 127.
91
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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la traditionnelle mission de conquête du pouvoir, par les dirigeants. Dans ces conditions
marquées par la persistance et la permanence de la violence qui se pratique à l’état brut, sur
les populations au point que cette violence constitue un procédé normal de fonctionnement
des divers services de sécurité, il est clair que le pluralisme politique, en tant que droit ne
saurait exister.
Il convient alors, dans cette section, de souligner que la constitutionnalisation du pluralisme
politique dans la constitution togolaise de 199292 marque à l’égard des droits de l’homme une
grande évolution théorique. En effet, s’inspirant largement de l’article 4 de la constitution
française du 4 octobre 1958 aux termes duquel : « Les partis et groupements politiques
concourent à l’expression du suffrage... », la constitution et la réalité politique togolaises vont
pourtant limiter le rôle des partis politiques à l’expression du suffrage. Cette limitation du rôle
des partis politiques et la persistance du pouvoir autoritaire sous le manteau d’une démocratie
à double ton auront pour conséquence une absence de statut de partis politiques.
Mais dans la pratique du pluralisme politique dans un Togo aspirant bon gré mal gré à une
démocratie réelle, il importe de relever quelques avancées notables.
SECTION 2 : UNE AFFIRMATION PRATIQUE DU PLURALISME POLITIQUE
L’adoption du pluralisme politique par les Etats africains est perçue par certains auteurs
comme l’expression de la “ rente de la dépendance ”93 avatar du néo-colonialisme dont le
Président François Mitterrand serait, par son discours de La Baule, l’agent94. Pour d’autres
cette adoption n’est rien d’autre que la conséquence des politiques d’ajustement structurel
imposées par les institutions de Bretton Woods suite à la faillite des économies africaines. Le
pluralisme politique à l’espèce togolaise, n’échappe pas à ces interprétations conjoncturelles.
En République togolaise, l’adoption du pluralisme politique procède d’un triple processus de
« délégitimation » du pouvoir traditionnel autoritaire du feu président Gnassingbé Eyadéma,
92
La Constitution de la IVe République togolaise a été adoptée, par référendum, le 27 septembre 1992, et
promulguée le 14 octobre. La loi de révision n°2002-029 du 31 décembre 2002, modifiant de nombreux articles,
introduit deux innovations majeures : elle institue un Parlement bicaméral et établit le scrutin à un seul tour pour
l'élection du président et pour celle du Parlement.
93
ROUSSILLON (Henry), “ Chronique d’une démocratie attendue ” in (sous la dir. de H. Roussillon), Les nouvelles constitutions africaines : la transition démocratique, pp. 7‐11. Presses de l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse, 1995, 201 p. 94
TOULABOR (Comi), “ Paristroïka et revendication ” in Bach (Daniel C.) et Kirk Greene (Anthony. A.), Etats
et société en Afrique francophone, pp. 119-135. Paris, Economica, 1993, 306 p. Cette même interprétation de
l’adoption du pluralisme politique en Afrique noire est faite par Constantin (François) : “ Afrique, ajustement et
conditionnalité ” in Zaki Laïdi (sous la dir. de) L’ordre mondial relâché. Sens et puissance après la guerre froide,
pp. 232-263. Paris, P.F.N.S.P., 1993, 263 p.
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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47
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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de légitimation de ce même pouvoir sous le faux manteau de la démocratie
et
enfin
d’institutionnalisation de ce pouvoir.
Ce triple processus rend compte d’une adoption plus ou moins pratique au Togo du pluralisme
politique qui, se manifeste juridiquement (Paragraphe1) et a contribué aux aménagements du
pouvoir politique (Paragraphe2).
PARAGRAPHE 1 : LES MANIFESTATIONS JURIDIQUES DU PLURALISME
POLITIQUE AU TOGO
L’acceptation de la multiplicité et de la diversité politique caractérise le pluralisme politique.
Cette diversité débouche sur l’idée d’effectivité95 de la diversité et finit par consacrer un droit
à la différence. Du coup, on peut faire une typologie du pluralisme politique. Luis BELTRAN
en effet, distingue les « pluralismes primaires » et les «pluralismes secondaires» qui traduisent
tous deux la diversité des manifestations de sorte à envisager et justifier une diversité
sociopolitique. Il ressort qu’on peut distinguer deux types de manifestation : les uns «
primaires », c’est-à-dire liés directement au processus de démocratisation et permettent de
parler de pluralisme politique d’une part, et les autres qui en témoignent, garantissent les
premiers d’autre part.
A- Le pluralisme politique comme moyen de démocratisation
L’impératif de démocratisation, a conduit le Togo à organiser une conférence nationale
comme voie idéale pour assurer la transition du parti unique au pluralisme politique96. Cette
voie de démocratisation va constituer un mot d’ordre de ralliement de tous ceux qui veulent
en finir avec le système du parti unique. La conférence nationale togolaise constitue le
symbole de l’échec politique, juridique et économique du système autoritaire de parti unique
et de son ordre juridique. Ainsi la conférence nationale constitue juridiquement le premier
fondement du pluralisme politique. On est passé donc au Togo d’un pluralisme de
95
BIZEAU (Jean-Pierre), « Pluralisme et démocratie », op. cit., p. 527.
La conférence nationale est une voie de transition démocratique. Il existe d’autre ; le professeur Francis
AKINDES en distingue la démocratisation par voie de la conférence nationale, la démocratisation par « à-coups
» ou la conversion des résistants et la démocratisation par les armes. In AKINDES (Francis), Les mirages de la
démocratie en Afrique subsaharienne francophone, Paris, Karthala, 1996, pp. 60-120 voir également AKINDES
(Francis), « Les transitions démocratiques à l’épreuve des faits, Réflexions à partir des expériences des pays
d’Afrique noire francophone ». Cette typologie des processus de transition en Afrique noire peut
raisonnablement être ramenée à deux types : d’une part, celui des Etats qui veulent éviter la conférence nationale
ou le bloc du front du refus : c’est le cas du Burkina Faso, du Cameroun ou de la Côte d’Ivoire par exemple. Ces
Etats qui s’opposent à la tenue d’une conférence nationale dont ils redoutent les conséquences, vont cependant
organiser des élections dont le but sera, à défaut d’éviter le processus de démocratisation, de le contrôler. C’est le
cas de l’élection présidentielle du 28 octobre 1991 en Côte d’Ivoire ou des élections législatives du 1er mars 1992
et de l’élection présidentielle du 11 octobre 1992 au Cameroun ce que confirmera dans les deux pays la victoire
des candidats des partis au pouvoir.
96
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48
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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revendication prévalant pendant la période coloniale et celle de parti unique,
fondamentalement nationaliste à un pluralisme politique.
Le pluralisme politique au Togo se caractérise actuellement par un changement d’acteurs
politiques et de la société civile, la crise politique et celle des droits de l’homme. Il s’agit donc
d’un pluralisme politique d’adaptation à la démocratie qu’elle implique. Cette espèce a pris
naissance donc au
lendemain
de la révolution de 1990 au Togo, manifestée par des
soulèvements de populations, qui ont aboutit à l’organisation d’une conférence nationale97 à la
togolaise. La constitution de 1992 prescrit substantiellement que les partis se forment et
exercent librement leurs activités, et concourent à l’expression du suffrage, sous la stricte
réserve de respecter les lois de la République.
Il apparaît dans l’atmosphère politique togolaise l’acceptation ou la reconnaissance d’un
droit à la diversité et à la différence qui vient mettre fin, du moins en théorie, au monopole de
la vie politique exercé par l’ancien parti unique, le RPT. De ce fait, cette reconnaissance
consacre d’une part les partis politiques comme acteurs du processus de démocratisation. Il
faut mentionner que d’autre part, c’est cette reconnaissance qui a favorisé la tenue de la
conférence nationale comme moyen spécifique de passage au pluralisme politique. On ne peut
donc douter de l’affirmation théorique ni pratique du pluralisme politique dans le processus de
démocratisation du Togo.
B- Le pluralisme politique et l’institutionnalisation.
Si le pluralisme politique est une condition essentielle à la démocratie98, il ne constitue pas la
démocratie. Ceci est important à observer dans l’espèce du Togo où l’observation de la vie
politique fait voir une cohabitation entre les mesures qui procèdent de la démocratisation et
celles qui relèvent de l’autoritarisme.99
97
La conférence nationale togolaise tout comme la plupart des conférences nationales africaines fait suite à celle
organisée au Bénin en 1990. « Par définition, la conférence nationale est l’émergence, dans le processus
historique, du lieu ou se découvrent et se thématisent, comme telles, les expériences de l’irréparable, vécu dans
l’État de violence, en même temps que les exigences de sortie de son système, de métamorphose et de la
restauration des processus et des finalités anthropogènes. La conférence nationale a donc pour objet d’instaurer
des individus et des groupements hétérogènes, atomisés, conglomérés, par un système-chimère, en une
communauté de défense, de protection, et de promotion des droits inaliénables à l’Humanité, contre le retour de
l’Irréparable. Le Modèle de la Conférence est celui d’une fondation. Ce qu’elle fonde, c’est le crédit mutuel, la
réciprocité et la mutualité des droits et des devoirs, qui est l’âme de toutes les institutions humaines. In « Les
conférences nationales… Et après ? (Argumentaire pour une « théorie » des conférences nationales) »,
EBOUSSI Fabien BOULAGA, Rapport de la conférence africaine sur la Constitution et les changements
Constitutionnels tenue en Nairobi, Kenya avril 2007
98
WALZER (Michael), Pluralisme et démocratie, p.160 Paris, Editions Esprit, 1997, 220 p.
99
Nous l’avons noté dans les limites de la consécration constitutionnelle du pluralisme politique. Voir sus. Cette
cohabitation fait noter au Togo particulièrement un syncrétisme du pouvoir politique moderne et de celui
traditionnel, de la démocratie et de l’autoritarisme, du pluralisme politique au pluralisme fonctionnel
nationaliste.
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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L’existence du pluralisme politique doit avoir pour corollaire entre autre la limitation du
mandat présidentiel, le contrôle du pouvoir présidentiel et le pluralisme syndical.
Le pluralisme syndical se traduit sur le plan juridique par les droits et libertés des salariés.
L’expérience montre dans les pluralismes politiques que les syndicats se sont constitués pour
faire face à la puissance patronale100 dans le but d’améliorer, par la revendication, les
conditions de travail des salariés. Ils s’opposent aux patronats et aux gouvernants, sur lesquels
ils tentent d’exercer diverses pressions. L’action des syndicats prend ainsi une dimension
politique. Il devient logique que cette politisation s’accompagne de la reconnaissance de la
diversité syndicale. Cette dernière finit par constituer un « baromètre » qui permet de mesurer
l’existence et le fonctionnement du pluralisme politique. Au Togo, les libertés syndicales ont
souffert de la marche vers le parti unique et l’instauration du pluralisme politique a contribué
à restaurer dans une moindre mesure ces libertés.
En ce qui concerne la réalité de la limitation du nombre de mandat présidentiel et le contrôle
du pouvoir présidentiel, nous l’examinerons dans le paragraphe qui suit.
PARAGRAPHE 2 : LE PLURALISME POLITIQUE ET LA LIMITATION DU
POUVOIR PRÉSIDENTIEL
La République togolaise a pendant des décennies été gouvernée par un seul et même
président, président fondateur du parti unique, le RPT. L’un des attributs
du principe
démocratique du pluralisme politique est la limitation non seulement du mandat présidentiel
mais aussi de la fonction de président. Cette manifestation pratique par aménagement du
pouvoir politique semble avoir eu lieu au Togo dans son principe.
En effet, le processus de démocratisation engagé au Togo depuis les années 1990 semble
avoir affecté particulièrement la fonction du président de la République sur laquelle pesaient
de multiples griefs. Le statut du président de la République a connu une évolution. Il est
passé d’un pouvoir quasi monarchique à un pouvoir limité101. Il s’agit du contrôle (A) et du
partage (B) du pouvoir du Président de la République.
A- Un pouvoir contrôlé
La Constitution togolaise de 1990 regorge depuis l’avènement du pluralisme politique dans
cet Etat de dispositions clémentes qui semblent participer de la limitation des pouvoirs du
100
101
BURDEAU (G), Traité de science politique, T. VIII. Paris, L.G.D.J., 1974, p. 318 et suivants.
Il s’agit de la limitation du pouvoir dans son contrôle et non dans la limitation du mandat présidentiel
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50
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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président de la République. Il s’agit, en particulier des dispositions en rapport avec le nombre
de mandat limité, l’entrée en fonction et de l’incompatibilité de la fonction présidentielle.
Le principe de la limitation est une voie de contrôle du pouvoir exécutif, notamment celui du
président. Ce principe s’affirme souvent par la limitation des mandats que ce dernier peut
exercer. Le cas togolais montre une particularité. En effet, l’article 59 de la constitution du
14 octobre 1992 modifiée par la loi N°2002-029 du 31 décembre 2002 dispose que : « le
président est élu pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible. ».102 Pris dans son sens premier
et comparé aux constitutions des autres Etats africains francophones,103 cet article ne répond
pas au principe de la limitation des pouvoirs.
Ce qu’il faut comprendre de l’interprétation de cet article est que le mandat présidentiel est
renouvelable indéfiniment. Cependant en disposant que le mandat est de cinq ans, cette
disposition constitutionnelle impose au pouvoir présidentiel l’organisation périodique et
régulière des élections plurales104, ce qui n’était pas le cas dans le régime dominé par le parti
102
En 2002 le parlement Togolais modifie la constitution afin de permettre d’une part au président sortant de se
représenter autant de fois qu’il le désire aux élections et d’autre part pour abaisser de 45 à 35 ans l’âge minimal
pour être désigné a la tête de l’assemblée nationale. La constitution Togolaise prévoit en effet qu’en cas de décès
du Président de la République, c’est le président de l’assemblée nationale qui assumera l’intérim, hors en 2002,
Faure Gnassingbé, le fils du président à… 35 ans. Les députés Togolais modifient également les règles
électorales, désormais pour pouvoir se présenter au poste de président de la république il faut obligatoirement
avoir résidé de manière permanente au Togo pendant les 5 années précédents l’élection. Cette modification de la
loi exclu automatiquement des scrutins, Gilchrist OLYMPIO et la plupart des opposants principaux qui, menacés
de mort, vivent depuis plusieurs années en exil hors du Togo. La disposition de l’article 59 de la constitution a
donc ainsi été révisée alors que la constitution du 27 septembre 1992 disposait en son article 59 que “ Le
Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une
seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus ”. Cette disposition s’inscrit logiquement dans le processus
africain de démocratisation qui exigeait la limitation du mandat présidentiel. Ainsi l’article 21 de la constitution
sénégalaise du 7 mars 1963 révisée le 2 mars 1998 : “ Le Président de la République est élu au suffrage universel
direct et au scrutin majoritaire à eux tours. Il n’est rééligible qu’une seule fois ”. L’article 38 de la constitution
nigérienne du 26 décembre 1992 : “ Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel,
libre, direct, égal et secret. Il n’est rééligible qu’une seule fois ”. Article 30 de la constitution malienne : “ Le
Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux
tours. Il n’est rééligible qu’une seule fois ”. Article 24 de la constitution guinéenne du 23 décembre 1990 : “ Le
Président de la République est élu au suffrage universel direct. La durée de son mandat est de cinq ans,
renouvelable une fois ”. Article 2 de la constitution gabonaise “ Le Président de la République est élu pour sept
ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une fois ”. Article 68 de la constitution congolaise du 15 mars
1992 : “ Le Président est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une fois ”. Article 6 (2)
de la constitution camerounaise du 2 juin 1972 révisée le 18 janvier 1996 : “ Le Président de la République est
élu pour un mandat de sept ans renouvelable une fois ”. Article 37 de la constitution burkinabé du 11 juin 1991 :
“ Le Président du Faso est élu pour sept ans au suffrage universel direct et secret. Il est rééligible une fois ”.
Article 42 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990 : “ Le Président de la République est élu au
suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois… ”
103
Dans les nouveaux constituants des Etats de l’Afrique noire francophone le principe de la limitation du
pouvoir présidentiel est une règle.
104
Il faut admettre ici que cette volonté de contrôle du pouvoir présidentiel court le risque d’être remise en
cause par une révision constitutionnelle, elle traduit néanmoins le souci de prévenir “ le continuisme ” qui fait
que “ tout homme qui a du pouvoir cherche non seulement à l’accroître mais aussi à le conserver ”in CONAC
(Gérard), “ Etat de droit et démocratie ”, op. cit., p. 499. L’article 59 de la constitution togolaise du 27 septembre
1992, promulguée le 14 octobre et révisée par la loi n°2002-029 du 31 décembre 2002 1992 pour permettre au
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51
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unique où le président du parti unique était le seul et indéfiniment rééligible105. Du coup, cet
article conforté par l’article 14 du même instrument, fortifie le principe du pluralisme
politique dans cette atmosphère mi-figue mi-raisin. L’intérêt de notre interprétation à ce
niveau de notre étude est certes de comprendre que l’article 59 favorise la manifestation et
l’affirmation du pluralisme politique puisque c’est de ça qu’il s’agit dans notre étude.
On ne peut conclure à une réelle limitation des pouvoirs mais plutôt à la possibilité offerte au
peuple de choisir106 parmi plusieurs plutôt que de ne pas avoir de choix à faire. Même dans
cette atmosphère de pluralisme politique il convient donc de reconnaître que le constituant
togolais ne permet pas en son état actuel de
combattre le pouvoir personnel et la
feu président GNASSINGBE Eyadéma de se présenter à sa propre succession est un exemple à citer dans le
cadre de la révision constitutionnelle post transition démocratique.
105
Cette disposition de la constitution togolaise de 1992 favorise « une nouvelle réglementation de la
compétition électorale » in SOMALI (Kossi), Le parlement dans le nouveau constitutionnalisme en
Afrique, Essai d’analyse comparée à partir des exemples du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, Lille, 2008, p.43
106
Cette possibilité de choix doit cependant être considérée avec beaucoup de réserve lorsqu’on sait que malgré
l’affirmation de l’organisation du suffrage universel ,lors des élections de 1993, Eyadema est le seul candidat à
sa
propre
succession
en
raison
du
boycott
de
l’opposition.
Néanmoins, par précaution, on fera quand même « voter les morts » et le président sera élu pour un premier
mandat «démocratique» de 5 ans avec plus de 97% des suffrages. En 1997, sous la pression internationale, le
régime Togolais consent à organiser de nouvelles élections présidentielles. Eyadema est opposé à Gilchrist
OLYMPIO, fils de l’ancien Président assassiné. Durant le dépouillement du scrutin, la commission électorale est
démissionnée par le pouvoir et c’est le Ministère de l’intérieur qui reprendra la suite du dépouillement, loin de la
vue
des
observateurs.
Le président gagne son second mandat «démocratique» avec 51% des voix. L’opposition et les observateurs
internationaux dénoncent les fraudes mais Eyadema calme les esprits en annonçant que comme le prévoit la
constitution, ce second mandat sera le dernier. 2003, nouvelles élections présidentielles, par diverses manœuvres
administratives les quelques candidatures de l’opposition sont déclarés « non recevables », seul Bob Akitani se
présente contre le président sortant. Eyadema remporte son troisième mandat avec 57% des voix, il bénéficiera
en outre des félicitations de son « ami personnel » Jacques Chirac, malgré que à nouveau plusieurs ONG
dénoncent les manipulations et le manque d’équité des règles de dépouillement. Dans les mois qui suivirent les
élections, une série des purges seront entreprises dans l’armée et dans la société civile afin de pourchasser les
électeurs de l’opposition. Sur de son pouvoir et fort de l’appui inconditionnel (et militaire) de la France,
Eyadema va alors entreprendre de se tailler une stature internationale en se posant comme médiateur dans les
conflits de Guinée Bissau, Sierra Léone et surtout lors de la guerre civile en Côte d’Ivoire. Le règne de Eyadema
ne s’achèvera que le 5 Février 2005, soit 38 ans après son ascension au pouvoir, ce qui lui permettra de disputer
à Fidel Castro le titre de dictateur le plus longtemps en activité. Bien décidée à placer à la tête de l’Etat Faure
Gnassingbé le fils du président défunt, l’armée Togolaise boucle les frontières du pays, obligeant l’avion de
Fambaré Natchaba Ouattara, président de l’assemblée nationale du Togo à se dérouter sur le Bénin ou il sera
bloqué plusieurs jours. En son absence, Fambaré Natchaba Ouattara est démissionné d’office et Faure est
désigné à sa place. C’est donc tout a fait naturellement et « légalement » que le fils Gnassingbé prête serment
comme nouveau président de la république le 6 février 2005 après un coups d’état institutionnel. En effet, la
suite du décès du Général Eyadema, un groupe d’officiers de l’armée a propulsé Faure Gnassingbé, fils du défunt
président et ministre des mines, de l’équipement et des télécommunications à la tête de l’Etat togolais alors
même que l’article 65 de la constitution prévoit très clairement : « en cas de vacance de la présidence de la
République par décès, mission ou empêchement définitif, la fonction présidentielle est exercée provisoirement
par le président de l’Assemblée nationale ». L’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle, dominées par le
RPT, ont entériné ce coup d’Etat. V. TOULABOR (Comi), Election à hauts risques dans un Togo déchiré, Le
Monde diplomatique, avril 2005 ; Association Survie, Avril 2005, Le choix volé des togolais, Rapport sur un
coup d’Etat électoral perpétré avec la complicité de la France et de la communauté internationale, Avril 2005,
110 p.
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présidentialisation qui sont nourris et entretenus par la perspective des mandats illimités qui
constituait dans la pratique à instaurer des présidences à vie.
B- Le partage du pouvoir107
La fonction du pluralisme politique s’observe sur le plan politique d’une part et d’autre part
sur le plan juridique.
Sur le plan politique, l’instauration du parti unique au Togo a fini par démobiliser et réduire
le rôle du citoyen dans la gestion des affaires publiques108. Le RPT, parti au pouvoir devenait
ainsi le centre et l’unique détenteur à la fois du monopole idéologique et de tous les secteurs
de la vie nationale du pays. Sur le plan juridique cependant, le constat notoire à faire avec le
monopartisme togolais est l’absence de sécurité de l’ordre juridique caractérisé au niveau
institutionnel par le déclin du constitutionnalisme
et au niveau administratif, par une
confusion plus ou moins totale des fonctions et parfois des structures, des institutions
constitutionnelles et administratives avec les organes partisans.
Dans cette crise du pouvoir politique, le pluralisme politique au Togo, n’a pas visé à
délégitimer109 l’Etat comme institution mais son fonctionnement, c’est-à-dire, la pratique du
pouvoir présidentiel. C’est un évènement qui devrait permettre de réhabiliter les textes
juridiques restés souvent inappliqués
et permettre d’édicter de nouveaux textes devant
conduire à une pluralité d’acteurs politiques correspondant à l’idéal de démocratie. Le
107
Il s’agit d’un partage formel de pouvoir. En effet, Le Togo, malgré les proclamations constitutionnelles de la
nouvelle loi fondamentale élaborée à la suite de la conférence nationale de 1992, reste de facto un Etat à parti
unique du fait du refus du Général Eyadema d’ouvrir son pays à la démocratie et de partager le pouvoir avec
l’opposition3. Mis à part la parenthèse de 1994-1999 où l’on a vu siéger pour la première fois les députés de
l’opposition et ceux du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), ancien parti unique, les formations politiques
de l’opposition ont été sou- vent écartées des élections législatives qui ont eu lieu en 1999 et en 2002. Dans ce
pays, les dirigeants du RPT ont tout mis en œuvre pour neutraliser l’opposition soit par des manœuvres
d’intimidation et de répression, soit par une détermination unilatérale des règles du jeu démocratique. Cette
stratégie mise en place par le pouvoir vise en fait de manière générale, à décapiter toutes les structures
d’inspiration démocratique qui ont vu le jour à la suite de la conférence nationale. Dans ce champ politique
monopolisé, le RPT pour faire droit aux injonctions démocratiques des bailleurs de fonds internationaux, a la
particularité de susciter la création de partis satellites destinés à lui servir de caution démocratique lors des
élections souvent boycottées par les partis traditionnels de l’opposition. C’est ainsi que lors des élections
législatives de 1999 et de 2002, le RPT a réussi avec le soutien de ses satellites comme le Rassemblement pour le
Soutien à la Démocratie et le Développement (RSDD), le Mouvement des Citoyens pour l’Egalité et la Paix
(MOCEP), l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) à s’accaparer des 81 sièges du parlement
faisant ainsi de celui-ci une chambre monocolore comme sous l’ère du parti unique. In SOMALI (Kossi), Le
parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique, Essai d’analyse comparée à partir des exemples du
Bénin, du Burkina Faso et du Togo, Lille, 2008, pp.31-32.
108
Bourgi (Albert), Casteran (Christian), Le printemps de l’Afrique. Paris, Hachette, collection Pluriel, 1991,
P.186.
109
Duverger (Maurice),“ dictatures et légitimités ”(sous la dir. de M. Duverger), Dictatures et légitimité, Paris,
PUF, 1988, pp.5-27.
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pluralisme politique envisage donc la légitimité110 du pouvoir politique. Ce qui passe
nécessairement par son partage.
La création d’un poste de premier ministre est déterminante dans le partage du pouvoir.
Comme dans la majorité des nouvelles constitutions africaines, la constitution togolaise de
1992 a institué un poste de premier ministre111. Au Togo en effet, le premier ministre est
coordonnateur de l’action gouvernementale dont il n’est pas responsable. Ce partage formel
de pouvoir se trouve aussi dans l’institutionnalisation du parlement togolais rendu bicamérale
grâce au suffrage universel.
Le parlement togolais a certes retrouvé le même statut constitutionnel que dans les années
1960 mais le contexte sociopolitique dans lequel il opère désormais a subi des changements
structurel et fonctionnel qui pourraient l’aider, sous certaines conditions, à mieux jouer son
rôle constitutionnel et politique. Ainsi, l’on note avec beaucoup d’enthousiasme après les
premières élections législatives qui furent organisées, que le parlement monocolore va être
substitué par un parlement fragmenté entre courants politiques opposés et dont les membres
n’émanent plus de la seule volonté du RPT, parti unique togolais et de son chef mais issu
d’élections législatives libres et concurrentielles. Le parlement togolais, à la faveur du
pluralisme a ainsi enregistré une nette amélioration de sa représentativité. Mais le problème
du Togo dans l’absence de volonté politique de rendre effectif le pluralisme politique tant
aménagé par la constitution et les institutions mise en place pour prouver de manière formelle
sa
consécration.
110
En ce qui concerne la notion de légitimité, le professeur Maurice Duverger caractérise les dictatures (qui sont
illégitimes) et énonce, a contrario, les critères de mesure des pouvoirs légitimes, à savoir: la manière dont le
pouvoir est aménagé, sa forme de dévolution et la normalité ou l’anormalité de son exercice. In Duverger
(Maurice), « dictatures et légitimités op. cit.
111
A ce principe, quelques exceptions méritent d’être relevées. Il s’agit par exemple de la constitution béninoise
du 11 décembre 1990 qui ne crée pas le poste de Premier ministre. Voir Article 54 : “ Le Président de la
république est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est le Chef du Gouvernement et à ce titre, il détermine et
conduit la politique de la Nation ”. Au Bénin le Président de la république reste donc seul détenteur du pouvoir
exécutif. Une particularité s’observe également avec la constitution du Sénégal ; voir Article 36 : “ Le Président
de la République est le gardien de la Constitution. Il détermine la politique de la nation, que le Gouvernement
applique sous la direction du Premier ministre”. Bien qu’instituant le poste de Premier ministre, son titulaire ne
fait pas concurrence au Président de la République, par ailleurs, la constitution ne prévoit le moindre statut pour
ce dernier.
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CHAPITRE 2 : LA MISE EN ŒUVRE COMPLEXE DU PLURALISME POLITIQUE
Au Togo, depuis le décès de feu Président Gnassingbé Eyadema, on observe une volonté de
démocratisation du régime, mais également de nombreux freins à cette aspiration en raison de
bavures, de blocages, de manœuvres, et même des tentatives de restauration autoritaire d’une
part. D’autre part, le pluralisme politique demeure au Togo une réalité constitutionnelle
admise du moins théoriquement. Une observation attentive du fonctionnement du système
politique de ce pays impose des réserves dans la mise en œuvre réelle de ce principe
démocratique au Togo. En effet, confrontés à des difficultés de tous ordres (sécuritaire,
économique et politique), les multiples partis existants112 s’enlisent dans des pratiques
routinières qui les empêchent de jouer pleinement leur rôle de revendication, notamment de
pression sur le pouvoir113. Profitant de cette situation, les partis de la mouvance
présidentielle114 semblent multiplier les obstacles à la démocratisation en s’enracinant dans un
monolithisme de fait. Ceci ne fait qu’empirer les réalités socio-juridiques (section 1) et
112
RPT, UFC, CAR, CDPA, ADDI, ANC, PSR, ALLIANCE, KPATIMA, MCA, PDR, OBUTS, CPP, RSDD, PRR, UDS… Il importe de rappeler ici que les partis politiques considérés comme des « groupes plus ou moins organisés
de citoyens, supposés partager la même doctrine et luttant ensemble pour la conquête du pouvoir » in Lexique
des sciences sociales, op. cit., p.294. Ils constituent des structures homogènes et nécessaires dans le
fonctionnement de la démocratie libérale. In Seiler (Daniel-Louis), Les partis politiques, p.25. Paris, Armand
Colin, 1993, 157 p. les partis politiques procèdent, en principe, de la démocratie représentative.
114
A cette expression s’oppose celle de partis de l’opposition. L’opposition d’une manière générale peut être
définie comme l’ensemble des forces politiques qui se dressent contre le pouvoir en place, aussi bien dans les
assemblées qu’en dehors de celles-ci. Ces forces surveillent, critiquent et agissent contre les partis ou le groupe
de partis au pouvoir (voir BURDEAU (Georges), « L’évolution de la notion d’opposition », RIHP consti., 1954,
p. 119 et s ; COLLIARD (Jean-Claude), « L’opposition parlementaire », in Les cahiers français, n°174, janvierfévrier 1976, p. 53 ; JAN (Pascal), « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2003 ; Débat entre PORTELLI
(Hugues) et SIRINELLI (Jean-François), « La majorité et l’opposition », RDP, 1998, numéro spécial les 40 ans
de la Cinquième République, p. 1640.). Selon Olivier Duhamel et Yves Meny « dans les régimes démocratiques,
l’opposition désigne les partis ou groupements politiques qui sont en désaccord avec le gouvernement » in
DUHAMEL (Olivier), MENY (Yves), « Dictionnaire de droit constitutionnel, PUF, mars 1992, p. 677. Deux
idées sont associées à la présentation traditionnelle de l’opposition : le pluralisme des partis (théorie de la
démocratie) et le statut de l’opposition. Ainsi Pascal Jan souligne que « l’opposition est l’alpha et l’oméga d’un
même concept, celui d’un régime démocratique pluraliste à la base duquel se trouve une constitution adoptée
directement par le peuple souverain ou par les représentants dûment mandatés. Elle jouit alors de moyens
garantis ou non formellement par les textes constitutionnels ou législatifs pour apporter la contradiction à la
majorité parlementaire et au gouvernement et espérer par les voies légales les remplacer ». in JAN (Pascal), «
Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2003, P.28. La reconnaissance de l’opposition et la place plus ou moins
grande qui lui accordée dans la vie politique sont devenues les critères décisifs pour déterminer de la réalité de
l’ouverture démocratique d’un pays. Ainsi définie, l’opposition présente un caractère d’utilité publique. In
SEURIN (Jean-Louis), Cours de droit constitutionnel et institutions politiques, Bordeaux, p. 32. Elle est investie
d’une véritable mission de service public dans la mesure où par son pouvoir de critique et de contre-proposition,
elle modère les ardeurs de la majorité et offre aux citoyens une alternative à la politique définie et appliquée par
la majorité parlementaire. Porteuse de valeurs stabilisatrices et non subversives, ainsi que des idées et des projets
de société alternatifs à ceux véhiculés par la majorité, l’opposition doit avoir la possibilité de porter son message
au peuple et conquérir ses suffrages à l’occasion d’élections pluralistes transparentes, loyales et sincères.
113
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55
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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l’instabilité politico-institutionnelle (section 2) source des difficultés d’une mise en œuvre
efficiente du pluralisme politique dans cet Etat de l’Afrique noire francophone.
SECTION 1 : DES RÉALITÉS SOCIO- JURIDIQUES : OBSTACLES À
L’EFFECTIVITÉ DU PLURALISME POLITIQUE
La République du Togo est un Etat où cohabitent plusieurs ethnies et groupes socioculturels.
Il naît alors des pratiques socioculturelles qui induisent consciemment ou inconsciemment
des comportements et autres calculs politiques et stratégiques115 des différents acteurs
politiques. Il en résulte que la classe politique gouvernante ne rend plus tout à fait lisible son
projet, ou souvent même soutient des pratiques qu’elle prétend combattre.
L’idée de ces pratiques est de créer des circonstances complexes entraînant une prédisposition
sociale (paragraphe 1) et une volonté de contrôle de la mise en œuvre du pluralisme politique
(paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : UNE PRÉDISPOSITION SOCIALE NÉFASTE
Il s’agit ici d’une prédisposition induite par les réalités et pratiques politiques togolaises. Elle
se fonde sur une conception culturelle profondément marquée par un déterminisme qui fait
prévaloir ce qui est transmis à l’individu, à son héritage au détriment de ce qu’il est création,
invention ou changement. Sur la base de cette conception, de manière consciente, la famille
Gnassingbé116 qui depuis les indépendances tient les rennes du pouvoir politique togolais, en
raison de sa capacité politique, militaire et régionaliste d’influence sur le reste de la
population, ne s’empêche point de réprimer et de violenter. Le pouvoir politique demeure
ainsi marqué par un autoritarisme lui-même particulièrement marqué par la manière dont le
pouvoir est dévolu au Togo117. Ce qui caractérise la succession des dirigeants politiques et la
désignation de certains est l’absence de procédés pacifiques ou très peu transparents. Ainsi
au plan politique par exemple, l’investiture du premier responsable du parlement constitue,
115
Dans ce sens la composition de l’armée togolaise où on distingue la classe des officiers majoritairement
constituée des ethnies originaires du nord Togo, région d’origine du Président Gnassingbé (le père aussi bien que
le fils) et la classe des soldats et des sous-officiers qui elle, est majoritairement constituée de militaires
originaires du sud Togo.
116
Le général Etienne Eyadema a décidé le 3 février 1974 de s’appeler Gnassingbé Eyadema. Le nom
Gnassingbé est considéré par ce dernier comme plus authentique. Ce même changement de nom qui s’inscrit
dans un processus de sacralisation et de personnalisation du pouvoir autoritaire en Afrique s’observe avec le
premier Président du Tchad François Tombalbaye, il devient Ngartha (c’est-à-dire le vrai chef) et baptisera cette
« révolution » la « tchaditude ». in Extrait du discours du général Mobutu devant l’Assemblée générale de
l’O.N.U. en 1973 cité par Comi M. Toulabor, Le Togo sous Eyadema, op. cit., p. 170.
117
Nous avons déjà exposé plus haut en note de bas de page sur cette manière très peu démocratique en utilisant
l’expression de « coup d’état institutionnel »
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après l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel direct, un moment capital de la
structuration du jeu démocratique, à l’occasion duquel l’exécutif tente d’obtenir son
ralliement ou à défaut sa neutralité. Les tractations entre les différents courants politiques
représentés à l’Assemblée nationale et les positions tactiques des principales formations
politiques faites d’alliances ou de « désalliances » pour s’emparer du perchoir témoignent ici
du caractère hautement stratégique que constitue la présidence de l’Assemblée nationale.
Dans ce jeu de contrôle institutionnel et politique du parlement au Togo, le chef de l’Etat
n’a jamais eu de difficultés à placer ses hommes de confiance à la tête des institutions dont
tous les membres lui sont entièrement dévoués. Tous les différents présidents qui se sont
succédés à la tête du parlement togolais depuis les élections législatives de 1994 à savoir
Dahuku Péré sous la première législature (1994-1999), Agbéyomé Kodjo qui aura passé
douze mois avant d’être nommé premier ministre ou encore Ouattara Fambaré Natchaba
jusqu’au décès du Général Eyadéma le 5 février 2005, sont tous des dignitaires du
Rassemblement du Peuple Togolais, le parti du défunt président. Il se révèle ainsi une
question de la dépendance politique du président de l’Assemblée nationale vis-à-vis du
président de la République au Togo.
D’un autre côté, la construction et l’exacerbation des clivages ethniques, régionalistes, des
replis sur sa communauté au Togo, qui sont très souvent le fait du pouvoir sont des exemples
vivantes des obstacles sociaux à l’effectivité du pluralisme politique. Le pouvoir arrive ainsi
à assurer sa domination sur sa propre communauté.
L’influence et l’usage pernicieux fait de cette influence joint à l’aggravation de la situation
économique
et autres difficultés par le pouvoir
est un autre moyen ou élément de
conditionnement social. En effet, les difficultés quotidiennes de la vie peuvent entraîner ou
être utilisées, à l’égard de ceux qui en sont confrontés, des comportements en contradiction
avec l’idéal de démocratie. Achille MBEMBE les désigne comme ce « ... rapport aux objets
et aux désirs, des formes de servitudes et de mise en gage de personnes... un faisceau de
représentations, des passions, des mensonges, de cupidité de vices et de violence... ». Ces
dispositions comportementales prennent souvent la forme de la corruption, de la banalité de
la fraude et de soutiens passionnels lors des compétitions électorales; les élections perdent
ainsi leur aspect concurrentiel et en réalité on se replonge dans le vieux système de parti
unique qui a prévalu. A ces formes de disposition, l’adoption même constitutionnelle du
pluralisme, est voué à un échec programmé.
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PARAGRAPHE 2 : UNE OPTION DE MISE EN ŒUVRE DU PLURALISME
POLITIQUE QUI AFFECTE SON EFFECTIVITÉ.
Il existe une diversité dans la politique de mise en œuvre du pluralisme118. Au Togo la
procédure adoptée, après tout examen et analyse du système politique, semble ne pas faciliter
non seulement une lecture cohérente de la politique de mise en œuvre et du processus, mais
aussi elle constitue autant d’obstacles à l’institutionnalisation de ce pluralisme politique.
La procédure de mise en œuvre du pluralisme peut adopter des réformes initiées à l’évidence
par les autorités au pouvoir, et dont ils souhaitaient en avoir le contrôle. Cette voie a été
empruntée au Cameroun, en Côte d’Ivoire et en Guinée. La mise en œuvre du pluralisme
politique peut être le fait des militaires qui à l’issue d’un coup d’Etat vont imposer les
réformes. Cette situation est connue, dans une moindre mesure au Tchad, mais surtout au
Mali où le Général Amadou Toumani Touré, va remettre le pouvoir aux civils, à l’issue de la
période de transition, comme il s’y était engagé. Cet acte, salué comme la preuve du
désintéressement et de l’honnêteté, très rare en ce domaine en Afrique noire en particulier,
contribuera à renforcer la crédibilité de l’expérience malienne. Enfin dans cette diversité
procédurale qui ne manquera pas d’avoir des répercussions regrettable au plan politique sur
les institutions nouvellement créées, se trouve également la voie des réformes imposées.
Dans ce dernier cas, les réformes sont la volonté imposée à la fois par l’action des acteurs
internes et externes à l’Afrique, aux dirigeants au pouvoir. Ceci va aboutir à la convocation
d’une conférence nationale. Ce sera le cas au Bénin, au Congo ou au Togo par exemple119.
Sur le plan institutionnel,
la volonté manifeste des autorités togolaises de contrôler la
machine politique et celle administrative va créer des divergences entre les dirigeants au
pouvoir et leurs oppositions. Le peuple togolais aspirant à plus de liberté va se voir ainsi
opposer un refus catégorique dans la mise en place de certaines institutions pourtant
indispensables à l’effectivité du pluralisme. Ainsi certaines institutions qui ont été créées
dans certains pays africains aspirant à la démocratie, seront dénoncées au Togo. C’est le cas
entre autres des autorités administratives indépendantes, et du Médiateur de la République en
particulier, retenu au Sénégal et au Burkina Faso, des commissions nationales d’élection qui
seront créées sans difficulté majeure au Bénin ou au Mali. Le pouvoir démocratique étant au
118
LISSOUCK (Félix François), Pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone, Essai sur les
dimensions institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique noire francophone, Thèse de
Doctorat en Droit Public et Analyse Politique, Lyon, 2000, p. 186. 119
Voir tableau 1 ; annexe 1. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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58
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peuple, pour le peuple et par le peuple120, certaines institutions ont été certes créées, mais elles
demeurent entièrement contrôlées par le pouvoir central.
L’administration togolaise reste très dominée par la sociologie et l’idéologie de la famille
Gnassingbé puisqu’elle est très « présidentialisée »121. Aussi les dirigeants au pouvoir
affichent une méfiance vis-à-vis d’une administration à laquelle ils ont de bonnes raisons de
se méfier, et quand il leur arrive d’accepter la création d’une institution, ils ne lui accordent
que des compétences et des moyens matériels limités.
L’option de la procédure de mise en œuvre du pluralisme togolais, rend plus difficile toute
tentative de construction d’un modèle constitutionnel togolais, mais aussi rend aléatoire
l’institutionnalisation du pluralisme politique dans ce pays, laquelle n’est pas déjà favorisée
du fait d’une instabilité politique et juridique quasi permanente.
SECTION 2 : L’INSTABILITÉ, OBSTACLE MAJEUR A
L’INSTITUTIONNALISATION DU PLURALISME POLITIQUE
Le Togo, depuis son indépendance se caractérise par une instabilité normative et
institutionnelle. Celle-ci procède de la survivance des pratiques néo-patrimoniales et d’ une
perturbation normative accentuée. En effet c’est la volonté du détenteur du pouvoir qui y a
toujours prévalue. Son désir de conserver le pouvoir face à des forces ou des acteurs qui
veulent le limiter, ou l’en déposséder, quand bien même que ces derniers se fondent sur des
valeurs universellement partagées, même par ces dirigeants, a toujours surplanté toutes les
réformes normative et institutionnelle. Les empreintes du dirigeant se sentent et se voient
même au plus bas degré de l’administration togolaise d’ailleurs fortement présidentialisée.
Rien ne semble arrêter cette volonté qui fait et défait ce système instituant ainsi l’instabilité en
moyen de gouvernement. Dès lors, cette instabilité va se manifester au plan normatif
(Paragraphe1) et institutionnel (Paragraphe2).
PARAGRAPHE 1 : UNE INSTABILITÉ NORMATIVE
Les transitions démocratiques ont fortement contribué à la remise en cause de
l’ordonnancement relatif au parti unique. Par le biais de la conférence nationale de Juillet 120
Etymologiquement, la démocratie signifiait le gouvernement du peuple, ce que Abraham LINCOLN
transformera en “ gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ”. in BURDEAU (Georges), Traité de
science politique, Paris, L.G.D.J., T. V, 3ème éd., 1985, p. 514, cité par LISSOUCK (Félix François), op. cit..
121
LISSOUCK (Félix François), Pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone, Essai sur les
dimensions institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique noire francophone, op. cit., p.
366
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Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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Août 1991, le Togo
a connu un nouvel ordre juridique arraché
Aujourd’hui cet ordonnancement juridique fruit de la
au pouvoir politique.
transition démocratique est
progressivement remis en cause, ce que témoigne la révision en 2002 de l’article 59 de la
constitution de 1992 qui a supprimé la limitation du mandat présidentiel122. Cette révision
constitutionnelle, malgré qu’elle est contraire à l’esprit du pluralisme est passée comme une
lettre à la poste au niveau de l’Assemblée nationale123 nuitamment.
Un autre évènement normatif, en 2003 les députés du RPT seul parti représenté à l’Assemblée
nationale modifient également les règles électorales. Désormais pour pouvoir se présenter au
poste de président de la République il faut obligatoirement avoir résidé de manière
permanente au Togo pendant les cinq années précédents l’élection. Cette modification de la
loi exclue automatiquement des scrutins, l’opposant Gilchrist Olympio et la plupart des
opposants principaux qui, menacés de mort, vivent depuis plusieurs années en exil, hors du
Togo.
Cette situation d’instabilité normative s’explique par la peur des dirigeants au pouvoir depuis
des décennies qui considèrent toujours les élections disputées comme une gageure qui
pourrait être contournée : ils y voient sinon la perspective de l’alternance à laquelle ils restent
farouchement opposés, du moins l’échec de leur parti dont la plupart ne s’y résolve pas
122
Cette situation certes n’est pas spécifique seulement au Togo. La plupart des Etats de l’Afrique noire
francophone ont procéder à la modification de la disposition constitutionnelle qui visait à limiter le nombre de
mandat présidentiels. C’est la situation au Burkina Faso avec la révision constitutionnelle de 1997 (loi
n°002/97/ADP article 37). De même en Côte d’Ivoire, une révision constitutionnelle initiée par le gouvernement
du Président Henri Konan Bédié en 1998, allait à contre courant de cet esprit du pluralisme politique. Ce texte
était largement critiquable sur deux dispositions au moins. D’une part, l’article 9 dudit texte fait passer la durée
du mandat présidentiel de cinq à sept ans, comme si le temps lui était compté. D’autre part, l’article 10 du même
texte permet au Président de la république, en cas de situation d’urgence, de prolonger son mandat afin d’assurer
la continuité de l’Etat et de garantir la stabilité des institutions, sans que pour autant cette situation d’urgence soit
clairement déterminée. Le Président Bédié n’aura pas l’occasion d’appliquer, de mettre en œuvre sa stratégie de
maintien au pouvoir car il sera renversé par un coup d’Etat en décembre 1999. Le Président guinéen Lansana
Conté, s’est lui aussi engager dans la procédure de rallongement de son mandat; le Parlement se chargera en
février 2000, de repousser son projet. Au Sénégal, le 24 août 1998, le parti socialiste du Président Abdou Diouf,
avait proposé la suppression dans la constitution de toute limitation du nombre de mandat à la présidence, ce qui
fait penser à l’instauration d’une « présidence à vie »3) et surtout la suppression de la condition du « quart
bloquant », qui voulait qu’un candidat remporte un nombre de suffrages égal au moins à 25 % pour être déclaré
élu, a été supprimé . Cette dernière disposition dont l’objet, à l’évidence, est de contourner les possibilités de
boycott des élections qui réduit la légitimité du ou des dirigeants dont justement le pluralisme politique
entendait renforcer.
123
Cela n’est pas étonnant. En effet, au Togo, l’Assemblée nationale élue depuis 1999 n’a créé aucune
commission d’enquête ou de contrôle. Toutes les commissions d’enquête demandées par l’opposition sous la
première législature (1994-1999) n’ont jamais vu le jour du fait de l’opposition systématique du Rassemblement
du Peuple Togolais, parti au pouvoir, et ultra majoritaire au sein de l’Assemblée.
Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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60
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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encore124. Quoi qu’il en soit, la révision constitutionnelle togolaise est un exemple de retour
en arrière dont il est à craindre qu’ils fassent tache d’huile sur le pluralisme dans tous ses
sens. Ainsi, la constitution togolaise de 1992, adoptée il y a moins de dix ans a été révisée
dans ses dispositions essentielles, dans le sens du renforcement du pouvoir présidentiel,
entraînant une instabilité institutionnelle.
PARAGRAPHE 2 : UNE INSTABILITÉ INSTITUTIONNELLE
La « patrimonisation » du pouvoir et la nostalgie des périodes du parti unique malgré son
échec prouvé, explique l’instabilité institutionnelle dont souffre aujourd’hui le Togo. En effet,
la volonté de maintien du « néo-patrimonialisme » et du retour à la présidentialisation du
régime d’une part, et d’autre part la volonté de limitation du partage du pouvoir présidentiel
continuent invraisemblablement de trottiner dans l’esprit des dirigeants politiques togolais
toujours réunis autour des Gnassingbé.
Cette situation peut entraîner des blocages qui
peuvent à leur tour prendre diverses formes, en particulier violente et militaire125.
Au Togo l’analyse montre que l’instabilité institutionnelle a une source endogène. On peut
aisément à l’analyse critique du système politique togolais accepter qu’elle « relève de la
psychologie des acteurs internes qui par leurs calculs, leurs passions, leur manque de
conviction, leurs incohérences, sont près à sacrifier des efforts collectifs de tentative de
construction d’un ordre juridique fondé sur le pluralisme politique, à des fins personnelles.
Ceci prouve que ces dirigeants qui n’hésitent pas à se présenter comme des démocrates, n’ont
pas toujours renoncé à considérer le pouvoir comme un bien personnel, du moins qui doit
leur revenir. Il en est ainsi, de toutes les institutions, et singulièrement de l’administration qui
doit être à leur service personnel. Celle-ci, civile ou militaire, continue d’être
124
LISSOUCK (Félix François), Pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone, Essai sur les
dimensions institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique noire francophone, op. cit. p.
387
125
En 1986 après une tentative de putsch le régime Eyadema est déstabilisé par de violentes manifestations à
Lomé. En 1990, la conjoncture internationale pousse Eyadema à accepter le principe du multipartisme. Avec
l’apparition du COD (Collectif de l’Opposition Démocratique) et avec la création du Haut Conseil de la
République, le président Eyadema se voit retiré tous ses pouvoirs et est obligé de laisser sa place à un président
intérimaire jusqu’aux élections prévues en 1993. Mais en 1992 il va rapidement reprendre ses pleins pouvoirs
avec l’aide de l’armée. En 1993 un autre putsch manqué va permettre à Eyadema d’asseoir son autorité
personnelle en affirmant que sa « chance » est due à l’intervention de Dieu et que si il est toujours en vie et au
pouvoir c’est grâce à la volonté de Dieu. S’appuyant sur les conflits ethniques entre les Kabyè du Nord, ethnie
du président et majoritaire dans l’armée et les Ewé, ethnie du sud et majoritaire à Lomé, Eyadema punira ses
ennemis par une violente répression militaire dans la région de Lomé ce qui entraînera l’exode de près de
230.000 Togolais vers le Ghana et le Bénin.
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instrumentalisée, au sens péjoratif du terme, alors même que sont énoncées les règles de sa
rationalisation.»126.
Dans cette pénombre institutionnelle, on ne perçoit point la nette rupture qui devrait être
dans la transcription juridique du pluralisme politique, en tant que projet de démocratisation,
avec l’ancien ordre juridique fondé sur le parti unique qui a prévalu de 1963 à 1991127.
L’institutionnalisation du pluralisme politique, dans le sens d’une plus grande
démocratisation, reste donc très limitée, du moins relative. Cette relativité permet d’espérer
une évolution surtout avec l’avènement au pouvoir de Faure Gnassingbé qui semble plus
ouvert au consensus et au dialogue que son père Eyadéma Gnassingbé étant donné que
certaines mesures, qui relèvent d’une volonté politique, sont prises. L’intense implication de
la communauté internationale est un atout capital dans la réalisation du projet togolais très
largement justifié. Elle se justifie non seulement par l’universalisation des idéaux du
pluralisme politique que sont la liberté, justice, l’égalité, la dignité de l’homme en un mot les
droits de l’homme. L’intervention de la communauté internationale permettrait donc dans le
sens de l’universalisation du pluralisme de pallier au manque de volonté politique des
dirigeants.
La nouvelle dimension de l’universalisation des droits de l’homme,
de l’exigence
internationale et universelle de les garantir, de les protéger et de favoriser leur mise en œuvre
apparaît aussi comme le second atout à la base duquel d’ailleurs la communauté internationale
devrait assoir son intervention politique au Togo.
126
LISSOUCK (Félix François), Pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone, Essai sur les
dimensions institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique noire francophone, op. cit. p.
456
127
Cette période est à considérer avec prudence car même à l’heure présente, le pluralisme politique au Togo se
présente comme un mythe politique.
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62
Processus de démocratisation des années 1990 à nos jours : le cas du Togo
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CONCLUSION
En résumé, la démocratie au Togo est plus un vœu qu’une réalité. Le bilan assez fâcheux des
droits de l’homme, les arrestations arbitraires, les actes de tortures, les assassinats politiques,
la répression sanglante des manifestations politiques, remettent profondément en cause les
espoirs soulevés par le nouveau constitutionnalisme des années 1990.
Par ailleurs, il importe de souligner que les fraudes massives et les violences qui caractérisent
les élections au Togo ne sont pas de nature à promouvoir la culture démocratique, pas moins
que le non respect des libertés publiques (presse, syndicat…)
Aussi, le pouvoir judiciaire, dans son organisation et son fonctionnement actuel est gangrené
par des maux qui le retiennent très loin de sa mission de protection des droits et libertés des
citoyens. A cela s’ajoute la mainmise permanente du régime en place sur cette institution, ce
qui compromet sans doute l’indépendance et l’impartialité des juges judiciaires.
La cour constitutionnelle s’est écartée de sa mission de protection des droits et libertés
fondamentaux en s’érigeant en défenseur des intérêts du parti au pouvoir, sacrifiant ainsi son
honneur sur l’autel de la corruption et de la cupidité, au grand dam des citoyens togolais dans
leur ensemble.
Du coup, le principe de la séparation des pouvoirs tel que consacré par la constitution de 1992
est sérieusement malmené.
En conséquence, cela se ressent aussi au niveau des organes non juridictionnels de protection
des droits de l’homme ( CNDH, HAAC…) qui n’ont pas fini de surprendre dans leur
fonctionnement et leurs décisions. L’indépendance qui les caractérise n’est qu’un miroir aux
alouettes.
Dans cette atmosphère, la situation politique n’est guère plus heureuse.
En effet, l’échec du régime présidentiel de parti unique créé et entretenu pendant longtemps
par le RPT, parti du feu président Gnassingbé Eyadéma, la conjoncture internationale, ont
entraîné l’organisation au Togo à la suite des autres Etats africains d’une conférence nationale
dont l’objectif
est de finir avec le monolithisme et de générer un régime pluraliste
conformément aux exigences de la démocratie.
L’évidence au Togo, comme partout ailleurs en Afrique noire francophone est que le principe
de la constitutionnalisation du pluralisme politique est admis. Le Togo ne souffre donc pas
d’une carence normative ou institutionnelle dans l’affirmation du pluralisme. L’existence de
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plusieurs partis politiques avec des degrés de compétitivité et d’engagement divers, de
même que la consécration dans le préambule de la constitution togolaise de 1992 modifié en
2002, la création d’un parlement multicolore128, permettent d’affirmer en théorie que le Togo
s’inscrit dans la logique commune de la démocratisation en Afrique.
Il s’agit toutefois d’une farce politique car dix ans après l’affirmation du pluralisme, la base
légale de celle-ci connaît une modification par la révision de la constitution en 2002. C’est le
retour à l’autoritarisme, avec une permanence de violence, une volonté manifeste de contrôle
des institutions de l’Etat, de l’administration, bref une monopolisation du pouvoir, faisant
penser au retour de la dictature des années 1963.
L’existence d’institutions à compétence réduite, à pouvoir limité avec une autonomie
contrôlée par le pouvoir central, l’absence de l’animation de la vie politique par des partis
politiques d’ailleurs très peu engagés pour la plupart dans leur rôle traditionnel de conquête et
de gestion du pouvoir politique et l’absence d’un vrai statut de l’opposition entraîne des
instabilités qui se situent tant au niveau social, normatif et institutionnel qui ne facilitent pas
la mise en œuvre du pluralisme politique au Togo. Cette analyse et l’examen de la situation
togolaise conduisent à conclure que le pluralisme politique au Togo, en tant que droit de la
démocratie demeure un mythe129.
128
Il faut cependant admettre que malgré sa configuration multipartite, le parlement togolais est très absent
dans son rôle d’institution de contre pouvoir. Par exemple les questions orales et écrites sont prévues aux articles
117 à 124 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Togo. Mais depuis le renouveau démocratique
au Togo, les députés n’ont posé que 96 questions orales. L’opposition étant représentée au parlement lors de la
première législature, 93 questions ont été posées de la période allant du 1er juin 1994 au 30 avril 1999 (voir
Statistiques fournies pour la direction des services législatifs de l’Assemblée nationale du Togo). Une seule
question a été posée sous la deuxième législature, 2 sous la troisième législature. On remarquera donc que la
constitutionnalisation de cette technique de contrôle n’a pas entraîné un engouement notable de la part des
députés togolais. Au Togo, en règle générale, poser une question s’analyse rapidement comme une critique de la
politique menée ou comme une agression non seulement contre les membres du gouvernement mais aussi
indirectement contre la personne du chef de l’État, principal instigateur des grandes orientations politiques du
pays. Ainsi, les députés notamment ceux du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) sont contraints au
mutisme, seule solution pour eux de garder toujours la confiance du Président de la République et d’entrevoir
des possibilités de réélection lors des prochaines élections législatives. Souvent, les questions posées par les
parlementaires restent sans écho. Les ministres se contentent de donner des réponses succinctes et évasives aux
questions posées. Ainsi à la question du député Zeus Ajavon de l’Union Togolaise pour la Démocratie (UTD) du
15 mai 1995 sur « la gestion calamiteuse des entreprises publiques », le ministre de l’Economie et des finances
n’a trouvé d’autre réponse que de proposer la mise en place d’une commission chargée d’assainir les finances de
l’Etat, commission qui n’a jamais vu le jour ; cf. JOAN, 1995, séance du 15 mai 1995.
129
Ce mythe peut expliquer qu’au Togo pour se faire élire ou réélire, il suffit simplement d’avoir la confiance
du chef de l’Etat. Si vous la perdez, vous perdez votre siège de député. Ceci est vrai sous le monopartisme, c’est
encore vrai aujourd’hui après les mouvements de déverrouillage démocratique, OWONA (Joseph), La nouvelle
constitution de la Troisième République, RJP, n°3, 1980, p. 716 ; SANDAOGO (Michel), Les nouvelles
constitutions africaines : la transition démocratique, Presses de l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse,
1993, p. 63.
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Mais la nouvelle dimension du droit international des droits de l’homme, en particulier celle
de la justice, liée à l’action des acteurs internes, paraît en l’état actuel, le moyen le plus
susceptible d’assurer l’effectivité de l’institutionnalisation juridique du pluralisme politique
dans les Etats d’Afrique noire francophone en général et au Togo en particulier.
En somme, loin de demeurer un mythe, la démocratie et l’Etat de droit sont sérieusement
éprouvés au Togo, ce qui compromet véritablement l’espoir du peuple togolais dans ses
aspirations à la liberté et au respect de ses droits pris en otage depuis plus de deux décennies.
En l’état actuel des choses, il nous semble que le manque de volonté politique du régime au
pouvoir d’opérer des grandes réformes démocratiques explique sans doute cette carence. Ce
régime , vieux de plus de quarante ans n’a trouvé d’autres moyens de confisquer le pouvoir
que de terroriser les honnêtes populations, de violer systématiquement les droits et libertés
fondamentaux et de braquer sa machine répressive sur les leaders d’opposition et leurs
partisans.
Dans ce climat, nous ne saurons mettre un point à notre mémoire sans faire des
recommandations judicieuses à l’endroit de tous les acteurs de la vie politique au Togo pour
que les espoirs annoncées par le nouveau constitutionnalisme des années 1990 se traduisent
dans les faits et que la démocratie et l’Etat de droit soient une réalité pour le bonheur du
peuple togolais.
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RECOMMANDATIONS
• A l’endroit du régime en place
Le régime en place doit se rendre compte à l’évidence que les pratiques totalitaires, les
violations de droits et libertés fondamentaux, l’usage abusif de la force, le fonctionnement
actuel de la justice et des institutions de protection des droits de l’homme enregistrés ça et
là sont la marque d’un retour à la dictature et s’inscrivent en marge du renouveau
démocratique annoncé par la constitution de 1992. Les quelques reformes entamées nous
semblent être une farce puisqu’elles n’ont jamais produit d’effets notables. En témoigne le
fameux programme de modernisation de la justice (PNMJ) qui n’a pas jusqu’alors réussi à
éliminer la justice togolaise des maux qui la minent et à offrir des conditions de détention
acceptables à la population carcérale et la création de la commission vérité justice et
reconciliation.
Sur le plan politique, les propositions à la formation d’un gouvernement d’union
nationale, à preuve du contraire, demeurent un artifice, puisque, faute d’une réelle volonté
politique, les chances de résultats notables restent hypothéquées.
A cet égard, il urge d’œuvrer pour que se traduisent dans les faits les espoirs annoncés par
la constitution de 1992. Ainsi, nous pensons que les recommandations suivantes pourront
efficacement contribuer à faire de la démocratie une réalité si elles sont suivies à la lettre.
Ainsi, pour le rayonnement de la démocratie et de l’ Etat de droit au Togo, il faut :
¾ Une réelle volonté politique de la part du gouvernement en place de faire du
Togo un modèle de démocratie et d’Etat de droit. Cela suppose un engagement
irrévocable de faire triompher la démocratie et les droits de l’homme au niveau
de toutes les institutions ;
¾ Une réforme des institutions de protection des droits de l’homme c’est-à-dire de
la cour constitutionnelle au pouvoir judiciaire en passant par les organes non
juridictionnels (CNDH, HAAC…) Cette réforme implique une révision des
modes de désignation des membres de ces institutions avec une prise en compte
consistante des membres des partis politiques de l’opposition puisqu’en l’état
actuel des choses, ces institutions manquent cruellement d’indépendance et de
professionnalisme ;
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66
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¾ Une conscientisation des juges constitutionnels et des juges judiciaires sur leur
responsabilité. Ceux-ci doivent comprendre qu’ils sont des professionnels au
service du peuple et qu’ils ne sont pas redevables envers ceux qui les ont
nommés. Comme l’a écrit Robert Badinter, ancien président du conseil
constitutionnel français, « nous avons un devoir d’ingratitude envers ceux qui
nous ont nommés ». C’est dire que là où il n’y a pas de magistrats indépendants,
il n’y a que des délégués du pouvoir au dire de Royer Collard ;
¾ Réviser les législations concernant l’interdiction de la torture et autre peines ou
traitements cruels inhumains ou dégradants afin de les rendre conformes aux
standards internationaux et incriminer la torture dans le code pénal ;
¾ Redynamiser le programme national de modernisation de la justice et des
établissements pénitentiaires ;
¾ Faire preuve de sincérité et d’une véritable ouverture dans la formation des
gouvernements d’union nationale ;
¾ Former les forces de l’ordre sur leur rôle dans les opérations d’encadrement des
manifestations, des marches et réunions des partis politiques ;
¾ Interdire les tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants dans les
commissariats lors des interrogatoires et veiller au respect scrupuleux du délai de
garde à vue ;
¾ Reformer l’armée dans toutes ses composantes et l’éduquer à prendre conscience
de sa responsabilité républicaine.
• A l’endroit des partis de l’opposition
L’opposition togolaise dans son ensemble n’est pas exempte de tout reproche par rapport à
la situation désastreuse que vivent les togolais aujourd’hui. Elle a raté des occasions pour
faire triompher la démocratie au Togo et asseoir l’Etat de droit. Ses prises de position
radicale n’ont par ailleurs pas permis à la démocratie togolaise de s’émanciper. Dès lors
elle a sans doute sa partition à jouer pour une effectivité de l’Etat de droit au Togo. A cet
égard, il faudra :
9Faire table rase du passé et éliminer dans les esprits toute idée de vengeance ;
9Se mobiliser et tourner résolument le regard vers le développement du pays en
acceptant les quelques propositions faites par le RPT et qui peuvent aller dans
ce sens ;
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9Accepter la participation au gouvernement d’union nationale proposée par la
RPT à l’issue des élections. Cela peut constituer une stratégie pour pénétrer
les sérails du RPT et les exploiter lors des prochaines échéances électorales ;
9Eviter le boycott des élections surtout législatives qui occupent une place
prépondérante dans la conquête du pouvoir ;
9Accepter l’idée d’une cogestion du pouvoir tel que proposée par le CAR130 ;
9Eviter de tenir des propos nuisibles à la paix et à la cohésion sociale.
130
L’idée de la cogestion a été émise par le président du CAR Me Yawovi Agboyibo. La cogestion signifie une synergie des forces politiques, économiques et sociales en vue de sortir le pays de ses difficultés. Dans le régime de cogestion, les diverses composantes conservent leur autonomie tout en s’efforçant de surmonter leur divergences de vue par la recherche de solutions consensuelles. La cogestion ainsi définie est un régime de rupture temporaire avec le système de gestion fonctionnant à base du principe majoritaire, ce qui le rapproche énormément de la démocratie consensuelle. Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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Annexe 1
Etats
Nature
Durée
Déroulement
juridique
Situation
politique
à son issue
Bénin
souveraine
19 février au
Menace
3 mars 1990
d’intervention
Alternance
militaire
Congo
souveraine
25 février au
Absence de
10 juin 1991
violence
Alternance
physique
Gabon
non souveraine
Mars-avril 1990
Absence de
Pas d’alternance
violence
physique
Mali
souveraine
29 juillet au
Pacifique
Alternance
Juillet-
Pas de violence
Pas d’alternance
novembre 1991
physique
Janvier-avril
Pas de violence
1993
physique
Juillet-août
Intervention de
Pas
1991
l’armée,
d’alternance
12 août 1991
Niger
Tchad
Togo
souveraine
souveraine
souveraine
Pas d’alternance
violences
physiques
Zaïre
souveraine
7 août 1991
Menaces,
au 6 décembre
intervention de
1990 (avec
l’armée, jamais
plusieurs
achevée
Pas d’alternance
interruptions
Tableau n°1: Les conférences nationales en Afrique noire francophone.
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BIBLIOGRAPHIE
I- OUVRAGES
1- AKINDES (Francis), Les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne
francophone.
2- BURDEAU (Georges), Traité de science politique, T. 1. Paris, L.G.D.J, 1980, 483 p.
3- DUHAMEL (Olivier), (MENY (Yves), Dictionnaire de droit constitutionnel, Paris :
PUF, 1992, 1112
4- DUHAMEL (Olivier), Les démocraties, Paris : Seuil, 1993, 359 p.
5- GICQUEL (Jean), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien,
10ème éd. 1989, 874 p. et 16e éd. 1999, 763 p.
6- GONIDEC, (Pierre-François), Cours d’institutions publiques africaines et malgaches
1966-1967, Paris, Les cours de droit, 1967, 215 p.
7- GONIDEC, (Pierre-François), Les systèmes politiques africains, Paris, L.G.D.J, 2ème
éd, 1978, 431 p.
8- ROUSSEAU (Jean-Jacques), Du contrat social, Paris, Flammarion, 1992, 187 p.
9- TEDGA (Paul John Marc), Ouverture démocratique en Afrique noire ?
Paris,
L’Harmattan, 1991, 251 p.
10- TETE (Tété), Démocratisation à la togolaise, Paris : l’Harmattan, 1998, 224 p.
11- TETE (Tété), Histoire du Togo : le régime et l’assassinat de Sylvanus Olympio 19601963, Créteil :
12- TOULABOR (Comi M.), Le Togo sous Eyadéma, Paris, Karthala, 1986, 332 p.
13- WALZER (Michael), Pluralisme et démocratie. Paris, Editions Esprit, 1997, p.220
14- DEBBASCH (Charles), L’Etat du Togo 19671-2004, Paris, Jouve, 2004.
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15- GAYIBOR (Nicoué Lodjo), Histoire des Togolais, volume II, Tome II, de 1884 à
1960, Presse de l’UL, Lomé, 2005.
II- ARTICLES ET CONTRIBUTIONS DIVERSES
1- CHANTEBOUT (Bernard), droit constitutionnel et science politique, Paris, Armand
Colin, 1985, 6è éditions, 705 p.
2- KPODAR (Adama) « Réflexion sur la justice constitutionnelle à travers le contrôle de
constitutionnalité de la loi dans le nouveau constitutionnalisme : les cas du Bénin, du
Mali, du Sénégal et du Togo », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et
Administratives, n°16, 2006, p. 104-146.
3- GOZIBO (M.) « Togo, transition démocratique bloquée », 2000.
4- TOULABOR (Comi), « La bataille finale du Général Eyadéma au Togo, Le monde
diplomatique, n°468, mars 1993.
5- HOLO
(Théodore)
« Démocratie
revitalisée
ou
démocratie
émasculée ? Les
constitutions du renouveau démocratique dans l’espace francophone africain : régimes
juridiques et systèmes politiques », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et
Administratives, n° 16, 2006, p.31.
6- CONAC (Gérard), «Les processus de démocratisation en Afrique», pp. 11-53 et «Etat
de droit et démocratie», pp. 483-508, in Gérard CONAC (sous la dir.de), L’Afrique en
transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, 517 p.
7- DEGNI SEGUI (René),
«Evolution politique et constitutionnelle en cours et en
perspective en Côte-d’Ivoire», in CONAC Gérard (sous la dir.de) L’Afrique en
transition vers le pluralisme politique, pp. 291-300.
8- KODJO (Edem), «Environnement international et Etat de droit», in Conac Gérard
(sous la dir.de), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, pp. 83-87.
9- LAVAU (Georges), «Le parti communiste français et le pluralisme imparfait en
France», in SEURIN Jean-Louis (sous la dir. de), La démocratie pluraliste, pp. 225241, Paris, Economica, 1981, 322 p.
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10- MELEDJE DJEDJRO (F.), «La révision des constitutions dans les Etats africains
francophones. Esquisse de bilan», R.D.P, n°1, 1992, pp.111-134.
11- MELEDJE DJEDJRO (F.) « Faire, défaire et refaire la Constitution en côte d’Ivoire :
un exemple d’instabilité chronique. » source www.publi.claw-uct.ac.za/usr/public
12- TOULABOR (Comi), « 10 ans de démocratisation au Togo : les faussaires de la
démocratie, Année Africaine », CEAN-Pedone, 1999, pp. 287-301.
13- TOULABOR (Comi), «Élection à hauts risques dans un Togo déchiré », Le Monde
diplomatique, avril, 2005.
14- AGBOYIBO (Yaovi), Combat pour un Togo démocratique, une méthode politique,
Paris, Karthala, 1999.
15- DEGLI (Jean), Togo, La tragédie africaine, Paris, Éditions Nouvelles du Sud, 1996.
III-
THESES
KOKOROKO, (K. Dodzi) contribution à l'étude de l'observation internationale des élections,
thèse pour le doctorat en droit, Poitiers, 2005, 550 p.
LISSOUCK (Félix François), pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone,
Essai sur les dimensions institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique
noire francophone, Thèse de Doctorat en Droit Public et Analyse Politique, Lyon, 2000,493
p.
SOMALI (Kossi), Le parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique. Essai
d’analyse comparée à partir des exemples du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, Thèse de
droit public (droit constitutionnel), Lille, 2008, 491p.
IV-TEXTES
-
Constitution de la République du Togo, du 14 octobre 1992, Afrique contemporaine,
n°170, 1994, pp. 54-75.
-
Constitution de la République de Guinée, du 23 décembre 1990, Afrique
contemporaine, n°163, 1992, pp. 41-55.
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-
Constitution de la République du Niger, du 26 décembre 1990, Afrique
contemporaine, n°165, 1993, pp. 3-50.
-
Constitution de la république du Congo, du 15 mars 1992, Afrique contemporaine,
n°162, 1992, pp. 35-59.
-
Constitution de la République du Cameroun. Nouvelle édition bilingue, février 1996.
WEBOGRAPHIE
- http : //www.toupie.org
- http: //fr. wikipédia.org
- http://democratie.francophonie.org
- http.//www.cdd.org.uk
- http.//www.ufctogo.com
- http.//www.allafrica.com
- http.//www.google.fr
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Table des matières
PREMIÈRE PARTIE : LA RECHERCHE LABORIEUSE DE LA PROTECTION DES DROITS DE
L’HOMME .............................................................................................................................................. 7 CHAPITRE 1 : UNE PROCLAMATION GENEREUSE DES DROITS DE L’HOMME .................... 9 PARAGRAPHE 1 : DE LA PROCLAMATION DES DROITS DE L’HOMME. ........................... 10 PARAGRAPHE 2 : DE LA PROCLAMATION DES LIBERTES .................................................. 15 A- La liberté de presse ............................................................................................................... 15 B- Les libertés d’association, de réunion et de manifestation ................................................... 16 SECTION 2 : LES INSTITUTIONS DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME .................. 17 PARAGRAPHE 1 : LES ORGANES JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES DROITS DE
L’HOMME ........................................................................................................................................ 18 A- Le pouvoir judiciaire ............................................................................................................. 18 B- La Cour constitutionnelle ......................................................................................................... 19 PARAGRAPHE 2 : LES ORGANES NON JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES
DROITS DE L’HOMME .................................................................................................................. 19 A- Les organes constitutionnels ................................................................................................. 20 B- Les organes gouvernementaux .............................................................................................. 21 CHAPITRE 2 : UNE EFFECTIVITE EN DEMI-TEINTE................................................................... 23 SECTION 1 - L’INEFFECTIVITE DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX ................... 23 PARAGRAPHE 1 : LA VIOLATION INSTITUTIONNALISEE DES DROITS DE L’HOMME . 24 A- La persistance des arrestations et détentions arbitraires ..................................................... 24 B- La récurrence des tortures et autres mauvais traitements .................................................... 25 PARAGRAPHE 2 : LE MASSACRE DES LIBERTES PUBLIQUES ............................................ 27 A- La poursuite incessante des acteurs de presse ...................................................................... 27 B- La prise en otage des libertés d’association, de réunion et de manifestation ....................... 28 SECTION 2 : LES DERIVES DES INSTITUTIONS DE PROTECTION DES DROITS DE
L’HOMME ............................................................................................................................................ 30 PARAGRAPHE 1 : L’INSTRUMENTALISATION DU JUGE CONSTITUTIONNEL ................ 30 A- Une indépendance compromise ............................................................................................. 30 B- Des décisions constitutionnelles orientées. ........................................................................... 32 PARAGRAPHE 2 : LES ERREMENTS DU POUVOIR JUDICIAIRE ET DES ORGANES NON
JURIDICTIONNELS ........................................................................................................................ 33 A- Une justice dépendante et partiale ........................................................................................ 34 B- La pagaille des organes non juridictionnels ......................................................................... 35 Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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DEUXIEME PARTIE : LA CONSOLIDATION DIFFICILE DU PLURALISME POLITIQUE ....... 37 CHAPITRE 1 : L’AFFIRMATION DU PLURALISME POLITIQUE ................................................ 38 SECTION1 : L’AFFIRMATION THÉORIQUE DU PLURALISME POLITIQUE AU TOGO ........ 38 PARAGRAPHE 1 : L’AMÉNAGEMENT CONSTITUTIONNEL DU PLURALISME POLITIQUE
AU TOGO ......................................................................................................................................... 39 A- Le pluralisme politique et la constitution : le cadre théorique. ............................................ 40 1- La notion de pluralisme politique .......................................................................................... 40 2- Le droit constitutionnel dans d’ordre juridique togolais. ..................................................... 42 B- La constitutionnalisation du pluralisme politique : une affirmation parfaite ................... 42 PARAGRAPHE 2 : LES LIMITES DE L’AMÉNAGEMENT CONSTITUTIONNEL DU
PLURALISME POLITIQUE ............................................................................................................ 44 A- Les limites liées à la forme traditionnelle sacrée du pouvoir politique au Togo ................. 44 B- Les limites dues à la persistance de la tradition autoritaire ............................................. 46 SECTION 2 : UNE AFFIRMATION PRATIQUE DU PLURALISME POLITIQUE ........................ 47 PARAGRAPHE 1 : LES MANIFESTATIONS JURIDIQUES DU PLURALISME POLITIQUE
AU TOGO ......................................................................................................................................... 48 A- Le pluralisme politique comme moyen de démocratisation ................................................. 48 B- Le pluralisme politique et l’institutionnalisation. ................................................................. 49 PARAGRAPHE 2 : LE PLURALISME POLITIQUE ET LA LIMITATION DU POUVOIR
PRÉSIDENTIEL ............................................................................................................................... 50 A- Un pouvoir contrôlé .............................................................................................................. 50 B- Le partage du pouvoir ........................................................................................................... 53 CHAPITRE 2 : LA MISE EN ŒUVRE COMPLEXE DU PLURALISME POLITIQUE ................... 55 SECTION 1 : DES RÉALITÉS SOCIO- JURIDIQUES : OBSTACLES À L’EFFECTIVITÉ DU
PLURALISME POLITIQUE ................................................................................................................ 56 PARAGRAPHE 1 : UNE PRÉDISPOSITION SOCIALE NÉFASTE ............................................. 56 PARAGRAPHE 2 : UNE OPTION DE MISE EN ŒUVRE DU PLURALISME POLITIQUE QUI
AFFECTE SON EFFECTIVITÉ. ...................................................................................................... 58 SECTION 2 : L’INSTABILITÉ, OBSTACLE MAJEUR A L’INSTITUTIONNALISATION DU
PLURALISME POLITIQUE ................................................................................................................ 59 PARAGRAPHE 1 : UNE INSTABILITÉ NORMATIVE ................................................................ 59 PARAGRAPHE 2 : UNE INSTABILITÉ INSTITUTIONNELLE .................................................. 61 CONCLUSION ..................................................................................................................................... 63 RECOMMANDATIONS ...................................................................................................................... 66 Annexe 1 ............................................................................................................................................... 69 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 70 Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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I- OUVRAGES ............................................................................................................................. 70 II- ARTICLES ET CONTRIBUTIONS DIVERSES ................................................................. 71 III- THESES ................................................................................................................................ 72 IV- TEXTES ................................................................................................................................ 72 WEBOGRAPHIE .................................................................................................................................. 73 Mémoire de DEA Droits de la Personne et de la Démocratie
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