PDF995, Job 19

Transcription

PDF995, Job 19
UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
********************
ANNEE 2002
N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE
DOCTEUR EN MEDECINE
Discipline : Médecine Générale
--------------------Présentée et soutenue publiquement le
A CRETEIL (PARIS XII)
----------------Par Joël KRAMEISEN
Né le 5 juillet 1969 à Metz (Moselle)
--------------------
TITRE : Répercussions de l’état de santé des chefs d’état sur l’histoire de
France.
DIRECTEUR DE THESE :
M. le Docteur Bruno HALIOUA
Signature du Directeur de thèse
LE CONSERVATEUR DE LA
BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE
Cachet de la bibliothèque universitaire
2
REMERCIEMENTS
L’auteur voudrait avant tout remercier
Sa femme, pour la mise en page, les graphiques, les illustrations, son
indispensable soutien, sa patience et sa confiance.
Sa mère pour son abnégation sans faille.
Son père, pour son inconditionnel support quotidien et bien sûr son sens de
l’histoire qui m’a guidé et inspiré au cours de ma vie
Eric, Myriam et Hervé pour leurs soutiens.
Marianne, Auriel, Nathanël, Nathalie et Myriam.
Danielle et Paul.
Son directeur de thèse, pour la joie qu’il a eu à lui permettre d’arriver à
réaliser cette thèse, ses corrections, son talent littéraire ses encouragements.
Sans sa participation active cette thèse n’aurait pu voir le jour.
3
INTRODUCTION
« Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à ce qu’elle
recommence » écrit Elie Wiesel. Un regard rétrospectif de médecin sur
l’Histoire de France permet de constater l’importance qu’ont pu avoir
certaines pathologies. A l’heure où l’Histoire de la Médecine trouve sa
place dans l’enseignement, l’influence de maladies sur le cours de
l’Histoire est encore peu explorée mais est parfois indispensable pour
comprendre l’Histoire. Ma thèse vise à mettre en évidence comment des
pathologies de chefs d’état français ont pu radicalement modifié le destin
de la France. Au delà d’une histoire mythifiée, cette constatation doit
démontrer le rôle crucial de l’état de santé de ceux qui sont à la tête d’une
nation.
4
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ........................................................................................2
INTRODUCTION............................................................................................3
TABLE DES MATIÈRES................................................................................4
TABLE DES ARBRES GENEALOGIQUES ..................................................8
TABLE DES ILLUSTRATIONS.....................................................................9
LEXIQUE ......................................................................................................10
A.
CHARLES VI : INFLUENCE DE SES TROUBLES
PSYCHIQUES SUR LA DESASTREUSE DEFAITE D’AZINCOURT.......11
I.
CHARLES VI ..............................................................................12
1.
Sa vie 12
2.
Sa personnalité
13
II.
SA PATHOBIOGRAPHIE ..........................................................13
1.
La fièvre typhoïde
13
2.
La première crise délirante 14
3.
Les autres crises délirantes 16
4.
Les périodes inter critiques 17
5.
Les antécédents familiaux du roi
18
6.
Les causes des troubles psychiques évoquées à l’époque et
les conséquences politiques 19
7.
Causes possibles des troubles psychiques 19
III.
LES CONSEQUENCES POLITIQUES DES TROUBLES
PSYCHIQUE DE CHARLES VI. ............................................................21
1.
La situation de la France au moment du règne de Charles
VI pendant la guerre de cent-ans
21
2.
La bataille d’Azincourt
21
3.
Les conséquences des troubles psychiques de Charles VI
pour la France 25
B.
FRANCOIS 1er ...................................................................................32
I.
SA VIE .........................................................................................32
1.
Son enfance 32
2.
La mort précipitée de Louis XII
33
3.
Le règne de François 1er
33
4.
La bataille de Pavie 34
II.
LA PATHOBIOGRAPHIE DE FRANÇOIS 1ER .........................37
1.
L’apostume royal
37
2.
Les causes possibles de l’abcès anal 37
3.
Descriptions des abcès suivants
39
III.
L’IMPACT HISTORIQUE DES TROUBLES ANAUX DE
FRANCOIS 1ER ........................................................................................39
5
1.
Un abcès sinusien a contribué à accélérer la fin de la
captivité de François 1er
39
2.
Un brutal changement d’alliance
40
3.
Le début des persécutions des protestants à grande échelle
41
4.
La déroute militaire de la France
43
44
5.
La mort de François 1er
6.
Conclusion 45
C.
LOUIS XIV : DE L’INFLUENCE DE LA SANTE DU ROI SUR
LES CHOIX POLITIQUES DE LOUIS XIV ................................................46
I.
LOUIS XIV : SA VIE .................................................................47
1.
La politique intérieure de Louis XIV 47
2.
La politique extérieure de Louis XIV 48
II.
LES PATHOLOGIES DU ROI LOUIS XIV ...............................48
1.
La santé du roi avant la révocation de l’édit de Nantes
49
2.
La goutte : une maladie chronique qui fait changer le roi
49
3.
La fistule naso-palatine
51
4.
La fistule anale.
52
5.
Une crise de paludisme
53
III.
LES CONSEQUENCES DES PATHOLOGIES DE LOUIS
XIV 54
1.
La religiosité accrue de Louis XIV 54
2.
La soumission de l’église lors des premières crises de
goutte du roi 55
3.
Destruction du système d’alliances lors de sa fistule nasosinusienne et sa fistule anale 56
4.
La révocation de l’édit de Nantes au cours d’une crise de
goutte 57
5.
Les conséquences stratégiques catastrophiques de la
révocation
58
6.
La maladie a rendu Louis XIV populaire et l’a renforcé
avant la guerre de la Ligue de Augsbourg 59
7.
La goutte et les fistules ont déterminé des choix de société
en France
60
8.
Quelques avancées dues aux pathologies royales
60
9.
Conclusion 61
D.
LES BATAILLES PERDUES PAR NAPOLEON 1ER EN
RAISON DE SES PROBLEMES DE SANTE...............................................63
I.
SA VIE .........................................................................................63
1.
L’enfance
64
2.
Les premières campagnes
64
3.
La campagne d’Egypte arrêtée par une épidémie de peste
65
6
4.
5.
6.
La montée au pouvoir : le Directoire 66
L’entrée en guerre de la Prusse
67
La fin de l’Empire 68
II.
LA SANTE DE L’EMPEREUR...................................................69
1.
Les colères de Napoléon
69
2.
Un eczéma prurigineux chronique de Napoléon et un dartre
69
3.
Une crise de paludisme
70
4.
Les migraines 70
5.
Les hémorroïdes de Napoléon
71
6.
La dysurie
71
7.
L’ictère de l’Empereur
71
8.
Les douleurs abdominales de Napoléon
72
9.
Une hémoptysie
73
10.
Une conjonctivite virale
74
11.
Les blessures de guerre de l’Empereur
74
III.
L’INFLUENCE DES MALADIES DE NAPOLEON SUR
L’HISTOIRE DE FRANCE .....................................................................74
1.
Des migraines dangereuses 75
2.
La peste a vaincu l’expédition d’Orient
76
3.
La bataille de Ratisbonne aurait pu être évitée ou facilitée
77
4.
La ménopause précoce de Joséphine contraint Napoléon à
un mariage malheureux
77
5.
La catastrophe de Russie en 1812 évitable sans la trachéite,
la dysurie et l’œdème présentés par Napoléon à son arrivée à
Moscou
78
6.
L’Europe contre Napoléon 82
7.
Les 100 jours et la défaite de Waterloo causées par un
Napoléon diminué par une crise hémorroïdaire et une dysurie.
84
8.
Conclusion 88
E.
NAPOLEON III : SES PROBLEMES URINAIRES SONT A
L’ORIGINE DE LA CHUTE DU SECOND EMPIRE ..................................90
I.
NAPOLEON III : L’HOMME .....................................................90
1.
Sa famille
90
2.
Sa jeunesse 90
3.
La montée au pouvoir
91
4.
Son règne
92
II.
LES
ELEMENTS
PATHOBIOGRAPHIQUES
DE
NAPOLEON DE NAPOLEON III. ..........................................................95
1.
Avant l’accession au pouvoir 95
2.
Le service de santé impérial 96
3.
La santé de l’Empereur pendant le règne
96
4.
Une première colique néphrétique 97
7
5.
Une première rétention urinaire
98
6.
La première pyélocystite
98
7.
Les crises de pyélonéphrites aiguës à répétition sur calcul
vésical 99
8.
La Grande Consultation
100
9.
L’intervention chirurgicale fatale
102
III.
LES
CONSEQUENCE
POUR
LA
France
DES
PATHOLOGIES URINAIRES DE NAPOLEON III. ............................103
1.
Le premier écueil de l’Empire : l’inutile et trop longue
expédition mexicaine 103
2.
La crise des duchés s’est réglée sans la France
104
3.
La victoire prussienne sur l’Autriche-Hongrie est favorisée
par la maladie de Napoléon III
106
4.
Des rumeurs médicales, des crises boursières et des
libéralisations dues aux faiblesses de l’Empereur 107
5.
L’absence de contreparties pour la France dans le règlement
de la crise entre l’Empire austro-hongrois et la Prusse
108
6.
La défaite de 1870 110
7.
Le décès de Napoléon III renforce l’installation de la
République en France 112
8.
Conclusion 114
CONCLUSION ............................................................................................115
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................117
8
TABLE DES ARBRES GENEALOGIQUES
Arbre n°1.
Arbre n°2.
Arbre n°3.
Arbre n°4.
Arbre généalogique de Charles VI..............................................................11
Arbre généalogique de François 1er ............................................................31
Arbre généalogique de Louis XIV..............................................................46
Napoléon Ier et III : Généalogie légitime et illégitime simplifiée .....................62
9
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Illustration n°1 :
Illustration n°2 :
Illustration n°3 :
Illustration n°4 :
Illustration n°5 :
Illustration n°6 :
Illustration n°7 :
Illustration n°8 :
Illustration n°9 :
Illustration n°10 :
Charles VI ..........................................................................................12
La Bataille d’Azincourt 1 ...................................................................24
La Bataille d’Azincourt 2 ...................................................................24
Henri V roi d’Angleterre ....................................................................30
François 1er .........................................................................................32
La Bataille de Pavie............................................................................36
Louis XIV...........................................................................................47
Madame de Maintenon .......................................................................54
Napoléon 1er .......................................................................................63
Napoléon Bonaparte ...........................................................................72
10
LEXIQUE
Tuphos : Ensemble formé par l’état de stupeur et d’abattement extrême
qui caractérise la fièvre typhoïde et quelques maladies infectieuses graves ,
telles que le typhus exanthématique et les paratyphoïdes (affections
typhoïdes).1
Clystère : Injection pratiquée par le fondement (prendre un clystère);
clystère est le mot savant, lavement le mot vulgaire et remède le mot utilisé
par pudibonderie 2
Annates : Ancien droit du Pape sur les bénéfices consistoriaux dont le
revenu s’élevait à au moins 24 ducats et ce droit consistait ordinairement
en une année du revenu.2
Vésicatoire : topique destiné à provoquer le soulèvement de l’épiderme par
accumulation au-dessous de lui d’une certaine quantité de sérosité. Il était
presque toujours fait avec de la poudre de cantharide ou de la
cantharidine. 2
Diaphorétique : médicament ou remède qui favorise la transpiration
cutanée d’une façon légère (Les diaphorétiques accroissent la circulation
des vaisseaux de la peau (eau chaude aromatisée ou non et tisane) les
diaphorétique salins , ammoniacaux antimoniaux ont été très employés et
les opiacés (poudre de Dover) sont diaphorétiques à petite doses
seulement).
1
Le Garnier Delamare Dictionnaire des termes de médecine 25 e édition 1999 Maloine Paris.
2
Encyclopédie Larousse Paris 1932
2
11
A. CHARLES VI : INFLUENCE DE SES TROUBLES PSYCHIQUES SUR
LA DESASTREUSE DEFAITE D’AZINCOURT
Jean Le
Bon
Jeanne de Bourbon Charles V Le Sage
Duc d'
Anjou
Philippe Le Hardi
Duc de Bourgogne
Duc de Berry
Isabeau de Bavière
Charles VI
Le Fou
Sacré en 1380
Charles VII
Marie d'
Anjou
Arbre n°1.
Louis Duc d'
Orléans
Arbre généalogique de Charles VI
12
I.
CHARLES VI
Illustration n°1 : Charles VI
1. Sa vie
Charles VI est né le 3 décembre 1368, il a perdu sa mère à l’âge de 10 ans et son père
à 11 ans et demi. Son oncle, le duc de Bourgogne, est chargé de son éducation. Son
autre oncle, le duc d’Anjou, est écarté du pouvoir pour avoir profité de 2 mois de
régence entre la mort de Charles V et le règne de Charles VI pour vider les caisses du
royaume.(2)
Charles VI a inauguré son règne avec panache par une brillante victoire à
Roosebecque contre les Flamands révoltés de Gand, à l’âge de 14 ans. Il s’est marié à
16 ans avec Isabeau de Bavière avec laquelle ils ont eu 12 enfants dont seul un fils
atteindra l’âge adulte: le futur Charles VII. Ce Dauphin a été conçu lors d’une période
de crise de son père, ce qui a donné lieu à un soupçon de bâtardise qui a largement
contribué à affaiblir la légitimité de cet héritier. (2)
A 20 ans, en 1388, Charles VI qui disposait du pouvoir absolu, a pris la décision de
dissoudre le Conseil de Régence et de renvoyer ses trois oncles. Son frère Louis et ses
oncles ont constitué à partir de cette période pour Charles VI un danger constant.
Louis, le jeune frère de Charles VI qui était frustré dans ses ambitions car il n’avait
pas l’aplomb nécessaire pour permettre à ses idées de se réaliser, s’est rapproché des
13
Marmousets et a ambitionné de profondes réformes qu’il n’a pu concrétiser. Son désir
de pouvoir l’a mené à lutter pour accroître son influence afin de s’approprier par la
même occasion le trône. Les absences répétées du roi Charles VI ont contribué à
accroître les luttes entre Louis son frère, et son oncle, le duc de Bourgogne. Ce conflit
est en grande partie responsable de l’affaiblissement de la France pendant plusieurs
dizaines d’années. Louis a été assassiné en 1407 et son camp associé au Dauphin l’a
vengé en 1419 en assassinant le duc de Bourgogne 12 ans plus tard.(2)
2. Sa personnalité
La personnalité pré-morbide de Charles VI a été rapportée par le Religieux de Saint
Denis : « Il se distinguait par une telle affabilité, qu’en abordant les moindre gens, il
les saluait avec bienveillance et les appelait par leur nom. Il entrait de lui-même en
conversation avec ceux qui voulaient arriver jusqu’à lui… ». Brachet a attribué au roi
Charles VI une « libéralité » dépassant « les bornes de modération » avec un
tempérament hyperactif, toujours pressé, ludique, poussant à l’excès les fêtes,
l’amour, et les jeux. A priori ce caractère aurait dû constituer plutôt une
prédisposition pour une psychose maniaco-dépressive.(13)
II.
SA PATHOBIOGRAPHIE
1. La fièvre typhoïde
Au cours des mois de mars et avril 1392, le roi Charles VI a présenté en même temps
que les ducs de Bar et Berry un syndrome septique sévère. Le duc de Bar était un des
grands féaux dont les terres n’étaient pas encore dans le Domaine Royal. Froissart a
décrit cette affection en ces termes: une : « fièvre et chaude maladie », ce qui
correspond à une hyperthermie accompagnée de convulsions. Le roi a perdu à cette
occasion ses «ongles et les cheveux ». (38) Brachet et de nombreux autres auteurs
14
depuis le début du XXème siècle ont rattaché ces troubles à une fièvre typhoïde(13).
Le duc de Bar est mort des suites de cette affection. (43) (65).
La fièvre typhoïde est une hypothèse diagnostique très probable; en effet cette
pathologie était très fréquente à l’époque en raison des conditions d’hygiène
déplorables. On sait que cette affection survient après une phase d’incubation
silencieuse de 1 à 2 semaines et qu’elle est suivie d’une fièvre d’élévation progressive
ou brutale pouvant s’élever jusqu’à 40° et persister, associée à une asthénie
importante. La fièvre s’accompagne également de troubles digestifs: constipation ou
diarrhée, qui s’associent à une dysurie ainsi qu’à un épistaxis et une splénomégalie.
Après une semaine il survient une somnolence, une prostration voire une
obnubilation avec le classique tuphos net le jour mais cédant la nuit à de l’insomnie
ou une agitation. Le tuphos peut prendre plusieurs aspects cliniques. Il se manifeste
par un coma et parfois s’associe à des manifestations psychiatriques. Il est caractérisé
par une faiblesse musculaire et un abattement extrême, une prostration. La stupeur se
caractérise par un arrêt de l’activité volontaire physique et intellectuelle
correspondant à un engourdissement des facultés cognitives s’associant à une
indifférence totale.
2. La première crise délirante
La première crise délirante est survenue à la suite de l’agression d’Olivier de Clisson,
un proche du roi, par Pierre de Craon. Le roi avait alors décidé de partir
immédiatement à la poursuite de ce dernier en Bretagne où il s’était réfugié. Du 1er au
5 août 1392, alors qu’il se trouvait au Mans, le roi aurait présenté les premiers signes
de
«démence par des propos insensés et indignes de la majesté royale»
(10)(49)d’après le religieux de Saint-Denis témoin de la scène. De son côté Froissart
à souligné le fait qu’il ne mangeait plus régulièrement et qu’il était pensif. (38)(53)
En se rendant du Mans vers la Bretagne, le roi a présenté sa première crise
documentée qui a été abondamment décrite par plusieurs auteurs. Elle aurait duré de
3 jours à plusieurs mois. Ce qui ressort des différents témoignages, c’est que la crise
15
était accompagnée d’une agitation intense avec une hétéro-agressivité et un délire de
persécution. Le mécanisme du délire était à la fois interprétatif et hallucinatoire
d’après la description faites par le Religieux de Saint Denis(49). Toujours d’après
cette description le roi a semblé avoir été victime d’une confusion mentale. Il n’était
plus capable de reconnaître tout son entourage.(49)Le religieux de Saint-Denis qui a
donc assisté à la scène en a fait une description tout à fait précise :
« Il sortit de la ville armé de pied en cap, à la tête des troupes. Mais à peine était-il
arrivé jusqu’à la léproserie, qu’un misérable, couvert de haillons, vint à sa rencontre
et lui causa une vive frayeur. Malgré les efforts qu’on fit pour éloigner cet homme
par les menaces et la terreur, il suivit le roi pendant près d’une demi-heure, en lui
criant d’une voix terrible : « Ne va pas plus loin, noble roi car on te trahit !»
L’imagination du roi, déjà troublée, lui fit ajouter foi à ces paroles, et un nouvel
incident acheva d’égarer ses esprits. Un des hommes d’armes qui chevauchait à ses
côtés, se trouvant trop pressé par la foule, laissa tomber à terre son épée. Au bruit du
fer, le roi fut saisi tout à coup d’un accès de fureur ; dans son égarement, il tira son
épée du Foureau, et tua cet homme. En même temps il donna un coup d’éperon à son
cheval, et pendant près d’une heure entière il fut emporté de côté et d’autre avec une
extrême rapidité, en criant : « on veut me livrer à mes ennemis ! » et en frappant ses
amis aussi bien que les premiers venus. Tout le monde fuyait devant lui comme
devant la foudre. Pendant cet accès de fureur, le roi tua quatre hommes ; entre autre
un fameux chevalier de Polignac, qui était bâtard. Il aurait causé de plus grands
malheurs encor, si son épée ne fût brisée. Alors on l’entoura, on l’attacha sur un
chariot et on le ramena au Mans, pour lui faire prendre un peu de repos. Ses forces
était tellement épuisées, qu’il restât deux jours sans connaissance et privé de l’usage
de ses membres. Bientôt son état empira ; le corps commença à se refroidir ; la
poitrine seule conservait encore un reste de chaleur et de vie, qu’on distinguait à
peine aux légers battements de son cœur. » (49)
16
D’autres descriptions de cet épisode comme celle de Monstrelet ont rapporté que le
duc d’Orléans, le frère du roi, aurait été considéré comme menaçant par le roi et qu’il
aurait été blessé au cours de cet incident.(53)
3. Les autres crises délirantes
Les crises, au nombre de 43 selon Brachet, se sont répétées dans les années qui ont
suivi. Elles auraient duré pendant des périodes variant de 3 à 9 mois. Plusieurs de ces
crises étaient caractérisées par une agitation et par une violence. Le roi qui sentait
l’arrivée de ses crises, demandait alors qu’on lui prît son couteau afin de le protéger
en raison de l’auto agressivité qu’il redoutait. Pendant ses crises, le roi perdait
l’aptitude à reconnaître une partie des personnes de son entourage y compris sa
femme. Il avait parfois des idées de transformation corporelle: Charles VI s’imaginait
être un être de verre, fragile, prêt à se briser. Charles VI présentait parfois une
dépersonnalisation en Georges.(13)(53)
Ce personnage Georges était un chevalier. Son blason était un lion traversé par une
épée. Le roi ne reconnaissait plus ses proches et s’épuisait dans de folles courses à
l’intérieur de son château. Pour le protéger d’une défenestration du fait de sa douleur
morale parfois intense, on posait des barreaux à ses fenêtres. Charles VI se croyait
également agressé : « Il criait comme s’il eut été piqué de mille pointes de feu et
craignait de se briser en tombant ». (53) Il portait atteinte à sa femme ce qui a
conduit son entourage à lui donner une concubine en 1405, Odette de Champdivers,
dont il a eu un enfant.(2)(28)
L’incurie dans laquelle il se retrouvait pendant d’autres crises constituait un vrai
problème pour son entourage comme lors de la crise de 1405 au cours de laquelle il
est apparu couvert de vermine et de poux. Un stratagème subtil rapporté par le
Religieux de Saint-Denis a été imaginé alors pour l’amener à se laver. Des serviteurs
déguisés se sont rendus dans sa chambre en pleine nuit pour l’obliger à se laver. (49)
(13)
17
4. Les périodes inter critiques
Entre les crises pendant des périodes de 3 à 6 mois le roi retrouvait ses capacités
physiques et alla jusqu’à participer aux combats contre les Anglais en 1415 à Rouen.
Il a continué à avoir des enfants longtemps après les premières manifestations de sa
maladie. Son successeur est conçu au cours d’une période de crise, ce qui a fait
sérieusement douter de sa légitimité, dès sa naissance, notamment par ses rivaux
dynastiques. Cette accusation a été sous-jacente au traité de Troyes.(28)
Entre ses crises même s’il recouvrait alors une grande partie de ses capacités
intellectuelles, sa capacité d’attention restait quand même limitée.(2)(18) Le roi
présentait des troubles du sommeil même entre ses crises. (2) Son comportement a
été marqué par une indifférence dont la conséquence a été la survenue d’actes
politiques absurdes tels qu’une indifférence aux décès de plusieurs de ses proches lors
de l’incident du bal des ardents où il a lui-même failli périre brûlé, le pardon aisément
accordé aux assassins de son frère Louis d’Orléans ou le traité de Troyes. On voit
qu’entre les crises, Charles VI pouvait surtout maintenir les apparences en conservant
un comportement obéissant au respect du protocole, il recevait des ambassades, il
rencontrait publiquement d’autres rois comme le roi Henri V d’Angleterre qu’il a
accompagné dans Paris. En raison de son indifférence, le roi a de moins en moins pu
s’opposer à ce que des choses contraires à sa volonté se réalisent en son absence. Son
indifférence et sa facilité à octroyer son pardon ont contribué à discrédité sa volonté.
En 1407, il avait demandé que ce soit son fils qui assure la Régence tranchant pour
un temps dans la lutte pour le pouvoir. En effet, lors de ses absences, le Conseil
défaisait ce que le roi avait ordonné de faire lors de ses incapacités en nommant par
exemple à cette occasion, la reine Régente. L’indifférence de Charles VI s’est accrue
en fin de règne. Il ne semblait pas alors choqué, peiné ou engagé ni par la guerre
civile qui déchirait Armagnacs et Bourguignons ni par le terrible traité de Troyes. Son
trouble ne l’empêchait néanmoins pas de chasser et de garder une apparence adaptée,
jusqu’à la fin de ses jours entre ses crises.(35)
18
5. Les antécédents familiaux du roi
a) La consanguinité
Deux questions se sont posées à propos de Charles VI. La consanguinité de la famille
régnante est-elle suffisante pour expliquer la survenue de troubles psychiques?
Existe-t-il des pathologies mentales à caractère héréditaire dans la dynastie royale ?
La consanguinité de Charles VI est une réalité. En effet un roi ne pouvait se marier
qu’avec une princesse de rang équivalent et en période de conflit international les
opportunités des partis étaient plus que limitées. Ce fait a pu expliquer que certains
monarques aient plusieurs enfants atteints de malformation. Les boiteries des enfants
Louis XI constituent un exemple souvent cité. (2)
La consanguinité a été mesurée par Brachet grâce à un indicateur appelé l’implexe de
consanguinité. Il s’agit de compter le nombre d’ancêtres d’une personne sur un
certain nombre de générations (par exemple pour 5 générations: 2+4+8+16+32 = 62
ancêtres.). L’implexe est le rapport entre le nombre d’ancêtres distincts et le nombre
d’ancêtres total. Plus il est élevé, moins la consanguinité est forte. Pour Charles VI, il
est de 55 /62 et peut être considéré comme peu important. (13)
b) Les pathologies familiales
La mère de Charles VI, Jeanne de Bourbon, aurait fait un épisode délirant aigu d’une
durée de moins d’un an à l’âge de 35 ans. Elle « perdi son bon sens et bon
memore[…]par un caraut ( un sort ou un empoisonnement) » (13)(10)
Son oncle maternel, Louis de Bourbon serait lui mort de ce que l’on appelait à cette
époque la mélancolie. A ces deux antécédents intéressants on peut ajouter que le frère
de Charles VI, Louis le chef du parti des Armagnacs, à l’origine de l’un des 2 partis
responsables de la guerre civile qui a ravagé la France en cette période, est décrit
comme étant hyperactif, doué d’une vivacité intellectuelle, d’un langage étonnant
ainsi que d’un goût extravagant pour les fêtes et les femmes. (2)
19
Parmi la faible descendance de Charles VI il a été rapporté que son petit fils Henri VI
roi d’Angleterre a été victime d’une crise aiguë de « démence ». Il est le fils de
Catherine et de Henri V d’Angleterre dont le mariage était une condition du
désastreux traité de Troyes. Ainsi la folie de Charles VI qui a durablement déstabilisé
la France, a été pour les Anglais qui en ont profité, une arme à double tranchant. Elle
a failli entraîner de sérieux troubles chez les monarques britaniques.
Une étude du caractère héréditaire de l’affection psychiatrique de Charles VI ne peut
être faite chez les descendants du fils de Charles VI car celui-ci a été conçu lors d’une
période de crise au cours desquelles le roi ne reconnaissait pas sa femme et était
reclus à Saint-Paul.(10) L’illégitimité de Charles VII a largement été évoquée dès
cette époque. On peut donc considérer qu’il s’agit en quelque sorte d’un possible et
discret changement de dynastie pour des raisons médicales. (28)(2) Charles VII aurait
présenté une démence sénile et serait mort d’un phlegmon buccal en s’imaginant
empoisonné par son fils.(10)
6. Les causes des troubles psychiques évoquées à l’époque et les
conséquences politiques
La maladie psychique du roi n’a pas entraîné certes de remise en question de sa
royauté mais fait chercher une cause à ce qui est vécu comme une punition divine. La
justification des actes du roi, a conduit à un regain de religiosité. Il a été édicté des
décrets pour interdire les jeux d’argent, la prostitution, le blasphème. Les derniers
juifs ont été expulsés définitivement de France en 1494. Le roi a même consacré une
de ses filles Marie à la vie monastique dès l’age de 4 ans. Cet acte motivé par la
maladie du roi a été politiquement important car il a privé la royauté d’une possible
alliance de l’importance de celle de son autre fille Catherine lors du traité de Troyes.
(2)
7. Causes possibles des troubles psychiques
20
L’hypothèse de l’intoxication chronique par un poison ne peut être retenue pour la
simple raison que des goûteurs auraient été atteints et qu’il aurait été retrouvé d’autres
signes physiques comme une ataxie, une dysarthrie, ou une mydriase.
L’hypothèse métabolique principale est la porphyrie qui est responsable notamment
des troubles psychiques non spécifiques. Elle ne peut pas être retenue car elle a un
caractère héréditaire autosomique dominant et n’est pas retrouvée dans l’ascendance
ni la nombreuse descendance.
Pendant ses périodes d’agitation on peut trouver des éléments en faveur d’une phase
maniaque comme une exaltation lorsqu’il se prend pour un preux chevalier, mais il ne
présente pas alors de mégalomanie, tachypsychie, ludisme, tachyphagie ou
d’euphorie. (28)
Les crises s’accompagnaient souvent de douleurs morales, de ralentissement, de
stupeur, de sentiment de culpabilité, mais pas de pessimisme particulier ni
d’émoussement affectif (Charles VI a quand même eu 12 enfants dont certains en
période de crise, et une maîtresse). Il semble que, quelle que soit la nature de sa
pathologie délirante et dissociative, que celle-ci ait un caractère thymique. Charles VI
a présenté des symptômes paranoïaques lors de sa première crise.(28)
Certains auteurs ont retenu le diagnostic de psychose maniaco-dépressive comme
Kersauze en 1987 ou Dauchy en 1994.(53)(28)
D’autres comme Degiorgis(30) concluent à une schizophrénie. Degiorgis classe sur
l’échelle du DSMIII les atteintes de Charles VI :
-Axe I : 295-IX (schizophrénie désorganisée) puis 295-2X (schizophrénie
catatonique) et enfin 295-6X à la fin de sa vie (schizophrénie résiduelle).
-Axe II : aucune cotes de 301…..00 à 301.89 n’a pu être retenue.
-Axe III : comprend l’épisode de typhus .
21
-Axe IV : non étudié du fait de la difficulté à apprécier des stress psychosociaux.
-Axe V : l’adaptation va de 1 à 7 selon le moment considéré. (30)
De nombreux charlatans essayèrent de venir en aide au roi moyennant finance, ils
abusèrent même les pairs du royaume par des moyens thérapeutiques qui font sourire
aujourd’hui.(44)(2)(38)
III.
LES
CONSEQUENCES
POLITIQUES
DES
TROUBLES
PSYCHIQUE DE CHARLES VI.
1. La situation de la France au moment du règne de Charles VI
pendant la guerre de cent-ans
La situation économique du royaume était difficile malgré l’important recul territorial
anglais en raison de la peste noire qui sévissait encore épisodiquement. La peste avait
emporté le tiers de la population lors de son premier passage. De plus, la guerre civile
entraînait des dommages supérieurs à ceux d’une simple occupation étrangère. En
l’absence de levée officielle par le roi d’impôt pour financer la guerre contre les
Anglais, les féodaux qui trouvaient habituellement d’importants revenus financiers
dans la redistribution de cet impôt n’avaient pas les finances suffisantes pour
entretenir leur armées qui se payaient et vivaient sur le pays même entre deux
batailles. Les « écorcheurs » dévastaient le royaume en l’absence de pouvoir central
fort. La bataille d’Azincourt a contribué à accélérer la déliquescence du pays et a fini
par aboutir à la pire période de trouble retenue dans la mémoire collective nationale.
(35)
2. La bataille d’Azincourt
22
A la veille de la bataille d’Azincourt l’armée française est nombreuse à répondre à
l’ost royal, elle a un bon moral. Elle comprenait à sa tête Charles VI, malgré ses
troubles psychiatriques. Cependant à Rouen au cours d’un Grand Conseil Jean de
Berry, l’oncle du roi et pair du royaume, a fait en sorte que le roi soit écarté de la
bataille en souvenir de la bataille de Crécy qui a eu lieu 60 ans plus tôt pendant
laquelle le duc de Berry notamment avait été fait prisonnier des dizaine années. En
cette année de lutte à mort entre Bourguignons et Armagnacs, choisir un chef
d’armée était particulièrement difficile. La vacance du pouvoir royal a eu des effets
redoutables en cette période de l’histoire où les allégeances personnelles avaient
préséance sur les devoirs de l’individu envers une nation ou un pays, des notions aux
contours encore bien floues. Le duc de Berry était beaucoup trop âgé pour mener la
bataille. Le duc de Guyenne avait été retenu par son oncle, tandis que le duc de
Bourgogne est resté le chef naturel ; toutefois les Armagnacs, avec l’appui du duc de
Berry, l’ont empêché de s’approcher de Paris, du roi et de l’armée, de peur qu’il ne
capture le roi et le pouvoir. Le duc de Berry craignait que cette nouvelle mainmise sur
le roi ne déséquilibra définitivement les prébendes du pouvoir, avec le risque de
raviver la guerre civile en bouleversant l’équilibre des forces. Seule une troupe du
duc de Bourgogne, sans son autorisation, a participé au combat en arrivant en
dernière minute sur le lieu de combat.(35)(2)
Au cours de la bataille d’Azincourt, les troupes françaises avec 20 000 soldats
français sont en surnombre par rapport aux 7000Anglais.
Le plan de bataille du Maréchal Boucicaut qui a été retrouvé dans les archives
anglaises était cohérent. A priori les Français avaient un ordre de bataille. Celui-ci n’a
pu être réalisé du fait du nombre trop important de soldats présents à la semonce
royale les empêchant de manœuvrer avec discipline et efficacité du fait de l’exiguïté
du champ de bataille.(77)
En l’absence du roi et du Dauphin, le commandement était divisé et affaibli au lieu
d’être déterminé derrière une stratégie. Il était exercé par un conseil dominé par les
duc d’Orléans, de Bourbon, et d’Alençon: de jeunes princes de respectivement 24, 30
23
et 33 ans, inexpérimentés au combat et manquant totalement de charisme. Les
chevaliers de langue d’Oïl auraient bien obéi aux Ducs de Berry ou de Bretagne, mais
les jeunes princes ne pouvaient canaliser la fougue de l’ost royal.(35)(77)
Dans une étroite plaine de 1 km de large, choisie par les Anglais, l’armée française a
été disposé en trois « batailles ». En première ligne il y avait ceux qui dans l’ordre
avaient le plus de droit à combattre pour le roi, c’est à dire la noblesse, à cheval pour
respecter son rang, avec sur sa gauche l’élite de la cavalerie reconnue pour être la
meilleure du monde qui devait surgir et mettre en déroute les archers anglais. La
lenteur décisionnelle de l’armée française avait permis à ceux-ci d’installer des pieux
plantés qui ont brisé les assauts de cavalerie français, mettant ainsi les nobles
cavaliers à la portée des archers anglais. (35) (77)
Toute la nuit précédant la bataille les Français avaient marché dans la pluie et la boue
à la recherche des Anglais, qui avaient eu le temps de dormir. En fin de matinée,
après la pluie, les Français ne voyant pas d’offensive anglaise ont décidé d’attaquer.
Ils ont alors eu le soleil dans les yeux. (35) (77)
La cavalerie française a butté sur les premières lignes anglaise retranchée et s’est
désorganisée sous les volées de flèches de l’archerie anglaise. Ne pouvant manœuvrer
elle a constitué un obstacle pour les archers français qui n’ont pu la soutenir. Seul le
roi en personne aurait eu l’autorité de contenir l’impétuosité de la cavalerie française
afin d’opter pour une stratégie moins traditionnelle et moins coûteuse. (77)(35)
Le duc de Brabant, frère du duc de Bourgogne, est arrivé avec ses troupes malgré
l’interdiction de son frère, lorsque la deuxième ligne française a été enfoncée.
Prévenu trop tard de la bataille, il n’a pu changer son cours, et est mort lui aussi au
combat avec nombre de ses hommes.(77)
24
Illustration n°2 : La Bataille d’Azincourt 1
Illustration n°3 : La Bataille d’Azincourt 2
25
3. Les conséquences des troubles psychiques de Charles VI
pour la France
a) Sur son personnel politique
A l’issue de la bataille d’Azincourt, une infime minorité des grands seigneurs a
échappé au massacre. Ils ont été faits prisonniers comme le duc Charles d’Orléans, le
neveu du roi Charles VI et chef du parti Armagnac qui a passé 25 ans en captivité en
Angleterre, Jean de Bourbon et le futur connétable Arthur de Bretagne. Les pertes
humaines sont de 1 600 hommes pour les Anglais et de 10 000 hommes chez les
Français. (2)(34) 600 chevaliers et barons ont perdu la vie lors de cette énorme
défaite, 5 Ducs, 12 comtes et de nombreux grands seigneurs. Sur les 1400 membres
de la haute société parisienne faisant parti de la cour du roi, 1/3 ont été tués. A cela
s’ajoute des pertes particulièrement importantes parmi la noblesse de pays d’Oïl. Les
familles sont éteintes, ruinées par des rançons et décimées par la mort de chefs de
famille ou de leur héritier. Ce sont les régions les plus fidèles au roi et où il prélevait
habituellement ses serviteurs qui ont payé le plus lourd tribut. L’ossature militaire et
l’administration du Domaine Royal ont alors été décomposées. Les fondements les
plus solides de l’état étaient gravement atteints. Il faudra chercher dans le centre et le
sud de nouveaux hommes. L’incapacité du roi à nommer de manière assurée des
fonctionnaires et même l’absence de candidat, ajoutées aux éliminations politiques
inhérentes à chaque changement de pouvoir entre Armagnacs et Bourguignons, ont
contribué à priver le pouvoir de serviteur. La vacuité du pouvoir connaît un
accroissement brutal.(35)(2)
b) Sur sa politique intérieure puis extérieure
Du parti des Orléans alors dominant ne subsistaient que ses représentants dans le Sud
de la France: les Armagnacs. Leurs troupes faisaient alors front face aux Espagnols.
Les Armagnacs seront à leur tour décimés lors d’une révolte parisienne en 1418
appelant Jean sans Peur, le duc de Bourgogne. C’est alors l’anarchie par le
vide.(2)(35)
26
Les sources de légitimité se sont ralliées aux forces en présence : le Dauphin s’est lié
aux Armagnacs survivants; la reine, sans pouvoir réel, est récupérée par le parti
bourguignon qui lui a fait quitter Paris pour Troyes, suite à l’insurrection parisienne.
Le Dauphin a dû se réfugier dans le Berry.(2)(35)
Les absences du roi ont continué à exercer leurs effets dévastateurs. En effet, il était
le seul détenteur du droit de prélever des impôts pour financer la guerre, de nommer
des hommes à des postes clés et ainsi de structurer l’état. Les princes, en révolte, ne
possédaient pas ces droits et de ce fait ils ont eu des ressources insuffisantes pour
financer décisivement une guerre civile ou contre les Anglais. Ils ont toujours été en
manque d’argent pour lutter contre leurs rivaux ou les Anglais. Pendant les absences
du roi, les deux partis ont essayé de s’accaparer le maximum d’argent et de pouvoir.
Ils ont lutté entre eux, appauvrissant ainsi le pays qui avait démontré sa capacité à
chasser l’envahisseur avec le roi précédent. Ce sont les gains de dizaines d’années de
guerre patiente qui ont été perdus pour la France. Le roi a bien tenté lors de ses
périodes de lucidité d’organiser le pouvoir pour gérer ses futures absences, mais le
temps long de celles-ci donnait une impunité aux fauteurs de trouble et réduisait
l’influence du roi qui lui-même a perdu peu à peu ses capacités à gouverner par une
sorte d’indifférence.
Il y eu une multiplication d’« écorcheurs », c’est à dire de bandes armées de soldats
d’occasion entre deux engagements ou simplement de brigands qui écument le pays.
Ils ont été pour la France une plaie aussi importante que les épidémies de pestes ou
les luttes intestines. Ils étaient le résultat du vide politique et du désordre public.
(2)(35)
Henri V, le roi d’Angleterre, a profité au début de sa victoire d’Azincourt pour
pratiquer une « chevauchée ». Puis, devant les faiblesses politiques françaises, il a
obtenu l’alliance de l’Empereur Sigismond d’Allemagne. C’est alors qu’il s’est lancé
dans la reconquête de la Normandie, il a même repris, après 6 mois de siège en 1419,
Rouen, la deuxième ville du royaume avec 25 000 habitants qui commandait le
commerce de la capitale Paris. Pendant son siège, Jean sans Peur qui était à Paris n’a
27
absolument rien fait pour aider Rouen. Il a été assassiné lors d’une entrevue avec le
Dauphin en septembre 1419, soit 12 ans après l’assassinat du duc Louis d’Orléans,
qui était alors vengé.(2)(35)
c) Le traité de Troyes
Après cet assassinat, Philippe de Bourgogne a été obligé de se détourner du Dauphin
et de s’accorder avec les Anglais entraînant la Reine et Charles VI dans le traité de
Troyes. Ce traité a été le plus humiliant que la France ait jusqu’alors connu. Charles
VI a délégitimé son fils du fait du parricide de Montereau (le meurtre du duc
d’Orléans son oncle) et a été contraint de céder sa couronne aux Lancastre en
adoptant le roi d’Angleterre comme fils et lui mariant sa fille Catherine pour sceller
cette alliance. La France était ainsi livrée en viager à l’Angleterre. En échange de son
entremise le duc de Bourgogne recevait une terre d’une valeur de 20 000 livres ainsi
qu’une levée du siège de Paris. Les deux rois entraient en grande pompe dans un
Paris fatigué. Dans les campagnes, les champs abandonnés laissaient les forêts
s’étendrent plus que depuis plusieurs siècles. Las, le Parlement, les Etats et
l’Université de Paris approuvèrent le traité inique qui devait rattacher le royaume de
France à la couronne Anglaise. (2)(35)
De cette sordide union est né un fils qui est mort deux mois avant Charles VI, ce qui a
évité de renforcer la légitimité des Lancastre sur la couronne française. Si la maladie
de Charles VI a presque démantelé le royaume de France, la mortalité infantile lui a
évité de s’aliéner à la couronne anglaise. (2)(35)
A la mort de Charles VI, en octobre 1421, son corps a été accompagné par la foule à
Saint-Denis et enterré par un prince anglais en l’absence de tout prince français. Sous
l’apparence des rites accoutumés rapporte Enguerrand de Monstrelet, Henri V a été
proclamé roi de France et d’Angleterre : « Et lors le roi d’arme Berry, accompagné
par plusieurs hérauts, cria dessus la fosse :D,ieu veuille avoir pitié et merci de l’âme
du très haut et excellant prince Charles, roi de France, sixième du nom, notre naturel
et souverain seigneur. Et derechef après ce, le dessus dit roi d’arme cria :D,ieu
donne bonne vie à Henri, roi de France et d’Angleterre notre souverain seigneur. »
28
On note l’absence de naturel dans la désignation d’Henri V et de la formule
habituelle « Le roi est mort, vive le roi ! » (77)
Seul le peuple a continué d’aimer et de respecter ouvertement son roi malgré
l’adversité, les luttes pour le pouvoir et ses incapacités. Il symbolisait les malheurs du
pays que lui aussi endure. Peu de temps après, en août 1422, meurt Henri V qui est
également enterré à Saint Denis comme tout bon roi de France, mais son corps évitera
de traverser Paris pour échapper à la vindicte publique d’une ville hostile. (2)et (35)
d) La persistance de légitimité royal
La maladie du roi a révélé la faiblesse des structures de l’état où le roi tirait sa
légitimité de Dieu. Son corps politique ne pouvait être mis en cause par aucun des
deux partis qui s’arrachaient les prébendes du pouvoir. Kantorowicz (52) a ramené
Plowden un juriste anglais qui a établi en termes clairs dès 1562 la distinction entre la
personne physique et morale qu’est le roi et qu’aucune institution, même le Conseil,
ne pouvait remplacer. « Le roi a en lui deux corps ,c’est à dire un corps naturel et un
corps politique. Son corps naturel, considéré en lui-même, est un corps mortel, sujet
à toutes les infirmités qui proviennent naturellement ou par accident, à l’imbécillité
de l’enfance ou du grand âge et de tous les autres défauts qui échoient aux corps
naturels des gens ordinaires. Mais son corps politique, qui ne peut être touché, qui
consiste en la police et le gouvernement, fait pour la direction du peuple et la gestion
du bien public, ce corps est entièrement exempt de l’état enfantin ou sénile et des
autres défauts et faiblesses auxquels le corps naturel est soumis; pour cette raison, ce
que le roi fait par son corps politique ne peut être invalidé ou suspendu par aucune
incapacité de son corps. ». Le roi est tout de même resté populaire et a continué à
personnifier la France malgré tous ces déboires. Le peuple de Paris, qui a massacré
les Armagnacs en 1418, acclamait encore le roi. Quand le duc de Bourgogne a fait
assassiner son oncle mais a respecté le légitimité du roi, il a conservé la sienne qui lui
était liée mais lorsqu’il s’est accordé avec les Anglais qui eux voulaient remplacer le
roi en abusant de sa maladie, il a perdu sa légitimité, ce qui causera sa perte.
L’attachement au roi a permis de dépasser cette période et peu à peu Charles VII, le
29
fils de Charles VI, a reconquis le royaume de France et la couronne. Cette reconquête
a permis pour la première fois au sentiment national de s’exprimer en tant que tel. Il
l’a emporté sur le lien de suzeraineté féodale personnel, et a permis à la France de
dépasser cette épreuve, après plusieurs dizaines d’années de lutte. (77)
La folie de Charles VI a prolongé de 50 ans la guerre de Cent Ans et a causé des
souffrances dont le souvenir fait encore partie de la mémoire collective nationale.
Calmette pouvait déclarer que la : « folie du roi est un cataclysme historique. La
chute de la France de Charles VI est la conséquence directe de l’accident tragique de
la forêt du Mans. » (18)
30
Illustration n°4 : Henri V roi d’Angleterre
31
Arbre n°2.
Arbre généalogique de François 1er
Charles V
Charles VI
Louis
d'
Orléans
Charles VII
Charles
d'
Orléans
Louis XI
Anne de
France
Jeanne de
France
Charles VIII
Anne de
Bretagne
Louis
d'
Orléans
Louis XII
Jean
d'
Angoulême
Charles
d'
Angoulême
Louise de
Savoie
1er mariage
Claude
François 1er
Marguerite
32
B. FRANCOIS 1er
Illustration n°5 : François 1er
I.
SA VIE
1. Son enfance
François est né à Angoulême en 1494, il est le fils de Charles d’Angoulême et de
Louise de Savoie. François n’a hérité de la couronne royale que grâce à un concours
de circonstances particulièrement favorable, dû aux conditions déplorables de la
médecine de l’époque responsable d’un taux de mortalité important. Charles VIII est
mort sans héritier d’un traumatisme crânien, suite à un choc contre le linteau d’une
porte. Louis XII, son successeur avait été marié de force à une femme bossue,
boiteuse et légèrement débile dont il n’avait pas eu d’enfant. Il s’est remarié avec la
duchesse Anne de Bretagne, veuve du roi précédent. (50)(82).
33
François a été élevé sous la surveillance de sa mère dans un premier temps puis de
Louis XII. Il a été entouré dès son jeune âge de jeunes princes : Chabot,
Montmorency, Montchenu, Fleurange et Robert de Lamarck et Brion qui l’ont
soutenu durant tout son règne (50)
2. La mort précipitée de Louis XII
A la fin de sa vie, Louis XII, malade, conscient de sa fin proche et ayant perdu sa
femme Anne de Bretagne, avait organisé sa succession en arrangeant le mariage de sa
fille Claude avec François d’Angoulême, l’héritier du trône. Louis XII défait par les
Anglais, s’était marié avec la sœur de Henri VIII d’Angleterre, Marie Tudor, pendant
trois mois. (81) Arlette Jouhanna a livré une explication de son décès du au fait « que
la jeune beauté blonde auprès de laquelle il accomplit assidûment son devoir
conjugal » et « que son organisme prématurément vieilli a fini par s’épuiser.
Sensualité d’arrière-saison peut être, mais surtout un effort ultime et désespéré pour
obtenir une progéniture mâle ». (51) La goutte et les excès de Louis XII ont conduit
François Ier au trône contribuant de ce fait à changer le destin du pays.
3. Le règne de François 1er
Dès son avènement au début de l’année 1515, François 1er a renvoyé Marie Tudor en
Angleterre avec son nouveau mari le scandaleux Suffolk, pour s’accorder avec les
Anglais. Il a contribué à faire soulever les Flandres, la Lorraine et le Palatinat contre
Charles Quint ce qui lui a permis d’avoir les coudées franches pour s’attaquer à
Milan. Le général Trivulce accompagné de l’artillerie a traversé les alpes par surprise.
Le Pape Léon X n’a pas pu, malgré sa Sainte Ligue empêcher les Français d’atteindre
Milan. Il s’agissait alors d’une brillante et riche cité protégée par une très importante
armée suisse. La bataille de Marignan, le 13 septembre 1515, a donné une glorieuse
victoire à François 1er. Après 30 charges, la bataille indécise s’est arrêtée pour une
nuit et le lendemain, les Suisses ont fui, laissant sur le terrain 17000 morts plus les
34
blessés. Ne poursuivant pas les Suisses, François est entré en triomphe dans Milan où
il a paradé avec 24.000 fantassins et 1.800 gens d’armes en ordre. (46) (50)
Le Pape a donc été contraint de traiter en terrain neutre à Bologne. François 1er a
accepté les annates du Pape en France tandis que celui-ci a accordé le Concordat pour
la France et a donné au roi la possibilité de nommer les archevêques, les évêques,
abbés et prieurs, renforçant le pouvoir royal et ses revenus. En outre, la France a reçu
400000 ducats qui correspondaient à 3 ans de dîme sous prétexte de préparation de
croisade, un poste de cardinal pour le frère de Bonnivet et une croix de 15000 ducats
du cardinal Sforza qui avait lutté contre la France.(46) (50).
Au cours de la campagne d’Italie de François 1er et à la faveur du Concordat de 1516,
le jeune et fougueux François 1er a non seulement remporté une grande victoire
militaire mais il a ramené en France la Renaissance et une marge de liberté vis à vis
du pouvoir religieux.(93)
En 1519, à la mort de Maximilien, François 1er a entrepris de se faire élire Empereur
d’Allemagne. Malgré les énormes pots-de-vin Français, il en a été empêché par un
sursaut national allemand qui a contribué à faire élire Charles de Habsbourg.
L’Empereur s’est déclaré contre le protestantisme après une rencontre avec Luther à
la Diète. L’Empereur a choisi l’opposition aux princes protestants et non la relative
tolérance de François 1er.(74)
En 1520 à grand renforts de luxe et d’honneur, François a essayé en vain de s’allier à
Henri VIII d’Angleterre au camp du drap d’or (50)
A la recherche de capitaux pour financer un affrontement avec l’Empereur, François
a imposé des impôts importants à la riche province de Bourgogne et il a capté
l’héritage du Duc de Bourbon, le plus puissant et dernier grand féodal. (46)(50)
4. La bataille de Pavie
35
En Italie, le Pape Léon X avec Prosper Colonna a chassé les Français qui ne payaient
plus leurs mercenaires suisses de Milan en 1524. L’armée impériale avec le duc de
Bourbon à sa tête, a pénétré en Provence. Les Français ont pratiqué la dure politique
de la terre brûlée. La contre-attaque française partit de Marseille un temps assiégée et
a été jusqu’à Milan, qui dévastée par la peste a perdu 30 à 40 000 habitants et ne
valait plus la peine d’être prise, d’autant plus que la peste faisait peur aux soldats. Les
Français, sûr de leur force, ont décidé d’assiéger la seule place forte des Impériaux:
Pavie. Pendant ce temps les Impériaux trop pauvres pour payer aussi longtemps une
armée attendaient à Lodi de se renforcer. Ils ont attaqué 1’année suivante avec des
troupes fraîches alors que les Français ont commis l’erreur d’envoyer une armée
prendre Naples. François 1er légèrement blessé, a été fait prisonnier et a été envoyé en
détention en Espagne. Après ce retournement inattendu de la situation, l’Empereur
Charles Quint était brutalement en position de force. (46)(50)
Après la capture de François 1er, les Turcs alliés de la France, ont pris la Hongrie à la
bataille de Mohacs en 1526 et ont assiégé Vienne détournant ainsi Charles Quint de
la France. Les Turcs alliés de François 1er ont même hiberné à Toulon lors du siège
de Nice quelques années plus tard. La poussée turque a été pressante sur l’Empire des
Habsbourg pendant plusieurs siècles.(75)
Le 3 août 1529 la paix des Dames qui clôtura le second affrontement entre
François1er et Charles Quint a été signée à la suite decuisante défaite de François Ier
en Italie.
En 1536 la France et l’Empire Turc ont signé les Capitulations qui réglaient pour des
siècles les statuts des Français en Turquie et des Turcs en France prouvant ainsi
l’avantage des négociations avec les Turcs sur la guerre à outrance et légitimant ainsi
la politique d’alliance de François Ier . (75)(50)
En 1538, alors que les Turcs avançaient en Europe et menaçaient même l’Italie,
François 1er a obtenu la promesse de l’Empereur, pour son deuxième fils, d’accéder à
la possession de Milan.(75) (46) ( 50)
36
Illustration n°6 : La Bataille de Pavie
37
II.
LA PATHOBIOGRAPHIE DE FRANÇOIS 1ER
1. L’apostume royal
François 1er a déjà fait dès l’âge de 18 ans un épisode d’urétrite qui pourrait
correspondre une blennorragie et que Rabelais nous a appris :« Le 7 septembre 1512,
Louise de Savoie, sa mère, nous relate que « François eut mal en la part de secrète
nature durant deux jours. »
On connaît de nombreuses aventures à ce roi à la galanterie proverbiale. Après des
débuts cuisants déjà évoqués, il a pris des mesures. Brantôme nous rappelle les
inclinaisons de François 1er et ces mesures « Le roi François aima fort aussi et trop ;
caressant, jeune et libre sans différence, il embrassait qui l’un, qui l’autre, comme de
ce temps tel n’estoit pas galand qui ne fust putassier par tout indifféremment; et luy,
après s’estre vu eschaudé et mal mené de ce mal, avisa que s’il continuoit cet amour
vagabond, qu’il seroit encore pris, et comme sage du passé, avisa à faire l’amour
bien galamment; dont pour cet institua sa belle cour fréquentée de si belles et
honnestes princesses, grandes dames et damoiselles, dont ne fist faute, que pour se
garantir de vilains maux, et ne souiller son corps plus des ordures passées,
s’accommoda et s’appropria d’un amour point sallaud mais gentil, net et pur.».(14)
C’est en septembre 1538, que François 1er a présenté pour la première fois de manière
documentée un abcès anal. Le roi a écrit à son ambassadeur à Londres « Je vous avise
que j’ai été bien fort tourmenté d’un rhume qui m’est tombé sur les génitoires et vous
assure que la maladie m’en a été tant douloureuse qu’il n’est pas croyable…. »
Du Bellay a dénommé ce mal un « apostume » et Varillas: « une ulcère aux parties
que la pudeur défend de nommer »(97).
2. Les causes possibles de l’abcès anal
38
Les troubles présentés par François Ier ont été mis sur le compte de la syphilis
désignée sous le nom de « mal de Naples » ou de « mal des Espagnols ». Cette
affection a sévi en Europe après le retour des premiers conquistadors. On ne retrouve
pas de trace de syphilis congénitale chez Claude de France, la reine, ni chez les sept
enfants qu’il ont eu ensemble. Contrairement à la rumeur ce n’est pas une syphilis
mais probablement une tuberculose osseuse avec une atteinte cutanée qui a emporté
Claude comme la mère de celle-ci.(16) Il existe toutefois des doutes sur une possible
infection de François Ier.
L’histoire impliquant la contagion de François 1er n’a été seulement rapportée qu’en
1601, par un médecin d’Uzerche, Loys de Guyon. Ce roi galant élégant, magnifique
et fougueux aimant les sports, la chasse et les femmes, s’était épris de la jolie femme
de l’avocat parisien Ferron dite la « belle Ferronière » qui s’était refusée au roi. Les
courtisans ont fait savoir au mari de celle-ci, tenu en courant de l’affaire, de la gravité
d’esquiver la fougue royale. Le mari en désespoir de cause est allé de bordel en
bordel attraper la syphilis qu’il a transmise à sa femme qui à son tour a contaminé le
roi. L’histoire dit que le mari outragé échappa à la mort contrairement au roi
licencieux. (46)
Aucune des maîtresses du roi connue n’est morte de syphilis. On n’a pas trouvé de
syphilides visibles notamment au niveau du visage de François Ier. (16)
Les adénopathies syphilitiques ne se fistulisent pas, ce qui est contre le diagnostic de
syphilis. Il semble que François 1er ait plutôt présenté une tuberculose comme le
suggère la chronicité des atteintes, une atteinte pulmonaire avec d’importantes
adhérences pleurales associée à un foie et rate normaux. L’atteinte digestive peut être
due à des tubercules sur-infectées. La disparition totale de l’uretère droit est très en
faveur d’une tuberculose de même que l’unilatéralité de l’atteinte urinaire et l’ulcère
du col vésical.(16)
39
Le roi est allé en tout cas à La Rochelle acheter à des corsaires du bois de Gayac
provenant du Brésil qui était l’un des traitements de la syphilis mais aussi de la
tuberculose à cette époque.(16)
3. Descriptions des abcès suivants
En juillet 1545 Saint-Mauris, l’ambassadeur d’Espagne, a décrit le triste état de
François 1er : « Le roi de France a une veine rompue et pourrie dessous les parties
basses, par où les médecins désespèrent de sa longue vie ….disant être celle de
laquelle dépend la vie de l’homme et que, si elle se rompt, qu’elle suffoquera.»
Ensuite dans une lettre à Charles Quint il a décrit un syndrome fébrile traînant dû à
l’abcès anal nécessitant plusieurs cautérisations.
En janvier 1547 le roi est de nouveau atteint du même mal et a dû encore être incisé,
ce qui a libéré « une grande infection dont il eut grand soulagement ». Il a continué à
voyager et à avoir des rendez-vous galants malgré des fièvres nocturnes
quotidiennes.(46)
III.
L’IMPACT HISTORIQUE DES TROUBLES ANAUX DE
FRANCOIS 1ER
1. Un abcès sinusien a contribué à accélérer la fin de la captivité
de François 1er
Au cours de sa captivité en Espagne, la politique française a été immobilisée et la
régence était assurée par la mère du roi. Quand François Ier est tombé gravement
malade, l’Empereur n’a pas encore réussi à lui arracher un traité. Ce dernier savait
que sa mort était susceptible de le priver de tout moyen de pression et de monnaie
d’échange. Marguerite, la sœur aimante du roi, était accourue en Espagne et avait
40
obtenu de rester de longs jours à son chevet. Alors qu’on pensait que son état était
désespéré brutalement il y a eu une évacuation de pus de l’abcès sinusien. Le roi a
rapidement récupéré et a même échafaudé des plans de fuite avec Marguerite, en
profitant de sa présence. Cette tentative qui aurait été possible grâce à cet abcès a
échoué à la suite d’une trahison. L’abcès aurait pu faire économiser à la France au
moins 2 millions de pièces d’or et une dure captivité pour les deux grands enfants du
roi, en tout cas il a catalysé les négociations qui ont alors abouti rapidement. Grâce à
cette infection, François a pu revenir avec honneur en France, et espérer lever des
impôts exceptionnels pour couvrir son rachat en profitant de l’émotion suscitée par sa
grave maladie en prison. Mieux valait un roi vivant et libre qu’un roi malade
bassement abandonné chez l’ennemi!(46)(50)(74)
Les deux fils aînés de François ont remplacé François Ier en prison et la France a dû
payer une rançon très importante et s’est même engagée à donner la Bourgogne à
l’Empereur. Libre, François 1er n’a jamais donné la Bourgogne et il a poursuivi
l’alliance avec les Turcs débutée à la défaite de Pavie.(46)(50)(74)
2. Un brutal changement d’alliance
Michelet a décrit l’importance de cet abcès dans le règne de François
premier : « telles sont les phases bizarres du gouvernement personnel. Le règne de
Louis XIV se partage en deux parts: avant la fistule, après la fistule. Avant, Colbert et
les conquêtes ; après, Mme Scarron et les défaites, la proscription de 500000
Français.
François premier varie de même : avant l’abcès, après l’abcès. Avant l’alliance des
Turcs, etc …après, l’élévation des guises et le massacre des Vaudois, par lesquels
finira son règne. » (74)
Pendant la maladie du roi, le connétable de Montmorency a pris les rênes du pouvoir
et a appliqué une politique de réconciliation avec l’Empereur qui a abouti à la trêve
41
de Nice le 18 juin 1538. La maladie du roi a culminé en septembre 1538. La trêve a
clos une guerre de deux ans sans avantage déterminant. Michelet pensait que cette
politique avait été organisée autour du parti du Dauphin et dirigée contre le roi.
Pendant l’année 1539, Montmorency fut la vrai « providence »(74) de Charles-Quint.
Après la fistule, Montmorency a débuté immédiatement une politique favorable à
l’Empire. Michelet a ramèné que « tous nos ambassadeurs reçurent en même temps
un nouveau mot d’ordre, fort surprenant (ils n’y pouvaient y croire): de travailler
partout pour l’empereur. Ordre d’agir pour lui au près du Turc, de lui ménager une
trêve. Ordre d’engager l’Allemagne à s’unir contre Soliman. Défense au protégé du
roi, au duc de Wurtemberg, d’agir contre les évêchés catholiques, et notification à la
diète que le roi s’unissait à l’empereur pour rétablir la religion. ».(74) C’était un
renversement d’alliance complet, François 1er s’est fait dicter sa politique par son
entourage. Il n’avait plus le ressort d’imprimer une ligne politique propre.
3. Le début des persécutions des protestants à grande échelle
Les Guises, qui dirigeaient le parti catholique ultra, ont commencé à prendre de plus
en plus d’importance eux aussi. Dès la fin 1538, après l’entrevue entre roi et
l’Empereur à Nice et la première fistule, on a commencé à brûler des protestants un
peu partout : à Toulouse, Agen, Annonay, Rouen et Blois. En 1540 un arrêt du
parlement d’Aix est pris contre des villages hébergeant une colonie vaudoise.
Guillaume du Bellay a difficilement réussi à arracher au roi des lettres de grâce
l’année suivante. A la mort du roi, Jean du Bellay évêque de Paris et frère de
Guillaume a dû fuir à Rome. L’affaiblissement du roi était la porte ouverte aux
intérêts personnels et partisans.(74)(46)
Le roi était blessé dans sa chair par cet abcès anal, qui a continué pendant le début de
l’année 1540. Pour sceller la paix avec Charles Quint, François lui a accordé de
traverser la France afin de reprendre en main la ville de Gand qui s’était révoltée
contre l’impôt impérial. Charles Quint a traversé la France du sud au nord avec tous
les honneurs dus à son rang. Il a rencontré la cour et a bien vu que François 1er ne
42
pouvait plus chasser qu’en litière. Milan et la maladie ont aveuglé le jugement de
François 1er. Charles Quint a renchéri sur ses propositions concernant Milan afin
d’obtenir une paix de François 1er. Il a alors promis pour le deuxième fils de François,
Milan et la main de sa fille. Peu de temps après, se voyant abusé, François Ier a
renvoyé Montmorency acteur du hasardeux rapprochement franco-allemand.
(46)(50)(74)
Depuis l’abcès le roi ne gouvernait plus que par éclipse, il n’assistait plus au Conseil.
Le pouvoir absolu, à la condition d’être exercé était le dernier rempart face à la guerre
de religion qui se préparait. Désormais le parti des Guise prenait de plus en plus
d’importance. Chaque affaiblissement du pouvoir royal était la porte ouverte à leur
mainmise sur les charges nobiliaires et ecclésiastiques, donc sur le roi et à terme la
guerre civile contre les réformés.(74)
Sur le plan international, l’affaiblissement de François 1er l’a empêché de prendre une
place sur l’Adriatique qu’un brigand a voulu lui vendre afin de lui permettre de se
venger de l’assassinat de son ambassadeur. Le roi a perdu sa clairvoyance de 1524,
quand il a envoyé sa bague à Soliman le soir de sa défaite de Pavie pour se lier à lui
contre les Allemands avec succès. (74)
Remis un instant, le roi a humilié Montmorency au mariage de la fille de sa sœur
Marguerite dès 11 ans avec le Duc de Clèves, un ennemi de Charles Quint et par là il
a condamné cette politique de soutien aveugle à l’Empereur.(74)
Si en France les factions se déchiraient le pouvoir, les impériaux dirigés par
Ferdinand, le frère de Charles Quint, sont défaits par les Turcs, et l’Empereur luimême est battu en tentant de conquérir Alger après en fin 1541. Les Allemands
devant ces échecs et le danger ont réagi en s’unissant, catholiques et protestants. Ils se
sont également accordés avec les Anglais. Les Français, eux, étaient de nouveaux
alliés aux Turcs. (46)(51)
Cela fut la quatrième guerre entre François Ier et Charles Quint qui a débuté en 1542
43
4. La déroute militaire de la France
En 1544, la France est envahie par l’Empereur à l’est et les Anglais à l’ouest. Malgré
l’inutile et sanglante victoire Française de Cérisoles dans les Alpes Italiennes le 14
avril 1544, l’Empereur progressait en France. Le Dauphin à la tête des troupes est pris
en tenaille entre les Allemands et les Anglais. La Champagne est dévastée. Les
impériaux ont pris les magasins de l’armée française à Saint-Dizier, ils sont même
arrivés à Crépy-en-Valois à 13 lieues de Paris.(65.) Un accès de goutte et le manque
de ressource financière ont arrêté Charles Quint. Les Anglais eux ont enlevé le port
de Boulogne qui contrôlait le Pas-de-Calais et ont pris en tenaille les restes de l’armée
française en déroute. Au traité de Crépy-en-Valois du 18 septembre 1544, le roi a
abandonné la Savoie pourtant de langue française à l’Empereur.(74) (50)
Ce sera un Napoléon III encore fringant qui ramènera la Savoie à la France
définitivement alors que ses problèmes de lithiase urinaire lui feront perdre l’Alsace
et la Moselle !
Le traité a permis à Charles Quint d’adopter de force le cadet du roi et de lui offrir
Milan, semant la discorde entre les deux enfants qui subsistaient à François 1er.
L’Empereur fut dégagé de son offre par le décès suspect du fils cadet du roi, qui
arrangea également le Dauphin. Le fils aîné de François 1er qui était considéré comme
très capable même s’il était taciturne après ses années de prison en Espagne, était déjà
décédé d’une pleurésie semble-t-il tuberculeuse peut-être attrapée dans les geôles
Espagnoles.(50)(46)
Après cette défaite magistrale, le désordre a continué à régner. Au début de l’année
1545, on a arraché au roi, semble-t-il sans qu’il y ait pris garde, l’autorisation de
massacrer les vaudois. (74) En 1546 c’est la communauté de Meaux, un des foyers
réformés modérés et protégés par Marguerite de Navarre, qui est dispersée de force.
La ressemblance avec les persécutions des protestants après la fistule anale de Louis
44
XIV est saisissante. A cette occasion d’ailleurs, les vaudois seront à nouveau
massacrés à grande échelle et sans ménagement. (70)
5. La mort de François 1er
Le 20 mars 1547 les chirurgiens incisent l’abcès périnéal du roi, « duquel ils
retrouvent tel pourriture que les médecins désespèrent de la curation…. » .Le roi a
fait des accès fébriles rapportés par Saint-Mauris.
Le roi est décédé le 1er avril 1547. Une autopsie est réalisée comme chez tous les rois
de France. Le médecin Jean-Cosne de Haltazachius en a consigné le rapport
« L’abdomen une fois ouvert, l’épiploon s’est montré rompu jusqu’au pubis et à
l’estomac de sorte que les intestins apparaissaient à nu. Mais à l’endroit où elle
offrait un aspect noirâtre et corrompu. Le duodénum était putréfié et purulent ;
l’enveloppe intérieure de l’estomac offrait au regard une rougeur mêlée à la couleur
noire, et contenait un liquide noir….L’œsophage atteint d’ulcères rejetait un pus
rougeâtre….Le poumon putréfié adhérait en sa partie droite aux côtes jusqu’à
l’épine dorsale si fortement qu’il ne put en être séparé ; là où l’incision fut pratiquée,
un liquide corrompu s’écoula. Le cœur , le foie, la rate et le rein gauche étaient sans
lésions….Le rein droit suintait en son extrémité, l’uretère qui en sortait avait disparu,
et avait complètement souillé d’ordures toutes les parties contiguës…Dans le col de
la vessie, un large ulcère plein de pus abondant…Sous le pubis, toutes les parties
droites étaient purulentes et la substance même en était gangreneuse…le scrotum, la
verge et toutes les parties entourant les testicules avaient contracté le même mal. »
(16)
Après une longue infection locale, François Ier est décédé d’une pyélonéphrite par
voie ascendante ayant entraîné une insuffisance rénale et une septicémie. Il est
vraisemblable que l’abcès dont il souffrait depuis plusieurs années se soit perforé et
compliqué d’hémorragie digestive.
45
6. Conclusion
La libération de l’exil espagnol de François Ier en 1526 est directement liée à un abcès
sinusien. L’abcès anal de 1538 a marqué un tournant politique avec l’abandon de
l’alliance turque pour celle avec Charles Quint et en définitif l’isolement politique
international de la France dépendante de l’Allemagne. Cela a abouti à une invasion
dévastatrice de la France et au désastreux traité de Crépy-en-Valois. En France, la
faiblesse du pouvoir politique a fait le lit des intérêts partisans parfois liés à des
intérêts étrangers comme ceux de l’Espagne. Le tableau des guerres de religion était
alors planté.
46
C. LOUIS XIV : DE L’INFLUENCE DE LA SANTE DU ROI SUR LES
CHOIX POLITIQUES DE LOUIS XIV
Henri IV
1589-1610
Louis XIII
1610-1645
Philippe
d'
Orléans
Gaston d'
Orléans
Louis XIV
1643-1715
La Grande Demoiselle
Grand Dauphin
Arbre n°3.
Arbre généalogique de Louis XIV
47
Illustration n°7 : Louis XIV
I.
LOUIS XIV : SA VIE
Fils tardif de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, Louis XIV est né à Saint-Germain le
5 septembre 1638 et a été nommé roi à l’âge 5 ans, à la mort de son père en mai 1643.
Il a été proclamé majeur en 1651, mais il a co-exercé le pouvoir avec Mazarin
jusqu’en 1661. Après la mort de Mazarin qui avait occupé une place importante dans
sa formation de roi comme dans le cœur de sa mère, Louis XIV a pris les rênes du
pouvoir à l’âge de 22 ans.
Louis XIV est apparu comme un roi attaché à son autorité et à sa gloire. Au début de
son règne il était pieux, et assistait assidûment à la messe tous les matins (11)
1. La politique intérieure de Louis XIV
Lorsque Louis XIV a commencé son gouvernement personnel, il a repris les proches
de Mazarin. Louis XIV avait conscience de son rôle et entendait l’exercer sans
aliénation. Il était roi de droit divin et il a su assujettir ses sujets. La noblesse l’a été
48
par la vie de cour, la dépendance à ses grâces, à ses pensions et par l’attribution de
charges et de dotes pour les filles à marier. Le clergé lui a été soumis grâce au droit
régalien disputé avec Rome. Dans l’administration le roi essayait, dans la mesure de
ses moyens financiers, de remplacer les officiers vénaux moins fidèles et plus
intéressés par des commis afin d’augmenter la loyauté de l’administration.(70)
2. La politique extérieure de Louis XIV
Au début du règne, les guerres avec l’Empire Germanique ont été conclues par
l’avantageux traité de Westphalie en 1648 qui a été obtenu grâce à la brillante victoire
de Rocroi en 1643. Ce traité a accordé à Louis XIV les droits impériaux sur toute
l’Alsace sauf sur Strasbourg et Mulhouse qui sont demeurées des villes libres
d’Empire. La Suède luthérienne, alliée de la France, a reçu un droit de regard sur la
Diète de Ratisbonne et les affaires allemandes. Après ces succès français, Louis XIV
a obtenu le Roussillon, la Cerdagne, l’Artois avec quelques places fortes dans le Nord
en Flandres, dans l’Hainaut et en Lorraine. La guerre de Dévolution de 1667-1668 a
permis à la France d’obtenir après le traité d’Aix-la-Chapelle, la Flandre méridionale.
La guerre de Hollande de 1672-1678 s’est conclue par la paix de Nimègue qui a
accordé la Franche-Comté à la France. La guerre contre la Ligue de Augsbourg de
1688-1697 s’est conclue par le traité de Ryswick qui a confirmé les gains français
précédents. La guerre de succession d’Espagne de 1701 à 1713 s’est conclue par le
traité d’Utrecht sans avantage et a laissé la France ruinée.(11) (70)
II.
LES PATHOLOGIES DU ROI LOUIS XIV
Grâce au Journal de la Santé du Roi qui a été rédigé par les trois principaux médecins
du roi Vallot, d’Aquin et Fagon, nous disposons d’une source d’information
intéressante pour l’Histoire de la médecine.(96)
49
1. La santé du roi avant la révocation de l’édit de Nantes
Le médecin du roi était à cette époque d’Aquin, le neveu de Vallot qui avait été le
précédent premier médecin du roi.
Jusqu’en 1682 louis XIV a été rarement malade, il a été victime à l’âge de 9 ans
d’une petite vérole, il a émis un ascaris à l’âge de 22ans. Une gonorrhée, dont les
médecins ont caché le caractère sexuellement transmissible, indigne à l’époque, a
marqué à l’âge de 17 ans le début de sa tumultueuse vie amoureuse. A 20 ans une
scarlatine maligne gravissime a failli lui être fatale. Il a présenté à l’âge de 24 ans une
rougeole compliquée d’une otite. Au cours de sa jeunesse il a été fréquemment sujet à
des vertiges et des pertes de connaissance. (96)
2. La goutte : une maladie chronique qui fait changer le roi
Pour Michelet le tournant du règne de Louis XIV et en particulier son changement de
politique ont eu lieu en 1682, ce qui correspond à la survenue de ses premiers
problèmes de santé. Jusqu’à cette date, la guerre avait toujours eu lieu sur le territoire
de ses adversaires qui était largement ravagé, mais à partir du moment où le roi a été
atteint dans sa propre chair, il semble qu’il ait cherché à porter son effort de poursuite
de Gloire sur son propre territoire, métaphore de son corps. (74)
1682 a marqué l’entrée du roi dans «le mal aristocratique » avec une crise de goutte
au pied du 3 mars 1682 au 20 mars 1682 qui a récidivé le 9 mai 1682 pendant une
semaine. (96)(82)
La goutte a été la première pathologie chronique et inguérissable à toucher le roi. Elle
a contribué à le diminuer physiquement progressivement et régulièrement.
Considérée par certains comme une affection touchant les classes supérieures de la
50
société, la goutte était également appréhendée comme un signe extérieur d’une vie de
débauche par des auteurs comme La Fontaine (16). Cette affection constituait une
raison supplémentaire pour le roi de montrer un comportement hautement chrétien.
D’Aquin a décrit les crises du roi dans le Journal de la Santé du Roi : « Sa majesté
jouit d’une très bonne santé jusqu’au 3em de mars (à Saint-Germain) qu’elle se
plaignit à son lever d’une douleur au pied gauche. Elle occupait le coude-pied, avec
un peu de tumeur et de rougeur. Le roi ne laissa pas se botter et d’aller à la chasse
mais ce ne fut pas impunément car à son retour, il avait grand peine à marcher. En
se couchant, la rougeur me parut plus étendue et toute érysipélateuse, la tumeur plus
grande et occupant toute la cheville extérieurement. Il ne fut pas difficile de baptiser
ce mal à un homme dont le père et le grand-père avaient été goutteux. Le roi, sur
mon conseil, se contenta de bassiner 2 fois seulement cette partie avec de l’eau tiède,
marcha peu et se donna du repos durant quelques jours et le vingtième du mois, la
rougeur et la tumeur étaient disparues, il se trouva guéri et se portait très bien. »(96)
« Mais le 9e du mois de mai, la douleur revint au même pied et le roi, qui contre
mon avis voulut faire l’expérience de bassiner cette partie d’esprit de vin dans le
commencement de la fluxion, s’en trouva très mal et la rougeur augmenta
considérablement, aussi il s’en abstint et dans le 14em du mois, le mal cessa. puis le
roi reçut huit purges successives. » (96)
a) La goutte : une pathologie à caractère héréditaire
Le roi a été victime comme ses ancêtres de la goutte. De son coté maternel, CharlesQuint a fini complètement grabataire. Du coté paternel de Louis XIV, Henri IV son
grand-père a été goutteux jusqu’à la fin de sa vie, tandis que les Médicis, auxquels
Henri IV s’était allié en épousant la fille de Catherine de Médicis, comptaient de
nombreux ascendants frappés de la goutte. Laurent le Magnifique, l’aïeul de
Catherine de Médicis ou Pierre le Vieux ont été les plus célèbres goutteux de la
famille Médicis.(16)(83)
51
b) La goutte et ses traitements de l’époque
Le traitement de la goutte que l’on a retrouvé dans le traité de pharmacopée de
Charras édité en 1691 fait plutôt sourire aujourd’hui: « fiente de cigogne et celle de
paon ou le sperme de grenouille, le sel de crapaud, les cloportes et vers de terre».
(23) Ces éléments étaient des diaphorétiques par la potasse qu'
ils étaient sensés
contenir. On connaissait la colchicine pour le traitement de la goutte mais elle était
considérée comme un poison par Sydenham en 1683(33). Ce qui était le cas lorsque
cette substance était prise en excès. D’Aquin a semblé n’avoir heureusement pas
utilisé tous ces traitements.
En 1683 le roi âgé de 45 ans a présenté des anthrax, une luxation du coude de
résolution positive et des «tumeurs indolentes suppuratives ».(96) D’Aquin a rapporté
à l’occasion d’une crise modérée de goutte que le roi avait déjà fait trois épisodes
semblables. Le traitement a été des plus simples et la pathologie mise sur le compte
des morts récentes de la Reine, de Colbert et de la luxation du coude du roi. En outre
le roi a fait une chute de cheval, deux clous à l’aisselle gauche et une otite pendant
cette même année 1683.
3. La fistule naso-palatine
Le début de la si difficile année 1685 a été marqué par une atteinte buccale fâcheuse,
gênante et probablement très douloureuse même si ce dernier point n’a pas été
mentionné par le Premier Médecin d’Aquin. Lors d’une extraction d’une dent du
maxillaire supérieur, le roi a été victime d’un arrachement osseux mettant en
communication la cavité buccale et les sinus laissant ainsi passer des aliments de la
bouche au nez. La macération et la putréfaction des aliments et des chaires
dégageaient des odeurs insupportables qui gênaient le roi, déjà sujet à des
vomissements. Les chirurgiens Dubois et Félix, en concertation avec d’Aquin, ont
décidé de réaliser une cautérisation de la plaie. Le 10 janvier 1685, Dubois a appliqué
à 14 reprises le «bouton de feu » et a réitéré le 1er février à trois reprises. Le roi
émettait des odeurs nauséabondes depuis ses fosses nasales de manière décroissante
52
jusqu’à la guérison définitive en fin d’année. Les médecins était impuissants devant
ce phénomène. Le roi a donc été incommodé par sa maladie encore de nombreux
mois. D’Aquin a avoué qu’aucun traitement n’était connu pour cette gêne que
certains même avaient estimé mortelle.(96) Le souci pour la survie du roi a été encore
une source de motivation pour la recherche de Salut par celui-ci et son entourage fort
inquiets. En cette année 1685 le roi a refait une crise de goutte du pied gauche le 28
octobre 1685. Elle a été particulièrement douloureuse et l’a particulièrement
handicapé (96)
4. La fistule anale.
a) Une évolution traînante et invalidante
La fistule anale a contribué à affaiblir Louis XIV pendant environ une année. Dès le
15 janvier le roi s’est plaint d’une tumeur entre les testicule et l’anus. (29) En février
1686 le roi est resté alité plusieurs jours et a été constamment sous traitement. Le 19
février l’abcès s’est ouvert et le 20 l’orifice de l’ouverture a été agrandi de manière
chirurgicale afin de favoriser l’écoulement de pus. Le lendemain il a été victime
d’une crise de goutte. Le 23 les médecins ont réouvert l’abcès. En mars un
écoulement s’est fait par une fistule communicante entre l’abcès et le rectum. D’après
les examens du 16 mai, il s’agissait d’un trajet fistuleux d’une longueur de 4 travers
de doigt s’abouchant dans le rectum à une distance de 3 travers de doigt de l’orifice
anal. Après l’injection de baume vert « le roi ressentit une douleur fort piquante et
une envie continuelle et irritation d’aller à la selle.». En fin mai, le roi a présenté de
nouveau une surinfection de sa fistule. (96)
La récidive de phénomènes probablement infectieux locaux a déterminé une nouvelle
intervention dont le but a été de mettre à plat l’abcès et le trajet fistuleux. Pour des
raisons politiques devant l’inquiétude générale les incisions successives de février et
mars 1686 ont été tenues secrètes d’après le Marquis de Sourches.
53
Le roi a été obligé d’interrompre la plupart des fêtes et des mondanités de la cour. En
effet son abcès suintant l’obligeait à changer plusieurs fois par jour de vêtements.(29)
b) La préparation et l’intervention
Une cure à Barèges avait été proposée par certains courtisans mais les curistes
souffrant de la même affection n’avaient pas été guéris de leurs abcès. L’esprit
scientifique expérimental était en rupture avec l’obscurantisme avec pour corollaire
les persécutions qui eurent lieu simultanément.
C’est la "Grande Opération ". Elle a été réalisée par le chirurgien Félix qui avait pu
s’entraîner sur des sujets atteints de la même affection dans l’Hôtel particulier de
Louvois transformé à cette occasion en clinique expérimentale. Félix s’était préparé
de manière moderne, il avait repris une par une les diverses techniques connues : la
compression, la cautérisation, la ligature par fils et excision. Il avait mis au point pour
l’occasion son propre instrument: un bistouri dont la lame était protégée par un
manchon en argent pendant son introduction. Félix a réalisé avec succès cette
intervention le 18 novembre 1686 dans le salon de l’œil de bœuf à Versailles.
L’après-midi le roi présida le Conseil. Le 8 et 9 décembre 1686 d’autres incisions
furent nécessaires. Les dernières douleurs du roi ont été du 11 décembre, la Marquise
de Sévigné a écrit à ce propos: « Le Roi a souffert aujourd’hui sept heures durant
comme s’il avait été sur la roue, et je crains bien que ses douleurs ne recommencent
demain.» Ce ne fut que le 23 décembre que la guérison fut définitive. (89)(31)
5. Une crise de paludisme
Sur ce le roi a été victime d’un accès palustre au cours du mois d’août 1687. C’était
une affection fréquente à Versailles. Par la suite, il a été victime d’autres crises qui
ont cédé après un traitement par la quinquina. Son utilisation par le roi, qui avait fait
racheter son secret de fabrication en 1679 a permis la diffusion rapide de ce
traitement en France. (99)
54
III.
LES CONSEQUENCES DES PATHOLOGIES DE LOUIS XIV
Illustration n°8 : Madame de Maintenon
1. La religiosité accrue de Louis XIV
Après la mort de la reine, le roi s’est rapproché de celle qui avait été sa maîtresse
depuis quelques années Madame de Maintenon. Il s’est marié morganatiquement
avec elle probablement en 1684.(70). Mme de Maintenon a probablement utilisé les
maladies du roi telle que la goutte reconnue comme liée à une vie débauchée, la
fistule anale et naso-sinusienne pour le remettre dans le droit chemin de la religion.
Saint Simon a expliqué l’importance qu’a prise Mme de Maintenon auprès du roi.
Ainsi le roi qui aurait pu être affaibli par sa maladie s’était révélé encore plus
sourcilleux de ses prérogatives et a démontré sa puissance en laissant du champ à la
surenchère des courtisans. Depuis 1682, Louis XIV s’était installé définitivement
dans son grandiose palais inachevé de Versailles, loin des réalités parisiennes,
Colbert puis Le Tellier étaient morts, et les décisions étaient prises « dans le
particulier » sous la forte influence de Mme de Maintenon par des « arrêts pris en
commandement » (70). « La révocation, a bien des égards, fut un drame de la
communication[…].A force de s’isoler pour mieux concentrer ses forces, la
monarchie s’est progressivement coupée du pays. » (79)
55
Le roi était décidé, dès 1682, d’après la correspondance de Mme de Maintenon à la
perte des protestants.(66) Il n’avait pas vu les conséquences, que celle-ci a pu avoir
sur la France, se profiler à sa suite.
2. La soumission de l’église lors des premières crises de goutte
du roi
Au moment des premières crises de goutte en mars 1682 Louis XIV a réuni le clergé
à Paris afin de proclamer le gallicanisme contre le Pape Innocent XI par la
Déclaration Des Quatre Articles le 19 mars 1682 qui soumettait au roi le clergé. Le
roi a profité de ses souffrances physiques afin de faire proclamer cette difficile
Déclaration. Le Pape l’accepta. L’assemblée du clergé a d’abord résisté puis le
Parlement a enfin enregistré la Déclaration en mai alors que le roi faisait une
troublante nouvelle crise de goutte. A sa guérison le roi a suggéré la dispersion de
l’assemblée en mai 1682, celle-ci après avoir combattu l’autorité de Rome a mis sur
le compte du roi et non plus seulement sur celui de la religion, la lutte contre les
protestants en produisant un Avertissement Pastoral aux réformés. Ceux-ci étaient
dorénavant non seulement considérés comme hérétiques vis-à-vis du Pape mais
également schismatiques vis-à-vis du roi. Leur erreur était appelée : « maladie », « ne
refusez plus les remèdes qui vous peuvent rendre la santé » leur était-il demandé. Le
parallèle avec la goutte dont le roi a guéri semble simple. Les réformés n’étaient plus
seulement séparés, mais des adversaires : « Dieu ne nous demandera plus compte de
vos âmes. ». L’Avertissement contenait une licence de meurtre, la tolérance n’était
plus à l’ordre du jour. (40)
En fait une analyse montre qu’au début de son règne, le roi a fait la distinction entre
ses intérêts politiques comme ceux du royaume et les exigences de groupes de
pression qui se revendiquaient au nom de la religion. Par exemple poursuivant la
politique de Louis XIII, le roi avait décidé d’être opposé au parti dévot qui le poussait
56
à s’allier à l’Espagne catholique contre les réformés. Louis XIV a jugé que l’intérêt
du pays était d’être allié aux princes protestants allemands plutôt qu’à l’Espagne. Il
n’a pas hésité à occuper des terres du Pape en Avignon en 1689, après son
excommunication, lors de l’affaire des ambassades.
Le roi, à la suite de ses maladies, en se rapprochant de Mme de Maintenon, a changé.
Il s’est rapproché de la religion au point de faire changer le comportement des
courtisans, qui était bien obligés de s’adapter. Après le démon de la quarantaine, le
roi s’est assagi dans sa conduite amoureuse alors que la princesse palatine avait pu
déclarer « tout lui est bon » (79) à propos de ses conquêtes.
Le roi, qui s’attachait tant officiellement à paraître souverain, se laissait simplement
et fréquemment influencer par la Marquise de Maintenon au contact de laquelle il
agissait en bon père de famille attentif à ses enfants, sous son influence il s’était
même rapproché de la reine et a pu commencer à vouloir « faire pénitence sur le dos
des Huguenots ». (85)
3. Destruction du système d’alliances lors de sa fistule nasosinusienne et sa fistule anale
L’année 1685 a été jalonnée d’erreurs stratégiques. Louis XIV a fait pénétrer ses
troupes dans le Palatinat qu’elles ont dévasté. Cette invasion par les armées françaises
a suscité la Ligue d’Augsbourg qui a déclaré la guerre à Louis XIV. (70) Le roi a fait
preuve de moins de lucidité que jamais entraînant un gâchis de sa politique
d’alliances si patiemment établie avec des princes allemands notamment protestants.
L’altération de son état de santé avec la fistule naso-sinusienne accrue par la goutte
peut être mise en cause dans ces erreurs directement ou indirectement du fait des
changements stratégiques entraînés. (74)
57
4. La révocation de l’édit de Nantes au cours d’une crise de
goutte
a) L’Edit de Nantes
Cet Edit promulgué par le roi Henri IV en avril 1598 avait établi des règles de
tolérance de la religion protestante en France et clôturait difficilement les Guerres de
Religion. C’était un code de tolérance qui a régi l’exercice du culte protestant en
France. Destiné à sceller la paix civile, il a perduré 87 ans.(8)Il a accordé aux
Protestants la liberté de conscience mais en a limité l’exercice. Celui-ci fut interdit à
Paris, siège de la cour, ainsi que dans de nombreuses villes comme les villes
épiscopales.
b) La révocation.
Le préambule de la révocation de l’Edit déclarait «considérant que la plus grande
partie de ses sujets de la r.p.r. ont embrassé la religion catholique le roi annule en
conséquence l’édit de Nantes. ».(Religion Présumé Réformée) La maladie a été pour
le nouveau roi qu’a essayé d’être Louis XIV, le moment d’effectuer des actes de
piété. Mme de Maintenon a souvent répété dans ses Mémoires que les petits faits des
Grands ont beaucoup d’échos. Elle a certainement dû pousser le roi à quelques
bonnes actions pour permettre le Salut royal et montrer l’exemple à ses enfants. Pour
certains auteurs la révocation peut être considérée comme un acte de piété de Louis
XIV.
A peine remis de sa fistule naso-sinusienne Louis XIV a conclu l’année 1685 par
l’Edit de Fontainebleau du 18 octobre 1685 qui a révoqué l’Edit de Nantes. Il a fait
une importante crise de goutte 10 jours plus tard. (96) Cet événement remarquable
n’a pas pu passer inaperçu car à la cour le moindre geste du roi était analysé, amplifié
et utilisé. La juxtaposition des deux événements a été utilisée. Le roi, a personnifié le
pays, en souffrant comme lui des persécutions qui étaient comme une saignée géante.
Le roi s’est fermé aux suppliques des protestants derrière sa souffrance, et a pu se
positionner en victime et non en persécuteur aux yeux du peuple.
58
c) Le durcissement des persécutions anti-protestante sest
contemporain de l’abcès anal.
Le début de l’année 1686 a été marqué par une autre pathologie douloureuse et
traînante : un abcès anal qui a été médicalement suivi depuis le 15 janvier 1686. Dès
ce mois de janvier un des Edit, les plus cruels a demandé d’enlever les enfants
protestants pour les placer dans des couvents ou dans d’autres communautés
religieuses et seulement en l’absence de places chez des membres de la famille
catholique. La répression s’est durcie, les convertis étaient surveillés, les plaintes
concernant les excès des troupes n’ont pas entamé la détermination du pouvoir. (37)
(12).
d) L’émigration clandestine après la révocation
Les protestants ont été quelques deux cent à trois cent milles a quitter la France dans
des conditions difficiles, soit par la mer pour ceux vivant près des côtes quand les
contrôles n’étaient pas encore trop stricts avant la révocation soit par la terre pour
ceux qui vivaient près des frontières de l’est. Parfois ce sont alors des villages entiers
qui ont fui vers ce que l’on a appelé les refuges qui constituaient les villes de Genève
et Francfort. Elles ont formé de véritables plaques tournantes recueillant les réfugiés
qui y trouvaient réconfort et assistance matérielle avant des départs plus lointains et
mieux organisés. (40)
5. Les conséquences stratégiques catastrophiques de la
révocation
Les émigrés ont contribué à diffuser une propagande contre Louis XIV exploitant au
maximum les persécutions pour motiver et unir les opposants politiques de
l’hégémonie de Louis XIV.(40)
Les princes allemands, jusqu’à présent alliés de la France, se sont retournés contre
elle. Le Brandebourg a organisé son administration, son armée, son industrie et a
peuplé sa nouvelle capitale Berlin avec l’arrivée massive d’immigrés. En Angleterre,
59
l’arrivée de milliers de réfugiés a permis aux Britanniques de coloniser et
d’industrialiser l’Irlande, et de former une brillante armée en majorité française qui a
écrasé à Drogheda la dernière révolte irlandaise soutenue par Louis XIV. Les Anglais
se sont alors consacré à leur expansion coloniale qui a commencé par la guerre de
Ligue d’Augsbourg qu’ils ont appelée : « La guerre contre le commerce français »
(43)(11)(12)
Peu de temps auparavant la France avait presque détruit les Provinces-Unies. Elles
n’avaient été sauvées des armées de Louis XIV uniquement par l’inondation
volontaire des polders et la météorologie. La politique de persécution contre les
protestants français a uni les Hollandais autour de Guillaume d’Orange qui n’est
arrivé qu’à ce moment à être nommé Stathouder.(11)
Les Hohenzollern et les Habsbourg se sont joints au traité de Augsbourg en 1686,
puis sont venus les Espagnols attaqués par Louis XIV en Belgique et aux
Luxembourg malgré la paix de Ratisbonne en 1684. Les Anglais se sont même alliés
pour une fois avec les Hollandais autour du champion protestant Guillaume
d’Orange, fait roi d’Angleterre. L’Europe est unie contre la France, les partisans de la
guerre l’ont emporté chez les adversaires de la France.(85)
C’est toute l’Europe catholique comme protestante que Louis XIV avait réuni contre
lui. (15) Le coût de cette guerre avait encore représenté une grande part des dettes de
la France sous Louis XIV et ainsi la politique des deux années pendant lesquelles
Louis XIV a été ébranlé par son état de santé a même fait le lit de la révolution.(79)
6. La maladie a rendu Louis XIV populaire et l’a renforcé
avant la guerre de la Ligue de Augsbourg
La fistule anale, la grande opération et les souffrances du roi lui ont rendu l’affection
du peuple et un visage humain. Après les terribles contraintes qu’il avait fait subir
aux protestants, sa souffrance a fait oublier celle des protestants. Le peuple a participé
60
nombreux aux Te Deum, Action de Grâce et fêtes publiques célébrés en son honneur.
Le 30 janvier 1687, la foule était immense sur le parvis de l'
Hôtel de Ville et dans les
rues de Paris pour acclamer son roi qui avait tant souffert (85)(99). Cette intervention
a permis de renforcer l’unité du pays autour du monarque avant les difficiles épreuves
de la guerre contre la Ligue d’Augsbourg.
7. La goutte et les fistules ont déterminé des choix de société en
France
D’un point de vue moral Louis XIV a fait le choix archaïque d’une politique basée
sur l’absolutisme. La valeur des conversions obtenues sous la contrainte a été remise
en cause par plusieurs contemporains célèbres comme Saint–Simon. C’était une
dictature entravant la liberté d’initiative de pensée et d’entreprise qui a abouti pendant
le siècle suivant à une crispation de la noblesse autour de ses droits féodaux en
opposition à la liberté individuelle et à l’ascension sociale de la bourgeoisie. Par
exemple le corps des officiers est resté réservé à la noblesse. La liberté a été le motif
de l’émigration en Amérique de nombreuses minorités aux futurs Etats-Unis tels les
huguenots en Pennsylvanie. (71) Quel paradoxe! Sans vouloir faire de politique
fiction, accepter une différence religieuse ne serait-ce qu’à l’extérieur de la France
aurait permis de renforcer la présence française en Amérique du Nord et de changer
l’histoire de ce continent.
L’esprit de liberté individuelle américain a fasciné les esprits des Lumières. Avant la
Révolution de 1789, un des grands mouvements pré-révolutionnaires français s’était
appelé les Américains. L’absence de liberté individuelle reprise par les héritiers du
modèle de Louis XIV ainsi que les dettes accumulées par Louis XIV après 1685 du
fait de ses guerres contre l’Europe ont fait le lit de la Révolution.(71)
8. Quelques avancées dues aux pathologies royales
61
L’utilisation de la quinquina a été largement répandue en France pour lutter contre le
paludisme. Le traitement royal a assuré la publicité de cette nouvelle thérapeutique.
(99)
Il n’y a pas eu que des conséquences négatives aux pathologies royales. La chirurgie
a beaucoup profité de la Grande Opération. Par snobisme la noblesse est accourue
auprès des chirurgiens pour ressembler au roi sous toute ses coutures. La mode est
parfois douloureuse. Les chirurgiens ont enfin été reconnus en 1691, à part entière
grâce à la séparation entre les chirurgiens qui durent porter la robe longue et les
barbier-perruquiers eux la courte. Grâce au soutien du roi, le collège Saint Côme a été
construit dans la rue de l’Ecole de Médecine en 1694 avec un amphithéâtre dédié à
l’enseignement de la chirurgie. Puis en 1699 les décrets organisant l’exercice et le
corps des chirurgiens sont sortis sous le titre des « Statuts des Maîtres en l’art et
Science des Chirurgiens de Paris ». (99)
Pour paraphraser l’aphorisme des
Mémoires de Mme de Maintenon : « Les petits faits des grands ont souvent beaucoup
d’effets ».
9. Conclusion
Fagon, le premier archiatre de Louis XIV à la suite de d’Aquin, a déclaré à juste
titre: « Chaque fois que mon client éternue, le sort de la France est en jeu. »
62
Arbre n°4.
Napoléon Ier et III : Généalogie légitime et illégitime simplifiée
Charles BONAPARTE
(1746-1785)
Joseph
(1768-1844)
Marie-Louise
d'
Autriche
(1791-1847)
Létizia RAMOLINO
(1750-1836)
1764
Lucien
(1775-1840)
1810
1796
Joséphine
Tascher de la Pagerie
(1764-1815)
Auguste Flahaut
De la Billarderie
(1785-1870)
Pauline
(1780-1825)
Caroline
(1782-1839)
Jérôme
(1784-1860)
1779
Hortense
De Beauharnais
(1783-1837)
Charles
Duc de Morny
(1811-1865)
!
Elisa
(1777-1826)
1802
NAPOLEON
Charles
(1802-1807)
Louis
(1778-1846)
NAPOLEON
Louis
(1804-1831)
?
Louis
Comte de Castelvecchio
(1826-1869)
Eléonore Vergeot
(1820-1886)
1853
!
Eugénie Marie
De Montijo
(1826-1920)
Ascendants, collatéraux et
descendants en lignée légitime
Ascendants,
descendants
adultérine
collatéraux et
en
lignée
Eugène
Comte D’Orx
(1843-1910)
Louis
Comte de Labenne
(1845-1882)
Eugène Louis Napoléon
Prince impérial
(1856-1879)
63
D. LES BATAILLES PERDUES PAR NAPOLEON 1ER EN RAISON DE SES
PROBLEMES DE SANTE
Illustration n°9 : Napoléon 1er
Napoléon Bonaparte a marqué l’Histoire de France en se faisant sacrer Empereur par
le Pape tout en récupérant l’héritage de la Révolution Française. Il a fasciné son
époque tant par sa virtuosité militaire et politique que par l’importance des
bouleversements qu’il a entraînés sur le continent européen. Quelques pages ne
sauraient analyser toute son œuvre encore aujourd’hui empreinte de passion.
Stendhal, en écrivant : « D’ici à cinquante ans, il faudra refaire l’histoire de
Napoléon tous les ans … » nous incite à explorer ce personnage célèbre qui a dirigé
pendant plus de quinze années notre pays et à découvrir ses souffrances physiques
méconnues qui ont changé indirectement le destin du monde.
I.
SA VIE
64
1. L’enfance
Napoléon Bonaparte est né le 15 août 1869 à Ajaccio dans une Corse française depuis
une année. Il est le fils de Maria Létitizia Ramolino et de Charles Marie Bonaparte un
militant paoliste indépendantiste. Il est le deuxième enfant d’une fratrie de 13 enfants
dont 8 ont survécu.(68) Après une enfance miséreuse, son père lui a obtenu une
bourse pour étudier à l’école militaire de Brienne qu’il a intégrée après un
apprentissage de la langue française à l’école d’Autun. Il est resté jusqu’à ses 15 ans à
Brienne où il s’est illustré par son caractère indépendant et volontaire. (17)(39) Il est
entré à 15 ans soit avec un an d’avance à l’Ecole Militaire royale de Paris. A 16 ans il
a été nommé sous-lieutenant d’artillerie et envoyé à Valence. De 17 à 18 ans et demi
il est allé en congé en Corse pour régler la succession de son père mort en 1785.
Après son retour au régiment, il a travaillé comme un forçat ne dormant que 5 à 6
heures par nuit et ne mangeant qu’une fois par jour(3)(39). Deux mois après la
révolution à 20 ans, il est reparti en convalescence en Corse à la suite de troubles
rattachés à un probable paludisme.(65)
Il y a été hospitalisé du 5 au 30 août 1790 pour une dermatose. (5 )(45) Après son
séjour en Corse de septembre 1789 à janvier 1791, il est retourné à Auxonne en
février 1791 avec son frère. (5)(45)(68) De nouveau en octobre 1791 Napoléon est
retourné en Corse il y est nommé lieutenant-colonel d’un bataillon de volontaire mais
son attitude étant désavouée, il a préféré revenir à Paris où il a été nommé capitaine
par Louis XVI in extremis lors de la dernière vague de nomination avant l’arrestation
de celui-ci en début 1792.. (95)
2. Les premières campagnes
A 24 ans après sa nomination au grade de commandant d’artillerie il a participé à la
prise de Toulon pendant laquelle il s’est fait remarquer pour ses talents de meneur
d’homme, sa bravoure et sa stratégie.(95)
65
Napoléon est devenu à l’âge de 25 ans nommé général de brigade. En disgrâce
momentanée après la chute de Robespierre, il a découvert l’amour et fait
connaissance avec Joséphine de Beauharnais une jeune et aventureuse courtisane
récemment veuve. Elle l’a aidé à se faire nommer général en chef des armées d’Italie
en 1796 grâce à ses bons rapports avec Barras. (95) Napoléon l’a épousé quelques
jours avant son départ pour la campagne d’Italie, il y a combattu contre une armée
sardo-Autrichienne de 70 000 hommes alors qu’il n’en avait que 36 000. Il a vaincu
brillamment les Autrichiens au pont de Lodi. (83) La force tactique de Napoléon
reposait sur une importante mobilité des troupes articulées en corps d’armées
coordonnés mais parfois séparées. Par la suite Napoléon a écrasé les 70 000
Autrichiens pourtant bien supérieurs en nombre qui étaient arrivés pour défendre leur
place forte de Mantoue où étaient encerclés 20 000 des leurs. Au cours de cette
bataille est survenu une affection qui a failli changer son déroulement. Atteint d’une
terrible migraine Napoléon s’était mis au calme dans une demeure une journée avec
quelques hommes mais il s’y est fait surprendre par un détachement ennemi, il
n’avait eu le temps que de remettre une botte, et il a été contraint de demander un
cessez le feu sous prétexte de négociation. (55) Une deuxième armée autrichienne
envoyée au secours de Mantoue a également été écrasée. Les Autrichiens se sont
alors avoués vaincus(83). La popularité comme la valeur militaire de Napoléon sont
sorties grandies de cette guerre. (95)
3. La campagne d’Egypte arrêtée par une épidémie de peste
La campagne d’Egypte a débuté en 1798. Après la brillante prise de Malte, Napoléon
est arrivé avec 38000 hommes en Egypte, qui était un pays peu connu situé sur la
stratégique route des Indes chère aux Anglais. A son arrivée Napoléon a souffert
d’une toux chronique qui peu à peu s’est estompé en Egypte L’Empereur a fasciné
son adversaire Ali Pacha qui a décidé après le départ de Napoléon de moderniser son
armée et son pays sur le modèle français. Napoléon a écrasé les Mamelouks à la
bataille des Pyramides puis en février 1799 il est parti d’Egypte réaliser la campagne
66
de Syrie. Le siège de Jaffa a été marqué par une effrayante épidémie de peste qui a
tué 3 % du corps expéditionnaire français. La victoire s’est terminé par le massacre
des prisonniers turcs. A la suite de l’échec de la conquête de la citadelle de St Jean
d’Acre, Napoléon a été contraint de rentrer précipitamment en France le 9 octobre
1799 (83)
4. La montée au pouvoir : le Directoire
Avec l’aide décisive de son frère Lucien alors Président du Conseil (54), Napoléon
est parvenu à être nommé Premier Consul en décembre 1799 par des députés effrayés
et manipulés. Par la suite Napoléon Bonaparte a écarté du pouvoir Sieyès associé au
coup d'
état. Napoléon a fait entériner sa nomination par un plébiscite à bulletin non
secret et motivé. Il s’est alors exclamé : « La révolution est terminée ! ».(83)
Au cours de la 2ème campagne d’Italie qui a eu lieu en 1800, Napoléon a été décrit
comme ictérique (19) à la grande victoire de Marengo au cours de laquelle il a été
blessé à la jambe gauche superficiellement A cet ictère s’est associée curieusement
une erreur stratégique de Napoléon, la même qu’à Waterloo, qui aurait pu lui coûter
une défaite malgré l’héroïsme des troupes françaises. Le général Desaix que
Napoléon avait envoyé vers Gênes pour essayer d’établir le contact avec les
Autrichiens était revenu à temps en se dirigeant vers la bataille à marche forcée au
son de la canonnade.
Le traité de Lunéville a affirmé la présence française en Italie et à l’ouest du Rhin.
Après la grande victoire de Marengo, Napoléon a signé le traité de paix d’Amiens
avec l’Angleterre après celui signé en octobre 1801 avec la Russie. (95)(83) Le 2 août
1802, Napoléon est devenu consul à vie grâce à un deuxième plébiscite.
Dès 1802 l’Empereur a imposé un blocus continental contre l’Angleterre. (95)
En 1803, l’Angleterre a déclaré la guerre à la France. Napoléon a préparé pendant 2
ans à Boulogne un important débarquement en Angleterre qui n’a pas abouti en
67
raison de la maîtrise anglaise des mers. La flotte de Napoléon a même été détruite par
Nelson en octobre 1805 à la bataille de Trafalgar.
Après avoir promulgué le Code Civil en mars 1804, Napoléon a été proclamé
Empereur en mai 1804. Il a été couronné des mains du Pape à Notre-Dame de Paris le
2 décembre 1804.(95)
L’Empereur qui n’a pu envahir l’Angleterre s’est retourné contre la troisième
coalition formée grâce aux subsides anglais par l’Autriche et la Russie. Napoléon est
reparti rapidement en Allemagne où il a contraint les Autrichiens encerclés dans Ulm
à se rendre, puis se dirigeant vers l’Autriche, le 5 décembre 1805 il a détruit les
troupes austro-russes dirigées par le Tsar Alexandre en personne à Austerlitz.
L’Autriche soumise, il a détaché alors l’Italie et l’Allemagne de l’Autriche, puis il a
donné le royaume de Sicile à son frère Joseph et le royaume batave à son frère Louis.
(83)(95)
5. L’entrée en guerre de la Prusse
La Prusse s’est lancée contre la France au cours de la 4ème coalition aux cotés de la
Russie, de l’Angleterre et de la Suède. La victorieuse campagne de Prusse a
commencé par une victoire de Lannes qui a mis en déroute une armée prussienne
entière. Napoléon l’a rejoint et a écrasé à Iéna l’armée prussienne. Pendant ce temps
Davout, en infériorité numérique, a écrasé après de durs combats la plus grande partie
de l’armée prussienne. Napoléon a pu vaincre difficilement les Russes à Eylau puis
nettement à Friedland le 14 juin 1807. L’armée de l’Empire a été pour la première
fois composée en majorité de non-Français. Le Tsar a abandonné la lutte et a
rencontré Napoléon à Tilsit. Ensemble ils se sont mis d’accord sur le sort de la Prusse
et le Tsar s’est associé au blocus continental contre l’Angleterre. (83)(95)
Napoléon est intervenu en Espagne et au Portugal en 1807 avec une armée comptant
jusqu’à 300 000 hommes qui a été confrontée à une guérilla soutenue par les Anglais
68
.(95) Le Pape Pie VII a tenté de résister à l’Empereur en l’excommuniant, Napoléon
l’a privé de ses terres puis de sa liberté.
Les Autrichiens sont à nouveau vaincus à Ratisbonne puis à Eckmühl. Le traité de
Schönbrunn a diminué encore l’Empire Autrichien et Napoléon a obtenu la fille de
l’Empereur d’Autriche pour épouse. (5)(95)
En 1811, Napoléon a montré les premiers signes de faiblesse et de lassitude. Il a fait à
l’automne un malaise avec de violentes coliques. En fait après son remariage, petit à
petit, malgré tous ses efforts il a commencé à montrer des signes de fatigue. (5)
6. La fin de l’Empire
Napoléon a réalisé en 1812 l’éprouvante campagne et retraite de Russie au cours de
laquelle il a souffert d’hémorroïde, de dysurie
et de trachéite. Il est retourné
précipitamment à Paris après une tentative de coup d’état militaire contre lui. Il est
revenu avec moins de vigueur, de l’embonpoint et de fréquentes périodes d’apathie
de plus en plus longues.(5)
En 1813 il a tenté de vaincre les Prussiens et les Russes avant qu’ils ne soient rejoints
par les Autrichiens mais il n’y est pas parvenu. Malgré la victoire de Dresde, la
défaite de Leipzig a sonné l’heure de la retraite pour les Français en deçà du Rhin.
Napoléon a dû abandonner 100 000 hommes dans diverses garnisons à l’est du
Rhin.(95)
La campagne de France de 1814 a été brillante mais les troupes peu nombreuses peu
aguerries et peu encadrées n’ont pas pu résister devant des ennemis bien plus
nombreux. Après la prise de Paris il a tenté de se suicider, puis s’est finalement
rendu et a été exilé sur l’île d’Elbe. Privé de ressource il en revint pour une campagne
de 3 mois qui s’est terminée par la défaite de Waterloo. (95)
69
II.
LA SANTE DE L’EMPEREUR
Napoléon Bonaparte mesurait 1m.68 (3)(67) et avait un tour de tête de 55,5cm. (67) Il
a été très maigre jusqu’au Consulat avec un teint ictérique pendant sa jeunesse puis
pâle après sa prise de poids lors du Consulat. Il était souvent constipé, souffrait
fréquemment de migraine, vomissait lors d’émotions, de colères ou simplement
spontanément. L’Empereur ne dormait que 4 heures par nuit, travaillait énormément
parfois 18 heures successives par jour, sans s’arrêter.(39) Il était d’une bonne
condition physique pouvant faire 80 kilomètres à cheval par jour. Son pouls était
physiologiquement lent à moins de 60 par minute à l’instar des grands sportifs.(17)
On a retrouvé ses propres plaintes somatiques dans la correspondance de Napoléon
avec Joséphine de Beauharnais lors de la première campagne d’Italie : une toux
chronique,
une
sensation
d’oppression
thoracique,
des
migraines
parfois
épouvantables, des hémorroïdes, une dysurie, des «spasmes d’estomac », et un
ictère.(45)
1. Les colères de Napoléon
Au cours de son séjour à l’école militaire de Brienne, on a déjà pu apprécier la force
du tempérament qui habitait le jeune Napoléon. Des anecdotes l’ont présenté avec de
violentes manifestations psychosomatiques lors de contrariétés ou d’atteintes à son
honneur. Ce sont des crises de vomissements violents qui ont poussé ses maîtres à
limiter leurs habituelles brimades (17) (39) (55)
2. Un eczéma prurigineux chronique de Napoléon et un dartre
La présence de dermatose a déjà été notée dans son dossier médical hospitalier en
Corse où il avait été hospitalisé en août 1790. Il y a bénéficié d’un traitement par du
petit lait nitré à la tisane de chicorée et de patience et à l’onguent citrin.(95) Il
70
s’agissait bien du traitement alors donné en cas de gale. Il s’était attribué après la
prise de Toulon une blessure de guerre cutanée : une «gale rentrée» qui n’était en fait
qu’un très probable eczéma prurigineux qui l’a poursuivi toute sa vie. Il se traitait par
des bains chauds et par des vésicatoires que lui appliquait Corvisart et qui l’ont
soulagé. (45).
Après la bataille de Wagram contre les Autrichiens en juillet 1809, il a été contraint
de s’aliter fébrile et encombré. Il a présenté à la partie supérieure et postérieure de
son cou une éruption qui a inquiété le médecin autrichien Franck appelé à son chevet.
Napoléon qui a entrevu le pire a fait demandé Corvisart qui est venu jusqu’à
Schönbrunn pour le rassurer. Finalement il semble que ce n’était qu’un dartre ou un
furoncle. L’affection a cédé au bout de quelques jours. (39)
3. Une crise de paludisme
En garnison à l’âge de 19 ans il a présenté un accès de paludisme qui lui a appris les
risques inhérents aux endroits humides et chauds. Il a retenu cette leçon par la suite
pour toutes ses campagnes au cours desquelles il a toujours évité de positionner des
troupes près de zones potentiellement impaludées.(45)
Napoléon a écrit à sa mère que depuis sa crise de paludisme il ne dormait plus que 5
heures par nuit et n’a pas semblé s’en plaindre. La possibilité de peu dormir qu’il a
attribuée au paludisme lui a été longtemps bénéfique.(3) Napoléon était connu pour
sa facilité d’endormissement en toutes circonstances qui lui a souvent permis d’être
en pleine possession de ses moyens en des moments critiques.
4. Les migraines
Napoléon a présenté une céphalée pendant la première campagne d’Italie qui a failli
lui être fatale.
71
5. Les hémorroïdes de Napoléon
Ses hémorroïdes l’ont considérablement gêné notamment pendant la première
campagne d’Italie puis lors de la campagne de Saxe et de la défaite de Waterloo.
Elles étaient associées à une constipation chronique qui le touchait depuis au moins
l’année 1797.(39)
6. La dysurie
Napoléon a souffert de dysurie les deux jours précédents la bataille de la Moskova et
ce jusqu’à son séjour dans Moscou ou a persisté un important sédiment dans ses
urines. D’après le docteur Mestivier, un médecin français vivant à Moscou, Napoléon
a été dysurique pendant toute la campagne de Russie, il : « ne pouvait pisser que
goutte à goutte, avec douleur, et son urine était boueuse et sédimentaire ».(45)(17)
L’autopsie de Napoléon faite à Sainte-Hélène a permis de découvrir une vessie de
lutte contenant des graviers et quelques calculs d’après Antommarchi ce qui a
confirmé l’existence de coliques vésicales itératives.(1)
7. L’ictère de l’Empereur
Napoléon était déjà ictérique lors de sa première campagne d’Italie. Certains ont
soupçonné une possible hémoglobinopathie S de type hétérozygote du fait du teint de
Napoléon.
Barquéro a essayé dans sa thèse d’expliquer la longue convalescence en Corse de
Napoléon après sa crise de paludisme, par une possible marque de faiblesse vis à vis
du plasmodium falciparum. (5) Cela n’est pas possible car ce séjour a été utilisé à
d’importantes activités politiques et militaires, comme l’a montré Tulard. (95)
L’ictère de l’Empereur était-il consécutif a une hémolyse chronique liée à une
drépanocytose ?
72
8. Les douleurs abdominales de Napoléon
Illustration n°10 : Napoléon Bonaparte
73
Dès 1802 Bourrienne, son ancien camarade d’école et proche collaborateur, a signalé
de violentes crises douloureuses apparemment du coté droit et de l’épigastre,(20)
d’autre part Napoléon a été décrit comme ayant le teint « jaune sombre » par un
Anglais de passage à Paris à la même époque. On a pu rétrospectivement évoquer une
colique hépatique (39), de simples douleurs digestives liées à la tachyphagie de
Napoléon ou à la manifestation d’une pathologie ulcéreuse. Corvisart a conseillé à
Napoléon de manger moins vite, moins brûlant, d’avoir un exercice physique
quotidien et de consommer moins de pâtisserie. (45) En tout cas sa « douleur »
abdominale ne l’empêchait pas de chasser.(60)
Ce n’est qu’en 1803 que l’on a pu observer les premières iconographies représentant
Napoléon avec sa main reposant dans son gilet(69). Cette attitude était déjà largement
utilisée avant lui et ne semble pas lui être propre, Davout la pratiquait déjà en 1799 en
Egypte. A contrario à Sainte-Hélène, Napoléon a été souvent représenté les mains
dans les poches. Cette attitude a été la source de nombreuses hypothèses sur
l’existence et l’ancienneté d’une atteinte digestive de Napoléon. Des douleurs
digestives se sont aussi manifestées pendant la campagne d’Allemagne 1807, à
Waterloo en 1815 et à Sainte-Hélène. Madellin a rapporté qu’en 1811 « comme il
souffrait cruellement de l’estomac, ses traits restaient après les crises fort souvent et
fort longtemps tirés ». (65)
Pendant les Cent-Jours, il a également souffert de l’abdomen : « Il tenait ses mains
jointes par devant et par derrière…Il paraissait souffrir de quelque douleur interne. »
rapporte son page.(6)
La lésion qui a causé le décès de Napoléon à Sainte-Hélène a été une perforation
gastrique circulaire bouchée par le lobe gauche du foie selon les rapports du médecin
Antommarchi.(1)
9. Une hémoptysie
74
En juillet 1803, il a présenté une légère hémoptysie qui lui a fait consulter Corvisart
qui
a diagnostiqué un début de congestion pulmonaire. Il s’agissait en fait
probablement des séquelles d’un point de coté tussigène décrit en 1799, à rapprocher
des adhérences séquellaires pleurales gauches retrouvées plus tard à son autopsie. Il a
été traité par des vésicatoires et par de judicieux conseils hygiéno-diététiques prescrits
par Corvisart qui devint alors le médecin attitré de Napoléon. La toux chronique de
l’Empereur a duré de la campagne d’Italie à celle d’Egypte. Il a été maigre maladif et
passait pour un phtisique (45) Il s’est senti mieux qu’après 1800. L’atteinte
pulmonaire était-elle l’expression d’une tuberculose ?
10. Une conjonctivite virale
Napoléon a attrapé après Austerlitz une banale conjonctivite virale.(60)
11. Les blessures de guerre de l’Empereur
Il a été plusieurs fois blessé par exemple à la prise de Toulon, d’un coup d’esponton
au genou gauche dont il en a conservé une profonde cicatrice retrouvée après sa mort
lors de son autopsie. Il a eu 19 chevaux tués sous lui, sur les champs de bataille. (45)
Il a eu un accident de chasse et s’y est blessé l’annulaire gauche. Il a également eu un
accident en conduisant une calèche au cours duquel il a perdu connaissance 8 à 10
secondes.(55) Toutes ses blessures ou accidents n’influèrent pas sur sa politique et
ses batailles. Parfois ses soldats ont dû l’empêcher de s’exposer de peur de le perdre .
III.
L’INFLUENCE DES MALADIES DE NAPOLEON SUR
L’HISTOIRE DE FRANCE
75
1. Des migraines dangereuses
Il s’est souvent plaint de « fluxion de la tête », en fait de probables crises de migraine.
D’abord en 1795 à Milan puis à Mantoue en août 1795 il a été obligé d’interrompre le
siège de la ville. Malgré sa victoire il a failli être capturé alors qu’il s’était mis au
calme à l’écart de la bataille dans une villa. Un détachement autrichien a pris
possession de la maison l’obligeant à se sauver vêtu d’une seule botte. (55) On réalise
ainsi l’importance d’être en pleine possession de ses moyens physiques au moment
d’une bataille où l’on est toujours concentré sur la stratégie avec un ennemi proche
parfois en surnombre, le tout sur des terres étrangères où les moindres problèmes de
santé sont des obstacles à une performance d’importance vitale et où les moindres
faits ont des portées politiques personnelles et nationales décisives.
Avec Napoléon prisonnier pour une migraine, la suite de la campagne d’Italie aurait
été bien différente. Il était dans une position difficile, en infériorité numérique. Il
avait eu du mal à convaincre le Directoire de la qualité de sa stratégie. Bonaparte
vaincu n’aurait pas fait payer des prélèvements aux états vaincus et il n’aurait pas
réorganisé la carte politique de l’Italie jusqu’à fonder une République transalpine. En
cas d’échec sa responsabilité aurait sans aucun doute été mise en cause et sa carrière
compromise. La perte du prestige de la victoire aurait pu affecter dangereusement son
avenir militaire et politique. Carnot avait eu l’intention de lui substituer Kellermann
et de soutenir les troupes d’Allemagne par l’apport de celles d’Italie, contrairement à
la ligne stratégique défendue par Napoléon auprès du Directoire. (95)
Si la migraine de Napoléon s’était poursuivie, il n’aurait pas eu la force d’attaquer sur
deux fronts les Autrichiens ce qui a permis d’assurer la victoire en prenant à revers
les Autrichiens une fois la victoire acquise en Italie. Malgré une migraine Bonaparte a
vaincu les Autrichiens et est devenu l’homme de la paix. Le peuple l’a acclamé et le
Directoire a avalisé ses débordements politico-financiers. (83)(95)
76
2. La peste a vaincu l’expédition d’Orient
Lors du siège de Saint Jean d’Acre, la peste a touché les hommes des troupes
Françaises. Napoléon l’a caché le plus longtemps possible aux soldats puis a organisé
efficacement des règles d’hygiène qui ont limité son extension alors que
l’épidémiologie de la peste était encore mal connue. Le médecin Desgenettes a
expliqué la psychologie des hommes de troupe : « quoique habitués à braver
journellement la mort dans les combat, ne l’attendent pas d’ordinaire dans leurs lits
avec plus d’indifférence que les autres » Napoléon s’est fait remarqué en visitant les
pestiférés à l’instar des rois thaumaturges d’antan. Cela a contribué à renforcer sa
renommée et a contre-balancer les accusations d’euthanasie à l’encontre des soldats
intransportables qui ont été lancées contre lui.(5)
Au cours du siège de Jaffa devant le général Berthier, Desgenettes et Napoléon se
sont affrontés au sujet de l’attitude à adopter vis à vis des soldats souffrant de peste.
Napoléon a lancé : « A votre place, je terminerais à la fois les souffrances de nos
pestiférés et je ferais cesser les dangers dont ils nous menacent en leur donnant de
l’opium. » Napoléon a ajouté qu’atteint, il aurait demandé le même sort. Desgenettes
a répondu: « mon devoir à moi est de conserver . » Napoléon a rétorqué que son but
était de conserver l’armée et que « je ne cherche pas à vaincre vos
répugnances…..mais je trouverai des personnes qui apprécieront mieux mes
instructions. » (47) (68) Le lendemain de ce triste épisode, il a levé le siège et est
retourné vers Jaffa puis en Egypte. Personnellement il a évité la peste qui a sévi parmi
ses troupes en Egypte. Le but mirifique de la conquête de l’Asie a été abandonné à la
suite des problèmes sanitaires: 10% des troupes sont mortes de maladie quand
Napoléon a quitté en secret ses troupes avec quelques proches. Napoléon qui n’a pu
assurer définitivement la victoire du fait de la maîtrise des mers des Anglais qui le
coupaient de ses bases mais aussi de la peste a décidé de quitter ses troupes avant leur
défaite et leur massacre.
77
Napoléon a été décrit dans le journal Le Surveillant du 18 octobre 1799 : « Napoléon
est presque le seul officier de notre armée en Egypte qui n’ait pas été malade. Ainsi
avec une complexion en apparence assez faible, il est extraordinaire au physique
comme au moral.» (95). La propagande reconnaissait déjà la nécessité d’avoir un
homme d’état en bonne santé et a défendu celle de Bonaparte qui a pu se lancer avec
Seyes à l’assaut du Directoire après l’épreuve d’Egypte qui a démontré que ses
succès d’Italie n’étaient pas un coup du hasard.
3. La bataille de Ratisbonne aurait pu être évitée ou facilitée
Napoléon était indisposé après la victoire d’Eckmühl le 23 avril 1809 sur les
Autrichiens et l’Empereur a avoué ne pas avoir eu la présence d’esprit suffisante pour
les poursuivre jusqu’à Ratisbonne. Le lendemain, Napoléon a été contraint de
disputer la bataille de Ratisbonne pour l’emporter. Il y a été blessé au pied par une
balle perdue démontrant les risques inutiles qu’il a encouru dans cette bataille
évitable, sans compter les milliers de morts inutiles.
4. La ménopause précoce de Joséphine contraint Napoléon à un
mariage malheureux
La ménopause précoce de sa femme Joséphine, malgré des cures à Plombières, a
contraint Napoléon à divorcer et à rechercher une nouvelle épouse issue de la
dynastie des Habsbourg. Lui même a plus tard considéré son remariage de
convenance comme une erreur politique. Napoléon 1er a ainsi été privé d’un
successeur fidèle à son héritage l’ayant connu et ayant été préparé à lui succéder. Le
fils de Napoléon, le prince de Reichstadt a constitué une impasse dynastique pour la
famille Bonaparte. Ce dernier était en Autriche-Hongrie soigneusement écarté de la
vie politique afin d’empêcher toute restauration durable de l’Empire. (95)
78
5. La catastrophe de Russie en 1812 évitable sans la trachéite, la
dysurie et l’œdème présentés par Napoléon à son arrivée à
Moscou
a) La campagne de Russie
Napoléon avait imposé aux Russes par la force le blocus continental contre
l’Angleterre. Celui-ci a gravement nuit à l’économie russe qui échangeait du blé
ukrainien et du chanvre contre des produits manufacturés anglais. D’autre part la
guerre en Europe a empêché les armées russes de poursuivre leur expansion dans le
Caucase et en Asie Centrale. Depuis 1811, malgré une rencontre entre le Tsar et
Napoléon, la Russie, financée par l’Angleterre, a réarmé mais n’a toujours pas
attaqué Napoléon. (96) De nouveau la France a été l’agresseur face à la Russie et
s’est heurtée à une nation réunie dont la culture religieuse et politique était opposée à
la Révolution. Napoléon a présenté 600 000 hommes dont 400 000 hommes en
première ligne, 150 000 chevaux, 25 000 chariots et 1 millier de canons c’est à dire
365 000 français et des alliés de toutes nationalités. Les Russes avaient 400 000
hommes sur le papier et 100 000 miliciens volontaires, une artillerie excellente mais
mal commandée. L’armée russe par ailleurs avait amélioré sa manœuvrabilité grâce à
une organisation en corps d’armée et était très motivée. La Russie avait fait la paix
avec les Turcs et s’était alliée avec la Suède de Bernadotte pour se concentrer contre
Napoléon Ier.(83)
b) Les opérations
Les armées françaises et alliées ont passé le Niémen le 22 juin 1814 et ont atteint à
marche forcée Vilna sans confrontation majeure avec les Russes le 26 juin. Les
Russes ont pratiqué une retraite organisée et une politique sans pitié de terre brûlée,
tout en refusant l’affrontement. Les Français tentaient d’encercler les Russes sans
avoir le temps de prendre des réserves. A Vilna les Français sont restés un mois, ils
ont tenté de négocier avec les Russes et de rassembler les traînards. Déjà 1/3 des
79
hommes manquaient. Puis la course folle a repris. A Vitebsk et à Smolensk les
Russes ont réussi à s’échapper sans combat.(83)
Murat comme l'
expérimenté général comte de Narbonne Lara (57 ans) ont supplié
Napoléon de s’arrêter mais celui ci voulait une victoire totale et a cru ou espéré que le
Tsar se battrait pour Moscou.
Le Tsar a enfin accepté de combattre devant Moscou sans s’y enfermer toutefois et a
placé à la tête de son état major un vieux général russe expérimenté, Koutousov, qui
avait déjà affronté Napoléon..
c) Napoléon est diminué physiquement par une trachéite
fébrile et une crise de dysurie pour la bataille de la Moskova.
Napoléon a été malade au cours de la bataille de la Moskova. L’enjeu était énorme :
un échec pour les Français loin de leurs bases aurait été dramatique, de même qu’une
destruction par les Français de l’armée russe aurait privée le Tsar des moyens
militaires d’un siège et l’aurait forcé à négocier. Les Français assaillis sans cesse
n’étaient plus que 103 000 fantassins dont 30 000 cavaliers et les Russes 103 800
fantassins et cavaliers avec 7 000 cosaques et 10 000 partisans. La bataille a eu lieu le
7 Septembre 1812.
Une trachéite fébrile a épuisé Napoléon depuis la nuit qui a précédé la bataille. La
veille de la bataille l’Empereur, contrairement à son habitude, avait dormi de manière
hachée.(88) D’après Constant, Napoléon était malade avec une forte fièvre et n’a
repéré que sommairement le terrain la veille des combats comme le matin même.
(26)(60). Les Russes avaient eu le temps de fortifier les hauteurs de Borodino la
veille des combats. Diminué, Napoléon a commis l’inhabituelle erreur de ne pas avoir
fait prendre ses hauteurs avant le combat.
Le jour de la bataille, un syndrome fébrile associé à «un rhume» ont affaibli
Napoléon d’après le général de Ségur. Il ne s’était pas montré partout aux avant
postes pour haranguer ses troupes, contrairement à son habitude. Il considérait
80
pourtant le moral des troupes au plus haut point. (60)(88) D’autres sources le disent
atteint d’une crise de dysurie depuis la veille (20,43,58,72). D’après Constant il a
seulement fait une crise de dysurie et n’a débuté sa trachéite que le lendemain de la
bataille.(26) Il n’est arrivé que difficilement à se tenir à cheval pendant la bataille.
P.Hillemand a affirmé que les incidents urinaires à répétition « ont empêché
Napoléon de profiter à fond de sa victoire de Borodino et contribuèrent largement à
sauver l’armée russe ».(48)
d) Napoléon est malade au cours de la bataille de Borodino.
Contrairement aux avis de Ney et Davout qui avaient reconnu le terrain, et qui
proposaient un « une manœuvre par les arrières », Napoléon a suivi un plan classique
décidé la veille et il a passé la journée de la bataille victime de la fièvre.(59)(60)
Napoléon a attaqué de front simplement alors qu’il courrait depuis 2 mois et demi
pour accrocher les Russes. Les Français ont difficilement pris les redoutes de
Borodino au centre du dispositif russe enfin en milieu d’après midi. Profitant d’une
hésitation de Napoléon, les Russes ont contre-attaqué vigoureusement avec la
cavalerie cosaque d’Ouvarov. Ney a déclaré au plus fort de la bataille : « que fait
l’Empereur derrière l’armée[…]Puisqu’il ne fait plus la guerre par lui même qu’il
retourne aux Tuileries et nous laisse être généraux pour lui. ». Le Comte de Ségur a
trouvé lui que l’Empereur a traîné à donner les ordres attendus. Napoléon avait dans
le passé souvent joué de toutes ses troupes pour arracher un succès devant des
adversaires eux prudents cherchant à préserver leur réserves comme les Autrichiens
dont par exemple l’excellente cavalerie hongroise n’a que peu combattu. Ce jour,
alors qu’il pouvait détruire l’armée russe en enfonçant le front central russe qui
cédait, il a décidé de ne pas employer les 30 000 hommes de la Garde Impériale. La
bataille était certes gagnée, la voie vers Moscou presque libre. Après la bataille
contrairement à son habitude il n’a pas visité le champ de bataille mais a été dormir
quelques heures avant de le faire le lendemain matin (27) Napoléon a disparu
quelques jours le 11 et 12 septembre selon Caulaincourt ne recevant que les
Maréchaux tant il était accablé par son infection (88)(21). Le Comte de Ségur a
81
conclu sur la santé de Napoléon: « après avoir préservé Koutousov d’une ruine totale
à Borodino, elle lui donna le temps de rallier son armée, et de les dérober à notre
poursuite. » (88) Cela n’a été que le 12 septembre que Napoléon a été en état de
reprendre la route vers Moscou. Au cours de la bataille, l’armée française a perdu 30
000 à 35 000 hommes et les Russes 50 000, si les Français sont restés maître du
terrain, les Russes ont reculé dans un ordre impressionnant en enterrant leurs morts et
en emportant leurs blessés et leur matériel. (95) Le succès incomplet a rendu la
bataille inutile. Il faut se rendre compte que les hommes perdus ne se renouvelaient
plus aussi bien qu’au début du règne quand on estimait alors que perdre 15 000 ou 20
000 hommes était déjà cher payé pour une victoire (83)(95). L’Empereur a perdu 43
généraux tués ou blessés lors de la bataille. Son armée a commencé à manquer
d’officier, en effet dans l’armée française on a perdu plus d’officier au combat que
dans toutes les autres armées. Ils combattaient en tête de leurs troupes dont ils étaient
souvent issus et qui étaient ainsi les plus déterminées de cette époque. (83) (95)
e) La retraite de Russie a tardé du fait des troubles
urinaires de Napoléon.
Le 14 septembre 1812 les armées napoléoniennes sont entrées dans un Moscou
abandonné par ses habitants sans même évacuer les stocks prévus pour le siège. Des
incendies volontaires en détruirent une grande partie privant ainsi les Français de
réserve. Napoléon est resté un mois à attendre une réponse du Tsar réfugié à SaintPétersbourg, à ses demandes de négociations. Il a attribué plusieurs fois à cette durée
excessive la source de son échec.(27) Napoléon a continué d’être dysurique « avec
des sédiments remplissant le tiers du vase » plusieurs jours. Il était atteint d’une
infection urinaire sur obstacle. (39)(45) Napoléon a souffert aussi d’œdème à Moscou
aux jambes en position debout. Le général Lejeune a affirmé : « Nous ignorions que
Napoléon fût souffrant et que cet état de malaise le mettait dans l’incapacité d’agir
dans les grandes affaires qui se déroulaient sous nos yeux.».(60) Lorsque Napoléon a
décidé la retraite découragé d’attendre une réponse du Tsar qu’il a presque imploré le
19 octobre1812, il était trop tard. (12)
82
f) La retraite de Russie
Koutousov a réussi par la bataille de Maloïarloslavets à dissuader Napoléon de passer
par le sud dans une région riche. (44) La retraite a alors commencé. Elle est passée
par des régions déjà dévastées à l’allée et des chemins boueux. Les Français ont été
continuellement assaillis par les cosaques et les miliciens. Les soldats sont d’abord
morts de faim, puis de froid, du typhus et de dysenterie. Ils ont perdu leurs chevaux
insuffisamment nourris et non ferrés à glace, épuisés à traîner les canons dans la boue
ou sur la glace. Ils ont été obligés d’abandonner tous leur chariots. Le passage de la
Bérézina a été désastreux et Napoléon a eu besoin de toutes ses ressources pour ne
pas perdre tout ce qui lui restait. En effet les renforts russes de Moldavie avaient fait
la jonction avec Koutousov. Les ponts avaient été coupés ou était aux mains des
Russes. Après une habile diversion, Napoléon a réussi grâce au pontonniers d’Eblé à
traverser la Bérézina. 35.000 hommes sont passés, 50.000 sont tombés aux mains des
Russes. Napoléon s’est précipité avec quelques hommes à Paris en laissant ses
troupes aller à Vilna car Napoléon a compris qu’il devrait en 1813 affronter les
Russes et même les Prussiens qui s’était insurgés. En tout, seuls 100.000 hommes ont
subsisté de l’armée des plus de 600.000 hommes qui avaient passé le Niémen, dont
les troupes de Mac Donald qui n’avaient pas combattu.(44)(95) (12)
6. L’Europe contre Napoléon
Au début de l’année 1813 Napoléon a regroupé 400.000 hommes afin d’affronter les
Russes, alliés aux Prussiens. Napoléon a attaqué le plus tôt possible pour devancer le
regroupement et l’instruction des troupes adverses. Il a battu les Prussiens à Lützen le
2 mai puis est entré dans Dresde et a battu les Russes à Bautzen. Après un court mais
trompeur armistice, les Autrichiens se sont joints aux alliés et une terrible bataille a
eu lieu devant Dresde les 26 et 27 août 1813. (83)(95)
83
a) Un syndrome fébrile prive Napoléon de sa suprématie en
Europe malgré sa victoire de Dresde
Cela a été un succès pour Napoléon. Les ennemis ont perdu 30.000 hommes et
d’importantes quantités de matériel. Ces victoires ont fait espérer aux Français un
abandon des Autrichiens signifiant un rapport de force plus favorable(69). Ménéval a
rapporté que l’Empereur qui avait passé toute la journée à cheval était déjà à la
poursuite de ses ennemis quand il a été atteint d’« une indisposition passagère mais
violente,
occasionnée peut-être
par l’abondance de pluie dont il avait été
inondé….des vomissements répétés firent craindre qu’il n’eut été empoisonné. L’on
dut précipitamment ramener à Dresde l’Empereur dans une prostration absolue de
ses forces et de ses facultés. L’armée alliée était alors dans une telle confusion qu’au
dire des ennemis eux mêmes, si elle eût été vigoureusement poursuivie, elle était
infailliblement détruite. Ce fatal accident la sauva et l’espoir de conquérir la paix
s’évanouit ! ». (81)D’après Constant l’Empereur a été malade toute la nuit suivant la
bataille et ne s’est occupé des affaires courantes que le lendemain matin. Napoléon
aurait lui accusé une intoxication alimentaire due à un gigot à l’ail(9) ou était en fait
plutôt malade du fait du mauvais temps des jours précédents. (39,67,68) Au
lendemain de cet épisode, Napoléon a décidé de se tourner vers Berlin aider Ney mais
ses généraux peu confiants après l’insuffisant succès de Dresde ont préféré
Leipzig où se concentraient ses adversaires, Napoléon convalescent est indécis pour
une rare fois. Il les a finalement suivis, ce qu’il regrettera amèrement(26). Le 26 août,
l’armée de Mac Donald a été détruite par Blücher. Le corps de Vandamme qui aurait
dû couper la route aux Autrichiens de Schwarzenberg qui s’échappaient a été détruit à
Külm le 29 août et surtout Berlin a vu les Prussiens battre Ney le 6 septembre 1813,
annulant ainsi la victoire de Dresde (95). L’espoir a quitté le camp Français.
b) L’heure de la retraite.
Les Russes, Prussiens et Autrichiens se sont regroupés à Leipzig. C’est la bataille des
Nations : 190.000 Français ont combattu 335.000 alliés. Les Français ont cédé et sont
abandonnés par les Badois et les Saxons pendant la bataille et 50.000 Français sont
restés bloqués dans Leipzig par l’explosion prématurée du dernier pont de la ville.
84
Napoléon revint en France avec 110.000 hommes seulement, 90.000 étaient restés
bloqués dans des places fortes à l’est du Rhin et ont cruellement manqué pendant la
campagne de France de l’année 1814.(95)(83)
c) La campagne de France
En début 1814, les Hollandais se sont révoltés, suivis par la Westphalie qui également
a abandonné l’Empereur, même Murat s’est éloigné. Napoléon a alors appelé les
Maries-louises et toutes les réserves comme les réformés des classes précédentes.
Avec ces hommes peu expérimentés, manquant d’encadrement, l’Empereur a
remporté de beaux succès mais ses ennemis étaient déterminés à sa perte et bien plus
nombreux que lui. La France a été envahie de plus par le sud à partir de l’Espagne, ce
qui a privé Napoléon de 100.000 hommes. L’aventure espagnole a coûté bien cher en
définitif. Jouant le tout pour le tout Napoléon a découvert Paris pour couper les
arrières des envahisseurs quand ceux-ci prirent la ville peu défendue par les faibles
troupes de Marmont. Les maréchaux et généraux français ont alors amené l’Empereur
à la raison. Il a abdiqué le 6 mars 1814 à Fontainebleau. Il a été exilé sur l’île d’Elbe,
dont la souveraineté lui est donnée, avec 700 volontaires de la Vieille Garde.(27)(95)
7. Les 100 jours et la défaite de Waterloo causées par un
Napoléon diminué par une crise hémorroïdaire et une dysurie.
Napoléon a débarqué le 1er mars 1815 à Golfe Juan et est arrivé à Paris, en passant
par les Alpes et Grenoble le 20 mars 1815. Les alliés étaient encore divisés sur le sort
de l’Europe. Napoléon a voulu profiter de leur discorde et du mécontentement causé
par la restauration après 25 ans de révolution. La principale armée de Napoléon n’a
regroupé que 123.000 hommes alors que les alliés se sont mis d’accord pour
rassembler au moins 700.000 hommes. Napoléon a décidé d’attaquer avant la
concentration des armées ennemies bien supérieures en nombre. Napoléon a donc
attaqué brillamment en Belgique le 14 juin 1815 mais ses officiers, moins capables,
qu’à l’accoutumée lui ont fait perdre une grande partie du bénéfice de la surprise, et
le général de Bourmont, passé à l’ennemi, a dévoilé le point où l’Empereur devait
85
attaquer et pourtant l’Empereur a failli réussir dès le premier jour à tromper ses
adversaires pour les séparer.(59)
Napoléon est apparu à ceux qui ne l’avaient pas vu depuis un an comme ayant pris de
l’embonpoint, avec un invincible besoin de sommeil. Pendant le même temps
d’autres personnes l’ont vu débordant d’activité. Des témoignages ont affirmé qu’il
était atteint de dysurie à plusieurs reprises en avril et mai 1815 (17) Cela a renforcé
les témoignages concernant ces crises de dysurie pendant le bataille de Waterloo.
a) La bataille de Waterloo.
La bataille a duré du 16 au 18 juin 1815 et s’est déroulée près de Fleurus le haut-lieu
de mémoire des guerres révolutionnaires. Les Anglais et leurs divers alliés dirigés par
Wellington qui a déjà vaincu des armées françaises en Espagne étaient 96.000. Les
Prussiens commandés par Blücher étaient 124.000. En l’absence de Berthier,
Napoléon était gêné par son état-major lent et médiocre ainsi que par des
communications étonnamment mal établies. 8.000 à 30.000 hommes étaient en
Vendée pour vaincre une nouvelle révolte de chouans le 20 juin, leur absence a été
déterminante. (95)
La veille de la bataille, le 15 juin 1815 Napoléon a été décrit par Montréal, un
capitaine de grenadier : « Je le vois assis sur une chaise, la tête lourdement appuyée
sur ses mains vissées au dossier, dormant lourdement. Je compris qu’il était usé,
malade, trop vieux pour commander.» Cela en dit long sur le moral des troupes à
l’aube d’affronter les Prussiens et les Anglais, puis restaient à venir les Russes, les
Autrichiens avec des renforts allemands et suédois.
Le 16 juin 1815 Ney a attendu l’ordre du lendemain après midi de Napoléon afin de
prendre un carrefour stratégique offrant aux Anglais le temps de s’y retrancher.
L’incurie de l’état major a fait faire des aller-retour inutiles aux troupes de Drouet.
Napoléon n’a pas réussi à détecter ces cafouillages ni à y remédier. (95)Toujours le
16, à la suite d’une crise de panique au sein de son armée Napoléon a dû en personne
rétablir l’ordre. Il est obligé de donner la Garde pour enfoncer les Prussiens dont le
86
centre a enfin cédé, et qui reculaient en ordre. Blücher qui avait chargé avec sa
cavalerie a été renversé sous son cheval et avait même perdu le contact avec son étatmajor. Napoléon, malade et sans état-major valable, a envoyé le 17 juin soit avec un
jour de retard, Grouchy poursuivre les Prussiens.
L’Empereur était « physiquement et mentalement exténué » selon Rothenberg. Il n’a
pas engagé une « manœuvre par les arrières » à ce moment crucial pour détruire les
prussiens dont les pertes ont été importantes, et qui étaient encore isolés des Anglais.
En fait l’Empereur a quitté le champ de bataille à ce moment .(59) Les
hémorroïdes comme « le remède héroïque » de celles-ci ont pu expliquer sa difficulté
à se déplacer et sa disparition du champ de bataille le 16 juin. (20)(39). Le remède
était constitué d’eau bouillante additionnée d’extrait de saturne (sous acétate de
plomb) appliquée avec des linges propres. (17) La crise hémorroïdaire s’est
accompagnée d’après certaines sources d’une crise de dysurie, une autre atteinte
ancienne de l’Empereur. La difficulté de marcher de Napoléon le 17, a fait évoquer
un prolapsus hémorroïdaire.(5)
Le matin du 17 l’ordre d’attaquer les Anglais, encore seuls, a mis trois heures à
arriver à Ney. De plus cet ordre était incomplet ainsi Ney a attaqué trop tard et a
trouvé des Anglais regroupés depuis très peu de temps, ce qui a déterminé son échec
dans ce combat qui aurait dû permettre à Napoléon de vaincre ses ennemis
séparément selon son plan. (83)
La présence diminuée de l’Empereur s’est exprimée dans l’incurie de son état-major.
Le 17 au soir avant la bataille de Waterloo, Napoléon a circulé en voiture.
Contrairement à son habitude il n’a pas pu semble-t-il faire un repérage à cheval qui
soit approfondi. (67)
b) Le 18 juin 1815
De nouveau le 18 juin le jour de Waterloo, Napoléon était intensément algique,
Jérôme Bonaparte a rapporté plus tard que Napoléon a dû en pleine bataille s’écarter
et appliquer le traitement héroïque prescrit par Larrey.
87
Le 18 juin 1815, 74.000 Français ont attaqué 67.000 Anglais solidement retranchés.
Napoléon a prévu une attaque de diversion puis un assaut central après une intense
préparation d’artillerie. La bataille a débuté tard probablement du fait de l’état de
santé de Napoléon et du sol boueux, empêchant le placement de la batterie d’artillerie
Les forces anglaises et prussiennes ont alors commencé leur jonction. Napoléon, du
fait de son état, a donné la direction des opérations à Ney qui a déjà les jours
précédents comme en 1813 montré ses limites à diriger. L’absence de Napoléon a été
décisive pour Ney, qui comme plusieurs autres maréchaux, a prouvé ses limites dans
un commandements indépendant. Peu de maréchaux ou généraux ont su montrer un
esprit d’initiative tant ils avaient l’habitude d’être commandé :« la discipline » était la
règle et l’initiative personnelle n’était pas recherchée même à la tête de
l’armée.(34)(95)(83)
La Prusse venait de se moderniser en créant la Kriegsakademie (école de guerre) et
des états-majors collégiaux. Napoléon, lui, prenait avis chez ses subordonnés mais
décidait seul. En son absence le système ne fonctionnait plus.(83)
Les Français se sont lancés à l’assaut des Anglais à Hougoumont sans succès. Puis à
14 heures après une préparation d’artillerie, l’infanterie française est partie à l’assaut
des deux centres anglais de Wellington. Si les Français ont fini par reculer devant la
charge de la cavalerie anglaise, celle-ci fut à son tour décimée par les lanciers
français. Mais depuis 13 heures les troupes prussiennes arrivaient par l’ouest et
Grouchy avec des ordres insuffisants ne les a pas arrêtées. Napoléon a imputé la
responsabilité de Grouchy dans la défaite du 18 juin, cependant il avait omis de le
faire chercher. Ainsi a disparu la dernière chance de vaincre des ennemis encore
séparés. Les Prussiens en nombre croissant s’approchaient lentement des Français.
Napoléon a cherché encore à surprendre et à diviser les Anglais qui attendaient le
regroupement complet avec les Prussiens. Napoléon a lancé toutes ses forces pour
percer les lignes anglaises à 15 heures. Ney abusé a lancé trop tôt sa cavalerie. Ce
n’est qu’à 18 heures que Ney a pris les positions anglaises. Napoléon a dû
simultanément engager sa Jeune Garde pour contenir les Prussiens de plus en plus
88
pressant sur sa droite et n’a pu pas ainsi profiter de l’avancée de Ney quand il a fait
donner la Garde et toutes ses réserves à Ney dont les troupes étaient harassées. La
Garde a fini par reculer et cela a été la débandade. Seuls deux bataillons de Grenadier
de la Garde ont pu conserver un ordre pour couvrir la retraite. La bataille de Waterloo
était perdue. (34) (95)
Un Napoléon, lucide, plus présent sur le terrain, aurait certainement évité une telle
défaite en rattrapant les erreurs de transmission de son état-major. Une bonne gestion
de cet affrontement ne lui aurait pas donné la victoire complète sur des ennemis
décidés et en net surnombre mais permis de négocier pour gagner du temps afin que
l’armée de l’ouest, disponible quelques jours plus tard le rejoigne accompagnée par
les troupes en formation, encore en casernement. (83)
La stratégie de Napoléon a été bouleversée par son incapacité à gérer sa faiblesse
physique pendant ce moment décisif. Son plan : battre ses ennemis séparément, aurait
pu réussir. Napoléon aurait ainsi eu le temps d’avoir les coudées franches vis à vis du
Congrès qui lui avait refusé jusque là les moyens demandés.(95)
Il est probable qu’une partie de la gène de l’Empereur, à savoir des hémorroïdes
certainement consécutifs à une constipation, ait pu être due au stress énorme de la
situation pour cet homme habitué à la réussite. La gestion du stress fait éminemment
partie de la stratégie militaire et de l’art de la guerre.
8. Conclusion
Après sa défaite, sa lassitude en grande partie liée à son état de santé a retiré à
Napoléon toute combativité. On l’a vu soutenu par les cotés ne pouvant se tenir à
cheval lors de sa dernière retraite. Une défaite touche le moral mais sur un état
affaibli ses effets sont terribles. Il n’a plus la force de s’assurer une sortie de la scène
avec plus de liberté mais moins de gloire que celle du martyr qu’il s’est attaché à
89
devenir à Sainte-Hélène. Une partie de l’échec du plus grand conquérant de l’histoire
française peut s’expliquer par ses faiblesses humaines.
90
E. NAPOLEON III : SES PROBLEMES URINAIRES SONT A L’ORIGINE
DE LA CHUTE DU SECOND EMPIRE
I.
NAPOLEON III : L’HOMME
1. Sa famille
Louis Napoléon Bonaparte est le fils de Louis Bonaparte un frère de Napoléon Ier,
éphémère roi de Hollande, et de Hortense de Beauharnais, la fille du premier mariage
de l’Impératrice Eugénie. (96)
Sur le plan des antécédents médicaux, Louis Bonaparte a été victime en Italie de
maladies vénériennes (syphilis ?) à l’âge de 19 ans qui lui ont miné sa santé et sa
carrière. Il passait une bonne partie de son temps à se soigner en cure. Il souffrait
d’après Corvisart d’un sentiment de persécution ainsi qu’« une espèce de
dessèchement déjà très sensible des 2 mains qui s’étend visiblement à une partie des
avants-bras. ».(94)(86)
Le futur Empereur, Louis Napoléon, est né en 1808 à Paris. Son premier frère aîné a
été emporté par une maladie infectieuse dès l’enfance. Le jeune Louis Napoléon a
connu l’Empereur au cours de ses jeunes années, notamment à l’occasion des CentsJours qui l’ont marqué. Contrairement à son cousin le prince de Reichstadt, il a été
éduqué par sa mère dans le souvenir, la fidélité et la nostalgie de l’Empire.(73)
2. Sa jeunesse
Sous la restauration le jeune prince a été interdit de séjour en France. Il a trouvé asile
dans le reculé canton de Thurgovie. (95)
91
Il a participé aux mouvements d’insurrections de 1830 pour l’indépendance et l’unité
de l’Italie en Romagne (un des états du Pape) avec son frère Louis. Il y a rencontré le
futur Docteur Conneau, le fils d’un diplomate français du Ier Empire, avec lequel il
s’est lié pour la vie. Pendant cet épisode le frère de Napoléon III, Napoléon-Louis est
décédé d’une rougeole qui a également rudement affecté le futur Empereur. L’année
suivante, le duc de Reichstadt, l’héritier légitime et fils de Napoléon Ier est décédé lui
aussi prématurément à l’âge de 32 ans d’une congestion cérébrale faisant ainsi de
Louis Napoléon l’héritier de la famille Bonaparte. Ainsi ce furent des maladies
infectieuses qui ont emporté les deux frères aînés de Louis-Napoléon et le duc de
Reichstadt, mettant ainsi Napoléon III sur la voie du trône. (42) Le futur Empereur, à
l’instar d’un roi de l’ancien régime comme Charles VI ou Louis XVI, a dû sa place de
prétendant au trône et sa couronne au fait d’avoir échappé à des maladies infectieuses
plus dévastatrices que des guerres, encore à cette période. Cela a soulevé la question
suivante si l’un des frères aînés avait survécu ou si le duc de Reichstadt était mort
plus âgé, quel aurait été le destin de la France ?
Un prince comme le Duc de Reichstadt, encore plus germanisé que le futur Napoléon
III aurait-il pu être accepté par les Français? Si tel était le cas, quelles influences et
complicités y aurait-il pu avoir entre la France et l’Empire autrichien? Les
nostalgiques de l’Empire avaient beaucoup espéré de l’Aiglon. Avait-t-il réellement
eu, comme le disent certains une attention politique aiguisée vers la France ? Il est en
tout cas décédé trop tôt pour s’exprimer pleinement.
3. La montée au pouvoir
Louis Napoléon a manifesté une agitation qui a réveillé les nostalgiques de l’Empire
déçus par la restauration tout en ne se reconnaissant pas d’autre part dans un régime
républicain. Il a tenté un premier coup de force militaire à Strasbourg en 1836 qui a
échoué rapidement et l’a contraint momentanément à l’exil en Amérique. Après le
décès de sa mère en 1837, sa situation matérielle s’est améliorée grâce à son héritage.
Il s’est alors installé en Angleterre et y a publié « Des Idées Napoléoniennes ». Lors
92
du retour des cendres en France en 1840, il a tenté un retour mais a échoué à nouveau
lamentablement. Il a été alors interné à perpétuité dans l’humide forteresse de Ham. Il
a eu au cours de cette réclusion deux fils d’Eléonore Vergeot, une jeune fille du lieu.
Ils seront faits Comtes sous le Second Empire. (91)
En 1846, grâce à son fidèle ami le Docteur Conneau il s’est échappé de Ham, et il est
passé en Belgique, puis en Angleterre (91). L’année 1848 s’est accompagnée de
révoltes populaires dans toute l’Europe. La France a été la première à se révolter en
février 1848 et bientôt un vent révolutionnaire a bouleversé l’Allemagne, l’Empire
autrichien et l’Italie. L’Italie cherchait à s’unifier, les états allemands cherchaient des
régimes libéraux pendant que les peuples de l’Empire autrichien cherchaient à libérer
leur nation.(41)
Une insurrection populaire a instauré en France, en 1848 la Deuxième République.
En décembre 1848, Louis Napoléon qui a réuni derrière lui les conservateurs
monarchistes, en partie la droite catholique et le vote populaire par le prestige de son
nom est élu président pour 4 ans au suffrage universel. En 1851 à l’approche du
terme de son mandat, il a pris le pouvoir par un coup d’état qu’a avalisé un plébiscite
en 1852. Il s’est marié l’année suivante avec Eugénie de Montijo y Guzman, la fille
d’un général espagnol qui avait servi Napoléon 1er. (41)(42)
4. Son règne
a) La politique intérieure
Pendant les premières années du règne, l’essor économique a assuré une tranquillité
politique au régime. Le Second-Empire a appliqué une politique de grands travaux, a
développé les chemins de fer, le télégraphe, le crédit et a ouvert la France au
commerce international par le développement du libre-échange. Ainsi l’industrie s’est
modernisée. Haussmann a transformé la capitale. (41)
93
b) La politique extérieure
Napoléon a cherché à faire sortir la France de son isolement politique. Il s’est fait le
défenseur des indépendances nationales. Il a recherché des frontières naturelles pour
la France et s’est occupé personnellement des affaires étrangères pendant tout son
règne. Il a poursuivi une politique d’alliance internationale de premier plan et a
profité des événements plus qu’il ne les a provoqués.(41)(42)
Napoléon a participé à la guerre de Crimée en 1854. La France s’y est associée avec
l’Angleterre puis même les Sardes pour soutenir les Turcs contre les Russes qui
essayaient de libérer les populations slaves du sud-est de l’Europe pour leur proprecompte et ainsi de se s’approcher des mers chaudes. De mars 1854 à décembre 1855,
la guerre a fait rage en Crimée. Les Russes ont fini par abandonner Sébastopol et
céder. Les pertes ont été importantes, environ 110.000 morts pour chaque camp dont
80% par maladie: le typhus et la dysenterie. (41)(42)(90)
La scène politique européenne de la deuxième moitié du XIXème siècle a été marquée
par
des
luttes
d’influences
intenses
sur
des
questions
nationales et
religieuses.(41)(90)
En 1860, la France est intervenue au Liban pour protéger les chrétiens des druzes. La
France a habilement réussi à se positionner comme protectrice des chrétiens d’Orient.
Un des grands projets de Napoléon III en Orient était le percement du canal de Suez
qui s’est achevé en 1869 après dix années de travaux. En Extrême-Orient, la présence
française s’est installée dans la péninsule indochinoise au Cambodge et en
Cochinchine. En Océanie la France a pris possession de la NouvelleCalédonie.(41)(90)
c) L’unité italienne.
Napoléon a longuement hésité avant d’intervenir en Italie pour libérer ce pays de la
présence autrichienne. Après les entretiens de Plombières avec Cavour le 2 juillet
1858, Napoléon s’est engagé et a combattu les Autrichiens en 1859 à Magenta puis il
a délivré Milan. Après la bataille de Solferino, il a signé un accord d’armistice avec
94
les Autrichiens. Napoléon III a essayé dans le même temps de protéger le Pape. Ce
jeu contradictoire l’a froissé avec les Italiens qui n’ont pas accepté cette limite qu’a
fixé Napoléon III dans leur unité nationale.(41) L‘indépendance et l’unité italienne
ont ainsi été le fruit de la diplomatie des thermes de l’Empereur.(22)
L’Italie s’est unifiée au nord des Etats de l’Eglise autour du Piémont puis elle a
annexé le royaume des Deux Siciles au sud de Rome en 1860. La France a reçu en
échange de ses bons soins Nice et la Savoie en 1861 après un référendum local. La
France en empêchant l’annexion de Rome par le nouvel état italien a préservé son
équilibre intérieur mais s’est privée d’un allié pour la guerre de 1870. L’unité
italienne s’est complétée après la défaite de 1870, ainsi la perte du pouvoir temporel
du Pape a été une conséquence directe de la chute de Napoléon III et donc de ses
problèmes urinaires.(41)
d) Les premières réformes libérales
En 1860, Napoléon a entrepris des réformes autorisant une vie politique. Il a accordé
le droit d’adresse et le droit de vote du budget au parlement. La réforme politique n’a
été en fait qu’une demi-réforme qui a dérangé les conservateurs mais a été
insuffisante pour les républicains et les libéraux. Seule une profonde réforme désirée
par l’Empereur pouvait donner une légitimité populaire au régime. L’Empire restait
suspendu au rôle de Napoléon III. Ses échecs ne trouveraient d’autre fusible que le
régime tout entier lui même. (41)(42)(90)
e) Les prémices de la guerre.
En Prusse, Guillaume Ier est devenu roi en 1861, il a pris comme chancelier Otto von
Bismarck-Schoenhausen qui avait la poigne et la détermination suffisante pour mener
un véritable course à la guerre justifiée par l’unification allemande. Bismarck a
d’abord écrasé l’opposition parlementaire prussienne. La France a réagi
insuffisamment en se dotant de l’excellent fusil Chassepot, son artillerie est restée en
retard, quand à ses troupes, elles étaient occupées en outre mer et ne se préparaient
pas du tout à une guerre moderne. (41)(90)
95
En 1863, Napoléon III fidèle à son oncle a soutenu la révolte polonaise contre le Tsar,
ce qui lui valut une inimitié tenace du Tsar et l’a privé inutilement, vue l’issue
évidente de la révolte, d’un allié supplémentaire après l’Italie face à l’effort de guerre
prussien. Cette même année Napoléon a souffert de sa première lithiase.(41) (90)(86)
La guerre entre la France et la Prusse semblait déjà inéluctable. Sur le plan intérieur
l’état de santé de l’Empereur rendait la situation de plus en plus fragile alors que des
danger s’amoncelaient à l’horizon. Dans ce contexte Napoléon a décidé de libéraliser
le Second Empire contre l’avis de ses ministres et de l’Impératrice. (41)(86)(90)
II.
LES ELEMENTS PATHOBIOGRAPHIQUES DE NAPOLEON
DE NAPOLEON III.
1. Avant l’accession au pouvoir
Nous allons reprendre ce que nous savons de la patho-biographie de l’Empereur
Louis Napoléon a été victime à l’âge de 24 ans d’une rougeole lors de son
engagement en Italie contre les Autrichiens en même temps que son frère qui en est
décédé. Il s’est alors soigné par la pose de sangsue à la gorge. Après s’être enfui
d’Italie, il a trouvé refuge cette même année en Angleterre où il a présenté une
jaunisse accompagnée d’une éruption qu’il a soignées par une cure de trois mois à
Tumbridgewells. Il a séjourné de nouveau en Angleterre de fin 1838 à début 1839 et
en a profité pour se rendre en cure à Leamington Spa.(86) (90)
Lors de son emprisonnement dans la forteresse de Ham, Louis Napoléon a souffert de
l’humidité car les appartements dans lesquelles il a logé étaient construits sur un
canal destiné à inonder les fossés de la forteresse. l’Empereur a attribué à cette
humidité son habitude de surchauffer toute sa vie ses appartements à la grande gêne
de ses invités(19)et les douleurs « rhumatismales » dont il a souffert dès 1841. Il était
déjà trouvé « pâle » comme l’a remarqué le registre d’écrou à son incarcération et le
96
témoignage de l’américain Wikoff en 1845. (19)(86) On peut penser qu’il était
anémique dès cette période. Il souffrait en effet d’hémorroïdes comme son oncle
Napoléon Ier. Le futur Empereur qui a connu une longue période d’inactivité et
d’ennui a pris du poids. Sa sédentarité et une alimentation riche en purine ont dû
favoriser ses problèmes de goutte ainsi que ses calculs urinaires. (19)
Après son évasion de Ham en 1846, il a été traité à Londres de « dilatation de la
pupille » par la pose de sangsue ! (19)(86)
Napoléon affectionnait particulièrement les cures thermales. En 1846 après son
évasion de Ham il a été en cure à Bath en Angleterre. En France il a fréquenté
Plombières puis Vichy. Il a fait aménager ces stations thermales et a contribué à leur
succès mondain.(19)(42)
2. Le service de santé impérial
Napoléon III en montant au pouvoir a établi un service médical complet, calqué sur
celui du Premier Empire et organisé par Fould. Il comprenait un Premier Médecin :
Conneau ; un Médecin Ordinaire ; quatre Médecins et trois Chirurgiens Ordinaires ;
six Médecins et Chirurgiens Consultants à titre honorifique et huit Médecins et
Chirurgiens présents par « quartier » assurant à tout heure une permanence médicale.
Le service médical comportait également un médecin accoucheur puis un Médecin
Ordinaire du Prince Impérial.
On retrouvait Corvisart, le neveu du médecin de Napoléon Ier, Médecin Ordinaire
adjoint au Premier Médecin pendant tout l’Empire et Dubois, l’accoucheur de
l’Impératrice Eugénie qui n’était autre que le fils de celui de l’Impératrice Marie
Louise.(86)
3. La santé de l’Empereur pendant le règne
97
Depuis le début de son règne, Napoléon III a semblé atteint de problèmes vésicaux.
Maupas le ministre de la Police en était au courant dès 1853. « L’Empereur est
toujours dans un état de maladie et de souffrance…la vessie paraît être l’organe
particulièrement atteint.»(86) Les problèmes urinaires gêneront souvent et de plus en
plus l’Empereur au cours du règne. Il a semblé au début que c’était une dysurie liée à
une rétention sur de simples adhérences post-blennorragiques. Conneau avait déjà été
contraint avant la colique néphrétique de 1863 de sonder l’Empereur pour lever des
adhérences.(86)
En 1856, l’Empereur a avoué à sa femme être : « très souffrant et que les réactifs qui
d’habitude calment ses douleurs n’ont pas fait que les irriter. ». Il a inauguré ses
cures annuelles estivales par une première cure à Plombières. Il y est retourné tous les
ans jusqu’en 1859 pendant les mois de juillet et d’août. Ces cures étaient le prétexte à
des rencontres politiques parfois cruciales. La cure de 1858 a été diplomatiquement
riche et a permis des entretiens avec Cavour qui ont mis au point l’intervention
française en Italie. Après la campagne d’Italie, l’Empereur a souffert en 1859
d’hémorroïdes et d’anémie. Ces deux phénomènes ont été une cause généralement
négligée de l’arrêt des hostilités en Italie, l’Empereur a dirigé les troupes et sa
présence aux combats était indispensable. La gestion des problèmes politiques
inhérents au conflit requérait une énergie intense dont ses douleurs urinaires l’ont
privé en fin de combat. On a pu mesurer sa gène à la durée de la cure qui a suivie. Il
est allé à Eaux-Bonnes pour se reposer dès son retour d’Italie. A partir de 1860, ce fut
à Vichy qu’il partait en cure chaque été pour soigner son état « arthritique », ou en
tout cas désigné comme tel par la propagande.(90)
Un courrier du docteur Conneau en 1861 a affirmé que Napoléon III « souffre
d’hémorroïdes douloureuses et d’une irritation inquiétante de la peau ». Quant à
Napoléon lui même, il s’inquiétait des douleurs d’origine inconnue qu’il éprouvait
aux jambes.(86)(42)
4. Une première colique néphrétique
98
En 1863 il a fait une première crise de colique néphrétique. Selon Conneau elle a été
cachée à l’Impératrice sur décision de Napoléon III. Conneau lui a alors conseillé un
régime, du repos, de s’abstenir de galante compagnie et de boire de l’eau de
Contrexéville.(42)
5. Une première rétention urinaire
Il a été sondé en 1864 à Vichy par le docteur Guillon pour une rétention urinaire sur
obstruction vésicale, le sondage a été suivi de fièvres aiguës et de troubles digestifs
qui pourraient bien être des bactériémies aiguës. Cela a été la première manifestation
de son calcul vésical à peu près établie. A partir de ce moment la santé de l’Empereur
a décliné rapidement. Il a fait deux syncopes à Biarritz le 07 octobre 1864 après une
nuit galante puis une nouvelle chez sa maîtresse à Paris la même année.
L’Impératrice s’est déplacée chez celle-ci pour l’accuser d’un cinglant : « Vous tuez
l’Empereur ! » (42)
Les deux années suivantes ont été difficiles du point de vue de sa santé comme du
point de vue politique. Il a annulé ses représentations officielles en janvier et mars
1865. L’Empereur a utilisé dès lors une canne pour se déplacer. Une crise
douloureuse aiguë a débuté en plein spectacle à l’Opéra le 6 mars 1865, le lendemain
il n’a pas assisté pour la première fois au Conseil malgré toute sa bonne volonté de
cacher ses faiblesses à l’opinion. Le mois de mai, un voyage en Algérie a été organisé
pour tenter d’améliorer sa santé. Avant son départ il a rédigé pour la première fois un
testament ce qui démontre son inquiétude. (42)(90)
6. La première pyélocystite
En inspectant des troupes au camp de Chalons en août 1865, Napoléon III a fait une
crise abdominale très douloureuse accompagnée d’une hématurie et d’une
pyélocystite, il a cru sa mort arrivée. Larrey, le médecin chef des armées, qui l’a
99
examiné a fait le diagnostic de calcul vésical mais l’Empereur a demandé le secret et
refusa le cathétérisme prescrit. Larrey a rapporté dans ses souvenirs : « En vain, je
suppliai l’Empereur de faire procéder aussi tôt que possible à cet examen. Il ne
voulut pas en entendre parler, il me demanda même de garder le silence le plus
absolu : personne ne doit savoir ce qui vient de m’arriver. Je vous demande votre
parole d’honneur de ne révéler à personne, même pas à l’Impératrice, ce que vous
avez constaté ». Il a refait un épisode semblable peu de temps après en Suisse.(86)
7. Les crises de pyélonéphrites aiguës à répétition sur calcul
vésical
L’année 1866 a été politiquement riche avec la guerre austro-prussienne. Napoléon
III n’avait jamais été aussi mal. Metternich, le diplomate autrichien, qui a rencontré le
7 juillet 1866 l’Empereur affirma que « depuis que je connais l’Empereur, je ne l’ai
jamais vu dans un tel état de prostration complète ». Oncken a rapporté « il ne peut
plus marcher, plus dormir et à peine manger… » (41) Canrobert qui a vu Napoléon
III à la fin du mois de juillet a affirmé : « c’est à peine s’il peut se lever de son
fauteuil et ses traits tirés traduisent à la fois l’angoisse et la douleur morale.» A
Vichy le 29 juillet 1866, puis le 2 août Napoléon III est sondé par Guillon pour une
rétention complète. Le 8 août de nouveau il est sondé. Chaque sondage est
accompagné d’importantes douleurs et d’épisodes fébriles très probablement liés à
des bactériémies fréquentes dans ses gestes. D’après Guillon, l’Empereur souffrait
également toujours d’hémorroïdes et à ce moment d’une prostatite chronique. Guillon
a réexaminé l’Empereur à Biarritz en fin d’année et a diagnostiqué à Napoléon III des
hémorroïdes ainsi qu’une prostatite aiguë. Napoléon III a encore refusé toute
exploration instrumentale. Le caractère purulent des urines se poursuivra depuis cette
période jusqu’à la guerre de 1870 d’après le rapport de Germain Sée.(86)
En 1867 la pyélocystite a persisté puis s’est calmée lentement. Le souverain se
maquillait pour ses apparitions en public afin de masquer son abattement et sa
pâleur.(42)(86)
100
L’année 1868 a été une année de répit.
Au mois d’août 1869 l’Empereur a été de nouveau en obstruction et a nécessité d’être
sondé. Il a souffert d’infection et émis du pus de manière importante, constamment
jusqu’à l’année 1871. L’Empereur temporisait toujours malgré les crises fréquentes et
refusait une salutaire exploration.(86) Cette pyélocystite chronique l’a empêché de
préparer la guerre ou d’influer sur sa survenue.
8. La Grande Consultation
Napoléon III a fait une crise fébrile et douloureuse chez sa cousine la princesse
Mathilde le 14 mai 1870, celle-ci inquiète, réussit à le convaincre de consulter le
professeur Germain Sée qui avait acquis la considération de la princesse. Le 1er juillet
1870, à la veille de la guerre avec la Prusse, une grande consultation a eu lieu pour
étudier les problèmes urinaires de l’Empereur. (86)
Ont assisté à cette consultation providentielle le professeur Germain Sée, les docteurs
Conneau, Corvisart, Nélaton, Ricord et Fauvel. Sée et Ricord étaient pour le
diagnostic de calcul. Le chirurgien Nélaton après deux échecs retentissants a craint
l’opération. Il venait de perdre Troplong, le président du Sénat, et le Maréchal Niel en
1869 lors d’une lithotritie. Conneau, Corvisart et Fauvel n’ont diagnostiqué qu’une
cystite probablement pour éviter un sondage qu’ils ont redouté fatal.(41)(42)
Voici le procès-verbal de la consultation fait par Germain Sée et non signé par les
autres médecins présents. C’est un document unique pour notre connaissance.
« Depuis 5 ans, il y a eu 4 hématuries, à la suite de celle de 1867, les urines sont
restées pendant un an mucopurulentes, puis elles se sont éclaircies; et, depuis le mois
d’août 1869, où il y a eu des accidents aigus et graves dans les organes urinaires, les
urines ont constamment contenu une certaine quantité de pus, évaluée au minimum à
1/40 et pendant la période aiguë à ¼ ou à1/2 de la totalité des urines.
101
Très souvent aussi il y a eu de la dysurie, de la lenteur très marquée pour uriner le
matin; d’autres fois des interruptions du jet de liquide, et par moments il y a eu des
difficultés telles qu’il a fallu recourir à la sonde; c’est ce qui est arrivé à Vichy, il y a
3 ans, et au mois d’août 1869. Il est à noter aussi que, depuis ce temps, l’équitation et
les secousses de la voiture réveillent souvent des douleurs dans les reins ou dans le
bas-ventre, ou au fondement. Or une maladie caractérisée par ces trois
phénomènes :1°)hématuries répétées; 2°)urines purulents depuis trois ans, avec des
alternatives plus ou moins marquées; 3°) dysurie fréquente, caractérisée par le
spasme ou par l’inertie de la vessie, ne peut être rapportée qu’à une pyélocystite
calculeuse.
S’il n’y avait eu que les urines purulentes, on aurait pu songer à un simple catarrhe.
Si on avait pas eu à tenir compte de ce qui s’était passé avant le mois d’août 1869, on
aurait pu penser à un abcès périvésical ouvert dans l’urètre. Mais les hématuries
antérieures, mais la persistance de la purulence des urines depuis un an, le retour
fréquent de la dysurie et l’augmentation des douleurs par les secousses doivent faire
songer à une cystite d’origine calculeuse, que le calcul soit placé et enchatonné dans
la vessie ou qu’il ait eu son siège primitif dans la vessie.
Il y a d’ailleurs, de temps à autres, un excès d’acide urique et d’ urates dans les
urines.
C’est pourquoi nous considérons comme nécessaire le cathétérisme de la vessie à
titre d’exploration, et nous pensons que le moment est opportun, par cela même qu’il
n’y a actuellement aucun phénomène aigu.
Si en effet, la dysurie ou la purulence, ou les douleurs augmentaient ou
reparaissaient, on aurait à craindre de provoquer par l’exploration une inflammation
aiguë. »(86)
Ce rapport est le seul document médical qui montre l’état de l’Empereur la veille de
la guerre de 1870 et comme le dit Nélaton au déclenchement de la guerre : « quant à
102
supposer la guerre, c’est inadmissible, l’empereur est malade, il lui serait impossible
de monter à cheval, il y a eu consultation c’est sérieux ». Sée aussi était horrifié à
l’idée de la participation de l’Empereur à une guerre: «c’est abominable de mettre un
homme dans un état pareil à la tête d’une armée.» (42)(86)
Pendant la bataille l’Empereur a été incapable de lire des dépêches ou de prendre des
décisions. Il a été relevé du commandement des troupes, puis s’est traîné à la suite
des armées, il n’a même pas réagi au rétablissement de la République.(41)(42)
La crise de pyélocystite n’est passé que l’année 1871 en Angleterre, l’Empereur a
alors recommencé à se déplacer et recevoir. L’année suivante est à nouveau marquée
par la pyélocystite. Napoléon III fera plusieurs crises douloureuses à partir du mois
d’août 1872.(42)(90).
9. L’intervention chirurgicale fatale
Les médecins de Napoléon III ont maintenant tous reconnu l’existence du calcul. Ce
furent les meilleurs médecins anglais de ce temps qui se sont occupés de l’Empereur.
Thomson était le modernisateur de la lithotritie en Angleterre, il avait été formé en
France par Civiale et avec l’aide de Guyon, en avait amélioré la technique grâce à
d’importantes séries opératoires. La prostate de taille normale a été insensible à
l’examen du chirurgien Thomson en 1872 et n’était pas la cause de l’obstruction qui
expliquerait la dysurie mais c’était bien un calcul vésical. Sir James Paget était
d’accord avec le diagnostic d’une lithiase vésicale, il a appuyé lui aussi la nécessité
d’une lithotritie. Il venait d’en réussir une sur le roi Léopold 1er de Belgique, ce qui
lui avait assuré une forte renommée. La voie sanglante était déjà considérée à cette
époque comme plus dangereuse que la lithotritie. La veille de l’intervention
Napoléon III a pris du chloral pour se relaxer. Le jour de l’opération il a été
anesthésié avec du chloroforme par le grand anesthésiste de la Reine Victoria Joseph
Clover, qui utilisait déjà des concentrations fixes d’anesthésiques. Le chirurgien
Thomson a opéré le 2 janvier 1873. C’est un calcul de la taille d’une châtaigne qui est
103
retrouvé. Il est brisé ce jour même en deux. Le 6 puis le 7 janvier on a essayé de
retirer de nouveaux débris de la vessie mais une bonne moitié est restée, laissant le
malade en obstruction. La dernière intervention du 7 janvier est arrêtée
prématurément devant les bactériémies qui ont secoué le fragile patient. D’après le
témoignage de la petite fille de Thomson à William Smith, ce chirurgien estimait la
situation de Napoléon comme désespérée avant même l’intervention. L’Empereur est
décédé le 9 janvier avant un énième sondage visant à retirer ce qui était resté de
débris.(90)(86).
L’autopsie a confirmé la présence de calculs et a décrit des reins atrophiques. La
moitié du calcul initial était toujours présente. Elle mesurait 3.17cm sur 3.32cm et
était de nature urique avec des couches périphériques de phosphate. La nature du
calcul a confirmé l’erreur que constituaient les diurèses alcalines réalisées depuis la
première crise de colique néphrétique en 1863. L’Empereur a souffert avec certitude
d’une insuffisance rénale qui à elle seule rendait périlleuse toute intervention.(92)
III.
LES CONSEQUENCE POUR LA France DES PATHOLOGIES
URINAIRES DE NAPOLEON III.
1. Le premier écueil de l’Empire : l’inutile et trop longue
expédition mexicaine
Profitant des troubles intérieurs des Etats-Unis en 1861. Napoléon III a fait intervenir
la France au Mexique dans une expédition aventureuse et chimérique visant à établir
un régime catholique fort face aux Etats-Unis, en prétextant une crise financière
mexicaine
Les troupes françaises ont pris la forteresse de Puebla et proclamé un empire, offert
au frère de l’Empereur d’Autriche-Hongrie Maximilien en 1864. Le général Bazaine
a été au début victorieux en 1864 et 1865, puis les forces de Juarez résistèrent plus
104
sérieusement. La fin de la guerre de sécession aux États-Unis a rendu la tâche plus
difficile d’autant que Maximilien menait une politique libérale utopiste puisque
c’était le parti catholique qui avait appelé la France à intervenir. En ces années de
pyélocystite, et donc de fréquents éloignements du pouvoir pour Napoléon III,
Bazaine a dû en plus de la longueur des lignes de communication avec la France
affronter l’indécision et les absences du chef d’état. Ces dernières ont laissé
Maximilien faire ses erreurs politiques qui étaient la marque de la mauvaise
préparation et du mauvais suivi politique de l’expédition. Bazaine a été par la suite
accusé de négocier avec le rebelle Diaz à son propre compte et de lorgner sur une
couronne. En 1866 Napoléon décida d’abandonner Maximilien à son propre sort avec
une armée locale après deux années d’erreur politique de celui-ci. Les dernières
troupes françaises ont été de retour en 1867 soit peu de temps avant l’exécution de
Maximilien. C’était la fin de : « la grande idée de l’Empire» destinée à rapprocher
l’opinion catholique française du pouvoir. Sur le terrain elle avait trop duré et s’était
avérée une erreur à l’instar des campagnes de Napoléon Ier en Espagne. Elle a
désorganisé l’armée et coûté l’énorme somme de 336 millions de francs. Cet échec a
encouragé l’opposition républicaine. (41)(42)(91)
2. La crise des duchés s’est réglée sans la France
L’affaire des duchés a éclaté en 1864 entre la Prusse et le Danemark. Les deux pays
ont revendiqué des droits sur ces petits états. Le Danemark contrairement aux traités
internationaux a voulu récupérer le Schleswig unilatéralement. L’armée prussienne a
facilement repris les duchés en avril 1864. La Prusse et l’Autriche ont négocié à
Schönbrunn pendant l’été 1865 sur leur devenir, alors que l’Empereur français
souffrant d’obstruction urinaire était sondé pendant une cure à Vichy. Le 7 octobre
1864 l’Empereur a fait deux syncopes qui ont inquiété son entourage, simultanément
la Paix de Vienne est signée. Elle a remis les deux duchés aux deux négociateurs
alliés et non à la Diète. La France absente n’a pu jouer les garde-fous devant cet acte
105
qui a exclu de la scène politique la Diète, la seule institution apte à protéger
légitimement les petits états Allemands.(41)
Dans un deuxième temps Bismarck refusa de remettre les duchés au duc
d’Augustenbourg tel que la convention de Londres de 1822 l’avait prévu.
L’Empereur d’Autriche rencontra le roi de Prusse à Gastein en août 1865. Ils se sont
accordés : l’Autriche administrera le Holstein et la Prusse le Schleswig et
Lauenbourg. Pendant ce même mois d’août, Napoléon III a fait une crise de
pyélocystite qui a expliqué son absence en personne aux négociations entre les
Autrichiens et les Prussiens. De plus Napoléon III avait une partie importante de ses
moyens militaires au Mexique et était à ce moment hors d’état d’assumer
militairement une crise politique.(41)
La Prusse a excité dans cette guerre du Schleswig-Holstein le patriotisme allemand et
a rendu la Diète inutile. Bismarck après avoir pris un avantage dans l’affaire des
duchés a voulu évincer l’Autriche d’Allemagne. (41)
En octobre 1865, à Biarritz des négociations ont eu lieu entre Bismarck et Napoléon
III concernant la position de la France entre les deux pôles forts allemands. La France
avait entre ses mains le destin de l’unité allemande et donc le sien également. Or,
Napoléon III était à peine remis. En cette année il était déjà peu valide. Il a
commencé à se servir d’une canne pour marcher. En janvier et mars son état lui a
interdit tout déplacement, il a raté le conseil du 7 mars 1866 malgré toute sa bonne
volonté de cacher à l’opinion ses faiblesses. En mai, il a rédigé même son testament
avant un voyage en Algérie. En août il était comme nous l’avons déjà indiqué au plus
mal.(86)
Bismarck, ancien ambassadeur en France avant 1862, avait certainement pu apprécier
la faiblesse physique de Napoléon III lors de leurs contacts diplomatiques à Biarritz
en 1865 et en tenir compte pour l’avenir. On a pu constater que Bismarck semblait
réaliser ses coups de force diplomatiques pendant les périodes d’éclipses de
Napoléon. Les Français ont laissé les Prussiens s’allier avec l’Italie contre l’Autriche-
106
Hongrie en échange de la Vénétie encore autrichienne pour l’Italie et cela sans
aucune contre-partie pour la France. Bismarck, devant le refus de la Diète allemande
de le soutenir contre l’Autriche, a dissous la Diète le 14 juin 1866 et a lancé un appel
à la nation allemande.(41)(42)(91)
3. La victoire prussienne sur l’Autriche-Hongrie est favorisée
par la maladie de Napoléon III
La guerre a été courte contrairement à l’appréciation de Napoléon III. Si les
Autrichiens étaient vainqueurs des Italiens à Custozza le 24 juin 1866 et sur mer à
Lissa, les Prussiens eux ont écrasé rapidement les principautés allemandes alliées des
Autrichiens, puis les Autrichiens à Sadowa le 3 juillet 1866. Le 18 juillet les
Prussiens étaient à Nikolsburg aux portes de Vienne. Les Autrichiens ont eu à
concentrer leurs forces sur deux fronts, alors que les Français n’ont même pas garni
leurs frontières afin d’immobiliser des forces prussiennes et de limiter leurs victoires.
Au lendemain de la défaite autrichienne, la France a gardé son rôle d’intermédiaire et
a hésité sur la conduite à tenir. Le diplomate Drouyn de Lhuys voulait une médiation
armée en démontrant l’absence de risque militaire réel, l’armée prussienne étant en
Bohème. Le ministre de l’intérieur pensait que ce geste entraînerait une réaction
nationaliste allemande inutile. (41)
Napoléon était lui dans une mauvaise posture personnelle. Il était très affaibli et
incapable de mener une négociation. Il était atteint d’une prostatite, d’hémorroïdes
puis d’une obstruction urinaire complète nécessitant plusieurs sondages fin juillet et
début août. A la nouvelle de Sadowa, Napoléon III s’est décidé pour une mobilisation
mais il est retombé dans une « prostration » et a laissé aller sa diplomatie vers une
simple médiation amicale. Le délégué français aux négociations De Benedetti n’avait
pas de consigne solide et a laissé faire Bismarck à sa guise dans une affaire qui a
engagé l’équilibre de l’Europe et le destin de la France. Le piteux état de l’Empereur
lui a interdit d’être crédible en mobilisant des troupes. La conduite des négociations a
été inexistante, l’Autriche a été obligée après Sadowa de quitter l’Allemagne laissant
107
libre court aux ambitions prussiennes. La Prusse a annexé 4 états Allemands et a
formé une confédération des Etats du Nord de l’Allemagne sous son influence
directe. La France n’a toujours pas demandé une contrepartie précise. La Prusse a
alors atteint 35 millions d’habitants ce qui était la taille démographique de la France.
(41) (42) (91)
La diplomatie française par sa faiblesse a facilité le coup de force prussien tout en s’y
opposant diplomatiquement sans avantage. Le 26 juillet 1866 les préliminaires sont
signés et la paix est conclue le 23 août 1866 comme par hasard aux moments où
l’Empereur a été de nouveau en obstruction et a dû être sondé. (41)
L’expansion prussienne après Sadowa, à laquelle la France ne pouvait plus rien,
« fragilise les institutions » de l’aveu de Darimon. Napoléon III, malade puis en
obstruction pendant la crise, la Prusse n’a plus rencontré d’obstacle pour se défaire
de l’Autriche.
L’opinion française était fortement déçue par l’absence de compensation et de
garantie territoriale devant la poussée nationaliste allemande. La maladie de
l’Empereur était mise en cause et le régime encore fortement autocratique tout entier
a été fragilisé devant la mauvaise gestion de la crise. Eugénie pouvait
déclarer: « C’est le début de la fin.»
4. Des rumeurs médicales, des crises boursières et des
libéralisations dues aux faiblesses de l’Empereur
Halevi a caractérisé l’année 1866 par sa « confusion politique ».(41) La gestion des
informations concernant l’état de santé de l’Empereur a laissé à désirer. Si les
informations étaient censurées en France, celles paraissant à l’étranger était
dénoncées, des rumeurs ont couru et créé une importante crise boursière en octobre
1866 qui démontrait ouvertement la fragilité du régime suspendu à la personne de
l’Empereur. (41)(91)
108
Après les crises boursières et politiques de 1866, l’Empereur a dû débuter une
nouvelle étape de libéralisation en début 1867 pour renforcer la base populaire de son
régime. Un nouveau sondage de Napoléon III pour une crise de dysurie en 1869 a
entraîné de nouveau crise de confiance boursière, l’Empereur a été encore obligé de
libéraliser plus son régime, ce qui a abouti au référendum de 1870 dont le franc
succès a paru sauver le régime. (41)(91)
5. L’absence de contreparties pour la France dans le règlement
de la crise entre l’Empire austro-hongrois et la Prusse
Après la paix d’août de 1866 entre la Prusse et l’Empire austro-hongrois, la France a
encore essayé d’obtenir des compensations. De promesses, en fin de non recevoir, la
France n’a pas reçu le moindre « pourboire » comme disait Bismarck et l’opinion
allemande tout entière s’est échauffée contre elle du fait de son opposition à
l’unification allemande
L’habile négociateur français Drouyn de Lhuys a même été obligé de démissionner
grâce à une manœuvre diplomatique prussienne qui a abusé l’opinion publique
française. Les incapacités physiques de l’Empereur expliquaient l’apathie des
autorités françaises et l’absence de clairvoyance, qui ont laissé la Prusse s’armer
depuis 1862, pendant qu’elle-même perdait ses hommes, son argent et son temps au
Mexique. Napoléon malade ne trouvait pas les ressources de trancher entre les
différentes options, ce qui a discrédité la position française comme son pouvoir
jusque dans ses fondements autocratiques.(41)
L’opinion publique française voyait poindre le danger du nationalisme allemand qui
utilisait la force comme seul argument de négociation. La conduite infructueuse et
dangereuse des affaires étrangères a fragilisé dangereusement le pouvoir en France.
En fait Napoléon III était malade et n’a pas trouvé la force de mener personnellement
les négociations ni d’envisager sérieusement un affrontement vu son état personnel.
109
Dès 1862, Napoléon III avait avoué lorgner sérieusement sur la Belgique mais
n’ayant pas su se donner les moyens de contrer la force de la Prusse, son absence
diplomatique n’a pu remplacer la faiblesse militaire. Les diplomates français ont
demandé dans un premier temps des parties du sud de l’Allemagne puis seulement le
Luxembourg, les frontières de 1814 ainsi qu’une option sur la Belgique puis ils ont
même abandonné l’idée belge. Par les manœuvres de Bismarck ils ont ensuite
abandonné également leurs prétentions sur le Luxembourg et n’ont obtenu que sa
démilitarisation. Les états du sud de l’Allemagne se sont même liés avec la Prusse.
Napoléon III ne put que constater son échec diplomatique en ne recevant finalement
rien. La dernière occasion historique d’unir la France avec la Belgique est passée du
fait de l’indisponibilité de Napoléon III. L’opinion française était échauffée contre
l’Allemagne. Même l’option de supporter l’unité allemande autour de la Prusse qui
aurait pu permettre d’avoir une opinion allemande favorable à la mainmise de la
France en Belgique n’a pas été adoptée par la diplomatie française. Le contraste avec
les brillantes combinaisons de Napoléon III en début de règne est flagrant. (41)(91)
Napoléon III n’a pas cherché à utiliser les animosités entre dans les pays rhénans, le
sud de l’Allemagne catholique et le rustre royaume de Prusse protestant.
Après ses aveux de faiblesse, la France s’est encore opposée à l’unité allemande. La
guerre était inévitable. On a voté d’importants crédits militaires et demandé au
maréchal Niel de diriger l’effort de défense. Ce général, funeste coïncidence, est mort
lors d’une opération réalisée par Nélaton le chirurgien de l’Empereur, destinée à le
traiter de la même affection qui atteignait Napoléon III. Nélaton a cassé un mors de
son lithotriteur l’obligeant à intervenir, son patient n’a pas survécu à l’opération. (86)
Niel est remplacé par un incapable(41). On touche là un point de fragilité du régime :
ses cadres étaient vieillissants et fragilisés par les pathologies en tous genres. Toutes
les cartes étaient jouées. Nélaton a pu à juste titre craindre d’opérer l’Empereur.
Pouvait-on jouer une vie et un Empire pour se libérer d’un mal empêchant de régner
correctement ? Y-a-t-il des limites médicales pour exercer une fonction politique? Ce
110
sont de grandes questions où se mêlent les intérêts personnels, politiques,
idéologiques et la raison d’état
6. La défaite de 1870
a) La déclaration de guerre
Contrairement à l’armée prussienne, la Française était démoralisée et n’était pas
prête. Au moins, l’Empire a tenté de se moderniser un peu tard en se libéralisant. Un
plébiscite a confirmé le succès de cette politique en avril 1870 et donné l’aspect d’une
unité politique renforcée autour de l’Empereur. Les républicains comme les
conservateurs étaient extrêmement dépités après ce vote, cependant les réformes
libérales étaient trop tardives pour changer le cadre de la guerre que la Prusse
préparait depuis 7 ans.(41)(42)
La rivalité franco-prussienne éclata à propos de la candidature d’un Hohenzollern,
cousin du roi de Prusse, au trône d’Espagne que soutenait Bismarck. Après un recul
diplomatique prussien c’est un message diplomatique français qui est considéré par
Bismarck comme offensant, le Conseil du 15 juillet à Paris a alors déclenché la
guerre.
b) La bataille d’ Alsace
Le 4 août 1870, les armées prussiennes sont entrées en Alsace et ont surpris l’armée
de Mac-Mahon qui a dû l’évacuer, laissant Strasbourg encerclé qui tombera le 28
septembre 1870, après avoir été bombardée.
c) La bataille de Lorraine
Les Français ont attaqué symboliquement le 2 août 1870 sur ce front, Napoléon III
qui a pris la direction des opérations militaires, en digne descendant de Napoléon 1er,
était déjà épuisé avant l’avancée sur Sarrebruck. Le général Lebrun l’a décrit
souffrant atrocement et pourtant il dirigeait l’armée française. Quand deux armées
allemandes entrèrent alors en Lorraine après une victoire à Wissembourg, l’Empereur
111
a alors confié l’armée à Bazaine. Celui-ci ne s’entendait pas avec Frossard et l’a
laissé sans secours se faire battre à Forbach. A l’annonce de cette défaite le
gouvernement est tombé et l’Impératrice régente a formé un gouvernement de guerre
qui a donné à Bazaine le commandement de l’armée en lui ordonnant de rejoindre
Verdun. Le 14 août Napoléon III est parti rejoindre Mac Mahon au camp de Chalons.
Malgré les ordres, Bazaine s’est enfermé volontairement avec la meilleure armée
française de 120 000 hommes dans Metz le 18 août 1870, devant la menace d’une
armée ennemie bien inférieure en nombre. Il sera jugé et condamné pour cela après la
guerre. Sur place Napoléon III n’avait plus le pouvoir ni l’influence nécessaires du
fait de son état pour influencer la stratégie de ses chefs d’armée. (34)(41)(42)
d) La perte de l’armée de la Meuse
Pendant ce temps Mac-Mahon a regroupé une armée dans le camp de Chalons et a dû
se passer de Bazaine pour défendre Paris. Contrairement à la volonté affaiblie et
délégitimée de l’Empereur et suivant l’avis de l’Impératrice, cette armée de la Meuse
a tenté de libérer Metz plutôt que de reculer pour protéger Paris et s’est retrouvée
malheureusement enfermée à Sedan avec l’Empereur. L’artillerie allemande pilonnait
inlassablement les troupes de Mac Mahon coincées dans une cuvette, avec peu
d’artillerie et bientôt plus de munition.(34) (41)
L’Empereur a souffert atrocement pendant ces jours, il a à peine pu marcher pour
faire à pied le dernier kilomètre vers la Sous-préfecture de Sedan. Son valet l’a décrit
dans Sedan : « que de fois je l’ai entendu pousser de sourds gémissements. Il
m’appelait, s’excusant de me faire relever. Il disait seulement: je souffre beaucoup et
l’on voyait de grosses gouttes de sueur perler sur son front. ». Il souffrait depuis plus
d’un an d’une pyélocystite chronique avec une obstruction urinaire subintrante sur un
calcul vésical et probablement d’une insuffisance rénale. (86)
Le 28 août devant l’ampleur du désastre, un soldat a essayé d’abattre l’Empereur. Au
cours de l’affrontement héroïque et désespéré de Bazeilles le 1er septembre, Mac
Mahon est blessé. Deux officiers se sont alors déchirés par ordre et contre ordre pour
le commandement devant un Empereur qui n’était que l’ombre de lui-même et a
112
laissé faire, les Prussiens ont profité de ce temps et de ces cafouillages pour achever
l’encerclement des Français. Le lendemain l’Empereur a fini par faire cesser le
combat et s’est rendu à titre individuel. Avec lui toute une armée est faite
prisonnière.(34)
L’Empire est renversé pacifiquement par une révolution le 4 septembre à Paris, un
gouvernement provisoire a pris le pouvoir. Ce gouvernement a essayé de négocier
tout en continuant la lutte. Strasbourg est tombée le 28 septembre. Paris est assiégée.
Metz s’est rendue car Bazaine ne reconnaissait pas la République et n’ayant prêté
serment qu’à l’Empereur il ne se sentait pas concerné par le nouveau gouvernement.
La meilleure armée a ainsi disparu sans combattre. Malgré Gambetta qui a organisé la
résistance de Paris et des armées de province, la France capitula. (41)
L’Empire allemand autour de la Prusse a été proclamé dans la Galerie des Glaces à
Versailles. Bismarck a voulu le retour de l’Alsace, terre de l’ancien Empire
Germanique, au sein du nouvel Empire pour cimenter son unité nationale. Les
fondements de la guerre de 14-18 et de la deuxième guerre mondiale qui en est la
conséquence directe sont posées.
La mauvaise gestion de l’unification allemande et d’une rivalité nationale par un
Empereur fatigué et malade ont été à l’origine non seulement d’une défaite
humiliante et de la perte de 3 départements mais aussi de conflits qui ont fait
plusieurs dizaines de millions de mort. La présence physique de Napoléon lors des
phases critiques de l’unification aurait pu lui donner une chance d’utiliser son talent
diplomatique à cet instant de l’histoire européenne. Après tout, l’unification
allemande a été conforme à l’idéal de libération des nationalités poursuivi par
Napoléon III dans le reste de l’Europe.
7. Le décès de Napoléon III renforce l’installation de la
République en France
113
L’Empereur déchu s’est réfugié en Angleterre avec une importante suite dont les
docteurs Conneau et Corvisart. Il se tenait au courant des évènements en France et
gardait des contacts étroits avec son cousin le Prince Napoléon, son ancien premier
ministre Emile Ollivier et Rouher.(86)
L’Assemblée Nationale est élue le 8 février 1871 dans des circonstances difficiles, sa
majorité est royaliste et bonapartiste mais non républicaine. Elle a confié à Thiers de
libérer le territoire des troupes d’occupation et de relever le pays. Après l’écrasement
de la Commune, la République était bien incertaine. Les monarchistes ne trouvaient
pas de candidat accepté par tous et laissaient le champ libre à Napoléon III qui a eu là
une réelle opportunité politique de refaire surface.(41)
En Angleterre des complots s’ourdissaient autour de l’ancien Empereur qui comptait
de nombreux partisans au sein de l’armée française et dans le pays qu’il avait
gouverné pendant une vingtaine d’années. L’amélioration de l’état de santé de
Napoléon était une condition sine qua none pour son retour. En 1871, Napoléon III a
séjourné dans les stations balnéaires de Torquay et de Bath. L’année suivante,
cruciale pour l’avenir politique de la France, son état s’est à nouveau dégradé. Il était
de nouveau dysurique constamment depuis août 1872 alors que l’opportunité d’une
restauration passait lentement. Thiers malgré son âgé de 73 ans a habilement dirigé la
France pendant ce temps, Thiers a semblé se résigner en fin 1872 à accepter un
régime républicain, le 13 novembre 1872, il a déclaré publiquement: « la République
existe ». Il était temps pour Napoléon III d’agir avant que les monarchistes ne se
mettent d’accord sur la candidature du Comte de Paris, ce qui s’est fait l’été 73. Un
problème de drapeau fera échouer ce projet.(41)
Après la mort de l’Empereur le parti bonapartiste encore important à l’Assemblée
Nationale est contraint d’adhérer au projet des partis royalistes car le fils de Napoléon
III était trop jeune pour revendiquer le pouvoir.
Ainsi les problèmes urinaires de Napoléon ont même empêché une restauration de
l’Empire
114
8. Conclusion
La santé chancelante de Napoléon III a été l’une des raisons essentielles du tournant
de son régime après 1860. Ses problèmes urinaires ont été une des causes de la
prolongation inutile de l’expédition mexicaine et surtout de l’absence de clairvoyance
dans la gestion des affaires aux moments critiques de l’unification allemande autour
de la Prusse. Napoléon III malade n’est pas parvenu à influer sur la guerre de 18701871 qui a amené la République en France et crée les conditions de deux guerres
mondiales.
115
CONCLUSION
Notre étude souligne l’importance qu’ont pu avoir des troubles médicaux ponctuels
sur le cours de l’histoire de France. Cela permet de prendre conscience de
l’importance d’un trouble jugé banal dans la cascade des évènements qui contribuent
à un moment historique ce qui est souvent ignoré ou mal compris.
Napoléon Bonaparte a repris à ce propos à Sainte-Hélène un de ses contemporains
Friedrich von Schiller(1759-1805) qui a écrit que : « la destinée d’un pays dépend
parfois d’un jour. L’Histoire justifie cette assertion, mais montre aussi qu’il faut
généralement beaucoup d’années pour préparer ce jour. »
La destinée de la France a été modifiée par les troubles psychiques de Charles VI que
les institutions ne savaient gérer, tant le pouvoir de l’époque reposait sur un homme.
Cela a eu pour conséquence un réveil identitaire français. François Ier à la suite de son
abcès, a été écarté du pouvoir ce qui a entraîné des changements politiques désastreux
puisque cela a conduit à la perte de la Savoie après une invasion de la France.
L’apostume de François Ier constitue un facteur important de la victoire de Charles
Quint. La maladie de Louis XIV a grandement contribué à le rendre dévot et
intolérant et a plongé ainsi le royaume dans des guerres inutiles qui ont ruiné la
France. Il a laissé à sa mort un modèle d’absolutisme qui a contribué à provoquer la
Révolution. Napoléon a échoué dans sa gigantesque entreprise de conquête de
l’Europe au nom de la liberté en partie pour des problèmes de santé notamment à la
bataille de La Moskova, de Leipzig ou de Waterloo. Son
échec a amené la
restauration d’un pouvoir royal Napoléon III miné par des troubles urinaires n’a pu
éviter l’unification allemande et a largement contribué au désastre de 1870.
Un certain nombre de chefs d’état à des postes à responsabilité ont souffert de
maladies dont on mesure seulement aujourd’hui les conséquences. La conférence de
Yalta est l’exemple souvent repris par les historiens. Les chefs d’état souvent d’âge
respectable de nos jours, sont sujets comme tout un chacun, aux maladies et les faits
récents ont montré qu’ils pouvaient encore de nos jours le cacher aux opinions
116
publiques. Ces faits ont amené un certain nombre de personnes à s’interroger sur les
droits du président de la République qui dispose d’après la Constitution de pouvoir
discrétionnaire étendu en cas de guerre en particulier. On conçoit aisément dans ses
conditions l’importance du rôle du ou des médecins amenés à prendre en charge un
chef d’état. Cela a conduit à se poser la question de la responsabilité du médecin dans
la survenue d’événements historiques.
117
BIBLIOGRAPHIE
(1)
Antommarchi Francesco. Les derniers moments de Napoléon ?.
Anvers:St-Jacques,1938:135.
(2)
Autrand François. Charles VI. Paris:Fayard,1992:647.
(3)
Arthur-Lévy. Napoléon intime. Paris:Nelson,1892:543.
(4)
Bainville Jacques. Napoléon Ier. Paris:Fayard,1999:610.
(5)
Barquero Fernando. Maladies et mort de Napoléon Ier. 205f. Th.:
Méd.:Lyon1:1987:168.
(6)
Barral, Edgar de (Comte).Souvenirs de guerre et de captivité d’un
page de Napoléon(1812-1815). Paris:Emile-Paul frères, :272.
(7)
Bavoux E.. Chislehurst-Tuileries Souvenirs intimes sur l’Empereur.
Paris:Dentu,1873:72.
(8)
Bély Lucien. La France Moderne, 1498-1789. PUF:Paris,1994:670.
(9)
Bertrand général. Cahiers de Sainte-Hélène. Paris:Albin Michel,
1959:3 vol.367+,516+,264.
(10)
Besançon Anne. Louis IX. 97f. Th.:Méd.:Besançon:1993:72.
(11)
Bluche François. Louis XIV. Paris:Fayard,1986:1039.
(12)
Boulenger Jacques. Le Grand Siècle. Paris:Hachette,1920:424.
(13)
Brachet A.. Pathologie mentale des rois de France. Paris:Hachette,
1903:694.
(14)
Brantôme, Pierre Bourdeille (seigneur de). Les dames galantes.
Paris:Garnier,1967:558.
(15)
Burke
Peter.
Louis
XIV,
Les
stratégies
de
la
Gloire.
Tours:Seuil,1995:266.
(16)
Buzenet S. et Tincq A.. Pathologie urologique de quatre rois de
France. 120f: Th:Méd:Lille2:1988:351
(17)
Cabanes. Napoléon était-il malade à Waterloo ? Les indiscrétions
de l’Histoire série 6. Paris:Albin Michel,1909:408.
118
(18)
Calmette J.. Chute et relèvement de la France sous Charles VI et
Charles VII. Hachette:Paris,1945:255.
(19)
Castelot André. Napoléon III : Des prisons au Pouvoir. Paris:lap,
1973:698.
(20)
Castelot André. Napoléon a t-il été empoisonné ? L’accusé :
Montholon. Historia. 1982;428:38-48.
(21)
Caulaincourt Général de. Mémoire de Caulaincourt grand écuyer de
Napoléon. Paris:Librairie académique Perrin,1986:358.
(22)
Charles H. et Charles-Steinmyller P.. Napoléon III et Plombières.
184f. Th.:Méd.:Lille:1979.
(23)
Charas Moyse. Pharmacopée Royale galénique et chimique. Paris :
L. d’Houry,1682:1060.
(24)
Clausewitz Carl von. La Campagne de 1812 en Russie.
Bruxelles:Complexe,1987:210.
(25)
Cloulas Yvan. Catherine de Médicis. Paris:Fayard,1979:704.
(26)
Constant Benjamin. Mémoires sur les cent jours. Tübingen:
Niemeyer,1993:604.
(27)
Cronin Vincent. Napoléon Ier. Albin Michel:1979,Paris:561.
(28)
Dauchy Sarah.. ROI FOU ET BIEN-AIME. 89f. Th.:Méd.,Paris
Bichat:1994:5.
(29)
Dangeau (Marquis Ph. de Courcillon de). Journal. Paris:Firmin
Didot et Frères, 1854-60:19 vol., in 8.
(30)
Degiorgis X.. Charles VI le fol un schizophrène sur le trône de
France. 118f. Th.:méd.:Clermont-Ferrand:1988:40.
(31)
Degueret
Emile.
Histoire
médicale
du
Grand
Roi.
:Paris:Vigné,1924:237.
(32)
Dreyfus François. « Les Huguenots et la naissance de l’esprit
prussien » dans. Livet Georges. L’Europe, l’Alsace et la France.
Colmar:Ed.d’Alsace,1986:277-81.
119
(33)
Dourlens-Thuet Eric. Pourquoi Louis XIV fut-il aussi mal soigné
de la goutte ? 71f. Th.:Méd.:Lille II:1989:210
(34)
Encel Frédéric. L’art de la guerre par l’exemple. Flammarion:Paris,
2000:350.
(35)
Favier Jean. La guerre de cent ans. Paris:Fayard,1996:678.
(36)
Filon A, Souvenir sur l’impératrice Eugénie, Paris:Calmann
Lévy,1920:336.
(37)
Fontaine
Jacques.
Mémoire
d’une
famille
huguenote.
Montpellier:Chaleil,1992:269.
(38)
Froissart Jean. Chroniques. Paris:Librairie générale Française,
2001:1246.
(39)
Frugier (Jean Raymond). Napoléon, Essai médico-psychologique.
Paris:Albatros,1985:226.
(40)
Garrisson
Janine.
L’Edit
de
Nantes
et
sa
révocation.
Paris:Seuil,1985:309.
(41)
Genet L.. Histoire contemporaine 1848-1939. Paris:A.Hatier,
1946:892.
(42)
Girard L.. Napoléon III. Paris:Fayard,1987:550.
(43)
Goubert Pierre. Le siècle de Louis XIV. Paris :Fallois,1996:441.
(44)
Gué Christophe. Napoléon de l’histoire à la légende. Paris:
Maisonneuve et Larose,2000:447.
(45)
Grmek M.D.et Huard P.. Napoléon et la médecine. Paris:Da Costa,
1970:384.
(46)
Hackett Francis. François premier. Paris:Payot,1984:510.
(47)
Hérold J.C.. Bonaparte en Egypte. Paris:Plon,1964:507.
(48)
Hillemand P.. Les médecins de Napoléon à Sainte-Hélène. La
Presse Médicale.1967;12:631-7.
(49)
Inconnu. Journal d’un bourgeois de Paris. Paris:Librairie générale
Française,1989:539.
(50)
Jacquart Jean. François Ier. Paris:Fayard,1994:458.
120
(51)
Jouanna Arlette, La France du XVIème Siècle 1483-1598.
Paris:PUF,1996:688.
(52)
Kantorowicz E.. Les deux corps du roi: essai sur la théorie politique
au Moyen Age. Paris:Gallimard,1989:638.
(53)
Kersauze A.. Charles VI, l’insensé bien-aimé. Revue de neuro-
phsychiatrie de l’ouest.1987;92:13-25
(54)
Laforgue.
Napoléon
dans
Psychopathologie
de
l’échec.
Paris:Payot,1969:240.
(55)
Las Casas (Le Comte de ). Le Mémorial de Sainte-Hélène.
Paris:Gallimard,1978:2vol.1558+1515.
(56)
Lavisse
Ernest.
Histoire
de
France
Tome
VII.
Paris:Hachette,1926:2 vol.407 + 415.
(57)
Lebrun François. La Puissance et la Guerre 1661-1715. Paris:Point,
1997:305.
(58)
Le Clech Sylvie. François Ier : le roi-chevalier. Paris:Tallandier,
1999:59.
(59)
Lefebvre Georges. Napoléon Ier . Paris:Puf,1969:627.
(60)
Lejeune. Mémoires du général Lejeune 1792-1813. Paris:Edition du
Grenadier,2001:398.
(61)
Haumont Jacques. Lettres de Napoléon à Joséphine et de Joséphine
à Napoléon. Paris:Jean de Bonnot,1970:431
(62)
Lemonnier Henry. Charles VI, Louis XII et François Ier : Les
guerres d’Italie 1492-1547. Paris:Tallandier,1982:423.
(63)
Léonard Emile. Histoire générale du protestantisme tome 2,
Paris:Puf,1961:453.
(64)
Louis XIV. Le Métier de Roi. Paris:Tallandier,1995:267.
(65)
Madellin. Napoléon I : Histoire du Consulat et de l’Empire tome 9.
Paris:Hachette,1959:348.
(66)
Maintenon( Mme de), Correspondance générale. Paris:Charpentier,
1865-1866:4 vol.,in°12.
121
(67)
et
Marchand Louis. Mémoire de Marchand, premier valet de chambre
exécuteur
testamentaire
de
l’Empereur,
Paris:Tallandier,
1991:2vol:276+481.
(68)
Massin Jean. Almanach du premier empire du neuf thermidor à
Waterloo. Ville:Le club Français du livre,1965:369.
(69)
Méneval. Napoléon : récit des années de gloire par son secrétaire et
valet :1800-1812, Paris:Abbeville,1993:444.
(70)
Méthiver Hubert. Le Siècle de Louis XIV. Paris:Puf,1998:127.
(71)
Méthiver Hubert. La Fin de l’Ancien Régime. Paris:Puf,1973:128.
(72)
Meyer Jean. Le poids de l’état. Paris:Puf,1983:304p.
(73)
Michallet C.. Napoléon III et le comte de Castelvecchio. Le
Souvenir napoléonien. 1958;125,:1-2.
(74)
Michelet. Renaissance et réformes histoire de France au XVIme
siècle. Paris:Robert Lafont,1982:816.
(75)
Migault Jean. Les dragonnades en Poitou, journal de Jean Migault.,
Paris:Société d’Histoire du Protestantisme,1910:303.
(76)
Mirot L.. Lettres closes de Charles VI conservées aux archives de
Reims et de Tournai. Le Moyen Age. Paris:Champion,1919:77.
(77)
Mollat du Jourdin Michel. La guerre de cent ans vue par ceux qui
l’ont vécut. Paris:Seuil,1992:153.
(78)
Nassiet
Michel.
La
France
du
second
XVIIème
siècle.
Paris:Belin,1997:252.
(79)
Petitfils Jean Christophe. Louis XIV La Grandeur et les Epreuves.
Paris:Tallandier,2001:158.
(80)
Poton Didier et Cabanel Patrick. Les protestants Français du 16ème
au 20ème Siècle. Paris:Nathan,1994:128.
(81)
Quilliet Bernard. Louis XII. Paris:Fayard,1986:518.
(82)
Reiniche Luc. La Goutte couronnée. 155f.. Th.:Méd.:Besançon:
1991:4.
122
(83)
Rothenberg Günter Erich. Atlas des guerres napoléoniennes.
Paris:Autrement,2000:224.
(84)
Saint-Simon
(Louis
de
Rouvroy,
Duc
de).
Mémoires.
Paris:Ramsay,1977-1978:18vol,22cm.
(85)
Saint-Simon (Louis de Rouvroy, Duc de). Parallèle des trois
premiers rois Bourbons, Paris:J.J. Pauvert,1964:752.
(86)
Schmitt Hervé. Napoléon III Naissance, Vie et mort: Mythes et
réalités médicales. 101f. Th.:Méd.:Lille II:1995:168.
(87)
Seguin. Louis Napoléon le Grand. Paris:Grasset,1990:448.
(88)
Ségur le général Comte de (aide de camp de Napoléon). La
Campagne de Russie. Paris:Firmin Didot,1894:430.
(89)
Sévigné (Marquise de). Correspondances. Paris:Gallimard,1972:
3vol.1507+1607+1904.
(90)
Smith W.. Napoléon III. Paris:Grasset,1982:394.
(91)
Sylvain. Louis Napoléon s’évade du Fort de Ham. Historama.
1964;157:33-40.
(92)
The Emperor Napoléon’s autopsy. Lancet. 1873:p37-38.
(93)
Thomas Jules. Le concordat de 1516: tome 2 . Paris:Alphonse
Picard et fils,1912:415.
(94)
Touche Marce. J .N. Corvisart. Paris:Baillière et fils,1968:63.
(95)
Tulard Jean. Napoléon ou le Mythe du Sauveur. Paris:Arthème
Fayard,1986:512.
(96)
Vallot, d’Aquin, Fagon. Journal de la Santé du Roi Louis XIV.
Paris:Auguste Durand,1862:348.
(97)
Varillas Antoine. Histoire des révolutions arrivées dans l’Europe en
matière de religion. Paris:C.Barbin,1686-1689:11vol. in 12°.
(98)
Vauban Sébastien le Prestre (Marquis de). Mémoire pour le rappel
des Huguenots. Carrière sous Poissy:« La cause »,1997:69.
(99)
Wagner Laurent. « Journal de la Santé du roi Louis XIV textes et
commentaires ». 146f. Th.:Méd.:Paris Cochin:1991:62.
123
(100) Walsingham Thomas.. Historia Anglicana.
1864: 2vol. pages
Londres:Riley,1862-
124
ANNEE : 2002
NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : KRAMEISEN Joël
DIRECTEUR DE THESE : HALIOUA Bruno
TITRE DE LA THESE : Répercussions de l’état de santé des chefs d’état sur
l’histoire de France.
Certaines pathologies de chefs d’état ont modifié l’histoire de France.
La maladie psychique de Charles VI a prolongé la Guerre de Cent Ans, a
déclenché une terrible guerre civile et a offert le royaume de France à la
couronne anglaise lors du traité de Troyes.
Un apostume anal a éloigné François Ier du pouvoir, limitant la tolérance des
réformés et bouleversant les alliances politiques de la France ce qui a abouti à
l’invasion de la France.
Après sa première crise de goutte et lors de ses fistules anale et nasosinusienne, Louis XIV a modifié ses alliances internationales aboutissant à son
isolement et à des guerres ruineuses.
Napoléon 1er a échoué en Egypte principalement à cause d’une épidémie de
peste. La désastreuse campagne de Russie et les défaites de Leipzig et de
Waterloo sont en partie dues à des raisons de santé.
Napoléon III, souffrant horriblement de troubles urinaires, a été incapable de
gérer l'
unification allemande et son armée face aux Prussiens lors du désastre
de 1870.
997 caractères.
MOTS-CLES :
- Histoire de France
- Pathologie chefs d’état
ADRESSE DE L’U.F.R. : 8, Rue du Général SARRAIL
94010 CRETEIL CEDEX

Documents pareils