L`abandon de poste des agents dans la fonction publique : définition

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L`abandon de poste des agents dans la fonction publique : définition
L’abandon de poste des agents dans la fonction
publique : définition – jurisprudences – mise
en demeure de l’administration
31 JANVIER 2016
L’abandon de poste constitue un manquement à l’obligation de servir et l’agent est considéré comme ayant
rompu le lien qui l’unissait à son administration et comme ayant renoncé délibérément aux droits et garanties
de son statut de fonctionnaire.
La définition de l’abandon de poste d’un agent dans la fonction publique n’est pas précisée dans les statuts de
la fonction publique.
Un simple retard ponctuel ou une absence d’une journée d’un agent ne peuvent pas être qualifiés d’abandon
de poste.
Les caractéristiques de l’abandon de poste ont été précisées par les différentes décisions de la jurisprudence
administrative : Tribunal Administratif, Cour Administrative d’Appel et le Conseil d’État.
Dispositions législatives
Les principales dispositions législatives qui définissent l’abandon de poste des agents dans la fonction publique
sont :
- Loi 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs en cas de décision de radiation
des cadres d’un agent suite à un abandon de poste
- Loi 86-33 du 9 janvier 1986 – article 88 – portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
hospitalière
- Loi 2000-321 du 12 avril 2000 – article 4 – relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations précisant que toute décision prise par une autorité administrative doit comporter, outre la
signature de l’auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.
- La circulaire ministérielle N°463 FP du 11 février 1960 relative à l’abandon de son poste par un fonctionnaire
- Instruction de la CNRACL – Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivité Locales – sur les droits
à pension de retraite d’un agent radié des cadres
Les décisions de la jurisprudence
- Arrêt N°53192 du Conseil d’État du 27 mars 1987 considérant qu’un agent public qui ne retire pas une lettre
recommandée de son administration l’enjoignant de se présenter dans son établissement dès réception peut
être licencié pour abandon de poste. Ainsi, la mention ” pli avisé et non réclamé ” sur la lettre recommandée
adressée par l’administration à un agent public ne retire pas le caractère de la notification de la décision
administrative qui équivaut à une mise en demeure de reprendre son poste.
- Arrêt N°115810 du Conseil d’État du 21 janvier 1994 précisant qu’un employeur public ne peut pas
sanctionner pour abandon de poste un agent en congé annuel qui ne revient pas travailler pendant ses congés
régulièrement accordés
- Arrêt N°125942 du Conseil d’État du 21 juillet 1995 indiquant que l’arrêté administratif de radiation des cadres
d’un agent pour abandon de poste doit mentionner les voies et les délais de recours contentieux pour excès de
pouvoir
- Décision N°96PA02305 de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 1er décembre 1998précisant qu’un
employeur public ne peut pas mettre en demeure un agent de revenir travailler pendant un congé annuel
régulièrement accordé
- Décision N°98NT01324 de la Cour Administrative d’Appel de Nantes du 2 avril 2002 indiquant que si le délai
entre la notification de la mise en demeure de reprendre ses fonctions et l’arrêté de radiation des cadres est
trop bref, l’agent concerné ne peut être regardé comme ayant rompu les liens l’unissant au service.
- Décision N°98BX01174 de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 18 juin 2002 rappelant que la mise
en demeure de l’administration doit informer l’agent qu’il est susceptible en cas de refus de reprendre son
poste de faire l’objet d’une mesure de radiation des cadres sans procédure disciplinaire
- Décision N°00MA00254 de la Cour Administrative d’Appel de Marseille du 23 avril 2004 précisant que la
radiation des cadres pour abandon de poste prend effet à la notification de la décision de radiation et une
rétroactivité à une date antérieure est illégale.
- Décision N°01BX02079 de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 31 décembre 2004indiquant qu’un
agent radié des cadres ne peut prétendre à aucune allocation pour perte d’emploi ni indemnité de licenciement
ni à l’allocation de chômage de l’employeur public.
- Décision N°01NC0002 de la Cour Administrative d’Appel de Nancy du 10 novembre 2005précisant qu’une
mise en demeure, qui ne donnerait aucune indication sur le risque de radiation des cadres encouru et sur la
privation des garanties de procédure y afférentes, ne saurait, par son caractère imprécis et équivoque, être
regardée comme satisfaisant aux exigences de motivation
- Arrêt N°365918 du Conseil d’État du 26 septembre 2014 indiquant que l’obligation faite à un employeur public
d’adresser préalablement une mise en demeure à un agent de reprendre son poste ou rejoindre son service et
lui impartir un délai approprié, constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation
d’abandon de poste, et non une simple condition de procédure de la décision de radiation des cadres pour
abandon de poste
- Arrêt N°375736 du Conseil d’État du 11 décembre 2015 précisant que si un agent public en congé de maladie
se soustrait, sans justification, à une contre-visite demandée par l’administration, l’employeur public peut lui
adresser une lettre de mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai
approprié. En outre, en raison de son refus de se soumettre, sans justification, à la contre-visite à laquelle il
était convoqué, l’agent court le risque d’une radiation sans mise en œuvre de la procédure disciplinaire
Les décisions de la jurisprudence qui ne constituent pas un abandon de poste
- Arrêt N°14959 du Conseil d’État du 27 février 1981 sur un agent qui cesse d’assurer son service mais s’est
cependant présenté chaque jour à son poste afin d’y passer un certain temps ne peut être regardé comme
étant en abandon de poste
- Arrêt N°90755 du Conseil d’État du 26 juin 1991 indiquant qu’il ne peut y avoir abandon de poste si les
emplois proposés à l’agent sont incompatibles avec son état de santé
- Arrêt N°89941 du Conseil d’État du 13 avril 1992 indiquant qu’un agent qui informe le service dont il dépend
qu’il a été dans l’incapacité d’obtenir un certificat médical attestant qu’il n’est pas en état de reprendre son
travail ne peut être regardé comme ayant rompu de sa propre initiative le lien qui l’unit à l’administration
- Arrêt N°132037 du Conseil d’État du 18 février 1994 sur le fait que le refus d’accomplir des heures
hebdomadaires de travail supplémentaire ne peut pas être qualifié d’abandon de poste
- Arrêt N°176360 du Conseil d’État 4 juillet 1997 qui sur un agent qui refuse d’occuper le nouveau poste auquel
il est affecté au retour de son congé de maladie dès lors qu’il se présente au terme de son congé sur le lieu
d’exercice de ses fonctions précédentes
- Arrêt N°98733 du Conseil d’État du 2 février 1998 sur un agent atteint de troubles graves du comportement
qui ne peut apprécier la portée de la mise en demeure de rejoindre son poste qui lui est adressée. L’autorité
peut suspendre son traitement pour la période d’absence non justifiée par un certificat médical, mais ne peut le
radier des cadres pour abandon de poste.
- Décision N°97NC00941 de la Cour Administrative d’Appel de Nancy du 8 avril 1999 sur la transmission
tardive de certificats médicaux par un agent en congé maladie en vue de justifier son absence ne peut justifier
un abandon de poste
- Décision N°97MA00593 de la Cour Administrative d’Appel de Marseille du 7 décembre 1999 sur un agent qui
ne s’est pas présenté aux contre-visites faute d’avoir informé la commune de son changement d’adresse et
peut voir son traitement suspendu, mais ne peut être radié des cadres pour abandon de poste
- Décision N°12NC02040 de la Cour Administrative d’Appel de Nancy du 17 octobre 2013 précisant qu’un
employeur public ne peut pas radier des cadres pour abandon de poste un agent qui ne peut rejoindre son
poste en raison d’une panne de voiture
Les décisions de la jurisprudence qui constituent un abandon de poste
- Arrêt N°121204 du Conseil d’État du 26 septembre 1994 sur un agent qui ne reprend pas ses fonctions à
l’issue de son congé de maladie et ne produit pas de certificat médical
- Arrêt N°112410 du Conseil d’État du 22 février 1995 sur un agent qui n’a pas repris son poste au terme de
son congé annuel sans avoir justifié son absence
- Arrêt N°116935 du Conseil d’État du 21 juin 1995 sur un agent qui reconnu apte à ses fonctions après avis du
comité médical ne rejoint pas son poste après un congé maladie mais fournit un certificat médical n’apportant
aucun élément nouveau sur son état de santé
- Arrêt N°223151 du Conseil d’État du 12 décembre 2002 sur un agent qui sans fournir de justificatif cesse ses
fonctions et ne les reprend pas après une mise en demeure
Les critères caractérisant un abandon de poste
Ainsi, un agent titulaire, stagiaire ou contractuel de droit public peut être considéré en abandon de poste
quand :
- il est absent de son poste de travail ou cesse son travail sans autorisation préalable et sans fournir de
justificatif d’absence
- il refuse de rejoindre son poste à l’issue d’une période régulière de congé, une mutation, une nomination,…
S’il est reconnu en abandon de poste, l’agent peut être passible d’une sanction disciplinaire ou être radié des
cadres sans mis en application de la procédure disciplinaire ni de saisine du Conseil de discipline.
Toutefois, avant d’être considéré en abandon de poste, l’absence de l’agent au travail doit être totale et
prolongée. De plus, l’employeur public doit respecter une procédure administrative précise pour mettre en
demeure l’agent de reprendre son poste de travail.
La procédure de l’administration de mise en demeure
Un employeur public doit obligatoirement respecter la procédure de mise en demeure de l’agent de reprendre
ses fonctions avant de procéder à une radiation des cadres pour la raison d’abandon de poste.
La mise en demeure doit respecter une procédure administrative précise :
- prendre la forme d’un écrit explicite et non équivoque
- demander à l’agent de rejoindre son poste ou reprendre son service dans un délai raisonnable fixé par
l’administration
- informer l’agent du risque encouru d’une radiation des cadres, sans les garanties d’une procédure
disciplinaire préalable, pas de conseil de discipline, ni de communication de dossier
- être signée par l’autorité compétente.
La mise en demeure est reconnue régulière, même si elle n’a pas été reçue par son destinataire, lorsque
l’agent refuse volontairement à la notification :
- si l’agent s’abstient de retirer le recommandé et refuse de prendre connaissance de son contenu
- si le courrier a été régulièrement présenté au dernier domicile connu de l’agent qui résidait à une autre
adresse,
- si l’agent a changé de domicile sans en informer son employeur et n’apporte pas la preuve d’avoir fait le
nécessaire auprès des services postaux pour faire suivre son courrier
Les conséquences de la mise en demeure
Si l’administration de l’établissement public a respecté la procédure de la mise en demeure de l’agent, soit :
- l’agent reprend son service sans justifier de son absence : L’administration peut faire une retenue sur le
traitement de l’agent pour absence de service fait et lui infliger une sanction disciplinaire.
- l’agent reprend son service en justifiant tardivement son absence : L’administration ne peut pas faire une
retenue sur traitement, mais peut éventuellement infliger une sanction disciplinaire après avoir respecté la
saisine du Conseil de Discipline.
- l’agent ne reprend pas son service mais justifie les raisons de son absence ( maladie par exemple ) :
L’administration ne peut pas considérer l’intention pour l’agent de rompre tout lien avec l’administration et ne
peut pas faire de retenue sur traitement si l’agent fournit les documents justifiant son absence. Toutefois,
l’administration peut éventuellement infliger une sanction disciplinaire après avoir respecté la saisine du
Conseil de Discipline.
- l’agent ne prend pas son service sans faire connaitre les raisons de son absence : L’administration peut
suspendre le versement du traitement de l’agent pour absence de service fait et prononcer la radiation des
cadres de l’agent. L’agent en abandon de poste ne pourra pas prétendre aux indemnités chômage.
La Décision n°01BX02079 de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 31 décembre 2004précise qu’un
agent radié des cadres ne peut prétendre à aucune allocation pour perte d’emploi ni indemnité de licenciement
ni à l’allocation de chômage de l’employeur public.
La procédure et les conséquences de la décision de radiation des cadres pour abandon
de poste
En cas de radiation des cadres d’un agent pour abandon de poste, l’administration publique doit
impérativement informer l’agent :
- de sa décision notifiée en recommandé avec accusé de réception
- des voies et des délais de recours de contestation de la décision
La loi 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs oblige l’administration à motiver
sa décision de radiation des cadres d’un agent pour abandon de poste et doit indiquer les différentes étapes de
la procédure administrative.
Les droits à une pension de retraite d’un agent en cas de radiation des cadres
Depuis le 1er janvier 2011, un agent titulaire radié des cadres peut percevoir une pension de retraite de la
CNRACL – Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivité Locales – au prorata du temps travaillé s’il
a accompli au moins 2 ans de services valables. Il ne percevra sa pension qu’à l’ouverture de ses droits à
pension de retraite.
Un agent radié des cadres sans avoir accompli 2 ans de services et ne pouvant pas bénéficier d’une pension
pour invalidité, est rétabli dans ses droits auprès du régime général de la Sécurité sociale et de l’IRCANTEC.
Les cas particuliers
Dans le cas d’un agent incarcéré : L’administration ne peut pas prendre de décision de radiation des cadres
pour abandon de poste et l’agent reste en positions d’activité sans rémunération.
Dans le cas d’un agent en disponibilité qui n’a pas fait connaître ses intentions avant la fin des ses droits :
L’administration ne peut pas le radier des cadres sans le mettre en demeure de reprendre son service à une
date fixée par elle ou demander le renouvellement de sa disponibilité en lui précisant qu’à défaut il sera radié
des cadres.

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