MADE IN INDIA Morgane SERRA et Valentine QUINIO
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MADE IN INDIA Morgane SERRA et Valentine QUINIO
MADE IN INDIA Morgane SERRA et Valentine QUINIO - Lycée Michelet – Marseille (13) – 2011 Comme tous les samedis après-midi, vous sortez avec vos amis, épuisé(e) après une semaine de travail "épouvantable". Par chance, c'est la période des soldes et les grands magasins débordent de promotions et autres affaires du jour ne cessant d'attirer votre attention. Des amas de vêtements s'accumulent entre les rayons pour votre plus grand bonheur. Une petite robe fleurie par-ci, un teeshirt à 5 euros par là... que vous ne porterez sûrement qu'une seule fois et qui finira par moisir dans votre armoire ! Vous achetez, vous achetez, vous achetez encore et toujours des vêtements par milliers! Mesdames et Messieurs, nous souhaitons vous éclairer sur l'horreur qui se cache derrière le prêt à porter de nos grandes enseignes. Pourquoi ces vêtements sont-ils si peu chers ? Oh ! La marque n'y perd pas et vous non plus rassurez-vous ! Nous nous dressons aujourd'hui devant vous pour dénoncer un système d'exploitation moderne que subissent quelques 250 000 jeunes filles, au sein de véritables usines prisons. Comme vous le savez, de nombreuses entreprises françaises délocalisent leur production là où le coût de la main d'œuvre est dérisoire. Leur choix se porte très souvent sur l’Inde, notamment au Tamil Nadu, dans le Sud du pays, qui concentre une importante industrie textile destinée à l'exportation dans les pays occidentaux. Ce sont les entreprises que nous côtoyons tous au quotidien comme Pimkie, Décathlon, Gap, H&M, Primark, C&A, Carrefour, Kiabi ... Nous nous intéressons à KPR, immense groupe textile indien qui emploie 10 000 personnes, et dont les cinq usines géantes illustrent parfaitement la définition de l'usine "Made in India". EN QUOI LES CONDITIONS DE TRAVAIL DES OUVRIERES SONT-ELLES INHUMAINES ? Les ouvrières, très jeunes, ... QUEL AGE ? Le tien !! Et parfois plus jeunes encore. Des adolescentes, arrachées à la misère de leur campagne pour une misère plus terrible encore. Elles sont enfermées dans un atelier où elles travaillent dans des conditions épuisantes et dangereuses. Six jours sur sept, elles sont assises à coudre, jusqu’à douze heures par jour. Ces jeunes filles sont complètement coupées du monde, privées de toute liberté et n'ont droit qu’à quelques jours de sortie par an pour voir leur famille. Elles sont littéralement emprisonnées dans l'usine, réduites à dormir à 12 dans des chambres de 10 m², des pièces vides et délabrées où elles dorment à même le sol. ET TOUT CA POUR QUOI ? Réaliser le rêve de toute jeune fille indienne : le mariage. En effet, l'entreprise promet au bout de 3 ans de leur verser entre 30 000 et 50 000 roupies (500 à 800 euros) permettant de payer leur dot : c'est le système Sumangali. Mais beaucoup de jeunes filles ne tiennent pas cette durée de trois ans à cause des maladies... Alors, pour celles qui quittent l’usine avant d’avoir accompli leurs trois ans, adieu veaux, vaches, cochons ! N’ayant pas de contrat obligeant l’entreprise à leur payer au moins une partie de la somme promise, elles tirent donc un trait définitif sur leur rêve de mariage. Et l’on ne parle pas de celles – trois l’an passé – qui sont mortes de fatigue et de sous-nutrition. Entre temps, grâce aux doigts de fée de ces ouvrières qui se tuent littéralement au travail, l’entreprise KPR et les grands groupes français qui lui passent commande auront réalisé, comme on dit, de jolis profits… Mais ce qu’auront surtout réalisé les chefs d'entreprises qui emploient ces ouvrières, c’est une véritable atteinte à la dignité humaine ! MAIS JUSTEMENT, COMMENT LES PATRONS JUSTIFIENT-ILS UNE TELLE EXPLOITATION ? Le directeur adjoint de KPR soutient que les normes sont respectées. Il nie le fait que le Sumangali, qui oblige les ouvrières à rester 3 ans dans l’entreprise soit un travail forcé, et affirme même que les ouvrières viennent là de leur plein gré. Mensonges ! Des agents, qui touchent 500 roupies par fille amenée à l'usine, sillonnent les campagnes, repèrent les familles pauvres. Précisons, des jeunes filles, plus faciles à cloîtrer de la sorte, car beaucoup plus dociles, cela va de soi. Ils les convainquent, expliquent à leurs parents que leurs filles seront bien nourries, profiteront de toutes sortes d'activités sportives, récréatives et spirituelles, en bref, une expérience entre nirvana et club de vacances : ils vendent du rêve ! Ce qui les attend est bien moins attirant. KPR reprend vite d'une main le peu qu'elle a donné de l'autre : l’argent promis au bout des 3 ans est en fait prélevé sur le salaire de l’ouvrière, qui « s’élève » par conséquent à 0.33 centimes la journée ! 10 euros par mois ! KPR peut effectivement se vanter d’avoir les coût salariaux les plus bas !! A côté de ça, le profit de l'entreprise est gigantesque : 28 millions d'euros par an, et les chiffres doublent chaque année. QUELLES SONT LES SEQUELLES MORALES ET PHYSIQUES SUR CES JEUNES FILLES ? ET QUI EST RESPONSABLE ? La liste est longue des séquelles de cette vie-là. Les conditions d'hygiène et de sécurité sont bafouées. Aucune protection auditive malgré le bruit assourdissant des machines; quasi-absence de soins : un lit et un pèse personne constituent la "soi-disant" infirmerie pour 5 000 salariées ! Résultats : anémie, retard de puberté, règles irrégulières, infections urinaires ... Et l’asthme qui fait rage, car malgré les particules de coton dans l'air, les ouvrières sont privées de masques protecteurs. Sulhaba, 19 ans, embauchée à 14 ans s'est retrouvée avec une boule de coton dans les poumons ! Le premier jour, Malati, 21 ans, a perdu 4 doigts suite à un changement de poste près d'une machine qu'elle ne savait pas manipuler. Révoltant ! Ici aussi les conséquences sont irréversibles. Quant aux entreprises textiles occidentales, elles se bardent de beaux discours, de chartes éthiques, de projets éducatifs pour le Tamil Nadu, comme l'explique leur site internet, pour rassurer et déculpabiliser leurs clients occidentaux. D'autres jouent les innocentes… Ouf, on est rassurés ! Les accros du shopping vont pouvoir continuer à remplir leurs armoires sans mauvaise conscience. Pour nous, il est clair qu’il s'agit de violations des droits humains, et que oui, les grandes enseignes sont responsables. Des milliers de jeunes filles, de 15, 16, 17 ans sont exploitées au profit des grandes entreprises de prêt-à-porter. Ces magasins où, la plupart d'entre nous, achetons sans réfléchir aux conditions qui se cachent derrière un morceau de tissu. Ainsi, peut être une jeune fille a-t-elle perdu un doigt sur le t-shirt que vous portez en ce moment ? Pour toutes ces « petites mains », pour ces damnées du prêt à porter, nous vous demandons simplement : est-il moral que nos entreprises fassent délibérément fabriquer leurs produits dans des pays où les travailleurs n’ont presque aucun droit ? Ces conditions de vie et de travail qui seraient impossible ici, ou qui feraient scandale, est-il moral de les accepter là-bas, dans ce Far East où les firmes occidentales se précipitent pour mieux s’affranchir de toute règle ? Pouvons-nous en tant que consommateurs cautionner une telle exploitation de la misère ? Et jusqu’à quel point sommes-nous prêts à « laisser faire, laisser passer », pour quelques euros de moins ?! COMMENT ARRETER CET ESCLAVAGISME MODERNE ? Il faut faire cesser ce système qui considère ses employées comme une main d’œuvre captive, jetable, qui n’aurait que des devoirs et pas ou peu de droits ! Il faut faire cesser ce modèle d’entreprises irresponsables qui, au nom de la compétition économique, n’auraient que des droits et peu ou pas de devoirs ! Un contrôle sans concession des conditions de travail doit être pratiqué par les enseignes textiles françaises auprès de leurs sous-traitants indiens. Un collectif d’ONG a commencé ce travail, avec le soutien de l’ONU, de l’Union Européenne, et de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme. Elles se sont regroupées en Comité Contre l’Impunité des Multinationales, et enquêtent dans les usines qui produisent pour le marché occidental. Le rapport que le comité a publié sur l’usine KPR a poussé Carrefour et Décathlon à prendre leurs distances avec leur partenaire indien. C’est un premier pas encourageant et nous espérons qu’on pourra imposer bientôt un cadre réglementaire plus strict aux entreprises qui délocalisent ou font produire à l’étranger, afin qu’elles ne se dédouanent pas de leurs responsabilités envers ceux et celles qu’elles emploient, même très loin. D’autre part, les grandes marques pourraient ajouter quelques centimes au prix unitaire de ce teeshirt qu'elles vendent dans le monde entier. C'est peu pour nous, mais considérable à grande échelle pour ces jeunes filles, et cela permettrait peut-être de leur offrir un meilleur niveau de vie. Enfin, nous pourrions limiter notre consommation excessive en matière de textiles. Afin de ne plus alimenter nous-mêmes cette machine folle qui écrase les salaires et les gens. Nos armoires sont bien assez remplies ! Espérons que désormais vous réfléchirez à deux fois avant d'acheter un T-shirt car derrière chaque étiquette « Made in India » se cachent beaucoup de souffrance et d’injustices. Derrière chaque pièce de tissu se trouve une jeune fille de notre âge, une jeune fille qui a été trompée, déshonorée, abîmée comme le t-shirt qu'elle a confectionné, et que vous enfermeriez vous aussi dans un engrenage infernal.