L`auditoire N 205

Transcription

L`auditoire N 205
L’auditoire
JOURNAL DES ÉTUDIANT-E-S DE LAUSANNE
DOSSIER
Média de référence depuis 1982
Les too big to bug
Mort de Steve Jobs oblige,
L’auditoire décortique ces géants
de l’informatique
Ex Cathedra
page 4
Les minarets sont à
Strasbourg
L’initiative UDC pause un
casse-tête à la Cour européenne
Pol / Soc
page 3
Obama, le messie
qui déçoit
A quelques mois du début de la
campagne présidentielle, bilan
d’une story hollywoodienne
FAE
page 13
Journée égalité
L’association faîtière décortique les
pubs et ses vices
CULTURE
page 15
Grange de Dorigny
Pour les 20 ans du lieu culturel, le
théâtre explose sa programmation
page 22
L’auditoire No 205 // NOVEMBRE 2011
Retours L’auditoire – FAE // Internef – Bureau 149 // 1015 Lausanne
édité
par la
ÉDITO
NOVEMBRE 2011
2
Ô joie et bonheur, lors des élections
du 23 octobre 2011, l’UDC perd 7
sièges au Conseil national. Tout le
monde saute de joie, l’adversaire
régresse, la politique suisse est sauvée. A côté de cela, des phénomènes passent inaperçus, dont la
disparition de l’unique siège de l’extrême gauche au Conseil national. Et
cela illustre bien un processus que
personne ne semble remettre en
question. Le glissement vers la
droite de toute la société suisse.
Depuis que l’UDC a investi le paysage politique suisse, il est l’ennemi
à abattre. Il incarne le démon, et tout
le monde en parle. A côté de cela,
les partis de droite plus modérés
apparaissent comme des enfants de
chœur, et surtout, comme le nouveau centre. S’ensuit un phénomène
inquiétant: l’extrême gauche disparaît peu à peu de l’échiquier politique,
il ne reste donc plus que le Parti
socialiste et les Verts, plus modérés,
pour faire pencher la balance légèrement vers la gauche. Apparaissent
même des partis de droite reprenant
des arguments à leur sauce. Preuve
en est avec ces fameux Vert’libéraux
qui ont tant gagné lors des élections.
La notion de vert est très à la mode
et satisfait alors beaucoup d’idéaux
refoulés de la population. A ceux qui
avaient peur de se revendiquer de
droite, voilà une belle alternative. Le
mot «vert» devant permet de se
Sommaire
PARUTION 6 FOIS L ’AN
IMPRIMERIE
IMPRIMERIE SAINT PAUL
PHOTO
CELINE BRICHET
CULTURE
SÉVERINE CHAVE
CORRECTION
AURÉLIE JAQUET
N° 20
BUREAU 149, BÂTIMENT INTERNEF
1015 LAUSANNE
T 021 692 25 90 – F 021 692 25 92
ÉDITEUR FAE
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SECRÉTAIRE ADMINISTRATIVE ET COMPTABLE
PIERRE-ALAIN BLANC
FAE
JULIEN BOCQUET
MAQUETTE
MARC AUGIEY
POLITIQUE - SOCIÉTÉ
BRIAN FAVRE
CAMPUS
EMILIE MARTINI, ERWAN LE BEC
DOSSIER
ISMAEL TALL
RÉDACTION EN CHEF
EMILIE MARTINI, ERWAN LE BEC
COMITÉ DE REDACTION
ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO
ISMAEL TALL, DIANE ZINSEL, ALICE CHAU, BRIAN FAVRE,
SEVERINE CHAVE, CELINE BRICHET, MELANIE GLAYRE,
CRISTINA EBERHARD, EMILIE MARTINI, ERWAN LE BEC,
SARAH IMSAND, STEPHANIE MONAY, CAMILLE GOY,
JULIEN BOCQUET, MARLYSE DEBERGH, STEFANO
TORRES, ALICIA GAUDARD, CEZANNE TRUMMER, ORIANE
MAKOWKA, CLAIRE VAN DEN BROREK, MATHILDE
ZBAEREN, CHLOE BRECHBUEHL, LOIC GEBHARD,
SAMUEL ESTIER, JOEL REGLI
L ’ AUDITOIRE
REMERCIEMENTS
LA CAFEINE, LE MAC PRO QUI A
TENU LE COUP UNE DERNIERE FOIS,
IGOR PARATT, NOS PROFS POUR LES
DELAIS SUPPLEMENTAIRE.
Tout va très bien,
Madame la Marquise.
dédouaner de toute pensée droitiste.
Résultat: toutes les voix se trouvent
au centre, mais attention, le nouveau
centre, le centre-droit.
Et ce glissement ne semble pas
épargner le milieu universitaire,
puisqu’aux dernières élections de
l’Assemblée des délégué-e-s de la
FAE, le Centre-Droit Universitaire a
gagné presque 4 points. Si tout cela
semble bien lointain, c’est tout un
mode de vie qui est redirigé vers les
valeurs de la droite. Dans notre cher
campus, voilà que le maître mot est
la professionnalisation des études.
Le débat est-il mort?
Ah, la valeur travail, n’oserons-nous
jamais la remettre en question?
Travailler, correspondre aux besoins
économiques, voilà le nouveau leitmotiv. Je vais paraître bien nostalgique, mais il fût un temps où l’université était le lieu où l’on remettait
en question la société. Un centre
névralgique de réflexions et, de par
cela, bien souvent de résistances.
Aujourd’hui, le nom des entreprises
sponsors recouvrent nos murs.
Et le citoyen lambda d’accepter ce
glissement, au mieux avons-nous
quelques réfractaires allant s’asseoir
sur certaines places connues, en
attendant que cela se passe. La réaction est passée bien inaperçue.
Constat très effrayant: il semblerait
que le débat soit mort. Nous pouvons remettre en question bien des
choses (un euro vaut-il 1 fr. 20?),
mais apparemment pas la plus
essentielle: est-ce donc ce modèle
de société qui convient à tout le
monde?
A côté de cela nous applaudissons
les révolutions arabes et les soulèvements en Grèce et en Espagne, mais
d’une façon bien paternaliste, limite
néocolonialiste. Oui, ces sociétés
n’allaient pas bien, elles devaient
changer… et nous, alors? Il semblerait que la forme qu’a prise notre
société soit considérée par beaucoup
comme l’aboutissement de tout processus de ce qui est appelé «développement», ou «processus de civilisation». Acceptons quelques
réformes par-ci, par-là, mais quand
même il ne faut pas exagérer. Et le
débat ne va pas aller en s’améliorant,
au vu des résultats des dernières
élections. Nous voici en présence
d’un gros centre (droit) constitué de
différents partis mais pas vraiment
avec des idées différentes. •
Emilie Martini
Ex Cathedra
page 03
Dossier
page 04
Politique // Société
page 10
FAE
page 14
Campus
page 17
Culture
page 21
Chien méchant
page 24
EX CATHEDRA
NOVEMBRE 2011
3
Hors de Suisse, les minarets
poussent à Strasbourg
La levée de boucliers déclenchée par l’adoption de l’initiative anti-minarets en novembre 2009 s’est concrétisée par une
demi-douzaine de recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. Seuls trois sont encore en
lice. Deux ans après, l’initiative continue de faire des remous.
Pas de victimes
Le motif? «En l’espèce, la cour relève
dans sa décision, le requérant se
plaint essentiellement que la disposition constitutionnelle litigieuse heurte
ses convictions religieuses. Il ne met
dès lors en avant aucun commencement d’application de celle-ci et n’allègue, par ailleurs, pas que celle-ci ait
déposées n’avaient pas épuisé tous
les recours et voies juridiques légales
helvétiques avant de passer aux droits
de l’homme. Et enfin, aucun d’entre
eux n’a soutenu «qu’ils pourraient
envisager dans un avenir proche la
construction d’une mosquée pourvue
d’un minaret», concluent les juges.
déployé un quelconque effet concret
à son égard. De l’avis de la cour, le
requérant n’est donc pas directement
victime de la violation alléguée de la
Convention. En l’absence d’allégation
quant aux effets de la modification
constitutionnelle litigieuse sur ses
proches, il ne saurait non plus être
considéré comme une victime indirecte.» C’est un coup dur pour les
associations suisses, ainsi que pour
Hafid Ouardiri, coprésident de la
Fondation de l’entre-connaissance,
qui représentaient le recours jugé le
plus crédible jusqu’alors. Ils se heurtent à une jurisprudence néanmoins
attendue: Strasbourg tend toujours à
accorder plus de crédibilité aux victimes directes et non aux représentant-e-s. Mais c’est surtout l’argument des autorités suisses qui a été
retenu, à savoir que les plaintes
En attente du recours
La pilule est difficile à avaler. Seule
une phrase lancée par Strasbourg
dans son jugement redonne espoir
aux ligues musulmanes. La cour rappelle que le Tribunal fédéral est compétent pour juger la compatibilité des
éventuels recours avec la Constitution
suisse.
Autrement dit, tout dépendra du prochain recours. Surtout si un tribunal
interdit formellement la construction
Langenthal, le minaret qui pourrait
déboucher sur la première
interdiction
Une seule affaire actuellement en
cours en Suisse risque de déboucher
sur la première application de l’initiative anti-minarets. La construction de
celui de Langenthal (BE) avait été
autorisée par la commune, puis par
la direction des travaux, car demandée avant le vote de décembre 2009.
Une décision assez ironique: c’est
justement ce minaret qui avait
déclenché les premières signatures.
Ce n’est visiblement pas l’avis des
opposant-e-s, regroupés dans le
comité «Stop Minaret», qui ont fait
recours en octobre 2010. L’affaire
stagne actuellement devant le
Tribunal administratif cantonal, et les
anti-minarets bernois se disent prêts
à aller «très loin». Jusqu’à
Strasbourg ?
Dr.
Le 29 novembre 2009, la Suisse
découvrait avec stupeur que 57,5%
des bulletins de vote approuvaient
l’interdiction des minarets par la
Constitution fédérale. Le résultat de
l’initiative a surpris jusque dans les
rangs de l’UDC, qui ne s’attendait pas
à un succès électoral aussi net. Les
médias et politiques suisses ont réagi
dans la foulée, sans comprendre
l’écart entre la réalité des votes et
celle anticipée par les sondages.
Parmi les premières réactions, une
manifestation importante dans les
rues de Lausanne scandait des slogans aussi variés que «Mort au fascisme» et «Ce n’est pas ma Suisse».
Du côté de l’organisateur, hagard
dans le froid hivernal sur le parvis de
la cathédrale vaudoise, il promettait
d’aller «jusqu’au tribunal des droits de
l’homme s’il fallait». Aujourd’hui, deux
ans après, Strasbourg vient de rejeter
deux recours.
Au total, six recours sont parvenus au
seuil du Tribunal de Strasbourg à ce
jour. La plupart sont issus d’associations, comme la Ligue des musulmans de Suisse, la Communauté
musulmane de Genève ou l’Association culturelle des musulmans de
Neuchâtel. Mais coup de tonnerre
dans le monde juridique qui s’attendait à une condamnation de l’initiative,
la Cour européenne a finalement suivi
l’avis transmis en 2010 par l’Office
fédéral de justice et police: deux des
recours les plus crédibles ont simplement été jugés non recevables le 8
juillet dernier.
d’un minaret, ce qui n’a pas encore
été le cas.
Pour l’ancien porte-parole de la mosquée de Genève, Hafid Ouardiri, ce
n’est toutefois que le «déclenchement d’un processus. Nous nous
doutions de cette irrecevabilité, mais
cette démarche était nécessaire.»
Actuellement, seules trois démarches
sont encore pendantes à Strasbourg,
«à un stade initial» du processus. Un
sixième recours a déjà été déclaré
irrecevable. Malgré un avis positif du
Parlement européen, la suite du parcours semble toutefois semé d’embûches: Berne s’est formellement
opposée à un transfert des dossiers
de la petite Cour à la grande Cour des
droits de l’homme en février dernier,
arguant que le suivi des affaires devait
rester «normal».
Plus que trois
recours en lice
C’est apparemment l’opinion opposée
que défend Strasbourg, qui demande
rarement de transférer une affaire à la
Grande Cour de la CEDH. «Un tel
transfert de chambres ne s’opère
légalement que dans deux cas», résumait le porte-parole de la cour,
Frédéric Dolt, notamment «quand l’affaire pendante soulève une question
grave relative à l’interprétation de la
Convention». Mais l’opposition de
Berne suffit pour bloquer le processus
de dessaisissement et a porté un
sérieux coup de frein aux recours.
Comme quoi, les opposant-e-s à l’initiative anti-minarets ne sont pas les
seuls à se lancer dans une bataille
judiciaire. Un long chemin de procédures dans laquelle la seule règle
semble plutôt être celle de la «patate
chaude». •
Erwan Le Bec
DOSSIER
NOVEMBRE 2011
4
Dossier
Les nouveaux visages
des géants informatiques
Facebook, iPhone, Android, Google, Apple, Microsoft, etc. Que de noms qui sont totalement intégrés à notre vie quotidienne. Trop, peut-être? L’auditoire s’intéresse à ces géants de
la technologie de l’information qui influencent, voire définissent, nos vies.
«Poussé à l’extrême, l’usage de la
télématique pourrait être la suprême
aliénation. L’Homme (avec un grand
H) serait conduit à devenir un
consommateur d’images et de
signes, placé devant un écran universel, capable de solliciter tous les
savoirs, toutes les mémoires et tous
les services.» Ces mots prononcés
par l’ancien président français Valéry
Giscard d’Estaing en 1979 lors d’un
discours portant sur l’informatique
semblaient prophétiques. Nous
vivons actuellement dans un monde
où les outils informatiques et internet
jouent un rôle majeur, jusqu’à dicter
notre mode de vie. Cette emprise de
plus en plus acérée et intrusive
engendre une dépendance à la fois
matérielle (téléphones portables,
ordinateurs, smartphones)et virtuelle
(internet, réseaux sociaux). Bref,
nous sommes tou-te-s
cyberdépendant-e-s.
Pour commencer, impossible de ne
pas évoquer LE géant qui monopolise la sphère internet: le tentaculaire
Google. A l’origine, simple moteur de
recherche à caractère presque anticonformiste créé en 1998, Google
est devenu un monstre touchant à
tous les aspects de notre consommation: moteur de recherche, navigation, système d’exploitation sur téléphones portables, messagerie,
cartographie, réseau social, voire
même système d’exploitation. Cette
infiltration massive dans la vie quotidienne fait émerger des questions
quant à la gestion des données et la
protection de la vie privée. L’analyse
du phénomène Google est à découvrir en page 6.
Par ailleurs, quand il est question de
vie privée, Facebook surgit dans tous
les esprits. On le sait: le réseau
social se caractérise par une gestion
des données privées extrêmement
douteuse. A présent, il doit faire face
à la concurrence d’un nouveau venu
nommé Google +. Preuve supplémentaire que Google cherche à toucher à tous les aspects de notre vie
virtuelle, le réseau social fait pour
l’instant des débuts timides. Mais y
a-t-il finalement une différence entre
cet outil et Facebook? A voir dans la
colonne en page 7.
étudiant-e-s sont aussi emballés par
les portables de la fameuse pomme
pourtant plus chers et pour des utilisations limitées (internet, bureautique principalement). «Think different», qu’ils disaient… Vraiment? Ces
relations entre Apple et le monde
universitaire sont à comprendre en
page 8.
La permanente interconnexion des
individus interroge notre rapport au
virtuel. Par exemple, plus de 700 millions d’individus possèdent un profil
Facebook, comme un avatar dans
une forme de matrice. Le réel, rongé
par un manque de repères, tend
même à être surpassé par le virtuel,
plus simple, plus accessible, plus
aseptisé. La tension entre virtualité
et réalité et la propension à la dématérialisation sont autant de questions
naissant parallèlement à l’utilisation
sans limite d’outils informatiques (à
lire en page 7).
Enfin, et parce qu’il faut un peu d’espoir dans ce monde de brutes,
L’auditoire s’intéresse en page 8 au
monde du logiciel libre, ainsi que sa
philosophie sous-jacente, militant
entre autres en faveur de valeurs
telles que la liberté, la transparence,
l’éthique et la coopération. En marge
de notre société et face à la puissance des géants, le logiciel libre
nous plonge au cœur de ce que
devrait être l’informatique.
Dans un domaine différent, un autre
géant fait beaucoup parler de lui: le
fameux Apple. Récemment, la mort
de Steve Jobs a déclendhé des passions jamais vues pour un directeur
d’entreprise. Le déferlement médiatique sur la mort de cet homme suscite bien des questions quant aux
valeurs défendues dans notre
société. D’ailleurs, qu’a-t-il réellement révolutionné, si ce n’est un
marketing diablement efficace provoquant l’engouement pour la fameuse
marque? L’auditoire revient sur cette
mort hyper-médiatisée en page 5.
L’occasion également de revenir sur
la disparition de Dennis Ritchie, développeur d’Unix et du langage C. Son
décès une semaine après Steve Jobs
est passé quant à lui complètement
inaperçu. Dans une perspective plus
locale, il paraît également opportun
d’analyser l’emprise d’Apple à l’Unil.
Alors que les locaux de l’université
n’arborent que des Macintosh, les
Les problématiques liées à la toutepuissance de ces géants numériques
sont nombreuses et diverses. Mais
du fichage électronique à la dépendance technologique, le risque est le
même: ne plus réussir à se «débrancher». Aujourd’hui, le réel est marqué
par une déliquescence des rapports
sociaux (ce qui semble paradoxal
dans un monde doté de moyens de
communication instantanés). Cela
rappelle la nécessité d’une bonne
connaissance des outils utilisés et
d’une permanente distance critique,
au risque d’être littéralement happée-s par ceux-ci
Malgré toutes ces paroles, finalement, n’hésitez pas à aimer notre
page «L’auditoire» sur Facebook.
Comment, vous avez dit
contradiction? •
Ismaël Tall
NOVEMBRE 2011
5
A en croire le tapage médiatique suivant la mort de Steve Jobs, ce dernier
aurait changé la face du monde.
Radios, télévisions, presse écrite
s’empressent de relayer l’événement
et font hommage à l’homme.
Actuellement, selon l’agence Reuters,
le mot «Steve Jobs» se trouve en première place des expressions les plus
utilisées dans les médias et réseaux
sociaux, devançant même la mort
d’Oussama Ben Laden. La biographie
de Jobs, sortie récemment, se vend
comme des petits pains. Steve Jobs
Le 5 octobre dernier, Apple annonçait le décès de son célèbre patron, Steve Jobs, des suites de son cancer.
figure dans le top de la liste des canS’ensuit une extraordinaire vague de lamentations comme seules les grandes vedettes savent provoquer. Mais
didat-e-s au titre de «personnalité de d’où vient la fascination et l’admiration pour cet homme d’un monde aussi obscur que l’informatique?
l’année» du magazine Time.
combler un vide, en somme. Le
indispensables à notre quotidien. Un
d’une souris. Le produit se vend
triomphe du paraître et le matériacomme capable de casser la domina- vif succès visuel qui n’a pas manqué
Génie de la communication
lisme exalté sans complexe. Benoît
d’attirer l’œil des médias.
tion façon d’IBM à l’époque, dépeint
Steve Jobs a été avant tout un formiXVI même, dans un discours du 10
dable vendeur. Déjà en 1984, le lance- selon Apple comme un Big Brother
octobre. «Les plus jeunes sont nés
Léthargie du XXIe siècle
de l’informatique. Le marketing est
ment du premier Macintosh 128K se
dans cette condition, semblent vouloir
Au-delà du performant marketing de
féroce chez Apple: la firme présente
présente comme accessible et facile
remplir de musique et d’images
ses produits comme des biens acces- Jobs, la fascination pour l’homme et
d’utilisation, notamment par la préchaque moment vide, presque par
ses produits interpelle. A-t-on déjà vu
sibles à tou-te-s et simples
sence d’une interface graphique et
pareil engouement pour un chef d’en- peur.» Sommes-nous donc atteints de
technophilie soudaine? Sûrement pas,
treprise? En plus de l’enthousiasme
au vu de la volonté d’Apple de tenir
des médias s’ajoutent les innompar la main ses utilisateurs-trices: la
brables commentaires qui ont envahi
compagnie, en misant sur l’accessibiles réseaux sociaux, les différents
lité et le design, cherche à faire utiliser
recueillements de consommateurs
devant les Apple Stores, jusqu’au pro- une technologie sans la comprendre.
D’ailleurs, les détracteurs-trices de la
fond désespoir de certains fans en
pomme signalent les diverses restricpleurs devant les caméras. Des
tions imposées par les systèmes
jeunes interrogés pour l’occasion le
d’exploitation. A l’instar de Richard
confirment: «C’était un génie, un
Stallman, militant du logiciel libre, qui,
magnat de l’informatique», peut-on
sur un ton provocateur déclarait:
entendre à plusieurs reprises.
«Steve Jobs, pionnier de l’ordinateur
A la lecture de la presse, on conclura
conçu comme une prison cool, mise
que chaque génération a ses propres
au point pour supprimer leur liberté
icônes. Les réactions larmoyantes
aux idiots, est mort.» •
face à la mort de ce «gourou» qu’est
Jobs signalent quelque chose de fort:
la société de consommation poussée
Alice Chau
à son paroxysme. Consommer pour
Dr.
Steve Jobs, ou comment un
simple homme devient une
icône mondiale
C’est notamment les démonstration charismatique de celui que certains appellent le «gourou» qui ont fait sa notoriété.
24 février 1955: Naissance de Steve Jobs.
1976: Création de l’entreprise Apple par
Steve Jobs et Steve Wozniak.
1984: Présentation du premier Macintosh.
1985: Steve Jobs quitte Apple et fonde
NeXT. Apple lui intente un procès.
1997: Retour de Steve Jobs en tant que
CEO intérimaire.
2001: Lancement du premier iPod. Il s’en
écoulera plus de 300 millions en dix ans.
2007: Lancement de l’iPhone.
2010: Lancement de l’iPad.
d’utilisation, mais elle se montre aussi
comme une alternative à la toutepuissance des PC, comme l’indique le
slogan «Think different» introduit en
1997 lors du retour de Jobs chez
Apple. Plus récemment, on voit apparaître les fameuses keynotes d’Apple,
ces conférences dans lesquelles Jobs
présentait, avec un charisme indéniable, les nouveaux produits de la
firme. En découle une mise en scène,
mettant en évidence les nouveautés
comme des révolutions, forcément
La mort de Steve Jobs a peut-être
éclipsé celle d’un autre homme,
Dennis Ritchie. Ce dernier a été
retrouvé inerte chez lui le 12 octobre
2011 dans l’indifférence presque
totale des médias. Pourtant, son
apport à l’informatique est tout aussi,
si ce n’est plus, important. Deux
hommes pour deux styles de travail.
Dennis Ritchie est le père du langage
de programmation C et codéveloppeur, avec Ken Thompson, du système d’exploitation UNIX. Un héritage dont on sous-estime l’ampleur:
la plupart des programmes utilisés
actuellement sont écrit en C ou en
un des langages inspirés (dont le
C++ et Java), parmi lesquels
Windows et toute l’infrastructure
permettant au web de fonctionner.
Et surtout, le système d’exploitation
phare d’Apple, MacOS, se base sur le
noyau d’UNIX. Un travail important
mais discret, à l’image de Ritchie: il
était avant tout un développeur de
l’ombre. Malgré les prestigieuses
récompenses qu’il a reçues, il ne
s’est jamais mis en avant, au
contraire d’un Steve Jobs, qui convoquait tout le gotha de la presse pour
le lancement d’un nouveau produit.
Et lorsque ce dernier insistait sur la
protection de sa vie privée, Ritchie se
contentait de ne pas évoquer le
sujet.
Ainsi Ritchie a développé les bases
obscures de l’informatique, tandis
que Jobs a su rendre l’informatique
attractive et, surtout, la vendre à un
prix fort.
DOSSIER
NOVEMBRE 2011
6
« Don’t ask,
just Google it ! »
Né il y a treize ans, le moteur de
recherche Google a vite grandi.
Aujourd’hui, rien n’échappe à ce
géant et aux ambitions de ses deux
créateurs, Larry Page et Sergey Brin.
Qu’est-ce qui a permis cette
incroyable ascension et quelles sont
les conséquences pour notre sphère
privée?
Google, un nom pas vraiment choisi
au hasard, puisqu’il avait pour objectif de traduire l’envie d’indexer un
gigantesque nombre de données sur
la Toile afin, selon ses créateurs,
«d’organiser à l’échelle mondiale les
informations, dans le but de les
rendre accessibles et utiles à tous».
Quoi de mieux, donc, que de
reprendre l’idée de «Googol», mot
anglais qui désigne le chiffre 1 suivi
par 100 zéros? Le nom trouvé, les
statuts de la société sont déposés le
4 septembre 1998. Puis, tout s’enchaîne très vite, recrutement du premier employé, excellent papier dans
PC Magazine, qui le désigne comme
meilleur moteur de recherche, et
deux déménagements qui se succèdent et les rapprochent toujours plus
de la Silicon Valley. Mais c’est réellement à partir des années 2000 que
Google se développe en se déclinant
dans de nombreuses langues et
fonctionnalités pour devenir ce que
nous connaissons maintenant: un
projet tentaculaire composé de plus
de 180 services, qui finit par éclipser
la concurrence.
A force de voir Google gagner du terrain, il n’est pas étonnant d’entendre
des voix s’élever contre la société,
l’accusant de monopole. «Google est
une boîte qui se développe, non pas
parce que c’est un ogre mais par le
biais des compétences qu’elle met à
disposition des gens», précise
Stéphane Koch, conseiller en stratégie de l’information et de la réputation en ligne. Et à mesure que le
bénéfice augmente, Google multiplie
ses fonctionnalités qui le rend si
populaire auprès de ses utilisateurs.
Rappelons d’ailleurs que le groupe
aurait, selon sa publication du mois
d’octobre, touché un bénéfice net de
2,73 milliards de dollars, soit une
hausse de 26% sur un an. Ainsi Larry
Page a déclaré se préparer à «continuer à faire d’importantes dépenses
d’investissement».
Un service gratuit?
La réussite de la société provient de
la publicité, qui compose les 95% de
son chiffre d’affaires. C’est à partir de
son concept de publicité ciblée que
Google tire son impressionnant
bénéfice. Son fonctionnement? Le
site va recueillir des informations privées grâce aux cookies en lien avec
l’adresse IP du/de la particulier/ère
afin de cibler le/la futur client-e et de
cette façon pouvoir envoyer la facture
aux annonceurs. C’est exactement la
raison pour laquelle Google est aussi
vivement critiqué par tous les organismes intéressés à la protection des
données personnelles. Dès lors plusieurs questions se posent: comment Google parvient malgré tout à
conserver la pleine confiance des
foules? Et peut-on véritablement parler de services gratuits dès lors que
les internautes cèdent des données
privées à Google, qui en tirera profit
par l’intermédiaire de la publicité, en
échange d’informations?
Ne pas négliger la
responsabilité de
l’instruction civique
C’est justement ce que beaucoup de
personnes oublient, comme le souligne Stéphane Koch, «Google collecte des informations personnelles,
c’est le deal, un système de troc.
Est-ce que les gens accepteraient de
payer pour ces services en échange
du fait que Google n’accède pas à
Dr.
En moins d’une quinzaine d’années, la petite société Google s’est transformée en véritable empire. Moteur de recherche, messagerie, réseau social,
etc. A-t-on raison de penser que la protection de nos données privées est menacée? Ou pouvons-nous en réalité contrôler ce flux d’informations
personnelles?
Difficile d’imaginer à quoi ressembleraient nos recherches sans Google!
leurs données personnelles?»
D’autant plus qu’il existe des outils,
tels que Google Dashboard, qui permettent de régler ces paramètres de
sécurité. Ainsi, on peut blâmer le
géant, mais «il ne faut pas négliger la
responsabilité de l’instruction civique
qui ne forme toujours pas assez l’utilisateur-trice sur les dynamiques de
sphères privées», conclut l’expert.
Google, champion de la démocratie culturelle?
Concernant de nouveaux défis,
Stéphane Koch pense que Google
devrait avoir sa pierre à amener à
l’édifice du «droit à l’oubli numérique». Ce droit consiste en la possibilité d’effacer toute trace de ses
données sur un site. En effet, internet est un média de stock, et la
moindre information peut facilement
y être trouvée. «Ce que pourrait
éventuellement offrir Google, c’est
interdire de trouver des informations
lorsque l’utilisateur cherche un nom
ou un prénom, ce qui est techniquement faisable!» L’information serait
ainsi disponible sur le site internet
d’origine, mais la page serait cachée
au moteur de recherche. Encore une
fois, ce genre d’affaire n’est pas
l’unique responsabilité de Google, et
les médias traditionnels devraient
également être plus vigilants dans
leur manière de travailler. «Pour un
journal, l’information est quotidienne,
mais pour les gens concernés, cela
peut avoir un impact sur le long
terme», explique Stéphane Koch.
Ainsi, même si Google a ses torts, il
ne faut pas tomber dans la facilité de
l’incriminer pour tous les maux. Les
torts sont partagés entre médias
traditionnels, instructions publiques,
notamment. Si cette société exerce
bien un énorme contrôle sur nos
vies, il nous est toujours possible
d’utiliser les moyens en notre
possession pour restreindre ce
pouvoir ainsi que réduire la
dépendance que l’on s’est créée
avec cet outil et les différents types
de connaissances qu’il offre. Après
tout, ne nous acharnons pas trop sur
celui qui détient presque l’entier de
notre vie numérique. •
Cézanne Trummer
NOVEMBRE 2011
Facebook
contre
google+
Welcome in the desert
of the cyberspace
Les interfaces que nous offre le web nous permettent bien souvent de nous «réaliser» en
tant qu’individu, de nous construire. Devons-nous comprendre que le réel ne serait plus le
même sans sa matrice? A l’appui de ce questionnement, les ouvrages du prolixe Slavoj
Žižek, philosophe, psychanalyste et essayiste.
L’ironique et désormais célèbre salutation de Morpheus à Néo est ici
détournée. La phrase ne décrit plus
un réel apocalyptique dénué de son
embellissement matriciel, mais son
envers: le désert matriciel lui-même.
Car là où le film pèche par manque
d’imagination en ne supputant pas
un univers auto-référencé, la réalité
dépasse la fiction puisque l’on considère aujourd’hui que le monde «corporel» a tout à apprendre du
cyberespace.
Dr.
Dr.
Cela revient à dire à Néo: «Regarde
comme le monde est bien réglé et
René Magritte, La lunette d’approche
heureux dans sa réalité chimérique,
pourquoi n’apportes-tu pas la bonne
nouvelle à tes congénères qui végètent en cuves placintiques?» Il est
déjà dépassé de parler de Google,
Facebook ou Twitter comme de
simples entreprises hyper-modernes,
images-type du capitalisme made in
Silicon Valley. Car ce faisant, on
occulte le véritable enjeu lié à ces
entités indéfinissables qui, sur la
Toile, fondent le réel, le modulent et
le créent. N’attribuons-nous pas en
grande partie la réussite des révolutions arabes au formidable atout que
représentent les réseaux sociaux?
Internet n’est-il pas souvent considéré comme un havre de paix et de
liberté qu’il s’agirait de protéger des
élans législatifs de quelques Etats
tatillons et réactionnaires? Pour finir,
la citoyenneté du net est en passe,
dans l’esprit de quelques-un-e-s, de
remplacer l’appartenance réelle à
une communauté. Cet universalisme
cybernétique vise à réaliser ce que
l’engagement civique ordinaire n’aurait pas réussi à entreprendre: rendre
égaux les individus-avatars.
Et si ce n’était qu’un leurre?
«Du cyberespace, on attendait pour
tous la possibilité de vivre dans un
village global; cependant, il faut bien
reconnaître que ce qui est arrivé,
c’est que nous ne cessons d’être
bombardé-e-s d’une multitude de
messages appartenant à des univers
inconsistants et incompatibles: à la
place du village global, à la place du
grand autre, nous avons obtenu une
multitude de «petits autres», nous
offrant un choix multiple d’identifications à des particularismes tribaux.»
Dans ses ouvrages, Slavoj Žižek,
tente de débusquer le réel sous ses
faux-semblants. Ainsi dans
Bienvenue dans le désert du réel
est décortiquée cette propension à la
virtualisation et à la dématérialisation
de notre environnement. Nous faisons ainsi face à un réel privé de sa
substance: «On trouve aujourd’hui
sur le marché de nombreux produits
dont ont été éliminées les propriétés
malignes: café sans caféine, crème
sans matière grasse, bière sans
alcool… Et la liste continue: pourquoi
7
pas une partie de jambes en l’air virtuelle, une guerre sans guerre,
comme Colin Powell l’a proposé
dans sa doctrine de la guerre sans
victimes (de notre côté, bien sûr)?»
N’en va-t-il pas de même dans notre
propension à ne vivre non plus à
l’aide des interfaces que nous offre
internet mais grâce à elles?
A la recherche du sens
Dans un bus, j’entends un jeune
couple qui se dispute. Ceux-ci ne
s’invectivaient non pas pour avoir
manqué une occasion de se dire «je
t’aime» (car le garçon s’est, croyezmoi, rattrapé dans le réel), mais pour
ne pas l’avoir marqué instantanément sur Facebook à l’aide de son
iPhone. N’est-ce pas la preuve qu’il
n’est pas si éloigné le temps où les
liens qui nous unissent socialement
ne seront plus transmis par la Toile
mais pour celle-ci, en tant qu’entité
régulatrice de nos vies?
Un réel privé
de sa substance
Pour beaucoup, l’image du «programmateur informatique indien qui
pendant la journée excelle dans l’expertise numérique et qui le soir, en
rentrant chez lui, fait brûler un cierge
à la divinité hindoue» représente
l’achèvement transculturel par excellence. Cette image ne trahit-elle pas
aussi le vide symbolique de nos
vies? Et si la fuite en avant vers les
réseaux sociaux et la vie virtualisée
n’était peut-être qu’une tentative –
bien réelle – de redonner un ordre
symbolique à un monde que nous
ressentons comme insensé? Est-ce
que finalement nous ne rechercherions pas une matrice? •
Brian Favre
Le nouveau service Google +
s’est-il donné les moyens de
détrôner Facebook?
Depuis des années déjà, Google
s’acharne à créer son réseau social.
Après Wave et Buzz, la société
revient avec Google +. En effet,
Facebook est l’endroit où il faut être,
ne pas avoir de profil est socialement
aussi mal perçu que d’appartenir à
une secte, être végétalien-ne ou ne
pas regarder la Coupe du monde de
football. Le réseau social ou la mort.
Fort de ce constat, la société Google
s’efforce de reproduire les mêmes
concepts que son rival. Ainsi, Google
a repris à sa façon le «j’aime», aussi
populaire que le site en lui-même,
savamment renommé «+1 ».
Cependant, ce qui est primordial
dans la réussite d’un réseau social
c’est la quantité d’utilisateurs-trices.
Comment Google peut-il prétendre à
la migration de 800 millions d’individus, sans une réelle idée par laquelle
se distinguer?
Ce nouveau système part de la faille
de son rival, qui postule que vous
tenez absolument à partager la
même chose avec votre meilleur-e
ami-e, votre grand-mère, votre patron
et le dogue allemand de votre voisine
qui possède également sa page.
Chez Google, pas d’amis, mais des
contacts que vous pourrez classer
par cercles. Ces cercles permettent
de sélectionner quelles informations
vous désirez partager avec quels
groupes de manière très simple et
ce sans que personne ne sache à
quel cercle il appartient. La vie privée
est-elle mieux respectée? Il paraît
plutôt que peu importe la façon dont
vous gérez vos cercles, votre
meilleur ami restera toujours Google,
ce grand frère à qui vous direz tout,
que vous le vouliez ou non. •
Cézanne Trummer
DOSSIER
NOVEMBRE 2011
8
Logiciels libres: le software de l’avenir?
Dans cette période de grands changements, la question d’échange libre est de plus en plus soulevée.
Du côté de la technologie, le logiciel libre défie le copyright et ses adeptes.
Avec les améliorations quotidiennes
en technologies et programmation,
un conflit majeur a vu le jour. D’un
côté se trouvent ceux/celles ne jurant
que par le copyright, affirmant qu’ils/
elles méritent d’être rémunéré-e-s
pour chaque utilisation de leur code
pour cause de propriété intellectuelle. De l’autre, les militant-e-s d’un
partage complet, soutenant l’idée
que tout soit facilement atteignable
pour les masses, que nous ayons
tous la possibilité d’en avoir la
meilleure utilisation possible.
En informatique, la solution de partage intégral est le logiciel libre. Un
logiciel est considéré comme tel s’il
offre les fameuses quatre libertés
définies par la licence GPL (ou GNU
General Public License). Soit celles
d’exécuter le programme, d’étudier
son fonctionnement et l’adapter à
ses besoins, de redistribuer le programme, et de l’améliorer et le redistribuer ainsi modifié au public afin
que tous en profitent. A partir du
moment où il est protégé par cette
licence, le logiciel ainsi que toute
contribution apportée sont de ce fait
protégés en tant que «bien commun», souligne Anne Possoz, responsable de l’espace Logiciel Libre à
l’école.
Ce principe inclut donc les libertés
qu’offrent l’open source (code librement atteignable) et les logiciels gratuits (ne garantissant que la gratuité
du logiciel lui-même) avec lesquels il
est souvent confondu, sans en imposer les restrictions.
Malheureusement encore peu adoptés par les étudiant-e-s, de tels logiciels sont faciles à obtenir et s’appliquent à tous les domaines, affirme
Jean-Daniel Bonjour, responsable du
service informatique de l’ENAC à
l’EPFL. Quelques exemples des plus
connus incluent la plateforme Linux,
le navigateur web Firefox, et GIMP
pour l’édition d’images. Ils représentent aujourd’hui le soutien et la collaboration entre utilisateurs-trices
averti-e-s de la liberté totale.
Chacun-e est encouragé-e à y apporter du sien selon ses compétences,
même si ce n’est qu’effectuer un rapport de bug. Les forums offrent un
soutien particulier, chacun-e pouvant
y trouver des réponses (ou en donner), tout en créant un effet communautaire avec des liens humains.
Cette collaboration ouverte présente
désormais un aspect véritablement
constructif dans notre société de
consommation et de «chacun pour
soi».
Dans quel sens désirons-nous aller?
Voulons-nous démontrer notre individualité dans l’extrême de l’individualisme où le partage disparaît, ou
cherchons-nous plutôt à soutenir une
société où nous nous entraidons
tous afin de tirer le meilleur de tout?
Ne serait-il pas plus utile de se servir
des infinies possibilités de développement que nous avons dans un but
solidaire, plutôt que pour un public
restreint et exclusif? •
Claire Van Den Broek
Omniprésence d’Apple à l’Unil:
machination ou hasard?
La pomme paraît désormais implantée sur le campus. Enquête sur la raison de son ubiquité dans nos couloirs,
derrière leurs portes et au sein des auditoires.
Une grappe de bornes internet portant le logo Apple sont érigées dans
nos couloirs. Des centaines de
pommes stylisées surgissent dans
les auditoires au début des cours.
Les Macintosh semblent avoir colonisé l’Unil une bonne fois pour
toutes, autant du côté logistique que
de celui des étudiant-e-s. Ces derniers/ères vont même jusqu’à parler
de mode, d’invasion ou encore de
«secte des Mac», faisant référence à
l’omniprésence des produits Apple.
Cependant, si ce soudain attrait pour
la pomme interpelle, peut-on vraiment parler d’un quasi-monopole du
côté de l’Unil, jusqu’à soupçonner
des accords avec la firme?
Une série de discussions avec plusieurs responsables du Centre informatique (Ci) permettent de prendre
conscience de la différence entre ce
que l’on voit dans les couloirs et ce
qu’il en est vraiment. Sur 6000
machines à l’inventaire des facultés
et instituts, 55% seulement viennent
de chez Apple; rien à voir avec l’ampleur imaginée de l’invasion!
Beauté et simplicité
comme priorités
Dans ce cas, pourquoi tant de Mac
«en vitrine» dans les couloirs? Tout
simplement pour leur design esthétique et leur facilité d’emploi et d’entretien. Ils sont en effet «plus rentables à long terme, leur hardware
étant robuste et leur software nécessitant moins d’entretien», affirme
Patrice Fumasoli, responsable du
support au Ci. Ces caractéristiques
sont pour le moins suffisantes pour
des travaux de bureautique, comme
c’est le cas pour de nombreux collaborateurs/rices de l’université, mais
laissent à désirer pour qui souhaite
réaliser des opérations plus complexes, telles que la programmation.
Ainsi l’Unil laisse-t-elle la liberté à
chaque faculté de choisir ses supports informatiques. Des accords
existent effectivement pour l’acquisition de divers produits, mais, loin
d’être exclusifs, ils concernent
toutes les plates-forme et toute une
série de marques.
Du côté des étudiant-e-s, Apple signifie fiabilité, esthétique, fun et praticité, malgré diverses incompatibilités, ainsi que des possibilités de
personnalisation malheureusement
réduites. Le tout à condition d’être
prêt-e-s à sortir le portefeuille. Aussi
optent-ils/elles souvent pour un
MacBook, portable, léger et peu susceptible «d’attraper» un virus tout en
déplorant intérieurement l’aspect
conformiste et le prix. Pour leurs
achats, le Ci ne vend pas d’outils
informatiques mais propose diverses
offres d’entreprises leur accordant
des rabais alléchants, allant de 10 à
20% pour les produits Apple et souvent davantage pour les autres
marques.
Bref, si la pomme paraît incontournable, c’est que la majorité du public
décide d’opter pour ce qui leur paraît
le plus agréable. Les critères se rapportant plutôt à l’interface et au
design qu’aux détails technologiques. Ainsi, le marketing et l’attention aux petits détails plaisants de
l’interface furent ce qui sauva Apple
et rendit la marque omniprésente
dans notre vie quotidienne. •
Oriane Makowka,
Claire Van Den Broek
NOVEMBRE 2011
9
Abonnement de soutien,
L’auditoire a besoin de vous!
L’auditoire est un journal d’étudiant-e-s, qui ne bénéficie que d’une marge de maneuvre limitée. Nous nous employons à le
faire vivre toute l’année, nous le chérissons, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin, comme toute association, de
soutien financier. Voici donc l’occasion d’apporter votre contribution à la presse estudiantine de l’Université de Lausanne.
Je désire m’abonner à L’auditoire
pour 1 an (4 numéros restant)
Abonnement étudiant-e fauché-e, CHF 20.- (vous êtes fauché-e-s mais vous nous
aimez bien quand même
Abonnement «j’ai coché la case du milieu», CHF 40.- (et il reste que 4 numéros, faut pas exagérer)
Abonnement «riche comme Crésus», CHF 60.- (et là c’est nous qui vous aimons)
Nom:
Prénom:
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Localité:
A retourner à: L’auditoire, Bureau 149, Unil— Dorigny, Bâtiment Internef, 1015 Lausanne.
Remise du Prix de la Sorge 2011
L’auditoire, ce n’est pas seulement
un journal d’étudiant-e-s, c’est
également un soutien aux jeunes
talents et aux événements culturels.
Comme chaque année, votre canard
préféré organise, conjointement avec
la revue littéraire Archipel, le très
célèbre Prix de la Sorge. Ce concours
littéraire est destiné à tou-te-s les
étudiant-e-s immatriculé-e-s à
l’Université de Lausanne et à l’EPFL
et récompense les plus belles
oeuvres écrites. Cette année, c’est
plus de quarante futures plumes qui
ont envoyés leur prose, allant du
roman policier à la poésie libre. Les
délibérations ont eu lieu, les jurés
ont tranché... Le verdict sera rendu
lors de la soirée de remise des prix.
Elle aura lieu le 29 novembre 2011 au
théâtre du Lapin vert, repère des
Belles-Lettres, dès 19h. Nous aurons
la chance d’avoir avec nous le jury au
grand complet: Michel Layaz
(écrivain), Jean Kaempfer (professeur
en français moderne à l’Unil) et
Michel Bory (écrivain et journaliste),
David André (Archipel) et Erwan Le
Bec (L’auditoire). La soirée sera
parsemée de lectures et
d’animations. En plus des agappes.
Venez nombreux-ses! •
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POLITIQUE | SOCIÉTÉ
NOVEMBRE 2011
10
Communication: l’élection du
présidentiable socialiste n’a rien eu
de primaire
Avec le dépôt des candidatures entre juin et juillet et l’annonce définitive des résultats en octobre dernier, la primaire
socialiste française a tenu en haleine tout le paysage médiatique pendant deux saisons. Une omniprésence qui rappelle la
stratégie habituelle du parti majoritaire de droite, qui, lui, joue la discrétion.
Participation
Impressionner l’adversaire ou étudier
le potentiel de mobilisation des
troupes était de loin un des objectifs
principaux des éléphants du PS. On a
vu un Montebourg annoncer fièrement 4 millions de voix à la veille du
premier tour, alors que les plus
modestes avançaient 1 million et
demi de bulletins de vote aux primaires. Un nombre qui doit dans tous
les cas marquer les mémoires quand
les partis sont justement en train de
comparer leur force électorale de
base. L’UMP accusant cette année
une baisse de ses membres à
155’000. Au final, les bureaux de vote
ont comptabilisé pas moins de
2’650’000 voix au premier tour, contre
2’800’000 au deuxième tour. Une
évolution rassurante pour le scrutin
présidentiel, qui se joue traditionnellement sur deux tours.
Dr.
Il y avait comme un air de campagne
dans la presse française des vacances
et dans celle de la rentrée. Pour peu,
la sélection de l’éléphant socialiste à
la présidentielle de 2012 a failli voler la
vedette aux opérations en Lybie et
aux reportages sur les bienfaits de la
crème solaire sur les plages de
Charente-Maritime. A la clôture des
votes le 16 octobre dernier, les analystes étaient unanimes à constater
une primaire calme, sans accroche
majeure. Le seul suspens a d’ailleurs
été constitué par la ligne directrice
des candidat-e-s, dont on apprenait
jour après jour qu’ils appartenaient à
une ligne dure ou molle. Mais pour
les socialistes, l’enjeu principal, qui
était celui de la communication,
semble bel et bien gagné: face à un
Sarkozy gonflé à bloc par ses apparitions liées au printemps arabe ou à la
crise de l’euro, le parti de la rose s’est
taillé la part du lion. Au moins pendant
quelques mois.
Alors qu’en 2006, les primaires
avaient été un simple match gagné
d’avance par Ségolène Royal face à
Fabius et DSK, le millésime 2011 a largement donné une autre image. Pour
le parti, les primaires devaient
François Hollande a commencé sa campagne bien avant Sarkozy.
anticiper le débat présidentiel final et
mettre en jeu les candidats.
«Acceptons le débat, ou alors ce n’est
pas la peine de faire des primaires,
déclarait Martine Aubry en août. Pour
s’attaquer à Nicolas Sarkozy, il va falloir avoir des nerfs. Si on s’inquiète
des mises en cause des différences,
c’est inquiétant pour la suite.» Il en a
découlé une aile «dure» et une aile
«molle» du parti. Aile radicale dont
l’icône s’est soudainement retrouvé
au cœur du débat économique. C’est
même visiblement à regret que le
député de Corrèze a rejoint certaines
positions de Montebourg à la veille du
deuxième tour, comme le contrôle
des banques. «Je considère que ce
sont les responsables de la crise
actuelle, c’est-à-dire les banques et le
système financier, qui doivent en
assumer les conséquences et non les
contribuables», déclarait François
Hollande. Alors que la députée de
Lille proposait plutôt une recapitalisation de la part de l’Etat français, ce
sont les solutions invasives qui ont
séduit.
Malgré la «gauche forte face à une
droite dure» d’Aubry, les socialistes
ont finalement voté en masse pour
celui des deux qui avait à leurs yeux le
plus de chances en 2012. Reste que
les socialistes ont réussi le pari de
maintenir sur eux l’attention du
public, tout en proposant un candidat
qui incarne tous les ingrédients mis
en avant par Sarkozy cinq ans plus
tôt. •
Erwan Le Bec
Assurances, prévoyance et… surveillance
La surveillance évoque – dans la psyché collective – l’image d’Epinal d’un agent de la société, renseigné sur nos vies
et menaçant notre liberté. Mais est-ce toujours d’actualité?
La vision populaire du «Big Brother»
se trouve dépassée dans nos sociétés contemporaines, rompues aux
mécanismes de surveillance invisibles. D’ailleurs, peu de citoyen-ne-s
sont réfractaires à la surveillance
«utile», de celle qui permet de limiter
les abus et combattre l’incivilité. Le
Tribunal fédéral a, dans plusieurs
arrêts, confirmé par exemple le
recours à un détective privé par des
assurances (tant sociales que privées), lorsqu’il s’agit de prouver le
comportement abusif d’un-e
assuré-e. Cette atteinte à la vie privée
se justifie néanmoins, selon le TF, par
l’intérêt public à ne pas verser des
prestations indues afin de protéger la
communauté des assuré-e-s
Pesée des intérêts
Le raisonnement justifiant le recours
à des méthodes de surveillance se
fonde sur des considérations objectivables qui ne souffrent pas de discussion. L’aporie qui en résulte est une
incapacité, pour quiconque aurait un
sentiment de malaise à l’idée d’une
surveillance de soi, d’objectiver à son
tour son propos afin d’opposer plus
qu’un ressenti au discours légalrationnel. Mais comme le rappelle le
professeur et avocat Philippe Meier,
spécialiste de la protection des données, «la pesée d’intérêts effectuée
par les juges se veut la plus objective
possible. En pratique, on n’échappe
cependant pas à un jugement de
valeur» qui n’est, lui, plus si objectif...
Les conditions légales à la surveillance par les assurances sont
posées. Mais plus généralement, la
difficulté d’opérer un débat sur la
question semble relever d’un verrouillage implicite. Car après tout, estce normal d’être suivi via nos portables, est-ce normal que Google et
Facebook vendent des données à des
annonceurs pour «taper juste», est-ce
normal de devoir planter une haie
pour échapper aux regards d’un
détective? Se résigner à ne considérer le débat que sous l’angle normatif
est réducteur, reste les valeurs à
interroger. •
Brian Favre
NOVEMBRE 2011
11
«Un lieu pour les utopies»
Désirs d’éternité dans un
monde en crise: le
transhumanisme de Kurzweil
Ce titre aux accents d’oxymore
marque le début d’un cycle ayant
pour objet d’offrir un lieu, un topos
d’expression aux utopies de demain.
Ce pari immodeste se veut le porteur
de voix nécessaire à tous ceux qui se
sentent inspirés et qui ont un projet
pour ce demain qui nous effraie. On
a dit que le malheur des utopies
d’hier est qu’elles se sont réalisées.
L’avenir apparaît ainsi souvent
comme un horizon indépassable où
ce qui est véritablement nouveau se
perd au profit de petites innovations.
B.F.
Au contraire, ce scientifique influent
aurait même déjà tout prévu pour les
années à venir: d’ici 2029, l’intelligence artificielle aura, selon lui, égalé
les capacités psychiwques humaines
et une machine pourra être dotée
d’une conscience. Loin de produire un
scénario dystopique où les machines
se soulèvent pour prendre le dessus
sur un homo sapiens archaïque, les
progrès de la technologie devraient
permettre à l’homme de transcender
ses limites et de fonder une nouvelle
espèce: l’humanité 2.0.
Trouver sa place
entre technophobie
et technophilie
Ainsi, c’est une fusion entre l’Homme
et la machine qui devrait s’opérer de
manière à ce que chacun puisse améliorer ses capacités cérébrales, qu’il
s’agisse de ses dispositions à aimer,
de son humour ou de sa moralité.
Mais il en va surtout de notre espérance de vie. Traumatisé par la mort
de son père, Kurzweil souhaite endiguer le processus de vieillissement
qu’il considère comme une maladie.
Ouvrant ainsi la porte - à la manière
d’un messie hypermoderne - à une
éternité promise, le transhumanisme
apparaît comme un remède à notre
condition simplement humaine,
désespérément imparfaite.
Alors que le transhumanisme nous
Dr.
Depuis quelques années déjà
s’avance sur la scène publique un personnage haut en couleur et en surprises: Ray Kurzweil, figure de proue
du transhumanisme et futurologue à
ses heures. Si le futur est encore
cachottier pour beaucoup d’entre
nous, sachez que l’avenir de notre planète n’est en rien un mystère pour
cet informaticien diplômé du MIT.
Alors que la vague transhumaniste nous promet l’immortalité et le Salut par la technologie,
l’écologie et les partisans de la décroissance tirent la sonnette d’alarme et annoncent une
apocalypse climatique. Quand deux visions de l’avenir s’opposent. Analyse.
A quand une altérité purement technologique?
promet monts et merveilles dans un
univers d’individualisme radical, l’écologie tente d’ébranler les croyances
sur lesquelles nos sociétés occidentales sont fondées. Le progrès et la
croissance doivent être relégués au
rang de mythes; il n’est plus question
de consommation, mais de réformes
globales afin d’éviter le pire.
Face à de telles prévisions alarmantes, certains adeptes de la politique de l’autruche nient les preuves
qui leur sont apportées. L’individu
hypermoderne, perdu entre désir de
confort et pression morale reste paralysé devant des injonctions opposées;
l’avenir de la planète dépend de son
comportement dans le présent, mais
il est incapable de délaisser volontairement le «bien-être» qu’il a payé de
sa propre poche. Le partisan du transhumanisme, lui, se tourne vers le
futur le sourire aux lèvres, confiant.
La technologie comme Salut
Selon Kurzweil et ses amis, l’humanité se rejoint dans un rêve: celui de
devenir immortel et de toucher à la
perfection. En partant de ce postulat,
les transhumanistes affirment que
toute tentative de leur faire échec est
moralement condamnable, car il en va
du bien de l’humanité. Plus précisément, Nick Bostrom, président de
l’Association mondiale transhumaniste, établit une distinction entre
«Reconfigurer l’humain» à l’Unil?
Au centre de notre Unil, un groupe
de chercheurs-euses se questionne
également sur ce thème. Ethos, la
plateforme interdisciplinaire
d’éthique de l’Unil, mise en place
en 2010, capte les tendances de
notre société hypermoderne et élabore une réflexion éthique (www.
unil.ch/ethos). Comme l’affirme Alain
Kaufmann, directeur de l’Interface
Sciences-Société, qui abrite Ethos, il
s’agit de penser simultanément la
question de la finitude écologique et
celle des promesses transhumanistes, car celles-ci sont «diamétralement opposées et coexistent dans
notre société». Selon lui, «les technologies doivent être remise à leur
juste place: celle d’une contribution
importante à la résolution des défis
qui nous attendent», mais ne doivent
pas être considérée comme «la»
solution. Car le développement de
risques «supportables», comme l’utilisation de substances probablement
cancérigènes ou l’explosion d’un réacteur nucléaire, et risques «existentiels», à savoir tout ce qui peut «provoquer l’extinction de la vie
intelligente».
Ainsi, certains risques qui pourraient
avoir un impact catastrophique sur la
biosphère ou sur la santé et la vie des
individus sont rejetés au second plan,
parce qu’ «ils ne détruiraient pas l’avenir à long terme de l’humanité toute
entière». Dès lors, le transhumanisme
ne concerne qu’une élite tandis que la
majorité restée sur le carreau devra
payer les frais de cette idéologie du
progrès. •
Mathilde Zbaeren
nouvelles technologies poussé à l’excès est véritablement «porteur de
nouvelles inégalités». Au final, «le
mouvement tranhumaniste se manifeste à un moment de l’histoire où
l’humanité prend collectivement
conscience des limites physiques de
son développement» et apparaît
comme le témoin majeur de la
démesure qui caractérise nos
sociétés.
Ainsi, comme le propose A.
Kaufmann, seule la mise en œuvre
d’une «transition écologique»
semble constituer une réponse raisonnable à ce déni des limites. Dès
lors, le transhumanisme apparaît
comme un moyen supplémentaire
de nous voiler la face quant à nos
peurs existentielles les plus enfouies.
Il s’agit donc pour nous de trouver
notre place entre technophobie et
technophilie afin d’envisager le futur
d’une manière nouvelle et
raisonnable. •
POLITIQUE | SOCIÉTÉ
NOVEMBRE 2011
L’UDC se paie
le ciné
Le nouveau spot de l’UDC fait scandale dans les salles obscures. Cette alliance entre politique et culture interpelle: le cinéma deviendrait-il un nouveau terrain de jeu pour les
partis?
Il affirme également que «notre jeune
génération n’a pas de complexes
quant à la nudité» et ne devrait donc
pas s’offusquer de ces maillots de
bains. En somme, c’est «une publicité
urbaine et jeune», dont il vante l’originalité. Avis à tous! La jeunesse d’aujourd’hui est sexiste et nudiste!
avant les films pour enfants.
Cependant, Pathé défend sa neutralité en diffusant également une publicité du parti socialiste, muette quant à
elle.
L’UDC prend la parole
Kevin Grangier, responsable de la
communication au sein du parti, a
accepté de répondre à nos questions.
Pourquoi le cinéma? Premièrement, la
loi suisse interdisant de diffuser des
publicités politiques à la télévision, le
grand écran est donc une alternative
alléchante pour le parti.
Deuxièmement, c’est, selon Kevin
Grangier, un «moyen efficace de toucher beaucoup de monde», ce qui
Stefano Torres
Entre 200’000 et 300’000 francs par
semaine: c’est le coût de la diffusion
d’une publicité dans les cinémas
suisses. Ce n’est pas du tout un problème pour l’UDC, qui diffuse son
spot sur les écrans pendant plusieurs
semaines, et ça dans presque tous
les cinémas suisses, à part certains
réfractaires, comme le Capitole à
Lausanne. Après les affichages agressifs lors des campagnes ou les toutménages, ce nouveau média s’ajoute
à l’arsenal déjà bien fourni du parti
démocrate du centre. Ressortant la
question de l’adhésion à l’Europe, le
parti des «valeurs» de la Suisse
frappe fort sur le ton habituel de la
provocation. Des femmes bavant
Les Suissesses votent UDC. Ou pas.
devant un corps d’Apollon, les clichés
en somme, sont au rendez-vous.
Mails, téléphones, visite sur place:
tous ces moyens n’ont pas suffi à
obtenir une entrevue avec un des responsables Pathé, lesquels ne semblent pas très disposés à répondre à
nos questions. Un silence peut-être
dû au mécontentement des spectateurs-trices qui se plaignent par mail
ou directement aux caisses: «C’est
scandaleux de diffuser une pub aussi
dégradante pour la femme dans un
cinéma», s’est-on confié à nos reporters. Pathé réagit à ces plaintes en
retirant la projection de cette publicité
assouvit le désir de visibilité de l’UDC.
Il affirme que cette publicité «vise un
autre public», soit l’électorat féminin.
Le responsable de la communication
explique que «l’UDC compte une
majorité de voix masculines» et voudrait également «fidéliser un électorat
jeune». Notons que l’on peut raisonnablement douter du succès de l’entreprise, toute femme n’appréciant
certainement pas d’être, par un tel
biais, rattachée à l’UDC.
Cependant Kevin Grangier affirme,
«cette publicité n’est pas dégradante
pour la femme puisque c’est l’homme
sur lequel on fait un gros plan».
Une réponse à l’UDC
Célia Burnand, étudiante à l’UNIL, a
lancé le projet original d’une contrepub: «Spot Pas UDC». L’idée de la
parodie lui est venue après avoir vu le
spot et les réactions dans la salle, elle
ajoute que celui-ci est «totalement
déplacé dans une salle de cinéma,
outre les raisons politiques». Elle
monte alors la publicité avec des amie-s sans aucun soutien financier: «On
a dû dépenser 30 francs», rit-elle. Les
raisons de cette initiative sont claires,
Célia Burnand veut exprimer son
mécontentement quant à la place que
prend ce parti politique dans le
domaine public, qui est «exagérément grande». Elle veut également
souligner l’utilisation de la femme
pour laquelle «ce parti n’est en rien
favorable». Elle donne les exemples
de l’égalité homme-femme non respectée par l’UDC et rapelle «qu’en
1971, ils ne voulaient pas que la
femme puisse voter». En général, la
publicité a été encouragée (environ
80% aiment la vidéo, contre 20%), on
compte 54’247 vues sur YouTube, à
ce jour.
Le fait que le parti cherche à accaparer les votes féminins représente un
paradoxe avec sa politique sexiste. Si
les membres du parti semblent se
réjouir de ce spot, ce n’est pas le cas
du public vaudois. On constate que
l’UDC a perdu sept sièges à ce stade
des élections. Auraient-ils poussé la
provocation trop loin? •
12
Serviette
débilesproof
La serviette européenne de
l’UDC a été commercialisée.
Dans quel but?
Face à la publicité de l’UDC «Les
Suissesses votent UDC», on a pu
assister à de nombreuses réactions,
dont une qui ne manque pas de sarcasme et d’humour. En effet, M.
Patrick Tharin a décidé de commercialiser la serviette de l’Union européenne. Selon lui, ce serait un
moyen de «faire fuir les idiotes à la
plage». On peut aussi voir sur son
site internet une série d’e-mails
adressée à l’UDC, dans lesquels il
demandait d’abord où trouver la
fameuse serviette avant de la commercialiser lui-même. On y trouve
notamment un courriel adressé à
Tony Brunner, où il écrit: «Malgré
toutes mes démarches je n’arrive pas
à obtenir la fameuse serviette antidébiles.» Plus loin, «je vous
demande expressément de répondre
à ma requête de sorte que je puisse
entamer les démarches au plus vite
et ainsi me joindre à vos futurs meetings muni de la précieuse serviette».
«Faire fuir les idiotes
à la plage»
Est-ce une simple stratégie commerciale de sa part ou un outil de
provocation face à l’UDC? Nous trouvons une explication en visitant son
site internet, où l’on rencontre une
association nommée «ASING», acronyme d’«Association pour une
Suisse Interculturelle, Noble et
Généreuse». Cette association prône
une Suisse ouverte aux autres
cultures, respectueuse des droits
humains et prenant en compte la
précarité des plus démunis. Pensez-y
à la plage! (http://www.asing.ch/) •
Marlyse Debergh
Chloé Brechbuehl, Sarah Imsand
NOVEMBRE 2011
13
Obama:
héroïsé puis déchu
Trois ans après l’arrivée en Messie d’Obama à la présidence des Etats-Unis, le bilan est bien plus que mitigé. Retour sur
des espérances déçues par l’ampleur de la mission.
Tous les espoirs de voir naître une
nouvelle Amérique reposaient sur
ses épaules. Un défi colossal, voire
surhumain. Au programme de Barack
Obama: réconcilier les Etats-Unis
avec le monde arabo-musulman,
œuvrer pour la paix et les droits de
l’homme, valoriser les minorités,
réformer le système de santé et promouvoir l’écologie, le tout dans le
but de redresser le fiasco des
années Bush.
Bref, un rêve de révolution auquel le
monde entier a voulu croire, l’espoir
véhiculé par l’obamania envoûtant
suffisamment pour masquer des
obstacles indéniables.
Les promesses d’agir, relayées par
un charismatique «Yes we can!»,
n’ont fait que renforcer la déception.
Aux trois quarts de son mandat, le
bilan n’est pas rose. Le président
semble bien avoir cédé à la real politic, dont il a fait passer les intérêts
avant ses convictions personnelles
évoquées en campagne électorale.
L’ère Bush a laissé
des traces
De ce fait, Obama déçoit le monde
musulman, certes séduit par le
IGOR PARATT
Un Messie qui déçoit
Le principal retournement de veste
du démocrate concerne le conflit
israélo-palestinien. Le 23 septembre
2010, après plusieurs injonctions propalestiniennes, il envisageait, à
l’ONU, la création d’un Etat palestinien pour l’année suivante. Belles
paroles: aujourd’hui, c’est nettement
la cause sioniste qu’il soutient, en
prévoyant notamment d’opposer son
droit de veto à la demande d’indépendance palestinienne. Le vote de
la diaspora juive est ainsi plus assuré
que la paix au Proche-Orient; l’ère
Bush a laissé des traces.
Obama réussit sa politque de
santé, mais pour 2014...
Il est par contre un engagement tenu
qu’il convient d’évoquer: la réforme
du système de santé. Malgré l’opposition dans un premier temps de plusieurs instances gouvernantes, le
Président a obtenu, le 8 septembre
dernier, l’acceptation de son plan de
réforme visant à universaliser l’accès
aux assurances de santé même pour
les citoyen-ne-s les plus démunis. Ce
projet de loi avait tout d’abord été
jugé contraire à la Constitution,
notamment par la cour d’appel fédérale de Géorgie. Ce n’est donc pas
avant 2014 que la couverture de
santé sera à la portée de tout
Américain-e, et encore, si l’on écoute
les scénarios optimistes. La raison à
cela est que de nombreux conservateurs-trices estiment que l’assurance-maladie n’est pas un dû mais
une prestation à acquérir par le travail, c’est-à-dire grâce à un capital
économique conséquent. •
A.G.
fameux discours de tolérance du
Caire, mais qui voit, dans les faits, la
continuation de l’occupation en
Afghanistan. En Amérique comme à
l’étranger, l’islam se sent négligé, ce
qui n’était pas annoncé dans les éloquents speechs.La question des
droits de l’homme n’est également
pas réglée. Leur reconnaissance
complète est encore devancée par
les intérêts de la Nation. La fermeture du centre de détention de
Guantánamo ne semble plus si impérative qu’elle ne l’était en tant que
promesse électorale. Idem pour le
retrait des troupes d’Afghanistan,
alors que celles d’Irak devraient finalement sortir du bourbier fin 2011.
Dans la très critiquée armée américaine, rien n’a changé (ou presque)
depuis Bush. De même, la course au
profit est toujours la norme, et l’écologie reste une option. Mais Obama
n’est «que» le président d’une
démocratie où les pouvoirs, bien
séparés, se régulent et s’opposent
pour le meilleur et pour le pire. Et le
Messie, quant à lui, ne souffrait pas
d’oppositions de ses apôtres. •
Alicia Gaudard
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FAE
NOVEMBRE 2011
14
Elections à l’Assemblée des délégué-e-s
La disparition de la liste Alternative étudiante n’a pas empêché la gauche, représentée par la liste Gauche étudiante,
de maintenir sa majorité malgré une progression du Centre-Droit Universitaire.
A l’heure des élections fédérales,
votre faîtière a aussi renouvelé son
législatif: l’assemblée des déléguée-s (AD). Une moitié de celle-ci est
composée de représentant-e-s des
associations d’étudiant-e-s de
faculté, élu-e-s à l’intérieur de ces
associations, et l’autre moitié d’étudiant-e-s affilié-e-s à des listes électorales, élu-e-s par le corps électoral,
c’est-à-dire tou-te-s les étudiant-e-s
du campus. Cette manière de faire
permet à des étudiant-e-s non affiliée-s à des associations d’avoir un rôle
central dans le fonctionnement de la
FAE.
Chaque association a droit à 1 siège
plus 1 autre siège par tranche de
1000 étudiant-e-s inscrit-e-s dans la
faculté concernée. Il y a donc
23 sièges pour les associations et le
même nombre de sièges est réservé
aux listes politisées.
Résultats de cette année
A la suite de la disparition de l’Alternative étudiante, qui constituait la
formation la plus à gauche de l’échiquier, deux listes politisées se sont
affrontées: le Centre-Droit
Universitaire (CDU) et la Gauche
Etudiante (GE), déjà présentes les
années précédentes.
La GE obtient une victoire relativement large avec 15 sièges: 63.96%
des suffrages cette année, contre
45,04% lors des dernières élections.
Même si elle a su capter une part
importante des voix de l’Alternative
étudiante – qui avait obtenu 22,52%
en 2010 –, on observe un recul de la
gauche en général. Le CDU obtient
8 sièges, comme l’année passée.
Mentionnons que si le nombre de
sièges du CDU ne change pas, leur
score est cette année de 36.04%
contre 32,4% l’année passée, soit
une progression de presque 4 points.
Une encourageante augmentation
de la participation
A première vue, un taux de participation de 8,79% peut sembler ridiculement bas. Toutefois, l’augmentation
de la participation d’un peu plus de
deux points par rapport à l’année
passée (6,67% pour 2010-2011) est
réjouissante. Par ailleurs, à partir de
cette année et suite au changement
du règlement des élections, les listes
politisées vont avoir la possibilité de
se faire connaître des étudiant-e- s
tout au long de l’année académique.
Pour mémoire, la période que les
listes avaient à disposition pour se
faire connaître était limitée à deux
semaines les précédentes années.
Gageons que ce changement, qui
devrait être accompagné d’autres
mesures, permettra de sensibiliser la
communauté étudiante au travail
politique de la FAE et, partant, d’augmenter la participation à l’élection
des délégué-e-s !
La FAE tient à remercier tou-te-s les
candidat-e-s. La nouvelle Assemblée
des délégué-e-s s’est réunie pour la
première le 9 novembre 2011. •
Julien Bocquet
Les confessions d’un ancien de la FAE
Désormais officiellement candidat au
Conseil fédéral, Pierre-Yves Maillard
a commencé sa carrière il y a environ
vingt-cinq ans en tant que secrétaire
général à la FAE. Lors de sa présentation, il est revenu sur son engagement, sur le fonctionnement de l’université à la fin des années 80 et sur
les combats menés par la faîtière. Si
l’université a changé, il est frappant
de constater à quel point les combats restent d’actualité.
Un huis clos dirigé par les profs
Le portrait de l’université dressé par
le conseiller d’Etat est celui d’une
institution gérée par les professeure-s, sans représentation du corps
intermédiaire ni des étudiant-e-s mis
à part dans des commissions tripartites dont le rôle était purement
consultatif. Cette situation a changé
en 1993, lorsque le Grand Conseil a
accepté la participation étudiante aux
conseils de faculté. Avant cela, les
étudiant-e-s devaient se faire
entendre autrement, notamment au
sujet des nominations de professeure-s. D’autres pratiques, qui semblent
évidentes maintenant, étaient tout
simplement impensables il y a
quelques années. Il était par exemple
impossible d’organiser des débats
politiques à Dorigny. L’implication
importante des étudiant-e-s dans la
vie institutionnelle du campus a
certainement joué un rôle important
dans l’avènement de ces changements.
Les années passent, les combats
restent
La démocratisation touche d’autres
domaines également. Travailler en
vue d’octrois plus aisés de bourses
d’études, pour le logement étudiant
ainsi que pour une diminution des
taxes d’études fait partie de ce processus et, de toute évidence, ces
combats ne datent pas d’hier. En
effet, lorsque M. Maillard énumère
les principaux dossiers sur lesquels il
a dû travailler, ce sont ces sujets qui
sont cités et ils sont toujours au
centre des activités de la FAE. Ces
derniers temps, votre faîtière a par
exemple largement contribué au
lancement d’une initiative pour une
harmonisation des bourses d’études
et créé la Fondation solidarité logement étudiant. Des résultats
concrets qui prouvent l’importance
de l’engagement étudiant.
Que peut-on tirer de cette expérience pour l’engagement actuel? Si
de nombreux et importants progrès
ont eu lieu dans certains domaines, il
serait plus que dommage de
Peter Mosimann
Dans le cadre des élections à l’Assemblée des délégué-e-s, la FAE a invité Pierre-Yves Maillard, qui a parlé de son expérience de secrétaire général de la FAE.
s’arrêter en si bon chemin.
L’ouverture de l’alma mater sur le
reste de la société doit aller au-delà
de la simple perméabilité aux débats
politiques: elle doit également
prendre forme à travers un accès aux
études qui ne soit plus déterminé du
tout par les origines sociales des
personnes. •
Julien Bocquet
NOVEMBRE 2011
15
C’est encore loin, l’égalité?
La FAE décortique la pub
Du 2 au 9 novembre, la communauté universitaire avait la possibilité de visiter l’exposition de la Journée égalité.
Celle-ci avait pour but d’expliquer et de dénoncer les mécanismes du sexisme dans la publicité.
Le porno chic ou comment une pub peut imposer un canon de beauté et une torture
Le ridicule et le choc
Les hommes qui ont posé pour ces
photos sont ridicules, soit. Mais alors,
pourquoi une femme réduite au rôle
d’étagère-présentoir à dents blanches
ne serait pas ridicule, elle? En toute
logique, les réactions devraient être
les mêmes pour les deux sexes
lorsqu’ils sont montrés de la sorte.
Pourtant, ce n’est pas le cas, et ces
publicités continuent de tourner en
boucle depuis des années. Peut-être
cela a-t-il quelque chose à voir avec la
perception du ridicule: n’est ridicule
que ce qui sort du cadre, des normes,
des habitudes. Faut-il comprendre,
dans ce cas, qu’une image de femmepotiche-lessiveuse est normale, habituelle, et que cette même image
devient ridicule – donc, d’une certaine
manière, choquante – lorsqu’un
homme y occupe la place centrale?
Dans ce cas, certain-e-s de nos amie-s publicitaires, qui présentent pourtant leur travail comme quelque chose
de créatif, voire d’artistique, ne
seraient que des vulgaires propagandistes, participant activement à la
reproduction des stéréotypes. Ou
peut-être ne font-ils qu’obéir aux instructions de leurs partenaires commerciaux et employeurs. Mais là n’est
pas la question.
Une curieuse contradiction pointe à
présent à l’horizon. D’un côté, choquer en montrant des personnes qui
ne correspondent pas aux normes fait
fuir. D’un autre, les publicités doivent
être suffisamment choquantes pour
attirer l’attention. En regardant les
photos exposées dans le cadre de la
Journée égalité, une réponse se dessine: il faut toujours caresser dans le
sens du poil, le choc n’étant que l’augmentation de la pression exercée par
la main. Pour le dire plus clairement,
si, dans une société, les femmes sont
réduites à leur seule chair, il n’est pas
choquant de montrer leur corps, quel
que soit le but, puisque ce n’est de
toute façon qu’un support. Le choc
est provoqué par une utilisation un
peu plus ou beaucoup plus appuyée
que d’habitude de leur physique. Petit
à petit, les corps se dénudent, les
formes explosent (de manière ciblée)
ou disparaissent et, lorsque cela ne
suffit plus, c’est par un travail plus
Dr
Dans un article publié dans
M-Magazine (No 9, septembre 2010),
Mme Nina Scheu relate les péripéties vécues par Mme Nora Cista, une
étudiante en art et design de la
Haute Ecole de Lucerne. Cette dernière a fait une chose pourtant simple
– encore fallait-il y penser – en
demandant à des amis (hommes) de
remplacer le mannequin (femme…)
dans une pub pour des produits lessives. Les hommes qui se sont prêtés
au jeu ont dû adopter les pauses ridicules auxquelles les grandes marques
de produits lessives, entre autres,
essaient de nous habituer depuis plusieurs décennies. Les réactions des
camarades d’études de Nora Cista
sont saisissantes: ils/elles lui ont
reproché d’avoir humilié les
hommes…
«recherché» de l’expression, de la
position, des références et du
contexte que l’on parvient à créer ce
choc, cette surprise.
Cerise sur le gâteau de la contradiction, les extrêmes d’hier devenant la
norme d’aujourd’hui, le résultat
obtenu est souvent l’apathie, l’indifférence. Le matraquage fonctionne et
annihile la capacité de se révolter, de
s’émanciper, persuadant les
un-e-s de la fatalité de la situation et
renforçant la domination des autres.
Cela fonctionne tellement bien que
des marques célèbres peuvent se
permettre de montrer des scènes
d’une extrême violence, comme des
viols collectifs, sans pour autant être
massivement boycottées.
Les mots tuent
«On utilise le corps de la femme
parce qu’il est beau et que les gens
aiment regarder cela», se justifie le
directeur d’une agence de pub dans
un article du 20minutes (3.11.11), au
sujet de l’utilisation des femmes dans
la publicité. Cette phrase, d’apparence
banale, est en fait d’une violence
inouïe. «LE corps de LA femme est
beau»… Ainsi, la norme est posée: il
y a un éternel féminin et cet éternel
n’a qu’un seul corps. Que faut-il en
déduire? Que tout ce qui ne ressemble pas à cet idéal n’est pas
femme? Que la beauté n’est
qu’image et n’a qu’une forme? En
quelques mots, l’individu est vidé de
tout ce qu’elle a d’intime, de tout ce
qui fait son unicité. Il est nié et, par sa
négation, contribue à l’effacement
des autres individualités, forcées de
se comparer à un modèle, dont le
processus d’invention est masqué. La
fin de la citation est également saisissante: «les gens aiment regarder
cela». Sommet du populisme, celui/
celle qui impose aux autres sa vision
du monde prétend savoir ce que le
monde veut. La méthode est connue,
elle n’en est pas moins dévastatrice.
Là aussi, l’Autre n’existe pas. Il n’est
qu’une partie négligeable d’un groupe
indistinct aux désirs évidents, uniformes et généralement vulgaires.
L’égalité par le nivellement
Si ce sont, le plus souvent, des corps
de femmes qui sont exploités à des
fins publicitaires – les plus sceptiques
n’ont qu’à regarder les affiches des
soirées placardées sur les murs de
notre alma mater –, les hommes,
depuis quelques années, ont également la chance de jouer les rôles passionnants de fantasmes, paquets de
muscles ou objets sexuels, entre
autres. Cela montre bien l’immense
difficulté de la lutte pour l’égalité des
sexes. Celle-ci a pour buts l’émancipation, la liberté et la dignité de toutes
et tous. Au lieu de cela, elle semble
se faire par le bas: nous n’assistons
pas à la disparition de l’utilisation
commerciales des corps féminin mais
à une généralisation de cette pratique
aux deux sexes. Peut-être parce que
l’égalité ne peut pas être morcelée:
elle est entière ou elle n’est rien. •
Julien Bocquet
FAE
NOVEMBRE 2011
16
Le CHUV change
Dans le cadre de la réforme MEDUNIL, le Conseil d’Etat a demandé à plusieurs parties prenantes, dont la FAE, leur avis
sur les changements proposés.
Le Rapport à l’attention du Conseil
d’Etat au sujet de la réforme
MEDUNIL rappelle les buts de cette
dernière: l’amélioration et la simplification de l’organisation et du processus de décision ainsi que le maintien
du contrôle politique, entre autres.
Ce projet se fixe également pour
objectif de réunir sous une même
gouvernance prestations de soins et
de services, la formation et la
recherche, les sciences fondamentales et les sciences cliniques.
Précisons que cette future institution
serait divisée en deux entités dépendantes: MEDUNIL-UNIL et
MEDUNIL-CHUV.
Pour répondre le mieux possible aux
questions de la consultation, le
Bureau de la FAE a collaboré avec les
deux associations les plus concernées par le sujet – l’Association des
étudiant-e-s en biologie et l’Association des étudiant-e-s en médecine –
mais aussi avec des associations
d’assistant-e-s. Si tout le monde
n’était pas forcément d’accord sur la
forme, un terrain d’entente a été
assez facilement trouvé pour ce qui
est des principaux reproches que l’on
peut adresser à MEDUNIL.
Qui décidera?
Le projet, en l’état actuel, propose
que la nouvelle institution soit dirigée
par un-e président-e, désigné-e par le
Conseil d’Etat, et deux vice-président-e-s proposé-e-s par ce/cette
président-e. Si la FAE comprend
cette proposition, nous estimons
qu’une élection, qui laisserait aux
autres parties prenantes la possibilité
d’exprimer leurs préférences, serait
plus pertinente.
D’ailleurs, il nous semble que ce problème est assez général et que la
structure proposée par MEDUNIL
n’offre pas toutes les garanties qui
permettraient un contrôle partagé
des décisions. Du côté de MEDUNILUNIL, un rôle consultatif pour le
Conseil académique proposé est
insuffisant, et la FAE souhaiterait que
tous les corps y soient représentés.
L’équivalent d’un Conseil académique
avec rôle décisionnel devrait exister
également dans la «demi-structure»
MEDUNIL-CHUV. En outre, nous
proposons que ces deux instances
se réunissent, à la manière de l’Assemblée fédérale, au moment du
vote du budget et lorsque certaines
décisions stratégiques touchent l’ensemble de la structure.
En plus de ces questions organisationnelles, la FAE craint que la
recherche fondamentale et que la
diversité des enseignements pâtissent de la réforme. Le risque existe
en effet que les domaines «rentables» prennent petit à petit le dessus sur les autres, ce qui aurait un
effet délétère sur la formation offerte
par l’Université de Lausanne. •
Julien Bocquet
Mais que fait la FAE?
155e AD de l’UNES à Bâle
Le week-end du 18 au 20 novembre
2011, la 155e Assemblée des délégué-e-s de l’Union des étudiant-e-s
de Suisse (UNES) aura lieu à Bâle.
Cette assemblée, qui constitue l’organe législatif de l’UNES, réunira les
représentant-e-s étudiant-e-s de
toute la Suisse. La délégation de la
FAE, soit 6 étudiant-e-s de l’UNIL,
devra se prononcer sur de nombreux
sujets. Un papier sur la marchandisation des études sera notamment discuté et voté. Il s’agira également,
pour toutes les sections de Suisse,
de se mettre d’accord sur le budget
de leur faîtière. De plus, cette assemblée sera l’occasion de discuter du
cadre général que l’UNES adoptera
dans les prochaines années, afin
d’agir sur des dossiers importants,
tels que l’accès aux études, les taxes
universitaires et le numerus
clausus. •
C.G.
Récoltes pour l’initiative:
c’est terminé
Du changement à la FAE
Après plus d’un an passé à récolter
des signatures pour l’initiative sur
l’harmonisation des bourses
d’études, cette phase est terminée
pour la FAE et l’UNES! La suite du
projet consiste maintenant à procéder à l’homologation de ces signatures. Il s’agira ensuite d’amener le
projet sur la scène politique et de
commencer la campagne afin de le
défendre. Cette initiative fédérale, si
elle est acceptée par le peuple, permettra d’harmoniser le système des
bourses d’études en Suisse, et de le
rendre ainsi équitable pour tou-te-s
les étudiant-e-s. Parce que la formation doit être un droit, et non un privilège des plus aisé-e-s, la Fédération
des associations d’étudiant-e-s de
l’UNIL est très fière d’avoir mené à
bien ce projet et remercie toutes les
personnes qui l’ont aidée. •
Il y a quelques semaines, la FAE a
mis au concours le poste de secrétaire administratif et comptable, suite
au départ de Funda Seker. La FAE a
reçu beaucoup de dossiers de candidatures, et après des heures d’entretiens et de réflexion, c’est finalement
Pierre-Alain Blanc qui a été retenu. Il
a fait son entrée au secrétariat de la
FAE le 17 octobre. Bienvenue !
Ce n’est pas sans tristesse que le
Bureau a laissé filer Funda vers l’horizon studieux de la fin du master.
Funda, dont les compétences professionnelles et humaines ne sont plus
à démontrer, a été bien plus qu’une
secrétaire administrative et comptable ; très vite, elle est devenue un
pilier central du Bureau, une amie. Le
Bureau lui souhaite un avenir radieux
et la remercie pour son excellent travail pour la FAE. •
C.G.
M.G.
Don du sang
La FAE et Ma Vie Ton Sang! organisent, les 6, 7 et 8 décembre prochain, le don du sang à l’Anthropole à
l’Amphipôle. Il est de notoriété
publique que les réserves de sang en
Suisse sont très basses et, en
période hivernale, ces réserves tendent à s’amenuiser encore. Les
patient-e-s de nos hôpitaux souffrent
de ce manque, et nombre de décès
pourraient être évités si plus de personnes donnaient leur sang. Savezvous qu’un-e polytraumatisé-e de la
route (du type accident de la circulation) peut avoir besoin de 80 poches
de sang pour être maintenu-e en vie?
Dès lors, la FAE ne peut qu’encourager les membres de la communauté
universitaire à donner un peu de leur
sang lors de ces 3 jours. Une magnifique collation sera gracieusement
offerte aux donneurs/euses par la
FAE. •
M.G.
NOVEMBRE 2011
17
Elle court, elle court la
rumeur au sein de l’AGEPoly
Agenda
Sur le terrain polytechnique, une petite bulle médiatique a éclaté autour de son association
faîtière. Compte rendu.
- 30.11.11: Hell’s Kitchen (CH, Blues
trash) + Chapel Hill (FR, Blues/
americana)
- 05.12.11: Jam session
- 15-16-17.12.11: Café-théâtre
- 21.12.11: The National Fanfare of
Kadebostany
pour le Comité de direction de l’AGEPoly, qui ne souhaite plus «communiquer sur le document», selon son PV
du 30 octobre.
Finalement, tout cela n’est peut-être
qu’une tempête dans un verre d’eau.
D’après les PV du Comité de direction, il y a effectivement eu en ce
début de semestre des divergences
de plus en plus marquées entre l’auteur et les autres membres, probablement amplifiées dans le document. Mais dans la gestion de cette
crise, l’AGEPoly s’est aussi beaucoup
souciée de son image, en envisageant d’abord de porter plainte pour
diffamation contre la radio universitaire avant de se raviser et d’aller
s’expliquer directement avec elle, qui
s’est par ailleurs excusée d’avoir
publié ce document sans en avoir
vérifié les sources. Une solution plus
avisée, car sa crédibilité passe avant
tout par ses actions pour les étudiants et non son image. •
Alice Chau
Le mouton du mois
La photo du mois
Alicia Gaudard
Plus d’infos sur: http://sat.epfl.ch/
Emilie Martini
Le 20 octobre 2011, Fréquence
Banane publie la lettre ouverte du
responsable Informatique et
Logistique de l’AGEPoly démissionaire, qui dénonce notamment des
manipulations comptables et falsifications et disparitions de PV. La
presse régionale accourt et l’association se retrouve au milieu d’accusations plus ou moins graves. Suite à
une facture de mobilier contestée,
l’AGEPoly demande une nouvelle vérification de ses comptes par une fiduciaire lors de son assemblée générale du 25 octobre. Sur la base de ce
document officiel, elle dément toute
manipulation. Quant aux autres accusations, il s’agirait d’attaques personnelles et de règlements de comptes
à l’interne. La question est close
Sat
Amnesty a construit le 12
novembre dernier une baraque de
bidonville devant la bibliothèque
universitaire. Une façon de sensibiliser les étudiants aux destructions des quartiers pauvres du
Nigeria. Les militant-e-s estiment
que l’obtention d’un toit, même
précaire est un droit fondamental
des êtres humains. La section
d’Amnesty des Hautes écoles lausannoises se lance pour la première fois dans une démonstration aussi forte.
On continue notre aventure moutonnesque avec Aphrodite. Voici l’histoire vraie d’une rescapée...
Bottens, il y a 11 ou 12 ans, notre
cher berger s’occupe de son troupeau, lorsqu’il voit une voiture avec
une bétaillère s’arrêter. Un vendeur à
l’accent fribourgeois en sort. Il
cherche apparemment à se débarrasser d’une brebis et ses deux petits.
La mère parait bien maigre, mais
selon le vendeur «C’est parce qu’elle
a beaucoup de lait, donc». Mais la
vérité est plus triste, la pauvre brebis
est infestée de vers, elle mourra
dans les semaines suivantes.
Aphrodite survit, elle, et gambade
maintenant, à presque 12 ans, dans
les prés de Dorigny.
E.M.
Zelig
Ciné-Club
Nanarenkilt, le 09.12.11
La flamme lausannoise du nanar
brûle dans toute sa splendeur. Viens
voir des ninjas en qualité VHS, écouter des doubleurs mous du genou,
entrer dans l’esprit torturé d’un réalisateur et tout cela en profitant de
pauses bien arrosées.
Au programme, dès 19h :
2 x 45 minutes d’extraits et 1h30 de
film dans une superbe salle, avec
vue sur la route cantonale.
Entrée 10.-
Frequence Banane
- Banane Rose le mardi de 22h30 à
minuit
- Iron Banane pour les fans de métal
en alternance avec Pop Corn (émissions 100% cinéma), un lundi sur
deux de 20h à 22h
- Métronome le vendredi de 21h à
minuit
- Micropolis lu à ve de 18h à 19h
- Les émissions genevoises
Macropolis lu à ve de 19h à 20h
- Café Kawa lu à ve de 7h à 8h
Programme complet sur www.frequencebanane.ch
Horoscope
SSP: Mercure est dans sa deuxième
maison, et vous, vous êtes en train
de mourir sous la charge de travail
que vous envoie Mars. Et les profs.
Lettres: Tout va bien, les astres sont
avec toi.
EPFL: Jupiter, planète des contrats
vous envoie un 2e rolex learning center. Attention toutefois aux gémeaux
qui cherchent aussi à jouer en LAN.
HEC: Saturne vous réserve une place
pour le prochain cours si vous êtes
gentils. On ne le paie pas, lui.
- 24.11.11: Finger Tanzen + Demon-D
(Electro-balkanique + Dubsteb/
Drum’n’Bass)
- 01.12.11: Hannibal Slim + Captain
Boogie +Rocket Wheels (Rock’n’Roll,
Blues, Country)
- 08.12.11: Djangologie (Jazz
Manouche)
- 15.12.11: DJ Ismash et DJ Kama
(Dub, Dubstep, RaggaJungie,
Reggae)
- 21.12.11: Soirée de L’auditoire
- 22.12.11: VIDAGE DE FUTS
Programme complet sur www.zelig.ch
CAMPUS
NOVEMBRE 2011
18
Imprimantes à l’Unil:
quel coût écologique?
Depuis la rentrée, le service
PrintUNIL a subi de grands bouleversements. Exit les vieilles imprimantes instables et place à du neuf.
Leur nombre est passé de 8 à 20 et
elles proposent de nouvelles fonctions telles que l’impression depuis
un ordinateur portable ou encore la
numérisation des documents.
Aujourd’hui, le nouveau service
«PrintUNIL 4» semble être un succès auprès des étudiant-e-s. Mais en
favorisant toujours plus l’impression,
n’y a-t-il pas trop de papier utilisé?
L’efficacité avant tout
Entre le 20 septembre et le 31
octobre de cette année, on peut
noter plus de 1,7 millions d’impressions et copies. «Parmi le total,
88,5% des feuilles ont été utilisées
en recto verso», se réjouit Vincent
Demaurex, responsable du service
aux étudiant-e-s au Ci. L’informatique,
très présente dans les études actuellement, engendre de nouveaux défis:
«Nous avons observé un glissement
de l’utilisation traditionnelle du
tableau noir à celle des documents
sur des plates-formes comme
MyUnil. Le rôle du Ci et de PrintUNIL
est avant tout d’accompagner le
changement et proposer un service
aux étudiants adéquat», affirme
Vincent Demaurex. Une adaptation à
la demande croissante, en somme. Il
rappelle également que l’Unil et
l’EPFL sont les universités de Suisse
romande les plus généreuses quant
à l’octroi de crédits d’impression.
Quid de la qualité du papier, recyclé
ou pas? Il existe deux types de
papier recyclé pouvant être utilisé
pour les imprimantes, explique
Vincent Demaurex, mais tous deux
posent problème et ne sont par
conséquent pas employés. Le premier papier, de couleur grise, tend à
produire de la poussière, en raison
des fibres brisées qui le composent,
et provoque des bourrages d’imprimantes. Son utilisation créerait à
nouveau des problèmes de pannes
et de files d’attente déjà souvent
décriés. Le deuxième type est le
papier recyclé blanc qui, lui, a subi de
Ismaël Tall
Alors que l’écologie est au centre de bien des préoccupations, L’auditoire s’interroge sur le nombre et la qualité des
feuilles utilisées par les imprimantes publiques de l’Unil. Mais au-delà des considérations environnementales, le Centre
informatique (Ci) cherche avant tout à servir au mieux les étudiant-e-s.
En un mois, toutes les imprimantes de l’Unil ont généré un million et demi de copies
numérisation. Sachant que 80% des
étudiant-e-s ont un ordinateur portable, l’avenir semble se diriger vers
le tout-numérique. Ce qui peut soulever d’autres problématiques écologiques, comme l’utilisation excessive
Vers la dématérialisation
d’électricité notamment. Le débat
Lutter pour une moins importante
utilisation de papier chez les étudiant- est ouvert. •
e-s doit passer par un changement
de comportement; le Ci, en sa quaIsmaël Tall
lité de prestataire, n’a pas de réel
pouvoir en la matière. Un premier
geste serait d’employer au mieux la
Pour plus d’infos: http://www.unil.ch/ci/page32140.html
nombreux traitements. Est-il alors
vraiment plus écologique? Pour ces
raisons, des feuilles de première production ont été préférées.
Cindy N’da
L’Unil a ses cheerleaders
La team de cheerleaders de Dorigny est en pleine expansion. Et elles comptent bien venir à
bout des clichés.
«Essayez de rester concentrée, à un
mètre du sol en équilibre, tous
muscles tendus, le tout en souriant.
Vous verrez si c’est facile.» Dans une
salle de gymnastique lausannoise, la
trentaine de cheerleaders, en tenue
complète et en plein entraînement, se
prépare pour le championnat suisse
de «cheerdance» avec, à la clé, un
séjour à Orlando. «On n’a pas le
niveau des Américaines, mais on y travaille. C’est bien plus qu’un cliché. On
pratique une combinaison de sports,
et ça peut tourner mal. Imaginez une
chute d’un mètre sur un parterre de
filles.» Inès Stettler, étudiante en HEC
et membre fondatrice des cheerleaders, n’en démord pas. Le cheerleading semble effectivement à la mode
en Suisse. Rien qu’en Suisse
romande, les filles de Dorigny voient
apparaître deux nouvelles équipes
concurrentes chaque année.
La jeune équipe accuse cette année
une soudaine évolution de leurs effectifs. Leurs arguments ? Les paillettes,
l’ambiance des matchs, la compétition… et le lien avec l’équipe de football américain de l’université. «Mais
on lutte tous les jours contre le cliché
de la fille stupide qui agite des pompons au bord du terrain», conclut la
coach, Gallia Vullo.» Les ordres sont en
anglais, et la discipline est de fer. Une
application toute helvétique du rêve
américain. «C’est clair que le rêve
américain entre en ligne de compte et
attire une partie des cheerleaders,
selon Inès Stettler. Mais ce qu’on fait
ici ne ressemble pas aux films. Là-bas,
le cheerleading fait partie du cursus et
est obligatoire. Nous, on fait ça volontairement, en plus des cours.» •
Erwan Le Bec
NOVEMBRE 2011
19
Le cool dans tous ses états
Dans les chaleureux locaux de
l’Extranef s’est tenu, ces 1er et 2
novembre, le premier «Cooloque» de
l’hisoire: un colloque expérimental se
proposant d’interroger la notion du
«cool», non pas comme instrument
langagié exprimant son
contentement, mais bien comme
une propriété sociale et esthétique.
Autre particularité de cet événement,
outre un sujet novateur et peu étudié
dans le champ académique, le fait
que l’impulsion et l’organisation
découlent d’étudiant-e-s
exclusivement, avec bien entendu le
soutien des universités concernées
de près ou de loin, ainsi que
quelques associations estudiantines
motivées à soutenir une telle
ambition. C’est ainsi qu’une bande
d’amis a mené son projet à bien,
proposant pas moins de neuf
interventions mobilisant des
perspectives aussi bien
philosophiques que de sciences
sociales afin de tenter d’explorer
cette notion a priori insaisissable
qu’est le «cool».
L’interdisciplinarité
comme mot d’ordre
Pas sérieux-euses s’abstenir, il ne
s’agissait pas là de délirer dans le
vide, mais bien de proposer autant
des approches générales que des
études de cas plus précis, mobilisant
des auteur-e-s pour une analyse
réfléchie. Ainsi avons-nous exploré la
force contraignante du cool comme
facteur de distinction, voire même
comme outil de pouvoir à travers des
terrains aussi variés que la figure du
dandy du XIXe siècle ou que son rôle
économique dans le système
capitaliste.
Cinq questions cool
aux organisateurs
Comment est né le projet?
Constant Bonard: A travers mes
voyages et mes rencontres, j’ai perçu
la possibilité de donner un certain
universalisme à la notion de «cool».
Ensuite, avec Benjamin Neeser, nous
avons écrit un article publié dans iPhilo,
un journal édité par les étudiant-e-s en
philosophie de l’Univesité de Genève
faisant une ébauche d’une théorie du
cool. J’ai ensuite envoyé le papier à
quelques amis, le texte appelant à
intervenir sur cette question. Ils ont
répondu à l’appel et voilà comment est
née l’idée d’un «cooloque» mobilisant
plusieurs perspectives.
Etes-vous satisfaits du soutien
apporté par les universités et autres
associations pour le projet?
Colin Pahlisch: Beaucoup. Ils ont
vraiment joué le jeu, tant l’AEL, l’AESSP
et la FAE que les instances
universitaires en nous aidant
financièrement. Après, il est peut-être
dommage que peu de personnes de
ces associations ou du corps
professoral n’aient participé à
l’exercice. Toutefois, on peut compter
sur leur soutien, ils savent reconnaître
quand il y a du sérieux dans
l’organisation.
Si l’on peut regretter le peu d’écho
qu’a eu ce colloque auprès du corps
professoral, celui-ci a eu cependant
l’avantage de proposer aux étudiante-s lambdas un cadre décontracté
facilitant la prise de parole, exercice
pas toujours facile lors de
conférences où la dominance
professorale fait poindre la timidité.
De plus, avec des objets d’étude
comme le «hipster» ou le cool dans
les films post-apocalyptiques,
chacun-e pouvait trouver un terrain
de détente favorisant la discussion.
Bref, une ambiance cool loin des
débats austères, où la discussion se
résume plutôt à la foire d’empoigne.
Un bel exercice qui sera sans nul
doute renouvelé, et qui donnera lieu
à une publication léchée. Le vernissage est pour bientôt, êtes-vous
assez cool pour cela? •
Dr
Début novembre, vous avez peut-être remarqué un alien dans l’agenda de l’Unil, colloque étrange tant par son sujet
que par sa forme: un «cooloque» organisé entièrement par des étudiants1. Notre curiosité a été piquée...
!"#!$%&'$#('%$!)*+!%,-#$'+#(*.,+!$*!/0$01'2'*!3#+!).!4#$-#-*!
03'25$*!3%.,!4#!+'&34*!,#'+%$!6.7'4!+7#-'(!*824.+'9*&*$(!)7:%&&*+
Stépanie Monay
Un colloque organisé par des étudiants seuls, c’est une première ?
Antoine Tille: A ma connaissance, oui,
surtout qu’aucun d’entre nous ne fait
vraiment partie d’une association d’étudiant-e-s et que l’on axait nos interventions sur la discussion surtout. Avec
Colin Pahlisch, on fait partie des RATS,
une association veveysanne qui organise des événements culturels, donc on
avait tout de même l’expérience pour
monter un projet et ça s’est révélé
même plus simple que de monter une
exposition. Le prochain défi, c’est de
faire venir des gens de l’extérieur, ce
qui impliquera de nouvelles difficultés.
Mais voilà, on apprend tous à le faire.
Quel est votre bilan?
Pierre Raboud: Je tire un excellent bilan
de ces deux journées qui ont démontré
qu’on pouvait, avec de la motivation et
de l’auto-organisation, produire des discussions vivantes et intéressantes, à
l’opposé de l’académisme parfois froid
et ennuyeux qui caractérise les
conférences universitaires habituelles.
On avait également un bon niveau intellectuel, avec une bonne cohérence et
des pistes de réflexion. En tout, on a eu
une bonne centaine d’étudiant-e-s de
l’Unil, UniGe et des écoles d’art, et
même de Milan! Et surtout, les personnes présentes ont contribué à la discussion, et ce même en dehors des
conférences.
Et pour la suite?
Julien Gremaud: On va essayer de donner une plus-value quant à la trace
qu’on va laisser. On a trouvé intéressant
d’avoir une réflexivité de par les
moyens de communication qui sont
d’abord «cool» mais qui reprennent des
schémas peu coûteux adaptés à notre
condition. Le problème est que le colloque se tenait en semaine, ce qui
exclut beaucoup de participant-e-s. On
souhaite donc élargir la réflexion en produisant un bel objet, à travers la publication des actes du «cooloque» avec des
illustrations originales. •
S.M.
CAMPUS
NOVEMBRE 2011
20
Le marathon de Lausanne,
cette grande aventure…
Cette année, les organisateurs du marathon de Lausanne peuvent à nouveau se targuer d’avoir battu le record du nombre
de participants. Le 30 octobre dernier, ce sont quelque 11’806 mordus du bitume qui ont pris le départ de la course.
Maxime Beney, qui fait actuellement
son master à l’Université de
Lausanne, en sciences du sport, est
un des 4787 coureurs à avoir choisi
de s’aligner sur le semi-marathon. En
terminant sa course en 1h12’23’’,
synonyme de 27e rang, il réalise une
performance de choix. Suite à son
effort, il analyse essoufflé sa performance. «Je n’ai pas de temps référence car c’est le premier semi que
je fais. Au début c’était dur parce que
je suis parti un peu trop fort en suivant les favoris africains sur 2-3 kilomètres. J’ai dû ensuite réajuster
mon rythme.» Son temps canon surprend même un de ses amis à l’arrivée. «Alors t’as fait combien? Quoi?
1h12’? Nom de bleu…» Quand on
sait qu’un athlète moyen boucle son
semi-marathon en 1h40’, cela a effectivement de quoi impressionner.
Un habitué des pelotons
La performance, voilà un mot qui
n’est pas inconnu du vocabulaire de
Maxime. L’athlète veveysan de
27 ans est en effet un habitué du
monde de la compétition. Il a fait
toutes ses classes de sportif d’endurance dans l’univers de la petite
reine, avec comme point d’orgue un
titre de champion suisse M23 en
2006. Depuis, passablement d’eau a
coulé sous les ponts, et le champion
de vélo a décidé de changer de direction. «La course à pied est le sport le
plus naturel, il est simple. Tu prends
une paire de baskets et tu peux le
pratiquer.» Dernièrement, il a usé
ses chaussures de course à MoratFribourg, au Tour du pays de Vaud
ainsi que sur le Tour du Chablais,
récoltant au passage de nombreuses
places d’honneur. Mais la course à
pied n’est pas son but final. A l’avenir, Maxime pense effectivement
consacrer plus de temps au triathlon.
En attendant, il s’entraîne sur les
courses de la région.
Bien que le tracé de la course soit
quelques fois monotone, avec ses
allures d’autoroute pour fourmis, le
pub
spectacle est lui au rendez-vous. «Il y
a tout le temps des orchestres près
des villages. Ces groupes te motivent à courir et ça met la bonne
ambiance. Les gens qui prennent
l’apéro au bord de la route c’est
aussi motivant.» La ferveur des spectateurs participe ainsi certainement
au succès du marathon lausannois,
tout comme le fait de courir en
groupe en rajoute au phénomène.
«Finalement on peut dire qu’on court
avec les autres coureurs et pas forcément contre. On est dans la même
galère, on souffre ensemble.»
Pourquoi tant d’efforts?
Dans l’aire d’arrivée du semi-marathon, jugée sur le quai d’Ouchy juste
devant le Musée olympique, il est
surprenant de voir le nombre d’ambulanciers, de brancards et chaises
de secours qui sont prévues. A croire
que les organisateurs auraient distribué aux coureurs quelques grenades
ou munitions avant le départ afin de
pimenter la course. Et pourtant, rien
de cela. La douleur est cependant
perceptible sur chaque visage. Mais
pourquoi tant de souffrances? «Sans
cette souffrance, tu progresses
moins, explique Maxime, tout
dépend des jours, il y en a où ça va
très bien et d’autres où tu te
demandes quand même qu’est-ce
que tu fous là». C’est d’ailleurs certainement ce qu’a dû se demander
un athlète italien, engagé lui sur le
marathon. Durant la course, ce malheureux a semblé vouloir réinterpréter l’histoire du petit poucet, laissant
derrière lui des mouchoirs en papier
sur une bonne partie du tracé. Le
verdict à l’arrivée? «Dysenteria». Une
sale histoire… •
Joël Regli
NOVEMBRE 2011
21
Entre filature et flânerie, Jean
Rolin poursuit son oeuvre
Sous couvert d’un livre-gag, l’écrivain français Jean Rolin bouleverse les codes avec son
dernier roman, habilement pensé et très accompli.
Dans son précédent livre, Un chien
mort après lui, Jean Rolin nous
confiait son attirance pour Britney
Spears. En toute logique, il publie
cette rentrée un roman autour de la
star (Le ravissement de Britney
Spears, P.O.L, 2011). Car c’est bien
de cercles dont il est question,
autant dans la trajectoire effective
que dans le dédale des informations.
Il suffit pour s’en rendre compte de
regarder les transitions entre les chapitres. Pas de continuité simple.
A chaque fois, le narrateur-héros
pose des problèmes nouveaux, en
rejoue des anciens, et il convient
au/à la lecteur-trice de s’abstraire
pour donner un sens, une direction, à
tout ce matériau romanesque.
L’alternance entre les scènes rapportées du Los Angeles people et la
situation du héros en exil au
Tadjikistan donne une profondeur au
dispositif, la figure du/de la lecteurtrice étant dédoublée par le personnage de Shotemur, avec des effets
d’écarts et de mise en abîme.
La narration est d’une grande originalité. Rolin disperse les données
essentielles du récit et les perd dans
le magma du texte, comme pour
mieux restituer cette expérience tout
à fait singulière et propre à l’écrivain,
entre la filature et la flânerie.
De quelle Britney Spears s’agit-il?
De Britney Spears en réalité, Rolin
n’obtiendra que des aperçus fugitifs
(«une masse informe de cheveux
blonds», son visage fatigué dans l’ouverture d’une portière), et les pages
web qu’il consultera ne pourront que
plus amèrement lui faire sentir, par le
contraste entre leur aberrante profusion et leur désespérante pauvreté,
l’évanescence profonde de la star. Le
charme s’estompe au profit de
Lindsay Lohan, puis se rompt à l’arrivée de Wendy, sosie de Britney mais
égérie bien réelle.
Comment en ressort Jean Rolin?
La phrase de Rolin s’allonge, se complexifie. Digressive par nature, elle
tend à un vertige du langage, à ces
instants d’équilibre absolu où l’inessentiel le dispute au piquant.
Thibaudet parlait de l’irréalisme
engendré par le style proustien. La
notion acquiert une pertinence nouvelle à notre époque, et Rolin en use
très efficacement.
Après s’être efforcé de constituer un
personnage romanesque à partir
d’un personnage historique (le maréchal Ney dans La clôture), Rolin
poursuit son œuvre en nous prouvant
que rien, pas même l’éphémère, ne
résiste à la fiction. Ainsi le biographique apparaît comme un succédané du fictionnel, entreprise à
laquelle s’attèlent d’autres écrivains
en ce moment. Mais il faudrait pour
traiter cela un autre article. •
Samuel Estier
Dans le froid, personne
ne vous entend crier
!"#$"%&#'%&(!)'%*"%+*&'',-."%/"%012#%3&!("#$"!4% !"#$%&'"/56&!-."%7%#1.8"&.%/&#'%*"'%'&**"'%16'+.!"'%'1.'%*&%/,!"+$,1#%/"%9&$$2,:'%8&#%;",:#,#<"#%0!=%
>"$1.!%'.!%*"'%1!,<,#"'%/.%?@$2"%"$%&.$1(',"%/"%*&%6A$"=
Si cela fait plus d’un demi-siècle
qu’un extraterrestre plutôt belliqueux
terrorise l’arctique (ou l’antarctique
selon les adaptations) au cinéma, il
naît en réalité en 1938, sous la plume
de John W. Campbell. L’écrivain
publie alors la nouvelle Who Goes
There?, narrant les péripéties d’un
groupe de scientifiques isolé aux
prises avec une monstrueuse créature polymorphe dotée d’un sérieux
don pour l’imitation. Grosso modo,
cette trame narrative sera reprise par
toutes les adaptations cinématographiques, le film de Carpenter étant,
pour sa part, le plus fidèle au matériau d’origine. Il faut attendre 1951
pour voir la nouvelle transposée pour
la première fois à l’écran, avec The
Thing From Another World. Réalisé
par Christian Nyby, mais officieusement attribué au grand Howard
Hawks, le film est un classique de la
science-fiction américaine. S’il n’est
pas question ici de transformations
organiques peu ragoûtantes, l’extraterrestre n’en est que plus dangereux car implicitement communiste
(comme tout personnage ne possédant pas de green card à cette
époque).
Un film dantesque
En 1982, voulant rendre hommage
aux films de son enfance, Big John
réalise le remake de The Thing From
Another World, tout en suivant à la
ligne la nouvelle de Campbell.
Considéré comme la pièce maîtresse
de la carrière du réalisateur, The
Thing est un monument d’angoisse,
un huis clos paranoïaque et désespéré exécuté de main de maître.
Véritable apocalypse du genre
humain, annonçant la désillusion et
l’individualisme forcené des 80’s, le
film est de plus soutenu par les stupéfiants effets spéciaux à l’ancienne
de Rob Bottin, donnant aux apparitions de la Chose une puissance
évocatrice et malsaine à toute
épreuve. Ajoutez à cela la prestation
mythique de Kurt Russell et une B.O
signée Ennio Morricone, et vous
comprendrez aisément la place de
chef-d’oeuvre inégalé que prend The
Thing dans le cœur de tout cinéphile. Inégalé, vraiment? Et la nouvelle version, alors?
Circulez, y’a rien à voir
«Si nous n’avez rien à améliorer à
l’original, inutile de faire un remake»,
annonçaient les producteurs. Nous
voilà donc en présence d’un prequel
(très à la mode, ça) du film de 1982,
s’intéressant à la fameuse équipe
norvégienne à l’origine de la découverte de l’extraterrestre. Autant le
dire tout de suite, en lieu et place de
prequel, le terme plagiat serait ici
plus approprié. On assiste donc à
une série B paresseuse pompant
ouvertement les meilleurs scènes de
l’original, et qui justifie sporadiquement sa nature de prequel en y insérant des éléments de raccord grossiers (en cela, la fin est un cas
d’école). Les apparitions de la
Chose? Une bouillie numérique qui,
au mieux, rappelle l’adaptation vidéoludique de The Thing sortie en 2002.
Et pour l’analyse thématique, inutile
de dire qu’on repassera. Bref, une
seule chose à faire: revoir
l’original! •
Loïc Gebhard
CULTURE
NOVEMBRE 2011
22
La Grange a 20 ans:
donnons chair à nos savoirs!
Pour sa 20e programmation, le théâtre universitaire ouvre ses portes à de nouvelles collaborations et nous propose une
saison réjouissante et riche en échanges.
Conçue comme une vitrine culturelle
de l’université sur la ville, la Grange
de Dorigny parvient aujourd’hui à réaliser une pleine collaboration avec un
grand nombre de facultés, de chercheurs-euses et de spécialistes.
Grâce à son emplacement et au bon
vouloir de ses directrices, ce théâtre
fonctionne comme une plate-forme
d’échanges entre projets artistiques
et projets de recherche. Une soirée
débat est organisée sur la base d’une
mise en scène de Valentin Rossier,
une exposition de photos d’Olivier
Roller proposée dans le cadre d’un
colloque sur le visage trouve son prolongement au foyer de la Grange,
une réflexion entre chercheurs-euses
et artistes autour du thème de la
guerre permet l’élaboration d’une
œuvre originale et accomplie. Tout
cela offre donc à divers univers la
possibilité de s’enrichir mutuellement
en se communiquant de nouvelles
idées et de nouveaux moyens.
Une salle à part au cœur
de la Romandie
Dans le paysage culturel romand, la
Grange de Dorigny fait figure d’exception. Alors que les temps sont
durs pour toute création scénique (la
faute notamment à la révision de la
loi sur l’assurance chômage passée
en 2010), il est rassurant de savoir
que notre théâtre reste soutenu par
l’université. Cela dit, si la Grange ellemême n’est pas concernée par ces
révisions, les troupes qu’elle
accueille le sont. En outre, toute production doit obtenir son propre budget afin de subvenir aux besoins des
comédien-ne-s, technicien-ne-s du
spectacle et metteurs-euses en
scène. Le théâtre a donc besoin de
ses spectateurs-trices. Mais il n’est
pas mort pour autant et il a encore
beaucoup de choses à nous
apprendre, comme l’affirme Marika
Buffat, codirectrice de la Grange avec
Dominique Hauser. «Les spectateurs
et nous-mêmes restons fascinés par
un art unique, vivant, qui se passe
sous nos yeux.» Ainsi, même dans
un monde qui tend à se virtualiser, le
concret que nous trouvons dans une
salle de spectacle continue à nous
parler, à nous charmer et à nous en
apprendre sur nous-mêmes.
Une 20e saison étoffée
Comme le précise Dominique
Hauser, la deuxième partie de la
saison est marquée par les 20 ans du
théâtre, qui, pour l’occasion, ouvre
ses portes à huit spectacles dont six
se verront portés sur la scène de «la
Tour Vagabonde» (théâtre élisabéthain). Nous verrons également le
projet de Jean-Michel Potiron
(Qu’est-ce que la guerre?) atteindre
son aboutissement dans une pièce
qu’il nous présentera au mois de
mars. Le tout dans la bonne humeur
et accompagné d’ateliers, de discussions et d’une exposition pour que le
plaisir dure plus longtemps. •
Mathilde Zbaeren
Infos: www.grangededorigny.ch
Cabanon: et vous, préférez-vous
Jimi Hendrix ou les pyramides?
Les amateurs-trices de skate auront
sûrement remarqué la mise en place
d’une rampe au rez-de-chaussée de
l’Anthropole. Transformation de l’Unil
en lieu de glisse? Meeting sportif?
Eh non, il s’agit d’une installation de
Thomas Koenig, artiste de la région,
qui expose jusqu’au 23 décembre
une série d’œuvres exclusivement
prévues pour l’espace d’art contemporain du Cabanon. Sous le titre intrigant Qu’est-ce qui est mieux: Jimi
Hendrix ou les pyramides?, l’artiste
propose de mêler deux cultures rarement en contact: le street art et le
monde académique. C’est chose
faite en introduisant dans l’université
des objets appartenant au monde de
la rue.
Des objets détournés
Si la technique du dessin numérisé
est à plusieurs reprises utilisée par
Céline Brichet
Avec sa nouvelle exposition, Thomas Koenig s’approprie le Cabanon; l’occasion de découvrir le monde décalé de ce jeune
artiste veveysan pour qui tout peut se transformer en art.
Thomas Koenig devant la rampe-panneau
d’affichage
Thomas Koenig dans son exposition,
il aime aussi toucher à d’autres
sortes de matériaux: le linoléum, par
exemple, qui plaît à l’artiste, car il
évoque chez chacun des interprétations et des souvenirs personnels, ce
que souligne Koenig: «Il y a toujours
quelqu’un pour me dire qu’il apprécie
ces œuvres parce que le lino lui rappelle celui qui est dans le carnotzet
de son oncle.»
Thomas Koenig détourne aussi des
objets du quotidien, la fameuse
rampe de skate en est un bon
exemple; rendue impraticable de par
sa position verticale, transformée
ainsi en bibliothèque et en mur d’affichage pour les associations, elle se
fond dans le décor de l’Anthropole.
Thomas Koenig souligne encore la
complexité d’exposer dans un
endroit comme l’Anthropole. En effet,
pour réaliser son exposition, il a dû
tenir compte de la grandeur du lieu
et de la présence d’objets qui lui
sont propres. Il note d’ailleurs que
«cet espace est spécifique dans sa
nature de hall et de passage. On doit
le prendre comme il est avec les
habitudes de ses usagers.»
Pari réussi, puisqu’en visitant l’exposition on ne sait plus vraiment si l’on
se trouve encore à l’Unil ou dans
l’atelier de l’artiste.
Quand le son rencontre
l’impression
A trois reprises, durant le temps de
l’exposition, Thomas Koenig réalise
une série d’impressions sur linoléum
pendant que Constance Jaermann et
Julien Mégroz interprètent un programme musical composé par ce
dernier. L’ultime de ces performances
ouvertes à toutes et à tous aura lieu
le lundi 5 décembre à 18h45. A noter
également que le travail de master
de Julien Mégroz, Impressions et
Sons, réalisé en collaboration avec
Thomas Koenig, est diffusé en permanence dans le Cabanon. •
Cristina Eberhard
Retrouvez l’article complet sur www.auditoire.ch
NOVEMBRE 2011
23
Chroniques Deluxe
Les Aventures de Tintin:
Le secret de la licorne
Steven Spielberg Paramount Pictures
Là où le verbal atteint ses limites, où
il ne sert à plus rien de parler au
risque de ne plus rien dire, c’est le
corps et sa grammaire qui
s’expriment. Mais ce qu’il a à dire est
parfois difficile à entendre.
Le 29 octobre au BFM de Genève,
Pour les enfants d’hier,
d’aujourd’hui et de demain, de Pina
Bausch, a enthousiasmé son public
jusqu’à l’ovation. Sur scène, se sont
entrecroisés de multiples tableaux
pendant trois heures d’une puissance
époustouflante. Le voyage de Pina au
pays de l’enfance est ontologique. Il
nous ramène aux sources d’un réel
débarrassé de ses scories, dans ce
qu’il a de plus vrai: le fantasme.
Dans un décor dépouillé, d’une
Quand la troupe genevoise Helvetic
Shakespeare Company, dirigée par
Valentin Rossier, adapte la pièce Qui
a peur de Virginia Woolf, il y a de
l’animation à la Grange de Dorigny!
Cette pièce d’Edward Albee présentée pour la première fois à Broadway
en 1962 a depuis lors été adaptée à
maintes reprises, et pourtant on ne
s’en lasse pas.
On assiste, impuissant, aux violences d’un couple de quinquagénaires unis par la haine, qui se livre à
des jeux malsains et qui met ses
jeunes invités très mal à l’aise.
Martha est une femme de caractère,
mangeuse d’hommes sans merci.
Elle est mariée à un professeur d’histoire du nom de George, qui cache
sous ses airs soumis une intelligence
meurtrière. Leurs invités sont un
jeune couple fraîchement marié:
l’homme s’appelle Nick, c’est un biologiste aux cheveux gominés et au
caractère opportuniste. Sa femme
Honey est niaise, voire carrément
sotte. Le temps d’une nuit, toutes
leurs certitudes et tous leurs rêves
sont balayés par cette scène de
ménage délirante.
Spielberg a réalisé le rêve de nombreux fans de la célèbre bande dessinée: une réelle adaptation cinématographique des péripéties de Tintin.
Original par son histoire issue du
mélange de plusieurs volumes, le film
se démarque surtout pour son visuel
saisissant Dès les premières
GUIDE VIGOUSSE No1, L’UDC EN
7 LEÇONS, Petit manuel à l’usage
des citoyens, David Laufer (dir.)
Bon, O.K., l’UDC, on en a marre.
Leurs affiches sont partout, ils lancent des initiatives à tout-va, provoquent des scandales, prennent de la
place dans les journaux, bref, le paysage politique suisse ne semble
dominer que par leurs actions. Alors
pourquoi se ruer sur ce nouvel
ouvrage? Premièrement car c’est un
guide Vigousse, LE journal satirique
romand. Celui qui nous offre une
bouffée d’air dans un monde médiatique un peu trop normalisé.
Concrètement, on rit toutes les deux
pages sur des thèmes pour lesquels
il faudrait peut-être pleurer, et ça fait
du bien. Deuxièmement, parce que
la recette est presque parfaite. Des
textes pertinents, clairs, des interventions de journalistes, chercheursblancheur immatérielle, duo, solo ou euses et professeur-e-s, tout cela
ensemble se déploient. Ce
parsemé de jeux et exercices hilafoisonnement perpétuel explore
rants qui pourraient mettre en
diverses pistes qui se croisent, se
déroute n’importe lequel des grands
répondent et se répètent. C’est
ténors de la communication de
certainement une erreur que de
l’UDC. Petit bémol pourtant,
chercher la clarté narrative, il faut
Vigousse nous a habitués à des dess’abandonner. C’est alors qu’apparaît sins plus cinglants.
la précision magistralement tenue
Bref, à l’issue de cette lecture, l’endes corps. C’est de cette tension
vie d’insulter les membres de ce
entre maîtrise et abondance de sens parti disparaît totalement (enfin,
que naît la magie du questionnement presque, faut pas exagérer), remplaperpétuel de Pina Bausch.
cée par la contemplation d’un groupe
Le final, douloureux dans son
d’individus plus pathétiques les uns
exécution et envoûtant de puissance, que les autres. On dit que le ridicule
déchaîne les dernières forces. Puis
ne tue pas, je l’espère (ou pas) pour
ces artistes rompus, saluent et
tous les membres du parti «d’opposiploient ces corps qui ont portés si
tion» cités dans les articles. •
haut la tâche de tant dire. •
E.M.
B.F.
Dr.
Qui a peur de Virginia Woolf
Helvetic Shakespeare Company
Grange de Dorigny
Dr.
Pina Bausch
Pour les enfants d’hier,
d’aujourd’hui et de demain
secondes, la qualité des animations et
la technique irréprochable font
mouche. Chaque cheveu de la houpette de Tintin semble avoir reçu une
attention particulière. Très expressifs
grâce au motion capture, les personnages intègrent un monde vivant et
aux couleurs chatoyantes. Mais si la
fluidité de l’action est un régal pour les
yeux, elle accompagne en revanche un
récit d’événements frénétique et épuisant. Fusillades, explosions à foison,
crash d’hydravion, combat enflammé
entre deux bateaux pirates,
courses-poursuites à n’en plus finir…
Véritable superhéros, Tintin se mue en
Quand l’absurde rencontre la
Indiana Jones hyperactif et ne s’offre
cruauté, le public est captivé. Sans
aucun répit. Cette débauche d’action
compter que le tout est couronné
d’un humour cynique. Le résultat: un devient alors vite lassante, à l’image
du combat final entre deux giganspectacle monstrueusement
tesques grues (!), insipide et francheagréable.
ment dispensable.
En outre, le titre reste un mystère,
Le film est un bon divertissement,
ce qui n’ôte rien au charme diabomais sa revisite à la sauce américaine
lique de la pièce. •
lui fait perdre la saveur de la bande
dessinée. Plaisant, mais décidément
I.T.
C.B. too much. •
Dr.
Dr.
Musique, cinéma, littérature, bande dessinée, sites internet... L’auditoire vous propose à chaque numéro de découvrir
quelques perles rares. De la culture à consommer sans modération.
Chien
Méchant
Méchant
Sondage:
Quel président
êtes-vous?
A l’heure où le G20 se termine, L’auditoire vous propose un petit quiz politique. Quel profil de puissant de la
planète vous correspond le plus?
Quelle est votre formule secrète pour soigner votre image?
*) Ma femme s’en charge.
#) Un peu de Botox et le tour est joué.
@) Euh... rien.
$) Je lance «Yes we can!»
Que pensez-vous des Chinois?
*) Ils sont en quelque sorte à ma hauteur...
$) C’est l’avenir de mon économie!
#) Je les aime beaucoup, mais je m’intéresse surtout aux Chinoises.
@) Enfin des vrais travailleurs!
Pour vous, la famille, c’est:
$) Benyamin Netanyahou.
*) Des femmes, les meilleurs enfants de la
nation et les amis du Fouquet’s.
@) C’est pas ma carrière.
#) La famiglia, c’est important, mais je préfère la compagnie de jeunes filles (mineures
si possible).
Quel est votre livre de chevet?
*) Napoléon, l’histoire d’un chef.
#) L’intégrale de Playboy, disons les images
où y’a pas trop de légendes.
@) La génétique des particules mononucléaires chez les hétérozygotes atypiquement solides dans les années 20 en Saxe
orientale.
$) La Bible, le Coran et la Torah, vu que selon
certaines sources très renseignées, je suis
multi-monothéiste.
Quel est votre jeu vidéo préféré?
@) Das Legend von Bratwurst.
*) Les Sims 3, pour faire dans le virtuel ce
que je rate dans ma vie.
#) J’hésite entre Mafia 2 et GTA 4.
$) Call Of Duty: Modern Warfare.
Quel personnage vous inspire?
*) Moi-même.
@) Immanuel Kant, dont j’admire l’impératif
catégorique.
#) Benito Mussolini.
$) Superman, le grand sauveur universel.
Lorsque je me trouve au petit coin:
#) A votre avis?
*) Je travaille ma gestuelle.
$) Je réfléchis à la prochaine pique à l’attention de mon pote Sarko.
@) J’ai des dossiers à lire affichés sur la
porte de mes toilettes.
Je ne sors jamais sans:
*) Mes talonnettes et ma femme.
@) Mes dossiers pour le prochain G20.
$) Ma classe à l’américaine.
#) Mes capotes.
Si je pouvais faire des études...
@) Une éducation prussienne. Ou spartiate.
*) Un semestre de droit à Neuilly.
#) Relire tout Casanova
$) West Point, ou Top Gun.
Les vacances idéales, c’est:
*) Un petit week-end en amoureux. Avec un
jacht de luxe, et la presse.
#) Pour moi c’est touours les vacances.
@) Pas question de quitter le travail.
$) Un petit saut en Afganistan avec les
anciens du Viet-Nâm.
Vous avez un maximum de *: vous appliquez
à merveille la devise du politicien de droite:
mes copains d’abord, le peuple ensuite. Ah
oui, votre femme est Italienne et fait de la
musique insipide. Vous êtes Nicolas «Roi
Soleil» Sarkozy.
Vous avez un maximum de #: fêtard à
outrance, appréciant les petits et grands plaisirs de la vie façon «Bunga Bunga», votre
carrière s’est bâtie sur du vent à la sauce
napolitaine et vous engagez en fonction du
déhanché: sei Berlusconi!
Vous avez un maximum de @: vous vous
êtes lancé-e dans la politique après de
brillantes études polytechniques et continuez
à appliquer la rigueur scientifique dans votre
quotidien. Car vos dossiers sont vos bébés
d’amour! Sie sind Bundeskanzlerin Angela
Merkel!
Vous avez un maximum de $: annoncé
comme le Messie ou Jésus junior, vous avez
été élu-e dans l’euphorie populaire. Mais les
espoirs que vous soulevez sont bien trop
lourds à assumer pour vos petites épaules et
votre sourire Colgate. You are Barack Obama,
the master of Universe.
Vous ne vous reconnaissez pas dans ce test,
et en plus votre porte-monnaie est troué? Ne
cherchez plus, on a la solution à votre crise
d’identité (pas à vos déboires financiers, évidemment): vous menacez de faire tomber
l’Europe et amorcez le début de la chute
d’économie mondiale, vous êtes la rockstar
George Papandréou.
Alice Chau, Cristina
Eberhard, Alicia
Gaudard, Erwan Le
Bec, Emilie Martini,
Ismaël Tall, Mathilde
Zbaeren, Marc Augiey.