Conformité : pourquoi et comment
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Conformité : pourquoi et comment
D I R E C T I O N D E S . . 3 2 9 – M A I É C O N O M I Q U E S 2 0 0 6 Conformité : pourquoi et comment La rationalité de la Conformité Petit abécédaire historique – I C O L E S A 2 0 0 6 N U M É R O 3 2 9 - M A I N U M É R O É T U D E S G A Exigence dans la banque de détail I T La fonction Conformité en France D DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES R S.A. É AGRICOLE “Developing supervision and strengthening its capacity” R CRÉDIT C PAR B A N C A I R E S ÉDITÉE H O R I Z O N S REVUE Les attentes des clients Conformité et juridique Conformité et sécurité financière Généalogie du “compliance officer” N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 E R I A Conformité : S O M M HORIZONS Editorial ............................................................................................................................................................................................ 5 ALAIN SEUGÉ, DIRECTEUR DE LA CONFORMITÉ, CRÉDIT AGRICOLE S.A. La rationalité de la Conformité ....................................................................................... 9 JEAN-PAUL BETBEZE CHEF ÉCONOMISTE, DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Petit abécédaire historique de la Conformité ............................ 15 ................................................................................................................ 25 ROGER NOUGARET RESPONSABLE DES ARCHIVES HISTORIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Exigence de Conformité dans la banque de détail JACQUES DELMAS-MARSALET MEMBRE DU COLLÈGE DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS La fonction Conformité en France ....................................................................... 31 ......................................................................................................... 39 JACQUES FOURNIER SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DE LA COMMISSION BANCAIRE “Developing supervision and strengthening its capacity” WILLIAM L. RUTLEDGE, EXECUTIVE VICE PRESIDENT IN CHARGE OF THE BANK SUPERVISION GROUP AT THE FEDERAL RESERVE BANK OF NEW YORK Les attentes des clients en matière de conformité bancaire ........................................................................................................................ REINE-CLAUDE MADER, PRÉSIDENTE DE LA CLCV 49 BANCAIRES – NUMÉRO 329 – MAI 2006 pourquoi et comment Conformité et juridique .......................................................................................................................................... 55 JEAN-MICHEL DAUNIZEAU RESPONSABLE DE LA DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Conformité et sécurité financière .................................................................................................... 63 RENÉ WACK, DIRECTEUR ADJOINT DE LA DIRECTION DE LA CONFORMITÉ, RESPONSABLE DU PÔLE SÉCURITÉ FINANCIÈRE, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Généalogie du “compliance officer” .......................................................................................... 73 FRANÇOIS EWALD, PRÉSIDENT DE L’ENAS, PROFESSEUR AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS. DOCTEUR ES LETTRES Auteur du « Principe de précaution » (2001) et de « L’État-providence » (1986) Revue de presse ................................................................................................................................................................................ 85 JÉRÔME COURCIER, RESPONSABLE FORMATION, DIRECTION DE LA CONFORMITÉ, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Service aux lecteurs ...................................................................................................................................................... À L’ATTENTION DES LECTEURS La revue Horizons Bancaires a déjà fait paraître deux articles sur la conformité : • Jean Cédelle, Catherine Limouzineau & Paul Carminati (2005), « L'exigence de conformité », in Horizons Bancaires, n° 327, décembre, pp. 103-110. • Marc Lenglet (2004), « The Compliance function in Banks. Une lecture du document consultatif publié par le Comité de Bâle », in Horizons Bancaires, n° 321, juin, pp. 9-26. 95 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Jean-Paul Betbèze RÉDACTION EN CHEF Rémy Contamin, Jérome Courcier SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Véronique Champion-Faure SUIVI DU FICHIER Élisabeth Nicolas CONTACTS Crédit Agricole S.A. 75710 Paris Cedex 15 Tél. : 01 43 23 69 02 - Fax : 01 43 23 58 60 Internet : http://www.credit-agricole.fr/ rubrique : kiosque Eco CONCEPTION - MISE EN PAGES Bleu comme une Orange RÉALISATION CAG IMPRESSION Crédit Agricole S.A. « Cette publication reflète l’opinion du Crédit Agricole. Toutefois, les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient donc engager la responsabilité du Crédit Agricole ou de l’une de ses filiales. Toute reproduction totale ou partielle sans autorisation préalable ou expresse du Crédit Agricole en est expressément interdite. » “All rights reserved. This publication has been prepared by and reflects the current views of Crédit Agricole. It is provided for your information purposes only and it is not intented as an offer or solicitation for the purchase or sale of any financial instrument. The views, opinions, estimates reflected therein constitue our judgement. Neither Crédit Agricole or its affiliates nor any officer or employee thereof accepts any liability whatsoever for any direct or indirect loss arising from the use of this publication or its contents which may not be reproduced or circulated without our prior written consent. Crédit Agricole, its affiliates and their respective officers, directors and employees including persons involved in the preparation of this document may from time to time, deal in, hold or act as market makers or advisors, brokers or investment or commercial bankers in relation to securities, derivatives, issuers or any persons mentioned herein.” 4 N U M É R O E D I 3 2 9 T – O ALAIN M A I R 2 0 0 6 I A L SEUGÉ DIRECTEUR DE LA CONFORMITÉ, CRÉDIT AGRICOLE S.A. En octobre 2003, le Comité consultatif sur la supervision 5 I O N A T C I T bancaire de la Banque des Règlements Internationaux publiait un projet de document consultatif sur la fonction « compliance » dans les banques. Dans la foulée, sans attendre la version définitive, les autorités de contrôle en Europe entreprirent de réformer les dispositifs de contrôle interne pour positionner clairement cette fonction, distinctement des autres fonctions de contrôle permanent et de contrôle périodique. En France, le décret du 30 mars 2005 crée notamment la fonction de Responsable de contrôle de la conformité. Quant à l’AMF, dans le mouvement de refonte de son Règlement général, consécutive à la fusion de la COB et du CMF, elle institue la fonction de Responsable de la Conformité des Services d’Investissement (RCSI). Ainsi, en l’espace de quelques années, la fonction « compliance » fait-elle une entrée remarquée dans le monde bancaire. La profusion des textes crée-t-elle, pour autant, une nouvelle discipline ? Certes, avec la modification du règlement général du CMF, la notion de déontologue s’efface définitivement derrière celle de compliance officer. Les vestiges d’une spécificité française, inaugurée dans le règlement 96-03 de la COB, disparaissent au profit d’une notion beaucoup plus anglo-saxonne de la fonction, à la fois plus proche de celle des juristes de banque et plus proche des contrôleurs opérationnels. Paradoxalement, l’émergence de cette nouvelle fonction, au lieu d’estomper le rôle des juristes dans l’observation des lois et règlements, a ravivé ce rôle. La loi et les règlements ne se traduisent pas seulement par la prise en compte de textes officiels dans la rédaction de contrats et le traitement des contentieux ou des affaires judiciaires. Bien plus, les juristes doivent jouer un rôle central dans l’identification des règles et leur interprétation. C’est dans ce travail, dont l’importance est ainsi mise en évidence, que se rencontrent les deux fonctions. Aux juristes d’interpréter les lois et les règlements, “ Il ne faut point faire par les lois ce que l’on peut faire par les mœurs. ” Charles de Montesquieu /... N U M É R O /... 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 aux compliance de répondre à la question : « dans la pratique, comment fait-on ? ». Parallèlement aux contrôles de deuxième et troisième niveaux, outils indispensables au fonctionnement efficace d’un établissement bancaire, la fonction compliance couvre tout le spectre allant du contrôle préalable aux opérations, contrôle simultané lorsqu’il s’agit par exemple des opérations de marché, contrôle postérieur pour vérifier la prise en compte des règles. Ainsi positionné de façon originale, le compliance officer est bien inclassable sur le registre ancien des fonctions du paysage bancaire et l’institutionnalisation de sa fonction était devenue indispensable. Doté d’un statut, le responsable de conformité dispose également de techniques qui se professionnalisent. De ce point de vue, l’année 2001 constitue un tournant majeur. À partir de cette date, la prise en compte des règles de la lutte antiblanchiment entraîne le développement accéléré de process rigoureux et, par conséquent, le déploiement d’outils informatiques dont les coûts de mise en place commencent à devenir significatifs. Désormais, la compliance devient une donne incontournable dans les architectures informatiques. La prise en compte le plus en amont possible de ses règles formelles devient aussi un gage d’efficacité. Doté d’un statut, le compliance officer s’appuie également sur une règle inviolable, indispensable à sa crédibilité, tant en interne que vis-à-vis des autorités de contrôle : de son indépendance totale vis-à-vis des responsables opérationnels dépend en effet la pertinence de ses initiatives. Intégré aux lignes de contrôle permanent ou rapportant au Directeur général, il doit pouvoir faire modifier une opération ou faire bloquer une affaire si les enjeux de la conformité le requièrent. Dans la pratique, les choses ne sont pas toujours si simples et la pression peut être d’autant plus forte que le compliance officer est isolé. De ce point de vue, le développement de la fonction dans les grands groupes internationaux est facilité par la constitution d’une véritable ligne métier, force de rappel indispensable et gage d’une certaine homogénéité des avis ou préconisations des responsables de conformité. 6 A L A I N S E U G É Pour autant, plus le groupe est large et diversifié géographiquement et opérationnellement, plus la gestion des problèmes de réputation est complexe. Si les questions de conformité aux lois et règlements se gèrent d’abord pays par pays, activité par activité, et ne posent que rarement des problèmes de compatibilité transfrontières, la gestion du risque de réputation ne peut, en règle générale, qu’être unique au niveau d’un Groupe. Car chaque entrée en relation avec un nouveau client, chaque innovation financière, quelle que soit la taille de l’opération envisagée, quel que soit le pays concerné, est susceptible de mettre en jeu la réputation d’un groupe bancaire dans sa globalité. Les autorités de contrôle ne s’y sont pas trompées. Lorsque, en octobre 2004, le comité de Bâle publiait à nouveau un document intitulé « Consolidated KYC Risk management », il déclarait d’une manière claire que le risque réglementaire et le risque de réputation devaient être totalement associés dans toutes les questions concernant la connaissance des clients et la surveillance des transactions et que ces questions devaient faire l’objet d’une approche globale et indivisible au niveau des groupes bancaires. Le risque de réputation est aussi désormais présenté par les régulateurs eux-mêmes comme un risque majeur, susceptible pour les grands groupes bancaires internationaux, d’entrer dans la catégorie des risques systémiques, auxquels les banques centrales et les gouvernements sont si attentifs. Pour autant, si le responsable de conformité s’appuie sur les textes explicités par les directions juridiques, il ne dispose pas de repères aussi clairs sur les enjeux de réputation. Il doit faire appel à son discernement, son bon sens, euxmêmes puisant leurs sources dans une bonne connaissance de la culture de l’entreprise du groupe auquel ils appartiennent et des règles, explicites ou implicites, que celui-ci se fixe vis-à-vis des tiers (clients, fournisseurs, actionnaires), des collaborateurs et de la société en général. Il doit aussi rester aux aguets des sensibilités de l’opinion publique afin d’anticiper la manière dont celle-ci pourrait, ultérieurement, porter un jugement sur telle ou telle opération, telle ou telle pratique bancaire. C’est dire si la fonction de conformité peut être riche de sens, mais qu’elle oblige aussi à la plus 7 /... N U M É R O /... 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 grande rigueur dans sa démarche, sous peine de tomber dans des excès de toutes sortes. « C’est en forgeant que l’on devient forgeron. » Cette simple maxime est parfaitement d’actualité pour le métier de responsable de la conformité, qui doit encore, sinon préciser ses contours exacts, du moins approfondir son mode opératoire pour le rendre pleinement efficace et permettre à la personne qui en a la charge de jouer pleinement son rôle dans les rouages des établissements bancaires et financiers. Les acteurs de cette nouvelle ligne métier, jour après jour, confrontés à une multitude de cas opérationnels, façonnent une pratique nouvelle. Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de cette discipline sur la solidité et les performances des établissements bancaires. Mais il est certain qu’une maîtrise efficace des enjeux de conformité se traduit par la diminution des provisions destinées à couvrir les litiges et sanctions pécuniaires liés à l’activité. De façon plus générale, cela constitue une véritable opportunité pour les groupes bancaires qui auront su anticiper les exigences de la société dans ce domaine. 8 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 La rationalité de la Conformité JEAN-PAUL BETBÈZE CHEF ÉCONOMISTE, DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. La rationalité de la conformité consiste à définir, structurer et vérifier des pratiques, de façon à infléchir les comportements des salariés, à tous les niveaux, et donc à réduire le risque potentiel de l’entreprise. L e développement des entreprises devient de plus en plus I A ENRON ET LES DEUX VITESSES L a fameuse affaire Enron a montré le fonctionnement de cette course de vitesses. D’un côté, il y a certes eu de « l’imagination » débridée de la part des responsables de l’entreprise éponyme, de l’autre le comportement des auditeurs a été, lui aussi, assez problématique. Ainsi, il y a trois ans, Arthur Andersen LLP était condamnée pour entrave à la justice du fait de la destruction de documents. Mais, le 1 er juin 2005, la /... 9 O N T C I T financier et juridique, le volet financier permettant la globalisation en renforçant les moyens des entreprises, le volet juridique en permettant la validation, et donc la véritable consolidation. Ainsi posée, la dynamique paraît saine, sauf que chacune de ses composantes peut s’avérer problématique. Du côté de la finance, on connaît ses excès de rentabilisation désirée : des exigences élevées de Return On Equity peuvent conduire à des choix industriels (focalisation sur le core business) et financiers (augmentation du niveau de dette) problématiques. Du côté juridique, l’erreur est toujours possible, les coûts sont toujours significatifs, les délais de réaction constamment élevés. On peut ainsi présenter l’évolution de ces dernières années comme celle où se combinent les avancées de la finance avec le désir, problématique, de rattrapage du juridique. La question décisive est de voir sous quelles conditions ces deux évolutions peuvent se renforcer. “ Je tâcherai d’allier toujours, dans cette recherche, ce que le droit permet avec ce que l’intérêt prescrit, afin que la justice et l’utilité ne se trouvent point divisées. ” Jean-Jacques Rousseau N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... Cour Suprême blanchit la société : elle estime en effet que le jury populaire a reçu des instructions trop vagues. Entre temps, Arthur Andersen a disparu, sur les 28 000 associés du cabinet, 200 demeurent... pour régler les conséquences des litiges d’Enron et de WorldCom. Plus significative encore, la loi Sarbanes-Oxley a renforcé les coûts d’élaboration et de suivi des comptes, tandis que le juge Eliot Spitzer faisait trembler nombre de compagnies en les frappant à la bourse, c’est-à-dire en faisant baisser leurs cours, sous la menace de ses interventions et de ses enquêtes. Depuis ces crises, des corrections ont certes eu lieu, mais les problèmes persistent. Le premier consiste à demander toujours aux entreprises cotées des comptes trimestriels, et le plus rapidement possible, avec toujours plus de garanties, sachant que les groupes grandissent, grossissent et se complexifient, tandis que le système comptable lui-même change et se complexifie. En même temps, les class actions continuent de se dérouler, notamment dans la finance où les « poches » sont jugées plus profondes (deep pocket). Devant l’augmentation des coûts et des risques, les compagnies américaines s’inquiètent et des compagnies non américaines songent à ne plus se faire lister à New York. Des analystes (1) se demandent aussi dans quelle mesure l’inquiétude diffusée par les événements passés ne serait pas à l’origine, au moins en partie, de la désépargne américaine. Plus profondément, on peut se demander si de nouveaux risques systémiques ne peuvent pas naître à l’occasion de la mise en cause d’un des « big four », de ces quatre grands cabinets (Pricewaterhouse Coopers, KPMG, Ernst & Young, Deloitte & Touche) à la suite d’une erreur, toujours possible, dans un dossier donné, erreur montée ensuite en épingle. Ainsi, il n’est pas impossible de noter, à ce stade : • que la finance est de plus en plus soucieuse de certification, pour mener à bien ses affaires et réduire son risque ; • mais que ce risque se trouve en partie transféré chez celui qui doit le réduire ! Le couple finance/certification conduit ainsi à un double mouvement de réduction et de transfert du risque. Ce double mouvement est inévitable et, en quelque sorte, indispensable. Reste à savoir si le risque global de système est lui-même réduit. (1) Perrine Kaltwasser et Jacques Mistral. 10 La rationalité de la Conformité J E A N - P A U L B E T B È Z E LA CONFORMITÉ, ENTRE ORGANISATION ET COMPORTEMENT C ’est pour cette raison qu’il faut, aujourd’hui, gérer ce double risque, notamment dans la partie interne de l’entreprise. La rationalité de la conformité consiste à définir, structurer et vérifier des pratiques, de façon à infléchir les comportements des salariés, à tous les niveaux, et donc à réduire le risque potentiel de l’entreprise. La compliance se situe en effet du côté de l’amont institutionnel, des « choses à faire », des papiers à demander, des questions à poser. Elle est dans l’univers du pré requis et des procédures. Bien sûr, on peut toujours critiquer les lourdeurs et les coûts de ces méthodes, que l’on comparera parfois au « risque ». En réalité, c’est faire là un mauvais procès. Certes, les mesures sont lourdes, mais c’est à la hauteur des enjeux. Et il n’est pas possible, ex ante, de mesurer la séquence des effets d’un défaut de compliance. Encore moins quand il s’agit de l’image de l’entreprise. On peut donc toujours déplorer les coûts, mais en réalité on ne connaît jamais le risque en jeu. Plus encore, la démarche de la compliance, quand elle est bien comprise et intégrée, voit son coût diminuer et aide aux choix. Il y a, en ce domaine, un important learning by doing qui conduit à de nouveaux réflexes, à de nouvelles attitudes. La compliance n’est pas seulement une façon de réduire la probabilité et/ou le coût du risque, elle est aussi la façon d’adopter des comportements plus sûrs et plus efficaces. Précisons ici que, par « comportements plus sûrs », on n’entend pas plus frileux ou, comme on le dit en théorie, plus risk-averse. Car le risque est une catégorie hétérogène. Il inclut ainsi les risques proprement commerciaux, ceux qui doivent être victorieusement concurrencés, et les risques procéduriers. Ces derniers sont de « mauvais risques », en ce sens qu’ils peuvent être largement évités. Ils sont de nature à accroître les « bons risques » commerciaux. Être moins vigilant, moins précis, moins méthodique, c’est donc s’exposer aux « mauvais risques », c’est donc prendre le risque de voir une part de tout un travail gâchée. LA COMPLIANCE EST-ELLE FRANÇAISE ? S i l’on décrit la compliance comme le fait de suivre les règles et les procédures, donc d’être constamment méthodique, ceci suppose un certain niveau d’obéissance, qui n’est pas nécessairement dans les gènes français. Le routinier, le constant, le régulier ne sont pas dans le profil psychologique des porteurs de la furia francesa. Et pourtant, dans l’industrie, il y a bien des procès de production et ils sont de plus en plus com- /... 11 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... plexes. Pourquoi ne les trouverait-on pas dans les services ? Pourquoi ne faudrait-il pas suivre, de manière régulière et méthodique, les informations, les procédures, les points critiques ? Et pourquoi ne pas mettre dans ces domaines des moyens, avec de la reconnaissance financière, comme on le fait dans d’autres activités ? Pourquoi ne pas comprendre que c’est le veilleur qui permet de mieux prendre des risques, et qu’il n’est donc pas là pour les empêcher ? En même temps, il faut accroître le niveau de la compliance, en en faisant un accompagnement à haut niveau technique. Il s’agit en effet de gérer des procédures de manière aussi sûre que possible, ce qui implique de relier entre elles les activités. La compliance demande à entrer dans un workflow d’activités, dans un repérage des plus complexes et potentiellement problématiques. Elle est donc un soutien à la gestion, car elle consolide la qualité de l’organisation technique et de la surveillance des différents salariés. Au total, la rationalité la plus simple de la conformité est défensive. Il s’agit d’éviter la faute, l’erreur, le risque technique, avec leurs conséquences. Mais, assez vite, le processus se déplace dans le suivi de l’organisation, dans l’appréciation ex ante des procédures, dans la formation des esprits. La rationalité consiste alors à réduire la probabilité d’occurrence de risques prévisibles, pour aller vers une organisation plus sûre, avec des signaux adéquats. Il ne s’agit plus simplement de se protéger, il s’agit plutôt de segmenter les activités, les procédures, pour mieux les suivre et donc pouvoir les étendre, tout en repérant leurs points de fragilité. LES ENJEUX DE SARBANES-OXLEY L es conséquences de l’affaire Enron ont été violentes aux États-Unis, et pas seulement dans le contexte américain. Il s’est ainsi agi d’ajouter des règles sur les formes d’audit, avec un organisme de supervision de ces firmes (Public Company Accounting Oversight Board, PCAOB) et des procédures extrêmement complexes d’audit interne. Les standards représentent ainsi des dizaines de pages, des doubles vérifications (ou plus), des surcoûts très élevés. En même temps, la loi Sarbanes-Oxley comporte un texte à compétences extra-territoriales. Pour protéger l’investisseur américain hors des ÉtatsUnis, il s’agirait ainsi de vérifier ce qui est fait dans les firmes d’audit étrangères. Pour éviter une tension majeure dans les États-Unis et l’Europe, le principe d’une règle variable (sliding scale) a été accepté, qui fait que plus le contrôle local est rigoureux et indépendant, moins le PCAOB s’impliquera directement, 12 La rationalité de la Conformité J E A N - P A U L B E T B È Z E s’appuyant sur son homologue étranger. Mais on mesure à quel point ceci est asymétrique, dépendant du jugement du PCAOB en dernière instance, et donc mobile. « L’échelle variable » l’est doublement. Dans un tel contexte, tout ce qui renforce les contrôles internes des entreprises va dans le bon sens. C’est d’abord celui de la solidité et de l’efficacité des entreprises bancaires et financières ; c’est celui de leur renforcement par rapport à leurs propres contrôles externes ; c’est donc celui d’une meilleure position par rapport au marché ; c’est enfin la participation à la consolidation des entreprises européennes en Europe, et au-delà. N’oublions pas qu’aucune croissance extérieure ne peut éviter les États-Unis. Bien sûr, tout ceci est lent et lourd, complexe et indirect. La compliance n’a pas la furia des OPA, le panache des raids ou des défenses. Mais rien n’est possible sans elle, sans cet héroïsme du quotidien. C’est notre meilleure base pour continuer, se renforcer, s’étendre. 13 N U M É R O 3 2 9 14 – M A I 2 0 0 6 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Petit abécédaire historique de la Conformité ROGER NOUGARET RESPONSABLE DES ARCHIVES HISTORIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. L’histoire de la conformité embrasse et mêle des questions très variées : elle reste à faire dans sa globalité et ses problématiques sont à élaborer. Les lignes qui suivent ne prétendent pas à autre chose qu’à un butinage historique à travers concepts, pratiques et déviances qui sont au cœur de cette fonction. I O N T C I T A A comme ABS (abus de bien social) Le délit d’abus de bien social est né en France dans le contexte agité des années 1930 et de l’affaire Stavisky : le directeur du Crédit municipal de Bayonne (établissement fondé en 1931 par Alexandre Stavisky sous une fausse identité) avait émis pour plus de 200 millions de francs de bons gagés sur de faux dépôts, avec la complicité du député-maire local. Le produit de ces émissions était allé principalement dans les poches du séduisant et brillant escroc Stavisky, personnalité du Tout-Paris. Lorsque l’affaire éclata en janvier 1934, Stavisky était en fuite vers la Suisse ; localisé et cerné à Chamonix, il fut retrouvé mort dans un chalet, ce qui fut le point de départ du scandale, car on soupçonna la police d’avoir reçu des ordres pour le « suicider » et éviter des révélations. On découvrit que des poursuites étaient engagées depuis longtemps contre Stavisky mais que les procès avaient été reportés 19 fois par le procureur du tribunal de la Seine, qui n’était autre que le gendre /... du ministre de la Justice Chautemps. (1) Discours sur la première décade de Tite Live, 18. 15 “ De même que les bonnes mœurs, pour se conserver, ont besoin des lois, les lois, pour être observées, ont besoin des bonnes mœurs ” Nicolas Machiavel ( 1 ) N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... Une virulente campagne antiparlementariste d’extrême droite, largement teintée d’antisémitisme, se déchaîna alors et ouvrit la voie à une crise majeure de la III e République avec les émeutes du 6 février 1934. C’est après cette affaire et d’autres, comme la faillite Oustric, que parut un décret-loi du 8 août 1935 dont un article réprimait le délit d’usage abusif des biens d’une société anonyme. La jurisprudence et de nouvelles dispositions légales (notamment la loi de 1966 sur les sociétés anonymes) ont ensuite essayé de mieux définir la notion d’abus de bien social et d’intérêt social, notion suspecte d’insécurité juridique aux yeux de nombreux juristes, car trop soumise à la subjectivité des juges. Avant le décret de 1935, et notamment depuis un arrêt du 2 août 1845 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, c’est par le délit d’abus de confiance figurant dans le code pénal que l’on réprimait l’abus de bien social. Du point de vue bancaire, l’affaire Stavisky avait été possible car l’escroc n’avait jamais été condamné : il échappait donc aux dispositions de la loi du 19 juin 1930 interdisant aux personnes faillies ou ayant fait l’objet de certaines condamnations de faire profession de banquier. Les scandales ou tout simplement les faillites de banques créées sans formalités et sans vraies garanties provoquèrent de nombreux débats dans les années 1930 pour une meilleure réglementation de la profession bancaire ; finalement, cette réglementation bancaire, qui comportait notamment l’inscription des banques sur une liste officielle, fut mise en place sur une base corporatiste en juin 1941, avant d’être amendée par la loi du 2 décembre 1945 qui donnait au Conseil national du crédit le pouvoir d’inscrire ou de radier les établissements de la liste des banques. L’ensemble de ces dispositions a été revu par la loi bancaire de 1984, puis élargi dans le cadre de la loi de modernisation des activités financières du 2 juillet 1996. F comme Fides Fides est le nom que Crédit Agricole SA a donné à son programme renforcé de conformité, en plaçant son action sous le signe de la confiance. En effet, en latin, fides signifie confiance, bonne foi, fidélité à la parole donnée. Les Latins opposaient la bona fides à la fides punica, la foi des Carthaginois, réputés être fourbes. Mais, plus profondément, dans le Panthéon latin, la Fides publica, la Foi publique, personnifie la fidélité contractuelle : c’est une divinité qui a son sanctuaire sur le Capitole, sous les portiques duquel on bat monnaie. On y consigne certains biens précieux et dépôts : « rien n’était plus sûr ni plus sacré que ces dépôts placés sous la Foi publique », rapporte Tite-Live. 16 Petit abécédaire historique de la Conformité R O G E R N O U G A R E T Le concept de foi publique retrouve quelque vigueur dans l’Histoire de France quand il s’agit de dénoncer la gestion calamiteuse de la dette publique, notamment au Siècle des Lumières. La Révolution, très férue de références à l’Antiquité, fait de la Foi publique un devoir fondamental de la Nation, mais on sait ce qu’il advint de la gestion des finances publiques pendant cette période et les assignats n’ont pas peu contribué, après la faillite du système de Law sous la Régence, à la décrédibilisation auprès des Français de la monnaie et du billet de banque. C’est la Restauration, chargée de liquider les dettes de l’Empire, qui remet la Foi publique en vigueur en l’incarnant dans une institution créée en 1816, la Caisse des Dépôts et Consignations ; le comte Corvetto, juriste italien nourri de culture antique et ministre des Finances de Louis XVIII, s’attaque avec efficacité à la liquidation de la dette française en faisant voter une loi créant une caisse d’amortissement. D’un autre côté, pour éviter que les gouvernements ne confondent leur caisse avec les dépôts volontaires et judiciaires, la loi prévoit la création d’une caisse des dépôts et consignations, placée sous l’invocation de la foi publique et sous l’autorité législative. Cette construction, toujours en vigueur, est l’une des plus tangibles représentations financières de la fides (2). I comme Initié (délit d’) La tradition veut que le premier délit d’initié ait été l’œuvre des Rothschild qui, informés avant tout le monde de la victoire de Wellington à Waterloo, auraient immédiatement entrepris à Londres une spéculation importante et juteuse sur la dette anglaise. On retrouve encore cette légende sous la plume de professionnels traitant de la question du délit d’initié (3) . Or, de délit d’initié à Waterloo il n’y eut point : d’une part, parce que le fait de spéculer sur la foi d’informations privilégiées n’était pas alors considéré comme un délit (il faut donc se garder des anachronismes), d’autre part, parce que la nouvelle de l’issue de la bataille de Waterloo n’était pas à proprement parler une information privilégiée, le champ de bataille étant, si l’on ose dire, public. Nathan Rothschild disposait simplement d’un meilleur système d’information et avait utilisé des courriers plus rapides que ceux de ses confrères ou du gouvernement anglais. Il avait informé immédiatement le Premier ministre anglais, qui refusa de le croire /... (2) Voir Caisse des dépôts et consignations, 1816-1986, Paris, CDC, 1988, p. 4-14. (3) Voir par exemple Fabrice Dion et Corinne Thiérache, « Une introduction au délit d’initié », dans Rapport moral sur l’argent dans le monde, 1994, Paris, Association d’économie financière/éditions PAU, 1994, p. 82-85. 17 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... avant d’avoir la confirmation de cette nouvelle 24 heures plus tard par ses propres informateurs. Entre temps, Nathan Rothschild avait acheté des bonds anglais au Stock Exchange et les revendit après que la nouvelle largement répandue de la victoire anglaise eut provoqué leur hausse (4) . Si elle lui procura un bénéfice confortable, cette opération n’eut pas les proportions que la légende lui prêta et que démentent les statistiques du Stock Exchange (5) . Sur de nombreuses autres opérations bancaires, généralement sur la gestion des dettes publiques, les Rothschild, comme tous les banquiers de leur époque, ont travaillé sur la foi d’informations privilégiées car ils étaient les auxiliaires et confidents irremplaçables de gouvernements impécunieux et parce que le consensus social et public tolérait ces pratiques. En France, la recherche du « tuyau » chez les boursicoteurs demeura longtemps un sport national ; de même, il était encore admis à la fin du XIX e siècle qu’un dirigeant de banque prît à titre personnel une participation dans un emprunt d’État en même temps que l’établissement bancaire ou le syndicat bancaire qui était le sien. Henri Germain, le fondateur du Crédit Lyonnais, n’agissait pas autrement, qu’il s’agît alors d’émissions de titres ou d’opérations immobilières : sa réputation de droiture était pourtant établie et ses interventions à l’Assemblée nationale sur la saine gestion des finances publiques étaient redoutées (6) . Lorsqu’il existe une « muraille de Chine » à l’époque, c’est, comme au Crédit Lyonnais, entre le service des Etudes financières et les départements opérationnels, afin que les avis des ingénieurs des Etudes soient totalement indépendants, dans le but de permettre aux dirigeants de prendre leurs décisions en toute connaissance de cause. Le sentiment que les opérations d’initiés nuisaient à la confiance dans le système financier se développait toutefois sur certaines places financières ou, à tout le moins, faisait débat, puisque la Cour suprême des États-Unis sanctionna dès 1909 une forme de délit d’initié (7). C’est encore aux États-Unis, en 1934, que les premières dispositions légales contenues dans le Securities Exchange Act ont défini le délit d’initié (insider trading), d’une manière encore restrictive puisqu’il ne concernait (4) Bertrand Gille, Histoire de la maison Rothschild, Tome 1 : des origines à 1848, Genève, Droz, 1965, p. 56. (5) Lord Rothschild, The shadow of a great man, Londres, 1982, p. 37-39. (6) Bertrand de Lafargue, « Henri Germain (1824-1905) : un banquier en politique » dans B. Desjardins, M. Lescure, R. Nougaret, A. Plessis, A. Straus, Le Crédit lyonnais, 1863-1986. Etudes historiques, Genève, Droz, 2003, p. 33-60. (7) Thomas C. Newkirk, Melissa A. Robertson, Insider Trading - a US Perspective, dans 16th International Symposium on Economic Crime, Jesus College, Cambridge, 1998. 18 Petit abécédaire historique de la Conformité R O G E R N O U G A R E T que les administrateurs, dirigeants ou gros actionnaires. En Europe, la France est le premier pays à avoir inscrit le délit d’initié dans sa législation, avec la loi 70-1208 du 20 décembre 1970, venant préciser l’ordonnance 67-833 de 1967, laquelle avait pour objet à la fois l’institution d’une Commission des opérations de bourse et l’information des porteurs de valeurs mobilières. S’il reconnaît avoir été inspiré par la SEC, le ministre des Finances d’alors, Michel Debré, indique que le trouble suscité à la Bourse par les conditions de la fusion entre Pechiney et Ugine-Kuhlmann fut un des faits déclencheurs de la création de la COB. Mais Michel Debré n’introduisit le délit d’initié dans la législation qu’en 1970, par prudence, car la mise en place de la COB était déjà selon lui un exploit (8). Ces dispositions légales furent régulièrement mises à jour et complétées par la suite, notamment en transcrivant la directive européenne du 13 novembre 1989. La lente élaboration de cette directive, commencée en 1976, traduit la difficulté d’accorder des traditions différentes, la Grande-Bretagne réprimant par exemple ce délit (insider dealing) depuis 1980. D’autres grands pays comme l’Italie et l’Allemagne, dont les traditions acceptaient davantage les opérations d’initiés, ne se dotèrent que tardivement de législations anti-initiés, respectivement en 1991 et 1993. P comme Panama et Presse Le scandale de Panama est le scandale financier le plus retentissant de la III e République : il a mis en exergue un grand nombre de conduites répréhensibles ou délictueuses, notamment en matière de rapports des entreprises avec la presse, les hommes politiques, les banques ou les actionnaires (9). Rappelons brièvement les faits : à la tête de la Compagnie universelle du canal interocéanique, Ferdinand de Lesseps entreprit à partir de 1879 des travaux considérables d’un canal à niveaux à Panama, contre l’avis de techniciens. Il leva auprès de petits épargnants des fonds importants, mais insuffisants et engloutis à perte, avant de se résigner à faire appel à Eiffel pour construire un canal à écluses. Pour séduire des épargnants rendus méfiants à partir de 1885, il imagina de lancer un emprunt obligataire à lots mais dut pour cela en passer par le vote d’une loi, qui eut lieu en 1888, malgré un rapport d’ingénieur défavorable. Pour faciliter le vote, la /... (8) Laure Quennouëlle-Corre, La direction du Trésor, 1947-1967. L’État-banquier et la croissance, Paris, CHEFF, 2000, p. 521. Michel Debré, Trois Républiques pour une France - Mémoires ; tome 4, Gouverner autrement, 1962-1970, Paris, Albin Michel, 1993, p. 109. (9) Sur l’affaire de Panama en général, voir Jean-Yves Mollier, Le scandale de Panama, Paris, Fayard, 1991. 19 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... Compagnie avait acheté les voix de quelques parlementaires, « les chéquards », la plupart ayant résisté à cet appel malgré des campagnes de presse à la gloire de la Compagnie. Celle-ci fut liquidée un an après le vote de la loi, lésant ou ruinant 85 000 souscripteurs. L’affaire fut plus ou moins étouffée jusqu’en 1892, où Edouard Drumont fit des révélations dans son journal antisémite « La libre parole », dénonçant la Compagnie, les parlementaires et les corrupteurs, dont le baron Jacques de Reinach. Celui-ci crut pouvoir apaiser Drumont en lui donnant une liste de « chéquards », et intimider ainsi le gouvernement, mais la machine était lancée : lâché de toutes parts, Reinach fut retrouvé mort, s’étant probablement suicidé, tandis que d’autres intermédiaires s’enfuyaient à l’étranger, tel Cornélius Herz, qui livra de Londres une liste de députés compromis. Malgré la mise en place d’une commission parlementaire, il n’y eut qu’une condamnation visant le ministre des Travaux publics Baïhaut, qui, seul, avait eu la naïveté ou l’honnêteté d’avouer. L’affaire eut des conséquences délétères sur la vie politique française, de nombreux parlementaires, tel Clemenceau, entamant un long purgatoire électoral à partir de 1893. L’antiparlementarisme, déjà réveillé par le boulangisme, se développa tandis que l’antisémitisme allait se déchaîner peu après avec l’affaire Dreyfus. L’épargne française, échaudée par les grands financements de projets et par l’Amérique, se tourna vers les emprunts d’État, notamment vers l’Est... et les emprunts russes. Par delà le scandale politique et parlementaire, qui mobilisa l’attention de l’opinion, l’affaire de Panama pose la question des rapports des entreprises avec la presse. 12 à 13 millions de francs (entre 40 et 44 millions d’euros 2005) furent utilisés pour obtenir le soutien des journalistes. La presse reçut également des parts de fondateurs mais « cette pratique ne constituait nullement une transgression des normes du moment » (10) . Par ailleurs, il existait alors une presse de chantage, tel le Comic Finance, qui, contre remise de sommes d’argent, arrêtait la publication d’articles diffamatoires : l’achat par les établissements financiers d’articles favorables dans d’autres feuilles financières était alors conçu comme un contre-feu par les banquiers, limités dans leurs capacités de poursuite par la loi de 1881 sur la liberté de la presse (11). Au bout du compte, plus que la vénalité de la presse, c’est l’aveuglement d’une opinion (10) Jean-Yves Mollier, op. cit., p. 122. (11) Voir notamment Patrick Eveno, L’argent de la presse française des années 1820 à nos jours, Paris, CTHS, 2003, p. 60, et Hubert Bonin, L’argent en France depuis 1880, Paris, Masson, 1989, p. 241-242. 20 Petit abécédaire historique de la Conformité R O G E R N O U G A R E T nationaliste – et un brin antiaméricaine –, flattée par le prestige de l’opération, que pointent aujourd’hui les historiens (12). Enfin, à côté du grand scandale politique, l’historien Jean Bouvier a souligné le scandale bancaire et financier (13), les établissements bancaires étant suspects d’avoir retiré des bénéfices exorbitants et sans rapport avec les risques encourus, puis d’avoir lâché la Compagnie, ce qui n’est pas sans rappeler des critiques contemporaines à l’égard d’un autre grand financement de projet, le Tunnel sous la Manche. Cette thèse n’est plus reprise aujourd’hui par les historiens, qui estiment qu’en se référant aux normes de rémunération du risque dans la période considérée, et en considération de l’ouverture réelle du marché financier, le taux de prélèvement des banques appliqué à la Compagnie (6 %) n’avait rien d’anormal (14). S comme Spéculation La spéculation n’a pas bonne presse et l’opinion, à laquelle se joignent parfois les hommes d’État, est prompte à dénoncer l’enrichissement facile, notamment en périodes de secousses économiques. Les économistes ont pourtant vanté les vertus de la spéculation ; « force régulatrice » pour l’économiste Leroy-Baulieu, elle a trouvé avec le socialiste Proudhon, auteur d’un Manuel du spéculateur à la Bourse, son plus lyrique défenseur : « la spéculation est, à proprement parler, le génie de la découverte. C’est elle qui invente, qui innove, qui pourvoit, qui résout, qui, semblable à l’Esprit infini, crée de rien toutes choses. »(15) Les excès de l’agiotage – la manipulation du marché –, qu’il a fallu définir par rapport à la spéculation, ont nui ainsi pendant très longtemps à l’organisation des marchés à terme, en France et dans d’autres pays. En France, après l’écroulement du système de Law, un arrêt du Conseil d’État du 24 septembre 1724 établit la Bourse de Paris en un lieu unique, rend l’intermédiation des agents de change obligatoire mais interdit le marché à terme, même à couvert, pour éviter les ventes simulées. La répétition d’arrêts, notamment en 1785, 1786 et 1787, indique que l’agiotage continue malgré les interdits royaux : une ouverture est faite pour les marchés à terme à couvert mais la vente à découvert est proscrite et le roi essaye toujours de faire cesser /... (12) Patrick Eveno, op. cit., p. 69. (13) Jean Bouvier, Les deux scandales de Panama, Paris, Julliard, 1964. (14) J. Y. Mollier, op. cit., p. 159-161 ou Hubert Bonin, « Les banques et la fraude : un risque permanent (1850-1950) » dans Gérard Béaur, Hubert Bonin & Claire Lemercier (dir.), Fraude, contrebande et contrefaçon, de l’Antiquité à nos jours, Genève, Droz, 2006. (15) Cité dans Frédéric-François Marsal, Encyclopédie de banque et de bourse, Paris, Crété, 1931, t. V, p. 19. Voir aussi le Nouveau dictionnaire d’économie politique de Léon Say et Joseph Chailley, Paris, Guillaumin et Cie, 1891. 21 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... des opérations qui consistent « à tendre des pièges à la foi publique en vendant ce qu’on n’a pas, ce qu’on ne peut pas livrer, ce qui même n’existe pas ». La Révolution montre une certaine continuité, à l’exception d’une période de fermeture complète de la Bourse entre 1793 et 1795. Un règlement du 6 floréal an III (25 avril 1795) qui prononce l’ouverture d’un marché légal, interdit toujours la vente à découvert : le contrevenant est passible de prison et de « l’exposition en public avec écriteau sur la poitrine portant le mot AGIOTEUR ». Le marché à terme à couvert est interdit peu après mais, malgré toutes ces interdictions, il ne cesse d’être pratiqué. Le code de commerce (1807) est muet sur les marchés à terme mais le code civil (1804), avec l’exception de jeu, fait courir un risque en permettant d’entraver éventuellement l’exécution d’une opération si elle est assimilée à un jeu ou à un pari (16) . Grâce à des parères (avis constatant un usage) des grands banquiers de la place qui exposent en 1824 et 1842 l’intérêt des marchés à terme pour le pays et le commerce en général, la jurisprudence est plutôt favorable, mais elle reste indécise, jusqu’à ce qu’une loi du 8 avril 1885 vienne enfin légaliser tous les marchés à terme. Le krach de l’Union générale, intervenu en 1882, aurait pu accroître l’aversion pour les marchés spéculatifs mais il eut l’effet contraire : c’est pour protéger les marchés des nombreuses exceptions de jeu invoquées par des spéculateurs de mauvaise foi au lendemain du krach pour se soustraire à leurs obligations, que fut mis en route le chantier de la loi de 1885. V comme Valeurs Les codes et chartes de déontologie mis en place dans les établissements bancaires ne seraient rien s’ils ne pouvaient s’appuyer sur des systèmes de valeurs professionnelles, plus ou moins explicites, héritées de traditions propres aux établissements et guidant le comportement des collaborateurs. Dans le Groupe Crédit Agricole par exemple, la charte de déontologie adoptée en 2003 regroupe l’ensemble des codes de déontologie des entités du groupe et combine les principes historiques et fondateurs du mutualisme et de la coopération avec ceux du marché dans lequel le groupe est progressivement entré, par extension de compétences ou par acquisition d’établissements d’origines différentes. Par les écrits et débats auxquels elles ont donné lieu, les valeurs mutualistes sont clairement connues : les banques (16) Art . 1965 : « La loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari. » 22 Petit abécédaire historique de la Conformité R O G E R N O U G A R E T mutualistes françaises se sont inspirées des expériences allemandes des années 1850 théorisées par Schulze-Delitzsch (1808-1885) et Raiffeisen (1818-1888). Libéral et refusant le concours de l’État, partisan d’une économie d’entraide, Schulze-Delitzsch souhaitait toutefois rémunérer le capital – pour l’attirer –, et rémunérer les administrateurs en compensation d’une gestion rigoureuse. Le modèle SchulzeDelitzsch convenant davantage à l’artisanat et au commerce, Reiffeisen l’adapte au monde rural en refusant la rémunération du capital et en imposant le bénévolat. C’est via l’Italie, où ces modèles allemands ont fait école, que le mutualisme bancaire s’est diffusé en France à la fin du XIX e siècle, sous des formes d’organisation variées mais avec un même socle de valeurs (17) : • la responsabilité par la participation à la gestion, et l’égalité démocratique, en vertu du principe « un homme, une voix » ; • la solidarité et la réciprocité (le sens même du mot mutuel) ; • la proximité, fondée sur la décentralisation, et l’esprit de service. Les créateurs de banques mutualistes en France omirent toutefois d’insister sur une valeur-clé de la banque, le risque, ce qui provoqua d’énormes difficultés – et de nombreuses faillites – dans l’entre-deux-guerres, dues à une conjoncture économique difficile et à une faible professionnalisation des hommes. Chaque « famille » mutualiste régla à sa manière la question : le Crédit agricole « officiel » put s’appuyer sur l’Office national de Crédit agricole, établissement public créé en 1920 et devenu Caisse nationale en 1926, pour instiller une meilleure culture du risque et diligenter les contrôles nécessaires. Avec la progressive banalisation des activités bancaires du monde mutualiste français dans le dernier quart du xx e siècle, avec la pression grandissante du marché et des logiques boursières, les valeurs mutualistes ont paru menacées et sans avenir ; elles ont précisément retrouvé un avenir grâce à des pratiques de gouvernance en avance sur leur temps et parce qu’elles s’accordent bien avec les notions de développement durable et de traitement équitable des consommateurs auxquelles la société aspire, le cours de bourse devenant désormais le juge de paix de la bonne gestion. Dans le domaine de la banque commerciale, il est plus difficile de trouver des codes de conduite formalisés avant la fin du xx e siècle : l’historien peut donc se réjouir de voir les /... (17) Voir André Gueslin, Les origines du Crédit agricole (1840-1914), Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1978. 23 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... quatre principes de fonctionnement du Crédit Lyonnais énon- cés par son président, le baron Georges Brincard, gendre d’Henri Germain, à l’occasion du 75 e anniversaire de la banque en 1938 : • « liquidité parfaite ; • division et modération des engagements ; • droiture absolue dans tous les actes de gestion ; • esprit de gain totalement subordonné à la volonté de maintenir au plus haut degré le crédit et la réputation morale de la Maison » (18). Ces principes à la fois économiques et moraux – où l’on note toutefois l’absence du client – étaient partagés par ce qu’on appelait alors les grands établissements de crédit. Ils n’en rendent que plus criants les errements, 50 ans plus tard, des successeurs du baron Brincard, qui opéraient pourtant sous la tutelle de l’État. (18) Archives historiques Groupe Crédit agricole SA, BR HCL 5. 24 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Exigence de conformité dans la banque de détail INTERVIEW DE JACQUES DELMAS-MARSALET* MEMBRE DU COLLÈGE DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS Les produits financiers doivent faire l’objet d’une campagne ciblée pour des catégories de clientèle bien déterminées. La segmentation doit d’ailleurs être mise en œuvre à tout niveau : sur la clientèle mais aussi sur les conseillers. Cela permettra de définir le type de produits que l’on peut offrir à chaque segment de clientèle, de manière à ce que la formation et la compétence de chaque conseiller-vendeur soient adaptées à la gamme des produits qu’il est autorisé à vendre. Voilà l’idée force. A lors que certaines affaires reviennent sur le devant de la I A INTRODUCTION Pourquoi s’intéresser aujourd’hui à la commercialisation des produits financiers ? Pour deux raisons au moins. Tout d’abord parce que l’évolut i o n d e s s y s t è m e s f i n a n c i e r s e t d e s d i f f é r e n t e s f o r m e s /... * L’article est initialement paru dans le numéro de MIEUX VIVRE VOTRE ARGENT de janvier 2006. 25 O N T C I T scène, la commercialisation des produits financiers fait l’objet d’un rapport récent. Commandé le 6 avril 2005 par Thierry Breton, le ministre de l’Economie et des Finances, à Jacques Delmas-Marsalet, membre du Collège de l’Autorité des marchés financiers, il fait pour la première fois un état des lieux des pratiques de l’ensemble du secteur financier (banques, assureurs...). Mais surtout, il préconise un certain nombre de mesures qui vont dans le sens de l’intérêt des épargnants. Avec un objectif central : leur permettre de faire des choix éclairés en matière de placements financiers. Explications avec Jacques Delmas-Marsalet. “ La loi en général est la raison humaine en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la Terre ” Charles de Montesquieu N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... d ’ é p a r g n e s e t r a d u i t p a r u n t r a n s f e r t c r o i s s a n t , v e r s l e s ménages, des risques et de la responsabilité du choix de leurs placements. Prenons l’exemple de l’assurance vie : les contrats en unités de compte, dans lesquels l’épargnant assume le risque, occupent ainsi une place de plus en plus importante par rapport aux contrats en euros qui, eux, sont couverts par l’assureur. Ensuite, ce rapport a pour objet de prévenir le risque de ventes inadaptées de produits financiers. La « mauvaise vente » de produits financiers se limite-elle aux placements affichant un risque de perte en capital ? Absolument pas ! Elle concerne toute forme de vente inadaptée à la situation financière, à l’objectif d’investissement, à l’horizon de placement ou au profil de risque de l’épargnant. Voilà les quatre grandes variantes à prendre en compte pour déterminer quels types de produits d’épargne offrir aux clients. Lorsqu’on propose un plan d’épargne en actions – qui n’a tout son intérêt que s’il est gardé au moins cinq, sinon huit ans – à un particulier exprimant des besoins de liquidités dans un avenir proche, il y a vente inadaptée. Il en va de même, mais en sens inverse, lorsqu’on propose un produit sécurisé mais de faible rendement à un épargnant prêt à prendre des risques pour obtenir un rendement élevé. L’ÉTAT ACTUEL DES MODES DE DISTRIBUTION L’évolution des systèmes financiers est marquée par une séparation entre, d’un côté, les producteurs et, de l’autre côté, les distributeurs. Les premiers bâtissent des nouveaux produits répondant à l’attente du marché et les seconds ont pour mission de les vendre. Le conseil n’est-il pas le grand perdant de cette nouvelle organisation ? Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette analyse. L’évolution dans les conditions plus ou moins favorables du conseil est plus liée, à mon avis, au développement de la multibancarisation qu’au développement du marché. Lorsque les épargnants se contentaient d’un seul fournisseur bancaire, d’une seule banque, l’établissement avait assez facilement une vision globale de la situation et du patrimoine du client, préalable nécessaire pour donner un bon conseil. Les épargnants dispersant désormais leurs avoirs dans plusieurs banques, l’exercice est plus difficile. On ne peut donner un bon conseil que si on a une vue globale. C’est une difficulté objective. Que pensez-vous donc du principe de « l’architecture ouverte », cette approche permettant à un conseiller de vendre des produits de différentes banques ? L’architecture ouverte est parfaitement compatible avec l’exercice d’un bon conseil dans la mesure où elle vous permet 26 Exigence de conformité dans la banque de détail J A C Q U E S D E L M A S - M A R S A L E T de vous adresser, non pas à un réseau bancaire ou à une compagnie d’assurances, mais à un conseiller en investissement financier. Ce dernier peut plus facilement prendre une connaissance globale du client pour lui donner un bon conseil en allocation d’actifs et ensuite chercher, parmi les producteurs avec lequel il collabore, des produits adaptés. Mais les grands réseaux sont aujourd’hui dans une pure logique de distribution... Le fait est, qu’aujourd’hui encore, la commercialisation des produits financiers est dominée par les réseaux intégrés proposant des produits maison. Ainsi, 82 % des fonds d’investissement et 62 % des contrats d’assurance vie sont vendus par les réseaux bancaires intégrés, contre 5 % pour les fonds d’investissement et 10 % pour les contrats d’assurance vie commercialisés par les distributeurs indépendants... LA MULTIPLICATION DES NOUVEAUTES EN QUESTION Revenons sur l’actualité des derniers mois. Vous êtes critique sur le lancement du Perp dans votre rapport. Globalement, ne trouvez-vous pas que l’on a tendance à créer des produits dès que l’on rencontre un problème plutôt que de développer ceux que l’on a déjà à sa disposition ? Ne faudrait-il pas faire un embargo sur les nouveautés ? Certes, il y a trop de produits et l’épargnant finit par s’y perdre. Les gammes doivent être plus simples. Mais attention, il ne faut pas donner un coup d’arrêt à l’innovation financière. À ce titre, le rapport préconise que les produits les plus innovants – souvent aussi les plus complexes et les plus risqués – soient, au moins dans un premier temps, réservés à une clientèle d’investisseurs qualifiés. C’est-à-dire à des institutionnels, des particuliers disposant d’un portefeuille de plus de 500 000 euros et réalisant au moins dix opérations significatives par trimestre ou ayant une expérience professionnelle d’un an dans le secteur financier. En mettant bout à bout ces intervenants, je suis sûr que l’on couvre une part largement prépondérante du marché. Les lancements incessants de nouveautés contribuent toutefois largement au développement des ventes. Une campagne de promotion, une motivation des réseaux et l’on collecte facilement... Il faut éviter ces pratiques. Les produits financiers doivent faire l’objet d’une campagne ciblée pour des catégories de clientèle bien déterminées. La segmentation doit d’ailleurs être mise en œuvre à tout niveau : sur la clientèle mais aussi sur les conseillers. Cela permettra de définir le type de produits que l’on peut offrir à chaque segment de clientèle, de /... 27 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... manière à ce que la formation et la compétence de chaque conseiller-vendeur soient adaptées à la gamme des produits qu’il est autorisé à vendre. Voilà l’idée force. Pour en revenir aux nouveautés, je ne suis pas opposé à l’idée que l’on expérimente certains produits pour les diffuser ensuite au grand public. Ce que je ne veux pas, c’est que le grand public serve de cobaye. Enfin, il faut veiller à ce que le choix des produits proposés soit dicté par l’intérêt du client, et non par le niveau des rémunérations perçues par le conseiller-vendeur. Faut-il limiter le problème de la commercialisation à la seule analyse des produits financiers ? Absolument pas, une allocation d’actif adaptée au profil de l’épargnant est essentielle ! Sur ce point, le rapport préconise que soient fait les plus gros progrès au sein des réseaux bancaires. La prestation de conseil doit reposer sur un diagnostic du client et une proposition d’allocation d’actifs. Le choix des produits ne doit intervenir qu’ensuite. RÉHABILITER LE CONSEIL Peut-on avoir un bon conseil sans le payer ? Avant de se poser le problème du financement, il faut se poser la question de savoir comment l’on peut étendre la prestation de conseil à des catégories de clientèle plus larges que la clientèle patrimoniale gérée en gestion privée. Le rapport propose le développement d’outils d’aide au conseil mis à disposition des conseillers. De quoi s’agit-il ? D’un questionnaire type permettant de faire le diagnostic du client et des préconisations d’allocation d’actifs avec des produits adaptés en fonction des réponses. Tout cela implique que l’on dote les postes de travail des conseillers-vendeurs de logiciels assez simples de diagnostic et de préconisation : ils existent déjà sous des formes plus sophistiquées au niveau de la gestion patrimoniale et de la gestion privée. On répondra alors à deux préoccupations. Premièrement, on introduira une certaine forme d’industrialisation de la prestation : une catégorie plus large de clientèle pourra bénéficier à un coût qui ne sera pas prohibitif d’une prestation de qualité. Deuxièmement, on sécurisera le conseiller-vendeur : sa préconisation ne sera plus seulement la sienne, mais, dans une large mesure, celle de l’établissement employeur qui l’aura doté de ces outils. La question du coût reste entière... À l’heure actuelle, la couverture du conseil se fait par des rétrocessions sur les droits d’entrée ou sur les frais de gestion prélevés sur l’encours. Ce second mode, dominant aujourd’hui sur le marché, a l’avantage de moins pousser à la vente à 28 Exigence de conformité dans la banque de détail J A C Q U E S D E L M A S - M A R S A L E T tout prix. Ce système de rémunération n’est toutefois pas idéal, car il rémunère le conseil lorsque celui-ci aboutit à une vente. Or, il y a des cas dans lesquels le bon conseil peut être de ne pas souscrire de produit. Exemple : si vous avez de l’argent disponible et que vous êtes endetté à un taux nettement supérieur au rapport de vos placements, mieux vaut alors rembourser qu’investir. En l’état actuel des choses, si l’on donne ce conseil, on n’est pas du tout rémunéré. Donc, on ne le donne pas ! Le rapport avance l’idée de favoriser la rémunération du conseil en tant que tel par voie d’honoraires perçus sur le client. Si le conseil débouche sur une vente, elle serait déductible des droits de souscription des produits vendus. De façon à éviter une double rémunération. Pour être accepté dans l’Hexagone où les clients des banques sont très réfractaires à la tarification de ce service en tant que tel, cette rémunération devrait être modeste. Elle pourrait être limitée au coût réel du temps passé par le conseiller-vendeur. UNE INFORMATION À AMELIORER Parlons de l’information sur les produits. Sur les fonds d’investissement, vous avez appuyé l’expérimentation d’un prospectus à format libre plus pratique et plus clair que les prospectus simplifiés remis d’ordinaire à la souscription. N’est-il pas paradoxal de faire plus simple pour informer mieux ? L’important, c’est de hiérarchiser les informations. Les informations clés, indispensables à l’épargnant pour prendre sa décision d’investissement en toute connaissance de cause, doivent être mises en avant de façon très apparente. Et puis, il y a d’autres informations contenues dans le prospectus simplifié défini par la Directive européenne qui ne sont utiles que par la suite pendant la durée de vie du produit ou du contrat. Nous avons autorisé l’expérience du prospectus à format libre pour permettre aux commerciaux des sociétés de gestion de hiérarchiser les informations. N’y a-t-il pas non plus un problème de culture et de décalage entre les professionnels et le grand public ? Votre rapport préconise, dans les informations importantes à communiquer aux souscripteurs d’une assurance vie, d’indiquer si le contrat est individuel ou collectif. Pensez-vous que parmi les millions de Français détenant au moins un contrat, beaucoup savent ou connaissent les conséquences de cette caractéristique ? Vous avez raison de dire qu’il y a un aspect pédagogique à développer. Concernant le problème que vous soulevez sur l’assurance vie, je pense que les épargnants n’ont pas suffisamment conscience de la grande différence entre un contrat individuel et un contrat collectif. Un contrat individuel ne /... 29 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... peut être modifié en cours de vie qu’avec l’accord exprès de l’assuré alors qu’un contrat collectif peut être modifié par simple accord entre l’assureur et l’association souscriptrice. Il est donc important que les intéressés soient informés, dès le départ, de la nature individuelle ou collective du contrat. Le problème est de savoir si on le fait individuellement sur chaque document d’information ou si on développe une action pédagogique collective. Je crois qu’il faut combiner les deux. On ne pourra pas tout indiquer dans le prospectus simplifié ou dans les notes d’information sauf à les alourdir considérablement. Pour autant, il est assez facile de mentionner la nature d’un contrat et ce qu’il en résulte. Au rang des informations clés, vous préconisez aussi la durée minimale de placement recommandée... J’y attache personnellement une très grande importance. Selon nos statistiques, le ratio rendement-risque des placements, notamment des placements en actions, est d’autant plus favorable que la durée de détention est longue. Faisons ici un peu de pédagogie, quitte à aller à l’encontre de la tendance naturelle du marché. On se focalise trop sur la liquidité des placements. Regardez, par exemple, la publicité que l’on fait sur les contrats d’assurance vie. Vous verrez que l’on met l’accent sur la disponibilité à tout moment de l’épargne, ce qui est un demi-mensonge puisque l’on ne peut disposer de l’argent avant huit ans sans acquitter des pénalités au moins fiscales. N’ayons pas peur de le dire : pour être intéressants, certains produits doivent être conservés assez longtemps. 30 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 La fonction conformité en France JACQUES FOURNIER SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DE LA COMMISSION BANCAIRE La fonction conformité participe de la clarification des différentes fonctions de contrôle interne apportée par la modification du règlement n° 97-02. A cet égard, il faut bien percevoir que le contrôle interne est à la fois un concept et un métier. Et l’un ne recoupe pas l’autre. D e nouvelles dispositions en matière de contrôle interne I O N T C I T A sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2006, qui ont pour objet d’offrir aux établissements bancaires et financiers français un cadre réglementaire, en ligne avec les exigences internationales, pour une meilleure maîtrise du risque de non-conformité. Ce cadre s’inscrit dans la démarche générale de renforcement du contrôle interne qui vise à mieux maîtriser les risques encourus par le système bancaire et financier, y compris dans leurs aspects qualitatifs. L’actualité internationale a montré l’importance des risques qualitatifs pour l’activité des établissements financiers. Le souci d’une prévention plus systématique et proche des réalités opérationnelles doit donc également trouver à s’appliquer dans ces domaines. Non seulement le risque de non-conformité s’est accru en raison de la multiplication des techniques et des réglementations que les entreprises assujetties doivent maîtriser, mais encore, le contexte national et international est devenu nettement plus exigeant dans tous les domaines relatifs à la conformité et à la réputation. Dans ces conditions, un renforcement de la vigilance en matière de contrôle de la conformité des opérations est indispensable. Il devait passer par le vecteur réglementaire pour, à la fois assurer son universalité, mais aussi lui conférer toute la solennité nécessaire à une bonne perception des risques encourus à ce titre. On permet ainsi aux établissements français de répondre aux exigences croissantes des autorités nationales et étrangères et, /... 31 “ L’observation des lois, la conservation de la liberté et l’amour de la patrie, sont les sources fécondes de toutes grandes choses et de toutes belles actions ” Denis Diderot N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... d’une façon générale, à une attente forte de la société en ce qui concerne la rigueur et le professionnalisme des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Au niveau international, la version révisée des Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE approuvée en avril 2004 invite « les gouvernements et les instances chargées de la réglementation à offrir aux institutions financières et aux entreprises de leurs pays un cadre réglementaire de qualité propre à encourager l’adoption de pratiques exemplaires ». Par ailleurs, de nombreuses instances internationales, parmi lesquelles figure le Comité de Bâle, qui a publié des recommandations en ce domaine en avril 2005, s’attachent à établir les dispositifs qui assurent la conformité aux règles et normes professionnelles. La poursuite du développement international des établissements financiers français et le maintien de la réputation de la place financière de Paris ont donc appelé l’adoption de dispositions qui complètent les règles antérieures, pour qu’elles répondent entièrement aux nouveaux développements des standards internationalement reconnus et confortent ainsi la bonne réputation du système bancaire et financier français. Les compléments introduits dans le règlement n° 97-02 relatif au contrôle interne par l’arrêté du 31 mars 2005 visent ainsi à accompagner en le formalisant le renforcement, déjà entrepris par plusieurs établissements, de leur dispositif de veille et de contrôle de la conformité et à en assurer sa pleine reconnaissance nationale et internationale. Cinq orientations principales se dégagent de ces nouvelles dispositions, autour de l’axe central visant à renforcer et à assurer une structuration visible de cette fonction au sein des établissements. • La première est de consacrer une définition large de la conformité. En France, les questions déontologiques relatives en particulier aux opérations sur instruments financiers et la lutte contre le blanchiment des capitaux ont donné lieu à l’organisation de dispositifs spécifiques, bien identifiés, de contrôle. De fait, ces domaines ont une grande importance, déterminante pour la réputation des établissements bancaires et financiers. Pourtant, la conformité est une notion beaucoup plus large et englobante, puisqu’elle recouvre toutes les normes internes et externes applicables aux activités financières et bancaires, y compris par exemple celles relatives à la commercialisation des produits à la clientèle, sujet qui vient de faire l’objet d’un rapport présenté par M. Jacques DelmasMarsalet. • La deuxième est de réaffirmer qu’une fonction de conformité, 32 La fonction conformité en France J A C Q U E S F O U R N I E R pour être efficace, doit être organisée de manière très structurée, presque industrielle. Cela veut dire qu’il doit y avoir, dès lors que la taille le permet – ce qui est notamment le cas des grands groupes – des spécialistes dans la fonction de conformité, des spécialistes au niveau central, des spécialistes dans les métiers et des spécialistes dans les régions. Que ce métier existe en tant que tel, au carrefour de beaucoup d’expertises : juridiques, comptables, fiscales, éthiques, réglementaires, entre autres. Il demande des outils d’analyse a priori, des outils de contrôle permanent et, pour cela, il faut disposer d’équipes totalement dédiées non seulement aux échelons locaux, mais également centraux, dont ce soit le métier à part entière. La fonction centrale doit à cet égard jouer un rôle d’impulsion, d’homogénéisation, d’harmonisation, de cohérence, qui soit réel et effectif, ce qui demande, en termes quantitatifs, des effectifs minimaux, en particulier pour les groupes les plus importants. Lorsque la taille de l’établissement est plus modeste, la fonction de conformité peut être confondue avec la fonction de contrôle interne, telle qu’elle est définie dans le texte réglementaire actuel, voire avec les fonctions équivalentes résultant de la réglementation AMF pour ce qui relève des opérations de négociation ou d’intermédiation sur instruments financiers, les « opérations boursières » en quelque sorte. • La troisième orientation est d’assurer un passage obligatoire par la conformité : toute opération nouvelle ou tout changement significatif dans une opération nouvelle doit donner lieu, ex ante, à un avis de conformité. Il ne s’agit aucunement de placer la fonction de conformité en position de décider mais qu’elle soit toujours en mesure d’exprimer systématiquement, par écrit, son avis, la décision étant prise par les échelons décisionnels, lesquels sont variables, selon la taille des opérations (pour les plus importantes d’entre elles, ce sont les dirigeants ou – pour utiliser la terminologie de la réglementation bancaire – l’organe exécutif). C’est un objectif très important en terme de prévention, et qui relève de la conception du contrôle permanent, lequel, pour être efficace, doit être plus préventif que correctif. • La quatrième orientation, c’est de faire en sorte que la fonction de conformité soit une fonction active. Il ne s’agit pas uniquement d’inscrire dans un organigramme une fonction de conformité. Il s’agit qu’elle irradie l’ensemble de l’entreprise. Pour cela, il faut que la culture de la conformité soit partagée par l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Depuis les dirigeants jusqu’aux personnes qui ont des rôles beaucoup plus modestes au sein de la banque, le souci de la conformité doit /... 33 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... être présent, comme cela a déjà été le cas dans la perception des nécessités de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il faut faire de même, de façon plus générale, pour l’ensemble de la fonction de conformité. Ce qui veut dire qu’il faut que les dirigeants, et notamment l’organe exécutif, soient impliqués, qu’ils partagent cette vision des choses, qu’ils diffusent ce message, qu’il y ait une formation et une information actives au sein de l’ensemble de l’entreprise. Ce n’est pas l’affaire de quelques spécialistes, c’est l’ensemble de l’entreprise qui doit participer. Naturellement, certains acteurs seront, très légitimement, davantage intéressés par d’autres priorités ou auront des priorités concurrentes. Mais il faut au moins qu’ils aient la perception de l’existence et de l’importance de ce sujet, que c’est l’un des angles sous lesquels ils doivent analyser les opérations. À cet effet, la fonction de conformité doit disposer d’outils. En termes de cartographie des risques : où la fonction de conformité doit-elle être développée en priorité, dans quel métier, dans quelle zone géographique ? Construire des outils sur les risques de conformité majeurs ne va pas nécessairement de soi : par exemple, s’assurer que, partout dans un groupe, on respecte la réglementation sur les titres aux ÉtatsUnis est en soi déjà un défi technologique qui n’est pas négligeable, puisqu’il faut remonter à des niveaux d’actionnariat indirect assez complexes. Il faut s’assurer aussi, au travers de contrôles choisis, permanents, que la préoccupation de la conformité dans les opérations courantes est effective. Les dispositions du règlement n° 97-02 prévoient également dans ce domaine que les entreprises organisent la faculté, pour leurs salariés, de faire part à un responsable de la conformité de leurs interrogations vis-à-vis d’une opération, sans prévoir un devoir d’alerte tourné vers des autorités ou instances extérieures à l’entreprise. L’objet de cette faculté d’alerte est donc d’améliorer, par la participation de tous, la prévention des risques auxquels l’entreprise est confrontée, en renforçant un dispositif de dialogue interne dans un domaine limité aux règles propres aux activités bancaires et financières. C’est bien, à la différence d’autres systèmes étrangers, une faculté d’interrogation, de dialogue, en tant que de besoin, d’alerte sur une question ou un éventuel dysfonctionnement de conformité, et non pas un devoir d’alerte. Ce qui veut dire que chaque agent employé doit pouvoir demander à dialoguer, selon un mode qui sera déterminé par les normes internes à l’entreprise, avec un chargé de conformité qui, pour les questions les plus usuelles, se situera au niveau local 34 La fonction conformité en France J A C Q U E S F O U R N I E R et qui jugera si le sujet est pertinent ou pas et s’il convient ou non d’intervenir. Ces dispositions, d’ordre règlementaire, ne sont d’ailleurs pas exclusives, dans tel ou tel groupe, de la mise en place de processus de signalement obligatoire des dysfonctionnements par les salariés à leurs supérieurs hiérarchiques, indépendamment de la faculté d’alerte qui subsiste en tout état de cause. • Enfin, dernière orientation structurante, garantir l’indépendance de la fonction conformité. L’indépendance implique notamment que les spécialistes exclusifs de la fonction de conformité ne doivent pas exercer d’autres fonctions – c’est d’ailleurs une des normes que le Comité de Bâle a généralisées en matière de conformité – et qu’ils doivent jouir d’une indépendance qui se matérialise également, selon un mode à déterminer au sein de l’entreprise, par un processus d’attribution d’avancement ou un mode de rémunération ne pouvant naturellement pas être lié aux résultats ou aux performances de l’entreprise, comme pour tout contrôleur interne, semble-t-il. La fonction conformité participe de la clarification des différentes fonctions de contrôle interne apportée par la modification du règlement n° 97-02. À cet égard, il faut bien percevoir que le contrôle interne, c’est à la fois un concept et un métier. Et l’un ne recoupe pas l’autre. D’une part, c’est un concept, c’est-à-dire que tout le monde au sein de l’entreprise, à un échelon ou à un autre, joue un rôle en matière de contrôle interne, y compris les agents tout à fait opérationnels. Cela commence par celui qui va apposer la double signature dans le cadre d’un processus hiérarchique, ou par le supérieur hiérarchique qui va viser une note ou un projet que lui transmet un collaborateur. Ce concept général de contrôle interne que tous les responsables s’approprient au sein de l’entreprise, doit être présent à l’esprit de chacun : assurer la sécurité et veiller à la qualité et à la sécurité des opérations. D’autre part, il y a la nécessité d’avoir des spécialistes en contrôle interne. Des spécialistes internes qui sont des contrôleurs internes permanents, des responsables de la conformité, et des responsables d’audit. Et le règlement n° 97-02 précise que ces spécialistes doivent être eux-mêmes indépendants les uns des autres. Il y a clairement une séparation entre les contrôleurs internes permanents exclusifs – qui ne sont donc pas les opérationnels qui, par ailleurs, dans le cadre de l’ensemble de leurs tâches, font du contrôle interne – et l’inspection générale – ou l’audit interne comme on la dénomme souvent. Ainsi, relèvent de la fonction de contrôle interne permanent, les fonctions de conformité incluant les fonctions de lutte /... 35 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... contre le blanchiment et de financement du terrorisme – comprenant une cellule spécialisée, si le besoin en apparaît, au sein de la banque –, les fonctions de contrôle des risques de marché permanent, de contrôle des engagements de crédit et de contrôle des risques opérationnels qui forment un premier niveau en matière de spécialistes de contrôle interne, d’une part, et les fonctions d’inspection générale, d’autre part. Pour les établissements d’une certaine taille, il n’y a donc plus un responsable unique, au sein de l’entreprise, mais des responsables des différents pans du contrôle interne, sous l’égide des dirigeants qui assurent la détermination effective de l’orientation de l’activité, au sens de l’article L.511-13 du Code monétaire et financier, puisque ce sont eux qui, en définitive, sont garants de la gestion saine et prudente des établissements bancaires et financiers. Dans le cadre de ces orientations, il convient de souligner la grande latitude d’organisation offerte aux établissements par les nouvelles dispositions. Ces dernières avancent des principes généraux conformes aux standards internationaux mais sans en dicter les modalités précises de mise en œuvre au sein de l’organisation interne des établissements. Le but recherché est que la mise en œuvre de la fonction conformité en France soit bien adaptée aux situations très différentes des établissements assujettis et, en particulier, qu’elle soit bien adaptée et proportionnée aux risques encourus. Cela relève bien entendu aussi de la responsabilité des dirigeants de l’établissement, toute l’ambition de ce renforcement de la fonction conformité étant de fournir aux établissements un outil essentiel pour la gestion, toujours plus complexe, des risques inhérents aux activités bancaires et financières. Le règlement prévoit, par exemple, la possibilité d’externalisation des tâches d’exécution de contrôle interne, y compris celles relatives à la conformité, lorsque les caractéristiques de l’activité ou des circonstances particulières le justifient. En effet, si le contrôle interne gagne à être exercé au sein du groupe ou de l’entreprise assujettie lorsque celle-ci dispose d’une taille importante, le recours à des prestataires externes pour l’exécution de ces missions peut répondre à un besoin propre aux entreprises de taille modeste en matière de technicité ou de facilité de gestion. Pas de dogmatisme organisationnel donc dans le texte réglementaire, mais un objectif d’efficacité, qui impose le pragmatisme, à la condition de veiller, par une supervision externe active des situations individuelles, à ce qu’il soit fait un usage raisonnable, adapté à la taille et au profil de risques de l’établissement concerné, de cette liberté. 36 La fonction conformité en France J A C Q U E S F O U R N I E R À l’heure où de plus en plus d’opérations sont externalisées, en France et à l’étranger, à des sous-traitants, la nouvelle réglementation bancaire prévoit aussi que l’exigence de conformité ne disparaît pas lorsqu’une opération est sous-traitée. Tout au contraire, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement (c’est-à-dire notamment les intermédiaires en opérations boursières) doivent et peuvent, à l’appui de ce règlement, veiller à ce que leurs sous-traitants respectent des obligations de qualité, de continuité, et de conformité. Au total, la nouvelle réglementation sur la conformité va contribuer à façonner l’organisation interne des établissements financiers, notamment des plus importants d’entre eux. Ceux-ci seront ainsi les mieux à même de répondre à l’attente croissante, dans toutes les places financières majeures, d’un respect scrupuleux des obligations légales et même, à certains égards, des impératifs éthiques qui s’imposent à eux. Les établissements de crédit et les entreprises d’investissement partagent cette conception et ces objectifs même si, bien sûr, des progrès restent à accomplir ici ou là. En témoigne le caractère très constructif de la concertation de près d’une année qui a précédé l’élaboration des dispositions réglementaires finales. L’illustrent également les recrutements massifs de responsables de la conformité ou de contrôleurs internes qui sont intervenus au cours des deux dernières années, comme les réorganisations internes auxquelles de nombreux états-majors ont déjà procédé. En répondant présente, la place bancaire française, qui est aussi largement internationale du fait de la considérable diversité géographique de ses ramifications étrangères, confirme qu’elle sait percevoir les enjeux de demain et qu’elle entend s’y préparer de façon active. 37 N U M É R O 3 2 9 38 – M A I 2 0 0 6 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 “Developing Supervision and Strengthening Its Capacity” WILLIAM L. RUTLEDGE EXECUTIVE VICE PRESIDENT IN CHARGE OF THE BANK SUPERVISION GROUP AT THE FEDERAL RESERVE BANK OF NEW YORK Remarks at the 19th Annual Conference of the Group of Banking Supervisors from Central and Eastern Europe, Przno, Montenegro, April 6, 2006. T he single, most dominant theme of my remarks, is that I 39 O N A T C I T supervision needs to ensure not only that the financial organizations we supervise are operating in a safe and sound manner in the immediate term, but that the firms are well equipped to continue to do so over time. The focus cannot just be on the “here and now”, but on a longer time horizon as well. This may well differentiate the supervisor’s perspective from that of the general marketplace. While the market must also be focused on the future, not just the present, it clearly places a much heavier premium on immediate financial performance than do we as supervisors. As I will discuss, with more forward-looking disclosures, some of this timing difference in perspective may narrow. Another theme that will be clear from my remarks-one that ties in closely and underpins the first-is that banking supervision can and should evolve in response to the improving risk management and control architecture of supervised firms. How we do our jobs depends in significant part on how the firms we supervise operate. A corollary to that theme is that the evolution of bank supervision will necessitate changes in the training, development and expectations for examiners and other supervisory personnel. Let me turn now to how the supervisory process is evolving and strengthening-both in terms of the supervision of individual firms and in terms of the overall approach to the supervisory process. For the individual firm, it is logical to begin with an assess- /... “ The people’s good is the highest law. ” Cicero N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... ment of current condition through an analysis of point-in- time financials. We need to make sure that the banking organization has strength in its current balance sheet, with wellperforming loans, a healthy investment portfolio, appropriate reserves, good liquidity on both the asset side and the liability side, and a capital base that is fully sufficient to support its risk taking. As supervisors we need to have examiners who are well-trained and experienced in making all of these assessments of current financials. With the time horizon I focused on upfront, the supervisors of course cannot stop with that snapshot of current condition as we have to ensure not just the quality of immediate-term financials but also the prospects of the firm maintaining that favorable position over time. Part of the analysis is to have a forward-looking perspective on the financials that we see. How vulnerable is the balance sheet to changing circumstances? Is the loan portfolio heavily concentrated by industry or geographic region in a way that could make it more likely that a limited economic downturn would have major adverse effects? Is the banking organization heavily reliant on cross-border exposures that absent effective hedging could expose the firm to inordinate foreign exchange risk? Training and developing examiners who are able to make these kinds of forward-looking assessments is a material next step in the evolution of the supervisory process. As I see it though, an even bigger step involves moving from the analysis of financials to the assessment of the quality of the management and managerial processes of the firm. Simply extrapolating the current financial positions of the firm forward in the face of changing economic circumstances does not do justice to a typical bank’s management. A bank with good management obviously will look to adjust its strategies and exposures to changing external developments. Increasingly, in fact, a well- managed firm plans for those possible shifts by systematically exploring potential vulnerabilities through the development of some times very sophisticated scenario analyses, in which management evaluates its business and exposures against the possible stresses that could develop. I will come back to this later in my remarks. Setting and adjusting the strategic direction, and managing and controlling risks, is first and foremost the responsibility of the banking organization itself. The largest banking organizations, which face the challenge of managing expansive, diverse and complex organizations, have made major shifts in how they look to maximize risk-adjusted profits and minimize associated risks. 40 Developing Supervision and Strengthening Its Capacity W I L L I A M L . R U T L E D G E To accomplish these objectives, well-run organizations have devoted a great deal of attention to establishing strong corporate governance systems-systems with effective and independent boards of directors, strong senior management direction and oversight, and sophisticated systems of checks and balances to ensure that risks are understood and controlled. These firms have established extensive risk management systems, bringing together expertise in each of credit risk, market risk, liquidity risk, operational risk, and legal and reputational risk management. They have staffed and empowered key control functions like internal audit, legal and compliance. While primary responsibility for a banking organization’s safe and sound operation lies with the firm itself, we as bank supervisors play a key role by critically reviewing bank operations and encouraging the development of the necessary risk management and control processes. Before getting into more detail as to what this means for the supervision of the individual firm, let me back up a step and say a few words about our broad philosophy of supervisory approach-beginning with the core question of how we should look to achieve the ultimate objectives of supervision. An obvious key objective is to ensure the long-run strength of the banking industry, but does that lead us to inevitably conclude that supervisors should aim to ensure that banks do not fail? We do not believe that. Not only is that ambitious objective a nearly impossible task, but it is not an optimal approach to supervision. In a market economy, failures and losses are part of risk-taking. And risk-taking is a necessary feature of a dynamic market-based economy. Accordingly, a key goal of supervision should be to encourage innovation and calculated risk-taking by banks, while ensuring that these processes are managed in such a way as to promote safety and soundness. That is the fundamental balancing act of bank supervision. The Basel Committee elegantly addressed this basic tension in its core principles for bank supervision, by recognizing a distinct trade-off between supervisory protection and the cost of financial intermediation. A supervisory process that is too intrusive can hinder optimal asset allocation and stifle business innovation. Supervisors should of course always be adequately prepared to deal with problem situations as they arise-including dealing with failures in a way that minimizes disruptive effects. How do supervisors look to strike this balance? How has our supervisory process evolved to meet the challenges posed by the structural developments and business shifts in the ban- /... 41 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... king sector? Supervisory techniques that may have been ade- quate 20 years ago are clearly unable to meet the supervisory objectives for today’s larger, more complex banks. Broadly speaking, we have made our process more dynamic in its orientation-developing more flexible supervisory approaches that are geared specifically to the risks of each particular bank. A checklist approach to undertaking a standardized review of each bank can have value in some circumstances in terms of promoting consistency-and we use a variant of it in supervising small banking organizations. However, if firms have evolved with widely differing business strategies and managerial approaches, that type of supervisory focus will not work. Similarly, as I indicated in broad terms a moment ago, we now have much more focus on the integrity of the risk management and internal control processes of the individual firm, rather than simply on the validation of its current financials. For example, our focus is much more on the quality and integrity of the processes that generate the credit risks, distribute them and manage those to be retained, rather than on the credits currently on a balance sheet. A critical underpinning of this approach is that the firm has systems with appropriate independence and control to ensure accurate current asset quality assessment. Another example of our looking to develop a supervisory approach that leverages off of strong control processes is how we focus on the internal audit function. We spend a good deal of time critically evaluating the rigor, comprehensiveness and, of course, independence of the internal audit function. When we determine that the internal audit function is a sound one, we then are much better able to factor its findings into our supervisory plans. Assessment of the internal audit function is therefore a key piece of the examinations planning process as we design exam approaches suited to the risks specific to each banking organization. Understanding the extent to which internal audit can be properly leveraged in our work is an important part of developing the extensive institutional knowledge needed to tailor a supervisory program for each individual firm. Another factor in developing institutional knowledge is continuity of supervisory perspective. It is important that some of the same people supervise a given organization for a reasonable period of time-getting to know and evaluate its management, its business direction and, most importantly, its risk profile. For the largest banks we have dedicated teams that follow the bank year-round. 42 Developing Supervision and Strengthening Its Capacity W I L L I A M L . R U T L E D G E The increasingly sophisticated nature of banking has also led us to go a step further in the supervisory development process by embracing the concept of specialization for our examiners. Supervising the major banking organizations that we do requires the cultivation of specialists with the skills and experience necessary to fully understand the risks being taken through a bank’s complex business lines. Armed with deep and sophisticated understanding, a specialist can ask the tough questions necessary to determine where problems are most likely to surface. We use specialists in a variety of areas, including, for example, the analysis of various capital markets activities. For the major banking organizations in the United States, solely relying on generalist examiners is no longer appropriate. To emphasize my key theme, this supervisory focus on banks’ risk management mechanisms and internal controls allows us to assess not just a bank’s strength today, but the bank’s ability to function well over time. FOCUS ON RESILIENCE I find that a useful way to capsulize what this longer-term vision should mean both for the supervision of the individual firm and for our supervisory approach more broadly is to focus on the concept of resiliency-resiliency in the very broad sense of how well major firms and the system overall can deal with changing circumstances and external shocks over time. Let me turn to how we are seeking to promote banking organization resiliency in various forms-specifically, strategic resilience and innovation; ongoing business resiliency; and technological resiliency. STRATEGIC RESILIENCE A primary focus of supervisors should be the strategic resiliency of banking organizations. To ensure a dynamic banking system, we need banking organizations to have the strategic flexibility to broadly change their businesses to take advantage of competitive opportunities that arise. A bank’s ability to adjust its strategic objectives over time is critical to maintaining the long-term dynamism of the banking system. In the U.S. context, the growth of market-based finance drove commercial banks to press for legal and regulatory changes to allow them to significantly diversify their activities. With those changes, banking organizations now offer a variety of investment and insurance products, and have added investment banking and merchant banking func/... tions to their array of services. 43 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... Less dramatic shifts occur on a much more continuous basis- offering many opportunities for banks to introduce innovative products to satisfy market needs. The growth of derivatives is an obvious example. These instruments, used wisely, permit market participants to manage and price risks more effectively-a positive development for the broader financial market. Meeting their expanding needs to hedge or diversify their risks has also contributed to the bottom line profitability of many banks. However, while encouraging banks to pursue strategic opportunities as they arise, supervisors must ensure that banks fully understand the risks that they are taking and are able to measure and manage those risks appropriately. A key supervisory focus in this regard is on assessing the rigor of the firm’s process for new product approval, particularly for the most complex products (such as various derivatives). New product review should be undertaken by a range of personnel with sufficient experience, training and stature to evaluate the full set of risks and potential control problems. Accordingly, banks should involve not just their business people, but also their internal audit, legal and compliance people, and their risk management personnel in the review of possible new products. Once introduced, these products must of course be subject to rigorous ongoing monitoring and control processes. BUSINESS RESILIENCE I n addition to promoting this kind of strategic resilience, supervisors should also seek to ensure a bank’s resiliency on an ongoing basis against various financial, economic and other external shocks. Unanticipated interest rate or exchange rate movements are good examples of such potential shocks. We have found that risk models do not always take into account, as fully as they should, market liquidity, or the ability to trade out of positions in the event of a sudden shock. A major disturbance, or a combination of several concurrent disruptive events, can seriously affect many banks’ exposures simultaneously and thus potentially lead to larger systemic effects. The potential for adverse shocks poses significant challenges for risk measurement. Widely-used measures of risk, such as value-at-risk, are limited in their effectiveness because they tend to reflect potential for loss under generally normal market conditions over short-term horizons. These models typically do not fully take into account very rare adverse events, in which conditions can rapidly change in a very short period of time. As we learned all too well with the problems of Long 44 Developing Supervision and Strengthening Its Capacity W I L L I A M L . R U T L E D G E Term Capital Management following the Russian debt default in 1998, there are many ways in which financial disruption in one part of the world can affect major financial centers worldwide. To ensure a bank’s resiliency against these and other shocks, we are looking to ensure, as I suggested earlier, that banks perform rigorous, ongoing stress testing to assess the impact of unanticipated events. TECHNOLOGICAL RESILIENCE G iven the importance of technology to bank operations, both internally and between firms, a third supervisory focus is on the long-term technological resiliency of a firm’s operations. Banks are not only subject to risk related to credit and market exposures, but also to operational problems which inevitably occur from time to time. As supervisors, we have emphasized for some time that individual banking organizations must invest in back-up arrangements to ensure that processing can continue in the event of a technological disruption. The ability of a firm to resume operations quickly and accurately when its primary processing facilities face disruption is critical not only for the firm itself but, in many cases, for the overall financial system. Technology is, of course, vital to the smooth functioning of the payments system. Payments activity today is undertaken by a diminishing number of global financial institutions. Accordingly, there are now fewer participants accounting for a larger share of the expanding and increasingly global payments business. It is important that those banks ensure a level of technological resilience that is commensurate with their importance to the financial system. We have therefore been requiring for various core clearing activities that organizations establish outof-region back-up arrangements to recognize the kinds of risks that September 11, 2001 so vividly demonstrated. MARKET DISCIPLINE D isclosure and market discipline complement formal supervision, and clearly market participants can play an important role. In free and open markets, market participants can use their investment and credit decisions to reward those firms that are performing most effectively. Or more accurately, reward those firms they project will be the most effective performers going forward. How market participants make those projections is not always easy to determine. Even in a system with sophisticated analysis by rating agencies and other market practitioners that reco- /... 45 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... gnize the inherent strength or weaknesses of particular fran- chises, it seems that the market focuses heavily on short-term matters-for example, often seemingly unduly penalizing modest shortfalls from quarterly earnings estimates. In a finely-tuned market, a great deal of information has already been factored into pricing of debt and equity instruments, and what tends to move the market is anything that comes across as a new development-however unimportant it may ultimately prove to be for the long-run performance of the firm. If a major uncertainty arises (such as a major legal issue) or if quarter-to-quarter adverse trends seem to be developing, the market can factor a negative judgment in even more stronglysometimes appropriately, but sometimes exaggerating the import of the trend or development. The tough thing for supervisors and the firm is that negative judgments, even not entirely accurate ones, could become self-fulfilling prophecies. As I mentioned earlier, these market reactions can be explained to some extent by the difficulty of projecting firms’ performance based on available disclosures. For market discipline to be a truly effective complement to formal supervision, market participants must be armed with accurate and timely information, not just about current balance sheet and income statement elements, but also with information having a longer-term value-such as qualitative and quantitative information on business strategies, risk profiles, and risk appetite. We have noted some improvements in banks’ disclosures in these dimensions over the past several years-some of it in response to new disclosure requirements, some to getting ready for Pillar 3, but much also in response to the pressures of the marketplace. In addition, as firms have developed their economic capital methodologies and become confident enough to rely on them for various internal purposes, we have been seeing more public disclosure of such information. We are looking forward to additional enhancement of banks’ disclosures in the coming years. To exploit the potential of market discipline, Pillar 3 of the Basel II Accord emphasizes transparency and disclosure by banking organizations. Enhanced disclosure of key risk elements and capital by banking organizations should help market participants develop a better-informed view of a bank’s risk profile. In this way, Pillar 3 provides much-needed market encouragement of more prudent risk management, and therefore ties in nicely to the evolving supervisory process that I have just discussed. Before closing, let me bring in one final element to the process of ensuring the strength of banking institutions-that is, 46 Developing Supervision and Strengthening Its Capacity W I L L I A M L . R U T L E D G E ensuring the strength of the capital supporting each major bank’s operations. Working together, the three pillars of the Basel II Accord should complement the approach to bank supervision I have described and be an integral part of our supervisory process going forward. The implementation of Basel II should result in more resources being applied to improving bank risk management practices. This should result in banks’ pricing becoming more reflective of risk and in better capital allocation across firms, borrowers and industries. In fact, Basel II has already led financial institutions to deepen and accelerate their efforts to improve the evaluation, quantification and disclosure of risk. This type of approach to regulatory capital, working in concert with the kind of supervisory focus I have been describing, will encourage innovation and promote the continuous development of better risk management tools. That holds the promise of a more stable banking system, with the potential for reductions in systemic risk, and stronger assurance of continued and vigorous circulation of credit over time. 47 N U M É R O 3 2 9 48 – M A I 2 0 0 6 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Les attentes des clients en matière de conformité bancaire REINE-CLAUDE MADER PRÉSIDENTE DE LA CLCV La banque de détail et la vente de produits financiers aux particuliers étant, et restant probablement encore pour longtemps, une activité centrale et extrêmement porteuse de la très grande majorité des établissements bancaires, l’établissement d’une relation de confiance, basée sur la transparence et la fiabilité, est un élément indispensable pour un développement de ces activités prenant en considération le bénéfice de tous. Dans cette optique, les responsables conformité sont les alliés objectifs des consommateurs. I 49 O N A T C I T L a conformité est une notion étrangère aux clients des banques, et probablement très éloignée de leurs préoccupations lorsqu’ils vont ouvrir un compte, reçoivent leur relevé bancaire, ou cherchent à s’informer sur un produit d’épargne. C’est le plus souvent s’ils rencontrent un problème avec leur banque qu’ils se frotteront à cette notion, sans d’ailleurs le savoir, et plutôt en général sous l’angle de la non-conformité... Mais les évolutions en cours dans le domaine de la conformité bancaire, si elles sont ignorées des consommateurs, peuvent pourtant avoir une importance significative pour eux, dans leur relation avec leur établissement bancaire. La fonction de conformité aujourd’hui créée au sein de chaque établissement bancaire a pour objectif de contrôler le risque de non-respect des règlementations et des normes propres aux activités bancaires et financières. Et parmi ces règlementations ou normes, outre celles qui assurent la solidité du système bancaire, élément bien entendu essentiel pour les consommateurs, d’autres encore leur sont spécifiquement destinées. Leur respect, du siège jusqu’à la plus petite agence, /... “ Agis toujours de telle sorte que tu traites l’humanité comme une fin et jamais simplement comme un moyen. ” Emmanuel Kant N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... est un élément décisif de la relation de confiance entre un éta- blissement et ses clients. LE RESPECT DES ENGAGEMENTS ET DE LA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE D’INFORMATION ET DE CONTRACTUALISATION P endant de longues années, les relations banques-clients ont fait exception aux règles qui régissent normalement les rapports des consommateurs avec leurs prestataires de service. Le fonctionnement et la gestion d’un compte de dépôt reposait sur une relation presque personnelle entre le détenteur du compte et son conseiller, et non sur un contrat formalisé fixant dès le départ les règles du jeu, ce qui pouvait par la suite donner lieu à des contentieux pourtant tout à fait évitables. C’est le développement du consumérisme bancaire qui a enfin amené la profession bancaire à reconsidérer ses pratiques. Les conventions de compte sont aujourd’hui un moyen inscrit dans la loi pour formaliser le contrat entre la banque et son client. Leur diffusion systématique à tout nouveau client ainsi qu’à tout client qui le demande, est une obligation ; mais il est aussi nécessaire que ces conventions soient le reflet d’une relation équilibrée et loyale entre les deux parties, et qu’à ce titre, elles soient vierges de toute clause qui pourrait être considérée comme abusive, en particulier au regard du code de la consommation. Une importance particulière doit être portée à cette question, qui est un des fondements de la relation de confiance qui doit se bâtir entre un professionnel et son client. Plus que des contrats-type stéréotypés, il faut que ces conventions soient un réel outil de référence pour le consommateur dans sa relation avec sa banque, et donc pour cela qu’elles soient claires, lisibles, non pas un recueil de textes applicables à tous types de situation, mais dans toute la mesure du possible, un contrat presque personnalisé, adapté à la situation et aux services souscrits par le consommateur. D’autre part, depuis plusieurs années, nous déplorons à la CLCV le manque d’accessibilité de l’information sur les tarifs bancaires pour les particuliers. Des améliorations ont été apportées notamment à la suite des évolutions législatives imposant aux banques d’adresser leurs modifications de tarif trois mois avant l’entrée en vigueur de celles-ci, obligation largement respectée par l’ensemble des établissements. En revanche, la présence sur les lieux de vente, pourtant elle aussi prévue par la réglementation, reste beaucoup plus inégale : une récente enquête auprès de 280 agences bancaires à travers 50 Les attentes des clients en matière de conformité bancaire R E I N E - C L A U D E M A D E R la France nous a permis de constater que ces plaquettes tarifaires n’étaient en libre disposition que dans 133 d’entre elles, soit moins de 50%. Or l’accès aux tarifs est pour le consommateur un élément essentiel pour faire jouer la concurrence. De la même façon, les banques ont pris l’engagement d’informer largement les consommateurs qui pourraient être concernés de l’existence d’un droit au compte, en prenant en charge une partie des formalités (recours auprès de la Banque de France) en cas de refus d’ouverture d’un compte. Là encore, le rôle des agences est central pour le succès et le respect de ces engagements. On sait que, durant de longues années, malgré l’existence d’un droit au compte inscrit dans les textes, son utilisation était très limitée, essentiellement en raison d’un défaut d’information des consommateurs, bien souvent parce que les agences bancaires elles-mêmes, lorsqu’elles refusaient l’ouverture d’un compte, n’étaient pas en mesure d’informer sur la possibilité de ce recours légal. Il y a donc, sur des sujets tels que ceux-ci, une attente des clients pour que les engagements pris au niveau des sièges et les obligations incombant aux établissements bancaires soient ensuite très concrètement mis en œuvre dans les structures avec lesquelles les consommateurs sont en contact, à savoir les agences. Et c’est bien évidemment le rôle des responsables conformité de faire en sorte que soient mises en place les procédures nécessaires pour assurer le respect de ces règles, grâce à l’implication de tout le réseau. UNE ATTENTE FORTE DANS LE DOMAINE DE L’ÉPARGNE ET DU PLACEMENT L a complexification et la sophistication croissante des produits financiers, le transfert de risque et de responsabilité de plus en plus important vers les particuliers, engendrent des exigences accrues d’information et de conseil de la part des intermédiaires financiers à l’égard de leurs clients. C’est un enjeu majeur pour les consommateurs, dont l’épargne est en jeu, parfois pour des investissements de très long terme, notamment en vue de préparer leur retraite. Mais c’est aussi bien évidemment un enjeu majeur pour les établissements bancaires qui commercialisent ces produits, et qui, par une mise en œuvre la plus efficace possible du devoir d’information et de conseil, peuvent se prémunir d’un risque juridique de mise en cause de leur responsabilité, mais également d’un risque commercial, d’atteinte à leur image de /... marque. 51 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... Monsieur Delmas-Marsalet, dans le rapport rendu à l’au- tomne dernier au ministre de l’Economie et des Finances sur la commercialisation des produits financiers, formule un certain nombre de recommandations, dont l’application serait de nature à réduire les risques de commercialisation abusive de ce type de produits et permettrait de protéger ainsi l’épargnant et son banquier, ou assureur. Certaines d’entre elles retiennent tout particulièrement notre attention : 1) L’information donnée au consommateur, tout d’abord, que ce soit par le biais des documents publicitaires, premier contact de l’épargnant avec le produit, ou sur les documents précontractuels. Dans les deux cas, bien qu’à des niveaux différents, l’information se doit d’être suffisamment claire pour que le souscripteur potentiel soit informé des caractéristiques essentielles du produit, et cela sans ambiguïté. En particulier, l’information sur les risques liés au produit ne doit pas être évacuée au profit des seuls avantages de celui-ci, ou plus encore, d’une surestimation de ceux-ci. Des affaires récentes ont montré que certains établissements financiers n’avaient pas été suffisamment transparents sur les risques liés au produit commercialisé, destiné à un public non averti qui s’est estimé trompé, ou à tout le moins mal informé. De telles situations, fortement nuisibles pour le client qui subi des pertes ou ne récolte pas tout ce qu’il espérait de son placement, sont également dommageables pour l’image de marque de la banque concernée, voire de l’ensemble de la profession. Mais même en l’absence d’affaires aussi médiatiques ou de préjudice avéré du client, une information déficiente à l’une ou l’autre des phases de la relation pré-contractuelle est préjudiciable à la relation de confiance entre l’établissement et son client et également à une allocation optimale des ressources d’épargne, dans l’intérêt des deux parties au contrat. D’où l’importance d’une implication forte des responsables conformité pour le respect des principes nécessaires à une bonne information. 2) Les pratiques de commercialisation au sein des réseaux, d’autre part. En ce domaine, il apparaît clairement qu’il existe une forte marge d’amélioration dans la plupart des réseaux, et que la mise en place de nouveaux outils, de formations, de procédures, est indispensable pour permettre aux conseillers commerciaux de ne proposer que des produits pour lesquels ils sont réellement formés, et d’orienter leurs clients vers les produits les plus adaptés à leur situation, par l’analyse de leurs objectifs, de leur profil de risque, de leur situation financière. Là encore, le rôle des responsables conformité est particulièrement important, d’autant plus qu’il s’agit sur cette 52 Les attentes des clients en matière de conformité bancaire R E I N E - C L A U D E M A D E R question de toucher l’ensemble du réseau de distribution. Seule la mise en place de procédures et de formations homogènes peuvent permettre de mettre en place les conditions d’un conseil de qualité en tous points du réseau. L’implication des services conformité sur ces questions est d’autant plus importante qu’elles relèvent aujourd’hui largement de l’application de bonnes pratiques, et demain peutêtre de la mise en place de codes de bonne conduite. S’agissant de démarches volontaires, il est donc essentiel que des services tels que ceux de la conformité fassent en sorte que toutes les branches de l’entreprise soient convaincues de la nécessité de leur mise en œuvre et de leur bonne application. La banque de détail et la vente de produits financiers aux particuliers étant, et restant probablement encore pour longtemps, une activité centrale et extrêmement porteuse de la très grande majorité des établissements bancaires, l’établissement d’une relation de confiance, basée sur la transparence et la fiabilité, est un élément indispensable pour un développement de ces activités prenant en considération le bénéfice de tous. Dans cette optique, les responsables conformité sont les alliés objectifs des consommateurs. 53 N U M É R O 3 2 9 54 – M A I 2 0 0 6 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Conformité et juridique J.-M. DAUNIZEAU RESPONSABLE DE LA DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Sur le chantier de la conformité, la complémentarité entre les lignes métiers juridique et conformité apparaît comme une évidence qui doit conduire non pas à une mise en concurrence des intervenants mais au contraire à un véritable travail en équipe et à une optimisation des moyens pour construire un édifice cohérent de maîtrise des risques de conformité qui n'affecte pas l'efficacité opérationnelle. P endant longtemps, conformité et juridique se sont confon- I 55 O N A T C I T dus dans la mesure où la première mission des juristes en entreprise a toujours été de vérifier la faisabilité des opérations et leur conformité à la loi avant même de rédiger les contrats destinés à les concrétiser. Dès 2001, les notes de procédure relatives à la fonction juridique rappelaient cette évidence en distinguant précisément le risque contractuel et le risque judiciaire, autrement dit aujourd’hui, le risque de nonconformité. Avec la présentation du Programme de contrôle renforcé de la Conformité à la Commission Bancaire en janvier 2004, Crédit Agricole S.A. a choisi d’articuler l’organisation de la fonction globale « Conformité » autour de trois lignes métiers : affaires juridiques, conformité-déontologie et sécurité financière. Cette organisation initiale a cependant quelque peu évolué sous l’influence des dernières modifications du Règlement 97.02 et de l’Arrêté du 31 mars 2004. Ce dernier a en effet introduit le contrôle de conformité en tant qu’élément du contrôle interne permanent. On a vu progressivement dans les organigrammes de certaines entités la conformité-déontologie associée à la sécurité financière devenir la « conformité ». On a constaté également des modifications d’organisation du contrôle interne regroupant contrôle des risques et contrôle de conformité, mais n’incluant pas le contrôle du risque juridique. Faudrait-il en déduire une évolution du contrôle de conformité devenant partie intégrante du contrôle interne, le risque de conformité juridique au sens de contrôle du risque légal restant alors dans /... le domaine du risque juridique pur ? “ Vous m’appelez la Loi, je suis la Liberté. ” Alfred de Vigny N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... Les procédures « Fides » mettant en œuvre le programme de contrôle de la conformité dans le groupe Crédit Agricole S.A. ont été diffusées en juillet 2004 après avoir été approuvées par la Commission bancaire. Pour la fonction juridique, le socle fondateur de la ligne métier juridique est la procédure Fides 4 « Organisation et fonctionnement des fonctions juridiques du groupe Crédit Agricole S.A. », progressivement déclinée dans les entités du groupe. Il est intéressant de s’interroger aujourd’hui, dix-huit mois après l’introduction d’un plan renforcé de conformité dans le groupe, sur ce qui a changé, sur ce qui a évolué dans les organisations et leur fonctionnement, sur les questions non résolues et les débats ouverts. Les enjeux pour les mois, voire les années à venir, feront également l’objet de quelques réflexions. QUELS CHANGEMENTS POUR LA FONCTION JURIDIQUE ? La maîtrise des risques juridiques Concernant la fonction juridique, la prise de conscience par les juristes du rôle spécifique qui leur revient dans le contrôle du risque de non-conformité se fait progressivement, notamment parce que la conformité juridique est aux juristes ce que la prose était à Monsieur Jourdain. Ils en ont toujours fait... en le sachant, car c’est leur métier. Il y a maintenant quelques dizaines d’années, le juridique, c’était le « contentieux ». Puis, la fonction a revêtu un aspect « notarial » et on entend parfois encore dire : « ce n’est pas juridique, c’est contractuel » (sic). La fonction s’est en fait progressivement élargie avec le temps et cela fait déjà de longues années qu’elle couvre toute la palette des métiers du droit : le conseil juridique interne valide régulièrement désormais la faisabilité juridique d’une opération et contrôle la documentation contractuelle. En cas de litige ou de contentieux, en liaison avec les conseils juridiques externes, il analyse les faits et le droit, définit la stratégie judiciaire, sélectionne les arguments pertinents. Rien n’aurait donc changé avec la conformité ? Bien sûr que si ! Jusqu’à présent, s’assimilant à des médecins saisis de façon aléatoire ou à des pompiers intervenant selon le cas de façon préventive ou curative, les juristes ne se considéraient pas comme des gestionnaires de risque. C’est en réalité un véritable changement de culture qu’induit la conformité. Ce changement se manifeste dans la façon pour le juriste d’exercer son activité plus que dans le contenu de l’ac56 Conformité et juridique J . - M . D A U N I Z E A U tivité elle-même. Désormais, il ne s’agira plus seulement de répondre à des questions dans le cadre de dossiers, mais d’avoir une approche managériale consistant à identifier les risques juridiques, à les mesurer et à en améliorer la maîtrise. Pour autant, les questions juridiques n’ont pas changé de nature, encore que l’on puisse voir se dessiner certaines influences de l’approche « conformité » sur le droit. Mais le juriste doit rester un facilitateur de prise de décision et non un « empêcheur de faire », et la multiplication des procédures et des contrôles a posteriori ne doit pas conduire à de la contreproductivité. Si la fonction juridique doit s’attacher à maintenir son rôle de prévention en vue de sécuriser le chiffre d’affaires de la banque, elle doit aussi apporter une valeur ajoutée commerciale par le professionnalisme de ses avis et la qualité de rédaction des contrats, rôles tout à fait indissociables. Par ailleurs, les directions juridiques modernes ont depuis longtemps compris la nécessité de centraliser la fonction dans le double objectif d’optimiser la gestion des effectifs et d’assurer l’objectivité du conseil juridique par une véritable indépendance intellectuelle des juristes vis-à-vis des opérationnels. Il faut donc dire d’emblée que la distinction juriste « opérationnel » et juriste « de conformité » ou de « contrôle a posteriori » est d’autant plus dépourvue de sens qu’elle ne peut que conduire à une augmentation des effectifs, sans réellement améliorer la sécurité des opérations. Ce sont les interventions en amont, par la saisine systématique des juristes, qui permettront de sécuriser nos produits, nos activités et nos opérations, et d’en assurer la conformité juridique. De ce point de vue, il conviendra de s’interroger de façon permanente sur l’adaptation quantitative et qualitative des ressources juridiques disponibles en interne. Cette adaptation implique de revoir régulièrement les objectifs et la stratégie de la fonction. Il semble également qu’une réflexion commune puisse s’avérer utile entre les différentes lignes-métier concernées par la conformité et le contrôle interne pour mieux dimensionner les aspects « contrôle et prévention ». Le domaine de la conformité et le domaine du juridique Le règlement 97-02 définit la conformité juridique comme la conformité aux dispositions législatives, réglementaires et aux normes professionnelles et déontologiques propres aux activités bancaires et financières, susceptibles d’être sanctionnées /... judiciairement et disciplinairement (1). (1) Il faut bien entendu élargir la notion d’activité bancaire et financière à l’ensemble de l’environnement juridique et réglementaire des autres métiers de la banque, qui sont également régulés, comme le métier des assurances. 57 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... La rigueur qu’on peut attendre des juristes et qu’ils attendent eux-mêmes des textes, permettait d’espérer une définition plus précise et une réflexion plus claire (au niveau des textes de Bâle comme du Règlement 97.02) sur le risque juridique et le risque de non-conformité. Alors que la définition du risque juridique se trouve malmenée au gré des originateurs des textes, sans que paradoxalement il ait été donné aux juristes au niveau et dans un cadre appropriés le soin de donner des définitions justes et opérationnelles, on peut s’interroger sur l’exactitude de la définition qui crée une distinction artificielle entre risque de non conformité et risque juridique, et qui ne prend donc en compte ni le risque contractuel, ni les risques de mise en jeu de responsabilité civile fondés sur l’article 1382 du Code civil. Or, il semble avec le recul de l’expérience que ces risques particuliers soient inclus. S’en tenir à une définition stricto sensu apparaît insuffisant. Logiquement, nous devrions également aller vers une compréhension de plus en plus large des dispositions législatives et réglementaires concernées. Dans ce contexte, une première tentative de répartition des rôles aurait pu conduire à conférer de façon arbitraire à la conformité (entendue au sens de conformité-déontologie et de sécurité financière) un rôle exclusif couvrant la prévention du blanchiment de l’argent, les règles de bonne conduite ou normes déontologiques non susceptibles d’être sanctionnées judiciairement, le respect des procédures internes et des instructions des organes exécutifs, ainsi que le risque d’image et de réputation. Il ne faut toutefois pas s’y tromper. Les textes qui sont édictés, puis sanctionnés par les régulateurs ne constituent pas une source de droit ou un domaine du droit à part, mais ils s’insèrent dans la hiérarchie des normes, le plus souvent sous forme de règlements, d’arrêtés ou de décrets, et ils doivent évidemment respecter les lois et les traités internationaux auxquels ils sont subordonnés. La fonction juridique ne peut donc pas être absente de ces domaines. Dans une perspective différente, certains ont cru pouvoir défendre une approche de la conformité concentrée sur les normes professionnelles, dont la définition resterait cependant à donner. Le développement des codes de bonne conduite, inspirés de bonnes pratiques mais qui ne seraient pas des mesures législatives ayant un caractère d’ordre public, semble aller dans ce sens et ouvre le domaine contractuel à la conformité. Ceci étant, l’auto-réglementation qui en résulte est-elle véritablement souhaitable ? Si le régulateur dispose du pouvoir d’en sanctionner la violation, comment en effet le juge civil et le juge pénal tiendront-ils compte de ces règles de bonne conduite ? À partir de quel moment deviendront-elles 58 Conformité et juridique J . - M . D A U N I Z E A U un usage reconnu comme source de droit ? À l’initiative des associations professionnelles, faut-il en plus l’approbation des régulateurs ? Qui appréciera la légitimité des associations professionnelles ? Une pratique généralisée dans un groupe pourra-t-elle être sanctionnée même si elle n’est pas contractualisée ? Autant de questions non véritablement réglées qui montrent que le débat est ouvert... Pour autant, encore, la fonction juridique contribue de façon déterminante à l’élaboration de cette « soft law ». Enfin, et à y regarder de près, l’approche « conformité » n’influence-t-elle pas déjà l’évolution du droit ? On voit se développer certains concepts à la limite du juridique et de la déontologie : à titre d’exemple, le devoir de loyauté comme principe général condamnant les conflits d’intérêt ou se substituant au principe juridique de la bonne foi dans l’exécution du mandat... Dernière observation : si la « conformité » entretient pour des raisons pratiques une relation privilégiée avec les régulateurs, le juridique doit « reprendre la main » lorsqu’on en vient aux litiges. C’est un enjeu important car nous devons nous préparer à une augmentation des cas de poursuites et des risques de sanction au fur et à mesure de l’accroissement de l’arsenal judiciaire et des moyens dont disposeront les régulateurs : en cas d’enquête d’un régulateur, la rédaction des réponses aux rapports et aux lettres de suite doit être impérativement élaborée avec les juristes. L’analyse très en amont des faits, la qualification des éventuels manquements sont indispensables à la définition d’une bonne stratégie dans une perspective de poursuite disciplinaire dans un premier temps, et pénale ensuite le cas échéant. LE PARTAGE DES RÔLES E ntre le juridique et la conformité, ce que nous avons vu se mettre en place progressivement en pratique est non pas une répartition de territoire d’intervention (qui s’avère finalement être pratiquement le même), mais un partage des rôles : le juridique « dit » le droit, fait les contrats ; la conformité veille au respect des instructions au sein de la banque. • À la conformité, la maîtrise des processus à travers la préparation des procédures, la décision d’opportunité sur l’élaboration des modes opératoires, la définition des traitements et de leurs outils. • Au juridique, la portée des obligations, par exemple en matière d’obligation de conseil et d’information, le contrôle des termes juridiques utilisés dans la rédaction des procédures internes, la conformité du contenu juridique des procédures aux textes applicables, notamment la nature et le fondement /... 59 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... légal ou réglementaire des obligations qui seront imposées dans les procédures internes. Il est aisé de voir, dès lors, que les conditions dans lesquelles les dispositions législatives ou réglementaires doivent être mises en œuvre pour respecter les textes applicables, sont forcément définies en commun. À ce titre, l’enjeu est double : il faut, d’une part, assurer la cohérence au sein du groupe des procédures internes entre elles, car nous prendrions des risques à créer des contraintes différentes selon les entités d’un groupe où les produits sont conçus, développés et distribués par des acteurs différents, et, d’autre part, mettre en œuvre sans délai les modifications des procédures rendues périodiquement nécessaires par les changements de lois, de règlementations ou de jurisprudence. Le va et vient est permanent entre le juridique et la conformité. Dans la plupart des cas, la saisine ou l’information de l’une et de l’autre se fera en parallèle, qu’il s’agisse d’émettre des avis ou de prendre des actions correctrices à la suite d’un dysfonctionnement. C’est une responsabilité partagée entre les lignes métiers conformité et juridique au niveau groupe, où la coordination entre les fonctions est en recherche permanente d’amélioration. Au final, la conformité constitue pour la fonction juridique un levier précieux, qui permet d’homogénéiser et de systématiser des principes de saisine dans des procédures spécifiques, de faire mieux comprendre la nécessité de la standardisation des contrats et des actions de formation, comme de communiquer les consultations et les avis dans un cadre où ils seront mieux pris en compte (Comité des nouveaux produits, Comités des opérations complexes, sensibles et transfrontières, Comité des risques, Comité de contrôle interne, etc). QUELS ENJEUX POUR LA FONCTION JURIDIQUE ? La cartographie des risques juridiques et le dispositif de contrôle interne Une tâche est aujourd’hui prioritaire : l’élaboration et le suivi d’une cartographie des risques juridiques, légaux et contractuels. À l’image de ce qui a été fait pour les risques de nonconformité, il s’agit d’identifier les risques juridiques significatifs au regard de l’importance de leurs conséquences judiciaires et financières. L’identification des faits générateurs qui ne sont pas nécessairement uniquement de nature juridique (méconnaissance ou mauvaise interprétation des textes par opposition à traitement informatique, mauvaises pratiques...) permettra de prendre des dispositions et de prioriser les actions de prévention pour réduire le risque. À partir 60 Conformité et juridique J . - M . D A U N I Z E A U d’une cartographie régulièrement actualisée, chaque entité disposera d’un outil de pilotage du risque juridique de son activité. La fonction juridique devra alors développer un véritable dispositif de contrôle interne de ce risque particulier, qui contribue à responsabiliser les juristes sur leur mission de maîtrise et de contrôle du risque juridique et permette de développer un dispositif de contrôle interne permanent de premier ou de deuxième niveau, assorti de missions de vérification périodiques. L’organisation de la veille juridique et réglementaire Le Règlement 97-02 prévoit que « les entreprises mettent en place un dispositif permettant de garantir un suivi régulier et le plus fréquent possible des modifications pouvant intervenir dans les textes applicables à leurs opérations et, à ce titre, l’information immédiate de tous les membres de leur personnel concerné ». Le principe « nul n’est censé ignorer la loi » est bien connu, mais de quoi s’agit-il ? D’augmenter le niveau de connaissance des collaborateurs concernés et de les sensibiliser pour leur permettre de se poser et de poser aux juristes les bonnes questions. Bien entendu, il ne s’agit pas de transformer chaque collaborateur de la banque en expert juridique, mais seulement de leur donner les moyens d’acquérir les bons réflexes. Dans ce cadre, la fonction juridique a une mission essentielle de veille et de diffusion de l’information juridique avec l’objectif de faciliter la compréhension par le personnel de la banque des textes légaux et réglementaires et de la jurisprudence, ce qui passe notamment par la fourniture à la fonction « conformité », le plus en amont possible, des informations pertinentes nécessaires à l’acquisition des ressources et à l’élaboration des procédures propres à assurer le respect des règles qui s’imposent à nous. Très schématiquement, cette veille juridique peut se décomposer en trois parties. Tout d’abord, la veille informative, dont les enjeux sont l’exhaustivité, la rapidité de la collecte et la diffusion aux personnes concernées des informations (textes législatifs et réglementaires, jurisprudence, doctrine) relevant du droit bancaire et financier, ainsi que des autres domaines du droit concernés par les activités, produits, services et opérations du Groupe Crédit Agricole. Ensuite, une veille analytique sur les textes dont la pertinence relève de la responsabilité des juristes. Enfin, la représentation professionnelle, avec pour enjeux l’anticipation sur les impacts possibles des textes en préparation, sur nos activités, produits ou opérations, et la prise en compte des intérêts collectifs du /... Groupe Crédit Agricole. 61 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... CONCLUSION S ur le chantier de la conformité, la complémentarité entre les lignes métiers juridique et conformité apparaît comme une évidence qui doit conduire, non pas à une mise en concurrence des intervenants, mais au contraire à un véritable travail en équipe et à une optimisation des moyens pour construire un édifice cohérent de maîtrise des risques de conformité qui n’affecte pas l’efficacité opérationnelle. Au fil des ans, la science juridique a régulièrement donné naissance à des branches spécialisées du droit, qui ont pris une importance telle que l’on a pu parler parfois d’une quasi autonomie (« autonomie » du droit pénal, « autonomie » du droit fiscal, etc.). Avec la conformité, il ne s’agit pas ici d’une branche du droit, mais d’une technique de mise en œuvre des règles juridiques et de contrôle de leur respect. D’une époque où le juriste délivrait à la demande un conseil dont il ne se préoccupait pas de suivre l’application, on est passé à un monde qui a pris conscience que « tout est juridique » et que la violation de la règle n’est plus acceptable, ni sociologiquement ni économiquement. Plus que jamais, la responsabilité des juristes sera de sécuriser les opérations de la banque, sans dans le même temps constituer un frein à l’exploitation. La conformité ne doit pas être une raison pour ne pas agir et il faut garder présent à l’esprit que, dans la limite de l’abus de droit et de la fraude à la loi, un principe fondamental de notre système juridique est que tout ce qui n’est pas expressément interdit est en principe permis. Pour autant, la créativité ne doit pas être exclusive de prudence et, dans un système où les évolutions jurisprudentielles et législatives sont de plus en plus rapides et où la prévisibilité des solutions devient réellement problématique, l’effet multiplicateur de la taille de notre réseau sur les conséquences financières et d’image d’une prise de risque inconsidérée doit continuer d’inciter les juristes à une saine prudence. 62 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Conformité et sécurité financière RENÉ WACK DIRECTEUR ADJOINT DE LA DIRECTION DE LA CONFORMITÉ, RESPONSABLE DU PÔLE SÉCURITÉ FINANCIÈRE, CRÉDIT AGRICOLE S.A. La tendance dans le domaine de la Sécurité financière est celle d’un transfert de missions régaliennes relevant traditionnellement des autorités publiques vers le secteur privé. Cela est d’autant plus vrai que si les obligations initiales incombant aux banquiers étaient des obligations de réaction et de signalement, elles ont depuis été transformées en obligations d’action et de résultat. L e concept de « Sécurité Financière », ainsi que les missions I 63 O N A T C I T qu’il recouvre, sont nés après la réunion du G7 au sommet de l’Arche à Paris en juillet 1989, sommet au cours duquel les dirigeants des sept pays les plus industrialisés ont décidé la création d’un groupe de travail, destiné à améliorer la lutte contre le blanchiment du produit des trafics de stupéfiants et à solliciter la contribution des établissements financiers dans cette lutte. Ce groupe de travail est devenu le GAFI et il en est résulté 40 recommandations adoptées en 1990 et qui ont été transposées en droit interne en 1990 et 1991. A ces missions initiales de contribution à la prévention du blanchiment, complétées régulièrement depuis, se sont rajoutées plus particulièrement, après les attentats du 11 septembre 2001, toutes les obligations concourrant à la lutte contre le financement du terrorisme. De ce fait, le périmètre des obligations de conformité liées à la sécurité financière s’est considérablement élargi depuis ses origines, élargissement concernant tant les personnes physiques ou morales assujetties que les nou/... velles missions incombant au monde financier. “ D’un côté il y a la droiture, de l’autre, la fraude. ” Cicéron N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... I – LES OBLIGATIONS ET MISSIONS DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE D e manière générale, la tendance dans ce domaine est celle d’un transfert de missions régaliennes relevant traditionnellement des autorités publiques vers le secteur privé. Cela est d’autant plus vrai que si les obligations initiales incombant aux banquiers étaient des obligations de réaction et de signalement, elles ont depuis été transformées en obligations d’action et de résultat. A - Les obligations liées à la prévention du blanchiment de capitaux Elles sont principalement de deux ordres : la connaissance des clients et la surveillance des opérations de ces derniers. La connaissance des clients s’entend non pas seulement comme une simple vérification de l’identité des personnes, mais comme un ensemble d’éléments (profession, patrimoine) permettant d’apprécier les opérations effectuées sur le compte du client. À cela s’ajoutent bien évidemment des éléments d’appréciation de risques spécifiques tels que la qualité de non résident, de ressortissant d’un pays classé à risque, d’exercice de fonctions politiques, tous éléments permettant de classer le client dans une catégorie de risques qui entraînera une surveillance soit allégée, soit normale, soit renforcée. Cette connaissance du client est la pierre angulaire de tout le dispositif de conformité, c’est elle qui aura des répercussions tant sur le plan de la conduite commerciale (y compris la « suitability ») que sur celui de la sécurité financière. Elle incombe tant aux commerciaux lors de l’entrée en relation qu’aux services spécialisés de la sécurité financière, qui apporteront les compléments d’information nécessaires à cette connaissance, principalement lorsqu’il s’agit de clients catégorisés « à risque ». Ce complément s’effectue principalement à travers la délivrance de visas préalables à l’entrée en relation et d’enquêtes de due diligence. La surveillance des comptes et opérations «remarquables» des clients ne se limite plus à une simple surveillance que l’on pourrait appeler passive, c’est-à-dire celle qui, dans l’exercice normal de nos fonctions, nous amène à détecter des anomalies, mais elle est devenue une véritable surveillance pro-active consistant à aller rechercher l’initiative des opérations ou événements que l’on pourrait qualifier d’inhabituels ou d’anormaux. Cette obligation de surveillance active ne peut plus concerner que les seuls collaborateurs des banques mais nécessite le recours à des outils permettant une détection automatisée et un traitement spécialisé. 64 Conformité et sécurité financière R E N É W A C K La finalité de ces surveillances est la détection d’opérations pouvant relever des obligations de déclaration de soupçons auprès de la cellule de traitement du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) instituée auprès du ministère de l’Économie et des Finances. À ce jour, ces déclarations concernent tous faits pouvant relever du trafic de stupéfiants, d’activités criminelles organisées, d’atteinte aux intérêts financiers des communautés européennes, de la corruption ou qui pourraient participer au financement du terrorisme. B - Les obligations liées au respect des mesures d’embargo et de gel des avoirs Ces mesures, instituées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et plus particulièrement son financement, concernent soit des États, soit des marchandises, biens ou services, soit des personnes physiques ou morales. Les embargos Les mesures d’embargo relèvent de sanctions économiques dont l’usage apparaît dès l’antiquité (cités grecques). Le système actuel a pour fondement l’article 41 de la Charte des Nations Unies et le chapitre VII qui fixe les compétences du Conseil de Sécurité. Les sanctions ont force obligatoire ou contraignante pour les actuels 191 pays membres qui ont une obligation de résultat et doivent inscrire les décisions du Conseil dans leurs dispositifs réglementaires. Dans ce cadre, l’article 113 du traité de Rome de 1957 organise la collaboration de la Communauté européenne et de l’ONU en matière de sanctions économiques et pose le principe de la compétence exclusive de la Communauté en ce domaine. Le règlement 945/93 instaure l’identité des obligations relatives aux sanctions économiques décidées par l’ONU au sein de tous les États de la CE. Les conséquences d’une mesure d’embargo, qu’elle soit totale ou partielle, sont l’interdiction de réalisation des opérations. L’appréciation de cette interdiction peut varier selon qu’il s’agit d’embargos européens identiques dans tous les pays de l’Union, quelle que soit la devise, et dont le non respect est sanctionné pénalement (art. 474/3 du code des douanes : cinq ans d’emprisonnement et amende) ou d’embargos exclusivement américains. Les embargos de l’OFAC (Office of Foreign Affairs Control) sont uniquement opposables aux ressortissants américains (US persons) et ce partout dans le monde ainsi qu’à tous les établissements financiers implantés aux États-Unis. Ils ne concernent que les transactions en dollars américains dont le non respect entraînera un gel de fonds dès lors que ces /... derniers se retrouvent sur le territoire américain. 65 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... Une des difficultés d’application des mesures d’embargo pro- vient souvent de l’absence de justification économique des transferts de fonds à destination ou en provenance de pays faisant l’objet d’un embargo partiel tel que, par exemple, la Côte d’Ivoire, pour laquelle seules les importations d’armes ou objets assimilés sont concernées. Le respect des mesures d’embargo suppose évidemment une veille juridique et réglementaire de ces mesures, leur diffusion à toutes les entités concernées, une surveillance de tous les flux internationaux en temps réel ainsi que l’obligation d’intervenir avant le dénouement des opérations. Le gel des avoirs Les mesures de gel des avoirs, qui se sont considérablement développées ces dernières années, ont des sources identiques à celles évoquées dans le cadre des embargos. Les personnes physiques et morales concernées par de telles mesures s’élèvent actuellement à 15 700 pour la seule Union européenne et leur nombre ne cesse de croître. Une réunion extraordinaire du Conseil européen s’est tenue le 21 septembre 2001 afin de renforcer les mesures policières et judiciaires mises en place dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme. Dans ce contexte ont été établies et sont régulièrement édictées dans le cadre de textes légaux et réglementaires des listes de personnes morales et physiques faisant l’objet de sanctions spécifiques. Les conséquences des mesures prises dans ce cadre se traduisent par un gel immédiat des avoirs des personnes morales ou physiques concernées. Les champs d’application de ces mesures se situent à deux niveaux : d’une part, les biens ou avoirs existants et confiés à l’établissement financier et, d’autre part, les flux financiers à destination ou en provenance de l’une des entités figurant sur les listes des sanctions. Le respect de ces mesures suppose un examen approfondi des fichiers clientèles, mandataires ou ayant droits économiques, afin de déterminer l’éventuelle présence d’une personne physique ou morale tombant sous le coup de la législation en vigueur. En cas de découverte d’une telle personne, il doit être immédiatement procédé au gel des avoirs concernés. En cas de doute (homonymie), il est indispensable de transmettre les éléments au service compétent de la Direction du Trésor pour décision. Par ailleurs, comme pour les mesures d’embargo, il faut procéder à une surveillance en temps réel des flux internationaux afin d’intervenir si nécessaire avant le dénouement des opérations. 66 Conformité et sécurité financière R E N É W A C K Dans ce domaine, une stricte veille juridique, permettant une mise à jour rapide du fichier des personnes concernées ainsi que sa diffusion à toutes les entités du groupe, est primordiale. II – LES MOYENS DE LA SECURITE FINANCIÈRE L ’accroissement continu des obligations de conformité liées à la Sécurité Financière a conduit le monde financier à revoir entièrement les dispositifs mis en place à l’origine et qui, le plus souvent, s’étaient cantonnés à nommer un ou plusieurs correspondants « TRACFIN ». L’évolution a conduit à la création d’une véritable ligne métier ayant les moyens tant humains que matériels nécessaires pour mettre en place une véritable organisation destinée à « sécuriser » les établissements financiers et leurs dirigeants. Les moyens destinés à assurer le contrôle du respect des obligations de sécurité financière sont de plus en plus informatisés et sophistiqués. La période durant laquelle la détection des opérations suspectes ou de clients douteux relevait de la seule vigilance et perspicacité des gestionnaires est désormais révolue. Les évènements qui se sont déroulés aux États-Unis en septembre 2001 ont sonné le glas des méthodes artisanales. Il est dorénavant indispensable d’avoir des outils dédiés de contrôle et d’alerte et des moyens d’enquêtes. A - Les outils Ils doivent obéir à des critères et contraintes variables selon qu’ils sont destinés à lutter contre le terrorisme ou à détecter des opérations de blanchiment. Le respect des mesures d’embargo et de gel des avoirs, nous l’avons vu précédemment, suppose une surveillance des flux financiers en temps réel. Il s’agit de détecter si les clients de la banque envoient ou reçoivent des fonds de personnes physiques ou morales figurant sur les listes nationales ou internationales de sanctions. La taille de ces listes ne permet aucun traitement manuel sérieux. Le nombre d’individus figurant sur toutes les listes diffusées dans les différents pays s’élève à 38 600 actuellement. Seul un logiciel syntaxique capable de lire les différents champs des messages de transferts de flux permet cette détection en temps réel. L’implantation de ce genre d’outil sur les plateformes régionales de traitement des flux permet en outre une optimisation du traitement des flux arrêtés. De même, cette lecture des champs des messages swifts s’opère sur la base d’un coefficient d’approximation de 70 %, ceci étant rendu indispensable du fait de l’orthographe incertaine ou variée des individus figurant sur les listes de sanction. Le respect des obligations incombant aux établissements /... 67 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... financiers en matière de prévention du blanchiment impose une surveillance, une connaissance et une analyse approfondie de multiples variables qui ne peuvent s’inscrire que dans le temps. Si les premiers outils utilisés étaient à base de requêtes uniformes concernant tous les clients pour détecter soit des opérations importantes ou répétées en espèces, soit des opérations financières significatives par leur montant – en général supérieur à 150 000 euros, l’entrée en vigueur de la nouvelle directive européenne et sa transposition en droit interne avant fin 2007, va imposer une surveillance des comptes clients avec une approche diversifiée selon des catégories de risques. Cette nouvelle génération d’outils de profilage et de surveillance permet une catégorisation des profils des clients et évite d’avoir de trop nombreuses « fausses » alertes. Ce type d’outils utilisant des scenarii de base préétablis détecte de manière beaucoup plus ciblée des opérations inhabituelles ou atypiques selon le profil des clients. En outre, ce type d’outils assure également des fonctions jusque-là remplies par d’autres moyens, tels que la comparaison des fichiers clients lors de la parution de nouvelles listes de sanctions, la vérification systématique lors de toute nouvelle entrée en relation de ces mêmes listes. Il permet également la vérification périodique des fichiers clients ainsi que la vérification de nouvelles entrées en relation à des fins de détection de personnes politiquement exposées, obligation résultant de la nouvelle directive européenne. Cette nouvelle approche comportementale des comptes de clients ne va toutefois pas mettre fin à l’utilisation d’outils de requêtes spécifiques concernant les flux internationaux ainsi que les comptes des banques correspondantes. Les flux transfrontières en provenance ou à destination de pays classés à risque tels que les pays et territoires non coopératifs désignés par le GAFI (Groupe d’Action Financière) ou ceux considérés comme des paradis bancaires et/ou fiscaux, constituent une catégorie de risques particulière justifiant une surveillance accrue. Il en est de même pour les opérations transitant par des comptes de banques correspondantes, certaines banques pouvant utiliser leurs comptes propres pour effectuer des opérations non souhaitées au profit de leurs clients. B – Les moyens liés aux enquêtes L’accroissement des obligations de conformité a eu comme corollaire l’accroissement des investigations relevant du périmètre de la sécurité financière. 68 Conformité et sécurité financière R E N É W A C K Ces investigations se situent à trois phases différentes : • lors des entrées en relation ; • lors de la survenance d’opérations inhabituelles ou atypiques sur les comptes clients ; • lors des surveillances des flux internationaux. Les procédures liées à la connaissance du client mises en place dans les banques comprennent soit des comités d’entrées en relation, comme par exemple pour l’activité de gestion de fortune, soit une obligation de visa préalable de la sécurité financière pour les clients à risque (ressortissants de pays sensibles, personnes politiquement exposées...). Pour pouvoir donner des avis éclairés, la Sécurité Financière doit pouvoir disposer de banques de données appropriées lui permettant d’effectuer des recherches ciblées. Les informations nécessaires qui concernent la qualité et la réputation des prospects, se trouvent principalement sur des sites recensant des informations relatives à des personnes exerçant des activités politiques ou administratives importantes ou collationnant les articles de presse des principaux quotidiens ou périodiques à travers le monde. Outre ces recherches, il y a lieu également de vérifier si ces personnes ne figurent pas sur les listes de sanctions nationales ou provenant de la Commission européenne. Des investigations s’avèrent également indispensables en cas de survenance d’alertes. Les outils mis en place par la Sécurité Financière contribuent à systématiser la détection d’alertes ou d’anomalies. Cette augmentation du nombre d’alertes entraîne de facto une augmentation du nombre d’enquêtes y afférentes. Cette augmentation du traitement des alertes a parallèlement entraîné une spécialisation des personnes en charge des investigations. L’évolution naturelle a été de transférer cette mission, initialement souvent attribuée aux gestionnaires en charge de la clientèle, aux collaborateurs de la Sécurité Financière. Ces derniers disposent, par ailleurs, de banques de données externes déjà évoquées mais également internes centralisa nt les élém ent s d’ a le r t e s c on c e r n a n t le s c l ie n t s . C e t t e centralisation des informations et des risques permet une meilleure analyse et prise de décision quant aux déclarations de soupçons et de maintien ou non des relations. Elle garantit par ailleurs, eu égard aux obligations découlant des règles « Informatique et liberté », une confidentialité indispensable et un usage professionnalisé des informations. La dernière catégorie d’enquêtes concerne celles effectuées dans le cadre du respect des mesures d’embargo et de gel des avoirs. Elles concernent les flux arrêtés en temps réel, avant /... 69 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... exécution, pour lesquels il s’agit de déterminer si l’opération incriminée vise un pays ou des marchandises, biens ou services frappés d’embargo, ou si le donneur d’ordre ou le bénéficiaire du message de transfert correspond à une personne physique ou morale figurant sur les listes de sanctions. Ces investigations supposent que le message de transfert soit neutralisé en attendant une prise de décision finale. En matière d’embargo, soit un examen approfondi du contenu du message permet une prise de décision rapide, soit il est nécessaire d’interroger le client concerné par la transaction ou la banque correspondante pour obtenir des informations complémentaires sur la nature économique de la transaction. En matière de gel des avoirs, l’alerte nécessite une investigation approfondie auprès de l’entité donneuse d’ordre pour obtenir des informations complémentaires sur l’identité de la personne incriminée. Si un doute subsiste après enquête, l’opération est mise en suspens en attendant une décision du service ad hoc de la Direction du Trésor concernant le gel des avoirs ou leur libération. Ces diverses catégories d’investigations sont centralisées au sein de la ligne métier Sécurité Financière au niveau du Groupe. Cette centralisation permet un meilleur échange d’information, à des fins de prévention du blanchiment et du financement du terrorisme, entre les diverses entités. Elle permet également une très grande réactivité en cas de détection des clients à risque ayant des comptes dans plusieurs entités du Groupe ainsi que la diffusion de messages d’alertes qui peut en résulter. Il a également le très grand avantage de la professionnalisation et de la spécialisation des collaborateurs qui contribuent au sein de la banque au contrôle de la conformité. Le domaine de la sécurité financière, bien que s’étant déjà considérablement agrandi depuis son origine, n’a pas encore atteint son point de stabilité. Plusieurs textes tant européens que nationaux sont encore à venir dans les deux ans. Il s’agit des textes de transposition des deuxième et troisième directives européennes, du décret d’application de la loi du 23 janvier 2006, relative à la lutte contre le terrorisme, ainsi que d’un règlement européen sur l’identification des donneurs d’ordre pour les messages de transferts de fonds. Tous ces textes ont la même finalité, à savoir élargir, préciser et compléter les obligations incombant aux établissements financiers, et ce dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment du produit de toutes infractions. La contribution forcée demandée au secteur privé et principa70 Conformité et sécurité financière R E N É W A C K lement au monde bancaire dans le cadre de la lutte contre la criminalité, non seulement impose des charges et des contraintes nouvelles s’éloignant le plus souvent des conditions normales et traditionnelles d’exercice de la profession, mais elle s’accompagne également d’un risque non négligeable de sanctions réglementaires voire de sanctions pénales en cas de défaillance. C’est là « l’originalité » des obligations de conformité liées à la sécurité financière : leur non respect, soit à titre individuel, soit par les personnes morales, est sanctionnable pénalement. Si les États font confiance aux banquiers pour les aider à lutter contre le blanchiment et le terrorisme, cette confiance n’est pas aveugle. Elle est encadrée par des textes répressifs en cas de manquement. Pour les professions financières « sollicitées », le fait de faire « mal » son métier tombe désormais systématiquement sous le coup de la loi pénale. C’est tout le challenge de la ligne métier sécurité financière. 71 N U M É R O 3 2 9 72 – M A I 2 0 0 6 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Généalogie du “compliance officer” FRANÇOIS EWALD PRÉSIDENT DE L’ENAS, PROFESSEUR AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS. DOCTEUR ES LETTRES, AUTEUR DU « PRINCIPE DE PRÉCAUTION » (2001) ET DE « L’ÉTAT-PROVIDENCE » (1986) Le rapport à la norme que désigne la conformité, dans sa dimension éthique, c’est-à-dire comme exigeant une élaboration, un travail, une discipline de soi n’est pas sans rappeler celui qui préside au rapport du moine à la règle de son observance. Observance, voilà bien un mot français qui conjugue la règle et la pratique de la règle, conformité et déontologie, les deux mamelles de la conformité au sens du Crédit agricole. V oici le propos d’un philosophe sur la naissance d’une nouvelle fonction dans l’entreprise, dans les banques aujourd’hui, mais peut-être bientôt dans d’autres entreprises, au-delà même du monde financier : celle du compliance officer. I O N T C I T A PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA FONCTION DE COMPLIANCE O n appelle en philosophie, « phénoménologie », la description d’un objet tel qu’il se présente immédiatement à nous. Essayons de dresser la phénoménologie de la fonction de compliance telle qu’elle se donne à l’observation. Première remarque. L’apparition, la distinction d’une fonction dédiée à la compliance dans l’entreprise financière apparaît à la fin des années 1980 dans les pays anglo-saxons. C’est à ce moment qu’on isole une fonction nouvelle « chargée de la conformité aux lois propres à des métiers spécifiques ». Cette fonction a fait l’objet d’une recommandation par le Comité de Bâle, qui précise que son « rôle est d’assister la banque dans la gestion du risque de conformité, lequel peut être défini comme le risque de sanctions légales ou réglementaires, de pertes financières ou de pertes de réputation auxquelles une banque peut être soumise par suite des manquements aux lois applicables, aux règlements et codes de conduite ». La conformité, ou plus précisément l’absence de conformité, est présentée comme un risque. La fonction du compliance /... 73 “ Ce n’est pas assez qu'il y ait conformité à la loi morale, il faut encore que ce soit pour la loi morale que la chose se fasse. ” Emmanuel Kant, « Les fondements de la méthaphysique des mœurs », 1785. N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... officer est de prévenir ce risque, isolé comme tel et évalué comme un risque majeur. Il a, selon le Comité de Bâle, trois dimensions. D’abord, celle de la sanction par l’État, dont il provoque l’intervention et la mise en œuvre de l’activité judiciaire. C’est ensuite un risque de « pertes financières » et, enfin, de « perte de réputation ». L’apparition de la fonction de compliance décrit la volonté de traiter, par une organisation nouvelle de l’entreprise financière ce risque à trois têtes. La fonction de compliance décrit un problème d’organisation : comment une banque, un établissement financier, se structurent-ils pour répondre au risque de conformité ? Deuxième remarque. Cette fonction n’était pas jusqu’à présent isolée comme telle. C’est que le risque qu’elle cherche à traiter n’était pas lui-même distingué. Le risque de non conformité fait partie de ce qu’on appelle depuis quelques années les « nouveaux » risques. Ils sont plus immatériels, moins objectifs que ceux que l’on avait l’habitude de gérer. L’activité du banquier consiste à gérer des risques, risque de crédit en particulier, directement liés à son activité. La distinction de la fonction de compliance fait apparaître que, récemment, les banques ont isolé un risque qui n’était pas traité par leurs structures habituelles. Ce risque n’apparaît pas ou pas bien lorsqu’on lit l’activité d’une banque sous la seule grille de l’économie, de la finance ou des questions sociales. Ce risque nouveau, en fonction duquel les entreprises, cherchent désormais à s’organiser, appartient à la catégorie des risques « éthiques ». La fonction de compliance se distingue lorsque ce type de risque apparaît suffisamment important. Troisième remarque. Cette fonction est difficile à saisir. En témoigne : • La difficulté à traduire le mot « compliance » en français. On traduit par « conformité ». Ce n’est certainement pas faux, mais conformité en français va avec conformisme, obéissance aveugle, une sorte de servilité à la règle qui n’est guère compatible avec l’esprit de responsabilité que l’on revendique par ailleurs. Le Crédit agricole propose une traduction – « conformité-déontologie » – qui, par sa lourdeur même, témoigne de la difficulté. • Les questions de compliance étaient jusqu’à présent traitées de l’extérieur de l’entreprise. Il appartenait au client ou au juge de sanctionner tel ou tel agissement. Précisément, l’apparition de cette fonction dans l’entreprise témoigne de la volonté de traiter le risque en interne, de faire en sorte qu’il ne quitte pas l’enceinte de l’entreprise. Il doit être internalisé. Mais cela va soulever de redoutables problèmes d’organisation, dans la mesure où toute la hiérarchie, du plus haut au plus bas, est concernée. 74 Généalogie du compliance officer F R A N Ç O I S E W A L D Faut-il créer une hiérarchie, une organisation parallèle, une sorte d’audit éthique ? Mais comment éviter les conflits d’intérêts ? Comment faire qu’internalisée, la fonction de compliance reste indépendante, aussi scrupuleuse que cela est nécessaire. Le compliance officer est un salarié, mais un salarié qui n’est pas comme les autres, dont le rapport de subordination va être tempéré par une nécessaire indépendance. • Car, et ce sera ma dernière remarque, on ne demande pas au compliance officer de n’être qu’un gendarme des procédures, en charge d’une surveillance aussi aveugle qu’exhaustive de la conformité. Mieux vaudrait installer des caméras vidéos dans chaque bureau, chaque agence, et cette fois non pour surveiller l’intrus venant de l’extérieur, mais l’intérieur, le personnel de la banque devenant en quelque sorte suspect à lui-même. Le compliance officer est en charge des valeurs de la banque, de son éthique, de sa déontologie. C’est une fonction d’intelligence. Résumons cette brève phénoménologie de la compliance : d’un côté, la compliance apparaît comme un principe de réorganisation de l’entreprise bancaire ou financière dans la gestion d’un risque de nature éthique. De l’autre, la géographie de cette nouvelle organisation ne semble guère facile à dessiner. ANALYSE DE LA FONCTION DE COMPLIANCE C omment comprendre et apprécier ces transformations dans l’organisation contemporaine des entreprises ? Je procèderai en deux temps : je voudrais replacer l’apparition de ces problèmes dans leur contexte historique et sociologique ; puis analyser les exigences d’organisation appelées par la fonction de compliance. A. Sociologie de la fonction de compliance La naissance de la fonction de compliance est, je crois, un des symptômes de la crise contemporaine du capitalisme, je veux dire du capitalisme tel qu’il fonctionne depuis une vingtaine d’années. Son fonctionnement est perçu aussi bien par ses principaux acteurs, les investisseurs (les actionnaires), que par les pouvoirs publics, comme dangereux. Il y a une menace propre à ce capitalisme, une menace vitale dont les conséquences seraient autant économiques que sociales. Les symptômes de cette crise, et de la volonté de la juguler, se trouvent aussi bien dans la production de nouvelles normes juridiques concernant l’éthique des entreprises (sanctionnées par des initiatives judiciaires à la fois plus structurées et d’inspiration plus préventives) que par l’imposition par l’investisseur luimême de contraintes de gouvernance très rigoureuses. D’un côté, la loi Sarbanes-Oxley et les pôles financiers dans les juri- /... 75 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... dictions, de l’autre, la restructuration de la gouvernance des entreprises. Au regard de la gestion du risque dont il est question, il n’est pas sûr que les excès de judiciarisation dénoncés par les entreprises ne soient pas souhaités par les investisseurs. Quelle est la menace ? Quel est le scénario ? Celui d’une destruction interne du capitalisme, dans la mesure où ses transformations contemporaines le mettent en risque de perdre cette condition fondamentale de possibilité qui se trouve dans ce « capital social » que toute forme économique doit mobiliser pour pouvoir fonctionner. Par « capital social », on décrit tout cet équipement d’usages, de formation, d’éducation, de civilité qui fait que les hommes se comprennent, que leurs attentes se rencontrent, que la confiance puisse s’établir. Le capital premier pour faire un marché tient dans la confiance. Or certains scandales récents de très grande ampleur ont montré que certains acteurs étaient prêts à tout pour parvenir à leurs fins, jusqu’à spéculer sur ce capital fondamental. Le sentiment se répand, autant chez les opérateurs qu’au sein des pouvoirs publics et chez les observateurs, que le capitalisme contemporain est plus destructeur que producteur de capital social. Deux livres, très différents, en témoignent. Le premier est celui que Claude Bébéar a intitulé d’une manière on ne peut plus explicite : « Ils vont tuer le capitalisme (1) ». Il y décrit les risques entraînés par la prise de pouvoir, au sein du capitalisme, d’un ensemble d’acteurs chargés de la fonction d’intermédiation entre l’actionnaire et l’entreprise, et dont la vision serait réduite à son intérêt le plus immédiat. Le second est celui qu’une spécialiste des relations internationales, Thér è s e D e l p e c h , a d é c r i t c o m m e « L ’ E n s a u v a g e m e n t (2) » . L e concept est important. Le sauvage s’oppose au civilisé. Caractériser le moment présent comme celui d’un « ensauvagement » veut dire que nous assisterions, dans différents domaines, à des retraits, des replis de la civilisation, qui libéreraient de nouvelles formes de sauvagerie, c’est-à-dire de comportements non « civilisés ». Or, comme on sait, si Marx décrit le capitalisme comme le « règne de l’argent au comptant », qui ne laisserait plus rien au sentiment, d’autres auteurs, comme Max Weber, ont au contraire souligné que le capitalisme n’a pu naître et se développer que sur la base de formes de civilité – une éthique, l’éthique protestante – qui est une de ses conditions fondamentales de possibilité. (1) Claude Bébéar, Philippe Manière, Ils vont tuer le capitalisme, Albin Michel, 2002. (2) Thérèse Delpech, L’Ensauvagement, Grasset, 2005. 76 Généalogie du compliance officer F R A N Ç O I S E W A L D Ce type de question n’est pas nouvelle dans l’histoire du capitalisme : elle s’est posée en Europe dans les années 1830-40, quand, avec la découverte du paupérisme et la naissance des premiers mouvements socialistes, la nouvelle économie industrielle est apparue comme une menace sociale. On l’a traitée par cette forme de « civilisation » qui a consisté à rendre l’entrepreneur responsable de ses ouvriers (et qui est à la base du paternalisme). Elle s’est posée encore aux États-Unis, à la fin du XIX e siècle, autour des « robbers barons ». Ces crises, ces menaces, se soldent toujours par la définition de nouvelles responsabilités. Savoir comment « civiliser » aujourd’hui la nouvelle économie ou le nouveau capitalisme définit le domaine qui a pris tant d’importance, celui de l’éthique de l’entreprise. Les investisseurs y sont autant intéressés que les pouvoirs publics. La contrainte est à la mesure de la menace perçue. C’est ce qui porte le débat contemporain sur l’éthique des affaires, avec ses différents aspects de gouvernance, de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises. La distinction de la fonction de compliance s’inscrit dans cette conjoncture. B. L’organisation de la compliance Au sein de l’entreprise, cette conjoncture de moralisation et de grande intolérance « éthique » se marque par plusieurs traits : 1. La première est une nouvelle définition de la responsabilité des dirigeants. Le dirigeant est désigné comme responsable de tout ce qui, en ce type de domaine, peut survenir dans l’entreprise, quelles que soient les formes de délégation qui ont pu être mises en place. Le dirigeant est posé comme responsable « de », et mieux encore, responsable « pour » ses collaborateurs. Il n’est pas seulement responsable pour lui, de ce qu’il fait lui-même, dans le cercle restreint de ses compétences ; il est responsable pour les autres, pour ceux qui dépendent de lui, qui sont sous sa dépendance hiérarchique ou dans un rapport de subordination. Le dirigeant aimerait bien n’avoir d’autre responsabilité que celle d’un manager, mesurée en fonction de ses résultats économiques. La conjoncture éthique conduit à surexposer sa responsabilité. Il ne peut pas prétendre ne pas savoir ce qui se passe dans les services qui dépendent de lui, dans l’entreprise qu’il dirige. Et en particulier pour tout ce qui concerne le respect des normes de l’éthique professionnelle. Cette surexposition judiciaire du dirigeant explique la perception qu’il peut avoir du risque de conformité. Il n’expose pas seulement la personne morale, mais la personne même du dirigeant. Autant le risque de conformité l’expose, autant il ne peut que /... 77 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... souhaiter le prévenir. Il n’y a pas à être dupe : l’exposition du dirigeant est une des armes de « civilisation » du capitalisme contemporain. On commence toujours par la reconstitution d’une élite. Le risque pénal, en particulier, fournit des incitations pour réduire le risque de non conformité aux normes. Mais, encore une fois, tout ceci n’est pas seulement le fait d’une judiciarisation intempestive. Elle n’est pas seulement le fait des juges, mais des pouvoirs publics comme des investisseurs. L’exposition personnelle du dirigeant, quel plus bel instrument de gouvernance des risques éthiques ? 2. La conséquence est que, pour le dirigeant, ses collaborateurs sont vus d’une manière nouvelle. Ils ne se manifestent plus seulement par leur efficacité à atteindre les résultats souhaités, mais par leur puissance de nuire. Ils deviennent eux-mêmes ses premiers risques. L’eau se trouble. Ce collaborateur si efficace ne serait-il pas en réalité le plus dangereux, si tant est qu’il s’accommode un peu trop des règles et des procédures ? Précisons que le risque du collaborateur n’est pas proportionnel à la place qu’il occupe dans la hiérarchie. Dans le nouveau contexte, le dernier des collaborateurs est en puissance de mettre en danger l’entreprise dans son ensemble, parce que des agissements plus ou moins conscients sont susceptibles d’avoir des conséquences judiciaires pour les plus hauts dirigeants, d’affecter gravement la réputation de l’institution. Le risque est partout, diffus dans la hiérarchie. Il diffuse, contamine l’ensemble de l’organisation. 3. Les risques éthiques pouvant avoir des conséquences telles pour ses plus hauts dirigeants, pour l’entreprise et ses actionnaires, et pour la société toute entière, ils ne doivent pas seulement être punis, ils doivent être prévenus. On ne peut pas en courir le risque. Ils demandent une attitude de prévention, sinon même de précaution. Il s’agit, en effet, moins d’un risque que d’une menace, tant il est difficile de déterminer a priori où il se situe et quelles en seront les conséquences. La menace est partout, celle d’une malveillance, d’une incompétence, d’une incompréhension, qui pourra toujours avoir des conséquences redoutables. 4. Ceci conduit à développer une grande intolérance quant au risque de conformité. Elle va prendre deux formes : le souci du conformisme – personne ne doit pouvoir prétendre jouer avec les normes, les accommoder – et, d’autre part, le développement d’une volonté de savoir, de déceler ce qui peut se tramer derrière la belle apparence de la conformité. Le conformisme peut bien n’être que le masque de la conformité. Il faut faire apparaître les risques, ces risques éthiques, ces risques de conformité jusqu’alors cachés, latents, qui 78 Généalogie du compliance officer F R A N Ç O I S E W A L D n’avaient jamais posé de problèmes, qui étaient toujours « passés » et qui maintenant se révèlent de véritables bombes. Ces risques dont on ne prenait pas une conscience claire, dont on n’avait pas nécessairement une connaissance adéquate, la connaissance de leur véritable importance, et des enjeux qu’ils recèlent, s’isolent. Ils doublent l’entreprise. Ils sont dans l’organisation même de l’entreprise financière. Et cela d’autant plus qu’ils ne dépendent pas tant des normes et des procédures que de la manière dont les collaborateurs de l’entreprise en usent et s’y rapportent. Le risque de conformité est un risque de l’homme, de sa liberté, de sa volonté, de sa loyauté, de la responsabilité. C’est, au sens propre, un risque moral. C’est un risque qui dépend de la qualité du capital humain mobilisé par l’entreprise. On comprend que, à partir du moment où ce type de risque est isolé, la nature des recrutements, les qualités requises des collaborateurs, vont changer. Le risque de conformité est en puissance de transformer l’entreprise comme la manière dont elle est gouvernée. 5. Or, précisément, le risque de conformité a comme caractéristique de devoir rester caché. Et cela d’autant plus que l’infraction sera grande. On ne se vante pas des facilités qu’on se donne, des raccourcis que l’on prend, et ceci à tous les niveaux de la hiérarchie et d’organisations très complexes, manipulant des produits et des instruments de plus en plus sophistiqués. Ces risques ne doivent pas seulement être perçus, gérés, connus par la hiérarchie. Leur conscience doit irriguer la conscience de chaque collaborateur, de haut en bas. Chacun doit agir en pleine connaissance de cause. Chacun doit pouvoir exprimer ses difficultés, les cas de conscience engendrés par les nouvelles pratiques en toute liberté. Il est donc nécessaire de définir un relais dans l’entreprise qui, en dehors de la hiérarchie, permette à chacun de s’exprimer en dehors de tout sentiment de culpabilité. Il ne s’agit pas de placer le collaborateur malheureux dans un rapport de sanction, qui aboutirait à ce que les choses restent scellées. L’entreprise, autour du risque de conformité, doit s’organiser de manière à ce que se créent des sortes de « cercles de qualité éthique », comme Toyota avait créé, dans les années 1980, des cercles de qualité pour optimiser les processus de production dans ses usines automobiles. Le principe en était le franc-parler, la capacité, le devoir même de tout dire autant comme critique que comme proposition quant à la manière de fonctionner. Nécessité d’une organisation qui encourage la sincérité. Le risque de conformité conduit l’entreprise à organiser des processus /... de véridiction internes. 79 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... 6. Parmi elles, une mérite une certaine attention : celle du devoir d’alerte, le whistleblowing, l’alerte éthique. C’est une notion qui vient du droit du travail, et qui tend à s’étendre à travers toute la société. C’est un devoir étrange. L’alerte est un devoir qui appartient à tous dans l’entreprise, et en particulier à ceux qui sont soumis à la hiérarchie, jusqu’au plus bas degré de l’échelle. Chacun doit alerter, et alerter en particulier sur ce que fait de suspect son supérieur. L’alerte remet en cause les hiérarchies. Elle permet à l’inférieur de critiquer le supérieur, de le mettre en cause. Difficile, mais nécessaire si le dirigeant, le plus exposé au risque éthique, veut pouvoir le connaître pour le prévenir. Pour pouvoir prévenir le risque de conformité, l’entreprise doit accepter la contestabilité éthique de sa hiérarchie. L’alerte suppose protection, liberté d’expression et ne peut donc pas s’adresser à la hiérarchie. Raison supplémentaire qui justifie la fonction du compliance officer. Il y a nécessité d’une fonction qui soit à la fois interne à l’entreprise et pourtant indépendante, protectrice, qui recueille les plaintes, les interrogations liées au risque de conformité et à la conduite des uns ou des autres. Il s’agit de faire que l’alerte soit traitée en entreprise, que l’information y reste confinée sans alimenter l’extérieur. Sinon, l’alerte devient dénonciation. Il faut rendre visible ce qui sinon pourrait rester celé, faire en sorte qu’il n’y ait pas de recoin. Avec la responsabilité éminente de ceux à qui s’adressent l’alerte : comment traiter des informations aux preuves le plus souvent faibles et fragiles, alors même qu’elles mettent en cause l’éthique d’une personne, accusée d’un des crimes désormais considéré comme le plus grave. Lourde responsabilité. Elle fait la qualité du compliance officer. Les entreprises se sont toujours organisées pour faire face aux risques qu’elles percevaient. D’abord, les risques de la concurrence, les risques de la production, puis les risques sociaux. Elles se sont adaptées. La naissance du compliance officer, avec les transformations très profondes dans l’organisation de l’entreprise que l’on vient d’esquisser, témoignent des conséquences de la prise en compte de cette nouvelle strate de risques que l’on appelle « éthiques ». Elle ouvre sur l’idée que l’éthique, ce n’est pas seulement une belle âme, mais un principe d’organisation, la source d’un management spécifique. De ce point de vue, le compliance officer peut se ranger aussi bien dans la catégorie de l’audit que dans celle d’une nouvelle direction des ressources humaines. 80 Généalogie du compliance officer F R A N Ç O I S E W A L D ENJEUX DE LA NOTION DE CONFORMITÉ L a conformité n’apparaît pas seulement comme un principe d’organisation des entreprises, c’est aussi une forme de management. On peut manager à la conformité. La conformité n’est pas seulement une fonction supplémentaire dans l’entreprise ; c’est plus : une perspective qui transforme tout le management, introduit une visibilité, une surveillance réciproque, un nouveau rapport aux normes, de nouvelles exigences de formation. Quels sont les enjeux de transformations aussi profondes dans l’organisation, et donc le rapport des entreprises à ellesmêmes ? A) UNE NOUVELLE PERCEPTION DE CE QUI FAIT LA VALEUR ÉCONOMIQUE Le risque est une mesure de la valeur. L’isolement d’un risque éthique, autour duquel, face auquel l’entreprise doit s’organiser, témoigne que la dimension de l’éthique est désormais perçue comme une composante à part entière de la valeur économique. Le risque éthique est une composante de la valeur économique (et non pas seulement une dimension marketing). L’isolement du risque de conformité témoigne que l’on voit désormais différemment ce qui fait la valeur produite par les banques, ce qui fait la valeur de cette valeur. Dans la valeur économique, il y a une composante éthique. L’éthique est une dimension de la valeur économique. Elle ne lui est pas extérieure, comme une manière de faire, elle en fait partie intégrante. La distinction de la fonction de compliance témoigne, suppose, que l’on isole la dimension éthique comme composante de la valeur économique. Elle témoigne d’une réorganisation de l’entreprise financière à partir d’une nouvelle perception de ce qui fait la valeur économique. B) AMBIGUÏTÉ DE LA NOTION DE CONFORMITÉ Reprenons « Les Fondements de la métaphysique des mœurs » d’Emmanuel Kant. Kant distingue l’action accomplie par devoir de l’action accomplie conformément au devoir. L’action accomplie conformément au devoir a un autre mobile que moral, que le devoir. Elle est intéressée. Elle est seulement conforme. Elle est hypocrite, douteuse, en elle se distingue l’apparence et la vérité, la forme et le fond. Cette équivoque est dangereuse. C’est cette équivoque de la conformité que l’on reproche aux /... 81 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... pratiques américaines de compliance. On fait comme si. On remplit des formulaires. On se protège. Mais on n’y croit pas. La conformité ? de la paperasse dont on ne peut pas faire l’économie. Comment en sortir ? La conformité peut-elle être une fin en elle-même ? On devrait agir par conformité. On voit bien que cela ne marche pas. Ou alors, c’est que la crainte du risque induit un management si précautionneux qu’on recherche le seul conformisme, au sens le plus servile. On peut dire, d’une certaine manière, que, faire de la conformité, c’est ce qui définit l’administration. Elle n’a pas à juger des fins, à juger en opportunité, elle doit seulement vérifier la conformité des procédures. Qu’elle s’intéresse aux fins est déjà un danger, l’annonce d’un passe-droit, d’une tolérance. Mais peut-on, doit-on gérer une banque, un établissement financier, une entreprise, comme une administration ? D’ailleurs, ce que Kant oppose au conformisme de la conformité, ce n’est pas de prendre la conformité comme fin, mais le devoir. Comment appliquer cela à l’entreprise ? C) CIVILITÉ ET COMPLIANCE De fait, lorsqu’un établissement comme le Crédit agricole introduit la conformité dans sa gouvernance, il ne cherche pas le seul conformisme de ses collaborateurs. Ce qui serait une manière de leur signifier qu’ils n’ont pas à croire, à adhérer à cette dimension qui accompagne la conformité : la déontologie. Dans une gouvernance à la conformité, il y a bien la dimension d’un respect scrupuleux des procédures, mais surtout un enjeu d’identité. Il y a la volonté de construire une nouvelle civilité de l’entreprise dans un nouveau rapport aux normes et aux procédures. Il s’agit de faire en sorte, par l’intolérance sur la règle, que chacun, chaque collaborateur, ait la conscience d’agir pour le bien du tout, que le bien du tout dépend de sa rectitude. On veut des hommes droits, intransigeants avec euxmêmes. La conformité appelle chaque collaborateur du plus haut au plus bas de l’échelle à un effort, un travail sur soi, une discipline de la rigueur, de la rectitude, de l’intransigeance. La conformité ne porte pas sur le contenu des normes, mais sur le rapport aux normes, ce qui définit précisément la dimension de l’éthique. C’est cette rigueur, cette droiture, ce souci de l’exactitude, qui devient l’éthique de l’entreprise, qui doit constituer le souci de chacun en son sein. Il s’agit bien d’une manière d’être avec les autres, d’un style et d’un rapport à soi. J’ai souligné en commençant la difficulté à traduire le compliance anglo-américain. Au terme de cette étude, nous 82 Généalogie du compliance officer F R A N Ç O I S E W A L D sommes peut-être près d’une solution dont il n’est pas sûr qu’une banque puisse l’adopter. Le rapport à la norme que désigne la conformité, dans sa dimension éthique, c’est-à-dire comme exigeant une élaboration, un travail, une discipline de soi, n’est pas sans rappeler celui qui préside au rapport du moine à la règle de son observance. Observance, voilà bien un mot français qui conjugue la règle et la pratique de la règle, conformité et déontologie, les deux mamelles de la conformité au sens du Crédit agricole. Voilà qui peut-être prendra en défaut la vigilance de nos plus modernes experts en organisation et en management. Le monastère, comme modèle d’organisation de l’entreprise à l’âge du risque éthique. 83 N U M É R O 3 2 9 84 – M A I 2 0 0 6 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Revue de presse JÉRÔME COURCIER RESPONSABLE FORMATION, DIRECTION DE LA CONFORMITÉ, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Si le métier de banquier, qui repose sur le crédit – au sens de confiance –, intègre depuis toujours des codes ou traditions de déontologie, la conformité, en tant que fonction organisée, est un concept récent dans l’histoire financière, puisqu’elle a été mise en place après que de nombreux scandales ont ébranlé les principales places financières mondiales dans les années 2000. Voici une sélection des plus récents*. PREMIER SEMESTRE 2004 Janvier 2004 : le Français Crédit Lyonnais est condamné par la Fed à payer une amende de 100 millions $ pour avoir acquis la compagnie d'assurances californienne Executive Life en violation du Bank Holding Company Act. Parallèlement, sa maison mère Crédit agricole S.A. est enjointe de mettre en œuvre un plan renforcé de contrôle de la conformité. Février 2004 : 15 opérateurs de marchés américains sur matières premières sont poursuivis par la CFTC (Commodities Futures Trading Commission) pour manipulation de cours, suite à la diffusion de fausses données destinées à favoriser leurs maisons mères. La filiale de Royal Dutch Shell accepte de payer 30 millions $, faute d’avoir pu fournir des documents d’identification sur des détenteurs de comptes aux inspecteurs de la FSA. I A Février 2004 : 5 teneurs de marchés du NYSE acceptent de verser 240 millions $ pour régler leur différent avec la SEC, qui leur reprochait d’avoir exécuté en priorité des transactions pour compte propre au détriment des ordres et donc des inté- /... rêts des clients. * Nous attirons votre attention sur le fait que les cas évoqués sont repris d’articles de presse, et n’ont été sélectionnés que pour illustrer à des fins pédagogiques les risques liés à la conformité. Ils ne constituent donc pas une information et ne sauraient être utilisés à d'autre fins. De plus, ils n'ont fait l'objet d’aucune vérification quant à leur caractère complet et exact et ne sauraient engager le Crédit Agricole à un titre quelconque. 85 O N T C I T Janvier 2004 : le Britannique Bank of Scotland est condamné à payer une amende de 1,83 million d’euros pour violation des règles sur le blanchiment. “ Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. ” Winston Churchill (lettre à Chamberlain) N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... M a r s 2 0 0 4 : l ’ A m é r i c a i n B a n k o f A m e r i c a / F l e e t B o s t o n accepte de payer une amende de 675 millions $ pour régler son différent avec la SEC quant à l’inégalité de traitement des investisseurs à même de réaliser des transactions sur ses parts de fonds mutuels. Mai 2004 : l’Américain Strong Capital Management est condamné à payer une amende de 140 millions $ pour avoir manqué à son devoir de conseil. Mai 2004 : l’Américain Riggs Bank est condamné à payer une amende de 25 millions $ pour non respect de la loi sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, faute d’avoir correctement rapporté comme suspectes des transactions sur des comptes liés à des gouvernements étrangers (Riggs gérait plus de 700 millions $ pour le compte de la Guinée-Bissau dont 400 millions $ de royalties versées à l’État par Exxon Mobil). Mai 2004 : le Suisse UBS est condamné à payer une amende de 100 millions $ pour avoir effectué des transactions d’échange de billets américains avec des pays soumis à un embargo par les États-Unis. Juin 2004 : le Belge KBC est condamné par l’AMF à payer une amende de 500 000 euros pour complicité de manipulation de cours, faute d’avoir procédé à l’ajustement régulier de la couverture des positions d’un client « spéculateur » sur le SRD (Service de règlement différé). SECOND SEMESTRE 2004 Juillet 2004 : le Franco-Belge DEXIA est condamné à payer des amendes administratives symboliques pour comportement non conforme au droit financier néerlandais dans le cadre de la commercialisation des produits Légiolease ; affaire pour laquelle la banque fait l’objet d’une action collective et a provisionné 500 millions d’euros. Juillet 2004 : l’Américain Bristol-Myers Squibb est condamné à payer une amende de 150 millions $ pour avoir trompé les marchés en gonflant artificiellement son chiffre d’affaires de 1,5 milliard $. BMS a de plus accepté de verser 300 millions $ à ses actionnaires, pour éviter un procès en recours collectif. 86 Revue de presse J É R Ô M E C O U R C I E R Août 2004 : le Britannique Shell est condamné à payer une amende de 150 millions $ pour avoir trompé les marchés en gonflant artificiellement ses réserves de pétrole et de gaz. Août 2004 : l’Américain Janus Capital Management accepte de payer une amende de 100 millions $ pour régler son différent avec la SEC quant à l’inégalité de traitement des investisseurs à même de réaliser des transactions sur ses parts de fonds mutuels. Septembre 2004 : le Britannique Amvescap est condamné à payer une amende de 375 millions $ et à réduire de 75 millions les commissions prélevées sur les clients, pour avoir toléré une inégalité de traitement des investisseurs à même de réaliser des transactions sur ses parts de fonds mutuels. Septembre 2004 : l’Américain Citigroup est contraint de fermer ses activités de banque privée au Japon, après que la FSA ait annoncé la révocation de ses licences bancaires, pour avoir autorisé des lignes de crédit destinées à des manipulations en Bourse et promis à des clients des rendements « extravagants » sur des produits dérivés incompréhensibles. Octobre 2004 : l’Américain Marsh Mc Lennan perd 40 % de sa valeur boursière suite à l’annonce par la SEC d’une enquête sur son mode de rémunération des courtiers, contraire à l’intérêt de ses clients. Novembre 2004 : l’agence gouvernementale américaine Fannie Mae est mise en cause par son régulateur pour diverses manipulations financières (lissage des résultats, comptabilisation douteuse de produits dérivés, non-respect des règles d’amortissement) estimées à 12 milliards $. Novembre 2004 : l’Américain Citigroup, accusé de négligence et de défaut d’information, accepte de verser 2,6 milliards $ pour mettre un terme aux poursuites lancées par les investisseurs lésés par la faillite de WorldCom. Décembre 2004 : le Français Vivendi Universal est condamné par l’AMF à payer une amende de 1 million d’euros pour divers manquements en matière de communication financière. Décembre 2004 : le Français AXA est condamné à payer une amende de 500 000 £ pour publicité trompeuse au /... Royaume-Uni. 87 N U M É R O /... 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 PREMIER SEMESTRE 2005 Février 2005 : le Français La Mondiale est condamné, pour défaut d’information, à rembourser à l’un de ses clients les pertes subies sur son contrat d’assurance-vie investi en Bourse. Février 2005 : l’Américain Marsh Mc Lennan crée un fonds de compensation de 850 millions $ pour régler son différent avec la SEC, qui l’accusait de ne pas défendre au mieux les intérêts de ses clients en les dirigeant vers les assureurs lui reversant les commissions arrières les plus importantes. Mars 2005 : le Français CALYON (ex Crédit Agricole Indosuez) est condamné par la Commission Bancaire à payer 1 million d’euros d’amende pour plusieurs manques de vigilance dans la lutte contre le blanchiment. Mars 2005 : l’Américain JP Morgan, accusé de négligence et de défaut d’information, accepte de verser 2 milliards $ pour mettre un terme aux poursuites lancées par les investisseurs lésés par la faillite de WorldCom. Mars 2005 : 10 assureurs allemands sont condamnés à payer une amende de 130 millions d’euros par l’Office fédéral anticartels pour entente illicite sur les prix des grands risques industriels. Juin 2005 : l’Américain Citigroup accepte de payer 208 millions $ pour régler son différent avec la SEC, qui reprochait à sa filiale de services aux fonds mutuels, Smith Barney, de privilégier ses intérêts au détriment de celui de ses clients, en ne faisant pas jouer la concurrence à l’extérieur du Groupe, et en conservant l’intégralité des rabais obtenus plutôt que d’en faire profiter les fonds mutuels, et donc leurs actionnaires. Juin 2005 : l’Américain Morgan Stanley est condamné à payer une amende de 1,45 milliards $ pour conflit d’intérêts et vérification diligente frauduleuse, dans le cadre de son mandat de conseil en acquisition sur la société Sunbeam pour le compte du raider Ronald Perelman. Juin 2005 : l’Américain Citigroup, accusé de négligence et de défaut d’information, accepte de verser 2 milliards $ pour mettre un terme aux poursuites lancées par les investisseurs lésés par la faillite d’Enron. 88 Revue de presse J É R Ô M E C O U R C I E R Juin 2005 : le Français Crédit Agricole Indosuez Securities Japan est épinglé par la SESC (AMF japonaise) pour des manques de diligence en matière de KYC (Know Your Customer). Juin 2005 : l’Américain JP Morgan Chase, accusé de négligence et de défaut d’information, accepte de verser 2,2 milliards $ pour mettre un terme aux poursuites lancées par les investisseurs lésés par la faillite d’Enron. Juin 2005 : l’Américain Citigroup est condamné pour manipulation de cours par le régulateur britannique (FSA) à payer une amende de 24 millions d’euros pour avoir, préalablement à la vente de 11 milliards d’euros de titres obligataires, procédé à des achats massifs sur le marché à terme Eurex (pump and dump) et ainsi réalisé un profit indu de 17 millions d’euros. SECOND SEMESTRE 2005 Juillet 2005 : l’Allemand Volkswagen est impliqué dans une affaire de corruption supposée mettre en cause des cadres soupçonnés d’avoir monté un réseau de sociétés-écrans, dirigées par des hommes de paille pour passer des contrats avec Volkswagen ou ses filiales. Juillet 2005 : le régulateur sud-coréen ordonne la suspension pour un mois du patron de la Deusche Bank à Séoul et adresse un avertissement à son homologue de BNP Paribas pour défaut d’information, après avoir constaté un manque de transparence dans la commercialisation de produits dérivés de change (absence d’explicitation des risques). Août 2005 : Crédit Suisse porte à 1,1 milliard d’euros (+ 600 millions) les provisions passées dans ses comptes pour couvrir les litiges liés à la faillite d’Enron. Août 2005 : l’Américain KPMG, accusé de complicité d’évasion fiscale pour avoir aidé certains de ses clients à dissimuler 11 milliards $ de revenus entre 1996 et 2002, accepte de payer 456 millions de dollars d’amende (75 % de son résultat net annuel) en échange du classement du dossier. Septembre 2005 : le Français Cortal est condamné pour publicité mensongère à payer une amende de 180 000 euros pour avoir imputé des frais sur un produit qu’il avait com/... mercialisé comme gratuit. 89 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Septembre 2005 : le Trésor américain ordonne la fermeture de tous les comptes de correspondants de la Banco Delta Asia Bank (Macau) après avoir constaté des opérations de blanchiment de capitaux. Octobre 2005 : 3 mois après son introduction en Bourse, l’Américain REFCO dépose son bilan pour avoir caché 430 millions de dettes dans une structure ad hoc et présenté en conséquence de faux bilans depuis 1998. Novembre 2005 : le Français SG Americas Securities est condamné par la NASD (Association Américaine des Courtiers en Bourse) à payer une amende de 3,75 millions $ (+ 730 000 $ de restitutions) pour rémunération excessive, après avoir indûment majoré ses commissions sur le négoce des obligations à haut rendement. Novembre 2005 : l’Américain Lehman Brothers est condamné par le NYSE à payer une amende de 500 000 $ pour non respect de l’intérêt des clients et abus de marché, suite à une opération sur des actions Quest Diagnostics en 2002. Novembre 2005 : les Français Eurazeo et Exane sont condamnés par l’AMF à payer 900 000 euros d’amende pour manipulation de cours et usage d’informations privilégiées. Novembre 2005 : le Néerlandais Ahold, accusé en 2004 d’avoir trompé les marchés en ayant gonflé artificiellement son chiffre d’affaires trois années durant, accepte de verser 1,1 milliard $ pour mettre un terme aux poursuites lancées par les investisseurs lésés par la chute du titre. Décembre 2005 : les Français Orange, SFR et Bouygues Télécom sont condamnés respectivement à des amendes de 256, 220 et 56 millions d’euros par le Conseil de la Concurrence, pour s’être échangé des informations confidentielles et stratégiques portant sur le nombre de nouveaux abonnements et de résiliations (auto-surveillance) et s’être ainsi entendus pour stabiliser leurs parts de marché. Décembre 2005 : le Néerlandais ABN AMRO est condamné par la Fed à payer une amende de 80 millions $ pour avoir effectué des transactions avec des pays soumis à un embargo par les États-Unis, en l’occurrence avoir fait des transferts en dollars vers l’Iran et la Libye à partir de sa succursale de Dubaï. Pour la Fed, ABN Amro n’a pas surveillé 90 Revue de presse J É R Ô M E C O U R C I E R ses transactions pour déceler toute « activité suspecte », négligé de signaler les incidents litigieux, n’a pas suffisamment analysé ses clients, et a « exagéré » la qualité de ses contrôles vis-à-vis des régulateurs. Décembre 2005 : le principal dirigeant du Crédit Municipal de Paris est contraint de démissionner suite à l’ouverture par la Commission bancaire d’une procédure disciplinaire pour non signalement de dossiers litigieux aux autorités chargées de lutter contre le blanchiment de l’argent. Décembre 2005 : l’Américain American Express, accusé de défaut d’information pour avoir, sans information préalable, prélevé des charges pouvant atteindre 2 % aux clients qui effectuaient des achats en monnaies autres que le dollar, accepte de payer 75 millions de dollars aux 800 000 plaignants en échange du classement du dossier. PREMIER SEMESTRE 2006 Janvier 2006 : le Français Banque Populaire Centre Atlantique est condamné pour facturation excessive d’un client en situation de domination économique. Janvier 2006 : le Japonais Livedoor, soupçonné de manipulations boursières et de falsification de bilans, voit son cours plonger de 30 % en deux jours. Janvier 2006 : le Français Caisse d’Épargne est condamné par l’AMF à une amende de 150 000 euros pour n’avoir pas assuré la couverture nécessaire à la vente de titres. Janvier 2006 : vingt entreprises d’investissement sont condamnées par le département de surveillance du NYSE à des amendes totalisant 5,9 millions $ pour des manquements répétés aux procédures de reporting des « Blue Sheets » (par exemple, des ventes à découvert ont été rapportées comme des ventes de titres au comptant). UBS Securities, Goldman Sachs, Merrill Lynch, Crédit Suisse et Calyon Securities ont reçu chacun une amende de 500 000 $. Janvier 2006 : l’Américain Merrill Lynch est condamné par la NASD à une amende de 14 millions $ pour la vente abusive de parts de fonds d’investissement inappropriés aux particuliers. Ce montant correspond aux commissions supplémentaires indûment perçues par la vente des fonds inappropriés. /... 91 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 /... Février 2006 : le Français GEMPLUS est condamné par l’AMF à une amende de 600 000 euros pour diffusion d’informations inexactes. Février 2006 : l’Américain AIG, accusé d’avoir falsifié ses comptes, accepte de payer 1,6 milliard de dollars aux actionnaires trompés, aux clients lésés et à l’État de New-York, en échange du classement du dossier. Février 2006 : l’Allemand HVB, accusé de complicité d’évasion fiscale pour avoir financé des structures montées par KPMG aux États-Unis, accepte de payer 25 millions de dollars d’amende en échange du classement du dossier. Mars 2006 : les Français La Mondiale et AXA sont condamnés, pour défaut d’information, à rembourser à leurs clients les pertes encourues sur leurs contrats d’assurance-vie investis en Bourse, faute de leur avoir remis une note d’information sur les dispositions essentielles des contrats qui soit distincte des conditions générales de vente. Mars 2006 : l’Allemand Deutsche Bank, accusé de complicité d’évasion fiscale pour avoir financé des structures montées aux États-Unis par KPMG, provisionne 250 millions de dollars pour couvrir l’éventuelle amende à payer en échange du classement du dossier. Mars 2006 : le Français La Poste est condamné à une amende de 300 000 euros pour publicité mensongère. Les premières plaquettes publicitaires de ses fonds à promesse Bénéfic indiquaient en effet « restez gagnants même si le CAC ou l’Euro Stoxx 50 baissent ». Avril 2006 : l’Américain Citigroup est accusé de délit d’initié en Australie pour avoir usé de sa position de conseiller afin de réaliser des opérations pour compte propre sur les titres du groupe Toll. Avril 2006 : l’Allemand Deutsche Bank, condamné partiellement par la justice pour violation du secret professionnel et avoir ainsi porté atteinte aux intérêts de son client Kirch, accepte la démission du président de son conseil de surveillance. 92 Revue de presse J É R Ô M E C O U R C I E R Avril 2006 : l’Américain JP Morgan Chase est contraint par la FSA de suspendre les activités de son agence de Tokyo dans deux domaines (futures sur indices de marchés et crédits immobiliers) pendant respectivement 15 et 5 jours, pour divers abus de marché. Avril 2006 : l’Américain Goldman Sachs est accusé de conflit d’intérêt en Angleterre pour avoir réaliser des opérations pour compte propre sur les titres du groupe Scania, alors même qu’il était mandaté pour vendre un bloc d’actions de la société pour compte de tiers. Avril 2006 : l’Américain JP Morgan Chase, accusé d’abus de marché pour avoir privilégié, dans l’attribution des titres de ses IPO, les investisseurs qui s’engageaient à acheter après la cotation de nouvelles actions à des prix plus élevés, accepte de verser 425 millions $ pour mettre un terme aux poursuites lancées par les investisseurs lésés par l’explosion de la « bulle boursière » créée par les valeurs technologiques entre 1988 et 2000. Mai 2006 : l’Américain Price Waterhouse Coopers est contraint de suspendre pour 2 mois ses services d’audit au Japon, sur ordre de la FSA, qui lui reproche un contrôle interne insuffisant ayant permis à la société de cosmétique Kanebo de « maquiller » ses comptes. Juin 2006 : ? 93 N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6 Service aux lecteurs Pour obtenir un de ces dossiers, entourez le numéro qui vous intéresse. Le prix de chaque numéro est de 7 €. Nous demandons de bien vouloir régler de préférence par chèque bancaire ou CCP. 308 Le financement de l’agriculture en France et en Europe 279 Aménagement du territoire : la nouvelle équation 280 Le réveil des matières premières 281 Quelle innovation en agriculture ? 282 Les impacts de l’UEM sur le système bancaire 283 La banque face aux progrès technologiques 284 Les nouveaux marchés de la carte bancaire 285 Les nouvelles tendances de la distribution bancaire 286 L’évolution des exploitations agricoles 287 L’Amérique latine en pleine mutation 288 Les marchés mondiaux de produits agricoles à l’aube du XXe siècle 289 Les banques à l’heure des concentrations 290 Nouveaux défis pour les collectivités locales 291 Ambitions et atouts de l’agriculture française 292 La Chine après Deng Xiaoping 293 Le commerce extérieur français 294/ Stratégies bancaires à l’aube 295 du XXIe siècle 296 Nourrir l’humanité 297 La protection sociale à la recherche d’un équilibre. 298 Protection de l’environnement et lutte contre la pollution 299 Nouvelle donne pour les entreprises 300 Investissement immobilier : stratégies pour demain 301 Les mutations de l’agriculture française 302/ Stratégies bancaires : nouvelles 303 dynamiques européennes 304 Une nouvelle architecture du système financier international ? 305 L’agriculture française : dix ans pour l’an 2000 306 Développement économique et collectivités locale 307 Vent de reprise en Asie 309 L’Europe bancaire en mouvement 310 Le passage à l’euro fiduciaire 311 Le crédit à la consommation en France et en Europe 312 Acteurs et stratégies de l’Europe bancaire hors France 313 Banque et risque 314 L’Europe centrale aux portes de l’Union 315 La gestion d’actifs : bilan d’un succès 316 Banque et nouvelles technologies 317 Banque et immobilier 318 L’Europe des services bancaires et financiers 319 Le secteur bancaire et financier, acteur du développement durable 320 Les nouveaux aux territoires de la bancassurance 321 De nouvelles exigences pour les banques 322 Vers un marché unique du crédit immobilier en Europe ? 323 Dynamiques chinoises 324 La consolidation bancaire en Europe 325 À nos marques ! 326 Agriculture et ruralité dans les pays en développement 327 Banque de financement et d’investissement : modèles et développements 328 Face aux risques extrêmes : banques et assurances 329 Conformité : pourquoi et comment 96