1 Sommaire 1. Le Prophète Muhammad (PSL)

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1 Sommaire 1. Le Prophète Muhammad (PSL)
Bulletin de Recherche sur l'Islam et sur les Enseignements du Serviteur du Prophète édité par la Commission
Scientifique Majalis – Bulletin N° 0 – http://www.majalis.org
Sommaire
1. Le Prophète Muhammad (PSL) vu par les grands penseurs de l'Occident
(extrait de la traduction française du Coran de Si Hamza Boubakeur, 1979)
Est-il licite en Islam d'invoquer DIEU par la bénédiction d'un Saint (tawassul) ?
(extrait du Viatique du Voyageur (Muddatu-s-Sâlik) de Cheikh Ahmad ibn Naqib al-Misri)
Est-il contraire aux principes de l'Unicité Divine (tawhid) qu'une créature puisse connaître
quelque chose du monde invisible (ghayb) ?
(extrait du Viatique du Voyageur (Muddatu-s-Sâlik) de Cheikh Ahmad ibn Naqib al-Misri)
Seydina Abu Bakr, archétype du parfait disciple
(extrait du Livre des Haltes (Kitâbu-l-Mawâqif) de l'Emir Abd-el-Kader)
5. Le Serviteur du Prophète en Mauritanie : l'histoire de Cheikh Ahmad ibn Buddi
(extrait de L'Abreuvement du Commensal (Irwâ'u Nadîm) de Cheikh Mouhammadou Lamine
Diop Dagana)
www.majalis.org
1
Au Nom de DIEU, le CLEMENT et MISERICORDIEUX.
Puisse notre SEIGNEUR TRES-HAUT accorder à jamais la Paix et le Salut à notre Maitre Muhammad, à
sa Famille Honorable et à ses Vertueux Compagnons.
L
'objet de la présente publication est de rassembler et de vulgariser certains documents
souvent méconnus et dont la portée enrichissante ne manque toutefois pas d'en faire
des éléments d'analyse et d'étude très fructueux pour beaucoup de musulmans et de
chercheurs. Il va sans dire, à notre avis, qu'une telle démarche trouve une pertinence d'autant plus
opportune dans un début de millénaire dont les énormes perspectives en matière de
communication, à travers notamment les nouvelles technologies d'un "monde virtualisé", font déjà
une ère de transmission des connaissances mais également une ère de combat culturel et spirituel
capital dont nul ne pourra désormais faire l'économie au risque d'être impitoyablement phagocyté
et dilué dans le flot infernal de la pensée unique et de l'uniformisation des valeurs et repères
qu'impose l'Occident. Auusi notre profonde aspiration, à travers les matériaux documentaires
fournis par Khidma1 (dont nous voulons l'édition régulière, s'il plait à DIEU), est-elle d'armer
intellectuellement les musulmans contre les agressions culturelles et idéologiques auxquelles ils sont
quotidiennement exposés sans toujours réaliser les moyens de défense spirituels inestimables que le
Coran et la raison met à leur disposition, ce qui les conduit souvent à nourrir un complexe
intellectuel pernicieux les incitant à adopter des attitudes remettant en cause les principes mêmes
de leur foi. Contexte largement aggravé par certaines conceptions totalitaires iet littéralistes
internes à l'Islam
n'hésitant plus à user de la violence aveugle des bombes envers les non-
musulmans ou celle de l'excommunication envers les musulmans s'abreuvant aux sources du
soufisme constituant pourtant la sève revivificatrice et réconciliatrice d'un Islam suspecté. Nous
sommes, dans cette perspective, parfaitement convaincus que la source inépuisable des
enseignements du Serviteur du Prophète, procédant du Livre de DIEU, de la Sunna de Son Envoyé
(PSL) et de l'héritage des Vertueux Anciens, constituent une énorme chance et un repère infaillible,
non pas uniquemente pour les disciples mourides mais (comme lui-même n'a jamais cessé de
l'assurer) pour tous les musulmans sincères et même l'humanité entière car fondé sur la foi, l'action,
la pratique religieuse, la crainte revérentielle de DIEU, l'unicité divine, l'ascèse, la patience, le
pardon, la tolérance, la fraternité, bref tout ce qui, en un mot, caractérise l'Islam véritable et qui
fait aujourd'hui cruellement défaut au genre humain…
La Commission Scientifique Majalis
1
Khidma signifie "travail" ou, au sens spirituel, "être au service du Prophète (PSL), de l'Islam et des créatures" ;
d'où le titre porté par Cheikh Ahmadou Bamba et qui en dérive : "Khadîmu-r-Rasûl" (Le Serviteur du Prophète).
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Le Prophète Muhammad (PSL) vu par les grands penseurs de l'Occident
A l'heure où la confrontation entre une certaine image d'un "Islam violent" et la conception occidentale du
monde paraît de plus en plus inévitable et atteint un niveau planétaire assez inquiétant, il nous a semblé
opportun de fournir un certain nombre de matériaux de réflexion salutaires à même de rapprocher les deux
versants de la fracture idéologique, à l'instar de ce document (datant de 1979) du Cheikh Si Hamza
Boubakeur, ancien recteur de la Mosquée de Paris ; texte qui, il faut le dire, incitant à un certain recul, remet
fondamentalement en cause le coriace préjugé des musulmans sur l'hostilité définitive de la pensée
occidentale envers leur religion…
I
l va s'en dire qu'un Prophète d'une envergure aussi grande que celle de Muhammad Dieu le bénisse et le sauve - qui apportait au monde une religion éclairante, libérale,
tolérante, universaliste et rivale du Christianisme, ne pouvait laisser l'Europe d'hier et
d'aujourd'hui, dans l'indifférence. Les guerres, les polémiques devaient à elles seules, la forcer à
porter des jugements de valeur sur le dogme et l'apôtre de l'Islam.
Jugements qui ont varié dans le temps et l'aire européenne, avant et après son émancipation
intellectuelle consécutive à la Renaissance dont ont peut noter les premières lueurs dés la fin du
XIIIe siècle ap. J-C., grâce à l'influence que l'Islam exerça sur l'Espagne, l'Italie, puis en France. La
chrétienté qui n'a, durant des siècles, hésité devant aucun moyen, même les plus déloyaux, pour
dénoncer l'Islam, a donné de notre Prophète une image déformée. L'hypercritique tendancieuse
d'un orientalisme généralement hostile et de mauvaise foi, le colonialisme qui a partout trouvé
dans l'Islam une force invincible opposée irréductiblement à son impérialisme et à son esprit de
domination, ont également dressé une "muraille de Chine" entre l'Islam et le monde occidental, en
calomniant l'homme qui en a été et demeure le vecteur et pôle de rayonnement.
L'ennemi des religions révélées, le diffamateur des Prophètes bibliques, le détracteur des Ecritures,
l'intraitable et le moqueur Voltaire (m. 1778), s'est attaqué avec hargne au Coran et à son
transmetteur. Dans sa tragédie Mahomet (1739), il présente le Prophète sous les traits d'un
imposteur intolérant et sanguinaire. Il est vrai que dans cette pièce diffamatoire, il visait surtout le
christianisme. Il la dédia malicieusement au pape lequel, avec la même malice, lui adressa ses
bénédictions. Néanmoins, ses lectures, un examen plus sérieux de l'histoire de l'Islam et des
traductions du Coran, ses relations personnelles, le comportement plein de tolérance des Turcs à
l'égard des Chrétiens finirent par le forcer à modifier son optique et son jugement. Il se ravisa donc
et en toute objectivité écrivit, à propos du Prophète : "Il faut avouer qu'il retira presque toute
l'Arabie de l'idolâtrie. Il enseigna l'unité de Dieu ; il déclamait avec force contre ceux qui lui
donnent des associés…. Il était bien difficile qu'une religion si simple et si sage enseignée par un
homme toujours victorieux ne subjuguât pas une partie de la terre." (Voltaire, Œuvres Complètes)
Les inexactitudes de sa pièce, qui fut représentée en 1742, le tourmentèrent : il en eu plus tard un
peu honte et, en 1772, il revint sur la question : "Sa religion est sage, sévère, chaste, humaine : sage
parce qu'elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés et qu'elle n'a point
de mystères ; sévère parce qu'elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs fortes, et qu'elle
ordonne la prière cinq fois par jour !…. Ajoutez à tous ces caractères, la tolérance". (Voltaire,
Œuvres Complètes)
3
Il n'en demeura pas moins accablé de remords, tracassé par ses injustes accusations contre
Muhammad. Profitant d'une diatribe qu'il rédige contre Jésus, il écrit : "J'ai fait Mahomet beaucoup
plus méchant qu'il n'était." (Voltaire, Œuvres Complètes). Son contemporain , Johann-Wolfgang
von Goethe (m. 1832) tenait le prophète de l'Islam en très haute estime et c'est sans doute sous son
influence que le roi de Prusse Frédéric Wilhelm le Grand ordonna la construction de la première
grande mosquée d'Europe occidentale à Mannheim. (Les dépenses afférentes à cette réalisation
furent débloquées sur sa propre liste civile.)
Au siècle suivant, un autre adversaire des dogmes révélés, Ernest Renan (m. 1892), spécialiste des
Ecritures Saintes, Professeur à l'Institut catholique de Paris, rompt avec l'Eglise, devient libre penseur
et s'attaque à tous les dogmes révélés. Il écrit cependant à propos de l'Islam : "L'Islamisme est une
religion sérieuse, libérale, une religion d'hommes, en un mot, froide et raisonnable" et ajoute, en un
autre passage : "Je ne suis jamais entré dans une mosquée sans une vive émotion ; le dirai-je ?
sans un certain regret de n'être pas musulman " (Ernest Renan, Œuvres Complètes).
D'autres auteurs du même XIXe s. devaient, avec moins de réserve systématique, rejeter les
délations calomnieuses de l'Eglise chrétienne et tenir le Prophète de l'Islam pour un homme
exceptionnel. Le romantisme allemand d'abord, puis le romantisme français - Chateaubriand et
Alfred de Vigny mis à part – à l'instar de Victor Hugo, à son retour d'Espagne et plus tard d'Algérie,
ne manquèrent pas de créer un courant de sympathie en faveur de l'Islam et d'ouvrir la voie aux
conversions.
La thèse, soutenue avec une insigne mauvaise foi par le clergé chrétien, selon
laquelle "Mahomet était un imposteur", "l'apôtre de l'idolâtrie" et "sa religion, celle de la polygamie
et de l'esclavage" fut battue peu à peu en brèche et l'Islam fut de moins en moins injurié.
"Mahomet était sincère. En faire un imposteur est une conception déshonorante… C'est un homme
doué d'une personnalité originale, un messager qui nous apporte des nouvelles de l'Inconnu, de
l'Infini…" écrit le célèbre Carlyle (in Deuxième Conférence sur les héros de l'histoire). De son côté,
Alphonse de Lamartine (m. 1869) rend, en ces termes, hommage à Muhammad et à son apostolat:
"Jamais un homme ne se proposera volontairement ou involontairement un but plus sublime,
puisque ce but était surhumain : saper les superstitions imposées entre le Créateur et la créature,
rendre Dieu à l'homme et l'homme à Dieu, restaurer l'idée rationnelle et saine de la divinité dans ce
chaos de dieux matériels et figurés : l'idolâtrie. Jamais un homme n'a accompli en moins de temps
une si immense et durable révolution dans le monde, puisque moins de deux siècles après sa
prédication, l'Islamisme régnait sur les trois Arabie, conquérait à l'unité de Dieu la Perse, le Horasan,
la Transoxiane, l'Inde occidentale, la Syrie, l'Egypte, tout le continent de l'Afrique Septentrionale,
plusieurs îles de la Méditerranée, l'Espagne et une partie de la Gaule. Si la grandeur du dessein, la
petitesse des moyens, l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera
comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet…? Mahomet fut moins
qu'un Dieu, plus qu'un homme : un Prophète" (in Histoire de la Turquie).
Croire en un Dieu unique et tenir le Messager de l'Islam pour un vrai Prophète, c'est une conversion
tacite au dogme coranique, car la conversion à l'Islam n'a rien d'un sacrement : c'est avant tout un
témoignage (shahâda). On peut donc dire que Lamartine sans l'avouer publiquement était un
musulman…
Si la connaissance de l'Islam fait des progrès parmi les élites intellectuelles, si des poètes comme
Rimbaud (m.1891) font profession de foi islamique, les masses populaires restèrent, comme de nos
jours d'ailleurs, ancrées dans leurs préjugés, hostiles et moqueuses à l'égard de ce qu'elles
appellent d'un terme dédaigneux "mahométisme". Avec le XXe siècle cette connaissance
objective s'élargit peu à peu malgré l'hostilité méprisante du colonialisme et la faiblesse de moyens
de défense ou d'information des musulmans. Dans l'enseignement officiel européen, aucune place
4
sérieuse n'est faite à l'Islam et à sa civilisation dans les programmes scolaires. De son côté la
communauté musulmane ne dispose d'aucune organisation de diffusion de sa religion. Elle n'a ni
maison d'édition, ni centre de propagande, ni association de missionnaires comme les Pères blanc
ou l'armée du Salut. L'Islam gagne cependant du terrain par lui-même et pour lui-même.2
L'orientalisme si hostile à l'Islam rectifie parfois son tir et quelques auteurs font preuve de moins de
parti pris. C'est ainsi que le Suédois Tor Andra, professeur à l'université d'Upsala, a pu écrire :
"L'inspiration de Mahomet était authentique… Il est peu vraisemblable, en effet, qu'un homme
puisse gagner la confiance de ses semblables d'une façon pour ainsi dire illimitée. Muhammad a
compris sa vocation avec le plus grand sérieux ; il a senti son cœur trembler devant le Roi du
Jugement dernier ; il a accompli sa tâche prophétique avec crainte et terreur." (Mahomet et sa
doctrine). Cette affirmation est même plus catégorique chez Francesco Gabrieli, un universitaire
italien qui écrit : "Quelques points au moins peuvent être à présent considérés comme acquis.
Avant tout, l'absolue sincérité de Mahomet ." (Mahomet et les grandes conquêtes arabes).
Le regretté savant Gaudefroy Demonbynes a, par ailleurs, écrit en conclusion d'une longue
enquête sur le Prophète de l'Islam : "Il a cru à la révélation descendue sur les Prophète d'Israël ; il
plaça à leur suite Jésus qui devenait leur prédécesseur, chargé d'annoncer son ultime et décisive
mission. La main d'Allah le dirigea dans sa prédication, dans son activité politique, par la fondation
d'un Etat, et dans la construction logique de sa réforme sociale… On rappelle son intuition d'une
volonté du Tout-Puissant à ne révéler aux humains, par la voie de ses Prophètes, qu'une partie des
destins qu'Il leur assigne. Muhammad ne fut pas un théologien, mais ce fut une âme supérieure et
une intelligence exceptionnelle." (Mahomet)
On pourrait remplir tout un livre de citations d'hommes de science, de poètes, d'écrivains, de
philosophes et d'artistes en faveur de l'Apôtre de l'Islam. Il existe à l'heure actuelle (1979) plus de
deux cent quarante traductions du Coran dans les seules langues européennes (y compris,
l'espéranto) ; les traductions sont innombrables dans les langues d'Asie, d'Océanie, d'Afrique et
d'Amérique du Sud et du Nord. Chaque traduction consacre un chapitre plus ou moins long, plus
ou moins valable, à son transmetteur. On y note cependant une tendance à la sympathie de plus
en plus nette.
Ce courant d'idées n'a pas laissé le Christianisme dans une hostilité figée contre la religion
musulmane. Si Muhammad n'est pas encore réhabilité dans l'estime et la compréhension de son
clergé, du moins les valeurs musulmanes sont-elles un sujet préoccupant pour les théologiens
catholiques. Le dogme de l'Islam est l'objet de recherches sérieuses entreprises sous un angle de
vue tout nouveau. Une telle modification d'attitude et d'esprit est due à l'œuvre considérable, à
l'autorité et à la notoriété d'éminentes personnalités chrétiennes éprises de vérité, de tolérance et
de fraternité humaines. Sont à citer dans cet ordre d'idées le père Don Miguel Asin y Palacios, le
pasteur protestant W. Cantwell Smith, le pasteur épiscopalien W. Montgomery Watt, le regretté
professeur Louis Massignon que nous avons eu le privilège de connaître d'assez prés. Leur probité
intellectuelle et leur appréciation des valeurs musulmanes – Massignon comme son ami Charles de
Foucault sont revenus au catholicisme au contact de l'Islam, et après étude de son soufisme et de
sa liturgie – les ont amenés à scruter, à analyser sans parti pris la réalité de l'Islam, à encourager les
contacts avec les Musulmans et à dissiper les préventions. Grâce à leur loyauté, à leur science, à
leur courage et à leur sincérité, la "muraille de Chine" est sérieusement ébréchée, la tolérance et
l'intercompréhension ayant prévalu sur les polémiques stériles. Les vrais penseurs chrétiens, les
ordres religieux d'hommes et de femmes étudient maintenant avec moins de préjugés
2
Rappelons que ce texte date de 1979 et que le contexte décrit s'est largement modifié depuis.
5
la
puissance fécondante de la religion musulmane, la piété de ses adeptes, la valeur exceptionnelle
de la mission de son Prophète, en un mot la spiritualité de l'Islam, les lumières captivantes de ses
horizons, et ils les intègrent bon gré, mal gré, dans leur vision du monde. Néanmoins le dernier
Concile œcuménique de Vatican II (1964), qui a rendu un hommage aussi vibrant qu'inattendu à
la piégé musulmane, n'a pas cru, pour autant, devoir dire un mot sur la personnalité de
Muhammad, sans doute pour ne pas trop compromettre l'action missionnaire de l'église en pays
musulmans3.
Mais quoi qu'il en soit, on peut dire que dans les milieux chrétiens le cas de notre Prophète n'est
plus "liquidée" par une formule commode, une expression injurieuse toute faite, mais examiné et
médité. A son égard, les opinions reçues n'étant ni loyales, ni payantes, se transforment de jour en
jour, et l'on constate déjà dans leurs travaux les prémisses "d'un charisme d'Ismaël impliquant une
vocation de caractère directif dans un sens atomiste" (Cf. Saint Thomas, II, Ilae).
"Puisque la foi d'Ismaël reste ouverte au mystère chrétien, la prophétie de Muhammad ne
relèverait-elle point d'une grâce charismatique, orientée comme tout charisme à l'accroissement
de l'Eglise ? L'Islam se présente comme une religion de devenir, comme une salle nuptiale où se
tient le festin… L'Islam apparaît sous l'image habituelle d'une route. L'Incroyant s'est égaré. Dieu le
ramène vers une voie droite… la direction de Dieu, c'est bien la grâce implorée cinq fois par jour
par tout croyant dans sa prière". (Charles Ledit, Mahomet, Israël et le Christ). La lecture de ce livre,
si plein de méditation, de confrontation sincère et de ferveur raisonnée, est à recommander à tout
lecteur de bonne foi, ainsi que des biographies du Prophète, plus complètes, plus fouillées et
historiquement valables que l'on doit à des chrétiens aussi fidèles à leur foi qu'honnêtes envers euxmêmes et envers le prochain, en particulier un ouvrage que nous avons déjà cité, celui de
l'archimandrite, le père Virgil Gheorgiu. Un autre livre très appréciable dans cet ordre d'idées, est
celui du catholique Emile Dermenghem : La Vie de Mahomet. Ouvrage de bonne foi, objectif, bien
charpenté, écrit par un croyant catholique assoiffé de spiritualité. Reprenant le même sujet, sous
un angle différent, il écrit : "Mahomet est à coup sûr un Prophète de la lignée biblique, lyrique,
inspiré, âme ardente, cœur intrépide, avec les grandeurs et les faiblesses humaines… Il a en
commun avec Israël un monothéisme intraitable… Mais il fut, surtout au début, beaucoup plus prés
des Chrétiens, affirmant la mission de Jésus, Messie, Verbe et Esprit de Dieu, sa naissance virginale,
l'immaculée conception de Marie, insistant sur l'Antéchrist, la résurrection, le jugement dernier, la
vie éternelle".
C'est ce qu'ont reconnu de nombreux savants, philosophes, écrivains, poètes, artistes européens
qui se sont convertis à l'Islam, depuis Rimbaud jusqu'à Henry de Montfreid, en passant par Pierre
Loti, Etienne Dinet et René Guénon pour ne citer que les Français. Après avoir vu le Coran Goethe
devait dire, avant eux :
"Si tel est l'Islam, ne sommes-nous pas tous musulmans ?".
3
Les prises de positions œcuméniques de l'ancien pape Jean-Paul II ont toutefois fait varier cette orientation officielle de
l'Eglise depuis.
6
Est-il licite en Islam d'invoquer DIEU par la bénédiction d'un Saint (tawassul) ?
Cet article constitue un argumentaire assez intéressant figurant dans le traité de Droit Islamique dirigé par le
Cheikh Ahmad Ibn Al-Misri intitulé Le Viatique du Voyageur (Muddatu-s-Sâlik). Cet exposé fait valoir le point de
vue soufique sur la question générale qui, en substance, a toujours opposé tenants du Tasawwuf et ceux qui
se désignent comme 'gardiens de l'orthodoxie'(ou même Ahl Sunna ou Salafistes ou wahhabites) à savoir : les
vertus charismatiques d'un humain, aussi éminent soit-il, sont-elles à même de profiter à un autre humain, futce en évoquant la Grâce de Dieu comme suprême Matrice ? A quel titre, autrement dit, invoquer
l'exhaustivité absolue du verset: "et qu'en vérité, l'homme n'obtiendra que le fruit de ses efforts" (53:39) credo
d'un certain "rationalisme" musulman ? Cette même forme de tawhîd se plaisant à rappeler qu'il fut intimé à
l'adresse même du Prophète (PSL). 'Dis: "Je ne détiens pour moi-même ni profit ni dommage, sauf ce que DIEU
veut. Et si je connaissais l'Invisible, j'aurais eu des biens en abondance et aucun mal ne m'aurait touché. Je ne
suis, pour les gens qui croient, qu'un avertisseur et un annonciateur" (7:188) 'Dis :" Je suis en fait un être humain
comme vous" (18:110), injonctions à appréhender au premier degré et sans nul complément possible… Une
problématique qui, vue dans un sens pratique, reviendra à la grave interrogation consistant à se demander si
le soufisme ne serait point en définitive qu'un vaste champ du shirk (donner des associés à DIEU) ! Ecoutons
l'avis du Cheikh Ahmad sur cette question...
SHIRK OU TAWASSUL ?
« (…) En ce qui concerne le fait de prier par la grâce des Vertueux Personnages (nida) (lorsqu'il sont
physiquement absents comme à travers les mots : "O Muhammad ! …" figurant dans les traditions
précitées), le tawassul en DIEU très-Haut à travers eux est permis, l'invocation (du'a) revenant à DIEU
Très-Glorieux et il existe maintes preuves de sa parfaite licité. Ceux qui les prient avec l'intention du
tawassul, ne peuvent pas donc être blâmés. Mais celui qui croit que ceux-là qu'on prie peuvent
produire par eux-mêmes des effets, bien ou mal, qu'ils créent ou font exister comme le fait DIEU,
une telle personne est un idolâtre qui a apostasié – DIEU nous en préserve ! D'aucuns ont
récemment écrit dans un article que le tawassul à DIEU à travers les Vertueux est illicite, alors que
l'écrasante majorité des Oulémas le considère comme permis, et l'argument que l'auteur utilise
pour corroborer son point de vue ne contient rien qui puisse soutenir ce qu'il essaie de démontrer.
En déclarant le tawassul permis, nous ne sommes le moins du monde en train de roder au
voisinage de l'idolâtrie (Shirk) ni même dans ses alentours, car la conviction que DIEU TRES-HAUT
influe Seul sur toute chose, de façon apparente ou cachée, est une profonde conviction coulant
en nous comme notre propre sang. Si le tawassul était de l'associationnisme (Shirk), s'il en existait ne
serait-ce qu'un soupçon, le Prophète ne l'aurait pas enseigné à l'aveugle lorsque ce dernier lui
demanda d'invoquer DIEU en sa faveur, alors qu'en fait, il lui apprit la manière de faire le tawassul à
DIEU à travers Lui (PSL)4.
4
Dans la tradition en question tenue de Uthman ibn Affan par Tirmidhi, qui la classe comme hasan
(vraisemblable), sahih (authentifié) et gharib (tenue d'un proche du Prophète) : "Un aveugle s'était un jour
présenté devant le Prophète (PSL) et lui demanda de prier DIEU de le guérir. Il lui dit : "Si tu veux, je peux
adresser une prière à DIEU en ce sens, mais si tu endures cette épreuve avec patience, ce sera meilleur pour
toi". L'homme lui demanda d'effectuer la prière". [Uthman] raconte que : "Le Prophète (PSL) lui ordonna alors
d'accomplir les ablutions de manière parfaite puis de réciter cette prière : "O ALLAH ! Je T'implore et me tourne
vers Toi par la grâce de Ton Prophète Muhammad (PSL), le Prophète de la Miséricorde. Par sa grâce, je me
tourne vers mon SEIGNEUR afin qu'il réalise mon vœu que voici. O ALLAH ! Fais de lui mon intercesseur" "
7
Par ailleurs, l'allégation selon laquelle le tawassul ne serait autorisée que durant la vie de la
personne à travers laquelle elle se fait mais serait illicite après sa mort n'est étayée par aucun
fondement fiable de la Loi sacrée…»
L'OBTENTION DE BENEDICTIONS A TRAVERS LES VERTUEUX PERSONNAGES (Tabarruk)
La recherche de la bénédiction des Vertueux Personnages constitue une pratique ordinaire essentiellement
consacrée par les usages soufis, à travers, par exemple, les vers suivants figurant dans l'ouvrage en éducation
spirituelle Nahjul Qadâ'il Hâj (La Voie de la Réalisation des Vœux) de Cheikh Ahmadou Bamba : "Veilles à
constamment rendre des visites de piété aux savants émérites et aux hommes vertueux, persévères à toujours
leur rendre service pour l'Amour de DIEU TRES-HAUT. Ne manque jamais, à chaque fois, de solliciter leurs
prières et leur bénédiction, ainsi gagneras-tu en droiture et en bonne guidée. Car honorer un érudit qui met en
pratique son Savoir revient à vénérer DIEU, le MAITRE du Trône, conformément à ce qui fut rapporté..." (vers
134-136) Cette conception n’a pas également manquée d’être fréquemment battue en brèche par les
adversaires du soufisme, au contraire du Cheikh Ahmad ibn Al-Misri qui en dit ceci :
« Croire que les choses sont dotées de propriétés capables de causer du bien ou du mal
indépendamment de la Volonté de DIEU constitue un acte de mécréance (Kufr), que ces dites
propriétés soient considérées comme naturelles ou surnaturelles. Mais l'assertion de certains selon
laquelle montrer de la vénération (ta'zim) à l'endroit des Hommes Vertueux ou obtenir des
bénédictions (tabarruk) à travers eux ou leurs effets constituent un culte à leur égard et un acte
d'associationnisme à DIEU (shirk) n'est pas étayée par la Sunna
Prophétique qui atteste du
contraire, comme on peut le voir à travers les traditions suivantes :
(1) Bukhari rapporte que Uthman Ibn Abdulhah a dit : "Ma femme m'envoya un jour chez Umm
Salama [une compagne du Prophète] avec un gobelet d'eau dans lequel trempait une mèche
faite de quelques cheveux du Prophète (PSL). Lorsque quelqu'un souffrait du mauvais œil ou d'une
maladie quelconque, elles lui envoyaient un récipient d'eau (dans lequel Umm Salama trempait un
cheveu pour traiter le malade qui la buvait ou se lavait avec). Je regardai dans la cloche en métal
et vis à l'intérieur quelques cheveux roux".
(2) Bukhari rapporte d'Abu Musa : "Le Prophète (PSL) se fit apporter un gobelet d'eau, se lava les
mains et lui fit face, cracha dedans, puis dit à Abu Musa et à Bilal : "Buvez-en et versez le reste sur
vos figures et vos poitrines."5
(3) Bukhari rapporte de Muhammad Ibn Rabi que : "Quand le Prophète (PSL) faisait ses ablutions,
les Compagnons se battaient littéralement pour l'excès d'eau." Le Prophète (PSL) n'aurait jamais
permis de telles pratiques s'il y eut quelque soupçon d'associationnisme (shirk) en cela.6
5 On peut également trouver dans les mêmes Sahîh (Traditions Authentiques) de Bukhâri ce hadith assez
semblable tenu de Abu Juhaifa : "J'entrai chez le Prophète (PSL) qui se trouvait alors sous une tente en cuir
rouge. Je vis Bilal qui recueillait le résidu d'eau des ablutions du Prophète dont les gens s'emparaient pour s'en
enduire le visage. Et quiconque ne parvenait pas à recueillir de cette eau, partageait les traces d'eau
restantes sur les mains de son proche compagnon (afin de s'en enduire)" Il existe toutefois des traditions
complémentaires qui relativise cette pratique et met en garde contre les excès et les illusions à l'instar de
celle-ci rapportée par Tirmidhi : "Le Prophète (PSL) faisait un jour ses ablutions quand ses Compagnons se
mirent à s'enduire avec l'eau de ses ablutions. Le Prophète (PSL) leur demanda alors ce qui les incitent à agir
ainsi. Lorsqu'ils lui répondirent que c'était l'amour de DIEU et de Son Messager (PSL), il leur dit :"Si quelqu'un veut
aimer DIEU et Son Messager (PSL) ou plutôt que DIEU et Son Messager (PSL) l'aime, il devra toujours dire la
vérité lorsqu'il parle, accomplir toute promesse qu'il fera et se comporter en bon voisin" " (Tenue de Abdu
Rahman ibn Abu Qurad)
6 Il nous a semblé intéressant de rapprocher ce texte avec les passages suivants figurant dans la biographie
maîtresse de Cheikh Ahmadou Bamba, Les Bienfaits de l'ETERNEL écrit par Cheikh Mouhamadou Bachir
Mbacké : « Commentant le hadith de Al-Hudaybiyya, Ibn Mas'ûd dit : "Par DIEU, le Messager de DIEU ne jetait
8
Dans chacun des Hadiths ci-dessus et dans bien d'autres, il existe un fondement évident quant à la
validité légale de l'obtention de bénédiction à travers les effets des Vertueux Personnages
(tabarruk), comme ce fut le cas des Compagnons avec l'accord du Prophète (PSL) ; ceci étant la
raison pour laquelle les musulmans l'aient fait après eux. Mais DIEU Sait assurément mieux ce qu'il en
est... »
Addenda de la Commission Scientifique
Après les traditions citées, voici quelques versets, parmi bien d'autres, semblant abonder dans le même sens
de la bénédiction et des Privilèges des Elus de DIEU et dont la moindre importance est d'exposer au moins les
arguments du "camp soufi" :
"D'autres [parmi les bédouins] ont reconnu leurs péchés, ils ont mêlé de bonnes actions à
d'autres mauvaises. Il se peut que DIEU accueille leur repentir car DIEU Est Pardonneur et
Miséricordieux. Prélève de leurs biens une aumône par laquelle tu les purifies et les bénis. Et prie
pour eux ; ta prière est une quiétude pour eux. Et DIEU Est Audient et Omniscient" (9:102-103)
"Et quand le châtiment les frappa, ils dirent : "O Moise, invoque pour nous ton SEIGNEUR en
vertu de l'engagement qu'Il t'a donné. Si tu éloignes de nous le châtiment, nous croirons certes en
toi et laisserons partir avec toi les enfants d'Israël. Et quand Nous eûmes éloigné d'eux le châtiment
(…)" (7:134)
"[Tel autre], parmi les bédouins, croit en DIEU et au jour dernier et prend ce qu'il
dépense comme moyen de se rapprocher de DIEU et afin de bénéficier des invocations du
Messager. C'est vraiment pour eux [un moyen] de se rapprocher [de DIEU] et DIEU les admettra en
sa miséricorde. Car DIEU est Pardonneur et Miséricordieux."(9:99)
"Nous n'avons envoyé de
Messager que pour qu'il soit obéi, par la permission de DIEU. Si lorsqu'ils ont fait du tort à leur propres
personnes, ils venaient à toi en implorant le pardon de DIEU et que le Messager demandait le
pardon pour eux, ils trouveraient, certes, DIEU très accueillant au repentir et Miséricordieux."(4:64)
"Et DIEU n'est point tel qu'Il les châtie alors que tu es au milieu d'eux. Et DIEU n'est point tel qu'il
les châtie alors qu'il demandent pardon (8:33)
"[Le butin appartient également] à ceux qui sont
venus après [les émigrés] en disant: "Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu'à nos frères qui nous ont
précédés dans la foi(…)" (59:10)
"Et quand on leur dit : "Venez que le Messager de DIEU implore
le pardon pour vous", ils détournent leurs têtes" (63:5)
"[Les frères de Joseph] dirent : "O notre
père, implore pour nous la rémission de nos péchés. Nous étions vraiment fautifs". [Jacob] dit :
"J'implorerai pour vous le pardon de mon Seigneur. Car c'est Lui le Pardonneur, le Miséricordieux"
(12:97-98)
"Leurs Messagers leur dirent : "Certes, nous ne sommes que des humains comme
vous. Mais DIEU favorise qui Il veut parmi Ses Serviteurs. Il ne nous appartient pas de vous apporter
quelque preuve que par la permission de DIEU. Et c'est en DIEU que les croyants doivent placer
par le nez ou par la bouche une pituite (salive) sans qu'un Compagnon l'attrapât et se frottât le visage avec
elle, et quand il donnait un ordre, ils l'exécutaient rapidement, et quand il faisait ses ablutions, ils se
bousculaient pour recueillir le résidu d'eau ; et quand il parlait, ils abaissaient leurs voix ; et, par [une extrême]
vénération, ils ne le fixaient jamais du regard". Commentant ce hadith, Ibn Hajar dit : "Il indique la propreté de
la pituite ainsi que les poils coupés et la licité de la recherche de bénédiction dans «les restes» purs des
pieuses gens". (…) Il faut dire que les disciples mourides du Cheikh [Ahmadou Bamba] n'ont jamais reçu de sa
part l'ordre de rechercher sa bénédiction de cette manière. Mais ils l'ont fait spontanément, mus par la
lumière émanant de sa pénétration des Saintes Réalités. Ce qui fit qu'ils l'aimèrent éperdument. Une source
digne de foi ma raconté que le premier disciple qui se comporta de cette manière à l'égard de notre Cheikh
fut Cheikh Ibrahima Fall. Ce fait m'a été par la suite confirmé par le Cheikh en personne qui m'a dit que
Ibrahima Fall l'avait un jour accompagné dans un voyage et que, lorsqu'ils s'arrêtèrent en un endroit situé aux
environs de Mbacké Cayor pour accomplir la prière et que le Cheikh se mit à faire ses ablutions, Ibrahima Fall
se mit à recueillir l'eau coulant des membres du Cheikh, en avalait et se frottait le corps avec. Notre Cheikh
(DIEU Soit Satisfait de lui) me dit : "Ce qui est étonnant, c'est que je n'avais jamais vu auparavant quelqu'un
être traité de cette manière, de même que ce disciple qui ne l'avait pas non plus lu dans aucun livre…" ».
9
leur confiance". (14:11)
"S'ils s'étaient contentés de ce que DIEU leur avait donné ainsi que Son
Messager et avaient dit: "DIEU nous suffit. Bientôt DIEU nous accordera Sa faveur de même que son
Messager ! C'est vers DIEU que va tout notre désir" (9:59)
croyants qu'ils n'en ont sur eux-mêmes" (33:6)
"Et le Prophète a plus de droit sur les
"O vous qui avez cru ! Ne devancez pas DIEU et
Son Messager. Et craignez DIEU. DIEU est Audient et Omniscient. O vous qui avez cru ! N'élevez pas
vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne haussez pas le ton en lui parlant comme vous le
haussez les uns avec les autres, sinon vos œuvres deviendraient vaines sas que vous vous en
rendiez compte. Ceux qui, auprès du Messager de DIEU, baissent leur voix sont ceux dont DIEU a
éprouvé les cœurs par la piété. Ils auront un pardon et une énorme récompense. Ceux qui
t'appellent à haute voix de derrière les appartements, la plupart d'entre eux ne raisonne pas. Et s'il
patientaient jusqu'à ce que tu sortes à eux, ce serait certes mieux pour eux. DIEU, cependant, est
Pardonneur et Miséricordieux." (49:1-5)
Certains adversaires opiniâtres du tabarruk ne manqueront peut être pas de rétorquer : "Certes, mais tout ceci
ne pourra nullement s'appliquer en dehors du Prophète". Ne serait-ce point alléguer par la même que le Shirk
dénoncé chez les Hommes Vertueux serait chasse gardée du Messager de DIEU (PSL) ! N'y aurait point
d'autres Croyants élus dans la communauté de Muhammad (PSL) jouissant de Faveurs particulières de DIEU
comme le soutiennent résolument les francs négateurs des Saints, réfutant énergiquement ce qu'ils n'hésitent
point à qualifier "d'adoration des saints pour bénéficier d'une intercession qui n'est qu'un leurre" ? Les versets
suivants nous semblent, dans une large mesure, indiquer le contraire :
"O vous les croyants ! Obéissez à DIEU, obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui
détiennent le Commandement"(4:59)
"Vous n'avez d'autres alliés que DIEU, son Messager et les
croyants qui accomplissent la Zakat et s'inclinent [devant DIEU]. Et quiconque prend pour alliés
DIEU, Son Messager et les croyants réussira, car c'est le parti de DIEU qui sera victorieux." (6:55-56)
"Et dis : "Oeuvrez, car DIEU va voir votre œuvre, de même que Son Messager et les croyants, et
vous serez ramenés vers Celui qui connaît l'invisible et le visible. Alors Il vous informera de ce que
vous faisiez".(9:105)
"Et ceux qu'ils invoquent en dehors de Lui n'ont aucun pouvoir d'intercession,
à l'exception de ceux qui auront témoigné de la vérité en pleine connaissance de cause" (43:86)
"Le jour où Nous appellerons chaque groupement d'hommes par leur chef (Imâm), ceux à qui
on remettra leur livre dans la main droite liront leur livre (avec plaisir) (…)" (17:71)7
"[Rappelle-
toi] le jour où Nous rassemblerons les pieux sur des montures et en grande pompe auprès du ToutMiséricordieux et pousserons les criminels en Enfer comme [un troupeau] à l'abreuvoir, nul n'aura le
pouvoir d'intercéder, sauf celui qui aura pris un engagement avec le Tout-Miséricordieux" (19:85)
"Et qu'avez-vous à ne pas combattre dans le sentier de DIEU et pour la cause des faibles :
hommes, femmes et enfants qui disent : "Seigneur ! Fais nous sortir de cette cité [la Mecque] dont
les gens sont injustes, et assigne-nous de Ta Part un allié, et assigne-nous de Ta Part un secoureur ".
7
" Le jour où Nous appellerons chaque groupement d'hommes par leur Imam…" : il est, à propos de ce verset
interprété souvent de façon radicalement différente de part et d'autre, une anecdote rapportée par S. El
Hadj Mbacké dans son ouvrage "Paroles du Cheikh" et qui lui fut racontée par Cheikh Salih Mbacké, son
grand-père et cinquième Calife de Cheikh Ahmadou Bamba. "Cheikh Ibrahima Diop Mash'arî, faisant partie
des grands disciples de Cheikh Ahmadou Bamba, vint un jour trouver le Cheikh pour lui dire : "Ces versets du
Coran où le SEIGNEUR dit "Le Jour où…" me font tellement peur que j'en ai perdu le sommeil". Le Cheikh lui
demanda d'ouvrir le Livre Saint et de lui dire sur quel verset il tombera. Lorsqu'il s'exécuta il tomba sur le verset
où le SEIGNEUR dit "Le jour où Nous appellerons chaque groupement d'hommes par leur Imam, ceux à qui on
remettra leur livre dans la main droite liront leur livre (avec plaisir)" …"
10
Les traditions prophétiques suivantes apportent également une confirmation de la conformité de l'intercession
à la Sunna authentique, même si celle-ci est strictement réservée à certaines catégories de personnes :
Dans un hadith rapporté par Muslim et tenu de Aisha, le Messager de DIEU (PSL) a dit : "Si un
groupe de cent musulmans effectue la prière sur un mort, chacun intercédant en sa faveur, leur
intercession sera acceptée".
Dans un hadith rapporté par Muslim et tenu de Abu Hurayrah , le Messager de DIEU (PSL) a dit : "Je
serai investi de la Primauté sur tous les descendants d'Adam le Jour de la Résurrection, je serai le
plus grand intercesseur et le premier dont l'intercession sera agréée"
Dans un hadith rapporté par Bukhari et tenu de Abu Hurayrah : Je demandai : "O Messager de
DIEU ! Quelle est la personne qui aura le plus de chance de bénéficier de ton intercession le Jour
de la Résurrection ?" Il me répondit : "O Abu Hurayra ! j'ai toujours pensé que nul ne m'interrogera
sur ce hadith avant toi, tellement je sais ta détermination [à apprendre les hadith]. La personne qui
aura le plus de chance de bénéficier de mon intercession le Jour de la Résurrection sera celui qui
dira sincèrement du fond de son cœur : "Nul ne mérite d'être adoré en dehors de DIEU""
Dans un hadith rapporté par Tirmidhi et tenu de Abdullah ibn Abul Jada : Abdullah ibn Abul Jada
entendit le Messager de DIEU (PSL) dire : "Un nombre de personnes supérieur aux membres de la
tribu Banu Tamîm entreront au Paradis à travers l'intercession d'un seul membre de ma
communauté".
Dans un hadith rapporté par Abu Dawoud et tenu de Abu Darda : Le Prophète (PSL) a dit :
"L'intercession d'un martyr sera acceptée pour soixante-dix membres de sa famille". Dans un hadith
rapporté par Uthman : Le Saint Prophète (PSL) a dit : "Trois groupes de personnes pourront
intercéder le Jour de la Résurrection : les Prophètes (PSE), ensuite les savants, ensuite les martyrs"
Point de conclusion plus excellente à cet exposé sur le tawassul que la tradition8 dans laquelle le
Prophète (PSL) a affirmé : "Priez par ma grâce, car celle-ci est honorée auprès de mon SEIGNEUR
…"9
8
Il va sans dire que l'authenticité de ce hadith a été remise en cause par ceux qui sont paradoxalement
obligés de reconnaître la tradition du tawasul de l'aveugle citée plus haut, car faisant partie des Hadiths de
Tirmidhi qui font référence.
9 Ce qui ne peut manquer d'étonner après toutes ces références tirées des sources islamiques établies, c'est le
mutisme délibéré des adversaires (instruits) de ce point de vue qui ne consentent jamais, dans leurs exposés
contre "les déviances du soufisme" étayés par force arguments tirés des mêmes Textes Canoniques, à ne
serait-ce que citer les arguments du camp opposé se devant pourtant de constituer la nécessaire antithèse
d'un débat intellectuel loyal, quitte même à défaire cette argumentation par la suite (en tant que virtuoses
solidement formés à la diatribe anti-soufie). Ceci du fait que l'interprétation de certains versets ou sentences
prophétiques doit nécessairement se faire à la lumière d'autres versets ou traditions complémentaires traitant
du même sujet, au risque autrement d'amputer inconsciemment le message coranique et de prendre la
responsabilité d'y exclure, pax excès de littéralisme, les versets ne s'accommodant pas à nos orientations
idéologiques . Ou bien les versets précités ne feraient-ils plus partie intégrante du corpus Coranique sous l’effet
d’une mystérieuse abrogation (mansûq) ? Ce manque d'honnêteté intellectuelle et cet "unilatéralisme
idéologique" ayant souvent pour effet de jeter délibérément le trouble dans l'esprit des musulmans non instruits
et le discrédit sur les fondements même du Soufisme car émanant souvent de "sommités" intellectuelles et
d'islamologues dont l'expertise incite vers une présomption naturelle de probité scientifique qui, sans nier ce
que le Livre Saint et la Sunna consacrent clairement, aurait pu se limiter à prévenir les limites de ces faveurs qui
n'autorisent nullement la licence, les écarts et abus souvent constatés chez une grande partie de ceux qui se
réclament injustement du Tasawwuf. Car il ne fait nul doute qu'aucune faveur divine, aussi éminente qu'elle
puisse être, ne saurait jamais autoriser la transgression d'un Ordre du SEIGNEUR Tout-Puissant et que la
conviction contraire constitue assurément une illusion de Satan – que DIEU nous en préserve… "Et [les
criminels] n'auront point d'intercesseurs parmi ceux qu'ils associaient à DIEU et ils renieront même leurs
divinités." (30:13) "Inutile sera pour [les damnés] l’intervention des intercesseurs." (74:50)
11
Est-il contraire aux principes de l'Unicité Divine (tawhîd) qu'une créature puisse connaître quelque
chose de l'invisible (ghayb) ?
La question des faveurs divines accordées aux Amis de DIEU (awliya) a toujours été une pomme de discorde
centrale entre tenants et adversaires du Soufisme. Ces derniers tiennent en effet "les prétentions infinies des
soufis" comme des positions hérétiques graves confinant au Shirk (association à DIEU) et allant à l'encontre du
tawhîd éclairé. Ainsi lorsque le Serviteur du Prophète prie son SEIGNEUR : "Par un effet de Ton Infinie
Générosité, matérialise toutes mes ambitions au point que, dans la Source Insondable de Tes Mystères
(ghayb), je puisse étancher ma soif"10, ces négateurs n'hésiteront point à remettre en cause" l'orthodoxie" de
ces Faveurs. La sérieuse question de cette controverse a été l'objet d'une intéressante analyse dans l'ouvrage
Viatique du Voyageur (Muddatu-s-Sâlik) du Cheikh Ahmad ibn Naqib al-Misri (p. 1015 de l'édition anglaise)
L
a question que l'on se propose d'examiner est la suivante : devrons-nous considérer
comme un mécréant quelqu'un qui dit "Un croyant peut connaître l'Invisible (ghayb)" ?
Car DIEU TRES-HAUT a bien dit dans le Coran que "Nul dans les cieux et sur la terre ne
connaît l'Invisible si ce n'est DIEU" (27:65) "DIEU connaît l'Invisible et ne révèle Son Mystère à
personne" (72:26) Notre réponse est la suivante : celui qui dit cela ne doit pas nécessairement être
considéré comme mécréant en fonction de l'entendement qu'il donne à ses propos car il est
toujours essentiel d'interroger quelqu'un qui dit une chose susceptible d'être interprétée comme de
la mécréance sur la signification véritable de ses paroles. (…) Si l'on demande à cette personne de
s'expliquer et qu'elle dise : "Ce que je veux dire par "un croyant peut connaître l'Invisible" est
simplement que DIEU peut gratifier à certains de Ses Amis Privilégiés (awliyâ) des éléments relevant
de l'Invisible", cela sera accepté du fait qu'une telle réalité est logiquement possible et que ce fait
a été amplement prouvé à travers les innombrables miracles (karâmât) établis des Saints au fil des
âges. La possibilité d'une pareille connaissance est en outre largement attestée par le Coran à
travers l'histoire de Moïse et de Khidr (18:60-82) de même que le récit tenu de Abu Bakr Siddiq dans
lequel il prédit que l'enfant que sa femme enceinte allait mettre au monde sera de sexe masculin,
ce qui se vérifia parfaitement par la suite. Ainsi en est-il de la perception miraculeuse de Umar qui,
au cours d'un sermon du vendredi tenu à Médine, s'écria soudain du haut de son pupitre : "O
Sariya ! Prends garde à la montagne !" pour avertir son général d'armée se trouvant en ce moment
en Perse avec ses troupes de ne pas se laisser prendre à l'embuscade tendue par l'ennemi tapi
derrière une montagne. Ou encore de cette tradition rigoureusement authentifiée (sahîh) dans
laquelle le Prophète (PSL) dit de Umar : "Il fait partie de ceux à qui l'on parle [c'est-à-dire
bénéficiant originellement de l'Inspiration Divine]"…
Ce que nous avons mentionné plus haut concernant les versets sur l'Invisible a été amplement
explicité par l'Imam Nawawi dans son ouvrage Fatawa (Edits) lorsqu'il disait : "Ces versets signifient
que nulle créature en dehors de DIEU ne connaît les Mystères d'une connaissance ne devant rien à
personne et avec la pleine connaissance de toutes les choses qui puissent se connaître qui la
caractérise. En ce qui concerne la connaissance des mystères accordée à travers les miracles
(mu'jizât) inimitables des Prophètes et les faveurs divines (Karâmat) des Saints, elle procède de la
Volonté de DIEU qui a décidé de faire connaître ces mystères et c'est uniquement à travers cela
10
Dans "Walaqad Karamnâ Bani Âdama" (DIEU a assurément honoré le genre humain, vers 24)
12
qu'elle fut possible, comme cela reste d'ailleurs le cas pour la connaissance des réalités visibles par
les moyens ordinaires." En effet DIEU TRES-HAUT est le l'Omniscient qui Seul Connaît tous les mystères
et leur réalités secrètes d'une connaissance première, intrinsèque et surnaturelle dont Il ne partage
le principe avec personne. Si donc quelqu'un en dehors de DIEU dispose d'une quelconque
connaissance, ce ne peut être qu'à travers LUI – Béni et Exalté. Ainsi les créatures ne sont point
capables, du fait de leur nature dépourvue d'aucune sorte de capacité immanente, de
transcender leur sphère naturelle ou d'aller au-delà de leurs limites objectives pour tirer le voile des
mystères celés. Aussi ne fut-ce la Volonté de DIEU de gratifier leurs cœurs de la connaissance de
certains de ces secrets, elles n'auraient pu rien savoir de ces mystères, peu ou prou. En outre, les
degrés de cette connaissance s'avèrent très différents [d'un élu à un autre], certains étant
beaucoup plus élevés et plus établis que d'autres. (…) Les perceptions miraculeuses (kashf) des
Saints de DIEU constituent donc une réalité que nous ne pouvons nier car Bukhari rapporte dans
ses Sahîh (Traditions Authentiques) de Abu Hurayra que le Prophète (PSL) a dit : "Dans les peuples
qui vous ont précédés il y en eu à qui il fut parlé [c'est-à-dire qui bénéficièrent de l'inspiration
divine] bien que n'étant pas prophètes. S'il en est un dans ma communauté, c'est bien Umar ibn
Khattab"
[Cf. également versets suivants :
"Voilà quelques nouvelles de l'Invisible (ghayb) que Nous te révélons. Tu ne les savais pas, ni toi ni
ton peuple, avant cela . Sois donc patient. La fin heureuse est réservé aux pieux" (11:49)
"Ce sont là des nouvelles de l'Invisible (ghayb) que Nous te révélons. Et tu n'étais pas auprès d'eux
quand ils se mirent d'accord pour comploter" (12:102)
"C'est Lui qui connaît l'Invisible (ghayb) et ne dévoile Son mystère à personne, sauf à un émissaire
qu'Il agrée et qu’Il fait précéder et suivre d’une Garde Vigilante pour savoir s’ils ont communiqué
les messages dont leur Seigneur [les avait chargés]. Il embrasse [de Sa science] ce qui est devant
eux et dénombre toute chose." (72:26-28)]
13
Seydina Abu Bakr, archétype du parfait disciple
Ce passage constitue la 19ème Mawqîf (halte) figurant dans l'ouvrage Le Livre des Haltes (Kitâbu-lMawâqif)(Alîf Editions) du célèbre résistant et grand mystique algérien disciple d'Ibn Arabî, l'Emir Abd-el-Kader
(1808-1883) qui nous entretient, dans ces extraits-ci, de la nature fondamentale des relations Maître-disciple et
du modèle que nous a offert, en cette matière, le Premier des Califes Orthodoxes…
P
armi les anecdotes que se racontent volontiers entre eux les gens de la Voie, il en est
une selon laquelle un Connaissant ('Arif), rencontrant un jour un disciple (Murîd) attristé,
lui demanda les raisons de sa tristesse.« Mon Maître est mort», lui répondit-il.« Quelle
idée, s'exclame alors ce Connaissant, d'avoir pris pour Maître un simple mortel !». Il y a dans cette
anecdote un point de convenance spirituelle extrêmement important et un enseignement sublime
pour se diriger sur la Voie Droite, bien que la plupart des disciples néglige cet enseignement.[Bien
souvent] en effet, l'Aspirant (Al-Mûrid) vient trouver le Maître (Saykh) avec la conviction qu'il lui faut
croire à sa perfection, qu'il est le plus accompli des Maîtres de son temps, qu'il est doué d'une
énergie spirituelle efficiente, d'une intuition pénétrante, et que sais-je encore…Une fois en
présence de ce Maître, il lui fait part de sa quête qui est de s'engager sous sa conduite sur la Voie
qui mène à DIEU. Or, jamais un Maître spirituel ne repousse quelqu'un qui lui tient un tel propos,
quelle que soit la personne à qui il a affaire, même si DIEU lui donne de connaître, par Dévoilement
(Kashf) ou connaissance de la physiognomonie, la réalité intime de cet aspirant; (le Prophète Luimême n'acceptait-il pas les déclarations des hypocrites tout en étant parfaitement informé de leur
véritable nature?). Car le disciple peut mentir dans ses prétentions à [pouvoir] suivre la Voie qui
mène à DIEU ou n'être doué que d'une volonté fort tiède; peut être même DIEU ne lui a-t-il rien
accordé dans cette Voie de la connaissance, à moins que la part qui lui en est destinée ne lui soit
accordée qu'au bout d'un temps fort long ou entre les mains d'un autre Maître. Ce disciple, déçu,
en viendra peut être à quitter la voie du Maître dont il avait sollicité le pacte et même à proférer
des énormités sur son compte en disant : "Cet homme n'est qu'un menteur doublé d'un charlatan
qui s'approprie les biens d'autrui de manière illicite; du reste s'il s'agissait d'un Maître sincère, j'aurai
déjà réalisé mon but !" et toutes ces sortes de propos détestables qui achèveront de le conduire à
sa perte, si Dieu ne le rachète pas en lui accordant l'occasion de s'en repentir. [L'attitude correcte]
pour ce disciple eut été de se présenter devant le Maître avec la ferme conviction que si celui-ci
convie les hommes à la connaissance de DIEU, c'est DIEU LUI-MEME Qui, en définitive, alloue à
chacun, de toute éternité, la part qui lui revient, qu'il s'agisse de nourritures spirituelles ou de
nourritures terrestres selon la Parole Divine: « Mes Edits ne sauraient être modifiés devant Moi»
(50:29). En vertu de quoi nul n'obtient que ce qui lui est destiné, ni plus ni moins, et nul ne saurait
retenir ce que DIEU octroie, ni octroyer ce que DIEU retient! Le Maître, vis à vis de son disciple, est
«la porte qui donne accès à DIEU», et toute faveur que DIEU veut faire au disciple, IL le lui fait
parvenir par l'intermédiaire de son Maître, en la lui présentant devant «la porte». En tant que
médecin [des âmes], le Maître Authentique connaît parfaitement les humeurs corrompues et les
tendances prédominantes [de chaque disciple à sa charge], en sorte qu'il peut prescrire à chacun
un remède qui le purifiera de la corruption et équilibrera ses penchants excessifs, en lui conseillant
l'usage de tel remède ou en lui imposant tel régime alimentaire. Mais ce ne sont là que des causes
14
qui, à l'instar de toutes les autres, ne seront efficaces que dans la mesure où il en aura été décidé
ainsi par l'Arrêt Divin; en aucun cas le Maître ne pourra octroyer au disciple ce qui, dans l'éternité,
lui aura été « précédemment» refusé, ni différer ni avancer aucune échéance. DIEU n'a même pas
accordé une telle faveur à la préférée d'entre Ses créatures, au plus Noble de Ses Envoyés, au plus
cher d'entre eux à Son regard ! Ne lui a-t-IL pas dit [en maints passages du Coran]: "Certes, tu ne
guides pas ceux que tu aimes"(28:56) ou "Tu n'as aucune part au Commandement (ou : à la
Décision)"(3:128) ou encore "Peux-tu sauver celui qui est dans le feu ?"(39:19) ou bien "Tu ne saurais
faire revenir (litt.: guider) les aveugles de leur égarement" (27:81). Et il y a bien d'autres versets
présentant un sens analogue. Le devoir de l'aspirant parfait à l'égard du Maître parfait est
d'adopter l'attitude du Véridique (Abu Bakr), à l'égard de l'Envoyé de DIEU - sur Lui la Grâce et la
Paix - ; il le tenait sans aucun doute pour la Porte de DIEU par Excellence, pour Celui qui convie les
hommes à la Voie la plus droite, le Meilleur des êtres à travers l'ensemble des mondes et le Seigneur
des Envoyés; mais jamais il ne s'imagina que le Prophète puisse [sans la permission de DIEU] nuire ou
être utile, donner ou retenir, guider ou égarer. C'est la raison pour laquelle il fit preuve de tant de
fermeté au jour de la mort du Prophète - sur Lui la Grâce et la Paix- en prononçant ces paroles
désormais célèbres : "Que celui qui adorait Muhammad sache que Muhammad est mort et celui
qui adorait DIEU sache que DIEU est le Vivant qui ne meurt point !". Puis il récita: «Muhammad n'est
qu'un Envoyé qu'ont précédé d'autres Envoyés. Se pourrait-il, s'il mourrait ou était tué, que vous
reveniez sur vos pas? »(3:144) Ainsi, chaque Envoyé, chaque Saint [qui en est l'héritier] est-il un
héraut appelant les hommes à DIEU, l'IMMUABLE Qui ne connaît pas de fin. Mais ces hérauts ne
sont eux-mêmes que des manifestations de DIEU et les formes dont IL s'est revêtues. Car c'est LUI le
Héraut Qui se convie à LUI-MEME et par LUI-MEME. IL est à la fois CELUI Qui appelle (Se manifestant
et Se Déterminant à travers la forme de ses Envoyés et des Maîtres Spirituels) et Celui qui est appelé
(Se manifestant et Se Déterminant à travers la forme des aspirants [à la Voie])! Et cet appel IL
l'adresse à LUI-MEME ; envisagé sous Sa fonction de « Divinité» (Ulûhiyya) mais non au degré de son
Absoluité…
15
Le Serviteur du Prophète en Mauritanie :
L'histoire de Cheikh Ahmad ibn Buddi
Ce récit particulièrement prodigieux fait partie des témoignages recueillis par Cheikh Mouhammadou Lamine
Diop Dagana (m. 1967), ancien Imam de la Mosquée de Diourbel, scribe et disciple du Serviteur du Prophète
ayant eu à vivre près de lui et dont la Crainte Révérencielle et la Piété sont restées légendaires. Son œuvre
d'historien et de chroniqueur de la vie du Cheikh consista, en plus des événements auxquels il a eu
personnellement à assister, en des enquêtes de terrain auprès des principaux témoins des faits relatés. Ces
événements ci, repris de son ouvrage maître Irwâ'u Nadîm (L'Abreuvement du Commensal) se sont passés lors
du second exil de Cheikh Ahmadou Bamba en Mauritanie…
"(…)Les Halawi (une tribu de la Mauritanie) affirment qu'ils n'ont jamais su la raison pour laquelle le
Cheikh [Ahmadou BAMBA] avait baptisé leur point d'eau [situé à Jârariyah] Birru-I-Qayr (le "Puits
des Bienfaits"), étant donné qu'il n'en existait pas ailleurs sous cette appellation et qu'on entendit
jamais parler d'un puits portant un tel nom même chez les Anciens. Ceci jusqu'au jour où le Cheikh
Ahmad ibn Buddi fut inhumé exactement prés dudit point d'eau… Ils surent alors le secret de cette
dénomination et se rendirent en même temps compte de la force de perception spirituelle (Kashf)
du Cheikh. Au sujet de ce Cheikh Ahmad ibn Buddi, le Serviteur du Prophète a dit et écrit maintes
choses [que nous allons ici vous dévoiler] (P.125)
Mon ami et frère Cheikh Ibrahima Amar, plus connu sous le nom de Ibra Dior, m'a relaté l'histoire
suivante : " Le Cheikh [Ahmadou Bamba] m'envoya un jour, de Sarsara (ou de Tintou Mouhzin, je ne
me souviens plus), pour aller à Saint-Louis lui acheter un livre intitulé Mawâhibou Ladouniya (Les
Dons Provenant [de DIEU]), composé par l'imam Khastalâni. Je me rendis dans cette ville et y
éprouvai toutes les peines du monde sans toutefois arriver à mettre la main sur ledit ouvrage. Je
dus finalement me résoudre, infiniment abattu, à rebrousser chemin [et à rentrer en Mauritanie].
Arrivé à la hauteur de la localité où résidé Cheikh Ahmad ibn Buddi, une de mes connaissances, je
pensai faire un détour chez lui histoire de le saluer et de lui rendre une petite visite. Lorsque j'arrivai
dans sa concession, il manifesta une grande joie et m'accueillit à bras ouverts. Quant je me fus
reposé en un lieu [qu'il m'aménagea], nous entrâmes en une conversation au cours de laquelle il
s'enquit de l'objet de mon voyage ; ce à quoi je lui révélai que le Cheikh m'avait envoyé à SaintLouis et ainsi de suite… Je lui appris également mon affliction de ne pas trouver l'objet de ma
quête. Alors, incontinent, le Cheikh [Ahmad ibn Buddi] se leva et se mit à fureter parmi ses livres
jusqu'à en retirer les deux tomes de l'ouvrage qu'il me tendit en disant : "Dis au Cheikh que ceci est
un don de ma part, pour la Face de DIEU". J'en conçus une joie extraordinaire et le Cheikh [à qui je
remis le présent] en éprouva une plus grande encore; satisfaction aussi bien pour le livre que pour
l'auteur du don…" [Ceci constitua le prélude des liens qui allaient plus tard se nouer entre le
Serviteur du Prophète et le Cheikh Ahmad ibn Buddi]…(P.127-128)
Al Hâj Muhammad ibn 'Aba, appelé aussi du nom de [son père] Cheikh Ahmad ibn Buddi, m'a
raconté que son père, avait un jour écrit (ou s'était adressé de vive voix) au Cheikh [Ahmadou
Bamba] pour lui demander de transmettre ses salutations au Messager de DIEU (Paix et Salut sur
Lui) et à Cheikh Ahmad Tidjâne (Que DIEU TRES-HAUT soit Satisfait de lui)* et qu'il espérait en retour
* Les Halawi appartiennent à la Tidjania et sont très renommés pour leur science et leur piété.
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recevoir les leurs… Le Cheikh lui écrivit alors, en retour, que le Messager de DIEU (sur Lui la Paix et le
Salut) lui rendait ses salutations, de même que Cheikh Ahmad Tidjâne…(p.125)
Cette ode [du Serviteur du Prophète] ci-dessous constitue à la fois une réponse à la lettre envoyée
par Cheikh Ahmad ibn Buddi et son neveu mais aussi une répartie à ceux qui s'interrogeaient sur la
question "Est-il possible que l'Archange Gabriel revienne [en Messager auprès d'un humain]
après le Prophète Muhammad (Paix et Salut sur Lui) ?" :
Au Nom de DIEU, le CLEMENT, le MISERICORDIEUX.
[après avoir récité la Salât Fatiha…]
[Cette ode a pour objet] de faire connaître à Cheikh Ahmad ibn Buddi, à Muhammad
Hafîz, et, en dehors d'eux à tous les Halawi, hommes et femmes, et, par delà ceux-ci, à
tous les Musulmans et Musulmanes que :
le Prophète de DIEU (sur Lui la Paix et la Bénédiction de DIEU TRES-HAUT, ainsi que sur
sa Famille et sur ses Compagnons) rend son salut à Cheikh Ahmad ibn Buddi,
Cheikh Ahmad Tidjâne (que DIEU TRES-HAUT Soit Satisfait de lui) lui rend également
son salut,
Le Prophète de DIEU (sur Lui la Paix et la Bénédiction de DIEU TRES-HAUT, ainsi que sur
sa Famille et sur ses Compagnons) honore Cheikh Ahmad ibn Buddi d'une estime pareille
à celle qu'il réserve à un frère de sang et qu'il bénéficie désormais de l'Agrément de DIEU
TRES-HAUT qui le préservera, durant toute son existence, de toute source de terreur ou
d'affliction et qui lui assurera, après sa mort, la Miséricorde
Cheikh Ahmad Tidjâne (que DIEU, TRES-HAUT Soit Satisfait de lui et l'élève plus prés de
LUI) le considère tel son propre fils de telle sorte que quiconque ayant reçu le Wird
tidjane de ces deux Cheikh [Ahmad ibn Buddi et Muhammad Hafîz ] (Que DIEU,TRESHAUT Soit Satisfait d'eux, leur assure la Sécurité de même que Sa Miséricorde), puis s'en
détourne par esprit de négation, pour se diriger vers quelque autre Maître Spirituel, celuilà causera sa perte ici-bas et dans l'Au-delà (Puisse DIEU nous en préserver). Par contre
quiconque ayant reçu ce Wird de l'un d'entre eux et le pratique, celui-là acquerra le
profit ici-bas et, s'il meurt dans cette situation, celui de l'Au-delà.
Afin que quiconque aura jeté un œil sur ces mots sache qu'ils furent retranscrits de la
bouche même de Cheikh Ahmad Tidjâne (que DIEU, le TRES-HAUT, Soit Satisfait de Lui) qui
les a transmis à l'auteur de ces vers ci [Le Serviteur du Prophète (PSL)]…
Une Salutation, Excellente et au-dessus de tout autre salut source d'harmonie, a été
rendue… Salutation transmise par l'esclave de DIEU et Serviteur du Prophète Elu [le
Cheikh], à celui qui obtint l'Elévation [Ahmad ibn Buddi] Ô toi Auguste Cheikh ! tu es
désormais préservé de tout mal Toi, ainsi que tous ceux qui suivent tes traces, êtes
sécurisés, d'ici jusqu'à votre entrée au paradis, de toute privation de bien L'ETERNEL t'a
accordé la Sécurité contre l'ensemble des maux, par la Grâce du [Prophète] Choisi Par
Excellence, le Détenteur de l'Etendard, Et par celle de ton Maître, l'Agréé [Ahmad]
Tidjâni, celui-là qui, parmi les Nobles [Hommes de DIEU], paraît avec l'éclat étincelant du
corail Paix et Salut soient sur la Meilleure Créature de DIEU, celle à qui IL a Accordé
Eminence et confié Ses Versets [le Prophète] Que l'Agrément, source d'harmonie, de
l'ETERNEL soit ensuite accordé à [Ahmad ibn Buddi], ce Saint homme dont l'imitation est
éminente…"(p.128-131)
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Mon informateur [Al Hâj Muhammad ibn 'Aba] m'a raconté : "Cette nouvelle mit mon père dans un
inexprimable état d'exaltation tel qu'il ne cessa, à partir de cet instant, de hocher la tête, frappé
par [un tel prodige] qui déroutait son esprit. Et il ne cessa de se conduire de cette façon étrange
jusqu'à ce qu'il rendit l'âme…[Il faut préciser que] notre concession se trouvait à une longue
distance du lieu de résidence du Cheikh et que nous n'avions encore mis personne au courant de
la nouvelle du décès, qui eut lieu au cours de la nuit ; et [mieux] certains [habitants de la maison]
n'apprirent la chose que lorsque survinrent, tôt le matin… des messagers du Cheikh ! Ils nous dirent
qu'ils avaient été envoyés par le Cheikh pour qu'ils puissent assister à l'inhumation de notre père et
présenter ses condoléances aux siens…"
Il [Cheikh Ahmadou Bamba] écrivit en outre une ode démontrant la Place de Choix qu'occupait
ce Cheikh [Ahmad ibn Buddi ] auprès du Prophète (P.S.L.), éminence qui lui valut cet honneur
insigne [provenant du Messager (P.S.L.)]. Il disait dans ce poème :
Ceci est la Rétribution accordée à l'honorable Ahmad ibn Buddi et à son Calife…
Au nom de DIEU, le CLEMENT, le TOUT-MISERICORDIEUX.
Puisse DIEU accorder Son Salut à notre Seigneur et Maître Muhammad, à sa Famille et à ses
Compagnons, et puisse-t-IL leur assurer la Paix…
Il est descendu des cieux la nuit du décès de l'honorable Ahmad ibn Buddi, l'Esprit Saint [l'Archange
Gabriel] (sur lui la Paix) accompagné d'un grand nombre d'Anges, afin de rendre hommage à
l'éminent Ahmad ibn Buddi pour sa bonne opinion envers l'Esclave de DIEU et Serviteur du Prophète
[que je suis]. Ainsi DIEU, le PRE-ETERNEL, le SUBSISTANT, ne manqua-t-Il pas de l'honorer ; et [les
Anges] ne s'en retournèrent en cette nuit vers le ciel qu'en ramenant son âme en parfait état
d'apaisement. Cette Faveur procède d'une promesse qui lui fut faite et d'autres [Privilèges] dont le
Serviteur [du Prophète] va, ici, donner un aperçu :
Est venu l'Esprit Saint - c'est vraiment Lui qui apporte consolation ! - en compagnie d'une Troupe
Sublime lorsqu'il fallut à Ahmad [ibn Buddi] s'en aller Ahmad a reçu auprès de DIEU ce qu'il
escomptait et eut à contempler, de façon manifeste, les Bienfaits provenant de la Porte [de la
Miséricorde] qui jamais ne se ferme DIEU a récompensé celui qui offrit un présent au Serviteur [du
Prophète] envers qui DIEU s'est montré GENEREUX de Ses Bienfaits - c'est vraiment LUI Qui fructifie !
C'est de DIEU le PROPRIETAIRE du Trône, que j'escompte la faveur de faire largesse de Ses Dons∗ ∗
à [Ahmad], l'auteur du cadeau, qui fait désormais partie des Bienheureux couronnés… Et il est,
certes, devenu pleinement évident pour lui, dans l'Au-delà où il se trouve, que je suis le Serviteur
Incontestable du [Prophète Muhammad] Investi de la Primauté et de la Précellence, le Détenteur
du Diadème… Est ainsi parti [Ahmad ibn Buddi], Seigneur des Nobles, celui-là qui reçut la
Prééminence, grâce à celle de [Cheikh Ahmad Tidjâne], Guide dont le Wird restera à tout jamais
une voie [vers le Salut]
Que soit sur ce Seigneur des Nobles l'Agrément de [Cheikh Ahmad
Tidjâne] et celui de la Meilleure Créature, le Magnifique [Prophète] Je prie aussi DIEU de
Satisfaire les desseins de son calife [le successeur de Ahmad ibn Buddi] par l'entremise du
[Prophète] aux Lumières Eclatantes Sur Lui la Paix de [DIEU], Celui Qui l'a guidé par Sa Grâce et
l'a Elevé, lors de son Voyage Nocturne(Isrâ), vers des Degrés Sublimes…
Que la Paix, la Miséricorde et la Bénédiction de DIEU soient sur vous…"
∗∗
"faire largesse de Ses Dons..." Cette subtile allusion renvoie, pour Serigne M.L.Diop, au livre offert en cadeau
au Cheikh intitulé Mawâhibou Ladouniya (Les Dons Provenant de [DIEU]).Ainsi cet ouvrage au titre
prémonitoire ne fut que le motif apparent de réalités spirituelles plus profondes, à savoir la Consécration qui
était réservée à cet homme de bien par la Grâce du Serviteur du Prophète…
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