21 septembre Opération Typhon
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21 septembre Opération Typhon
21 septembre Sur le Front Mer Baltique Saaremaa – Un raid aérien soviétique coule la Nymphe, c’est-à-dire l’ancien garde-côtes cuirassé norvégien Tordenskjöld, reconverti en bateau-flak. Sorti des chantiers de Newcastle en 1897, c’était sans doute un des plus vieux navires de la Kriegsmarine. Mais, même en remorque, il flottait et sa silhouette criblée et cabossée était constamment présente sur les plages par lesquelles passe le ravitaillement de l’île. Pour les vétérans de Saaremaa, sa perte est de mauvais augure. Ils ignorent que leur évacuation est déjà décidée. Secteur nord Moscou – Devant les mauvaises nouvelles en provenance d’Ukraine, la Stavka ordonne que la première phase de l’offensive des Fronts Baltes (opération Iskra), prévue pour le 11 octobre, soit avancée au 1er. Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – En tête du 2e PzG, des éléments des 17. et 3. PzDiv tentent peu après l’aube de traverser la “Petite Seym”. Cet affluent de la Desna coule au nord des marais de l’Ost’or ; bien que “petite”, elle fait 15 à 20 mètres de large et son fond, très mou, impose le passage en bateau ou la mise en place de ponts. Les sapeurs et pontonniers allemands ont d’abord affaire à la 241e DI, déployée autour de Veresotch par le major-général A.I. Lopatine (47e Armée). Les cavaliers de la 126e DC (2e Corps de Cavalerie, Belov) s’empressent de se joindre à la lutte. Ce n’est qu’à partir de 08h40 que les premiers chars de la 17. PzDiv passent la Petite Seym sur des bateaux ; ceux de la 3. PzDiv doivent attendre 09h30. Tous avancent prudemment dans la brume matinale, qui peut cacher une embuscade. Mais à partir de 10h00, quand cette brume se dissipe, le 589e Rgt d’Artillerie, qui soutient les fantassins soviétiques, fait sentir sa présence en engageant les troupes concentrées sur la rive nord. A 10h30, il devient clair que le franchissement sera plus difficile que prévu. Reinhardt fait donner la Luftwaffe pour museler les canons soviétiques, mais les premiers Stukas n’attaquent pas avant 11h30. A ce moment, l’une des trois têtes de pont allemandes a subi une contreattaque si féroce que les cavaliers soviétiques ont atteint la berge de la rivière et n’ont été repoussés que par le tir direct des chars et des canons d’assaut postés sur la rive nord. Von Weber et Breith ne peuvent annoncer que la situation est sous contrôle avant 12h30. En début d’après-midi, les chars allemands transportés sur la rive sud sont assez nombreux pour éliminer ses défenseurs, mais le premier pont de bateaux n’est pas mis en place avant 16h00. A l’est, dans le secteur du 3e PzG, les troupes allemandes parviennent à consolider leurs positions sur la rive sud de la Desna, à Mekoshino. Tôt dans la matinée, Lopatine, qui commande la 47e Armée, lance cependant une contre-attaque avec la 141e Brigade Mécanisée et la 139e Div. Mot. Comme du côté du 2e PzG, la visibilité est très médiocre jusqu’à 09h30. Dans la brume, des chars soviétiques s’infiltrent au milieu des têtes de pont allemandes et arrivent dangereusement près des ponts de bateaux que les Allemands ont bâtis dans la nuit. Mais ils sont arrêtés et détruits l’un après l’autre par les canons antichars et l’action efficace d’équipes armées de grenades, avant d’avoir pu gêner sérieusement la traversée. Cependant, la bataille qui se poursuit autour de Mekoshino retarde la 12e PzD (Harpe), qui ne commence pas à marcher sur Bakhmach avant le milieu de l’après-midi. ……… Devant les difficultés rencontrées sur les deux fronts, Guderian ordonne d’envoyer de petits détachements blindés en pointe pour enlever Nejyne et Bakhmach avant que les positions soviétiques n’y soient stabilisées. En face, le général Alexandre M. Vassilievsky rencontre à Kiev avant son départ le maréchal Chapochnikov. Malade, celui-ci doit, à sa demande, rentrer à Moscou. Après avoir reçu le commandement de la Direction stratégique Ouest, Vassilievsky s’entretient au téléphone avec les généraux M.P. Kirponos et I.S. Koniev, commandant les 1er et 2e Fronts d’Ukraine, pour se faire une idée plus précise de la situation sur le terrain. … L’offensive de l’aile sud – Le temps se dégrade au cours de la journée. Les nuages bas vont donner des pluies qui empêcheront les avions des deux camps de voler dans l’après-midi. C’est dans ces conditions que Kleist déclenche son opération contre la 14e Armée Soviétique. Le KampfGruppe Hube et la Division SS Wiking attaquent par le nord, tandis que le Corps d’armée hongrois doit attaquer d’ouest en est. Cependant, les Hongrois ont eu quelque mal à se mettre en position et vont attaquer vers le sud-est, en direction d’Uman’, qui est contrôlé par la 45e Armée Soviétique. Les chars allemands rencontrent initialement une faible résistance. Mais, vers 10h00, alors qu’ils approchent de Jachkiev (Zhashkiv), ils se heurtent aux 32e et 61e Brigades blindées soviétiques. Un combat féroce se déroule alors, qui durera jusqu’à midi et verra la presque complète annihilation des deux brigades, mais au prix d’une cinquantaine de chars allemands. Ces deux heures de répit ont permis à Rokossovsky de faire monter son artillerie vers la ligne de front et, quand les blindés allemands veulent reprendre leur avance vers 13h00, ils sont l’objet de feux très précis de canons antichars et même du reste de l’artillerie, opérant en tirs directs. Après plus de deux heures et demie d’une partie de cache-cache sanglante, 27 chars supplémentaires sont détruits ou endommagés. Le général Hube décide alors d’arrêter l’attaque. Du côté hongrois, l’attaque est déclenchée par la Division Blindée (Pancelos Hadosztaly) et les 7e et 9e DI. Elles vont se heurter aux unités de la 45e Armée : 4e Brigade Antichar, 40e et 131e Brigades Blindées et deux divisions de fusiliers. Les chars hongrois, certes de bonne qualité, sont trop légers pour pouvoir percer de telles défenses. Les pertes vont très vite monter – au soir, pas moins de 69 Pz-38t et 11 Turan-I ont été détruits et le commandement magyar admet l’échec de l’opération. En contre-attaque, les deux Brigades Blindées vont même réussir une percée dans le dispositif hongrois ; cependant, les Soviétiques ne poussent pas leur avantage. Inquiet pour Rokossovsky, Bagramyan rappelle ses chars pour les envoyer vers le nord. Ils atteindront Jaskhiev vers 17h00, constituant un renfort bienvenu. ……… Sous une pluie battante, le calme revient sur le champ de bataille où, des deux côtés, on trouve sujet à réflexion. Pour les Allemands, la demi-victoire sur la 14e Armée a dégagé le flanc droit de Kleist, mais à un prix très lourd. Du côté soviétique, si la nette victoire sur les Hongrois a renforcé le moral, les pertes subies par la 14e Armée – qui n’a pratiquement plus de chars en propre – sont préoccupantes. Cette armée va d’ailleurs devoir se porter vers l’est pour établir plus solidement le contact avec les restes du groupement de Dovator. Cependant, une journée supplémentaire a été gagnée, et elle a été mise à profit pour débarquer les éléments lourds de la 58e Armée ainsi que les premiers éléments de la 59e Armée. Siège d’Odessa Entre Velyka Balka et Usatove (au sud de Drachne, au nord-ouest d’Odessa) – Malgré les échecs répétés subis autour de Drachne par les troupes de l’Axe, le XXX. ArmeeKorps Roumanie de von Salmuth prépare une nouvelle offensive au sud de cette ville ruinée par les précédents combats. Le but est de briser la ligne de défense établie par la 157e DI entre les villages de Velyka Balka et Usatove, puis de se rabattre derrière Drachne, de manière à encercler les troupes soviétiques qui s’y sont retranchées. La veille, un Fieseler Storch envoyé en reconnaissance a signalé de nombreuses traces de chenilles dans les champs, suggérant la présence de blindés ennemis cachés dans les bois, à proximité de la ligne de front. Mais ce n’est pas un problème pour les Allemands. La 198. Infanterie-Division, sévèrement ébranlée par les combats des dernières semaines, a en effet reçu un cadeau – faute de remplacements assez nombreux : deux Pz V Ausf C Leopard équipés d’un canon de 75 mm/L46. Quand aux Roumains, ils ont saisi l’occasion de tester en combat la compagnie 61 TACAM, tout juste créée. Cette unité est rattachée au 1er Rgt de chars, mais elle est autonome et destinée à être envoyée sur les points chauds. Elle est dotée de plusieurs TACAM T-50 (Tun Anticar pe Afet Mobil T-50 ou canon antichar sur affût mobile T-50) : ce sont des chasseurs de char bricolés avec des châssis de T-50 capturés et remis en service par les soins des armuriers roumains. Au petit matin, les deux Leopard, appuyés par un Marder II, gagnent les premières lignes : un réseau de tranchées tenu par les troupes du 39e Rgt d’Infanterie roumain. Trois canons antichars de 37 mm et quatre mitrailleuses ZB vz.26 renforcent cette mince ligne de défense, ainsi qu’un unique Panzer IVd généreusement offert à l’armée roumaine par le Reich. En seconde ligne, un canon de 75 mm CA Mle 1917 1 et deux mitrailleuses ZB Vz.30 assurent une DCA symbolique. Cette zone du front est assez calme, les combats ayant lieu plus au nord. Une bonne moitié des soldats roumains sont occupés à prendre leur petit déjeuner ou à fumer une cigarette lorsque l’alarme retentit. Loin d’être surprise par les préparatifs des Germano-Roumains, l’Armée Rouge a pris l’initiative. Pendant toute la matinée, plusieurs vagues d’infanterie soviétique montent à l’assaut des lignes roumaines, avec ou sans appui blindé. Informé de l’attaque, le général Orasanu ordonna aux 12e et 17e Rgt d’Artillerie d’appuyer les défenseurs et les deux camps se livrent un duel d’artillerie. A ce jeu, les Soviétiques prennent l’avantage, mais cela ne compense pas la destruction de la plupart des blindés à l’étoile rouge par les Leopard et les chasseurs de char roumains – le Marder a été éliminé dès le premier assaut. Enfin, un coup chanceux déchenille l’un des Leopard, qui sera détruit par un barrage d’artillerie lourde, mais il est trop tard. L’attaque a échoué. Les Soviétiques ont près de 800 tués contre un peu moins de 200 morts (Roumains pour la plupart) dans les rangs de l’Axe. Mais les Soviétiques ont au moins réussi à empêcher l’offensive de l’Axe. En tout cas, le général Orasanu, ayant perdu une bonne partie de ses éléments blindés, annule l’attaque prévue pour le lendemain. 22 septembre Sur le Front Mer Baltique Saaremaa – Avant l’aube, les Allemands évacuent le bourg de Kuressaare : ils ne conservent guère que la petite péninsule de la Sorve. Les soldats soviétiques qui occupent le bourg abandonné mettront plusieurs jours pour le nettoyer (non sans pertes) de mines antipersonnel, cachées dans les endroits les plus inattendus. Un démineur se souviendra que l’une d’elles était reliée par un cordon à un cendrier marqué « Hôtel Beaurivage, Concarneau » ! C’est que le 62e Régiment de la 61. ID avait été stationné là-bas à la fin de 1940. Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – Sur le front du 2e PzG, la 3. PzDiv s’ébranle dès 02h30 vers Nejyne. Mais dans la faible lueur de l’aube, les chars de Breith se heurtent de plein fouet à ceux des 35e et 127e Brigades Blindées, 6 km au nord de la ville. Le commandement allemand 1 Canon anti-aérien belge de fabrication française, capturé par les Allemands en mai 1940 et cédé aux Roumains. ne s’attendait pas à une si forte concentration de troupes soviétiques à ce moment de l’offensive. En réalité, Guderian se trouve face à l’ancien “Front du Dniepr”, utilisé comme réserve stratégique. La contre-attaque des hommes de Belov stoppe net l’attaque de Breith. Les avant-gardes allemandes sont tout simplement trop peu nombreuses pour écarter deux brigades blindées à plein effectif. Une certaine panique se fait même jour dans la 3. PzDiv et Breith doit venir personnellement en première ligne pour rétablir la situation. Les choses ne vont guère mieux pour le 3e PzG. La 12. PzDiv (Harpe) tombe sur un groupe de combat soviétique combinant des éléments de l’aile droite de la 47e Armée et de fortes unités de la 44e Armée (173e DI, 110e Brigade Blindée et 4e Division d’Artillerie). De plus, les VVS, à peu près absentes du champ de bataille la veille, réapparaissent en force. Du coup, les Allemands sont stoppés à mi-chemin entre Mekoshino et Bakhmach. Guderian estime que la situation est si grave qu’il réunit à la fois Reinhardt, Hoth et Lemelsen en début d’après-midi. Il est devenu évident que les renseignements allemands ont été gravement fautifs et que les forces soviétiques sont bien plus nombreuses et disposées plus en profondeur qu’on ne s’y attendait. Les premiers échelons des deux PzG ne sont pas loin d’être épuisés. Guderian se voit obligé d’engager le second échelon pour percer à Nejyne comme à Bakhmach et pouvoir foncer sur Krementchug et Poltava. Côté soviétique, les nouvelles du jour ont fait beaucoup de bien au moral du colonel-général Cherevichenko. Il sait que son Front de la Desna Inférieure doit livrer bataille sur deux axes et que l’action des forces mobiles sera décisive. En début de soirée, il rencontre à Konotop le général Joukov, chargé de la supervision des deux fronts de la Desna. Celui-ci libère le Groupe Mobile Tchernyakovsky, rebaptisé 1ère Armée Blindée le jour suivant à 00h00. De plus, Joukov obtient de Vassilievsky, nouveau chef de la Direction Ouest, le transfert du Groupe Mobile Chanchibadze du 1er Front d’Ukraine au Front de Cherevichenko. L’offensive de l’aile sud – La poussée allemande vers le Dniepr reprend, cette fois sous l’autorité de Sepp Dietrich. De Belaja Tcherkov, son Kampfgruppe avance sur Mirovnika. Le temps reste très mauvais, il pleut presque sans arrêt et ni la Luftwaffe ni les VVS ne pourront effectuer de missions de toute la journée. Sur des routes très boueuses, les colonnes allemandes s’étirent vers le sud-est. Peu avant Mirovnika, une canonnade nourrie annonce que le contact a été repris avec les forces de Dovator. Ce dernier a rassemblé les restes de ses trois divisions de cavalerie pour constituer l’équivalent d’une grosse division. Il a aussi sous ses ordres ce qui reste de la 140e Division d’Infanterie (et des autres unités de la 16e Armée) et ce qui a pu être sauvé de la 11e Division d’Artillerie. Les deux brigades blindées ont été rassemblées en une seule unité, qui a reçu quelques chars des dépôts. Au total, Dovator dispose d’environ 80 chars (19 KV-1, 33 T-34, 18 BT-5/7 et 9 T-26) et 13 automitrailleuses BA-45. Avec ces troupes, il doit freiner l’avance ennemie et couvrir le déploiement des 58e et 59e Armées. A plusieurs reprises, Sepp Dietrich demande à l’aviation de neutraliser l’artillerie ennemie, mais la Luftwaffe répond par la négative en raison des conditions atmosphériques. Vers 15h30, les troupes sont au contact et des combats acharnés ont lieu devant Mirovnika, le long de la ligne de chemin de fer parallèle au Dniepr. Vers 17h30, constatant que ses troupes d’appui n’ont pas encore rejoint, Dietrich se décide à interrompre l’attaque. Pour Vassilievsky, c’est l’indication que l’on entre dans une nouvelle phase de la bataille. Après s’être concerté avec Koniev et ses subordonnés, il décide d’ordonner à Dovator de replier toutes ses troupes sur Mirovnika et d’abandonner Boguslav, sur son aile gauche. Il lui donne pour mission de tenir encore une journée, puis il l’autorise à se retirer vers Kanev, où il pourra compter sur l’appui des canons de la Flottille du Dniepr du Sud. Siège d’Odessa Le matériel humain Odessa – « Attaquez ! » « Chargez, repoussez les fascistes ! » « Luttez jusqu’au dernier homme, mais ne laissez pas l’ennemi prendre un mètre de plus de la patrie du socialisme ! » « Ceux qui se rendent sont des traîtres ! » « Fusillez les lâches ! » Depuis deux mois, des ordres de ce genre sont donnés partout sur le front d’Odessa. Pour les commissaires politiques et certains officiers, le matériel humain est une ressource peu coûteuse et facilement disponible. L’Armée Rouge a contre-attaqué, et contre-attaqué encore, et encore, et encore, partout où elle le pouvait, à la moindre occasion. Et quand il s’agissait de défendre, des affrontements furieux et guère plus économes en vies humaines ont eu lieu pour s’accrocher à chaque pouce de terrain. A ce jeu, les divisions défendant ce front ont fondu. Les hommes ont chargé comme on le leur ordonnait et ils sont tombés sous les balles des mitrailleuses ou les obus des mortiers. Ils sont tombés en défendant un immeuble en ruines ou un bout de tranchée, écrasés par les chenilles des chars, déchiquetés par l’artillerie. Et les Allemands ont continué à avancer. Lorsqu’Odessa s’était retrouvé encerclée, les problèmes de ravitaillement et d’effectifs étaient devenus cruciaux. Les navires qui continuaient à accoster déchargeaient des munitions, des blindés, des canons, quelques vivres, mais plus de soldats pour remplacer les hommes tombés jusque là – les renforts étaient trop précieux ailleurs. Alors des affiches avaient été placardées. Des milices avaient déjà vu le jour aux premiers jours du conflit, pour défendre un point stratégique, une usine ou un village. Des volontaires de tous âges et des deux sexes avaient également rejoint l’armée. Mais cette fois, on mobilisait tout le monde. Des colonnes d’hommes âgés, d’adolescents de plus de 14 ans et de femmes s’étaient formées devant les bureaux de recrutement. A présent, ce sont ces femmes, ces presque vieillards, ces quasi-enfants, souvent sans uniforme, parfois armés d’un fusil et de quatre chargeurs pour deux, qui sont envoyés arrêter les Allemands, avec leurs casques d’acier, leurs bottes de cuir, leurs mitrailleuses et leurs tanks. Et malgré leur sacrifice, partout, les forces de l’Axe prennent d’assaut les fortifications et pénètrent en ville. Les tranchées et les bunkers, occupés par des miliciens mal armés et mal entraînés, n’offrent qu’une résistance symbolique. Les hommes qui auraient pu s’y accrocher pour arrêter les forces de l’Axe étaient morts lors des sanglants affrontements des deux premiers mois. Un dicton militaire l’affirme : « Il n'est de bons murs que de bons hommes ». Aucune muraille n’est plus résistante que les hommes qui la défendent. L’agonie d’Odessa vient de commencer. Mais elle sera longue. ……… Cauchemar Entre Velyka Balka et Usatove (au nord-ouest d’Odessa), 02h30 – « La nuit était bleutée, plate, sans relief. Elle n’était pas obscure. Le caporal Marius Naescu discernait l’herbe comme une étendue grise sans détails. Les arbres qui poussaient ici et là, parfois regroupés en bosquet, étaient des formes noires comme peintes directement sur la toile terne du sol. Bizarrement, ce qui ressortait le mieux, c’était le bois blanc de la barrière qui délimitait les champs sur la droite. De ce côté, à quelques mètres, le soldat Gregori, à genoux derrière la barricade de sacs de sable, actionnait un projecteur d’un mouvement régulier. Le faisceau de lumière jaune balayait le terrain et rendait sa couleur à l’herbe avant de raser le sommet des arbres sur la gauche. Par moments, il croisait le rayon du deuxième projecteur. Nerveux, le soldat Moldoveanu se crispait sur la crosse de son ZB vz.26. La mitrailleuse tchèque à chargeur attendait le moindre mouvement que révélerait le projecteur. Marius Naescu se souvint d’une nuit où il s’était réveillé et avait découvert pour la première fois le silence ouaté qui saisissait le monde lorsque les humains fermaient les yeux. Mais ici, sur le front, il n’y avait ni sommeil ni sérénité. Le claquement d’un coup de feu, non loin, le fit tressaillir. Il s’écoulait rarement plus de dix minutes entre deux tirs. On ne savait jamais vraiment qui tirait contre qui. Un Roumain un peu nerveux ou un Rouge qui visait une sentinelle ? D’autres détonations suivirent, comme c’était souvent le cas. Après un premier coup de feu, les sentinelles, nerveuses, tiraient sur leurs fantômes. Le caporal interrompit sa réflexion. Tendu, il se redressa légèrement. Qu’est-ce qui bougeait là-bas ? Une forme noire était apparue sur le fond plus clair du sol. A gauche de l’arbre ? Non, à droite… attends ! Non, il y avait bien une à gauche, mais aussi une à droite. Et là… en fait, il y en avait plein ! Le faisceau du projecteur revint sur les formes, les faisant s’égailler de toutes parts. Même à cette distance, Naescu reconnut enfin des hommes qui sortaient de la forêt. Des Rouges ! Il n’eut pas besoin de donner l’alarme. Le soldat Moldoveanu avait aussi vu et compris, et il réagit instantanément. Son vz.26 se mit à cracher de courtes rafales. Les hommes qui dormaient se réveillèrent en sursaut alors que les autres mitrailleuses et les fusils tonnaient à leur tour et qu’en face, l’ennemi ripostait. La guerre, la nuit, c’était une autre forme de terreur, une manière différente de combattre. Les sons ne changeaient pas. Le claquement bref et sec du fusil. La toux rauque de la mitrailleuse. Le choc étouffé et étrangement impressionnant d’une balle qui pénétrait dans une surface molle, sac de sable ou corps vivant. Les cris, les appels où se mêlaient excitation, peur, douleur, surprise… Mais on tirait, non sur des hommes, mais sur des formes noires qui couraient, se jetaient au sol, tiraient… on voyait l’éclair du coup, et parfois la forme se relevait pour reprendre son avance. Prêtant à peine attention aux soldats qui couraient autour de lui pour se poster derrière les sacs de sable, Marius Naescu cherchait des cibles. Son fusil M93 tressautait dans ses bras. Avec des mouvements de machine, le caporal éjectait une douille, visait, tirait... recommençait. Le canon de son arme suivait les formes, les cherchait dans les ténèbres. Mais celles-ci le cherchaient aussi. Un camarade s’effondra dans un gargouillis écœurant tandis que les sacs de sable tressaillaient sous les impacts. Le fracas d’un canon précéda d’un battement de cœur l’éclosion d’une éphémère fleur rouge dans les champs que traversaient les Soviétiques. Les ombres surgies de la nuit avaient aussi des armes lourdes. Leurs mitrailleuses martelaient les positions roumaines. Un sifflement retentit, allant crescendo. Juste le temps de se jeter au sol en priant avant que le monde tremble, secoué par l’obus de mortier qui venait de percuter le sol à quelques mètres. Marius Naescu se redressa, juste un peu secoué. Toutefois, des râles et l’odeur métallique du sang lui firent comprendre qu’il avait été chanceux. La mitrailleuse avait arrêté de tirer. Le projecteur était en miettes. Sans réfléchir, Marius Neascu repoussa le cadavre du soldat Moldoveanu pour empoigner la crosse du vz.26, la caler contre son épaule tandis ses mains trouvaient par réflexe les prises familières. Déjà l’arme crachait. Quelques rafales plus ou moins prolongées, puis changer de chargeurs. Il y avait une caisse entière à côté. Le caporal tira jusqu’à la dernière balle, puis demanda des munitions pour continuer. Finalement – au bout de cinq minutes, de cinq mille ans ? – les formes disparurent et un étrange silence s’abattit sur le front. La nuit était le domaine du cauchemar, jusqu’au moment du réveil. Un mauvais rêve ? Non, il y avait ces gémissements et cette odeur… Les gens qui croient à la grandeur de la mort du soldat devraient respirer l’odeur d’un champ de bataille. Les intestins hachés par les balles, ou qui se relâchent sous l’effet de la terreur… et l’odeur se mélange à celle du sang, de la sueur âcre née de la peur, de la poudre… » (D’après La Guerre dans les Steppes, Jean Mabire, Presses de la Cité, 1955) ……… Bataille de Svitle (premier jour) Entre Illichivka et Krasnosilka (banlieue est d’Odessa) – Pour les troupes soviétiques encerclées dans Odessa, le port de la ville joue le rôle de l’arrivée d’air pour un scaphandrier. Ces derniers jours, l’arrivée de trois mille hommes de renfort – que la Luftwaffe, occupée plus au nord, et la flotte roumaine, bien trop faible, n’ont pu empêcher – a eu un impact certain sur les combats. Les défenseurs affrontent les Allemands et les Roumains dans les faubourgs sud-ouest de la ville dans une série d’engagements acharnés. Chaque fois, le champ de bataille est une simple rue, l’objectif stratégique une humble maison. Une chambre devient un poste de tir, un étage devient une tranchée prise et reprise de multiples fois dans une même journée. L’artillerie soviétique tonne de jour comme de nuit, alimentée en obus par les cargos qui se succèdent à un rythme exténuant pour les dockers. Depuis dix jours, le XI. ArmeeKorps (Roumanie) a répété ses attaques pour atteindre la Mer Noire. Les Allemands ont réussi à acculer entre Sverdlove et le rivage l’artillerie du Corps de Cavalerie d’Odessa, défendue par des éléments hétéroclites des unités du corps (2e et 40e Divisions de Cavalerie et 388e DI). ……… Les premières maisons d’Illichivka ressemblent à des fortins. Criblés de balles, les murs ont été renforcés de sacs de sable, abritant des canons divisionnaires F-22 USV 76 mm mod.1939, des pièces anti-char 53-K de 45 mm et des mitrailleuses Maxim. C’est de ce côté la dernière ligne de défense d’Odessa. Mais dans ce secteur que s’avancent de nombreux soldats, le long d’un imposant train blindé portant deux tourelles de 76 mm. Dans les jardins des petites maisons installées de l’autre côté du chemin de fer, une batterie de trois mortiers de 120 mm mod. 1938 voisine avec des camions ZiS-5 du génie, une dépanneuse de char sur châssis de T-34 et deux tracteurs d’artillerie STZ-5. S’avançant entre l’infanterie et le train blindé, une automitrailleuse BA-10 dépasse un mélange hétéroclite de blindés – deux ou trois KV-1, une demi-douzaine T-34, autant de T-50 et même – survivants des combats des quatre mois précédents – un T-26 et un BT-7. Le signal de l’attaque est donné par le train blindé soviétique qui surgit des faubourgs près de Krasnosilka en ouvrant le feu. Les chars débouchent à leur tour, suivis par trois compagnies d’infanterie. Immédiatement, l’artillerie lourde fasciste se déchaîne, ouvrant des cratères au milieu des rangs des soldats. Les combats sont très violents. Les Soviétiques s’emparent de la première ligne de tranchées ennemies, mais une contre-attaque allemande sur le flanc manque de peu d’emporter les défenses d’Illichivka et de Krasnosilka. Les soldats soviétiques isolés dans la tranchée conquise au cours du premier assaut résistent jusqu’à l’épuisement de leurs munitions – quelques rares survivants finissent par se rendre. Au soir, en dépit de nouvelles offensives et contre-offensives meurtrières, les positions n’ont pas changé. Il y a juste davantage de cratères, des épaves supplémentaires et des cadavres toujours plus nombreux jonchant le no man’s land. 23 septembre Le soldat allemand passera l’hiver au chaud Rastenburg – Profitant de la bonne humeur d’Hitler suites aux nouvelles d’Ukraine, les militaires remettent sur le tapis un sujet quelque peu sensible : la distribution de l’équipement hivernal aux troupes. Cet équipement existe, mais comme Barbarossa prévoyait que l’URSS serait tombée bien avant l’hiver, rien n’avait vraiment été prévu pour le distribuer. Aujourd’hui l’OKH sait bien que, même si Taifun réussit, il faudra se battre l’hiver prochain. Pour faciliter les choses, l’état-major tourne la demande de façon à la présenter comme une façon de permettre aux soldats allemands de supporter plus agréablement les garnisons dans les froides contrées conquises, ce qui implique ainsi que la victoire est assurée… Hitler, cette fois, ne fait pas de difficulté pour donner son accord. Sur le Front Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – Du côté du 2e PzG, les hommes de Manstein (LVI.ArmeeKorps), qui ont avancé dans la nuit sous de fortes pluies et de violents orages, rejoignent le XLVII. PanzerKorps épuisé de Model et la 3. PzDiv pour attaquer en direction de Nejyne. Alors que le temps reste très mauvais toute la journée, empêchant les opérations aériennes des deux camps, les Soviétiques sont repoussés jusqu’à Nejyne, mais ils s’accrochent sur la rive sud de l’Ost’or (un autre affluent de la Desna). Dans le secteur du 3e PzG, le reste du LVII. ArmeeKorps (18. ID et 19. PzDiv) vient soutenir la 12. PzDiv de Harpe dans sa marche sur Bakhmach. Le temps est encore pire qu’à l’ouest du front ; les orages sont tels que le réglage des tirs d’artillerie à longue distance devient très difficile. Les forces allemandes progressent, mais lentement. Au crépuscule, elles n’ont pas encore atteint Bakhmach : il est clair que de considérables forces soviétiques sont déployées dans la région. En fin de journée, devant la bataille qui commence sur la ligne Nejyne-Bakhmach-Konotop, la Stavka ordonne la création à Kursk de nouvelles réserves avec des troupes venant du District militaire de Sibérie. L’offensive de l’aile sud – Sous des averses orageuses qui dureront jusqu’en début d’aprèsmidi, les troupes allemandes repartent à l’attaque. L’artillerie soviétique fait des coupes sombres dans l’infanterie allemande, mais Dovator sait qu’il aura besoin de ses chars pour arrêter l’ennemi. A partir de midi, les troupes soviétiques commencent à plier, alors que Sepp Dietrich engage la 57e Division d’Infanterie. Les Allemands entrent dans Mirovnika, où s’engage une partie de cache-cache mortelle entre les Panzer III et les BT-5/7 et T-26. L’aviation soviétique, malgré la météo, réussit à bombarder les positions de départ allemandes (ses aérodromes sont au sud-est et le front nuageux se dirige vers le nord), mais Dovator doit songer à décrocher pour ne pas être détruit. Couvertes par l’artillerie, qui opère en tirs directs non sans subir de lourdes pertes, ses troupes peuvent se dégager de Mirovnika vers 16h30 tout en infligeant des pertes sensibles aux assaillants. À 18h00, Sepp Dietrich peut-être satisfait. Il a pris Mirovnika et repoussé les Soviétiques vers le fleuve. Il peut désormais progresser vers Korsun-Chevchenkivsky, le long de la voie ferrée. A la nuit, ses troupes ont fait la moitié du chemin. Cependant, sur un terrain détrempé, les chars allemands – dont la pression au sol est plus forte que celle de leurs adversaires – ont pris du retard. Qui plus est, les Soviétiques ont gagné une autre journée et les 58e et 59e Armées sont désormais presque totalement à pied d’œuvre. Elles ont renforcé leurs positions sur la rive droite du Ros’ et affermi leur liaison avec la 14e Armée, dont les restes ont pris position autour d’une boucle d’un autre affluent du Dniepr. Au nord du secteur, la 26e et la 6e Armée, arc-boutées autour de Kiev, obligent la 17e Armée allemande à étirer son dispositif pour maintenir le contact avec la Panzer Armee. Siège d’Odessa Effondrement Dachne (au nord et nord-ouest d’Odessa) – Après s’être réorganisé à l’ouest et au nordouest d’Odessa, le XXX. ArmeeKorps du général von Salmuth se prépare à attaquer sur un large front. En face, les Soviétiques ont dégarni la défense de Dachne. Depuis que la 157e DI a été envoyée à l’est de la ville, seules des unités du NKVD, des miliciens et des troupes des régions fortifiées continuent à tenir cette position. Ils n’ont aucun blindé à l’exception de vieilles automitrailleuses Ford-A Izhorzskiy et d’un unique char multitourelle T-28e extrait des entrepôts de l’armée. Lesquels ont aussi fourni des canons antichars M-30 (1-K) de 37 mm, d’une efficactié très médiocre sur des blindages de plus de 25 mm d’épaisseur. Seules les troupes du NKVD ont leur dotation normale en mitrailleuses Maxim et en FM DP 28. Mais, déployées sur la seconde ligne de tranchées, ces armes ne sont pas braquées sur les Allemands, mais sur les miliciens placés en première ligne, qu’il faut dissuader par tous les moyens de prendre la fuite. À 07h14 du matin, les pièces allemandes et roumaines commencent à pilonner les lignes soviétiques. Une demi-heure plus tard, les panzers surgissent des tourbillons de fumée et de poussière soulevés par les obus. Les blindés percent sans difficultés, écrasant les tranchées sous leurs chenilles et les contournant pour aller culbuter nid de mitrailleuses et positions antichars. Lorsque l’infanterie allemande et la cavalerie roumaine déferlent sur les lignes soviétiques, les rescapés n’offrent qu’une résistance sporadique. L’attaque provoque un véritable effondrement de la défense soviétique au nord d’Odessa. La 5e Brigade de Cavalerie roumaine du général Mainescu exploite la percée pour remonter vers le nord et prendre à revers l’une après l’autre les positions soviétiques. Pendant ce temps, la 14e DI du général Stravescu avance vers le nord pour prendre le pont d’Altestove tandis que la 198. Infanterie-Division file vers le pont de Boharka, plus au nord. Dans la soirée, les unités soviétiques de la poche d’Odessa combattant encore au nord de la ville sont coupées de leurs arrières. Le long du Dniestr – Quand le XI. ArmeeKorps a encerclé Odessa, des troupes soviétiques ont été isolées plus à l’ouest. Dans ce secteur, le front s’est stabilisé sur le cours du Dniestr, obstacle naturel gonflé par les pluies de septembre. C’est pourquoi le Pionier-Bataillon 195, aidé par des unités du génie roumain, s’efforce de construire un pont flottant non loin de Berehove. Vers 11h00, c’est chose faite. La 6e DI roumaine du général Ionovici peut traverser et rejoindre la 14e DI, venue d’Altestove, et la 198. Infanterie-Division, venue de Boharkha. ……… Bataille de Svitle (deuxième jour) Entre Illichivka et Krasnosilka (banlieue est d’Odessa) – Au cours de la nuit, un calme trompeur a régné sur ce secteur de la ligne de front. Réfugié à la minuscule gare de Kulindorovo (à mi-chemin d’Illichivka et de Krasnosilka), le train blindé a été réparé. Alors que les premières lueurs du jour teintent de rose l’horizon, les Soviétiques défendent des lignes à présent renforcées, tandis que les chars se concentrent sur le flanc du dispositif allemand. La tension de l’attente précédant l’assaut se lit sur le visage de tous les soldats concentrés le long de la voie ferrée. L’effet de surprise ne jouera plus, pas après les combats de la veille. Toute la nuit, les sentinelles ont entendu des bruits de moteurs et un remueménage étouffé du côté des tranchées fascistes. Nul ne doute que les envahisseurs aient également reçu des renforts. Le plan de l’attaque du jour a été inspiré des manœuvres allemandes. Tous les blindés disponibles ont été réunis autour de Krasnosilka pour lancer une attaque en coup de faucille, traversant les lignes ennemies en biais. L’infanterie doit suivre pour occuper les tranchées. Un feu roulant de mortiers se déchaîne sur les secteurs non attaqués, dans l’espoir de détruire les canons antichars. L’avance des blindés soviétique, ralentie par le terrain semé de cratères, n’a rien d’une charge de cavalerie légère, d’autant plus qu’un orage de fer et de feu s’abat sur elle. Les obusiers allemands frappent sans distinction et l’infanterie est presque clouée au sol. Les chars réussissent à arriver jusqu’aux premières lignes ennemies, mais la préparation d’artillerie opérée par les mortiers a été peu efficace et les blindés se font éliminer les uns après les autres par les canons antichars et les automoteurs StuG-III et Marder. La Blitzkrieg reste encore une spécialité allemande… 24 septembre Sur le Front Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – A l’ouest, le temps s’améliore peu à peu, mais l’activité aérienne ne peut reprendre avant midi. Les forces de von Manstein doivent tenter de passer l’Ost’or à l’ouest de Nejyne, où les Soviétiques se sont retranchés. Mais alors qu’elles s’y préparent, elles sont contre-attaquées par le Groupe Mobile Tchantchibadze (1er Corps Blindé, 107e Brigade Motorisée, 18e Division de Cavalerie). La bataille fait rage, mais l’inexpérience tactique des chefs d’unité soviétiques apparaît et leurs chars ne peuvent s’enfoncer dans les positions allemandes au nord de l’Ost’or. Pourtant, la division SS Totenkopf subit des pertes sérieuses et un peloton de KV-1 est arrêté à seulement 300 mètres du QG du général Kirchner (1. PzDiv). Vers midi, l’attaque a été repoussée et bientôt la Luftwaffe intervient en force pour couvrir la traversée, qui commence à 14h30. Mais von Manstein devant encore assurer la sécurité de son flanc droit, les chars allemands ne commencent à avancer en force sur la rive sud de l’Ost’or qu’en fin d’après-midi. Au soir, la ligne de défense de la rivière a été percée, même si quelques troupes se battent encore dans Nejyne. Du côté du 3e PzG, le LVII. ArmeeKorps approche de Bakhmach, qu’il tente de déborder par l’est, vers Konotop. Cependant, les forces allemandes se heurtent à une défense de plus en plus dense. Les artilleurs soviétiques font d’autant plus sentir leur présence que la Luftwaffe est en majorité engagée du côté de Nejyne, et le tir des canons de la 4e Division d’Artillerie se fait encore plus meurtrier dans l’après-midi, quand la visibilité s’améliore. En fin de journée, Harpe joint directement Hoth pour conseiller au commandant du PanzerGruppe de concentrer ses efforts sur Bakhmach, car Konotop semble être défendu par des forces considérables, que les reconnaissances aériennes ont repérées. En fait, les troupes découvertes par les avions allemands ne sont pas seulement celles de Cherevichenko, mais l’ancien “Front de Kalouga”, la réserve que la Stavka a décidé de déplacer vers le sud et de déployer entre Pyryatine (au sud de Nejyne et Prylouki), Tchervonozavods’ke et Romny (au sud de Bakhmach). Dirigé par Joukov avec l’appui de Chapochnikov (revenu à la tête de l’état-major général à Moscou), ce mouvement est destiné à doubler la ligne des forces de Cherevichenko et à assurer quoi qu’il arrive le maintien du contact avec le 2e Front d’Ukraine (Koniev). L’offensive de l’aile sud – Alors que la nuit a été calme et que le temps se maintient au beau jusque dans l’après-midi, Sepp Dietrich reprend sa progression. Son KampfGruppe compte à ce moment 118 chars et il peut compter sur le soutien de la Leibstandarte SS Adolf-Hitler, de la 60. ID (mot) et de la 111. ID. C’est d’ailleurs l’unité de reconnaissance de cette division qui établit le contact avec la 58e Armée soviétique. Les tirs d’artillerie de la 149e Division éclatent au beau milieu de la colonne allemande, qui doit se disperser. Vers 11h00, il devient évident que les forces soviétiques sont nombreuses. Au même moment, le KampfGruppe Hube, qui avance parallèlement à celui de Sepp Dietrich sur la rive droite du Ros’, est lui aussi arrêté. Pour Kleist, il est clair que, s’il veut briser les défenses soviétiques, il doit les tourner par l’ouest. Pour cela, il décide d’engager, dès qu’elle sera arrivée, la 13. Panzer (général Düvert) ainsi que les deux divisions motorisées du général Henrici (16. et 25. ID). Cependant, sur les routes détrempées, l’avance des unités motorisées est relativement lente. Ce n’est que vers 17h00 qu’elles sont en position et l’attaque doit être reportée au lendemain. Du côté soviétique, on a bien compris les intentions allemandes car, du Dniepr à Korsun, les forces soviétiques sont à l’abri derrière une rivière puis une région marécageuse. La zone du “pont de terre” entre Zvenygorodka au sud-ouest et Korsun-Shevchenkivskyy au nord-est, à la jonction entre les 58e et 59e Armées près du Dniepr et les reste de la 14e Armée à l’intérieur, va constituer le lieu de la prochaine bataille. Vers 13h00, un ordre de la Stavka va mettre sous les ordres de Rokossovsky une bonne partie des forces que les Soviétiques ont concentrées là pour unifier le commandement. A ce moment, la 14e Armée comprend les 104e et 117e Divisions d’Infanterie, les 205e et 215e Divisions Motorisées (réduites à l’équivalent d’une brigade chacune), les 32e et 61e Brigades Blindées amalgamées (elles ne comptent plus, en dépit des renforts, que 2 KV-II, 9 KV-1, 21 T-34 et 23 BT-5) et le 438e Régiment d’Artillerie. Mais à ces forces sont ajoutées la 406e Brigade Antichar, les 72e et 73e Brigades Blindées (la 73e est une unité de la 58e Armée) et les 136e et 201e Divisions d’Infanterie (elles aussi de la 58e Armée). La 58e Armée (général A.M. Popov) ne compte plus que les 149e et 152e Divisions d’Infanterie et la 342e Brigade d’Artillerie. La 59e Armée a déjà positionné, sur l’aile droite du dispositif soviétique, les 153e et 155e Divisions d’Infanterie et la 345e Brigade d’Artillerie. Les 178e et 181e Divisions d’Infanterie, la 76e Brigade Blindée et la 349e Brigade d’artillerie sont encore en mouvement ou viennent d’être débarquées à Cherkassy. De fait, les unités déjà déployées vont passer sous le commandement du général Popov, tandis que le débarquement du reste de la division va constituer la base de la Zone Fortifiée de Cherkassy. À ces forces, il faut ajouter la Flottille du Dniepr-Sud, ou Ju.DVF, qui compte 60 unités navales (32 monitors, 14 dragueurs de mines et 14 navires de transport)2 et recevra de plus, au 1er octobre, la Brigade d’Infanterie de Marine du Kouban (KMPB), qui compte un régiment d’infanterie, 33 T-50 et 33 T-40 (amphibies). Siège d’Odessa Géhenne Altestove (au nord d’Odessa) – Le soldat Balasko a marché toute la journée du 17 sous la pluie et traversé un pont sous le feu des Soviétiques. Il estime avoir gagné le droit de dormir un peu, mais les Rouges ne sont pas d’accord ! Les projecteurs de DCA illuminent par dessous les nuages lourds qui cachent les étoiles, créant un clair de lune artificiel qui lumière révèle un spectacle de géhenne. Des silhouettes courent vers les lignes roumaines. Des milliers d’hommes lancés dans un assaut suicidaire, tentant de percer sous le couvert d’une illusoire obscurité, avant que les lignes soient suffisamment renforcées pour que le passage devienne tout à fait impossible. Les Roumains tirent au mortier, lançant des obus explosifs ou des fusées éclairantes qui guident le feu des mitrailleuses ZB-53 et ZB vz-26 hérissant les barricades de sacs de sable hâtivement construites par les hommes de la 6e Division. Même l’artillerie se joint à la bataille, tirant dans le tas de l’infanterie ennemie qui continuait à avancer. Les Roumains alignent de nombreux tubes de calibre variés, fabriqués en ex-Tchécoslovaquie par Skoda : des canons de 75 mm modèle 1939, des obusiers de 10 cm VZ.30, des canons de 105 mm modèle 1939, des obusiers de série K de 105 mm. 2 Monitors : deux grands monitors, les Vernyj et Peredovoy (350 t, 56,6 m x 13,8 m x 1,2 m ; 2 x 102 mm, 1 x 76,2 mm, 4 x 7,62 mm), six petits monitors, les Flyagin, Levachev, Martynov, Rostovtsev, Jeleznyakov, Jemchuzin (263 t, 48 m x 7,66 m x 0,75 m ; 2 x 102 mm, 3 x 45 mm, 2 x 37 mm, 3 x 12,7 mm), trois “type RTShCh”, les 56, 57 et 64 (250 t, 44 m x 14,2 m x 0,9 m ; 1 x 45 mm, 2 x 12,7 mm, 3 x 7,62 mm), cinq “type1124”, les BK-31, 32, 41, 42, 61 (52 t, 25,3 m x 4,1 m x 0,9 m, 2 moteurs d’une puissance totale de 1800 cv ; 2 x 76 mm, 2 x 12,7 mm et 2 x 7,62 mm ; certaines unités reçoivent des lance-roquettes de 132 mm), douze “type1125”, les BK-14, 15, 23, 24, 25, 31, 33, 34, 35, 64, 65, 103 (26,5 t, 22,7 m x 3,5 m x 0,5 m ; 1 x 76 mm, 2 x 12,7 mm) et quatre minuscules “type-D”, les BK-1, 2, 3, 4 (10 tonnes ; 1 x 37 mm et 1 x 7,62 mm). Dragueurs “type-P” (13 t) : P-41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 51, 52, 53, 54, 55, 56, et 57. Navires de transport : barges automotrices. Pour Balasko, posté dans un fortin de sacs de sable abritant une mitrailleuse et un mortier, la bataille ressemble à une scène de théâtre en clair obscur. Autour de lui, les fusils claquent et les mitrailleuses lancent leur staccato funeste. Les balles sifflent ou produisent des bruits mous en frappant les sacs de sable… ou la chair humaine. Des hommes crient pour tenter de donner des ordres, pour appeler un brancardier ou simplement de douleur et d’effroi tandis qu’ils se tordent à terre, les mains pressées sur une blessure. Le fusil braqué, le jeune Roumain cherche l’ennemi dans la pénombre périodiquement dissipée par les pinceaux des projecteurs. Il épaule, tire parfois, puis s’accroupit derrière la barricade quand des balles frappent autour de lui. Au petit matin, l’assaut soviétique est épuisé. La lumière grise d’un jour pluvieux révèle la plaine comme une nappe de boue malaxée par les explosions et à présent grêlée de cratères en partie remplis par la pluie. Des cadavres jonchent le sol ou dérivent sur le Dniestr. Les Roumains ont perdu tout juste 99 hommes, les Soviétiques peut être cinq cents. ……… Bataille de Svitle (troisième jour) Entre Illichivka et Krasnosilka (banlieue est d’Odessa) – La journée ne voit aucune attaque d’un côté ou de l’autre, mais de longs bombardements d’artillerie et des tirs de contrebatterie se succèdent. A ce jeu, les Soviétiques sont cependant un peu meilleurs que leurs adversaires… ……… Le matériel humain Odessa – L’encerclement de la ville est maintenant complet. Les navires qui entrent dans le port sont surtout des transports d’armes et de blindés, ou de munitions. Les nouvelles recrues sont levées directement en ville. Dès les premiers jours de combat, les volontaires ont afflué. Les unités de réserve ont été chargés de former des groupes de miliciens, de les entraîner (si peu… si vite…) avant de les envoyer tenir les tranchées contre les assaillants. À présent, même dans les troupes lancées en contre-attaque, on trouve… un autre genre de renforts. Les vétérans – enfin, les soldats ayant vu le feu – qui les voient passer ressentent un profond malaise. Ce sont de jeunes Komsomolets – des membres du Komsomol, les jeunesses communistes. Les plus jeunes doivent avoir juste quinze ans. Les cheveux coupés courts dégagent des visages d’enfant aux yeux trop brillants, remplis d’illusions. Ils nagent dans des uniformes trop grands pour eux. Il a fallu un moment pour comprendre que certains étaient de sexe féminin, des Komsomolka. Encore plus petites et fluettes, elles sont reconnaissables à leurs chaussures de marche en cuir rouge. Équipement bien peu militaire mais… les godillots de l’armée soviétique n’existent pas en pointure inférieure au 35 ! L’intendance a donc pillé les magasins de chaussures de la ville pour trouver des brodequins de marche qui puissent convenir aux nouvelles recrues 3. 25 septembre Sur le Front Bataille de Saaremaa Leningrad et Tallinn, 10h00 – La Flotte de Baltique s’apprête à appareiller. Le capitaine de première classe Feldman, officier compétent et à présent expérimenté, a reçu le commandement d’une importante opération dont l’objectif est de débarquer sur Saaremaa des renforts qui devraient permettre d’en finir avec la résistance allemande. En effet, les combats 3 L’équipement militaire destiné aux femmes (y compris les sous-vêtements) ne sera jamais une priorité de l’Armée Rouge. En fait, les vêtements adaptés aux soldates (y compris la jupe pour l’uniforme de parade) arriveront juste à temps pour… le défilé de la Victoire. qui ont lieu sur l’île depuis que les Allemands y ont débarqué un mois plus tôt ont permis de les acculer dans la péninsule de la Sorve, la pointe sud de Saaremaa. La victoire est proche ! La force chargée d’acheminer les renforts, partant de Tallinn, comprend trois destroyers anciens (classe Novik), les Engel’s, Kalinine et Karl Marx, quatre DE “garde-côtes”, les Yastreb, Oriol, Korchun (classe Jastreb) et Tsyklon (classe Uragan), six escorteurs ASM, les BO-101, 103, 104, 105, 106 et 107, six patrouilleurs, les MO-200, 202, 204, 207, 501 et 502, et dix petits dragueurs de mines (classe Tral), les T-212, T-213, T-214, T-216, T-217, T-219, T-220, T-221, T-223, T-226. Ces bateaux transportent deux régiments d’infanterie de marine prélevés sur la 4e Brigade d’Infanterie de Marine (4e BMP) 4, soit 3 600 hommes environ (sans armes lourdes) : les classe Novik ont embarqué 450 hommes par bateau, les garde-côtes 250 hommes chacun et les escorteurs ASM (BO) 120 hommes par bâtiment. Feldman, sur le croiseur neuf Maksim Gorky, commande directement la force de soutien, basée à Leningrad : avec le Gorky, dix destroyers, les type 7 ou 7-U Serdityi, Silnyi, Skoryi et Smelnyi et les type 30 Gordoj, Obrazsovyj, Odaryonnyi, Ognevoj, Otverjdyonnyj et Skoroj, ainsi que quatre grands dragueurs de mines (plutôt utilisés comme des escorteurs ou des avisos), les Vasiliy Gromov, Fiodor Mitrofanov, Louka Pankov, Vladimir Poloukhine. Cette force est précédée de dix nautiques par les douze G-5 de la 4e division de vedettes lancetorpilles. Des reconnaissances aériennes des ports ennemis ont été ordonnées. De plus, le sous-marin K56 a été posté devant Gotenhafen, les S8, S9 et S21 devant Memel, les Shch-317, 320 et 323 devant Liepaja et les M200, M201 et M202 devant Ventspils. Enfin, les douze D-3 de la 2e Division de vedettes rapides vont patrouiller le long de la côte nord-est de la Courlande et les huit G-5 de la 3e Division doivent longer la côte est de Saaremaa, dans le golfe. La force de débarquement déposera l’infanterie à la base de la péninsule, sur la côte ouest de Saaremaa, à partir de 00h00. Le débarquement devra être terminé au plus tard à 02h30 pour que les navires soient en sûreté à partir de 07h30 au nord de Hiiumaa. La force de couverture se tiendra à l’ouest de la péninsule de la Sorve. À partir de 01h30, s’il n’y a pas d’opposition ennemie, les destroyers appuieront de leurs feux le débarquement. La force se retirera à grande vitesse (25 nœuds) à partir de 03h30 pour être à 07h30 à 100 nautiques plus au nord. Une couverture aérienne sera organisée par le régiment de chasse de la VVS-VMF (Yak-1). Alors que les derniers préparatifs s’achèvent, l’amiral Tributs, commandant en chef de la Flotte de Baltique, suivi comme son ombre par un commissaire politique aussi discret que redouté, se rend sur le Maksim Gorky. Tributs désire confier personnellement à Feldman que les écoutes radio indiquent qu’une opération de renforcement des troupes allemandes est très probable. Il faut l’interdire, tout en protégeant la force de débarquement. ……… Gotenhafen (Gdynia) – En réalité, les Allemands ont déjà décidé de ne plus se battre pour Saaremaa. En effet, solidement installés sur l’île voisine de Hiiumaa, les Soviétiques peuvent ravitailler et renforcer leurs troupes dans l’île bien plus facilement que leurs adversaires, et l’OKH a compris que la situation était sans issue. Profitant de ce qu’Hitler accorde toute son attention à l’opération Typhon, l’autorisation d’évacuer Saaremaa a pu être obtenue. 11h00 – L’escadre de couverture allemande appareille. Le vice-amiral Ciliax a mis sa marque sur le croiseur lourd Hipper, dont les locaux sont plus spacieux que ceux du “cuirassé de poche” Lützow. Les deux grands navires sont escortés par la 3e Flottille de destroyers, composée des Z-23, Z-24, Z-26 et Z-28. Les six bâtiments filent droit vers le nord. D’autres forces, partant de Memel et de Liepaja, doivent rejoindre dans le golfe de Riga des transports escortés de dragueurs et de vedettes, venant de Riga. Les troupes seront 4 Une autre brigade d’infanterie de marine, la 3e BMP, est déjà sur Saaremaa. Les deux brigades font partie de la 4 Division d’Infanterie de Marine. e embarquées à partir de 23h00 sur la rive est de la péninsule de la Sorve, puis transportées à Riga. En l’absence d’unités de surface adverses, la force de couverture effectuera des tirs de diversion sur la côte ouest de Saaremaa. Elle se retirera à l’aube, de manière à être vers 08h30 à la hauteur de Ventspils. Des vols de reconnaissance et de couverture anti-sous-marine ont été organisés. Enfin, deux sous-marins de type VIIC, les U-212 et U-224, qui achèvent leur entraînement opérationnel, ont été positionnés à l’ouest de Hiiumaa et entre cette île et l’entrée du golfe de Finlande. ……… Memel, 11h30 – Le croiseur léger Leipzig (principale unité de la force de couverture rapprochée des transports), appareille, escorté par la 1ère flottille de torpilleurs : T-7, T-8 et T10. Cette force est commandée par le contre-amiral Bey. A peine ont-ils quitté le port qu’ils sont aperçus par le sous-marin S9, qui tente de se mettre en bonne position pour attaquer, sans s’apercevoir qu’il a lui-même été repéré par un Arado 196 en patrouille. Guidés par l’hydravion, les torpilleurs T-8 et T-10 prennent en chasse le sous-marin et le coulent. Mais l’affaire a mis en retard le Leipzig et son escorte. ……… Leningrad et Tallinn, 12h00 – La flotte soviétique appareille. ……… Liepaja, 14h30 – Les 1ère et 3e Flottilles de S-Boots (soit dix vedettes lance-torpilles en tout) et les dragueurs de mines M101, M102, M103 se mettent en route sans attendre l’arrivée du groupe du Leipzig. Ces bâtiments ont en effet rendez-vous avec l’escadre de couverture. ……… Riga, 17h00 – Les douze bateaux de débarquement MFP allemands (qui vont cette fois servir à rembarquer !) quittent le port. Ils sont escortés par dix dragueurs R-Boots et par les sept petites vedettes de la Rigasee-Flotilla (KM1, KM2, KM3, KM4, KM22, KM23 et KM27) 5. La petite flotte se dirige vers le nord en longeant la rive est de la Courlande. ……… Au large de Ventspils, 17h30 – Alors que le jour commence à tomber, les 12 D-3 de la 2e Division de vedettes rapides aperçoivent les trois dragueurs venant de Liepaja, les prennent pour un petit convoi côtier et passent à l’attaque. Les Soviétiques découvrent trop tard les dix S-Boots, qui contre-attaquent pendant que les dragueurs s’esquivent. Au bout de vingt minutes d’un combat très violent, deux S-Boots sont coulés et un autre, endommagé, rentre à Liepaja, mais quatre vedettes D-3 sont incendiées ou coulées. Les survivants de la 2e Division, qui se replient en désordre, tombent dans un champ de mines. Une cinquième vedette est détruite et les autres vont passer la nuit à se sortir de ce piège. Pendant ce temps, les sept S-Boots restants et les trois dragueurs vont rejoindre le groupe Lützow-Hipper. ……… Côte nord de la Courlande, 19h30 – Le groupe du Leipzig retrouve cinq des R-Boots de Riga, chargés de lui ouvrir la route jusqu’à son rendez-vous avec le reste de la flottille de rembarquement, qui longe la côte est de la Courlande. ……… A l’ouest de Hiiumaa, 20h00 – Les nombreux bruits d’hélice de l’escadre de renfort soviétique ont donné l’éveil à l’U-212. Celui-ci s’approche dans l’obscurité, mais l’escorte fait bonne garde et l’U-Boot se contente, faute d’apercevoir un plus gros gibier, de torpiller et de couler le BO-104. Pendant que trois petits dragueurs recueillent les survivants de l’équipage et des 120 fusiliers transportés, les MO-202, 207 et 501 tentent de retrouver le coupable, mais ils ne réussiront qu’à l’empêcher de faire d’autres victimes. ……… 5 Ces vedettes sont de petits patrouilleurs ASM construits à Copenhague. 22h00 – A peu près au même moment, Ciliax et Feldman sont avertis que des unités navales ennemies sont dans le secteur. Ciliax reçoit un message de l’U-212, qui a échappé à ses poursuivants et signale « de nombreux bâtiments légers » longeant, en direction du sud-ouest, les côtes nord-ouest de l’archipel. Il décide de les intercepter et ordonne de mettre cap à l’est jusqu’aux abords de la péninsule de la Sorve, puis de longer la côte, cap au nord : les sept S-Boots en éclaireurs, puis les trois dragueurs de front devant les quatre destroyers en ligne de file et le duo Hipper et Lützow, sur bâbord arrière des destroyers. De son côté, Feldman a été averti par les reconnaissances aériennes (et par le silence du S9) que de nombreux navires légers allemands ont pris la mer. Il ne pense pas, cependant, que l’ennemi ait à la mer quoi que ce soit de plus gros qu’un croiseur léger (il sait que le Leipzig a quitté Memel, mais le groupe venant de Gotenhafen n’a pas été repéré). Il décide donc de ratisser la côte de Saaremaa, cap au sud, pour protéger le débarquement de l’infanterie de marine, tout en recherchant les forces allemandes. Les 12 G-5 de la 4e Division sont environ 8 nautiques en avant, suivies par les six destroyers de type 7/7U en ligne de front, puis par les quatre type 30, enfin par le Gorky entouré par les quatre avisos-dragueurs pour le protéger de l’attaque d’un sous-marin. Tout est prêt pour une bataille de rencontre typique ! ……… 23h00 – La péninsule de la Sorve est bombardée par douze DB-3F. Les bombes touchent la zone la plus propice à un débarquement – ou à un rembarquement ! Heureusement pour les Allemands, leur dispositif a pris du retard et ce n’est que vers minuit qu’il se présente à cet endroit. Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – La journée commence bien pour le 2e PzG, à l’aile ouest de l’offensive allemande. Sous un ciel dégagé, les chars de von Manstein foncent vers Prylouky, sur le cours de l’Uday, sans grande opposition. En effet, les défenseurs de Nejyne sont épuisés et décimés après deux jours de combat. De plus, en l’absence des VVS, la Luftwaffe opère librement, au moins jusqu’à midi, contre les quelques positions de défense qui tentent encore de s’opposer aux Allemands. Enfin, Cherevichenko a choisi de déployer le gros des renforts qui lui arrivent entre Bakhmach et Konotop pour protéger Kharkov et son important centre industriel. L’arrivée de ces renforts est d’ailleurs à ce moment presque ignorée par les renseignements allemands. La taille même des forces engagées étant sous-estimée, le mouvement du “Front de Kalouga” vers le sud est en partie confondu avec le repli des forces de Cherevichenko. Mais quoi qu’il en soit, le 2e PzG avance rapidement, à la grande satisfaction de Guderian, qui voit apparemment justifiée sa décision d’engager son second échelon. Conférant dans la matinée à Tchernigov avec Reinhardt et l’envoyé de Halder, le général von Paulus, Guderian gagne celui-ci à son optimisme. Néanmoins, si Paulus approuve la ruée vers le sud, il s’inquiète de l’usure des unités blindées de Guderian et promet la livraison de 300 chars neufs, dont 200 Pz-V Leopard, à la fin du mois. L’optimisme de Guderian et Paulus aurait sans doute été moindre si la réunion avait eu lieu un peu plus tard. Peu après midi, de mauvaises nouvelles arrivent du 3e PzG. A l’est, la 50e Armée soviétique lance de multiples attaques de Koryukivka vers Mena, contre les arrières allemands. A Bakhmach, les forces de Hoth ont du mal à progresser et l’infanterie allemande est soumise à des tirs d’artillerie constants. La situation autour de la petite ville est d’autant plus compliquée que l’aile gauche de la 47e Armée soviétique, isolée entre les deux axes de progression allemands, contre-attaque d’ouest en est pour tenter d’échapper à l’encerclement. La bataille de Bakhmach se développe alors dans plusieurs directions. Le LVII. ArmeeKorps tente à la fois de repousser la 44e Armée de Bakhmach, de couvrir sa droite contre les restes de la 47e Armée qui cherche à se dégager et de protéger sa gauche face aux contre-attaques de la 1ère Armée Blindée de Tchernyakovsky, venant de Konotop. Bientôt, la lutte dégénère en une série d’affrontements locaux où les forces des deux camps s’interpénètrent, ce qui rend l’intervention des forces aériennes très difficile. De plus, vers 15h30, le temps commence à se couvrir rapidement et à partir de 17h00, de violents orages éclatent sur l’ensemble du secteur, empêchant toute activité aérienne. A 15h45, ayant appris les difficultés de Hoth, Guderian ordonne à Rheinhardt d’utiliser la 290. ID et une partie de la 3. PzDiv (qui arrive à Nejyne et devait passer l’Ost’or pour soutenir von Manstein) afin d’attaquer vers l’est et Bakhmach. Les unités allemandes commencent à faire mouvement dès 16h30 et tombent bientôt sur les arrières de la 47e Armée, alors que le temps se gâte de plus en plus, réduisant fréquemment la visibilité horizontale à moins de 150 mètres. La percée allemande à Nejyne n’est pas passée inaperçue de l’état-major soviétique. Tout en ordonnant à Cherevichenko de tenir le plus longtemps possible autour de Bakhmach, Joukov envoie la 37e Armée de V.I. Chouikov (cinq DI et une brigade antichar), deux Brigades du 4e Corps Aéroporté et les 401e et 405e Brigades Antichars (toutes du Front de Kalouga) se déployer entre Prylouki et Romny. L’offensive de l’aile sud – Il pleut à nouveau sur l’ensemble du front, avec une succession d’orages violents qui vont contribuer à détremper encore plus les routes. Le KampfGruppe Hube, la 13. PzDiv et les 16. et 25. ID (mot) passent néanmoins à l’attaque et vont se heurter violemment à la 14e Armée. Les blindés allemands sont obligés d’avancer en ligne, ne pouvant sortir des routes en raison de leur pression au sol qui est supérieure à celle des blindés soviétiques, ce qui les rend particulièrement vulnérables. Des combats très violents se déroulent au sud de Boguslav (Bohuslav). Alors qu’ils remontent vers les collines qui couvrent Korsun-Chevchenkivskyy, les chars allemands sont arrêtés par les tirs extrêmement violents de la 406e Brigade Antichar. Les tentatives de débordement échouent en raison de l’état du terrain ou vont se heurter aux blindés de la 72e Brigade. C’est la revanche de Zaskhiv : 65 chars allemands sont mis hors de combat de 09h30 à 11h15. Dans le même temps, les fantassins des 136e et 201e DI, qui se sont enterrés sur les hauteurs, réussissent à repousser les attaques des divisions motorisées allemandes. Vers midi, Kleist doit se rendre à l’évidence : l’attaque a échoué. Il donne l’ordre de suspendre l’opération jusqu’à l’amélioration des conditions météos. Dans l’après-midi, il tient une conférence avec ses chefs de corps. L’état de la 2e Armée Panzer est extrêmement inquiétant et les pertes de la matinée ne sont pas de nature à porter à l’optimisme. La décision est alors prise, si l’attaque du lendemain connaît le même sort, de tenter de passer le Dniepr en amont de Cherkassy, vers Kanev. C’est le retour à l’option “petit Typhon”. Encore faut-il faire valider cette décision par l’OKH. Du côté soviétique, la confiance renaît, en dépit des nouvelles préoccupantes qui proviennent de la rive gauche du Dniepr. Siège d’Odessa Terroristes Au nord d’Odessa – Il a fallu toute la journée du 18 et celle du 19 pour nettoyer la poche des troupes soviétiques qui s’y accrochaient. Sur la carte, le bilan de l’offensive est spectaculaire. En quatre jours de combat, la superficie de terrain contrôlée par l’Armée Rouge autour d’Odessa a pratiquement été divisée par deux. Cependant, les troupes qui avaient défendu le secteur conquis consistaient pour l’essentiel en miliciens armés de matériel obsolète. Et paradoxalement, le gros des pertes soviétiques a eu lieu après la reddition des combattants. Bon nombre d’entre eux n’ayant pas d’uniformes, les Allemands les ont traité en « terroristes ». Ils les ont contraints de creuser de grandes fosses, puis les ont fauchés à la mitrailleuse avant de reboucher les trous sur eux. ……… Bataille de Svitle (quatrième jour) Entre Illichivka et Krasnosilka (banlieue est d’Odessa) – Les premiers tirs du quatrième jour de la bataille sont ceux de l’artillerie allemande. Cette dernière semble vraiment bien renseignée sur les mouvements et les intentions soviétiques, puisque les obus tombent directement sur une concentration de troupes se préparant à monter à l’assaut. Les pertes sont lourdes, plus d’une centaine de morts et blessés. Mais surtout, l’organisation de l’attaque est bouleversée. Le général I.E. Petrov décide d’annuler l’assaut, bien conscient que le moral déjà très bas de ses troupes souffrirait encore d’avantage s’il persistait dans une attaque évidemment déjà éventée. De plus, il n’avait plus d’effectif à gâcher en vain ! Il se contente de faire pilonner les lignes allemandes par des mortiers lourds, qui ne manquent pas de munitions. 26 septembre Sur le Front Bataille de Saaremaa 00h30 – Comme leurs adversaires, les Soviétiques sont en retard. Ce n’est qu’à présent que leur débarquement commence, au clair de lune, sur la côte ouest de la péninsule de la Sorve. Le rivage est rocheux et glissant, mais les sapeurs rencontrent peu de résistance. Peu après, l’artillerie de Berzarine, déployée sur la partie principale de l’île, ouvre le feu sur les lignes allemandes à l’entrée de la péninsule, précipitant l’évacuation des dernières troupes. ……… 00h40 – Quasi-simultanément, la 3e Division dans le golfe et la 4e dans la Baltique se jettent contre les écrans allemands. Dans le Golfe, deux petites vedettes allemandes sont coulées et deux endommagées en échange d’une G-5 coulée et une endommagée. Les trois torpilleurs interviennent alors. Ils achèvent la G-5 endommagée, en coulent une autre et mettent les cinq dernières en fuite. Le rembarquement se poursuit sans perdre de temps, tandis que le Leipzig bombarde les positions soviétiques sur Saaremaa. En Baltique, c’est un affrontement d’une autre ampleur qui commence. Les douze G-5 de la 4e Division se heurtent aux sept S-Boots précédant (d’assez loin) les navires de Ciliax. Bien plus petites que les S-Boots, les G-5 souffrent malgré leur supériorité numérique : deux sont coulées et deux endommagées, en échange d’un S-Boot coulé et un endommagé. Alerté, Feldman suppose que ce (relatif) grand nombre de S-Boots cache des navires plus lourds, mais il n’imagine toujours rien de plus que le groupe du Leipzig. C’est pourquoi, peu désireux de risquer un mauvais coup contre les venimeux S-Boots, il envoie les quatre dragueurs appuyer les vedettes, pendant qu’avec ses destroyers, il monte à 26 nœuds et oblique vers le sud-ouest pour contourner le lieu du combat. De son côté, Ciliax, ayant ordonné à ses trois dragueurs de se mettre à l’abri, s’avance prudemment. ……… 01h05 – Jouant leur rôle d’éclaireurs, les Vasiliy Gromov, Fiodor Mitrofanov, Louka Pankov et Vladimir Poloukhine commencent par repousser les S-Boots, coulant celle qui est endommagée et ne s’écarte pas assez vite. Mais les radars allemands ont détecté les arrivants, que leur taille a fait prendre pour de grands destroyers, et la 3e Flottille du Kapitan z.See Gadow leur réserve un accueil des plus chaleureux. Une demi-salve de torpilles suivie d’une canonnade envoie le Gromov par le fond et stoppe net le Mitrofanov, machines détruites et dévoré par un incendie. Les Pankov et Poloukhine, qui ont échappé aux torpilles mais reçoivent leur bonne part d’obus, se replient en appelant à l’aide. Feldman, qui est à ce moment à l’ouest du combat, ordonne aux destroyers Gordoj, Obrazsovyj et Odaryonnyi de marcher au canon à 32 nœuds. Il les suit à 28 nœuds avec le reste de son escadre. 01h17 – L’arrivée des trois premiers destroyers soviétiques sauve le Pankov et le Poloukhine : dès que les radars allemands détectent les arrivants, les Allemands délaissent les deux dragueurs qui s’enfuient pour se tourner vers les nouveaux venus. Suit une empoignade féroce, mais dans laquelle les Allemands gardent l’avantage – le Gordoj est foudroyé par deux torpilles, il se casse en deux et sombre très vite. L’Obrazsovyj est assez gravement endommagé, l’Odaryonnyi plus légèrement ; en face, seul le Z-26 est touché. En retrait, les grands bâtiments allemands comptent les coups, préférant ne pas risquer de se tromper de cible, quand arrivent les autres navires de Feldman – et tout d’un coup les Allemands ont beaucoup trop de cibles ! Les premiers sur les lieux, les DD Ognevoj, Otverjdyonnyj, Skoroj foncent à la rescousse de leurs camarades. Cette fois, la lutte est plus égale. Le Z-24 reçoit une torpille qui lui arrache la proue, mais il reste à flot et s’éloigne en marche arrière ! L’Ognevoj et le Z-28 sont incendiés au canon (tous deux devront être sabordés), l’Otverjdyonnyj et le Z-23 sont plus légèrement touchés. 01h24 – Les deux grands bâtiments allemands ont enfin repéré le Maksim Gorky – et réciproquement. Le Hipper est le plus vite efficace, d’autant plus que le Lützow commence par tirer sur le Serdityi, sans succès d’ailleurs, avant de reporter son tir sur le croiseur. De son côté, le Gorky tire sur le Hipper, dont la silhouette est plus imposante que celle du Lützow. 01h27 à 01h35 – Un obus de 203 mm touche le château arrière du Gorky, mais la fusée est défectueuse et il y a peu de dégâts. Un autre 203 mm démolit la catapulte, un incendie éclate et gagne des munitions de 100 mm qui explosent. Pire encore, à 01h31, la tourelle A du Gorky est détruite par un nouvel obus de 203 mm et, devant un début d’incendie du puits à munitions, il faut noyer la soute. Enfin, presque au même instant, un obus de 280 mm du Lützow frappe le croiseur soviétique sous la ligne de flottaison, au niveau du château avant. Une voie d’eau noie la soute de la tourelle B, mise hors de combat. De son côté, le Gorky n’a touché que deux fois le Hipper (les tourelles de 180 mm, étroites, avec un seul pivot pour l’élévation des trois canons, ne sont guère efficaces). Un obus a détruit une tourelle de 105 mm, l’autre a allumé un incendie vite circonscrit. Deux de ses trois tourelles principales hors d’action, Feldman lance ses quatre derniers destroyers, les Serdityi, Silnyi, Skoryi, Smelnyi, vers les grands navires allemands et tente de décrocher avec le Gorky. 01h36 à 01h45 – Le Hipper touche encore une fois le Gorky, faisant des dégâts limités au niveau de la cheminée arrière, avant de reporter son tir sur le Serdityi, qui entame sa manœuvre de torpillage avec un temps d’avance sur ses trois équipiers. Le croiseur évolue brutalement pour éviter les torpilles et y réussit. Mais le destroyer est à présent tout près du Hipper. Arrosé d’obus et gravement endommagé, il fait pourtant honneur à son nom (Serdityi = Colérique) et se jette en avant pour éperonner son adversaire – Morskyj Taran ! Sur la passerelle du Hipper, où l’on se croit revenu au large de la Norvège en avril 1940, les officiers sont sidérés : pour la deuxième fois de la guerre, un destroyer ennemi fou furieux se jette sur leur navire 6 ! La cadence de tir des 203 est insuffisante et la puissance d’arrêt des 6 Il semble aujourd’hui que le cas du Glowworm fut en réalité dû à une avarie de gouvernail. 105 mm trop faible pour éviter l’assaut du “Colérique”, qui percute le croiseur par bâbord arrière si violemment que sa proue se hisse quelques instants sur la plage arrière de son adversaire – l’avant écrasé, criblé d’obus de 105 et de 203, il ne survit pas plus à son exploit que le pauvre Glowworm en 1940, mais il a mis à mal l’arbre d’hélice bâbord du Hipper. En 1940, les dégâts infligés par le Britannique n’avaient pas été fatals, mais cette fois, le destroyer suicidaire n’est pas seul. Dans la confusion, le croiseur ne peut éviter l’attaque à la torpille des compagnons du destroyer qui sombre – c’était le but de la manœuvre désespérée de ce dernier. Dix-huit torpilles sont lancées à moins de 4 000 mètres ! L’une frappe le Hipper au niveau de la tourelle Anton, provoquant une voie d’eau et bloquant la tourelle. Une autre touche le croiseur au niveau de la cheminée, mais l’explosion n’est que partielle et ne provoque qu’une voie d’eau minime. Peu désireux de courir d’autres risques devant ces Rouges enragés, Ciliax ordonne de décrocher vers l’ouest le plus vite possible – c’est à dire, compte tenu des dégâts infligés, à une vingtaine de nœuds. Pendant ce temps, le Gorky réussit à se dégager vers le nord, couvert par un rideau de fumée tendu par les destroyers, mais pas avant qu’un obus de 280 mm du Lützow, explosant tout près de la coque, sous la plage avant, ne provoque une sévère voie d’eau (750 tonnes d’eau inondent l’avant du navire). Pour rééquilibrer le croiseur, il faut noyer plusieurs compartiments à l’arrière (425 tonnes d’eau supplémentaires sont embarquées). Il n’a plus qu’une tourelle de 180 opérationnelle, il est alourdi par 1 200 tonnes d’eau, un incendie flambe au milieu du navire, mais heureusement, ses machines sont intactes ! Le Lützow, de son côté, voyant le Hipper en difficulté, a reporté son tir sur les destroyers ennemis. Les 150 mm et 105 mm de son artillerie secondaire mettent plusieurs coups au but sur le Smelnyi qui, en flammes, suit difficilement ses équipiers qui s’enfuient. Mais le Lützow ne poursuit pas. En effet, les cinq S-Boots restants, épuisés (c’est leur deuxième combat en quelques heures, ils n’ont plus de torpilles et plus guère de munitions) ont décroché. Du coup, les G-5 survivantes ont pu se rallier et lancer les torpilles qui leur restaient – et, ultime frayeur pour les Allemands, l’une d’elles explose dans le sillage du “cuirassé de poche”, qui tourne immédiatement casaque, au cas où il resterait des torpilles aux Soviétiques… ……… Des deux côtés, l’heure est au repli général. Côté Golfe, tout se passe bien pour les Allemands. Mission remplie ! Presque toutes les troupes encore sur Saaremaa ont pu être évacuées, la flottille de Riga comme le groupe du Leipzig vont regagner leurs ports de départ sans incident. Seule ombre au tableau de ce côté : les troupes évacuées ne totalisent qu’environ 5 000 hommes, ce qui est bien peu par rapport à l’effectif théorique des deux divisions qui ont défendu Saaremaa durant des semaines, en infligeant de lourdes pertes aux Soviétiques. ……… La Flotte du Drapeau Rouge a également rempli sa mission de coopération avec les forces terrestres – Feldman ne sait pas encore qu’elle était inutile. Le Gorky est gravement touché – il ne sera de nouveau opérationnel qu’en mai 1943. Il parvient cependant à se réfugier à Tallinn (il ne pourra rentrer à Leningrad que quelques jours plus tard), entouré par quatre destroyers intacts ou légèrement endommagés et par huit G-5, dont une endommagée (une autre a dû être abandonnée). Sur le Smelnyi, les incendies s’étendent peu à peu malgré les efforts de l’équipage. Bientôt, il devient nécessaire d’abandonner le navire. En revanche, l’Obrazsovyj (le plus mal en point des destroyers soviétiques restants) tente de se sauver. Il chemine lentement vers le nord, escorté par l’Otverjdyonnyj et les deux avisos-dragueurs survivants. Mais à l’aube, alors qu’il se croit hors d’affaire, il est achevé par l’U-224 à l’entrée du golfe de Finlande. Au total, la flotte soviétique a perdu cinq destroyers, deux avisos-dragueurs, 12 vedettes, un sous-marin et un escorteur BO. Sur Saaremaa, les unités débarquées passent la journée à patrouiller dans la péninsule. Elles ne font que quelques dizaines de prisonniers, soit des sentinelles sacrifiées, soit des blessés graves non transportables, soit des naufragés de la bataille navale. Mais, fidèles à la vieille tradition locale du droit d’épave, les marins rouges récupèrent quelques provisions et toute une variété d’objets abandonnés. Leurs seules pertes seront trois démineurs et quelques imprudents victimes des mines. Il faut y ajouter cinq morts dans une batterie de la 10e Brigade de PVO, détruite par les obus du Leipzig pendant la nuit. ……… Les Allemands eux aussi font leurs comptes : ils ont perdu en tout un destroyer et cinq SBoots, plus trois vedettes du Golfe. Le Lützow et les destroyers Z-23 et Z-26 (qui en ont tous deux pour six à huit semaines de réparations) se replient au plus vite. Mais, sur le Hipper, le repli se passe beaucoup moins bien. La délicate machinerie à haute pression du croiseur n’a pas supporté d’être poussée au maximum et a brutalement refusé tout service. Au bout de près d’une heure d’angoisse et de travail frénétique, le navire a pu reprendre sa route, mais, compte tenu des dégâts subis par ailleurs, son commandant préfère ne pas dépasser 15 nœuds. Au petit matin, le croiseur fait route vers Memel, accompagné du Z-24 (que sa proue démolie ralentit fortement). Tous deux sont escortés par le T-7 (détaché du groupe du Leipzig), les dragueurs M101, M102, M103 et les S-Boots, qui assurent la couverture anti-sous-marine avec le concours de chalutiers ASM venus en hâte de Liepaja et de plusieurs hydravions Arado 196. Mais ils ne sont pas hors de portée des avions soviétiques, qui ne mettent pas longtemps à les repérer. Les Soviétiques vont lancer trois raids, pour un total de 64 sorties de bombardiers, chaque fois sous bonne escorte de chasse (48 sorties) – alors qu’en face, les relations entre la Kriegsmarine et la Luftwaffe sont trop distendues pour permettre une mise en place rapide d’une couverture de chasse. 08h00 – Le premier raid (douze DB-3F) ne donne aucun résultat, malgré l’absence de chasseurs allemands. 08h25 – Un nouveau raid est signalé – cette dois, des Pe-2 attaquant en semi-piqué mettent deux bombes au but sur le Hipper. Elles allument un incendie qui est rapidement maîtrisé – les dommages sont relativement limités. Cependant, redoutant avec raison de nouveaux raids, Ciliax ordonne de monter à 20 nœuds, en espérant que la machine tiendra. Et elle tient, en effet. Mais l’aviation soviétique n’est pas le seul danger qui guette le croiseur. 09h55 – Un nouveau raid de Pe-2 survient alors que le Hipper a déjà pris du champ. Les bombardiers ne le repèrent pas et le Z-24 monopolise leur attention. Il reçoit une bombe et une seconde le manque de peu. La première allume un incendie incontrôlable, l’autre aggrave les voies d’eau de la proue – le destroyer chavire et coule en quelques instants, laissant les aviateurs soviétiques convaincus d’avoir éliminé un croiseur lourd ! 12h05 – Le sous-marin M-200, en patrouille devant Ventspils, suivant les indications données par le QG de Leningrad, a pu se positionner sur la route des Allemands qui battent en retraite (les leçons de coordination de la Royal Navy commencent à porter leurs fruits !). Il aperçoit le Hipper, qui se croit tiré d’affaire, mais a semé une partie de son escorte ASM. 12h11 – Le M-200 obtient une solution de tir et lance une salve de quatre torpilles, dont une frappe le Hipper ! A nouveau touché à bâbord, cette fois en plein milieu, le croiseur embarque des centaines de tonnes d’eau. Il prend une gîte prononcée et son commandant est forcé de noyer des compartiments à tribord pour éviter la catastrophe. Ciliax ordonne de gagner Memel. De son côté, le M-200 réussit à échapper à la contre-attaque des escorteurs. En effet, ce nouveau type de sous-marin est équipé du système de contrôle hydrostatique SPRUT, assurant sa stabilité à l’arrêt en plongée et qui l’aide à passer inaperçu. 12h30 – Un Ar 196 repère, non le M-200, mais le M-202, lui aussi alerté par Leningrad. Bien moins chanceux que son équipier, il va payer pour lui – bombardé par l’hydravion, il est touché et doit faire surface, mais il est achevé au canon par le T-7. 16h30 – C’est un Hipper bien malade qui atteint Memel. A bâbord, il n’a guère que 60 cm de franc-bord, et pas beaucoup plus à tribord. Les incendies allumés par les obus du Gorky et les bombes des Pe-2 sont éteints, mais ils ont fait d’importants dégâts que soulignent de larges balafres noires… Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – Les orages s’apaisent un peu dans la nuit, mais de fortes pluies se prolongent toute la journée, ajoutant encore aux difficultés des soldats des deux camps. L’offensive de Manstein vers Prylouky ralentit par manque de carburant, car les camions allemands ont du mal à progresser sur les routes humides, que la boue commence doucement à envahir. La 6. PzDiv (Langraf) reprend pourtant son avance vers 11h00 et atteint un peu après 13h00 les abords de Prylouky. Mais les chars allemands se retrouvent alors sous le feu de deux brigades antichars et subissent de très lourdes pertes. Comme l’écrira von Mellenthin (PanzerKämpfe, Köln, 1953) : « Une fois encore, la discipline de feu des Russes était exemplaire. Les antichars tractés étaient très bien camouflés et n’ouvraient le feu qu’à très courte distance, deux ou trois canons concentrant leurs tirs sur la même cible. Leurs chasseurs de chars, relativement discrets et de silhouette plus basse que les nôtres, opéraient eux aussi de positions qui se couvraient réciproquement. Le temps détestable empêchait notre aviation d’attaquer ces positions et la mauvaise visibilité favorisait les défenseurs. Nos blindés de soutien étaient souvent dans l’impossibilité d’engager les canons ennemis à longue portée et devaient s’approcher à 300 ou 400 mètres pour pouvoir toucher quelque chose, ce qui en faisait des cibles faciles pour les canons antichars. » A 14h30, Langraf signale à Manstein qu’il a perdu plus de 45 chars et qu’il est bloqué. Guderian reçoit du 3e PzG d’autres mauvaises nouvelles. Si, à l’ouest de Bakhmach, les hommes de la 47e Armée sont maintenant plus pressés de tenter de s’enfuir que de rompre leur encerclement par la force, à l’est de la ville, le LVII. AK de Kuntzen doit affronter une contre-attaque en règle de la nouvelle 1ère Armée Blindée. Cependant, attaquer par mauvaise visibilité se révèle tout aussi difficile pour les chars soviétiques que pour les panzers. Les blindés de Tchernyakovsky se montrent pourtant mieux adaptés au terrain de plus en plus mou, qui arrête souvent les chars de Manstein. A 15h00, la 1ère Armée Blindée rétablit le contact avec les derniers défenseurs de Bakhmach, menaçant sérieusement la 19. PzDiv. Seul un contre violent mené par la 12. PzD (Harpe) oblige Tchernyakovsky à reculer et sauve les avant-gardes allemandes. Mais les Allemands ne s’accrochent à Bakhmach que de très peu. L’offensive de l’aile sud –La pluie a cessé la veille au soir et quelques timides rayons de soleil font leur apparition. Avec le soleil, c’est le retour des avions d’assaut, mais ceux des VVS sont au rendez-vous comme ceux de la Luftwaffe. L’attaque de l’aile droite allemande reprend à 14h00. Elle se double d’une feinte sur Korsun sous la forme d’une tentative de franchissement en force du Ros’, mais celle-ci n’attirera pas le moindre blindé soviétique. Dés le départ, les blindés allemands se heurtent à nouveau aux tirs antichars. Cependant, cette fois, ils peuvent manœuvrer. Vers 16h30, la 406e Brigade Antichar a épuisé sa capacité de combat. Tous ses automoteurs sont détruits, ainsi que la moitié de ses canons tractés. Rokossovsky donne alors l’ordre aux 72e et 73e Brigades Blindées de contre-attaquer. Sur le petit plateau au sud de Korsun, un combat oppose, dans le jour déclinant, une centaine de blindés allemands à prés de 140 soviétiques. A la nuit, si les forces allemandes ont pris pied sur le plateau, elles ont payé ce succès de près de 50 chars détruits. Du côté soviétique, si on a perdu 70 chars, on reste confiant car la seconde ligne de défense n’a pas été atteinte. Siège d’Odessa Bataille de Svitle (cinquième jour) Poche de Chonormos’ke – Repoussés lentement au cours des derniers jours par d’incessantes offensives allemandes, les survivants des 2e et 40e Divisions de Cavalerie combattent comme de simples fantassins aux côtés de quelques restes de la 388e DI. Ces éléments ont été acculés à la mer Noire dans le minuscule village de Chonormos’ke. La 76. Infanterie-Division du général Angelis attaque une nouvelle fois pour anéantir les défenseurs épuisés. Toutefois, ceux-ci sont bien retranchés ; ils possèdent encore quelques chars T-50 et même un T-34 et plusieurs canons de campagne ZiS-3, à présent utilisés en tir direct. L’attaque allemande s’embourbe au milieu des explosions et des rafales de mitrailleuses, bien avant d’atteindre la première ligne. Le soutien de plusieurs StuG III n’y change pas grandchose. Leurs canons StuK 37 L/24 de 75 mm ne peuvent toucher les Soviétiques que si les obus Sprgr34 détonent directement au-dessus des tranchées. Sinon, le souffle de l’explosion les épargne et les éclats les survolent sans blesser personne. ……… Fontanka (banlieue est d’Odessa) – Deux Panzer II en reconnaissance approchent de la petite ville, au bord de la mer Noire, par la route d’Oleksandrivka, au nord. Ils sont piégés par deux canons antichars M-37 de 45 mm embusqués dans les haies parallèles à la route, dont les tirs croisés ne leur laissent aucune chance… 27 septembre Retombées Rastenburg (la “Tanière du Loup”), 20h00 – L’amiral Raeder, déjà peu en odeur de sainteté devant les pertes successives infligées à la flotte de surface allemande (voir appendice), est convoqué pour s’expliquer sur ce nouveau fiasco. Le Führer, négligeant le fait que les troupes de Saaremaa ont été tirées d’affaire, que les Soviétiques ont subi des pertes sévères et que les marins peuvent à bon droit accuser la Luftwaffe de ne pas avoir assuré au Hipper et au Z-24 blessés une couverture de chasse, se lance dans une longue harangue sur ces incapables qui perdent navire sur navire alors que l’acier ainsi gaspillé pourrait être utilisé pour des chars ou des sous-marins et qui ne sont même pas fichus de balayer de la surface des flots les rafiots des sous-hommes slaves. Pour conclure, au paroxysme de la fureur, il ordonne le désarmement de tous les grands bâtiments de surface ! Le métal économisé sera utilisé pour construire des U-boots et des Panzers ; quant aux canons, ils iront renforcer les fortifications des côtes françaises, belges et hollandaises. Raeder, déjà psychologiquement usé et conscient de l’échec de ce qu'il considère comme le grand projet de sa carrière, présente sa démission au Führer. Ce dernier, surpris malgré tout, réserve sa réponse. ……… Moscou – La Pravda titre en première page sur les « Faucons de Staline » qui ont envoyé par le fond un « croiseur fasciste » (le M-200 n’est pas encore rentré à sa base et, victime de problèmes de radio, il n’a pu donner sa version des faits !). En page 3, figure un récit palpitant (et un peu enjolivé) de la bataille navale de Saaremaa, racontant comment l’escadre du Maksim Gorky a affronté une flotte allemande composée d’un cuirassé et de plusieurs croiseurs lourds. L’article insiste longuement sur l’attaque Taran du “Colérique” – dont on laisse entendre qu’il a coulé sa cible. Le commandant et l’équipage du destroyer ont tous été faits Héros de l’Union Soviétique… à titre posthume, bien sûr. L’article ne précise pas que Feldman est encore « en entretien » avec des commissaires politiques. Il ne sera libéré qu’après presque 20 heures passées à se justifier sur le moindre dégât subi par sa flotte… Avec Tributs, il va pouvoir à nouveau se consacrer à améliorer l’entraînement au combat de nuit de ses hommes. Dans cet esprit, tous deux décideront de demander davantage de conseils à la mission de la Royal Navy. Sur le Front Secteur nord Leningrad – A la suite de la bataille navale de Saaremaa, du bilan final des pertes terrestres subies lors de la reconquête des îles du Golfe de Riga et de l’avancement de la date de l’opération Iskra, le raid amphibie envisagé dans ce cadre est annulé. Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – La pluie, qui a cessé une partie de la nuit, reprend à l’aube et tombe dru jusqu’à midi. Les conditions de circulation sur la route Nejyne-Prylouky deviennent très difficiles. Pourtant, von Manstein parvient à rassembler assez de forces pour envelopper les forces soviétiques au nord de Prylouky, forçant les deux brigades antichars, décimées, à reculer au sud de l’Uday. Ces brigades ont cependant gagné le temps nécessaire aux parachutistes du 4e Corps Aéroporté pour se retrancher dans la ville, pendant que la 37e Armée (Chuikov) se déploie le long de la rivière. Celle-ci est à présent gonflée par les pluies des jours précédents et il est vite clair qu’il ne sera pas facile de la traverser. Les pionniers allemands, soutenus par les canons d’assaut, passent pourtant vers 14h30 à l’est de Prylouky. Leurs têtes de pont sont immédiatement attaquées par l’infanterie de la 37e Armée et les combats se prolongent jusque tard dans la nuit. A Bakhmach, les derniers défenseurs se rendent dans la matinée. Hoth ordonne de poursuivre l’avance vers Romny, espérant couper les forces de Cherevichenko de leur aile gauche. Mais le LVII. AK est épuisé et les forces soviétiques font encore pression sur ses arrières, dans le secteur de Koryukivka, empêchant le XXXIX. AK de se déployer vers l’avant pour soutenir l’offensive. Si les Allemands continuent d’avancer, ils ont subi des pertes notables. Cependant, à l’étatmajor soviétique, la situation commence à paraître préoccupante. Joukov ordonne à la 1ère Armée de Choc (Malinovsky) de se préparer à affronter une attaque allemande venant de Bakhmach et presse Tchernyakovsky de repartir au plus tôt à l’attaque sur le flanc est de l’ennemi. A Moscou, la Stavka ordonne de créer à Tcherkassy et à Krementchouk des “districts fortifiés” (Ukreplenye Rajon), dits ChUR et KUR. ……… L’offensive de l’aile sud – Les nuages sont revenus dans la nuit et une pluie fine et froide tombe sur le champ de bataille. Conscient de ce que le temps joue contre lui, Kleist repart à l’attaque, non sans donner l’ordre à Sepp Dietrich de répéter sa tentative de la veille, mais pour de bon : il doit passer en force le Ros’ au sud de Korsun. Dans la nuit, Rokossovsky a pris la décision de renforcer ses Brigades Blindées avec les Bataillons d’appui (“NPP”) des deux divisions d’infanterie. Ces deux bataillons “NPP” comptent chacun 13 T-34 et 20 T-50 (ou T-26). Considérant que dans la bataille défensive qu’il mène, il lui faut une concentration de blindés, il va délibérément dégarnir l’infanterie. Ce risque calculé va payer. Si l’infanterie allemande perce la première ligne de défense, elle est arrêtée sur la seconde. L’essentiel de la bataille se joue sur le plateau où, renforcés de chars hâtivement réparés, les Allemands peuvent mettre en ligne 84 blindés. Ils se heurtent de nouveau aux 72e et 73e Brigades Blindées, renforcées donc par les chars de l’infanterie, pour un total de 130 blindés environ. Toute la matinée, un combat acharné se déroule sous la pluie. Vers 13h00, Kleist doit admettre qu’il ne percera pas – ses forces sont réduites à 31 chars. Pourtant, à cette heure, les Soviétiques, qui en ont perdu 90, n’en ont plus que 41. Mais la montée en ligne des bataillons “NPP” a fait croire aux Allemands que des réserves fraîches étaient arrivées. Au sud de Korsun, l’attaque de Sepp Dietrich est un demi-succès. Si l’une de ses tentatives de franchissement a été repoussée, l’autre a réussi, vers 15h30, à établir une fragile tête de pont au sud du Ros’. Elle est immédiatement contre-attaquée par la 153e DI, mais le commandant de cette dernière commet l’erreur de n’engager que l’un de ses régiments. À la tombée de la nuit, c’est à une tête de pont de 1 km de profondeur sur 2,5 km de large que les Soviétiques sont confrontés. Siège d’Odessa Bataille de Svitle (sixième et dernier jour) Poche de Chonormos’ke – Vers 04h00, deux side-car allemands qui se faufilent aux abords du village font une bien mauvaise rencontre, butant littéralement sur un T-34 et un T-50 venus de Fontanka. Les blindés viennent de percer pour atteindre la poche, escortant de six camions. Deux d’entre eux, remplis de munitions, tractent des canons antichars (un M-37 et un ZiS-2). Les quatre autres sont chargés de renforts venus d’Odessa. L’opération est en fait moins périlleuse qu’il puisse paraître au premier abord. Sans doute, Chonormos’ke a été coupée de la poche principale, mais il n’y a pas de troupes allemandes pour faire barrage, juste deux villages à l’abandon et un pont à traverser… A portée de l’artillerie allemande, bien sûr. De nuit, tous feux éteints, les véhicules réussissent à traverser ce passage délicat sans se faire remarquer, du moins jusqu’à leur rencontre avec les side-cars, dont l’un parvient à s’échapper. Ironiquement, les seuls tirs essuyés par le convoi viennent des lignes soviétiques où les sentinelles, alertées par le bref “combat” contre les side-cars, pensent d’abord à une attaque surprise. Lancée vers 09h30, l’attaque allemande ressemble à celle de la veille presque dans chaque détail. Après une virulente préparation d’artillerie, s’acharnant sur les points les plus faibles des défenses soviétiques, l’infanterie montait à l’assaut, appuyée par des StuG III. Les mitrailleuses Maxim des Soviétiques balaient mécaniquement le terrain creusé de cratères tandis que l’artillerie tonne pour en creuser de nouveaux. Le no man’s land, déjà jonché d’épaves et de cadavres couverts de mouches, se transforme à nouveau en antichambre de l’enfer. Des deux côtés, le ravitaillement en munition et les réparations du matériel endommagé se fait sous le feu ennemi et les mécaniciens et l’intendance souffrent beaucoup. Un T-34 déchenillé est ainsi réparé sans jamais cesser de tirer entre les isbas en ruine de Chonormos’ke et des tranchées presque comblées, où les blessés continuaient la lutte. Les Allemand infligent des pertes sévères aux défenseurs, mais ils ne parviennent pas à anéantir la poche… ……… Fontanka (banlieue est d’Odessa) – Dans ce secteur, les Allemands parviennent à leurs fins, non sans perdre beaucoup de monde. ……… Au total, la journée se solde par près d’un millier de morts allemands et plus de onze cents chez les Soviétiques, sans parler, dans les deux camps, de deux fois autant de blessés. L’avantage a été très largement à la défensive, car les bombardements massifs des lignes ennemies n’ont pas réussi à chasser les défenseurs des tranchées. Au contraire, les fantassins à découvert ont été massacrés. La bataille de Svitle évoque irrésistiblement la Première Guerre Mondiale et ses boucheries… Des promesses… Bucarest – Une réunion en petit comité se tient dans le bureau du maréchal Ion Antonescu, conducator de l’état national-légionnaire roumain et chef de l’armée. Outre le dictateur luimême, deux membres du gouvernement sont présents : Eugen Cristescu, directeur des Renseignements, et Mihail Antonescu (sans lien de parenté avec le Conducator), viceprésident du conseil. En face d’eux, deux Allemands : l’attaché militaire du Reich, le Generalmajor Arthur Hauffe, et le SS-Standartenfürher Otto Ohlendorf. Ce dernier participe à la conférence en tant que chef de l’Einsatzgruppe D, mais il a aussi été sollicité pour ses compétences en matière de droit et d’économie. En effet, Ohlendorf a été avocat, diplômé en Jurisprudence à l’université de Pavie, puis il a occupé un poste au ministère de l’Economie du Reich. Ce personnage aux compétences éclectiques a également été membre du SD-Inland, le département de la SS chargé de la sécurité intérieure. Deux traducteurs du département des Affaires étrangères s’efforcent de rendre au mieux les propos des uns et des autres. Assis derrière son bureau, le maréchal Antonescu pose sur ses invités un regard fatigué : « Messieurs, je vous ai fait convoquer car le rapport que m’a envoyé le général Nicolae Ciuperc! décrit une situation préoccupante. La 4e Armée serait épuisée par des semaines d’attaques répétées. Elle manquerait de ravitaillement et surtout ferait face à des partisans soviétiques bien armés et ravitaillés par avion. Le général Ciuperc! propose de laisser la population ukrainienne s’autogérer, d’alléger le dispositif de siège d’Odessa et d’améliorer l’intendance avant de reprendre l’offensive en direction de la Crimée. Naturellement, j’ai fait remplacer le général Ciuperc! par le général Iosif Iacobici. De tels propos sont défaitistes ! Cependant, depuis que j’ai fait rapporter l’Ordre Opératif n°41, l’armée attend un nouveau plan d’attaque pour reprendre Odessa aux Rouges ! J’aimerais avoir vos avis. » Le Standartenfürher Ohlendorf a hoché la tête en entendant le résumé du rapport, puis grimacé en apprenant que le maréchal Antonescu avait fait remplacer son auteur : « Conducator, permettez-moi de parler franchement, en tant que chef d’un groupe d’intervention spécialement chargé de la lutte contre les partisans. Le général Ciuperc! a raison. J’insiste personnellement auprès de mes hommes pour que l’embarquement des Juifs dans les camions se fasse sans violence, pour limiter l’impact négatif sur la population. Les inévitables… éliminations doivent être effectuées dans les forêts, loin à l’écart des villages. Les tombes doivent être creusées profondément et dissimulées. Il faut éviter tout ce qui peut monter contre nous la population civile. J’insiste également pour que les exécutions se passent de la manière la plus humaine possible. Il n’y aucune raison de faire souffrir des gens qui vont mourir. Et je pense aussi aux conséquences psychologiques chez les militaires que leurs supérieurs obligent à exécuter des personnes désarmées, à genoux, d’une balle dans la nuque. Herr Maréchal, sans vouloir offenser l’Armée roumaine, je dois à la vérité de dire que j’ai assisté de la part de vos troupes à des massacres opérés de manière non professionnelle et même avec un véritable sadisme, sous les yeux des proches des victimes. Permettez-moi de condamner de telles pratiques. Elles ne facilitent en aucun cas la résolution du problème juif et, surtout quand les individus exécutés sont des partisans, elles provoquent la recrudescence des actes de terrorisme. Les Ukrainiens détestent probablement autant Staline que vous et moi. Il serait avantageux de ne pas les dresser contre nous. » Après cette plaidoirie, le SS s’incline légèrement devant le Conducator, qui acquiesce : « Je comprends ce que vous voulez dire. Je le comprends très bien, mais la légitime colère des Roumains a provoqué des débordements bien excusables. Il n’en demeure pas moins que je dois vous donner raison. Il y a peut-être eu un excès de complaisance de la part des officiers supérieurs envers ces pratiques. Je veillerai à ce que le général Iacobici aborde le problème de manière plus professionnelle. Nous ne sommes plus au temps de Vlad l’Empaleur, n’est-ce pas ! » La référence à ce croisé qui a sauvé son pays comme la Nouvelle Europe du Führer sauvera le monde du Judéo-Bolchevisme fait naître quelques sourires chez les Roumains comme chez leurs alliés. Mihail Antonescu tousse dans son poing pour attirer l’attention. Le vice-président du conseil prend la parole en regardant l’attaché militaire allemand : « La Roumanie est bien sûr reconnaissante envers son ami et allié, le Grand Reich allemand. Grâce à son aide, la Bessarabie et la Bucovine du Nord ont été pratiquement recouvrées. Cependant, la prise d’Odessa se révèle très difficile. Je suis professeur d’université, pas militaire, et je ne me permettrai pas de discuter de l’Opération Typhon. Toutefois, il ne fait aucun doute que la Luftflotte 4 a fait de ce secteur du front sa priorité. Il me semble difficile de réduire Odessa sans l’aide de l’aviation. » Jusque là silencieux, Eugen Cristescu intervient : « Un siège me paraît voué à l’échec. Les rapports que je reçois me certifient que les Bolcheviques ravitaillent plus que correctement la ville par voie maritime. Le port est le lieu d’une activité intense. Les navires apportent des tanks, des munitions, des canons, des hommes, de la nourriture. Ils repartent chargés de blessés et de civils évacués. La flotte roumaine n’est absolument pas de taille face aux unités que les Rouges déploient en mer Noire. Quand à notre aviation, elle manque de bombardiers et elle est déjà très sollicitée par la défense des raffineries de Ploesti. » – Messieurs, permettez-moi quelques explications, répond le général Hauffe. Je comprends bien sûr que la relative faiblesse de la Luftwaffe au-dessus du champ de bataille puisse vous inquiéter. Toutefois, je tiens à souligner qu’il n’est pas dans les intentions du Führer d’abandonner le ciel aux Rouges. Une fois la bataille de Kiev remportée, la prise d’Odessa deviendra la première priorité du Grand Reich et de nouveaux moyens terrestres et aériens vous seront attribués. Dans l’intervalle, nous n’avons pas pour autant l’intention de vous laisser sans secours. Vous avez déjà reçu quatre mortiers automoteurs de plus de 500 mm. Les canons sur rail Dora et Schwerer Gustav sont encore retardés par des contingences matérielles, mais une fois sur place ils pourront détruire à coup sûr n’importe quel blockhaus soviétique. Pour ce qui est de la supériorité soviétique en mer Noire, le Führer a demandé personnellement à l’amiral Dönitz de faire transférer par le Danube des U-Boots et des EBoots qui sauront se rendre utiles, j’en suis certain. En réaction aux attaques contre Ploesti des ploutocrates occidentaux, la Luftwaffe a décidé d’accélérer la formation d’un nouveau Jagdgeschwader, le JG 4, qui sera chargé de défendre la Bulgarie et la Roumanie. Le maréchal Antonescu reste quelques instants pensif, puis : « Si le Führer dit que la priorité est de battre les Bolcheviques à Kiev, les Roumains feront de leur mieux pour l’aider. Chaque avion soviétique qui tourne au-dessus des soldats de notre armée est un avion de moins pour gêner nos frères d’arme de la Wehrmacht. Je suis d’autant plus déterminé à prendre Odessa. Toutefois, comme nous ne pouvons pour l’instant disposer des renforts promis, il nous faut réfléchir à partir de nos forces actuelles pour déterminer la conduite que l’armée roumaine devra adopter dans les prochains jours. » Le Standartenführer Ohlendorf reprend la parole : « Il me semble que la stratégie proposée par le général Ciuperc! est la meilleure pour le moment. Reprenons l’offensive vers l’est de manière à éloigner les Soviétiques d’Odessa, tout en maintenant autour de la ville une force suffisante pour interdire toute sortie. Une fois la victoire remportée à Kiev, l’armée soviétique sera brisée et nous recevrons des renforts qui nous permettront de réduire la poche et de prendre la ville. » 28 septembre Sur le Front Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – Le temps s’améliore assez pour que les opérations aériennes reprennent, mais si la Luftwaffe réapparaît dans le ciel, les VVS en font autant. Une série de batailles aériennes se déroulent dans le carré Nejyne-Bakhmach-Romny-Prylouky. Mais le commandement allemand s’inquiète surtout de plusieurs raids contre des convois de ravitaillement allant de Gomel à Chernygov. Richthofen doit choisir : ses forces surmenées peuvent soutenir les pointes avancées de Guderian ou protéger ses lignes de communication, mais pas les deux. Informé, Guderian réclame « un appui maximum sur l’axe de l’offensive. » Il sait que seul l’appui aérien peut l’aider à traverser l’Uday et à atteindre Romny. Il espère qu’à ce moment, ses deux PanzerGruppen pourront se soutenir réciproquement. En dépit de l’opposition de la chasse soviétique, le soutien de la Luftwaffe permet aux chars de von Manstein de traverser l’Uday. Mais l’infanterie du LVI. Armeekorps ne parvient pas à arracher Prylouky aux parachutistes soviétiques. Il faut contourner la ville pour avancer vers Pyryatyne. Voyant les chars allemands percer les lignes de sa 37e Armée, Chuikov ne panique pas et ordonne à ses hommes de se mettre à couvert et de combattre là où ils sont, leur évitant une destruction certaine s’ils avaient tenté de se replier à découvert. Cette tactique est efficace, car les Allemands manquent cruellement d’infanterie, en raison des pertes subies en août lors de la bataille de Smolensk, mais aussi de l’obsession de Guderian pour la vitesse, qui l’a conduit à exagérer la proportion de chars par rapport à l’infanterie dans sa PanzerArmee. Les panzers sont donc obligés de manœuvrer au milieu des positions soviétiques, tandis que les restes des deux brigades antichars, regroupés en un “groupe spécial antichar”, évitent à la 37e Armée l’encerclement total. A l’est de Prylouky, les forces de Hoth marchent vers Romny. Mais en fin de journée, l’avantgarde commence à signaler de fortes concentrations de troupes soviétiques. Guderian constate que les perspectives sont bien plus sombres que deux jours plus tôt. Il se heurte sans cesse à de nouvelles forces ennemies et la percée au sud de Nejyne n’a pas été le début tant espéré d’une course vers le Dniepr. Il commence à réévaluer ses plans, tout en continuant d’espérer que les progrès du 3. PzG provoqueront l’effondrement des défenses soviétiques. ……… L’offensive de l’aile sud – Alors que sur le plateau le calme revient, en dépit de tentatives sporadiques des Soviétiques pour reprendre l’initiative, les combats s’intensifient en aval de Korsun. Sepp Dietrich a mis la nuit à profit pour tenter de renforcer sa tête de pont, mais les Soviétiques ont concentré des forces puissantes. Le général Popov lui-même va superviser la contre-attaque. Après avoir démis de ses fonctions le général commandant la 153e DI, il ajoute aux unités de celle-ci la 342e Brigade d’Artillerie, un régiment de la 152e DI et le bataillon “NPP” de cette dernière. Au matin, les Allemands sont assaillis par quatre régiments et deux bataillons blindés, soutenus par deux régiments de 122 mm M30 (72 obusiers) et un régiment de 107 mm M60 (36 canons). Sous un déluge de feu, les unités allemandes ont du mal à résister. Vers 12h30, la tête de pont est coupée en deux. Cependant, avec le soutien de l’artillerie placée sur l’autre rive et d’une attaque de Stukas qui profite d’une éclaircie, les troupes allemandes réussissent à rétablir la situation. Cependant, à la fin de la journée, la poche ne fait plus que 1 200 m de large et 650 m de profondeur. Kleist, qui se prépare à partir pour Rastenburg tenter de convaincre Halder et surtout Hitler d’accepter l’option “Petit Typhon”, donne l’ordre d’évacuer dans la nuit. Contrairement à ce qu’on aurait pu craindre, cette évacuation est réussie, mais les pertes subies dans la journée par les troupes d’assaut ont été lourdes. Un peu soulagé, Kleist s’envole avec, dans ses bagages, les chiffres des blindés dont ses troupes disposent encore… KampfGruppe Hube : 77, dont 34 opérationnels – 13. Panzer : 73, dont 30 opérationnels – KampfGruppe Dietrich : 79, dont 41 opérationnels. Siège d’Odessa Poche de Chonormos’ke – Dans la nuit du 27 au 28 septembre, les restes des défenseurs soviétiques évacuent la poche par la mer. En l’absence de toute installation portuaire, les armes lourdes doivent être abandonnées. Les Allemands comprennent ce qui se passe, mais, dans l’obscurité, ne peuvent intervenir efficacement qu’au lever du jour. Ils capturent 175 soldats soviétiques – pour la plupart blessés – et s’emparent d’une vingtaine de canons, d’une douzaine de camions et de six chars et automitrailleuses. Les engins automobiles ont été sommairement sabotés et les optiques des pièces d’artillerie ont été fracassées à coup de masse, mais les tubes eux-mêmes sont intacts. On a pu expliquer la relative inefficacité du sabotage par… la sévérité du stalinisme envers la détérioration de l’outil de travail. Pour la plupart des soldats, endommager une machine était de la haute trahison et un accident provoqué par l’usure ou l’inattention conduisait le responsable à être jugé pour sabotage et déporté en Sibérie ! Les Soviétiques montraient ainsi une répugnance certaine à endommager les biens de l’Etat… Plusieurs milliers d’armes allant de pistolets Tokarev à des FM Degtyarev DP-28, en passant par des fusils Mosin-Nagant et des mitraillettes PPSh-41, sont aussi capturées. Certaines armes se retrouveront dans la Wehrmacht, parfois rechambrées. D’autres équiperont les Einsatzgruppen chargés de la lutte contre les partisans et de la « résolution de la question juive ». 29 septembre Sur le Front Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – Le temps se gâte à nouveau dans la nuit. La journée sera pluvieuse, de violentes averses ponctuant un crachin continu. Les forces de Manstein approchent de Pyryatine, mais avec lenteur, à la fois en raison de la dégradation des conditions de circulation sur les routes et de la pression exercée par les troupes de Chuikov sur le flanc droit. En fait, quatre divisions d’infanterie de la 37e Armée (soutenues par les restes des 401e et 405e Brigades Antichars) sont réparties de Prylouky, où quelques parachutistes tiennent encore le centre de la ville, jusqu’à Pyryatyne. L’avance allemande les a progressivement refoulées vers le Dniepr, mais Pyryatine est défendue par la 327e DI et la 399e Brigade Antichar. Plus à l’est, la 19. PzDiv entre dans Romny vers 10h00 sans grande opposition, bientôt suivie par des éléments de la 12. PzDiv. Puis les blindés allemands commencent à progresser vers Chervonozavods’ke, menaçant de piéger toutes les forces de Joukov. C’est en début d’après-midi que la 1ère Armée de Choc de Malinovsky déclenche sa contreattaque. Le 7e Groupe de Choc (major-général A.A. Vlasov) attaque au sud-est de Romny pendant que le 5e Corps de Cavalerie s’infiltre de Chervonozavods’ke (au sud) vers la route est-ouest Romny-Prylouky. Les chars et les troupes motorisées des trois brigades blindées de Vlasov frappent de plein fouet le LVII. ArmeeKorps. Les 20e et 47e Brigades Blindées alignent chacune deux bataillons de chars (à 5 KV-1, 21 T-34 et 10 T-50 chacun), plus un bataillon de fusiliers appuyé par 8 canons de 76 mm. La 131e Brigade Blindée lourde aligne deux bataillons de chars lourds (à 15 KV-1, 3 KV-2 et 10 T-34 chacun), plus un bataillon d’infanterie motorisée. C’est donc en tout 200 chars (50 KV-1, 6 KV-2, 104 T-34 et 40 T-50) qui déferlent sur la 19. PzDiv, laquelle n’en a plus que 90 à peine. La division de von Knobelsdorff accuse durement le coup. Rapidement coupées, les avant-gardes allemandes sont attaquées par le 5e Corps de Cavalerie, auquel ses chevaux donnent dans la boue une mobilité supérieure à celle des véhicules à roues. La 12. PzDiv (Harpe) tente de secourir la 19. PzDiv, mais ne peut rassembler pour l’aider que trois compagnies en sous-effectifs, deux équipées de Pz.38t et de Pz.III et une dotée de 11 Pz.IV et 5 Pz.V. Les Allemands ont d’autant plus de difficultés que les Pz.III, IV et V, dont la pression au sol est élevée, ont de grosses difficultés pour évoluer hors des routes dans la boue. Au contraire, les T-34 et T-50, beaucoup moins chargés au cm2 de chenille, manœuvrent assez facilement. Vers 16h30, les 12. et 19. PzDiv ont perdu plus de la moitié des chars qui leur restaient. Les survivants s’efforcent d’échapper à l’encerclement et les troupes allemandes commencent à reculer vers Romny, ce qui permet aux 82e et 85e Divisions de Cavalerie soviétiques d’atteindre au crépuscule la route Romny-Prylouky. Dans la soirée, rudement pressés par leurs adversaires, les Allemands évacuent Romny. Pour Manstein, la nouvelle de la contre-attaque de Malinovsky est catastrophique. Non seulement cela veut dire que l’avance vers Chervonozavods’ke est arrêtée, mais il est luimême menacé d’être attaqué sur son flanc gauche. Il doit réagir. Après en avoir discuté avec Reinhardt, il décide de laisser Breith et sa 3. PzDiv pousser vers Pyryatyne et de faire pivoter le LVI. ArmeeKorps vers l’est pour se débarrasser de la menace soviétique sur son flanc. Informé durant la nuit, Guderian rejette l’idée de Manstein : « Ce n’est qu’en avançant qu’on écartera la menace, un coup de poing n’a pas besoin de se protéger ! » Il doit pourtant reconnaître la vulnérabilité des flancs du 2e PzG aux forces soviétiques déployées à l’est de Kiev. Il décide de se rendre en avion au QG d’Hitler, à Rastenburg, dès le lendemain, pour demander des renforts d’infanterie afin de pouvoir concentrer ses blindés à la pointe de son offensive. L’offensive de l’aile sud – Alors qu’un calme précaire est revenu dans son secteur, Kleist s’envole pour Rastenburg, où il arrive en fin de matinée. Guderian, retenu par ses propres problèmes, n’arrivera que le lendemain. Kleist en profite pour tenter de convaincre Halder qu’il faut se contenter de l’option “Petit Typhon”. Cependant, ce dernier a été impressionné par les assez bonnes nouvelles en provenance de la branche nord de Typhon : « Je comprends que vos forces sont trop affaiblies pour avancer rapidement sur la rive droite du Dniepr, mais s’arrêter entre Kanev et Cherkassy serait très prématuré. Vous en reparlerez avec le Führer. » En effet, dans la soirée, Kleist est reçu par Hitler. Celui-ci se montre compréhensif, mais ne renonce pas au but original de l’opération : « Vous avez fait de votre mieux ! Si ces fichus Hongrois avaient été plus combatifs, ils vous auraient débarrassés de ces troupes qui vous ont tellement gêné sur votre flanc droit. Je savais bien que les Magyars n’étaient pas de vrais Aryens ! Enfin, à présent, il faut corriger cela. J’admets que vous n’aviez pas tout à fait assez de Panzers. Nous allons vous en envoyer 200 de plus ! Avec ça, vous pourrez mener à bien votre mission ! » Hitler, cependant, ne précise pas quand les deux cents chars promis arriveront sur le front. ……… Côté soviétique, Vassilievsky rencontre Kirponos pour préparer une opération de diversion. De ses positions au sud de Kiev, la 26e Armée, renforcée par les 195e et 200e Divisions (reconstituées) et par la 28e Brigade Blindée qui vient s’ajouter à sa 2e Brigade Antichar, doit passer à l’attaque vers Belaja Tcherkov. Siège d’Odessa Sur l’ensemble du front – Les affrontements autour d’Odessa connaissent une certaine accalmie. Les Germano-Roumains ont interrompu leurs offensives pour se réorganiser et les Soviétiques peuvent souffler un peu. 30 septembre Guerre navale Rastenburg (la “Tanière du Loup”), 20h00 – Adolf Hitler accepte finalement la démission de l’amiral Raeder – non sans réticence, semble-t-il. A sa place, il nomme naturellement Dönitz, tandis que l’adjoint de ce dernier, Eberhard Godt, prend le commandement de la flotte sous-marine, à laquelle son chef continuera toutefois à porter la plus grande attention. Ironie du sort, c’est Dönitz qui va réussir à convaincre le Führer de limiter sa vindicte à l’interruption définitive des travaux sur le Graf Zeppelin et des réparations du Gneisenau et, bien sûr, du Hipper. Le Glowworm et le Serdityi sont vengés… Quant à l’amiral Raeder, il est nommé amiral-inspecteur de la flotte, un poste purement honorifique. Sur le Front Secteur centre Opération Typhon L’offensive de l’aile nord – Une pluie intermittente tombe de nuages bas sur les champs de bataille. Dès l’aube, la 3. PzDiv de Breith, ou ce qui en reste (une force improvisée constituée autour d’un bataillon blindé décimé, d’un bataillon d’infanterie mécanisée et de quelques engins de reconnaissance) tente d’enlever Pyryatyne. Mais les Soviétiques de la 327e DI et de la 399e Brigade Antichar sont bien retranchés et le temps empêche les stukas d’appuyer les attaquants. A Romny, Malinovsky a constitué un groupe de combat avec les blindés du 7e Groupe de Choc, dont les pertes subies la veille ont été compensées par des chars du 5e Corps de Cavalerie. Cette force quitte Romny à 04h00 vers Prylouky pour couper de leurs arrières les éléments du 2e PzG qui assaillent Pyryatyne. Mais ils se heurtent vers midi au LVI. ArmeeKorps de von Manstein, qui effectue une manœuvre en tenailles parfaite. Les 302e et 312e Brigades Blindées du 5e Corps de Cavalerie, encore principalement équipées de BT-5 et de BT-7, et la 24e Division de Cavalerie sont pratiquement détruites en deux heures de combat. Les forces de Manstein repoussent les Soviétiques jusqu’à Romny, où ils arrivent au crépuscule. Là, cependant, la 6. PzDiv est attendue par la 398e Brigade Antichar et la 131e Brigade Blindée lourde. Les Allemands perdent 27 chars en vingt minutes et Manstein suspend l’attaque. Il a évité la catastrophe, mais son LVI. AK est presque épuisé. Pendant ce temps, à Bakhmach, la 1ère Armée Blindée de Tchernyakovsky, renforcée par la 168e Brigade Blindée lourde et les 324e et 526e Rgt d’Artillerie à grande puissance, attaque en force le flanc gauche allemand, espérant provoquer l’encerclement d’une partie du 3e PzG. L’objectif est présomptueux, considérant les forces commandées par Tchernyakovsky, mais les éléments du XXXIX. AK qui tiennent Bakhmach sont durement éprouvés. C’est la 20. ID qui subit le choc le plus violent et seule l’utilisation adroite de ses canons antichars et de quelques canons d’assaut de la 7. PzDiv lui évite d’être complètement débordée. Malgré sa résistance, les troupes soviétiques commencent dans la soirée à s’infiltrer dans Bakhmach. Alors que ses hommes affrontent des forces soviétiques d’une puissance inattendue, Guderian est à Rastenburg, où il tente d’obtenir une partie des divisions d’infanterie maintenant déployées devant Smolensk en plus des renforts de blindés neufs qui lui ont été promis pour remplacer ceux perdus depuis le début de Typhon. Comme en témoigne le journal de Halder, il est fraîchement reçu ! Halder, opposé depuis le début à l’offensive en Ukraine, n’apprécie absolument pas l’autonomie accordée à Guderian et sa nomination à la tête de la 1ère PanzerArmee. Son adjoint, Paulus, est bien mieux disposé envers Guderian. Mais le plus important est que les troupes déployées à l’est de Minsk n’ont pas récupéré après les batailles du mois d’août. Alléger le dispositif dans cette région pourrait offrir aux Soviétiques une bonne occasion pour repartir à l’attaque. Les nouvelles qui arrivent de Méditerranée n’aident pas non plus Guderian. La Sicile est donnée comme perdue. Le risque de voir l’Italie s’effondrer devient tangible ! Tout ce que peut obtenir Guderian après avoir rencontré Hitler dans l’après-midi est l’envoi de 200 chars en plus des 300 déjà promis par Paulus. Mais ces 500 blindés ne pourront arriver par train que jusqu’à Gomel (ou même Jlobine, si la gare de Gomel est trop endommagée par les bombardiers soviétiques). Ils devront ensuite rouler vers le sud par leurs propres moyens. Ces 500 chars sont bien plus que les 200 auxquels Kleist a eu droit, mais pour eux aussi se pose la question : quand atteindront-ils le champ de bataille ? Guderian s’efforce alors de réduire les ambitions de Typhon. Arguant du fait que Kleist est en retard dans son avance vers le Dniepr, il propose à son tour de se contenter d’un encerclement encore très significatif en faisant converger les troupes allemandes vers Tcherkassy et non vers Krementchouk. Cette option “Petit Typhon” (Kleine Taifun) n’est acceptée ni par l’OKH ni par l’OKW. Cette fois, la principale raison alléguée est que cette manœuvre restreinte interdirait d’autres mouvements vers Rostov et la Crimée et que le Dniepr est si large à Tcherkassy que les flottilles fluviales soviétiques pourraient sans doute ravitailler Kiev et les troupes encerclées. En réalité, Halder cherche par tous les moyens à nuire à Guderian. Celuici le méprise ouvertement, car il l’estime trop conservateur. Halder, en retour, considère que Guderian se prend pour une vedette et refuse de concevoir ses plans dans le cadre d’une stratégie globale. ……… L’offensive de l’aile sud – Alors qu’une pluie de plus en plus froide tombe à nouveau sur le champ de bataille, la 26e Armée attaque, sous le commandement du général Sokolov. Les 99e et 195e Divisions d’Infanterie, appuyées par le 133e Régiment d’Artillerie et la 28e Brigade Blindée, se ruent sur les positions de la 299. ID. Celle-ci plie sous le choc et se retire progressivement jusque sur le Ros’, près de Belaja Tcherkov. Les combats sont très violents, mais les troupes allemandes se raidissent peu à peu et parviennent à bloquer l’assaut des Soviétiques. Vers 16h30, ces derniers ont atteint la rivière en trois endroits, mais ne peuvent la franchir. Sokolov, général venu du NKVD et encore peu familiarisé avec les exigences du front, comprend qu’il va devoir attendre l’arrivée des troupes spécialisées du Génie. Pendant ce temps, à Rastenburg, Kleist voit Guderian demander lui aussi de réduire les ambitions de Typhon, mais il ne cherche pas à le soutenir. Il est en effet ulcéré de constater que Guderian a obtenu 500 chars, alors qu’on ne lui en a promis que 200. Cependant, apprenant la nouvelle de l’offensive russe, il écourte son séjour à Rastenburg et rejoint Boguslav dans la soirée. Siège d’Odessa Usatove (au nord-ouest d’Odessa) – Après une brève préparation d’artillerie, l’infanterie roumaine attaque cette petite ville située entre Odessa et Dachne. Les Rouges bénéficient de défenses solides – fossés antichars et champs de mines couvrant des tranchées renforcées de sacs de sable, d’où FM et mitrailleuses Maxim cueillent les assaillants. Pourtant, à la mijournée, le combat tourne en faveur des Roumains, qui se sont emparés de la gare, position stratégique cruciale, et commencent à nettoyer les maisons en ruines du secteur. Obstinés, les Soviétiques lancent une contre-attaque, encerclant la gare, dont la défense est commandée par le lieutenant Marius Dumitriescu, sorti major de la promotion 1941 de l’école des officiers. Sa section résiste avec acharnement jusqu’à une ruée massive de l’infanterie soviétique, qui se termine à la baïonnette – Dumitriescu est tué, ainsi que la totalité de ses hommes. Il sera décoré à titre posthume de l’Ordre de Mihail Viteazul de 3e classe.