Questionnaire sur le droit d`auteur et les logiciels

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Questionnaire sur le droit d`auteur et les logiciels
IPM EAD 2010-11 – Clément PRUDHOMME
Questionnaire sur le droit d’auteur et les logiciels
1) QUI EST LE PROPRIETAIRE D’UN LOGICIEL CREE PAR UN SALARIE ? ET DANS
QUELLES CONDITIONS ?
En France depuis la loi du 3 juillet 1985, les logiciels sont protégés par le droit d’auteur comme le précise
l’article L112-2 :
« Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code : {…}
13° Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire».
Précisons ici que le droit d’auteur protège à la fois le programme exécutable mais aussi le matériel préparatoire,
par exemples les dossiers de conception, les maquettes, etc.
En cohérences avec les bases du droit d’auteur, les droits moraux et les droits patrimoniaux s’appliquent donc
aux logiciels avec des nuances pour les droits moraux qui sont diminués. En nous référant au Code de la
propriété intellectuelle dans sa version consolidée au 31 juillet 2011, l’article L113-9 précise les doits concernant
un logiciel crée par un salarié :
“Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur
documentation créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions
de leur employeur sont dévolus à l'employeur qui est seul habilité à les exercer.”
Les logiciels sont donc un cas particulier par rapport aux autres œuvres protégés par le droit d’auteur puisque
l’employeur dispose automatiquement des droits patrimoniaux qui sont décrits à l’Article L122-6. Globalement,
l’employeur dispose du droit d’exploitation qui lui permet de reproduire, traduire, adapter et commercialiser le
logiciel à titre onéreux ou gratuit à la condition que le logiciel est été développé dans l’exercice des fonctions du
salarié ou à la demande de l’employeur.
Dans son intervention à 3 min 28, le père de Maxence dit vouloir faire un logiciel propriétaire de Morphing
Head. Il invoque un peu plus tard le fait que Juliette soit sous contrat avec son entreprise pour justifier qu’il
possède les droits patrimoniaux que nous venons de décrire. Il semblerait que le droit concernant les logiciels
confirment ses propos et soit en sa faveur.
2) DANS CE CAS, POURQUOI JULIETTE SE CONSIDERE -T-ELLE COMME LA
PROPRIETAIRE DU « MORPHING HEAD » ? (JUSTIFIEZ VOTRE REPONSE).
Dans la vidéo « la tête de l’emploi », Juliette travaille sur un logiciel dénommé « morphing head ». Elle a
travaillé sur ce logiciel en collaboration avec d’autres personnes. Elle se considère comme la propriétaire du
logiciel en opposition avec l’entreprise qui l’emploi en se basant sur deux principaux éléments :
-
elle l’a conçu en dehors des heures de travail (2 min 55),
elle l’a créé chez elle avec Maxence (3 min 50),
son contrat a uniquement pour objet le développement de la nouvelle version de « bébé bilingue »,
Les justifications de Juliette montrent qu’elle est bien la propriétaire du Morphing Head et que son employeur ne
dispose pas des droits patrimoniaux. En effet, elle a réalisé ce logiciel ni à la demande de son employeur ou sous
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les instructions de ses responsables, ni dans l’exercice de ses fonctions mais en dehors de son temps de travail et
avec son matériel personnel. Elle est donc bien la propriétaire de Morphing Head puisqu’il a été réalisé hors
contrat, en dehors du lieu de travail et avec ses biens personnels.
Nous pouvons également illustrer cette question par ce fait d’actualité : en Chine, un développeur web a créé
une plate-forme pour le compte d’un client. Le client ne l’ayant jamais payé, le développeur a décidé de publier
le code sous licence open source. Malgré le peu de détail sur cette affaire, il apparait qu’il n’y a jamais eu de
contrat et le développeur n’a jamais été payé. Il semble donc tout à fait légal pour le développeur de déposer le
code en open source, l’entreprise aura du mal a prouvé qu’elle en est propriétaire puisque l’entreprise ne possède
aucune preuve pour démontrer son lien ave l’employé.
3) LES LOGICIELS CREES PAR DES STAGIAIRES OU DES INTERIMAIRES
APPARTIENNENT -ILS A L’EMPLOYEUR ?
Bien que je n’ai trouvé aucun article dans le code de la propriété intellectuelle mentionnant les droits des
stagiaires ou des intérimaires, il semble que ceci sont habituellement exclus du champ d’application. Il est
nécessaire de prévoir une cession des droits du stagiaire ou de l’intérimaire au profit de l’employeur ou
d’avoir convenu d’un accord dans le contrat (par exemple un informaticien en free-lance) dans les cas où il
y a eu rémunération pour le travail.
Nous pouvons mentionner comme exemple l’affaire PUECH contre le CNRS qui concerne le droit
d’invention des salariés et relatif à la propriété industrielle. En résumé le docteur PUECH dans le cadre d’un
stage a déposé un brevet en 1997 dont il est confirmé qu’il est l’inventeur. Moins un mois plus tard, le
CNRS fait de même avant d’engager une action judiciaire pour revendiquer la propriété du dit brevet.
L’arrêt du conseil d’état du 22 février 2010 a confirmé que l’Article L611-7, ne s’applique qu’aux salariés et
ne s’applique pas aux stagiaires non rémunérés. Le docteur PUECH est donc bien propriétaire du brevet tant
sur les droits moraux que patrimoniaux.
Sources & informations complémentaires sur l’affaire PUECH contre CNRS :
http://jeanpaulmartin.canalblog.com/archives/inventions_de_stagiaires_etudiants/index.html
http://breese.blogs.com/pi/2008/08/invention-de-st.html
4) LE SALARIE CONSERVE-T-IL UN DROIT MORAL SUR SON LOGICIEL ?
Comme vu précédemment, l’employeur se voit attribuer automatiquement les droits patrimoniaux d’un logiciel
réalisé par un employé à condition toutefois de respecter l’article L113-9.
Concernant les droits moraux, ils restent au salarié mais ceci ne concernent que le droit au nom. Souvenons nous
que le droit moral intègre le droit de paternité (droit au nom) et le droit au respect de l’œuvre en protégeant
l’auteur de la dénaturation de son œuvre. Dans le cas particulier des logiciels, l’Article L. 121-7 précise que
« l ’auteur ne peut ni s’opposer à la modification du logiciel par l’entreprise qui dispose des droits patrimoniaux,
ni de faire cesser l’exploitation du logiciel si ceci « n'est préjudiciable ni à son honneur ni à sa réputation». Nous
constatons ici que finalement seul le droit de paternité demeure, c’est à dire que l’auteur peut exiger que son nom
figure sur le logiciel.
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5) DEFINISSEZ CE QU ’EST UN LOGICIEL LIBRE ? UNE LICENCE LIBRE ?
A 5 min 7 dans la vidéo, Juliette évoque l’impossibilité de commercialiser le logiciel puisqu’il est basé sur des
logiciels libres et qu’elle souhaite le distribuer sous licence libre (3 min 10).
Revenons sur la notion de logiciel libre. Le projet GNU et la Free Software Foundation qui sont à l’origine de ce
concept définissent sur leur site web l’expression logiciel libre comme « la liberté pour les utilisateurs
d'exécuter, de copier, de distribuer, d'étudier, de modifier et d'améliorer le logiciel ».
Concrètement, un logiciel libre est distribué avec l’intégralité des codes sources, nous utilisons souvent dans le
langage courant l’expression de code « open source ». Pour bien comprendre les enjeux liés à un code open
source, nous pouvons illustrer ce type de code en les opposant aux codes de la célèbre suite Office qui
appartiennent à l’entreprise Microsoft. Dans ce cas, Microsoft est seule propriétaire des codes. Le logiciel est un
logiciel propriétaire tandis que le code d’un logiciel libre n’appartiendra à personne.
Dans le cas d’un logiciel libre, les codes sources peuvent être modifiés et redistribués par n’importe quels
utilisateurs. Plus précisément, l’auteur d’un logiciel libre donne 4 libertés fondamentales à l’utilisateur :
-
la liberté d’exécution c’est-à-dire d’utiliser le programme et ceux sans restriction (liberté 0),
la liberté de consulter le code source, de l’étudier et de l’adapter à ses besoins (liberté 1),
la liberté de distribuer des copies à d’autres (liberté 2),
la liberté de rediffuser les versions que l’on a modifié (liberté 3).
Nous pouvons citer ici quelques logiciels libres parmi les plus connus :
-
le système d’exploitation Linux,
le logiciel web serveur Apache utilisé sur la plupart des serveurs,
le langage web php utilisé notamment pour les sites web dit dynamiques,
le CMS WordPress utilisé par de nombreux sites ou blogs,
le navigateur Firefox,
le client de messagerie Thunderbird,
la suite bureautique OpenOffice.
Notons qu’un logiciel libre n’est pas forcément gratuit et qu’il ne faut pas confondre les logiciels libres avec les
sharewares (gratuiciel) qui sont des logiciels gratuits. Des sociétés commercialisent des logiciels libres, comme
par exemple la société Redhat qui vend une version de GNU/Linux nommé RedHat Entreprise, ce dernier étant
est un logiciel libre sous licence GPL.
Quant à la license, c’est le contrat d’utilisation qui lie le titulaire des droits (par exemple un éditeur de logiciel)
et la personne qui a acquis la licence. Ce contrat précise l’étendue des droits du licencié (la durée de validité période d’évaluation ou sans limite -, nombre de postes informatiques pour lesquels la license est valable, etc.).
Toutefois la license ne précise pas la valeur marchande du logiciel.
De la même manière qu’il existe des logiciels propriétaires et des logiciels libres, il existe des licences libres et
des licenses propriétaires (mais également des licenses « libres diffusions » et « multiples »). Dans le cas des
logiciels libres, ceci sont le plus souvent sous license libre mais ce n’est pas systématique. Un logiciel sous
licence libre donne le droit au licensié de modifier, rediffuser et de réutiliser le logiciel.
Une liste des licenses est disponible sur le wiki free korban. Nous constatons qu’il existe de nombreuses licenses
libres avec des modalités d’utilisation et de redistribution du code source qui varient.
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Pour revenir à la remarque initiale de Juliette, nous avons vu que le logiciel libre, la licence et la
commercialisation sont 3 choses distinctes. Ainsi il est tout à fait possible qu’un logiciel libre, sous licence libre
soit commercialisé et payant.
Globalement, le modèle économique le plus courant actuellement dans les cas de commercialisation de logiciel
libre est lié à la vente de services supplémentaires comme par exemple la documentation, un service après-vente
ou l’hébergement sur le web.
6) LES LOGICIELS LIBRES SONT-ILS SOUMIS AU DROIT D’AUTEUR ? SI OUI, QU’ESTCE QUE CELA IMPLIQUE ?
Nous venons de voir qu’avec le logiciel libre, l’auteur n’abandonne pas ses droits d’auteurs mais renonce à
l’exclusivité de ses droits. Il autorise chacun à utiliser son œuvre c’est à dire d’utiliser le logiciel, d’analyser le
code source, de modifier et de distribuer le code sans obtenir une autorisation.
D’une par l’auteur conserve son droit à la paternité (son droit moral) : dans le monde de l’informatique ceci peut
se traduire par un gain de notoriété qui pourra profiter à l’auteur.
D’autre part, l’auteur en faisant le choix du logiciel libre empêche qu’un tiers récupère les droits patrimoniaux.
Le logiciel libre garantit que personne ne pourra s’approprier le logiciel pour en faire un logiciel propriétaire.
Pour renforcer ce point les auteurs utilisent le système de licence qui précise les conditions d’utilisation du
logiciel. Par exemple, dans le cas où je modifie un logiciel libre sous licence libre et le diffuse, je suis contraint
de le distribuer en tant que logiciel libre et de publier le code source. C’est ce dont parle Juliette à 5 min 14 pour
démontrer l’impossibilité de faire du Morphing Head un logiciel propriétaire.
7) POURQUOI L’EMPLOYEUR DE JULIETTE LUI PROPOSE DE TOUT RECOMMENCER A
ZERO DANS SES LOCAUX ?
L’employeur de Juliette souhaiterait faire de Morphing Head un logiciel propriétaire. Cependant il ne peut
réclamer les droits patrimoniaux puisque le logiciel n’a pas été développé dans le cadre d’un contrat de travail,
de subordination, avec le matériel de l’entreprise ou encore pendant les heures de travail.
En recommençant le travail à zéro dans les locaux, l’employeur souhaite se prévaloir des droits patrimoniaux en
cohérence avec l’article L113-9. Ceci lui permettrait d’être le seul à pouvoir décider de la manière dont serait
distribué le logiciel et d’en faire un logiciel propriétaire. Il conserverait l’exclusivité du code qui ne pourrait pas
être réutilisé mais pourrait également choisir le type de license sous laquelle distribuer le logiciel.
Toutefois se poserait un dernier problème : le logiciel semble reposer sur des logiciels libres (5 min 08) qui ne
permet pas d’en faire un logiciel propriétaire.
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8) QUEL EST LE CONTENU DES DROITS PATRIMONIAUX DE L’EMPLOYEUR SUR UN
LOGICIEL ?
Les droits patrimoniaux donnent aux ayant droit (ceux qui ont les droits d’auteur) la possibilité
d’exploiter l’œuvre et d’en tirer un profit pécuniaire - Article L123-1 du code de la propriété intellectuel.
Les droits patrimoniaux de l’employeur différent légèrement dans le cas d’un logiciel puisqu’il existe bien
un droit de reproduction comme par exemple pour un disque de musique, mais il n’y a pas de droit de
représentation qui n’est pas possible pour un logiciel.
Résumons ici les droits patrimoniaux d’un employeur sur un logiciel :
-
la reproduction du logiciel,
la traduction et la modification du logiciel ainsi que la reproduction du logiciel en résultant,
la commercialisation à titre onéreux ou gratuit.
Ceci lui permet de choisir dans quel cadre est distribué le logiciel (libre ou non), de choisir la licence, et de
déterminer le prix auquel sera commercialisé le logiciel.
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