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NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction de la version
originale anglaise.
CENTRE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS SPORTIFS DU CANADA (CRDSC)
SPORT DISPUTE RESOLUTION CENTRE OF CANADA (SDRCC)
24 octobre 2012
NO DE DOSSIER : SDRCC DT 12-0177
AFFAIRE INTÉRESSANT UN ARBITRAGE ENTRE :
CECIL RUSSELL
(DEMANDEUR)
ET
CENTRE CANADIEN POUR L’ÉTHIQUE DANS LE SPORT
(CCES)
SWIMMING NATATION CANADA (SNC)
(INTIMÉS)
AVOCAT DU DEMANDEUR :
GARY G. BOYD
REPRÉSENTANT DU CCES (INTIMÉ) :
DAVID W. LECH
REPRÉSENTANT DE SNC (INTIMÉ) :
BENOIT GIRARDIN
ARBITRE :
RICHARD H. MCLAREN, C.ARB.
DÉCISION
Introduction :
1. M. Cecil Russell (« Russell ») a présenté une demande en vue de faire réduire la sanction de
suspension à vie qui lui avait été infligée à la suite d’une infraction reliée au dopage (la
« demande »). Les divers participants à cette instance, son historique procédural et la
procédure à suivre dans cet arbitrage ont été précisés dans la Décision préliminaire du 19 mai
2012 et ne seront pas répétés ici. Pour connaître le contexte du présent arbitrage, les
intéressés sont priés de consulter cette Décision préliminaire.
2. La présente affaire est instruite sous le régime des règles du Code de règlement des
différends sportifs du Canada (le « Code ») et de l’article 1.26 du Programme canadien
antidopage 2009 (le « PCA »). Afin de favoriser l’établissement de la procédure pour
examiner la preuve et trancher la demande de réduction de sanction présentée par Russell,
une Deuxième décision a été rendue le 29 mai 2012. Les intéressés sont priés de consulter
cette Deuxième décision et en particulier les paragraphes 6 à 11 pour de plus amples
renseignements en ce qui concerne les instances arbitrales et judicaires précédentes connexes.
Il est précisé dans la Deuxième décision, au paragraphe 46 que :
…les faits des diverses procédures arbitrales et judiciaires qui ont eu lieu
jusqu’à présent peuvent être considérés par moi-même et par les parties à cette
procédure comme des faits établis dans cette procédure, sans que j’aie à
examiner les preuves à leur égard et à me prononcer à leur sujet.
3. Les audiences relatives à l’admission de la preuve dans la présente affaire se sont déroulées à
Toronto (Ontario) du 10 au 13 septembre 2012. Les observations finales ont été entendues à
Ottawa (Ontario) le 19 septembre 2012.
2
Les parties :
4. Le nom des divers participants à cette instance et la procédure suivie jusqu’à présent ont été
précisés dans les décisions précédentes des 19 et 29 mai 2012 et il n’est pas nécessaire de les
répéter. Les mêmes acronymes sont utilisés.
Contexte :
5. Conformément à la procédure établie dans la Deuxième décision, les parties ont, le 13 août
2012, déposé un document intitulé « Joint Counsel Submissions on Record Background and
Facts » (l’« Exposé conjoint »). L’Exposé conjoint comprend : i) le dossier documentaire;
ii) un résumé du contexte factuel et de l’historique procédural; et iii) les faits admis. Les
passages pertinents sont reproduits ci-après :
[Traduction]
1. Cet exposé conjoint est déposé conformément aux instructions
données par l’arbitre McLaren dans son Ordonnance
procédurale du 29 mai 2012 et fait suite à la conférence
téléphonique préliminaire du 7 juin 2012.
2. Les commentaires et constatations de faits qui figurent dans les
décisions arbitrales et judiciaires antérieures qui ont été
versées au dossier mais qui n’ont pas fait l’objet d’un accord
spécifique dans ce document pourront être déposés séparément
par les parties. Ces commentaires et constatations de faits
concernent des questions que les parties voudront peut-être
porter à l’attention de l’arbitre McLaren ou sur lesquelles elles
voudront peut-être se fonder sans plus de preuve à leur égard.
Le dossier
3. Toutes les parties conviennent que les décisions arbitrales et
judiciaires suivantes constituent le dossier documentaire dans
la présente instance et sont d’accord pour qu’elles soient
portées à l’attention de l’arbitre McLaren.
 Décision initiale rendue à l’issue de l’audience sur le dossier
(1997)
 Appel de la décision rendue à l’issue de l’audience sur le
dossier (Mew, 1998)
3




Décision relative à la réintégration no 1 (Dumoulin, 2000)
Décision relative à la réintégration no 2 (Mew, 2005)
Décision de la Cour supérieure de l’Ontario (J. Smith, 2007)
Décision relative à la réintégration no 3 (Mew, 2009)
Résumé du contexte factuel pertinent et de l’historique
procédural
4. Les parties ont tenu compte des directives données par l’arbitre
McLaren dans son Ordonnance procédurale datée du 29 mai
2012, qui concerne la portée de l’examen et les éléments de
preuve qui seront pris en compte ou non dans le présent
arbitrage. En conséquence, toutes les parties conviennent que
certaines portions du dossier actuel (voir ci-dessus) exposent de
manière exacte et succincte le contexte factuel pertinent et
l’historique procédural, du moins jusqu’au 15 juin 2009. Au
lieu de répéter ici ces éléments, les parties estiment qu’il suffit
de renvoyer aux décisions précédentes et à certains
paragraphes de ces décisions.
5. Les parties estiment que les éléments suivants du dossier
exposent le contexte factuel pertinent et résument l’historique
procédural :
 Décision relative à la réintégration no 2 (Mew 2005) :
paragraphes 1 à 18.
 Décision relative à la réintégration no 3 (Mew 2009) :
paragraphes 15 à 19; 122 et 123.
 En mars 2012, M. Russell a saisi le CCES d’une demande
visant à obtenir une réduction de sa sanction de suspension à
vie. La demande a été déposée auprès du CCES
conformément au PCA 2009 et plus particulièrement à
l’article 1.26 du PCA. M. Russell demandait une audience de
réduction de sa sanction pour dopage devant le Tribunal
antidopage en vertu de l’article 7.84 du PCA. M. Russell
demandait que sa sanction soit réduite d’une suspension à
vie à une suspension se situant entre quatre et huit ans,
conformément à l’article 7.40 du PCA.
 Avec le consentement du CCES et de M Russell, la demande
de réduction de sanction a été transmise au CRDSC afin de
la soumettre à un arbitrage. Le CRDSC a convenu que la
demande de réduction de sanction de M. Russell était un
différend relié au dopage et a en conséquence ouvert un
dossier.
4
 L’arbitre McLaren a été désigné comme arbitre
conjointement par le CCES et M. Russell et a été chargé de
présider le Tribunal antidopage.
 L’Organisme national de sport qui régit la natation au
Canada, Swimming/Natation Canada, a été ajouté comme
partie à cet arbitrage.
 Diverses requêtes procédurales préliminaires ont été
examinées et tranchées par l’arbitre McLaren, notamment au
sujet de questions liées aux dépens impayés, à la question des
personnes ayant qualité pour agir dans le présent arbitrage,
la portée de l’arbitrage, la question de savoir quelles règles
antidopage s’appliquent (le PCA 2009 actuellement en
vigueur), ainsi que de questions se rapportant aux dates, aux
échéances, à la communication des documents et à des
questions de preuve.
 L’arbitrage est prévu pour le 10 septembre 2012 à Toronto
(Ontario) au cours d’une audience en bonne et due forme.
Faits admis
6. Les parties s’entendent sur les faits suivants :
 Le CCES et le Conseil qui a dirigé l’audience sur le dossier
avait compétence sur M. Russell à toutes les époques
pertinentes.
 L’enquête, l’étude du dossier et l’audience sur le dossier ont
toutes été menées de manière équitable.
 La décision que le Conseil a rendue à l’issue de l’audience
sur le dossier et par laquelle il a déclaré que M. Russell avait
commis une infraction reliée au dopage était bien fondée.
 La suspension à vie infligée pour sanctionner l’infraction
reliée au dopage a été régulièrement imposée.
 En mars 2004, M. Russell avait plaidé coupable en Arizona
du chef d’accusation criminelle de complot pour posséder
dans l’intention de distribuer de la MDMA. Il a été
condamné à une peine d’emprisonnement de quarante-huit
(48) mois suivie d’une libération supervisée pendant trois (3)
ans. En 2009, M. Russell a expliqué lors de son témoignage
devant l’arbitre Mew qu’il avait reconnu sa culpabilité parce
qu’on lui avait dit que s’il ne plaidait pas coupable, il
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resterait incarcéré 18 mois de plus jusqu’au procès et que
ses frais juridiques s’élèveraient entre 30 000 $ et 40 000 $
U.S de plus. Le plaidoyer de culpabilité a permis à
M. Russell d’être libéré, compte tenu du temps qu’il avait
déjà passé en détention avant le procès.
 D’après le PCA 2009 et la jurisprudence pertinente, une
suspension à vie pour une première violation des règles
antidopage reliée au trafic est une sanction excessive eu
égard aux faits suivants : i) une déclaration de culpabilité au
criminel pour trafic de stéroïdes avait conduit à la
conclusion selon laquelle il avait commis une violation des
règles antidopage et ii) il n’y avait aucune preuve que les
stéroïdes qui avaient été vendus avaient été remis à des
athlètes qui participaient à des sports.
 M. Russell a été réhabilité par le Canada le 25 septembre
2008.
6. L’affaire dont je suis saisi est une audience relative à une demande de réduction de sanction
présentée en vertu de l’article 1.26 du PCA.
7. M. Russell purge actuellement une sanction de suspension à vie qui lui a été imposée sous le
régime d’un programme canadien antidopage précédent. La sanction réelle imposée était une
« suspension à vie de ce sport » prévue à la Section C. 3 de la « Politique canadienne en
matière de sanctions pour dopage sportif », qui constitue l’Annexe 5 des Méthodes de
fonctionnement normalisées du contrôle antidopage (« PON 1994 » ou les « anciennes
règles »). La sanction avait été imposée à Russell au motif qu’il avait commis une infraction
reliée au dopage en faisant l’importation des substances interdites.
8. Sous le régime des « anciennes règles », Russell avait demandé sa réintégration à deux
reprises. Il a finalement été débouté les deux fois. À présent il soumet une demande sous le
régime du PCA 2009, qui prévoit à ses dispositions pertinentes que si une décision finale
concluant à une violation des règles antidopage est rendue avant le 1er janvier 2009, mais
qu’en date du 1er janvier 2009 la période de suspension de l’intéressé n’est pas terminée, il
peut demander au CCES d’envisager une réduction de la période de suspension, « compte
tenu » du PCA.
6
Procédure :
9. Le 13 août 2012, M. Russell a déposé un résumé de son témoignage anticipé, ainsi que le
rapport d’expert du docteur Julian A. C. Gojer, psychiatre judiciaire, accompagné du CV du
docteur Gojer. Ni le CCES ni SNC n’ont demandé à interroger le docteur Gojer. Son rapport
a été déposé à titre de rapport d’expert dûment qualifié.
10. Le 20 août 2012, le CCES a déposé les documents suivants : un mémoire portant sur les
constatations de faits au dossier sur lesquelles il entend se fonder, l’affidavit de Douglas
MacQuarrie, directeur de l'exploitation du CCES; et un résumé de la position du CCES. SNC
a également déposé son mémoire sur les faits qu’il compte invoquer, ainsi qu’un résumé du
témoignage anticipé de sept témoins.
11. Le 28 août 2012, au cours d’une conférence téléphonique préparatoire, on a traité de diverses
questions qui s’étaient posées après la production des documents par les parties. Une autre
conférence téléphonique a eu lieu le 4 septembre 2012, pour permettre aux parties de régler
certaines questions préalables à l’audience, notamment l’admissibilité des éléments de
preuve. Les décisions rendues par l’arbitre lors de ces conférences téléphoniques ont été
consignées par le CRDSC au procès-verbal des réunions et communiquées le 8 septembre
2012 aux parties après avoir été passées en revue par l’arbitre.
12. Conformément à ces conférences téléphoniques et aux décisions de l’arbitre, les parties ont,
le 5 septembre 2012, produit la preuve documentaire qui est mentionnée dans les résumés des
témoignages anticipés et qu’elles ont l’intention d’invoquer lors de l’audience. Les échanges
de documents se sont poursuivis jusqu’au 7 septembre 2012, date à laquelle l’arbitre a donné
instruction aux parties de cesser de soumettre des documents.
Compétence :
13. Il ressort de la Décision préliminaire et de la Deuxième décision de mai, de l’Exposé conjoint
et des diverses conférences téléphoniques qui ont eu lieu au cours de l’été et dont la teneur a
été consignée dans des procès-verbaux, que les parties reconnaissent que j’ai été
régulièrement désigné comme arbitre pour trancher le présent différend. Les parties
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reconnaissent que j’ai compétence pour trancher cette affaire et qu’il n’y a aucune objection
préliminaire quant à la compétence relative à cette affaire ou à son arbitrabilité.
14. L’Exposé conjoint établit que les parties conviennent que la décision initiale rendue à l’issue
de l’audience sur le dossier était du ressort de la formation de première instance et qu’elle
avait compétence pour imposer une sanction à vie à la suite de la violation des règles
antidopage. En conséquence, il n’y a aucun désaccord au sujet de la compétence en ce qui a
trait au fondement de la présente demande.
15. Étant donné que le Code donne le pouvoir d’examiner l’affaire de novo, l’arbitre a l’autorité
de rendre une décision arbitrale complète, définitive et exécutoire à l’issue de la présente
instance.
Question à trancher :
16. La question que l’arbitre doit trancher est celle de savoir s’il y a lieu d’accorder, en vertu du
PCA 2009, une « réduction de la période de suspension » dans le cas de la suspension à vie
dont M. Russell fait l’objet. S’il est établi que M. Russell devrait obtenir une réduction de sa
sanction, l’arbitre devra également décider la réduction appropriée de la sanction.
Prétentions et moyens des parties :
a. Arguments du demandeur :
17. Russell fait valoir que la sanction qu’il purge actuellement est excessive et que, en
conséquence, il y a lieu de ramener la durée de sa suspension à une période se situant entre
quatre et huit ans à compter de la date de l’imposition de la sanction. Une telle décision aurait
pour effet de mettre fin immédiatement à la suspension.
18. Le conseil de Russell fait valoir en outre que, pour déterminer s’il y a lieu ou non de réduire
la sanction, il faut tenir notamment compte des facteurs pertinents suivants : Russell n’a
jamais fourni de drogues à des athlètes; Russell a respecté les conditions de sa suspension;
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les enfants de Russell pratiquent la natation et il aimerait pouvoir les entraîner; et la
suspension est en vigueur depuis suffisamment longtemps.
19. Russell fait valoir plus précisément que le Tribunal devrait prendre en considération les faits
suivants :

il n’a jamais fourni de drogues à des athlètes et aucun des athlètes qui sont sous sa
tutelle (à sa connaissance) ne prend de drogues;

il ne tolère pas la consommation de drogues;

il gagne sa vie comme entraîneur privé et consultant en nutrition et entraînement hors
piscine, pour le conditionnement physique et la natation;

ses activités d’entraînement ne relèvent d’aucun groupe membre de SNC ou de Swim
Ontario (« SO »);

il entraîne des particuliers dans le cadre de contrats privés dans des installations qui
lui appartiennent ou qu’il loue, directement ou par l’entremise de sa société à
dénomination numérique;

ses athlètes/clients pratiquent diverses disciplines sportives et font de la natation au
sein de plusieurs organisations de natation différentes;

il s’est toujours efforcé de vivre en respectant les conditions de la sanction qui lui a
été imposée en 1997; et

il a pu être entraîneur de natation autorisé en Espagne, parce que la FINA n’a pas
reconnu la sanction qui lui a été imposée.
20. Par ailleurs, Russell a consulté un thérapeute professionnel pour l’aider à comprendre les
problèmes entraînés par ses « démêlés avec la justice », pour reprendre les termes utilisés par
lui-même et par son avocat, et bien comprendre les conséquences de sa conduite passée. À
cet égard, Russell a soumis le rapport de son psychiatre traitant, le docteur Gojer.
21. L’arbitre devrait également tenir compte du fait que la suspension appropriée, sous le régime
du PCA actuel, pour l’infraction commise par Russell aurait été de quatre (4) ans.
22. La réparation appropriée dans les circonstances de l’espèce consiste à ramener la suspension
à vie à une suspension de quatre ans, à compter de la date à laquelle la suspension originale a
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été imposée. Si, malgré tout, l’arbitre estime que Russell, par certaines de ses actions, a
dépassé les limites de la suspension et si l’arbitre décide en conséquence de doubler ou même
de tripler la période de suspension, cette décision aura néanmoins pour effet de lever ou
mettre fin immédiatement à la suspension.
23. Russell fait également valoir que la portée de la suspension, telle que la définissent le CCES
et SNC, constitue une restriction inacceptable à la liberté de commerce.
24. Voici la jurisprudence et les autres sources invoquées au nom du demandeur :

Stephens v. Gulf Oil Canada Ltd. et al., [1975] O.J. No. 2552, 11 O.R. (2d) 129,
65 D.L.R. (3d) 193, 25 C.P.R. (2d) 64 (Ont. C.A.)

Jakub Wawrzyniak v. Hellenic Football Federation (HFF), Arbitration CAS
2009/A/1918, 21 janvier 2010

E. & A. v. International Biathlon Union (IBU), Arbitration CAS 2009/A/1931,
12 novembre 2009

Johnson v. Athletics Canada, 1997 Caswell Ont 3340, 41 O.T.C. 95, [1997] O.J. 3201
(Ont. Gen. Div.)

Martin v. ConCreate USL Limited Partnership and Steel Design & Fabricators
(SDF) Ltd., 2012 ONSC 1840

Tank Lining Corp. v. Dunline Ltd., [1981] O.J. No. 986

Shafron c. KRG Insurance Brokers (Western) Inc., 2009 CSC 6, [2009] 1 R.C.S. 157

Centre canadien pour l’éthique dans le sport et Association canadienne de crosse c.
Isaac Haack, (Carol Roberts), 22 mai 2012 (CRDSC)

Centre canadien pour l’éthique dans le sport c. Jimmy Gariépy (François Tremblay),
19 janvier 2012 (CRDSC)

Centre canadien pour l’éthique dans le sport c.
(Barbara Cornish), 14 décembre 2009 (Tribunal antidopage)

André Aubut c. Centre canadien pour l’éthique dans le sport c. Association cycliste
canadienne, devant Michel G. Picher, 2 mars 2009

United States Anti-Doping Agency v. Raymond Stewart, (juge James Murphy (ret.)
2 juin 2012 (Arbitration Tribunal)
10
Valerio
Moscariello,

United States Anti-Doping Agency v. Mark Block, (American Arbitration Association)
AAA No. 77 190 00154 10, 17 mars 2011
b. Arguments du CCES :
25. La suspension à vie a été régulièrement infligée en 1997.
26. Russell a violé la sanction de suspension imposée avant 2009, bien que ce fait n’ait jamais
été allégué, vérifié ou prouvé formellement par le CCES.
27. Le CCES fait valoir que bien que Russell prétende qu’il a agi à titre d’entraîneur personnel, il
a en fait eu des activités d’entraîneur et d’autres activités qui constituent une violation
flagrante de l’article 7.18 du PCA 2009.
28. Les Règlements du PCA 2009 sont l’élément déterminant pour décider s’il y a lieu de réduire
la sanction. Puisque le PCA 2009 s’applique à la présente instance, aux termes de l’article
7.20, s’il est établi qu’il y a eu violation de la sanction de suspension, la période de
suspension imposée recommence à la date de la violation. Qui plus est, l’article 7.40 prévoit
que, dans le cas de trafic de drogues, la sanction imposée peut aller jusqu’à la suspension à
vie.
29. Le CCES fait également valoir que les faits intervenus depuis la dernière demande de
réintégration et la décision relative à la réintégration no 3 rendue par l’arbitre Mew sont des
facteurs hautement pertinents dont l’arbitre doit tenir compte. Il est important, surtout, de
tenir compte du fait que Russell a violé sa sanction de suspension à de nombreuses reprises.
Voici quelques exemples de ces violations :

inscription de membres des Oakville Dolphins au circuit Mare Nostrum en 2012;

activités d’entraîneur au circuit Mare Nostrum en 2012;

activités d’entraîneur pour ses enfants et des membres des Oakville Dolphins lors de
séances d’entraînement;
11

activités d’entraîneur pour ses enfants et des membres des Oakville Dolphins lors de
compétitions sanctionnées par SNC et SO, notamment une compétition à Sudbury et
une autre à Nepean;

tenue d’un camp d’entraînement à la Barbade pour les membres des Oakville
Dolphins.
30. Avant le 1er janvier 2009, l’article 7.20 du PCA prévoyait que si une personne contrevenait à
une interdiction de participation durant une période de suspension, la période de suspension
imposée à l’origine pouvait recommencer à courir. En pratique, comme l’a souligné
M. MacQuarrie dans son affidavit et lors de son témoignage de vive voix, le CCES n’avait
aucun recours puisque Russell purgeait déjà une suspension à vie. Le fait de faire
recommencer depuis le début la période de suspension ne changerait rien au résultat final, la
suspension à vie étant de toute façon en vigueur.
31. L’article 7.18 du PCA 2009 prévoit que toute personne suspendue ne pourra « participer
[…] à quelque titre que ce soit à une compétition ou activité autorisée ou organisée par une
partie prenante, un signataire, une organisation membre du signataire ou un club […] ».
Russell est lié par cette disposition et, de ce fait, toute participation de sa part impliquant des
membres de SNC ou des organisations provinciales ou internationales de natation ou de tout
autre entité de sport signataire est strictement interdite.
32. Si l’article 7.18 du PCA est formulé quelque peu différemment de la règle qui a servi de
fondement à la suspension actuelle de Russell, les deux reposent sur le même principe
fondamental sous-jacent, à savoir qu’une personne ne peut « participer à quelque titre que ce
soit, à quelque activité que ce soit reliée à une entité de sport organisé ou sanctionnée par
elle ».
33. Pour déterminer la sanction appropriée, estime le CCES, l’arbitre devrait suivre une
démarche en deux étapes :
1. jeter un regard rétrospectif à la lumière du PCA 2009 pour déterminer la sanction
appropriée;
2. déterminer si la conduite de l’intéressé depuis que la sanction lui a été infligée est
conforme à la norme de comportement attendue.
12
34. Voici la jurisprudence et les autres sources invoquées par le CCES à l’appui de ses
arguments :

UK Anti-Doping v. Carl Fletcher

ASAD c. Francis Bourke, 30 mai 2012

CCES c. Haack SDRCC DT 12-0171

CCES c. Gariépy SDRCC DT 11- 0162

USADA v. Block AAA No. 77 190 00514 10

« Lifetime ineligibility according to the WADA Code »
Despina Mavromati, avocate au TAS
c. Arguments de SNC :
35. SNC reprend à son compte les arguments du CCES et présente également ses propres
arguments.
36. SNC fait valoir qu’il existe de nombreuses preuves indiquant que Russell a enfreint ou violé
la suspension, qui sont toutes pertinentes pour déterminer la réduction de sa sanction et
justifient de fait qu’elle ne soit pas réduite.
37. Les présumées violations ont pris les formes suivantes notamment :

Russell a exercé « des activités d’entraîneur » pour des nageurs canadiens qui sont
affiliés à SO et qui ont été inscrits à des épreuves de natation lors des compétitions de
Barcelone, en Espagne, et de Canet, en France, en juin 2012; et la compétition
internationale de la Fédération Monégasque de Natation à Monaco les 9 et 10 juin
2012; et

Russell a exercé des activités d’entraîneur pour des nageurs des Oakville Dolphins au
cours de séances d’entraînement sanctionnées par le DSC.
38. SNC estime que si la sanction porte atteinte au principe de la liberté de commerce, elle est
raisonnablement justifiée pour protéger l’intérêt du sport, par rapport au préjudice que les
athlètes pourraient subir.
13
39. SNC fait valoir que, compte tenu des violations dont il est fait mention ci-dessus, la
suspension ne devrait pas être modifiée. En qualité d’entraîneur, Russell devrait être tenu de
respecter une norme de comportement plus rigoureuse. À titre subsidiaire, si l’arbitre est
disposé à réduire la sanction, la période de suspension modifiée devrait se situer plus près de
la suspension à vie que du minimum de quatre (4) ans. Toute suspension que l’arbitre
imposera à Russell devrait être prospective plutôt que rétroactive.
40. À l’appui de ses arguments, SNC cite la jurisprudence et autres sources suivantes :



Gasser v. Stinson (non publiée, 15 juin 1988, Australian High Court of Justice)
Canas v. ATP Tour Inc. CAS 2005/A/951
Validity of doping sanction – Collection de Sport Law
Dispositions applicables :
41. Voici les dispositions applicables du PCA 2009 :
1.25
1.26
...
Si une décision finale concluant à une violation des règles antidopage
est rendue avant le 1er janvier 2009, mais qu’en date du 1er janvier
2009 la période de suspension de l’athlète ou une autre personne n’est
pas terminée, l’athlète ou l’autre personne peut demander au CCES
d’envisager une réduction de la période de suspension compte tenu du
PROGRAMME CANADIEN ANTIDOPAGE. Cette demande doit être
présentée avant l’expiration de la période de suspension. La décision
rendue par le CCES peut dans une telle instance être portée en appel
conformément aux Règlements en matière d’appel. Le PROGRAMME
CANADIEN ANTIDOPAGE ne s’appliquera pas à une affaire de
violation des règles antidopage pour laquelle la décision finale a été
rendue et que la période de suspension a expiré avant le 1er janvier
2009. [Code, article 25.3]
7.0 Règlements relatifs aux violations des règles antidopage et
conséquences
Statut durant une suspension
7.18 Tout(e) athlète ou autre personne suspendue ne pourra en aucun cas,
durant la période de suspension, participer en tant qu’athlète ou
personnel d’encadrement d’un athlète à quelque titre que ce soit à une
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compétition ou activité autorisée ou organisée par une partie
prenante, un signataire, une organisation membre du signataire ou un
club ou une autre organisation membre d’une organisation membre
d’un signataire (sauf des programmes d’éducation ou de
réhabilitation antidopage autorisés), ni à des compétitions autorisées
ou organisées par une ligue professionnelle ou une organisation
responsable de manifestations internationales ou nationales. L’athlète
ou autre personne concernée par une suspension doit demeurer
assujetti à des contrôles. [Code, article 10.10.1]
a)
Au sens où l’entend le règlement 7.18, une « activité » autorisée
ou organisée par une partie prenante, un signataire, une
organisation membre du signataire ou un club ou une autre
organisation membre d’une organisation membre d’un
signataire englobe œuvrer comme entraîneur, s’entraîner[sic],
travailler de concert, traiter ou assister des personnes, des
athlètes, du personnel d’encadrement d’un athlète en vue de leur
participation ou de leur préparation à des compétitions
sportives, c’est-à-dire l’activité fondamentale de ces
organisations et de leurs membres. Par conséquent, aucun
athlète ou autre personne qui fait l’objet d’une suspension ne
peut, durant sa période de suspension, collaborer ou s’associer
avec toute personne, tout athlète ou tout personnel
d’encadrement d’un athlète assujettis au PROGRAMME
CANADIEN ANTIDOPAGE lorsque ladite collaboration ou
association englobe œuvrer comme entraîneur, s’entraîner[sic],
travailler de concert, traiter ou assister des personnes, des
athlètes, du personnel d’encadrement d’un athlète en vue de leur
participation ou de leur préparation à des compétitions
sportives.
42. Dispositions pertinentes du Code de l’AMA :
23.2.2. Les articles suivants (et les commentaires correspondants) applicables à l’activité
contre le dopage exercée par l’organisation antidopage doivent être mis en œuvre
par les signataires sans changement de fond (les changements de forme liés à la
mention du nom de l’organisation, du sport visé, des numéros de section, etc. sont
autorisés) :
• Article 1 (Définition du dopage)
15
• Article 2 (Violations des règles antidopage)
• Article 3 (Preuve du dopage)
• Article 4.2.2 (Substances spécifiées)
• Article 4.3.3 (Établissement par l’AMA de la Liste des interdictions)
• Article 9 (Annulation automatique des résultats individuels)
• Article 10 (Sanctions à l’encontre des individus)
• Article 11 (Conséquences pour les équipes)
• Article 13 (Appels) à l’exception des clauses 13.2.2 et 13.5
• Article 15.4 (Reconnaissance mutuelle)
• Article 17 (Prescription)
• Article 24 (Interprétation du Code)
• Annexe 1 - Définitions
Aucune disposition ne peut être ajoutée aux règles d’un signataire de manière à
modifier l’effet des articles énumérés ci-dessus.
43. Dispositions pertinentes du Code du CRDSC :
6.17
Portée du pouvoir d’examen de la Formation
La Formation a plein pouvoir de passer en revue les faits et l’application du
droit. La Formation peut notamment substituer sa décision :
(i)
à la décision dont émane le différend; ou
(i)
dans le cas de Différends reliés au dopage, à l’affirmation du CCES à
l’effet qu’il y a eu une violation des règlements antidopage et à la
sanction recommandée à cet égard,
et peut substituer une mesure à une autre et accorder les recours ou les
mesures réparatoires qu’elle juge justes et équitables dans les circonstances.
7.1
Application de l’article 7
Les règles et procédures particulières énoncées dans le présent article 7
s’appliquent, en plus des règles du Programme antidopage, à tous les
Différends reliés au dopage et à tous les Appels antidopage. Dans la mesure
16
où une règle ou procédure n'est pas spécifiquement prévue au présent article
7 ou au Programme antidopage, les autres dispositions du présent Code
s’appliquent, le cas échéant.
Demande de réduction de sanction
44. Une audience a eu lieu au JPR Arbitration Centre de Toronto (Ontario) du
10 au 13 septembre 2012. Les témoins suivants ont été entendus :

Cecil Russell, le demandeur;

Douglas MacQuarrie, directeur de l'exploitation du CCES;

Susan Eadie, gestionnaire de la Centennial Pool de la Ville d’Oakville;

Cathy Pardy, entraîneure de natation certifiée, entraîneure en chef d’un groupe d’âge,
Oakville Aquatic Club;

Tom Johnson, entraîneur national, SNC (par conférence téléphonique);

Ken McKinnon, entraîneur national Junior, SNC (par conférence téléphonique);

Morgan Chambers, une jeune nageuse de 14 ans ayant fait partie du club des Oakville
Dolphins;

Melanie Chambers, mère de Morgan, dont les deux enfants ont fait partie du club des
Oakville Dolphins;

Karen Hillis Stinson, entraîneure de natation certifiée, responsable des compétitions
pour le Clarington Swim Club;

Meagan MacDonald, une nageuse de 14 ans membre du club des Oakville Dolphins;

Erin Russell, épouse de Russell et entraîneure des Oakville Dolphins;

Nota Klentou, membre du conseil d’administration du club des Oakville Dolphins,
dont les enfants font partie du club;

Jeff Dixon, membre du conseil d’administration du club des Oakville Dolphins, dont
les enfants font partie du club.
45. Après avoir entendu les témoins, l’arbitre tire les constatations de faits suivantes :

au cours de sa période de réintégration de 2005 à 2006, Russell était entraîneur en
chef des Oakville Dolphins;

les Oakville Dolphins sont affiliés à SO, qui est membre de SNC;

en 2008, Russell a constitué en personne morale une société à dénomination
numérique, 1759717 Ontario Ltd., par le biais de laquelle il exerce des activités
d’entraîneur privé et de consultant en nutrition et en entraînement hors piscine pour le
conditionnement physique et la natation. Russell est l’unique administrateur et
actionnaire de la société;
17

le nom commercial enregistré de la société 1759717 Ontario Ltd. est le Dolphin Swim
Club of Ontario;

il existe également un club de natation distinct qui a des activités à Oakville et qui est
connu sous le nom de Dolphin Swim Club (désigné dans la présente instance sous le
nom Oakville Dolphins). Erin Russell est l’entraîneure en chef des Oakville Dolphins,
comme l’était Russell en 2005 et 2006 (durant sa période de réintégration);

Erin Russell a travaillé à certains moments pour la société de Russell comme
entraîneure;

les noms de la société à numéro de Russell et du club de natation d’Oakville sont
suffisamment semblables pour semer la confusion dans l’esprit des gens qui
interagissent avec Russell ou son épouse;

les filles de Russell, Shannon et Sinead, et ses fils, Connor et Colin, nagent tous ou
ont nagé au sein des Oakville Dolphins;

Sinead et Colin faisaient partie de l’équipe olympique du Canada, en natation, lors
des Jeux olympiques de Londres de 2012;

les ébauches de contrats de services d’entraînement personnel de Russell montrent
une progression, passant d’un contrat personnel de services non définis et non
spécifiés assurés par lui en sa capacité personnelle à une participation à des sports
désignés à fournir en 2009 par l’entremise de sa société constituée en personne
morale; en 2010, les sports désignés ont été retirés et les activités à exercer par
Russell ont été élargies;

certains, voire la plupart, des clients auxquels Russell a fourni des services
d’entraînement personnel sont ou ont été membres des Oakville Dolphins à un
moment ou un autre;

il est difficile par moments de déterminer si les membres des Oakville Dolphins,
lorsqu’ils participaient à un entraînement et/ou à des activités reliées à des
compétitions, le faisaient à titre de membres des Oakville Dolphins ou d’athlètes
travaillant en collaboration avec Russell dans le cadre de ses contrats de services
personnels. En effet, certains des parents qui ont témoigné au cours de l’audience ont
dit qu’ils ne faisaient pas toujours la distinction entre les activités de leurs enfants qui
dépendaient des Oakville Dolphins et celles qui relevaient des contrats de services
personnels de Russell;

Russell et Erin Russell ont parfois eu la même adresse de courrier électronique –
[email protected], et tous les deux envoyaient des courriels de cette
adresse. Il n’était pas possible de dire, en lisant les courriels, qui les avait envoyés. Ils
ont également partagé, alors qu’ils étaient séparés, un téléphone cellulaire dont le
numéro figure sur le site Web des Oakville Dolphins;

les séances d’entraînement des Oakville Dolphins avaient parfois lieu en même temps
que Russell fournissait ses services d’entraînement personnel dans des couloirs
adjacents, dans la même piscine;
18

Russell participait activement à l’entraînement de sa fille Sinead en établissant sa
routine d’entraînement avant les séances avec les Oakville Dolphins. Les routines
d’entraînement étaient inscrites juste avant la séance d’entraînement, sur un tableau
blanc situé sur le pourtour de la piscine. Tous les athlètes et entraîneurs qui étaient sur
le bord de la piscine au moment de ces séances d’entraînement pouvaient apercevoir
les routines d’entraînement et s’y référer;

les membres des Oakville Dolphins étaient inscrits et ont participé à certaines
épreuves du circuit Mare Nostrum (une série de trois compétitions de natation qui ont
eu lieu à Monaco, Canet et Barcelone) en 2012. Certains de ces nageurs étaient
inscrits aux épreuves à titre de membres des Oakville Dolphins;

Erin Russell et Russell s’occupaient tous les deux des documents nécessaires pour
s’assurer que les nageurs soient inscrits aux épreuves;

Erin Russell n’est allée qu’à la compétition de Barcelone, la dernière des trois
compétitions du circuit Mare Nostrum en 2012;

Russell était présent au circuit Mare Nostrum en 2012. S’il est clair qu’il a eu des
discussions avec les nageurs des Oakville Dolphins à ce moment-là (dans les gradins
et dans les corridors du site), il est difficile de savoir s’il les « entraînait » dans le
plein sens de ce terme, c’est-à-dire qu’il n’était pas présent sur le bord de la piscine
durant les compétitions. Néanmoins, il est certain que Russell a participé à
l’entraînement des athlètes, y compris des Oakville Dolphins, durant les compétitions
du Mare Nostrum;

Russell a assisté et entraîné des membres des Oakville Dolphins au circuit Mare
Nostrum avant et après les courses et durant les séances d’entraînement;

Russell prenait des chronos de membres des Oakville Dolphins au cours de
compétitions de natation sanctionnées par SO, assis dans la tribune du public, pour
leur fournir une rétroaction et les aider à améliorer leur performance;

Russell était assis dans les gradins durant les compétitions et n’était pas présent
autour de la piscine. C’est Ingrid Fleck, Diego Pesce ou Erin Russell qui étaient
présents au bord de la piscine;

un camp d’entraînement a eu lieu à la Barbade en 2010. Les athlètes qui participaient
au camp étaient membres des Oakville Dolphins. Tous les membres des Oakville
Dolphins n’y ont pas participé. Russell était le principal entraîneur à ce camp;

Il est difficile de savoir comment Russell a facturé les athlètes pour le camp
d’entraînement, ou son contrat de services personnels. Il est difficile de savoir
également si Russell était effectivement rémunéré par ses clients. Le contrat indique
simplement que [traduction] « Russell s’engage à fournir ses services au client à titre
non exclusif pour une période de […] années à un tarif convenu par les parties ».
Russell n’a pas soumis de contrat concret dûment signé par les parties, ni soumis de
documentation à l’appui à sa prétention selon laquelle il facturait ses clients
séparément pour ces services. En réponse, le contrat passé avec un des nageurs a été
produit;
19

Les passages pertinents du contrat de services personnels prévoient ceci :
[Traduction]
o Les parties reconnaissent que Russell fait actuellement l’objet d’une
suspension en vertu de la Politique canadienne en matière de sanctions pour
dopage sportif, qui s’applique à la natation de compétition et lui interdit, en
particulier, de participer à quelque titre que ce soit, à quelque compétition ou
activité que ce soit organisée, planifiée, tenue lors d’événement sanctionnés
« par Swimming Canada Natation ou ses affiliées ». Aux termes de la
Politique canadienne contre le dopage dans le sport, cela signifie que Russell
ne peut participer au sport organisé dans aucune autre discipline régie par un
organisme national directeur de sport qui est signataire de la Politique
canadienne contre le dopage dans le sport.
o Les parties reconnaissent que Russell ne sera pas l’entraîneur attitré lors de
compétitions au Canada et ne participera avec le client à aucune activité qui
pourrait constituer une violation de l’interdiction indiquée ci-dessus.

Certains membres de la communauté de la natation éprouvent de profonds
ressentiments à l’égard de Russell, tandis que d’autres ont du respect pour lui et ses
talents;

SNC a prévu une exception à l’interdiction de Russell afin de lui permettre
d’entraîner ses enfants – quoique SNC ait soutenu que ces activités d’entraînement et
d’encadrement ne pourraient avoir lieu sous l’égide ou dans le cadre des activités
d’un club membre de SO ou SNC;

SNC a également clarifié que Russell pouvait travailler pour des clients à titre
d’entraîneur personnel, dans la mesure où cet entraînement ne se faisait pas dans le
cadre des activités d’un club membre ou affilié de SO ou SNC. Cette « modification »
de la suspension n’est pas tout à fait claire à première vue. Contrairement au but
recherché, la clarification apportée par les parties, en ce qui a trait à la portée de la
suspension, a fait en sorte que la ligne de démarcation entre ce qui est permis et ce qui
n’est pas permis est encore plus confuse.
DÉCISION
46. Le Conseil qui a tenu l’audience sur le dossier (le « Conseil »), formé par Centre for Sport
and Law Inc., qui organisait les audiences du CCES, a conclu que Russell avait commis une
« infraction de dopage connexe ». Le 27 octobre 1997 le Conseil a conclu :
[Traduction]
 « M. Russell a comploté en vue d’importer et, dans son lieu de résidence et son lieu
d’affaires, a fourni, possédé et vendu des substances interdites, à savoir des stéroïdes
anabolisants;*

les actions de M. Russell ont été accomplies dans le but de violer les règlements
antidopage;*
20

les MFN [Méthodes de fonctionnement normalisées, avril 1994] s’appliquaient à
l’étude du dossier …;

…»

* Semble correspondre à l’« infraction de dopage connexe » visée à l’alinéa A.3(f) de
l’Annexe 5 des MFN du contrôle antidopage d’avril 1994.
(Décision de l’arbitre Mew de 1998, p. 4);
47. Les conclusions précédentes étaient fondées sur des certificats de déclaration de culpabilité
qui étaient ainsi libellés :
[Traduction]
i. Le 26 mars 1996 à Whitby, il a été sursis à deux accusations portées contre
Mr. Russell selon lesquelles il avait fait le trafic d’une drogue contrôlée le 22
octobre 1993 ou vers cette date, ainsi qu’à deux autres accusations selon
lesquelles, le 22 octobre 1993 ou vers cette date, il possédait une drogue
contrôlée, en contravention de la Loi sur les aliments et drogues.
ii.
Le 26 mars 1996 à Whitby, M. Russell a été déclaré coupable d’avoir
comploté, entre le 1er février 1993 et le 6 septembre 1995, en vue de faire le
trafic d’une substance contrôlée, en contravention du paragraphe 39(1) Loi
sur les aliments et drogues, commettant ainsi l’infraction prévue à l’alinéa
465(1)c) du Code criminel du Canada. Il a été condamné à une peine avec
sursis et à une période de probation (compte tenu des 201 jours passés en
détention avant le procès).
(Décision de l’arbitre Mew de 1998, p. 2)
48. Le second certificat fait état d’une infraction criminelle perpétrée au cours d’une période de
deux ans et demi, qui s’est terminée en 1995. Russell a été condamné à une peine avec sursis,
compte tenu de la détention purgée avant le procès, et à une période de probation. L’Exposé
conjoint indique que Russell a obtenu une réhabilitation au Canada pour ces deux
déclarations de culpabilité, le 25 septembre 2008.
49. La Commission des libérations conditionnelles du Canada a la compétence exclusive en
matière de réhabilitation et c’est elle qui applique la Loi sur le casier judiciaire. Les
conséquences de la réhabilitation sont les suivantes : [traduction] « Le gouvernement du
Canada a décidé d’effacer les conséquences de vos condamnations passées de manière à ne
plus entacher votre réputation. Il souhaite ainsi faire cesser toutes les incapacités dont vous
faisiez l’objet. Vous êtes ainsi considéré comme n’ayant jamais été condamné. En cas de
21
recherche informatique effectuée par la GRC, votre numéro de SED ne sera pas
communiqué »1.
50. Le régime des sanctions en vigueur, au moment où l’infraction a été commise, est exposé au
paragraphe 3 de la section C de l’Annexe 5 des MFN de 1994, sous le titre de « Sanctions infractions de dopage connexes » : « … est passible d'une suspension à vie de ce sport et d'une
suspension à vie de toute aide financière directe accordée par le gouvernement fédéral pour le
sport ». Ce qui est interdit par cette sanction pour « infraction de dopage connexe »2, durant
la période de suspension, est précisé au paragraphe A.8 de l’Annexe des MFN de 1994, à
savoir :
« Il sera interdit […] d'assumer un rôle ou de participer à toute compétition ou
activité organisée, planifiée, tenue ou approuvée par un ONDS, un OPDS ou une
filiale canadienne et ce, pour toute la durée de la période d'inadmissibilité. »
(Souligné par l’arbitre)
51. Il était possible de mettre fin à cette sanction au titre du paragraphe C. 3 en présentant une
demande de « réintégration » sous diverses Catégories de réintégration prévues aux
MFN 1994. Ainsi qu’il est précisé dans la Deuxième décision, au paragraphe 39, la sanction
« était effectivement une suspension jusqu’à ce qu’elle soit modifiée par le processus de
réintégration ». La suspension est en vigueur depuis 1997, à l’exception d’une interruption
en 2005 et 2006, après qu’une demande de réintégration présentée par Russell eut été
accordée. Cette réintégration a ensuite été annulée à la suite d’une instance judiciaire et dans
la Décision relative à la réintégration no 3 (Mew, 2009), la suspension à vie a été confirmée
et maintenue à compter de sa réimposition par décision judicaire. La suspension est demeurée
en vigueur jusqu’à la date de la présente décision. En octobre 2012, la suspension aura été en
vigueur depuis plus de 12 ans.
1
Pardons Canada, http://pardons.org/pardons_faqs.html recherche du 16 octobre 2012.
2
La fédération internationale de natation, la FINA, n’avait pas de disposition visant les “infractions de dopage
connexes” semblable dans ses règles antidopage à l’époque. De sorte que Russell n’était pas réputé avoir commis
une infraction de dopage sous le régime des règles de la FINA. La suspension au Canada n’était en conséquence pas
mise en application dans d’autres pays, comme l’Espagne, où il a entraîné des athlètes de calibre olympique. Voir
également l’analyse à ce sujet dans la décision Mew de 2009.
22
52. Je dois considérer que la suspension a été respectée au cours de la période qui a précédé la
Décision relative à la réintégration no 2 (Mew, 2005). Au paragraphe 23 de sa décision,
l’arbitre Mew déclare : [traduction] « Bien que des questions aient été posées, ni SNC ni
aucune autre partie n’ont fait valoir que M. Russell a violé les conditions de sa suspension ».
Toutefois, il fait remarquer que Russell a continué à participer activement au sport de la
natation, ce qui l’a amené à déclarer, au paragraphe 51 que [traduction] « M. Russell a …
frôlé les limites de sa suspension ». Pour les besoins de ma décision je conclus que pour
l’essentiel, la suspension n’a pas été violée au cours des huit années qui vont du moment de
son imposition jusqu’à la réintégration de Russell, en 2005. La suspension a été réimposée à
la suite de l’ordonnance du juge R. J. Smith, entrée en vigueur le 6 juin 2007.
53. La suspension de 1997 a été reportée sous le régime du PCA de 2004 et encore une fois sous
le régime du PCA 2009 par application des dispositions de transition mentionnées
précédemment. Il s’agit de la suspension dont M. Russell fait actuellement l’objet et dont il
me demande de réduire la période d’interdiction au titre de l’article 1.26 du PCA.
54. Les critères établis dans les MFN de 1994, et repris à l’Annexe 5, à la disposition sur la
Réintégration de catégorie II, n’ont pas d’application directe en l’espèce car ces « anciennes
règles » ont été abandonnées comme il est indiqué au paragraphe 40 de la Deuxième
décision. Le processus de réintégration n’existe plus sous le régime des règlements
applicables du PCA de 20093. Il s’agit en conséquence d’un cas de demande de réduction
d’une période de suspension qui est sans précédent, sous le régime du PCA 2009.
55. Il n’existe pas de lignes directrices en ce qui concerne la présente instance. Conformément à
la procédure établie pour cet arbitrage, les parties ont convenu conjointement, au troisième
point du paragraphe 6 des « Faits admis » que la décision par laquelle le Conseil « a déclaré
que M. Russell avait commis une infraction reliée au dopage était bien fondée » et que
« l’enquête, l’étude du dossier et l’audience sur le dossier ont toutes été menées de manière
équitable ». Il est admis en outre que « la suspension à vie infligée pour sanctionner
l’infraction reliée au dopage a été régulièrement imposée ».
3
La décision no 3 de l’arbitre Mew est censée avoir préservé le processus de réintégration.
23
56. La demande qui est à l’origine de la présente procédure d’arbitrage a été déposée en vertu de
la disposition de transition prévue à l’article 1.26 du PCA de 2009. Cet article prévoit la
possibilité de demander au CCES « d’envisager une réduction de la période de suspension
compte tenu du PROGRAMME CANADIEN ANTIDOPAGE » (c’est l’arbitre qui souligne).
L’expression « compte tenu du PCA » signifie que je dois prendre ma décision selon les
principes énoncés dans le PCA – à savoir la proportionnalité, l’équité et l’application
régulière de la loi.
57. En conséquence, le cadre que je propose d’utiliser pour statuer sur cette demande est le
suivant : 1. Quel comportement est interdit par la suspension imposée en 1997 à Russell?
2. Y a-t-il eu comportement qui viole la suspension modifiée? 3. Opportunité de réduire la
durée de la suspension modifiée. 4. Conclusion.
Quel comportement est interdit par la suspension imposée en 1997 à Russell?
58. Aux termes du paragraphe A. 8 de l’Annexe 5 des MFN de 1994, il est interdit à toute
personne a qui ont été imposées des sanctions en vertu de la politique d’assumer un rôle
[« any role whatsoever » dans la version anglaise de cette politique] ou de participer à :
a.) une compétition; OU
b.) une activité;
dès lors que la compétition ou l’activité en question a été organisée, planifiée, tenue ou
approuvée par un ONDS, un OPDS ou une filiale canadienne (les « organismes visés »).
Chacun des termes de l’énoncé de la suspension, compris dans son acception courante,
définit ce qui est interdit par la suspension au titre des MFN de 1994. Le terme « activité »
est actuellement défini au paragraphe 7.18 a) du PCA de 20094. Je ne vais pas tenir compte
de cette disposition à l’égard de la clause a) pour des raisons sur lesquelles je reviendrai plus
loin dans cette décision.
59. Je conclus que cet énoncé de ce qui est interdit par la suspension, interprété strictement,
interdit à toute personne qui est soumise à cet énoncé d’assumer un rôle ou de participer,
4
Le Code de l’AMA de 2009 ne définit pas le terme activité. Le CCES fait valoir que cet ajout se situe dans les
limites des variations locales permises prévues au paragraphe 23.2.2 du Code. Je ne me prononce pas à ce sujet, car
cela n’est pas nécessaire pour ma décision.
24
de quelque manière que ce soit, à quelque titre que ce soit, à une compétition ou une
activité des organismes visés. Il y a donc essentiellement deux interdictions distinctes en
l’espèce.
60. La première interdiction concerne la participation à une compétition. Par « compétition », on
entend l’action consistant à participer à une compétition organisée par l’un des organismes
visés. En conséquence, tout rôle, quel qu’il soit, lié à l’action consistant à participer à une
compétition – ce qui dans le contexte du sport et de la natation doit inclure la préparation
juste avant les journées de la compétition et directement reliée à cette compétition – est visé
par l’énoncé de ce qui est interdit par la suspension.
61. La seconde interdiction vise le fait de participer, à quelque titre que ce soit, à une activité. Le
terme « activité » est défini de diverses manières dans le Concise Oxford English Dictionary.
En l’occurrence « sphères d’action » est la définition qui correspond le mieux, ce qui d’après
les faits de l’espèce signifie une action précise entreprise par une personne à l’égard des
organismes visés. De sorte que, toute participation à quelque titre que ce soit dans des
sphères d’action relevant des organismes visés constitue un autre aspect de l’énoncé de ce qui
est interdit par la suspension. Cette participation peut se matérialiser soit lors d’une
compétition, soit lors d’une activité ou être exercés simultanément, de sorte que cette activité
peut avoir lieu lors d’une compétition sans pour autant faire partie de l’action consistant à
participer à une compétition susmentionnée.
(i) La suspension a-t-elle été modifiée de toute autre façon par les parties?
62. Peu après la réimposition de la suspension, en réponse à une lettre d’explication du chef de la
direction de SNC à Russell, Me Boyd a écrit à SNC, au nom de Russell, pour clarifier la
portée des activités interdites. Dans une lettre du 20 juin 2007, Me Boyd a suggéré que la
suspension ne prive pas Russell de ses droits à titre de parent. La lettre précise : [traduction]
« Il est parfaitement loisible à Russell, en tant que parent, de participer à l’entraînement de
ses propres enfants et d’assister à leur entraînement, même si cet entraînement doit se
dérouler dans le cadre du programme du Dolphins Swim Club Inc. » La lettre fait ensuite
mention d’entraînement personnel et suggère que Russell est libre de fournir des services
25
dans le cadre de contrats, pourvu que [traduction] « …l’entraînement personnel en question
ne s’inscrive pas dans le cadre d’activités organisées, planifiées, tenues ou approuvées par
Swim Ontario ou ses affiliées ».
63. La lettre de M. Boyd a été suivie, dès le lendemain, par une lettre du chef de la direction de
SNC clarifiant que Russell est libre, en qualité de parent et de membre du public, d’observer
les activités d’entraînement de ses enfants pendant que ceux-ci s’entraînent au Dolphins
Swim Club (The Oakville Dolphins). Le passage pertinent de la lettre précise que :
[traduction] « Il est parfaitement loisible à M. Russell, en tant que parent, de participer à
l’entraînement de ses enfants, pourvu que cet entraînement […] ne soit pas organisé dans le
cadre des activités d’un club membre de Swim Ontario ou de Swimming Natation Canada. »
S’agissant d’entraînement personnel, il est indiqué dans la lettre : [traduction] « Nous sommes
d’accord avec vos commentaires en ce qui a trait à la possibilité que M. Russell offre ses
services d’entraîneur personnel à des clients. » La phrase est suivie d’une réserve semblable
à celle qui s’applique à ses propres enfants, à savoir [traduction] « …pourvu que cet
entraînement ne soit pas organisé dans le cadre des activités d’un club membre de Swim
Ontario ou de Swimming Natation Canada ».
64. L’échange de correspondance de 2007 ci-dessus est au cœur de cette affaire. Aujourd’hui,
SNC considère que cette correspondance est très restrictive et confirme entièrement la
suspension telle qu’elle était formulée dans les MFN de 1994, tandis que Russell estime que
cette correspondance étaye l’opinion selon laquelle les activités qu’il a entreprises sont
permises sous le régime des MFN de 1994. Ainsi, dans une certaine mesure, le
comportement de Russell que SNC dénonce est le résultat de la réponse inacceptable de SNC
aux démarches légitimes de Russell qui voulait se renseigner sur ce que la suspension lui
permettait ou ne lui permettait pas de faire.
65. Le principe d’équité exige que toute confusion créée par cette correspondance soit prise en
compte dans l’analyse finale d’une éventuelle réduction de sanction. L’absence totale de
tentatives formelles, de la part de SNC, de faire comprendre que Russell contrevenait à la
suspension, ne serait-ce que par des lettres d’avertissement, doit également être prise en
compte. Dans sa correspondance, SNC déclare avoir l’intention de [traduction] « …continuer
26
à surveiller [sa] participation personnelle auprès des nageurs au Canada… ». Il précise en
outre, à ce moment-là, que toute violation [traduction] « pourrait entraîner la prise de
nouvelles mesures disciplinaires contre les intéressés ». Pendant longtemps, SNC n’a rien
fait contre Russell. Il semblerait qu’à un moment donné des mesures aient été prises contre
les Oakville Dolphins, mais ces mesures étaient le résultat d’une entente confidentielle et
n’ont pas été présentées en preuve dans cette procédure. De toute manière, ces mesures n’ont
pas été prises contre Russell, quoiqu’il ait pu en être la cause déterminante. Cette inaction de
la part de SNC pour donner suite conformément à ce qui avait été annoncé dans sa lettre, doit
également être prise en considération pour se prononcer sur l’éventuelle réduction de la
sanction.
66. L’énoncé, dans les MFN de 1994, des comportements qui sont permis par la suspension, soit
a été interprétée par les parties dans leur correspondance, soit a donné lieu à une
modification du contrat pour englober leur correspondance et préciser ce qui est interdit. En
tout état de cause, je conclus que des exceptions ont été apportées à l’intention et au sens
originaux des comportements interdits par la suspension, tels qu’ils sont énoncés dans les
MFN de 1994 et interprétés dans cette décision. Ces exceptions font en sorte que Russell a
été autorisé à entraîner ses enfants dans une certaine mesure et à fournir des services
d’entraîneur à titre privé. Toutefois, des limites ont été fixées pour ces deux types d’activités,
à savoir qu’elles ne doivent pas avoir lieu ou être exercées lors d’activités organisées par les
organismes visés.
(ii) La suspension prévue au PCA de 2009 est-elle une reformulation de son énoncé
précédent?
67. Le CCES fait valoir que le PCA 2009 a entièrement incorporé, en utilisant un libellé
différent, les interdictions énoncées dans l’Annexe des MFN de 1994, de sorte que lorsque le
PCA est entré en vigueur, la suspension de Russell n’a pas été modifiée. Je ne suis pas de cet
avis.
68. Le paragraphe 7.18 a) du PCA donne une définition beaucoup plus détaillée du terme
« activité » que celle envisagée par l’utilisation non définie de ce terme dans les MFN de
27
1994. Selon la définition du PCA 2009, « activité » inclut « … œuvrer comme entraîneur,
s’entraîner [sic], travailler de concert, traiter ou assister […] des athlètes, […] en vue de
leur participation ou de leur préparation à des compétitions sportives ». Il est précisé ensuite
qu’une personne suspendue ne peut, durant sa période de suspension « collaborer ou
s’associer avec […] tout athlète […] assujetti au [PCA] lorsque ladite collaboration ou
association englobe œuvrer comme entraîneur, s’entraîner [sic], travailler de concert, traiter
ou assister […] des athlètes, […] en vue de leur participation ou de leur préparation à des
compétitions sportives ». Je conclus qu’il s’agit d’un changement à la fois dans l’énoncé de
ce qui est interdit par la suspension initiale dont Russell a fait l’objet; et dans la modification
de la suspension énoncée dans la correspondance échangée entre Russell et SNC.
69. SNC a pu imposer la suspension après la décision du Conseil, en 1997, en raison du lien
contractuel qui lie SNC et Russell. La suspension est établie par contrat entre ces parties. Les
rouages administratifs par le biais desquels la suspension de Russell est administrée
aujourd’hui est fort différente en raison du PCA 2009, mais la base contractuelle ne peut être
changée5.
70. Le régime administratif réglementaire auquel Russell est désormais soumis est le PCA 2009.
Toutefois, la seule suspension dont il fait l’objet et les seules activités auxquelles il n’a pas le
droit de participer sont celles que j’ai mentionnées aux paragraphes 58 à 66. Le principe
selon lequel un contrat ne peut être modifié sans le consentement des deux parties est un
principe de droit bien connu. J’estime que Russell n’a pas consenti à quelque modification
que ce soit du fait de la définition de la clause a) ou d’une modification des termes de
l’énoncé de sa suspension. En conséquence, je rejette la proposition du CCES selon laquelle
la clause a) de l’article 7.18 s’applique aux circonstances de l’espèce.
71. La règle de transition énoncée à l’article 1.26 prévoit que je dois envisager « une réduction
de la période de suspension compte tenu du PCA ». Les mots clés sont « compte tenu de ».
5
L’adoption de la première version du Code de l’AMA en 2004 a fait en sorte que les ONDS ont été soumis au
régime de l’AMA étant donné que leur fédération internationale, la FINA, était signataire du Code et exigeait que
ses membres du Canada s’y conforment. Au même moment, le Gouvernement du Canada a signé le Code par le
biais de son mécanisme de participation gouvernementale. Ainsi, depuis l’adoption des Codes de l’AMA de 2004 et
ensuite de 2009 le système de règlementation de son administration a changé mais la suspension est une suspension
contractuelle établie sous le régime des MFN de 1994; et non pas des dispositions actuelles ou précédentes des
Codes de l’AMA.
28
Le Code de l’AMA n’a pas été adopté dans le but de redéfinir la suspension contractuelle
originale ou l’énoncé de ce qui est interdit. Il doit simplement servir à appliquer les modalités
de la suspension dans le milieu du sport d’aujourd’hui, qui est très différent. En conséquence,
je rejette l’argument du CCES selon lequel le PCA a incorporé les interdictions énoncées en
1997. Les interdictions imposées par contrat en 1997 sont indépendantes et sont reconduites
par le PCA, sans être modifiées par ce dernier. Il est important de reconnaître que ma
compétence, dont les parties ont convenu dans l’Exposé conjoint, ne me permet pas
d’examiner d’autres questions que la suspension, mais exige plutôt que j’accepte le fait
qu’elle a été régulièrement imposée par des autorités qui avaient pleine compétence à ce
moment-là pour l’imposer.
2. Y a-t-il eu comportement qui viole la suspension modifiée?
72. Le juge Smith a réimposé la suspension à Russell en juin 2007. En janvier 2008, Russell
avait constitué en personne morale une société à dénomination numérique dont le nom
commercial, Dolphin Swim Club of Ontario, était très similaire à celui du Dolphins Swim
Club (désigné sous le nom Oakville Dolphins dans cette instance). Russell s’est ensuite servi
de cette entité juridique pour louer des piscines et d’autres installations. Il a affirmé lors de
son témoignage qu’il avait procédé ainsi pour des raisons fiscales uniquement. J’estime que
cette façon de faire offrait également l’avantage de créer une séparation entre ses activités
personnelles et celles de sa société dont il était l’unique propriétaire. Russell utilisait cette
entité juridique distincte pour justifier le fait que les actes de la personne morale devaient être
dissociés de ses propres actes et ne contrevenaient donc pas à la suspension.
73. Un examen d’exemples de contrats non signés, fournis par Russell, révèle une importante
progression de la portée des activités couvertes par l’entente. En 2007, l’entente était
intervenue entre le client et Russell à titre personnel. Par le biais du contrat, Russell
fournissait des services non définis et non spécifiés. En 2009, le contrat stipulait que Russell
aiderait le client dans certains sports déterminés et qu’il le ferait à certains titres bien précis;
et finalement, en 2010, le contrat ne contenait plus de disposition précisant les sports
particuliers pour lesquels il peut offrir ses services d’entraîneur, mais élargit les titres
auxquels Russell peut intervenir dans le programme d’entraînement d’un client. Le contrat de
29
2010 précise également que le client [traduction] « n’engage pas Russell comme entraîneur
dans un sport particulier ».
74. Les contrats font tous référence à la suspension de manière de plus en plus détaillée, le
contrat de 2010 indiquant que, conformément à cette suspension, il est interdit à Russell
[traduction] « de participer à un sport organisé dans tout autre domaine, régi par un
organisme national directeur de sport qui est signataire de la Politique canadienne en
matière de sanctions pour dopage sportif ». Il semble que ces contrats aient été rédigés par
Russell pour se créer un rôle qui selon lui n’était pas interdit par la suspension. Il essayait de
s’assurer qu’il pourrait gagner sa vie comme entraîneur personnel en sport.
75. Dans son témoignage, Russell a expliqué qu’il possède un gymnase où il fournit des services
d’entraînement hors piscine à des athlètes qui ont signé les contrats mentionnés dans les
paragraphes précédents. Il a ajouté qu’il précisait bien aux athlètes avec lesquels il travaillait
qu’il n’était pas leur entraîneur attitré mais qu’il était autorisé à les conseiller dans d’autres
domaines, comme la nutrition, la forme physique, le régime alimentaire et la motivation.
76. Russell estimait qu’à la suite de la correspondance échangée avec SNC en juin 2007, il était
autorisé à être l’entraîneur personnel de ses propres enfants en tout temps, sauf lorsque ceuxci participaient à des programmes de SNC ou SO. Russell a interprété de façon très littérale
et stricte les situations dans lesquelles il fallait considérer que ses enfants participaient à des
programmes des organismes visés. Il a donc décidé qu’il pouvait inscrire les exercices
d’entraînement de sa fille sur un tableau blanc au bord de la piscine, avant le début de la
séance d’entraînement officielle des Oakville Dolphins.
77. Russell a expliqué que ce qui lui était interdit, c’était d’agir à titre d’« entraîneur
professionnel ». De sorte qu’il ne pouvait se trouver sur le pourtour de la piscine au moment
des entraînements et compétitions des Oakville Dolphins. En revanche, il pensait que toute
activité qu’il exerçait auprès d’un nageur, y compris ses enfants, jusqu’au moment où
l’athlète se trouvait sur le bloc de départ, était de l’entraînement personnel ou d’autres
services qui étaient permis.
30
78. Revenons au libellé de ce qui est interdit par l’énoncé de la suspension à l’Annexe 5 des
MFN de 1994 et selon l’interprétation dans la présente Décision. La suspension interdit
d'assumer un rôle ou de participer à toute compétition ou activité organisée, planifiée, tenue
ou approuvée par les organismes visés. Le libellé crucial est « un rôle » [« any role
whatsoever » dans la version anglaise de la politique]. Il est clair que l’intention n’était pas
d’interdire uniquement les activités d’entraîneur ou de limiter la suspension aux activités sur
le bord de la piscine. Il n’y a aucune ligne de démarcation dans cette suspension entre
entraîner, conseiller, encadrer, mettre en forme ou motiver un athlète lors d’une compétition
ou activité approuvée par les organismes visés.
79. Parmi les autres comportements que Russell a eus au cours des années qui ont suivi la
réimposition de sa suspension, compte tenu de la « modification » de la suspension convenue
entre les parties, je conclus que les actes suivants constituaient des violations de la
suspension :

Inscrire les routines d’entraînement et d’échauffement sur le tableau blanc avant les
séances d’entraînement des Oakville Dolphins. Le fait qu’il s’agisse de séances
d’entraînement de Sinead ou non n’est pas pertinent. Le fait est que l’échauffement
fait partie des activités des Oakville Dolphins. Si l’action qui consiste à inscrire les
exercices d’échauffement et autres routines a eu lieu avant le début officiel de la
séance d’entraînement, l’effet de l’action a eu lieu durant la séance de natation des
Oakville Dolphins. Plus précisément, pour reprendre les termes de l’énoncé de la
suspension, selon ma conclusion ci-dessus, Russell assumait le « rôle » de préparer et
de rédiger les routines d’entraînement qui ont ensuite servi dans le cadre de la séance
d’entraînement (ou activité organisée) d’un affilié de SO, à savoir les Oakville
Dolphins.

Rencontrer les membres des Oakville Dolphins et les conseiller à propos de leur
performance lors de compétitions de natation, dans les aires publiques de la piscine
ou dans des endroits adjacents comme les escaliers ou les entrées des sites de
compétition, avant, pendant ou après des compétitions qui étaient organisées,
planifiées, tenues ou approuvées par des organismes visés. Pour reprendre les termes
de l’énoncé de la suspension, le comportement de Russell, lorsqu’il expliquait aux
athlètes comment améliorer leur performance, constituait une activité ou un rôle
exercé durant ces compétitions et ces compétitions étaient organisées ou approuvées
31
par les organismes visés. Ce comportement était interdit par la suspension parce que
les termes compétition et activité doivent être interprétés ensemble.

Russell a constitué une société en personne morale et s’est servi de ce moyen pour
passer des contrats avec des propriétaires de piscines et d’autres personnes,
notamment son épouse, lorsque cela convenait à son mode opératoire. Il a établi des
contrats privés avec des nageurs qui étaient également inscrits au club des Oakville
Dolphins ainsi qu’avec des athlètes d’autres organismes visés. Pour reprendre les
termes de la suspension, en vertu de ces contrats privés, Russell, selon ses propres
mots, exerçait, par le biais de sa société, de nombreuses activités et rôles d’entraîneur
pour les membres des Oakville Dolphins. La seule limite qu’il s’était fixée
l’empêchait d’être sur le bord de la piscine durant les séances d’entraînement et
compétitions approuvées, et d’agir à titre d’« entraîneur attitré » pour ces mêmes
activités.

Aider les athlètes à Canet, Barcelone et Monaco à s’entraîner et à se préparer pour les
compétitions du circuit Mare Nostrum. S’il est admis que le circuit Mare Nostrum ne
constitue pas une compétition « tenue » ou approuvée, dans le sens officiel, par un
organisme visé, Erin Russell a organisé la participation au circuit au nom des
Oakville Dolphins et à mon avis la participation des Oakville Dolphins (en tant que
Oakville Dolphins) à une compétition est en soi une activité visée par la suspension.
Il s’ensuit que selon mon interprétation, la suspension ne se limite pas à la
participation à des événements tenus uniquement par les organismes visés. Il est clair
que la suspension vise à empêcher Russell d’avoir quelque rapport que ce soit avec
les organismes visés, y compris les Oakville Dolphins.
80. À mon avis, il n’est pas interdit à Russell d’exercer les activités suivantes :

Organiser des camps d’entraînement pour des nageurs pourvu que ces camps
d’entraînement ne soient pas organisés, planifiés, tenus ou approuvés par les Oakville
Dolphins (ou tout autre organisme visé) ce qui a été le cas du camp de la Barbade.
Toutefois, j’estime important de préciser que si l’organisme des Oakville Dolphins
encourageait ses nageurs à participer au camp ou en faisait la publicité auprès des
parents, un tel comportement serait alors « organisé », voire « approuvé » par les
Oakville Dolphins et tomberait dès lors sous le coup de la suspension.

Offrir des services d’entraînement hors piscine à des athlètes et à d’autres personnes
dans les propres installations de Russell (qu’elles soient louées par lui ou lui
32
appartiennent), pourvu que la participation des athlètes à cette activité ne soit pas
arrangée ou « organisée » par les organismes visés.

Assurer d’autres formes d’entraînement personnel pour des athlètes qui ne sont pas
affiliés aux organismes visés.
81. Pour les besoins de ma décision sur une éventuelle réduction de sanction, il n’est pas
nécessaire que je détermine le nombre de violations qui ont été commises. Les activités
susmentionnées ne sont que des exemples de situations qui constituaient des violations de la
suspension et de situations qui s’y conformaient. Il suffit que je conclue que Russell a mis en
place un stratagème pour violer la suspension, tout en essayant de rationaliser ses activités et
son comportement comme s’ils n’étaient pas interdits par la suspension.
82. Je conclus en outre que Russell a exercé un certain nombre d’autres activités dont l’arbitre
Mew a dit dans sa décision relative à la réintégration de 2009 qu’elles [traduction] « frôlent
les limites de la suspension ». Si, à première vue, certaines de ces activités ne violent pas
clairement la suspension, la manière dont Russell les a exercées, depuis 2009, par le
subterfuge des courriers électroniques et téléphones cellulaires conjoints, de directives
adressées aux nageurs pour faire une distinction entre entraîner et encadrer, leur demandant
par exemple de parler à leur entraîneur et déclarant « je ne suis pas votre entraîneur »,
démontre que Russell a une propension à se livrer à des activités qui masquent l’effet de la
suspension. Ces activités, auxquelles il s’adonne depuis 2009, visent à repousser les limites
de la suspension et à la contourner. Contrairement à ce qu’il prétend, je ne crois pas qu’il
s’agissait de mesures prises pour tenter de se conformer à la suspension.
83. Pour me prononcer sur l’opportunité d’accorder une éventuelle réduction de la suspension, je
conclus que les activités suivantes constituent des circonstances aggravantes qui jouent en
faveur du maintien de la suspension :

réserver des couloirs de piscine adjacents à ceux des Oakville Dolphins pendant les
séances d’entraînement approuvées des Oakville Dolphins;

l’utilisation d’une adresse de courriel et d’un numéro de téléphone communs et le fait
que le numéro commun soit également le numéro indiqué sur le site Web des
Oakville Dolphins, sont des moyens employés pour brouiller la démarcation entre les
33
activités que Russell a menées dans le cadre de ses contrats de services personnels et
les activités qui relèvent de la sphère d’activité des Oakville Dolphins.
3. Opportunité de réduire la durée de la suspension modifiée
84. L’article 6 du Code est intitulée « Règles générales de Méd-Arb et d’Arbitrage ». Le
paragraphe 6.17 de ces règles me permet d’examiner la sanction recommandée à la suite
d’une violation des règles antidopage. Le Code me donne la discrétion et le pouvoir de :
« substituer une mesure à une autre et accorder les recours ou les mesures réparatoires que
[je] juge justes et équitables dans les circonstances ». C’est en vertu de ces pouvoirs que je
vais me pencher sur l’opportunité de réduire la durée de la suspension à vie modifiée.
85. À ma connaissance, il n’y a pas eu de violations de la suspension entre le moment où celle-ci
a été imposée, en 1997, et le moment où l’arbitre Mew a réintégré Russell, en 2006. En tout
cas, aucune n’est mentionnée dans le dossier de la présente instance. Russell était à
l’étranger, où il a entraîné et encadré des athlètes, d’abord en Espagne et ensuite aux ÉtatsUnis; à certains moments il a été incarcéré et n’a pas pu entraîner ni encadrer d’athlètes.
Russell a donc effectivement été soumis au plein effet de la suspension en vigueur au cours
des neuf années qui ont précédé sa réintégration.
86. Pour apprécier les facteurs qui pourraient justifier une réduction de la suspension, il convient
également de tenir compte du modus operandi que Russell a utilisé pour mener ses activités à
partir de la réimposition de la suspension et jusqu’à l’audience sur cette affaire. Cette
méthode avait pour objet de brouiller la ligne de démarcation entre les Oakville Dolphins et
ses activités exercées sous le nom de Dolphin Swim Club of Ontario, et ainsi de camoufler
ceux de ses actes qui contrevenaient à la suspension. Il a usé de nombreux subterfuges pour
créer de la confusion entre ses activités et celles des Oakville Dolphins, au point qu’un
témoin appelé par Russell a eu la franchise de dire qu’il ne savait vraiment pas quand son
enfant nageait dans le cadre d’activités organisées par DSC ou par Russell.
87. Ce modus operandi répondait aux besoins de Russell et à son désir de rester présent dans le
milieu de la natation, tout en faisant fi des conséquences de ses activités sur les autres, qu’il
s’agisse de nageurs individuels ou des Oakville Dolphins.
34
88. J’ai conclu que la correspondance entre Russell et SNC en 2007 (voir paragraphes 62 à 66
ci -dessus) a eu pour effet de modifier la suspension contractuelle. Dans la mesure où il y a
confusion quant à ce qui était ou n’était pas permis, il y a lieu de reconnaître que SNC a joué
un rôle dans cette confusion. D’après la preuve portée à ma connaissance, SNC n’a jamais
cherché à infliger des mesures disciplinaires à Russell comme il l’a apparemment fait dans le
cas des Oakville Dolphins, en 2012, en leur imposant une suspension, dont il est très peu
question dans la preuve mais qui semble être reliée à une conduite du club ayant un rapport
avec Russell. SNC aurait pu recourir aux tribunaux pour obtenir une injonction s’il estimait
que Russell était en train d’enfreindre la suspension, ou, au minimum, il aurait pu lui adresser
des lettres d’avertissement. Or on a permis à Russell de continuer à utiliser son subterfuge
avec la conviction peu réaliste qu’il observait la suspension. Ce facteur, qui a contribué à
créer de la confusion, ajouté au fait que SNC n’a pas pris de mesures pour faire observer la
suspension ou s’en soit remis au CCES, sont des facteurs dont je dois tenir compte pour
examiner la possibilité de réduire la suspension.
89. La suspension originale était fondée sur deux infractions au Code criminel commises par
Russell dans les années 1990 et pour lesquelles il a obtenu une réhabilitation en 2008. Ainsi,
le fondement et l’essence mêmes de la suspension n’existent plus, du moins jusqu’à un
certain point. Il n’en demeure pas moins que la conduite criminelle qui a entraîné la
suspension à vie a eu lieu, tout comme l’infraction, mais le casier judiciaire est classé à part
du « dossier public » des antécédents criminels. La mention de la condamnation est effacée
désormais, du point de vue du Code criminel, et je dois tenir compte du fait qu’il a été décidé
que, dorénavant, sa conduite passée n’est plus du domaine public. En ce qui concerne mon
évaluation d’une éventuelle réduction, la réhabilitation a pour effet de tirer un trait sur la
conduite passée. J’estime que ce changement devrait s’appliquer également à la présente
infraction reliée au dopage. À un moment donné, à la fois pour des raisons d’équité et de
proportionnalité, la suspension à vie imposée sous le régime des MFN de 1994 devrait être
convertie en suspension pour une durée déterminée et ne plus être une suspension à vie, tout
comme les antécédents criminels ne sont plus du domaine public.
90. Pour en arriver à la conclusion que la suspension à vie de Russell devrait être convertie en
une suspension pour une période déterminée, je fais par ailleurs observer que même les
35
peines d’emprisonnement à perpétuité prévues au Code criminel pour les infractions les plus
graves, comme le meurtre, ne durent jamais toute la vie. Au contraire, elles donnent souvent
lieu à une mise en liberté ou à une libération conditionnelle. La violation d’une règle
antidopage qui a entraîné une suspension en sport ne devrait pas perdurer pendant toute
l’existence de l’intéressé, alors que d’autres actes plus graves donnent lieu à une peine à
durée limitée, à l’expiration de laquelle l’intéressé a droit à un nouveau départ. La
proportionnalité est un facteur nécessaire dont il faut tenir compte pour se prononcer sur
l’opportunité de réduire une sanction.
91. Russell s’est livré au trafic d’une substance interdite. Toutefois, comme toutes les parties
l’ont reconnu, ce trafic ne visait pas les athlètes. Russell a affirmé, lors de son témoignage,
qu’il n’a jamais fourni de drogues à des athlètes et, qu’à sa connaissance, les athlètes sous sa
responsabilité n’utilisaient pas de drogues pour améliorer leur performance. Ni le CCES, ni
SNC n’ont indiqué le contraire. Étant donné que le CCES et SNC ont reconnu tacitement
qu’il n’a jamais été impliqué dans la fourniture de drogues à des athlètes et que rien ne
permet de penser le contraire, je suis disposé à accepter le témoignage de Russell à cet égard.
En conséquence, la gravité de l’infraction que Russell a commise est moindre que celle qui a
été constatée dans l’affaire USADA v. Raymond Stewart, précitée. Dans ce dernier cas, une
suspension à vie a été imposée à un entraîneur d’athlétisme qui avait procuré à des athlètes
qu’il entraînait des drogues interdites qui améliorent la performance. Il a été jugé que Stewart
avait fait le trafic de substances interdites et qu’il avait administré ou tenté d’administrer les
substances interdites. Dans ce cas, l’arbitre avait choisi la suspension à vie. La conduite
reprochée dans le cas de Stewart était à mon avis bien plus grave qu’en l’espèce, car elle
avait eu une incidence sur des athlètes et sur le milieu de l’athlétisme, et les avait incités à
violer leurs obligations et ensuite à mentir à propos de leurs actions. Le comportement de
Russell ne visait pas les athlètes.
92. Je fais remarquer que, si l’infraction était commise sous le régime du PCA de 2009 dans sa
version actuellement en vigueur, la période d’interdiction varierait entre quatre ans et une
suspension à vie (au lieu de la suspension à vie absolue prévue aux anciennes règles). Les
parties ont convenu dans leur Exposé conjoint que, compte tenu des règles actuelles et de la
jurisprudence pertinente, si Russell commettait la même infraction, une suspension à vie
36
serait excessive. Néanmoins, la présente affaire doit être examinée à la lumière des MFN de
1997 et non pas du PCA de 2009. Le CCES a donc fait valoir qu’une période de suspension
supplémentaire se situant entre cinq et huit années est appropriée; tandis que SNC a avancé
que le maintien de la suspension à vie serait plus approprié. Me Boyd a produit un tableau
sommaire des cas de trafic au Canada, que j’ai reproduit à titre d’Annexe 1 de cette décision.
Ce tableau indique que les sanctions imposées pour des infractions de trafic ont eu tendance à
être inférieures à une suspension à vie dans l’ensemble.
93. D’après le dossier porté à ma connaissance, Russell a purgé sa suspension sans incident
jusqu’en 2006, soit durant environ neuf (9) ans. Après la réimposition de sa suspension, il a
violé périodiquement la suspension, comme je l’ai déjà conclu. Je conclus que ce
comportement ne justifie pas une réduction de sanction qui aurait pour effet de lever la
suspension immédiatement. Avant de pouvoir accorder une réduction de sanction, il doit
s’être déroulé une période durant laquelle la suspension a été respectée totalement et sans
équivoque. Le comportement adopté entre 2007 et aujourd’hui suggère par ailleurs que
Russell a pris une liberté considérable dans l’interprétation de la suspension modifiée.
Toutefois, SNC n’a pas pris quelque mesure que ce soit pour mettre fin à ce comportement,
laissant entendre plutôt qu’il incombait au CCES d’intervenir. Le fait est que c’est bien le
SNC qui est chargé d’appliquer la suspension et qui demande à la FINA, l’organisme
directeur international, de s’assurer que la suspension est respectée par tous les autres
membres nationaux de la FINA. SNC a indiqué dans sa correspondance originale en 2007
qu’il allait [traduction] « continuer à surveiller [sa] participation personnelle auprès des
nageurs au Canada… » pour s’assurer que la suspension est respectée. SNC semble ne pas
avoir été à la hauteur à cet égard. S’il avait été plus vigilant, il aurait sans doute été possible
de restreindre les activités que Russell pouvait considérer comme étant permises par la
suspension modifiée. Qui plus est, Russell se serait sans doute conformé à la suspension ou
aurait pu être contraint de s’y conformer au moyen d’une injonction prononcée par un
tribunal judiciaire.
94. Au cours des audiences précédentes sur les demandes de réintégration présentées par Russell,
on s’était inquiété du fait que Russell n’éprouvait ni remords ni regrets face à son
comportement. Quelle qu’ait pu être la situation à ce moment-là, il convient de reconnaître
37
que, depuis, Russell a fait des démarches pour affronter les aspects psychologiques et
émotionnels de son comportement passé. Un rapport d’expert du docteur Julian A.C. Gojer
de la « Manasa Clinic », qui n’a été contesté par aucun des intimés, indique que [traduction]
« il comprend beaucoup mieux ce qu’il a fait de mal, se rend compte qu’il s’est associé aux
mauvaises personnes, qu’il a fait preuve d’égoïsme pour réaliser ses objectifs et que les
décisions qu’il a prises étaient fondées sur des idées fausses ». Le rapport conclut ainsi :
« Les remords qu’il éprouve maintenant semblent sincères ». J’ai conclu qu’il est en voie de
se réadapter et qu’il y a lieu de tenir compte de ce facteur pour examiner la possibilité de lui
accorder une réduction de la suspension à vie qui lui a été infligée.
95. Enfin, il y a lieu de se pencher sur la théorie de la restriction à la liberté de commerce. En
1997, dans le jugement Johnson v. Athletics Canada, la Cour de justice de l’Ontario a déclaré
qu’une suspension à vie imposée à un athlète ne constituait pas une restriction illégale à la
liberté de commerce. Dans le jugement Johnson, le juge a estimé que la présomption
habituelle d’invalidité qui va de pair avec les clauses restreignant la liberté de commerce
devait être réfutée dans ce cas, après avoir pris en compte la santé des athlètes, les droits des
autres compétiteurs de participer à une compétition exempte de drogues avec des
compétiteurs non dopés et l’intérêt du public qui exige que l’intégrité du sport soit protégée.
En conséquence, la suspension à vie était raisonnable et ne constituait pas une restriction
illégale du commerce. J’estime qu’il n’est pas nécessaire de recourir à la théorie de la
restriction à la liberté de commerce étant donné que le Code me donne le pouvoir de juger ce
qui est juste et équitable dans les circonstances. Toutefois, si je devais me fonder sur cette
théorie, je conclurais, comme le juge Caswell l’a fait dans la décision Johnson, que la
présomption d’invalidité est réfutée et que la suspension à vie d’un entraîneur pour trafic de
drogues est raisonnable et ne constitue pas une restriction au commerce illégale.
96. Russell a fait l’objet d’une suspension de façon intermittente depuis 1997. Récemment,
depuis 2008, il a tenté de se tailler un rôle qui lui permet de faire ce qu’il fait de mieux –
c’est-à-dire entraîner, dans le sens le plus complet et le plus large de ce terme. J’ai conclu
qu’il a violé sa suspension en exerçant certaines des activités susmentionnées. D’un autre
côté, je fais remarquer qu’il a essayé, dans son esprit, de faire des concessions et des efforts
pour se conformer à la suspension. Il ressort clairement de la preuve que toute cette situation
38
malheureuse a eu de lourdes conséquences sur sa famille, si bien qu’il est aujourd’hui séparé
de sa femme et a des relations difficiles avec ses enfants. Il est en droit de s’attendre à être
libéré de cette restriction justifiable, dans un avenir raisonnablement rapproché. La
souffrance a assez duré.
97. Après avoir soupesé l’ensemble des circonstances aggravantes et des facteurs susmentionnés,
je conclus que compte tenu des violations de la suspension commises par Russell, sa levée
immédiate n’est pas justifiée. La suspension devrait être maintenue pendant un certain temps
et, pourvu que Russell s’y conforme de façon pleine et entière durant tout ce temps-là, elle
devrait prendre fin.
98. En conséquence, compte tenu de tout ce qui précède et des arguments présentés par les
parties, je conclus que Russell devra purger trois années supplémentaires d’interdiction pour
répondre de ses actions depuis 2008 et donner effet à la suspension originale modifiée.
Compte tenu par ailleurs du fait que SNC n’a pas surveillé le respect de la suspension, du
manque de clarté du libellé des modifications et du fait que la suspension a été respectée
pendant neuf ans, j’ordonne que ces trois années d’interdiction soit diminuées de moitié,
sous réserve de conditions précisées ci-après. Pour tous les motifs que j’ai exposés, j’exerce
ma compétence pour réduire la suspension à vie à une période supplémentaire de trois ans, à
compter de la date du début de l’audience relative à cette affaire, à savoir le 10 septembre
2012, et se terminant le 9 septembre 2015. La dernière année et demie de cette période sera
annulée à condition que la suspension ait été respectée de façon pleine et absolue
conformément à la présente décision. En cas de violation de la suspension au cours de la
première année et demie, la pleine période de trois ans devra être purgée. Cette décision sert
également à aviser Russell qu’après le rétablissement de la suspension entière de trois ans, la
procédure prévue à l’article 7.20 du PCA de 2009 s’appliquera s’il commet d’autres
violations de la suspension.
99. Les parties sont priées de noter que l’arbitre est disposé à demeurer saisi de la question de la
mise à exécution de la réparation accordée par la présente décision pendant toute la durée de
la suspension afin de déterminer si de présumées violations injustifiées ont lieu. Si les parties
veulent que l’arbitre demeure saisi de l’affaire, elles sont invitées à soumettre une déclaration
39
conjointe en ce sens, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, auquel cas je
demeurerai saisi de cette affaire pendant toute la durée de la suspension afin de régler les
questions relatives à l’interprétation et à la mise à exécution de la réparation.
Dispositif :
100.
La suspension à vie imposée à M. Russell sous le régime des MFN de 1994 et lui
interdisant certaines activités, sous réserve des modifications apportées par les parties, est
réduite à une suspension supplémentaire de trois ans débutant le 10 septembre 2012, soit une
durée totale de plus de 15 ans depuis son début en 1997.
101.
La dernière année et demie de ladite période supplémentaire de trois ans sera annulée à
condition que durant la première année et demie du maintien de la suspension imposée par
l’arbitre dans la présente décision, Russell respecte à la fois la lettre absolue de la suspension
et l’esprit de ce que la suspension représente et vise à accomplir. S’il s’abstient de commettre
quelque violation que ce soit, la suspension prendra fin dans un an et demi à compter de la
date de l’audience relative à la présente instance, soit le 9 mars 2014.
102.
Les parties qui souhaitent formuler des observations au sujet des dépens peuvent le faire
en soumettant leurs observations par écrit et en faisant parvenir des copies aux autres parties,
dans les quinze jours (15) suivant la date de la présente décision.
Fait à London (Ontario), le 24 octobre 2012.
_______________________________
Richard H. McLaren, C.Arb.
ARBITRE
40
ANNEXE 1
Juridiction
Nom
Année
Sport
Rôle
Canada
Résumé
Sanction
Haack
2012
crosse
athlète
joueur de crosse élite de C.-B., accusation
criminelle de possession en vue de faire le trafic,
stéroïdes anabolisants, absence de
« circonstances exceptionnelles », possession et
trafic établies, entre 4 ans et la suspension à vie
4 ans
Canada
Gariepy
2012
taekwondo
personnel
d’encadrement
des athlètes
a fourni des diurétiques interdits à une athlète
mineure qu’il encadrait en vue des championnats
canadiens, suspension de deux ans imposée à
l’athlète
5 ans
Canada
Moscariello
2009
boxing
personnel
d’encadrement
des athlètes
a injecté du Deca-Durabolin à une athlète à son
insu, n’a pas participé à l’audience, a écrit au nom
de l’athlète en admettant la faute, athlète âgée de
19 ans, informée un mois plus tard, Moscariello
conservait des stéroïdes pour son usage
personnel à l’endroit où il entraînait l’athlète
12 ans
Canada
Aubut
2009
cycling
personnel
d’encadrement
des athlètes
a administré de l’EPO à l’athlète Jeanson lorsqu’il
était son entraîneur, elle était mineure
vie
É.-U.
Stewart
2010
athlétisme
entraîneur
s’est procuré des drogues interdites (de diverses
sortes) chez un narcotrafiquant connu au
Mexique, pendant une dizaine d’années, pour
l’usage d’athlètes qu’il entraînait, a administré et
tenté d’administrer des substances interdites,
s’est fait complice de violations des règles
antidopage, a donné des conseils pour camoufler
les activités
vie
Canada
Russell
1997
natation
personne
déclaré coupable de complot en vue de faire
l’importation de stéroïdes anabolisants, 201 jours
d’emprisonnement, aucune preuve que les
drogues aient servi à des athlètes dans des
sports organisés, n’avait pas d’activités dans un
sport organisé au moment de l’infraction et de la
déclaration de culpabilité
vie

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