Renaissance d`une lignée médiévale de Pinot noir en pays nantais

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Renaissance d`une lignée médiévale de Pinot noir en pays nantais
Renaissance d’une lignée médiévale de Pinot noir en pays nantais :
le Berligou.
A. POULARD 1, J. FORGEAU2, M. JUSSIAUME3, R. SUTEAU4 F. CORRE-GAUTELIER5
1
Institut Français de la Vigne et du Vin, Pôle Val de Loire- Centre, Unité de Nantes, 44120 VERTOU
2
Syndicat de Défense des AOC Muscadet, Château de la Frémoire , 44120 VERTOU
3
Association Le Groupe des 12. Mairie de la Haye Fouassière , 44690 LA HAYE FOUASSIERE
4
Musée du Vignoble nantais 44330 LE PALLET
5
Association Le Berligou, Mairie de Couëron, 44220 COUËRON
Un cahier des charges élaboré par le SDAOC Muscadet est
actuellement à l’étude pour la plantation de Berligou dans les
meilleurs terroirs de l’Appellation vers 2015, en vue de la
valorisation d’un produit de niche où il pourrait être associé à une
autre variété également en cours d’agrément, le Melon R. Retour
sur l’histoire du Berligou et sur le travail de réintroduction de ce
cépage.
Le patrimoine viticole nantais a connu de nombreuses évolutions avant que ne s’installent durablement la Folle
Blanche, venue de Saint-Sever et d’Armagnac via l’Aunis et la Saintonge amenée par les marchands hollandais
(XVe siècle) et le Melon apporté de Bourgogne via l’Anjou (XVIIe siècle). Auparavant, dès le Ve siècle, les
Chenin, Cabernet et Pinot, glorifiés par les guerriers, voyageurs, moines et écrivains, donnent les vins uniques
du Val de Loire, de Nantes à Orléans. Le Pinot noir reste cependant l’un des vestiges les plus anciens de la
viticulture régionale. Déjà présent au Moyen âge tout autour de Nantes, ce cépage attire l’attention des ducs
de Bretagne notamment Jean V (1399-1442), viticulteur passionné qui s’occupe lui-même des vignes du
Manoir de la Touche à Nantes.
Du Berligou dans le vignoble nantais en 1460
À la fin du XIVe siècle, la seigneurie de Couëron dépendant de la baronnie de Rais (Retz) passe dans le domaine
des ducs de Bretagne qui y acquièrent le manoir de Gazoire. Dans tout le comté nantais, le vignoble prend son
extension avec le développement du bail à complant. La tradition veut que ce soit à cette époque que le clos du
Berligou, situé dans le fief de Beaulieu est planté. Les premiers ceps sont donnés dès 1460, par le duc de
Bourgogne Charles le Téméraire à son cousin et allié François II duc de Bretagne. La littérature signale que « les
anciens ducs de Bretagne faisaient grand cas des vins rouges de Berligou et en envoyaient très fréquemment à
leurs connaissances comme présents » .Un aveu de 1580 rend compte de l’importance des clos plantés à
Couëron dont le bourg en est tout entouré ; le potentiel viticole est évalué à 150 hectares, constitué en
majorité de vignes rouges.
Ce cépage acquiert une grande réputation à la suite des visites d’Henri IV, lors de la signature de l’Edit de
Nantes, puis plus tard celle de Louis XIV. Pour autant, son développement connu semble géographiquement
contenu à l’ouest de la cité nantaise jusqu’à la partie littorale du vignoble nantais, notamment à Pornichet où
il est vinifié en blanc ; cependant fait anachronique il est souvent consommé loin de son lieu de production à
Paris, Strasbourg… où il jouit d’une excellente renommée. À la suite d’un courrier adressé le 25 brumaire de
l’an XIII, par Champigny, ministre de l’Intérieur de Napoléon et visant à la création d’une « collection générale
des plants de vigne des divers départements de l’Empire français », le Berligou intègre la pépinière du
Luxembourg. A cette époque, « la récolte se faisait dans les années prime le 10 vendémiaire dans celles
ordinaires le 20 et même le 30 du même mois ».En 1825, le vignoble de Couëron compte 365 ha de vignes. Les
clos du Grand et du Petit-Berligou en contiennent encore 19 ha et 65 ares. Le volume de transaction des vins
est important. Mais dès le milieu du XIXème siècle, les maladies cryptogamiques (mildiou, oïdium) puis le
phylloxera(1895) sonnent son déclin et c’est vraisemblablement à cette époque que les plantations de
Berligou disparaissent.
Vers la réintroduction du Berligou
Retrouvé par le Comte de Camiran en 1930, puis conservé par un
viticulteur de Saint Fiacre, son sauvetage prend fin lorsqu’il intègre le
conservatoire de cépages du Musée du Vignoble Nantais en 1993. En
2004, le SDAOC Muscadet et l’IFV et le Groupe des 12 s’interrogent
sur la classification ampélographique des ceps présents dans cette
collection. Les analyses génétiques des bois confiés à l’ENTAVet
réalisées à l’aide de 9 loci microsatellites soulignent que le profil
génétique obtenu correspond à celui de la variété Pinot N, mais pour
un marqueur moléculaire, on peut observer une variation qu’on ne
retrouve pas chez les autres clones connus. Des tests de dépistage de
virus, révèlent quant à eux que 14 des 17 pieds évalués sont indemnes, seuls trois plants sont altérés (court
noué, marbrure, enroulement). Ces tests montrent une très bonne homogénéité de l’état sanitaire du cépage,
preuve s’il en est que ses conditions d’adaptation et sa fusion aux terroirs nantais s’est pleinement réalisée à
travers les siècles. L’importance de ces données techniques n’échappe pas à l’ENTAV qui, en 2005, introduit le
Pinot N Berligou dans sa collection du domaine de l’Espiguette. Il est également planté en 2006 au Domaine de
Vassal (INRA) pour y subir des contrôles phénologiques et sanitaires. Doué d’une bonne vigueur ce cépage
présente en Pays Nantais une bonne fertilité avec des qualités de moûts comprises entre 12,3 % et 13,5% pour
les 3 derniers millésimes. Peu sensible au mildiou et au Botrytis cinerea, il doit cependant faire l’objet d’une
surveillance particulière vis-à-vis de l’oïdium.
Dans le but de protéger ce cépage original, le SDAOC Muscadet entame dès 2007 des démarches conjointes
auprès du Comité de Protection des Obtentions Végétales (CPOV) en vue d’une certification et de l’INPI pour le
dépôt de la marque Berligou. D’autres dispositions portent sur les critères analytiques et sensoriels exigés pour
les contrôles de qualité. En 2008, une parcelle de pré-multiplication de matériel standard est plantée et le
projet de sélection d’un clone prévoit l’installation dès 2011 de 2 parcelles expérimentales pour des tests de
valorisation (CTPS).Une grande fête médiévale est organisée dans le courant de l’été 2010 pour la
réintroduction de Pinot noir Berligou par une association éponyme, dans un petit conservatoire situé dans
l’ancien domaine des ducs de Bretagne à Couëron.
Mots clefs : Pinot noir ; sélection ; Pays nantais
Références
FONTAINE A. Rev. de vitic. 679 (26)(1906) 685-689.
GALET P. ed. Cépages et vignobles de France, Montpellier, France. (3) (1962) 2 029.
KERNÉIS JP. Cah.acad.Bret. (1967)58.
POULARD A. La Tribune. 28 (1982) 23.
VILLAIS G, GUÉRIFF F, LE FLOC’H G. Bull. ass. pr. hist. rég. naz. (1986) 26.