J`ai été un - Magazine Racines
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J`ai été un - Magazine Racines
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Dossier réalisé par Yvelise Richard P our aller plus loin • L'homme battu, de Sophie Torrent, aux éditions Option Santé (2002). Une série d'entretiens permet à l'auteure de donner une définition de l'homme battu par sa conjointe et décrit en quoi la violence féminine diffère de la masculine. Selon Sophie Torrent, “une des formes de violence psychologique les plus insidieuses consiste à manipuler l'homme en l'incitant à la violence physique. Si l'homme passe à l'acte, la loi se retourne contre lui. La femme violente possède là un atout décisif : la société la croit fondamentalement victime, qu'elle le soit réellement ou non. Et elle peut, sans trop d'ingéniosité, faire croire à son entourage que c'est son conjoint qui est violent.” • La violence faite aux hommes. Une réalité ta boue et complexe, d'Yvon Dallaire, aux éditions Option Santé (2002). L'auteur souhaite susciter une réelle prise de conscience de toute la réalité de la violence conjugale et familiale. Pour que, ensemble, hommes et femmes puissent l'éradiquer. J’ai été un homme maltraité Malgré une nouvelle campagne de sensibilisation, les violences conjugales restent taboues. Même si elles touchent plus les femmes que les hommes, ces derniers peuvent aussi en être victimes. Des associations, rares, s'engagent auprès des hommes maltraités. RACINES 16 avril 2007 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous ILS TÉMOIGNENT Des coups, des vexations “A ppelons-le Félix. Appelonsla Raymonde ! Lui un brave homme, un peu chétif. Elle d'une carrure imposante… et d'un caractère autoritaire. Les voisins savaient bien qu'elle le frappait et qu'il se laissait faire. Cela durait depuis quelques années. Est-ce pour cela qu'il s'est réfugié un temps dans la boisson ? Ou bien est-ce parce qu'il buvait qu'elle le frappait ? Ça, les voisins ne l'ont jamais su ! Volontairement vexante, Raymonde ne daignait pas préparer le gibier que Félix ramenait de la chasse (elle le donnait aux amis qui passaient), mais elle achetait des pâtés de sanglier ou du lapin à la supérette locale ! Certains soirs, elle lui refusait l'accès de la chambre conjugale, l'envoyant dormir à l'étage inférieur. Un mari obéissant “Un des mes copains, Jean-Pierre, fait partie de ces maris qui sont humiliés par leur épouse. Voici ce qu’il m’a confié. "Le jour où je me suis marié, j’ai gagné le gros lot, j’aurais mieux fait de me casser une jambe." En effet, JeanPierre, célibataire jusqu’à l'âge de 35 ans, menait une vie de garçon particulièrement heureuse. Mais un jour, il rencontra une veuve, Lucie, qui avait besoin d’un "pigeon" pour faire son travail. Ils décident de se marier avec un contrat de mariage. La lune de miel a été bonne mais courte. Lucie se fait construire une grande maison sur son terrain, et voilà Jean-Pierre, devenu locataire de Lucie : elle lui fait payer 350 € par mois de "pension alimentaire" et de logement. Plus grave encore, Jean-Pierre loge dans une pièce aménagée au sous-sol. Lucie occupe l’étage et couche dans une superbe chambre où Jean-Pierre n’a pas le droit d’entrer. "Je suis peut-être un peu naïf, me dit JeanPierre, mais pour humilier ma femme, je le chante à tout le monde." "Lucie a une très belle voiture. Moi je n’ai pas le droit d’y tou- Elle en fit tant après lui, que la maréchaussée finit par entendre la rumeur qui enflait. Les gendarmes allèrent toquer à l'huis de Raymonde et de Félix. Que leur dirent-ils ? Que leur promit-elle ? Nul ne l'entendit. Depuis ce jour, elle a calmé sa fureur envers son époux. Cela se passait, il y a près de vingt ans dans un bourg du bocage. Aujourd'hui, ils coulent ensemble une retraite paisible. Au dire des voisins…“ Étienne (66 ans) Face à une femme dominatrice cher sauf pour la conduire au garage pour l’entretien. Moi je me contente d’une voiture qui va bientôt être conscrite (elle a presque 20 ans !)." Jean-Pierre entretient le grand jardin où les légumes ne manquent pas. Bon jardinier, c’est lui qui paye l’entretien du motoculteur (mais pas de réduction pour ça sur la pension). Jean-Pierre est à la retraite depuis dix ans. Pour se défouler, il se rend parfois dans la région de Challans et Le g é o ù d e m e u r e n t t o u s s e s anciens copains de jeunesse et où il oublie un peu tous ses problèmes. Attention, il doit être rentré avant 19 h 30 sinon il ne trouve plus rien sur la table (et pas question de rouvrir le frigo). Plaignons les femmes battues, qui en général le sont par des maris indignes. Mais pensons aussi à ces hommes parfois courageux qui sont humiliés par leur femme. Ils sont peut-être trop naïfs et ne veulent pas la guerre à la maison.” Mon père a subi des violences verbales et physiques, infligées par ma mère, depuis longtemps. Elle est malade des nerfs et très dominatrice (même envers nous-mêmes, ses enfants). Or mon père est âgé de 75 ans et souffre d'Alzheimer. Comme elle ne le supportait pas, elle l'insultait, voire le frappait. Lui ne pouvait plus travailler ni bricoler et endurait un vrai calvaire. Il lui est arrivé de me téléphoner pour que je vienne le chercher, chose que je faisais aussitôt. Mais, elle exigeait alors que je ramène papa à la maison, me menaçait des pires représailles, de venir faire du scandale dans ma rue ou d'envoyer les gendarmes... Désormais, à la suite de notre action commune, décidée entre ma sœur, mon frère et moi, papa est placé en établissement pour personnes désorientées et maman reste seule chez eux. Géraldine (42 ans) Fernand, un copain compatissant (68 ans) RACINES 17 avril 2007 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous André Idier , président de l'Association de défense des hommes de l'Ouest (ADHO). (Lire en page 19) L’avis Quand on parle de violences conjugales, on pense d'abord à celles subies par les femmes. Pourtant il y a des hommes maltraités. Comment s'expriment ces violences ? Les hommes qui subissent des violences physiques, ce n'est pas courant mais ça existe. J'ai eu à en conseiller. Je me souviens d'un homme, un grand costaud qui travaillait dans le bâtiment. Il se faisait cogner par sa femme tous les soirs. Quand on se voyait, il pleurait dans ma voiture. C'était dans les débuts de l'association, et on avait encore des cotisations : il n'a pas voulu que je lui donne le reçu de sa cotisation. Il m'a dit : “si ma femme trouve ça dans ma poche, je vais m'en prendre encore une”. C'est rare, mais c'est énorme ! Il est difficile d'appréhender ce qui se passe réellement dans un couple. Par définition, on est confronté à plusieurs personnes qui parlent de la même chose, avec chacune sa version différente des faits. de l’expert nombreux que les femmes, c'est certain. On n'a pas de statistiques. On identifie la violence qui touche l'homme moins facilement car il ne se plaint pas : il ne va pas faire constater les hématomes. Je n'ai jamais vu un homme le faire. Auprès de ses collègues au travail, il expliquera un bleu par une chute, par exemple. Ce peut être la conjointe, la maîtresse ou les enfants. Il y a des enfants qui cognent sur leurs parents. Dans le cas des personnes âgées, il peut y avoir une violence qui ne dit pas son nom (lire encadré en page 19). Pourquoi la victime ne réagit-elle pas ? Les hommes sont physiquement plus forts… Sur le plan psychologique, l'homme battu vit cette violence comme une humiliation. Sa situation ne répond pas au schéma classique de l'homme fort que se fait la société. Il se sent amoindri (même si c'est ridicule) dans son image d'homme. Il le garde pour lui, ne le dit pas, ne se plaint pas. Et surtout il ne répond pas, ne se défend pas. Pour deux raisons : d'abord, il a peur de faire mal. Ensuite, et surtout, il sait que, autant lui n'ira pas le dire, autant elle n'attend que cela, dans certains cas, pour aller se plaindre. C'est une espèce de jeu entre le couple qui se dispute et la femme qui dit : “pendant que tu y es, tapemoi dessus !” Ceci pouvant servir de prétexte à une rupture. Or l'homme ne veut pas divorcer. Il se dit : “ça va passer… “ Sont-ils nombreux ? Com- Mais les violences ment peut-on identifier cette violence ? C'est impossible à évaluer : on ne sait pas ce qui se passe chez les gens. Les hommes battus sont moins continuent et c’est l'engrenage. Pourquoi cette situation s'installe-t-elle ? C'est simple. Elle s'installe progressivement à partir de la violence Qui est le maltraitant ? RACINES 18 verbale. Dans ce domaine, les femmes valent bien les hommes. Sachant qu'elles sont physiquement moins fortes, les femmes vont jouer davantage avec les insultes : en faisant de la provocation, en poussant l'autre à bout par un comportement un peu machiavélique, sous forme de harcèlement… Mais quand le harcèlement verbal ne porte plus ses fruits, les gens en viennent graduellement aux gestes (c'est aussi bien valable pour la femme qui frappe son mari que pour le mari qui frappe son épouse). En-dehors de cela, il y a les cas impulsifs qui sont liés à l'alcool : quand les gens ont bu, ils se frappent (réciproquement). Parfois se produisent aussi des scènes de ménage violentes, avec des comportements hystériques, au vu et au su de tout le monde dans le quartier. Comme une manipulation de l'entourage qui y assiste. Quelle aide peut trouver la personne maltraitée, quel recours a-t-elle ? Quand j’entre dans un commissariat, je suis toujours frappé de voir une affiche “Il vous frappe, téléphonez au… “. Il faudrait plutôt dire : “Violences conjugales, téléphonez au… “ Car on dresse trop facilement les hommes contre les femmes… D'ailleurs, la violence ne concerne pas que les couples hétéros. Je connais des couples d'homosexuelles, de lesbiennes où il y a de la violence physique. Des coups de poing dans la figure pour vous descendre du lit. Or, je suis de plus en plus avril 2007 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous contacté par des femmes et de moins en moins par des hommes. Ces femmes me contactent parce qu'elles en ont marre d'être utilisées pour une sorte de “guerre” à laquelle elles n'adhèrent pas. Elles préfèrent un conseil neutre, qui les rassure… L'avenir, ce serait de faire des associations ouvertes à tout le monde (hommes ou femmes), comme c'est le cas du bureau des femmes à la préfecture, contre toutes les formes de violences conjugales. Comment faire cesser la maltraitance ? En parler ! La faire savoir. Le simple fait de rendre public que l'on est maltraité suffit souvent à stopper le processus. Ne pas hésiter à alerter les autorités (gendarmerie, police) ou porter plainte, se faire aider par les associations, même si le premier pas n'est pas facile à faire. Numéro d’aide aux victimes des violences conjugales : 39 19 du lundi au samedi de 8 h à 22 h. Dans chaque préfecture, il existe un service, dit Bureau des femmes, où sont reçues les personnes maltraitées, indifféremment selon leur sexe ou leur âge. Associations d'aide aux victimes à contacter : Ardavi en Vendée, au 02 51 37 94 56 ; Adaven 49 au 02 41 20 51 26 ; Avic 79 au 05 49 26 04 04. Défendre les hommes de l’Oues t L'Association de défense des hommes de l'Ouest (ADHO) a été fondée en 1999, pour défendre les droits des maris dans des affaires de divorces difficiles. Depuis quelques années, cette activité s'est amoindrie au profit de la défense des hommes battus ou maltraités par leur entourage proche (conjointe, enfants…). L'association fonctionne d'une façon spécifique. “En raison du côté intime des plaintes que les gens peuvent me transmettre, il était impossible de faire des réunions de bureau pour débattre des problèmes de Monsieur Untel, explique André Idier. Il fallait que cela reste confidentiel. Le bureau reste un bureau de soutien, mais n'est pas actif. Tout le monde a accepté que je garde pour moi les détails : nom, adresse des gens qui prenaient contact. Parce qu'ils pouvaient être en cours de divorce, de processus judiciaire, etc.” Sans subventions, sans cotisations (devenues inutiles), l'association n'a guère de frais, M. Idier œuvrant en simple bénévole : “Quelques coups de téléphone, quelques déplacements à La Rochesur-Yon, des rencontres dans des lieux neutres (cafés…).” Ainsi l'association, libre et autonome, oriente et épaule les personnes qui ont besoin d'aide. ADHO, BP1, 85310 Nesmy. La maltraitance des personnes âgées La violence touche aussi les personnes âgées, victimes de leurs propres enfants. Ce peut être une maltraitance financière qui conduit parfois les enfants à “capter” l'argent de leurs parents. Mais il y aussi des cas de maltraitance physique qui peuvent aller jusqu'à l'opposition à donner des soins ou à hospitaliser le parent âgé. Une consultation médicale peut être une bonne circonstance pour détecter une maltraitance sur un aîné. En auscultant ce patient seul, en tête RACINES 19 à tête, le médecin peut repérer des violences éventuelles. En cas de sévices ou de privations avérés, il pourra se référer à l'article 44(1) qui l'autorise, sans qu'il y ait violation du secret professionnel, à signaler le cas aux autorités administratives et judiciaires pour protéger au mieux la personne. (1) Article R-4127-44 du code de la santé publique. Alma Vendée : 02 51 24 14 20 - Alma 49 : 02 41 24 99 39 - Allo Maltraitance des personnes âgées national : 0 892 68 01 18. avril 2007 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine