Geddes, ce lien vivant entre sciences et lettres

Transcription

Geddes, ce lien vivant entre sciences et lettres
8
Montpellier
X7---
ART D’ÉCHOS
La Paillade
Motifs d’évasion
Midi Libre midilibre.fr
VENDREDI 15 JUIN 2012
Geddes, ce lien vivant
entre sciences et lettres
Patrimoine l Réunis en colloque, chercheurs, sociologues, biologistes ou
historiens se sont découvert le même pair : l’inventeur du collège des Écossais.
M
Cirque, montgolfière,
danse et théâtre, les artistes
animeront La Paillade,
dimanche 24 juin. Ce festival
de Motifs d’évasion débutera
à 10 h 30, station Saint-Paul
(en allant aux puces)
avec Les fils de l’homme,
mémoires d’Algérie
un spectacle signé
François Rascalou (photo M. P.).
Suivra un débat sur
la culture des quartiers.
Puis, à 14 h, aux halles,
avec des animations signées
par les compagnies 1Watt
et Bruit qui court, le cirque
Balthazar et Didier Théron.
De 18 h à 21 h : vols en
montgolfière. Enfin, à 20 h 30,
représentation de la pièce
de théâtre de Nourdine Bara...
L’instigateur même de
ces Motifs d’évasions !
Contact : 06 49 66 45 05.
Radio Campus
Du son en onde
Radio Campus expose les
pièces sonores du projet
Croatoan jusqu’au 21 juin sur
ses ondes (102.2 FM) et en
streaming. Les thématiques
abordées sont l’inconnu,
la dissolution, la disparition,
l’évasion. À entendre, parmi
les compositeurs : Antoine
Caramali, Elisa Fantozzi,
Younes Baba Ali & Anna
Raimondo, George Morere,
Aude Fournier, Cendrine
Robelin, Maguelone Vidal,
Sevan Arevian, Adrien
Décharne, La République
Sans Tout Ca, Emmanuelle
Gibelo (04 67 52 78 41 ;
radiocampusmontpellier.fr).
i-mai, se sont tenues les premières journées Geddes, lancées et coordonnées par
l’historienne philosophe des
sciences Sabine Kraus. Qui a réussi le
tour de force de réunir, sur un seul et
même sujet (l’œuvre de Geddes), des
scientifiques et des littéraires. Un défi
plus que réussi car, au final, ces biologistes, sociologues, chercheurs ou historiens « se sont reconnus, tous, comme poursuivant les travaux de Geddes ! », s’exclame Sabine Kraus qui,
avec Jean-Denis Schauer, architecte
du patrimoine, a reçu la trentaine d’hôtes dans le sanctuaire même, ce collège des Écossais... Et la majorité de
ces spécialistes ont enfin découvert
terrasse des sciences, allée des philosophes, études et fresques gravées.
Car le botaniste Patrick Geddes
(1854-1932), précurseur de l’économie et premier sociologue urbain, a
réalisé, à Montpellier, les fondations
de sa grande œuvre : l’aménagement
d’un domaine d’enseignement. Qui, de
fait, est la synthèse tangible de sa réflexion nourrie par l’expérience et le
terrain (*) ; et qui s’épanouit dans les
liens fructueux que Geddes a avec les
botanistes de l’Écusson. Dont Charles
Flahault, avec lequel il mène des travaux au Jardin des plantes et à ceux
du collège des Écossais.
PATRIMOINE
Livre et pierre
Anobli par la reine
À l’aise dans tous les domaines, Geddes fait des jaloux... Et il dérange en
affirmant que l’éducation est le moteur de l’économie ou en mettant « en
lien alimentation et thérapie ; agriculture et médecine ». Heureusement,
l’homme ne s’encombre pas de critiques. Pris dans la passion des recherches, il œuvre à tout va et tisse des
liens avec ses pairs dont l’inventeur
de la phytosociologie, Braun-Blanquet, tout en expérimentant l’herbier
en situation ; en creusant un puits
pour le potager ; en défendant la qualité de l’environnement et en parlant
d’interactions. Et lui, Écossais anobli
par la reine d’Angleterre, remet en
plus en question les choix d’une société sectorisée où l’industrie se damne
■ Au centre, avec les lunettes, Sabine Kraus fait découvrir le jardin des Écossais.
au nom du profit. Reste qu’à sa mort,
ses pensées se dispersent. « On le
considérait comme trop polyvalent. »
Et ses travaux pratiques sur le domaine sont délaissés. Du coup, étonnamment préservés.
Quatre-vingts ans après, la fraîcheur
de la logique transversale de Geddes
est aussi vive et moderne que l’architecture du collège des Écossais est
hospitalière et inventive.
C.-S. FOL
[email protected]
◗ (*) Geddes a, entre autres, réhabilité
un quartier pauvre d’Edimbourg, mené des
travaux en Inde, étudié le langage numérique.
Pour en savoir plus : metagraphies.org.
Les journées du Patrimoine, en
octobre prochain, seront sur les
trésors cachés. Dédiées donc
à la découverte du domaine de
Patrick Geddes. Un merveilleux jardin
paysagé bizarrement ignoré et
pourtant idéalement situé. Avec la
première maison d’étudiants imaginée
par Geddes, dessinée par Leenhard
et financée par l’Écosse ; un exemple
d’architecture humaniste
et socio-éducative. Du dessin des
paliers à l’implantation des portes
dans le couloir, tout y est réfléchi pour
permettre la rencontre, faire vivre
l’harmonie. Et chaque espace invite
à la découverte, à commencer par
cette tour, construite à l’identique de
l’Outlook tower d’Edimbourg, d’où l’on
peut s’observer au cœur du territoire.
Autre hommage en projet :
le rassemblement du fonds Patrick
Geddes. Qui, à sa mort, a légué
à l’université de Montpellier sa
bibliothèque, soit 1 350 ouvrages.
Mathématiques, sciences, médecine,
philosophie, littérature. Avec la
séparation des disciplines, le fonds a
été dispersé dans les différentes facs.
Le conservateur de la BU de droit
de Richter (où restent 350 livres
de Geddes) propose d’organiser
une exposition de la collection.
Dernier jour de l’enquête publique
Le collège des Écossais est situé
dans un parc arboré de plus
de quatre hectares, sur les hauteurs
du plan des Quatre-Seigneurs.
Classé en zone collective (3U1-1),
non déstructurable et assujetti
à de strictes règles, l’espace devrait
basculer en zone de commerces et
de logements de 5 étages (2U1-9).
L’aubaine pour le promoteur. Et le
rectorat, propriétaire, qui veut s’en
débarrasser (la mairie a préempté).
La candidate Europe écologie de
la 3e circonscription, Marie-Noëlle
Sibieude, demande qu’un parc public
soit aménagé. Les amis de Geddes
se mobilisent pour que l’espace soit
réhabilité tel que le botaniste l’a créé.
Une enquête publique est ouverte
à la mairie, jusqu’à aujourd’hui.
Chacun peut donner son avis et nul
besoin d’être baron de Caravettes
ou riverain, il s’agit là du patrimoine
commun (service aménagement
et programmation, ouvert lundi au
vendredi, 8 h 30-12 h, 13 h 30-17 h).
L’art, porte-drapeau des droits de l’homme La trace indélébile
Initiative l Soixante-dix Héraultais et Belges ont œuvré sur l’expression des lois. On a vu l La pièce “Rouge décanté”.
Pour l’association Capta créations, l’art du débat et de l’expression est l’une des premières courroies de transmission
à affûter entre humains. Et en
choisissant pour sujet les
droits de l’homme et du citoyen, les chevilles ouvrières
de l’association ont ouvert l’horizon de soixante-dix jeunes
de 11 à 25 ans d’ici et de Belgique... Mais pas seulement.
Car l’initiative, captée par des
artistes de la région, dont la
chorégraphe Anne-Marie Porras, a été aussi relevée par les
hommes de lois. Dont deux
avocats belges « formés à
l’échange et à la confrontation
avec les jeunes, qui ont animé
des ateliers en Belgique et ici
même... En utilisant les jeux
de rôle mais aussi la musique, la danse, le geste », apprécie Savaha Benali, coordinatrice de Capta créations. Quant
aux participants, « ils venaient de tous les milieux et
■ Pour Capta créations : Savaha (g.), Bruno et Alessia.
les plus jeunes de l’atelier
théâtre du collège de Lunel »,
précise-t-elle. Et la violoniste
Alessia Baccarani, active de
Capta créations, de préciser
que « l’échange a été étonnant
car nous étions tous là pour
porter la parole des autres ».
Musicienne classique, la jeune
femme a « dû accompagner
R. DE HULLESSEN
des danseurs de hip-hop.
C’était inattendu et extrêmement formateur. Dans l’attention à l’autre, l’échange et les
relations qui s’instaurent ».
Réalisé « sans aucune aide locale », mis à part un prêt de
matériel du conseil général,
l’événement a tenu par la seule volonté de la poignée de bé-
névoles et les compagnies associées (Dessources, Cavier,
Mendarines, No Tag, Anonymous, etc.)... Qui, prise dans
l’accueil et l’organisation, n’a
eu que trop peu de relais pour
promouvoir son action. « Même trouver une salle où réunir les jeunes a été un combat. Seul Saint-Jean-de-Védas
nous a ouvert sa salle polyvalente », note Bruno Paterno,
actif de Capta créations et responsable du Soliloque théâtre.
Encouragée et soutenue par
l’Europe pour cet échange
fructueux, sollicitée par les
jeunes comme par des artistes
d’ici, Capta créations rêve de
multiplier ce type d’expérience tout en s’inquiétant du « désintérêt des institutions, des
décideurs, bref des adultes »
pour ce genre de projet... Qui,
sans deniers, « ne pourra se renouveler ».
C.-S. F.
◗ Contact : captacreations.fr ;
04 99 58 84 60.
Le Printemps des comédiens
a accueilli cette pièce magnifique et coup-de-poing.
Il n’est pas allé à l’enterrement de sa mère. Impossible.
L’adulte qu’il est devenu est
encore dévasté par les traumatismes d’une enfance passée
pour partie dans un camp d’internement. Un de ceux mis en
place pendant la Seconde
Guerre mondiale par les Japonais, dans les Indes néerlandaises (Indonésie), où il fut enfermé à l’âge de 3 ans et pendant deux ans avec sa mère,
sa grand-mère et sa sœur.
Écorché vif
Ce sont ces souvenirs encombrants et la difficulté de se
construire avec que retrace
l’écrivain néerlandais Jeoren
Brouwers dans son livre autobiographique, Rouge décanté.
Et c’est avec beaucoup de douceur et de délicatesse que le
metteur en scène Guy Cassiers et l’extraordinaire comé-
dien Dirk Rooftthooft rendent
toute la violence de ce très
beau texte.
La pièce Rouge décanté, vue
mardi, parie sur la suggestion
plutôt que la démonstration.
Seul sur scène, le comédien
flamand raconte, sans élever
la voix, le parcours de l’écrivain à la manière d’un puzzle.
Par son ton et ses gestes (se
gratter le nez ou autre chose),
il nous entraîne dans son intimité. Ses mots, son phrasé, sa
présence, nous rendent sensibles à sa souffrance. Le dispositif scénique accentue ces effets grâce à un travail ciselé
de lumière et de sons et l’utilisation de la vidéo. Les caméras le scrutent et son image
(déformée, fantasmée ou démultipliée) projetée sur écran
nous ancre davantage dans
son univers. Il est écorché vif
et nous prend aux tripes. Bouleversant.
MIREILLE PICARD
[email protected]