Dodécaphonisme, sérialisme et courant spectral :

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Dodécaphonisme, sérialisme et courant spectral :
Dodécaphonisme, sérialisme et courant spectral :
des outils encore d'actualité pour créer ? Le dodécaphonisme sériel puis sa suite que l'on peut considérer comme étant logique, le
sérialisme, dans son acception du contrôle sous tous les paramètres du son, ont bousculé
la création musicale du XXe siècle de façon pour le moins radicale. Austère, théorique en
terme de composition, cette recherche du contrôle absolu de l'écriture est-elle en 2012
encore d'actualité pour le compositeur qui n'a jamais été aussi libre pour créer ? Même questionnement pour le courant spectral. Apparue dans les années 1970, en
réaction au sérialisme, la musique spectrale s'inscrit dans un travail axé sur le timbre, sur
le son lui-même. Il s'établit, en quelque sorte, une synthèse entre l'écriture instrumentale,
la recherche en analysant les caractéristiques physiques des sons d'une façon qui peutêtre macroscopique mais aussi microscopique, aidée en cela par les outils d'analyse, de
calculs offerts par les nouvelles technologies, dont principalement l'informatique. Des
outils qui sont aujourd'hui accessibles aux musiciens et compositeurs qui pratiquent la
Musique Assistée par Ordinateur (MAO) ou la Composition Assistée par Ordinateur
(CAO). Lors du tremplin 2012 organisé par l'Ensemble Intercontemporain, huit jeunes compositeurs ont été sélectionnés. Dans sa présentation, l'E.I. soulignait que "face aux
univers de ces huit compositeurs de huit nationalités différentes et de trois
continents (Europe, Asie, Amérique du Sud), la première constatation est que
l’heure n’est plus à l’invention d’un nouveau lexique sonore. Comme si les
compositeurs d’aujourd’hui avaient le sentiment que le dictionnaire était à peu près
complet. Si l’on continue à rechercher des textures et des matériaux sonores inouïs,
la recherche d’un nouveau vocabulaire – briques élémentaires d’un langage – n’est
plus à l’ordre du jour : il ne s’agit aujourd’hui que de savoir que faire avec ce
vocabulaire, autour de quelle grammaire l’organiser, et, à une échelle plus vaste,
quelles formes en tirer." L'idée poursuivie dans cette présentation est de considérer qu'aujourd'hui nous avons la
liberté d'intégrer dans nos méthodes de compositions différentes possibilités, de ne pas
avoir à choisir dans des écoles, dans des courants mais de profiter de leurs qualités
intrinsèques pour obtenir des développements intéressants. Personnellement, ça
m'intéresse de me coltiner avec une série, matériau aride, et de l'utiliser en complément
avec des techniques spectrales. Concernant le dodécaphonisme, des guitaristes comme
Robert Fripp, Claude Barthélémy sont coutumiers du fait. Claude Barthélémy, adepte des
improvisations complètement déchirées, n'hésite pas à balancer des séries dans son
phrasé qu'il soit jazzy, bluesy ou contemporain. Didier Debril
Août 2012 Principes du dodécaphonisme
Arnold Schoenberg a créé sa première oeuvre dodécaphonique publiée, les Pièces pour
Piano opus 23, en 1923 (1). Dans les principes définis pour cette nouvelle écriture
musicale, les douze sons de l'échelle chromatique sont d'égale valeur, ils doivent être
exposés chacun une fois, sans aucune répétition, avant que la série ne soit l'objet de
nouvelles transformations, mutations, variations.
Ces dernières peuvent être très nombreuses, imaginatives dans leur conception. Mais à
partir d'une série des opérations de base ont été définies :
- rétrograde ou récurrence qui consiste à lire la série de droite à gauche. - renversement où il y a un changement de sens de lecture, en ascendant ou
descendant, des intervalles de la série originale
- rétrograde du renversement, c'est à dire la lecture de droite à gauche de la série
qui a été renversée. A ce stade, le musicien, le compositeur, qui n'ont pas forcément l'habitude de jongler avec
les intervalles vont peut-être se heurter à comprendre comment transposer la série
renversée. Car si lire la série dans son mouvement rétrograde, de droite à gauche, ne
pose pas de problème, il n'en est pas de même pour la série renversée. Au-delà de la
compréhension des intervalles (voir chapitre Approfondissement), la méthode la plus
simple sera de transposer par le nombre de demi-tons constituant l'intervalle. Et tout
bêtement, en calculant avec les doigts de la main même si comme on le constatera plus
loin, il y a des éditeurs en ligne ou des applications sur Iphones ou Ipad qui donnent
immédiatement la solution. L'idée, tout comme avec une calculatrice, est de comprendre le
principe puis ensuite utiliser les outils d'aujourd'hui. Ceci étant, pour obtenir d'autres
transpositions comme avec des cribles, une bonne feuille de papier et la numérotation de
la série sera bien utile. Série rétrograde
Il n'y a pas de problème particulier pour comprendre cette transposition. Il suffit de la lire
de droite à gauche. Ainsi, si on choisit une série intégrant le total chromatique ascendant,
soit 12 sons, du Do au Si, la série rétrograde sera écrite de si à do. Faisons de même avec la série d'A. Schoenberg, Fïnf Klavierstücke, op. 23, valse,
la transposition est simple à faire :
Série renversée
Concernant le renversement, il faut lire la série par rapport à ses intervalles (2) afin
d'effectuer la transposition. Ce qui suppose un peu de gymnastique mentale pour bien
assimiler le principe de calcul.
Prenons la série d'A. Schoenberg, Fïnf Klavierstücke, op. 23, valse qui est intéressante
car elle a la particularité d'avoir des mouvements ascendants et descendants.
Or, un des principes de base pour le renversement, est de prendre l'intervalle entre deux
notes et si ce dernier est une tierce majeure ascendante, elle deviendra une tierce
majeure descendante. Et vice-versa. Le processus de transposition - Les deux premières notes de la série de Schoenberg sont do# - la, soit une tierce
majeure descendante et 4 demi-tons. La seconde note de la série renversée se verra
appliquer le même intervalle, soit une tierce majeure mais cette fois-ci elle sera
ascendante. Ce qui appliqué au do# avec l'intervalle de tierce majeure ascendante ↑
avec ses 4 demi-tons donnera : Ré(1) - Ré(2) - Mi(3) - Fa(4). La seconde note sera
donc un fa. - Pour la troisième note de la série renversée, on regarde l'intervalle séparant la 2e note
de la 3e de la série initiale soit la - si ce qui correspond à une seconde majeure
ascendante ↑ et de deux demi-tons. On applique le même procédé, la seconde majeure
va devenir descendante ↓ à partir de la seconde note de la série renversée, soit Fa. D'où
ce calcul simple en appliquant les deux demi-tons : Mi - Mib/Ré#. La troisième note sera
un Mib ou Ré#. - Pour la quatrième note, on constate qu'entre Si et Sol il y a un intervalle de tierce
majeure ↓ et donc avec un écart de 4 demi-tons, la quatrième note de la série renversée
sera transposée à partir du Mib/Ré# avec une tierce majeure ↑ soit Mi(1) Fa(2) Fa#(3)
Sol(4). La quatrième note qu'on va insérer dans la série renversée sera un Sol. J'ai inséré
la suite du processus dans le tableau ci-dessous: Rien de tel que de se servir d'un tableau pour effectuer les transpositions. On peut
remarquer que les flèches ↑ et ↓ de la note de départ pour appliquer l'intervalle donnent
l'indication de mouvement ascendant et descendant. Elles sont le contraire de celle concernant les intervalles de la série initiale. Série rétrograde renversée
La série rétrograde renversée reprend le même principe de lecture, on lit de droite à
gauche la série qui a été renversée. Des éditeurs en ligne
L'application Twelve Tone Matrix Calculator est en ligne mais aussi en application
autonome avec un PC.
Le calcul des transpositions est quand même assez fastidieux à faire. Il est intéressant,
toutefois, dans la mesure où il permet de bien comprendre le processus dodécaphonique
mais aussi de l'importance des intervalles. Mais aujourd'hui, en 2012, on dispose avec les
nouvelles technologies des outils en ligne ou des applications dédiées sur l'iIphone ou sur l'Ipad par exemple. Sur internet, j'ai trouvé deux éditeurs en ligne qui sont complémentaires dans leurs
particularités. Il y en peut-être d'autres, d'ailleurs. Le premier éditeur peut aussi s'installer en application autonome sur un PC dans le cadre
de la suite Software Tools for Composers proposés aussi en ligne dont deux outils fort
utiles pour créer des séries dodécaphoniques Twelve Tone Matrix Calculator et Twelve
Tone Row Analyzer qui permettra d'analyser la structure de celles-ci, notamment sur les
intervalles d'une série. Le deuxième éditeur en ligne Bain Twelve - Tone Assistant de Reginald Brain se veut un
assistant dodécaphonique. Tout comme le premier éditeur, Twelve Tone Matrix Calculator,
il permet d'entrer ou de créer une série dodécaphonique et de calculer les différentes
transpositions - rétrograde, renversée, rétrograde du renversée - via une matrice ou le
carré de transposition 12 *12. Toutefois, les outils d'analyse de la série créée sont
différents. Et de fait, les deux éditeurs sont complémentaires.