« Je me fais plaisir ! »

Transcription

« Je me fais plaisir ! »
Christian Audigier
A 55 ans, le designer des stars, de
passage en Europe pour lancer sa
nouvelle collection de vêtements, a
fait une halte à Bruxelles afin de vivre
un rêve d’enfance : devenir acteur.
« Je me fais
plaisir ! »
De Hollywood à Bruxelles, avez-vous le sentiment d’avoir bien travaillé ?
Oui, et pourtant, ce n’était pas évident au départ.
Je suis un enfant d’Avignon. Je viens d’une famille
modeste. Et pour couronner le tout, je suis un vrai
autodidacte. Cette réussite mondiale n’était pas
programmée. Il faut toujours un facteur chance, mais
on doit aussi faire briller sa bonne étoile. La suivre
et surtout bosser un maximum. Dans la vie, rien ne
tombe du ciel.
Vous avez tourné à Bruxelles. Une première ?
A la base, il s’agissait d’un court métrage. Mais
voilà, l’histoire de « Death Squad » est devenue un
long métrage. Avant cela, j’ai joué dans un film
américain, « Five thirtheen », qui, lui, a été tourné
en grande partie dans l’Ouest américain et au
Mexique et a été présenté à Cannes. Un véritable
« trash movie » articulé autour de quatre histoires.
Dans « Death Squad », je campe un homme libéré
de prison mais à tort. Et un flic, joué par Hafid Stitou,
ne me lâche pas. C’est un film d’action policier. On
m’avait précédemment proposé des rôles pour le
cinéma. On m’a souvent dit que j’avais une « gueule »
pour cela. Je n’avais pas le temps. J’étais très pris par
mon business. Aujourd’hui, je me fais plaisir.
Pour réussir aux Etats-Unis, il faut être futé,
rusé ?
Les deux, et j’ajouterais qu’il faut être à l’affût !
Là-bas, on me surnommait le « Vif », ce qui veut
dire « Very Important Frenchy ». J’étais très réactif.
Et puis, il faut faire comme eux, c’est-à-dire ne pas
être timide.
A 14 ans, quand vous avez quitté l’école, vous
rêviez déjà de mode ?
Non, pas du tout. Par contre, j’organisais déjà
des petites soirées à 12 ans dans le garage de ma
famille. Je m’imaginais aussi chanteur de rock.
© Reporters
De retour aux
Etats-Unis, il a
célébré son 55e
anniversaire à
Los Angeles.
Une fête-surprise
organisée par sa
compagne, où se
sont retrouvés
ses amis et sa
famille, dont
ses fils, Rocco,
Dylan et Vito.
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Christian Audigier
se lance dans une
nouvelle carrière
en faisant ses
débuts au cinéma.
Après « Five
thirteen », avec
Tom Sizemore et
Michael Madsen,
il vient de tourner
à Bruxelles avec
sa compagne,
Nathalie Sorensen.
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Vous avez eu l’intelligence de répondre à la
demande du public, qui aime s’identifier aux
stars. Un pari difficile, non ?
Vraiment pas. La première star que j’ai pu habiller fut Britney Spears. L’histoire est assez simple et
magique à la fois. J’ai traversé une rue à Los Angeles
qui se nomme Melrose. Là, il y avait plein de bodyguards autour de Britney. J’ai essayé de l’approcher, mais impossible. Par chance, elle a entendu que
je parlais français. Elle s’est retournée et est venue
vers moi. Je l’ai invitée à passer dans ma boutique,
Von Dutch, qui se trouvait en face. Elle est arrivée
quinze minutes plus tard et est repartie avec des tshirts et des casquettes. Bref, elle a fait toute la
couverture d’un magazine avec ma marque. Ensuite,
je suis allé voir Justin Timberlake, Puff Daddy,
Beyoncé, etc. Je les ai tous habillés.
Quelle star a été la plus difficile à convaincre ?
Honnêtement, il n’y en a pas eu. Je n’ai jamais
poussé les gens à venir. Je les invitais, tout simplement.
Vous deviez habiller Michael Jackson pour sa
dernière tournée...
Oui. Hélas, nous connaissons sa triste fin. Loin
des caméras, c’était un homme d’une gentillesse
incroyable. D’une bonté admirable. Selon moi, il a
été broyé par la machine du business. Je l’ai connu
en contactant son avocat pour l’inviter à mon anniversaire. Il m’a répondu : « Vous savez, Michael
Jackson ne fête pas les anniversaires… » J’ai enchaîné en insistant : « Dites-lui que c’est de ma part, et
que j’aimerais le rencontrer. » Quinze minutes plus
tard, je reçois un coup de téléphone de Michael
Jackson en personne : « Je viendrai à ton anniversaire, mais j’aimerais que tu fasses quelque chose
pour moi. Créer une collection à mon nom. » J’ai
accepté tout de suite. Après la fête, on s’est revus et
on a sympathisé. J’ai passé quelques soirées avec lui.
Nous avons fait du shopping aussi. J’avais commencé à dessiner toute la collection qui devait
constituer le merchandising de son Tour. Mais il est
parti avant… ■
MARC DUCHARLIER
Il avait noué de
véritables liens
d’amitié avec
Michael Jackson,
exceptionnellement présent
à sa fête
d’anniversaire
il y a cinq ans.
© Robert Losavio
© C. Audigier
J’ai habillé Britney,
Beyoncé, Johnny...
Finalement, votre réussite est un monumental
pied de nez aux stratégies bien huilées des
marques de mode ?
Absolument. J’ai fait tout autrement. Etant né
dans la rue, j’ai conçu des choses qui correspondent
aux gens du peuple.
GRAND AMI
DES STARS
Sylvester Stallone
« Il était fou de ma marque de vêtements. Il est venu
chez moi au bureau pour dévaliser mon stock. C’était
incroyable pour moi. J’avais Rocky devant moi. Il m’a
appris à donner mes premiers coups de poing de cinéma. C’est un homme d’une énorme gentillesse. »
JCVD
« Il venait souvent chez moi. Je lui préparais de
la soupe aux légumes. Il adore ça. Il adore tout ce
qui est régime naturel. Un soir, je l’ai vu refuser un
film. Et quel film ! C’était le fameux“Operation Espadon”, qui a relancé John Travolta et a donné l’envie
à Tarantino de travailler avec lui… Il devait tenir le
rôle principal aux côtés de Hugh Jackman et Halle
Berry. Il a refusé car, à la fin du film, l’acteur devait
mourir. Lui ne voyait pas cette fin pour le héros. »
Johnny Hallyday
« Il a été mon idole toute ma vie. Il fait rêver tout
le monde. Un jour, un pote commun, Renaud, m’a
téléphoné pour me dire qu’il arrivait avec Johnny.
Pourquoi ? Car il aime tout ce qui est américain. Moi,
jeune gars d’Avignon, je collectionnais plein de trucs
venant d’outre-Atlantique. Johnny a adoré et nous
sommes devenus amis. »
© C. Audigier
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L’homme qui pèse plus de 250 millions de
dollars et qui commercialise ses collections
dans quelque 80 pays (il a vendu la marque Ed
Hardy et lance Lord and Lady Baltimore) est
passé par la rédaction de « Ciné-Télé-Revue »
le temps d’un brunch sympa.
© Reporters
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Mon idole était Johnny Hallyday. Je le voyais se
produire sur scène avec des vêtements propres
aux rockers, et j’étais fasciné. Hélas, je ne savais
pas chanter. Donc, j’ai décidé de les habiller.
Finalement, des années plus tard, j’ai réalisé une
marque pour Johnny Hallyday. La boucle était
bouclée. (Rires.)
© Eric Demarcq
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© Robert Losavio
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