Le Jardin MaLanga - Des Hotels et des Iles
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Le Jardin MaLanga - Des Hotels et des Iles
Tuin ?????? Le Jardin Malanga JARDIN Le Jardin Malanga un rêve créole entre mer et volcan Outre ses plages idylliques, son célèbre volcan, sa forêt tropicale et sa riche culture créole, la Guadeloupe possède un autre joyau. Sur les hauteurs de Trois-Rivières, au sud de la Basse-Terre, se dresse une demeure coloniale presque centenaire, cernée de trois cottages; dominant l'archipel des Saintes et un vaste domaine arboré, ‘Le Jardin Malanga’ est l'un des plus beaux hôtels de charme des Antilles. Texte & photographie: Marie Dufay L uxuriante, , indomptée, sensuelle et mystique: telle est la BasseTerre guadeloupéenne, dont le relief tourmenté abrite le massif de la Soufrière, volcan actif culminant à 1467 mètres. Ici, le sable est d'un noir fin et scintillant, les cascades se blottissent dans une végétation exubérante, les habitants vous accueillent avec une gentillesse déconcertante. Loin du tourisme de masse, Trois-Rivières est une petite commune attachante, connue pour ses ‘roches gravées’, des pétroglyphes tracés par les indiens Arawaks vers l'an 300. Leur connaissance pointue des arbres et des plantes, utilisés dans tous les aspects de la vie quotidienne, permis aux colons de survivre puis d'exploiter les terres fertiles de la région en y important café, cacao ou canne à sucre. Ce précieux héritage botanique fait la fierté des Guadeloupéens, mais aussi de Simon Fabre, le jeune directeur du Jardin Malanga. En grimpant la verdoyante route de l'Hermitage, j'ignore encore la surprise de taille que me réservent les 12 hectares paysagés de cet hôtel atypique, bien caché derrière son imposant portail en bois... On est d'abord saisi par cette allée de palmiers royaux qui mène à la demeure principale et aux 3 immenses bungalows de style indonésien; on rejoint ces derniers par de petites allées bordées d'épinards hawaïens (Cordyline fructicosa), d'alpinias rouge – de la famille des zingibéracées –, de flamboyants (Delonix regia), de cannes d'eau (Costius speciosus), et de balisiers (Heliconia caribaea). Ici et là se dressent des cocotiers et des palmiers de toutes tailles, et d'énormes pierres volcaniques jonchent l'herbe. Sur les massifs d'allamandas, on remarque des grappes de ‘chenilles rasta’, si voraces qu'elles s'attaquent même au tronc de cette vivace grimpante aux belles fleurs jaunes. Le regard se perd au-dessus des toits, vers le volcan de la Madeleine emmitouflé d'un brouillard dansant, alors que le soleil auréole tout le domaine; nous sommes aux portes de la montagne, de la forêt humide qu'on ne pénètre qu'à la machette. Simon Fabre surgit de nulle part. Sa bonne humeur et sa disponibilité mettent immédiatement en confiance. Notre hôte nous dirige vers le cœur chicgardens 19 du Jardin Malanga: l'immense maison de planteur, construite par un administrateur des colonies en 1928 pour sa retraite. On reste un instant interdit devant ce bijou d'architecture créole, au pied de laquelle s'alanguit une piscine à débordement comme posée en équilibre sur l'horizon; au loin, l'archipel des Saintes qu'on croit pouvoir toucher du doigt, et la silhouette massive de la Dominique. Sur la terrasse bordée de pommiers d'eau (Syzygium malaccense), une cliente paresse sous un parasol blanc que vient chatouiller une fougère arborescente. On pivote à 360°, fasciné par l'harmonie qui se dégage de cette gracieuse habitation coloniale en acajou, teck et courbaril, nichée dans son écrin végétal. La structure n'a pas été modifiée depuis l'époque de sa construction – elle est ‘a piece of history’ comme disent les Américains; cependant, très abîmée par le cyclone Hugo en 1989, elle a fait l'objet d'une rénovation par les Compagnons du Tour de France. Sous la galerie ombragée, portes et fenêtres sont nombreuses, rappelant qu'aux Antilles on passe plus de temps dehors qu'à l'intérieur. Au travers des persiennes et des vitres, la vue sur le jardin explosant de couleurs est toujours magique. Voici le salon – qui fait également office de réception –, avec sa collection d'authentiques fauteuils planteur et de berceuses, son plafond blanc mansardé avoisinant les 3,50 mètres, son ventilateur et son parquet d'époque. Tout le mobilier est de facture locale, car outre des essences de bois rares, la Guadeloupe a toujours compté dans ses rangs d'excellents artisans et menuisiers, formés par les charpentiers de marine débarqués sur l'île dès le XVIIème siècle. Au rez-de-chaussée, l'immense suite possède une salle de bains Art Déco, dont certains éléments comme les porte-serviettes sont rigoureusement identiques à ceux qui équipaient alors le prestigieux Rockefeller Center à New-York. A l'étage, sous la magnifique toiture en essentes, on trouve deux chambres coquettes avec vue imprenable sur la mer des Caraïbes. Rapidement, je cherche à connaître l'histoire de la maison. Simon raconte: "Elle appartient depuis les années 1940 à la famille Arnoux, originaire de Vendée et venue s'installer en Guadeloupe en 1794. C'est ici qu'ils passaient leurs vacances, car le climat de Trois-Rivières est réputé bon pour la santé: l'air y est pur et frais, et permet de reprendre des forces. La propriété produisait d'abord du café jusque dans les années 1960, un peu de vanille et de cacao, puis Mr. Arnoux se lança dans la banane, avant de transformer son domaine en hôtel il y a une vingtaine d'années." Simon m'emmène découvrir le jardin. Les cactées et les plantes grasses sont partout; sanseveria, agave, dragonnier de Madagascar (Dracaenae marginata)... c'est aussi le cas des ‘oreilles d'éléphant’ (Alocasia calidora), du vétiver, des bougainvillées, des anthuriums, des hibiscus, et surtout la racine de malanga (Xanthosoma sagittifolium), un tubercule endémique apparenté au philodendron, dont une espèce est comestible, et qui donne son nom à l'hôtel. "Quand l'exploitation caféière et bananière cessa, explique Simon, la famille Arnoux fit planter 1000 arbres fruitiers; aujourd'hui il n'en reste que 300, mais nous avons de quoi gâter nos clients, surtout de septembre à décembre... avec des produits bio! Mandarine (servie en confiture au petit-déjeuner), essence polynésienne de citron vert (pour le ti'punch), chadec (pamplemousse local plus sucré chicgardens 21 que celui de Floride, qu'on consomme cru ou sous forme de jus, et dont la peau confite est excellente), carambole, noix de coco, quatre types de mangue, papaye, goyave, orange, amande-pays, fruit de l'arbre à pain (Artocarpus altilis), cerise-pays, avocat... Vous n'aurez que l'embarras du choix! Et bien sûr des bananes à foison, qu'on récolte au bout de 9 mois." Il y aussi un gigantesque caféier produisant de l'arabica, de la canne à sucre (les vaches, qui en raffolent, doivent être tenues à l'écart), des canneliers et des cacaoyers: Simon ouvre une cabosse pour me faire goûter la pulpe blanche qui entoure les fèves. Le terrain n'en finit pas de monter et descendre, jouant avec la lumière rasante du soleil qui se couche. On se croirait dans le paysage onirique d'un conte de fées. Un arbre du voyageur bruisse à notre passage, les ficus crépitent de toutes leurs feuilles. Au bout d'une stupéfiante allée d'alpinias en boule, c'est la forêt, dont l'entrée est gardée par un bambou géant qui se balance dans le vent en grinçant. Sur ces terres façonnées par l'âme africaine, on dit que le bambou abrite l'esprit des ancêtres; c'est pourquoi on cachait les trésors sous ses racines, car personne n'osait couper ou pénétrer l'enchevêtrement de tiges à la croissance vertigineuse. Et que penser alors de cet autel à la Vierge, dressé près d'un roucouyer et d'un petit jardin de curé où poussent les herbes aromatiques? Il faudrait demander au colibri qui s'affaire autour des splendides roses de porcelaine (Etlingera elatior) qui semblent presque artificielles tant leurs pétales brillent... Tiens, un oiseau du paradis (Strelitzia reginae), un arbre chandelle (Sepium sebiferum), un calebassier! Oh, de la vanille sur le point de faire une fleur! Et là, le berceau de Moïse 22 chicgardens (Epiphyllum oxypetalum) avec ses fleurs blanches si odorantes! "Bien, la nuit va tomber, il est temps d'aller dîner", me souffle Simon, heureux de me voir prise au sortilège des lieux. Et le directeur du Jardin Malanga de passer aux fourneaux, dans la cuisine ouverte jouxtant la maison. Car du haut de ses 29 ans, cet ancien juriste est avant tout un fou de gastronomie. Il a financé ses études de droit en travaillant chez les frères Pourcel, charismatiques chefs étoilés du restaurant ‘Jardin des Sens’ à Montpellier. Diplômé de l'école hôtelière de Lausanne, second puis chef dans différents établissements, il est recruté en 2010 par Mr. Arnoux qui apprécie son sens inné de l'accueil. Simon utilise principalement des produits locaux qu'il sublime par un savant métissage: sushi et tataki, – forcément hyper-frais –, purée d'igname ou de bananes vertes, curry vert de thon au lait de coco avec légumes façon asiatique... Pour Noël, il a concocté un foie gras travaillé au rhum Vieux, fourré de gingembre, papaye et ananas confits. La table d'hôte du Panga est une valeur sûre! Hyper- pointilleux sur les envies de ses clients, il anticipe leurs besoins, personnalise son service, et cultive un art de vivre devenu rare. "Les clients m'appellent le One Man Show!", dit-il en riant. Dans ce cadre d'exception, à la fois intimiste et familial, la télé n'a pas droit de cité, et on se sent le roi du monde. Simon y est pour beaucoup; mais pour lui, le secret du Jardin Malanga, c'est la nature. "Elle y est reine. On ne peut que s'en éprendre, on est sous son emprise, on chavire de bonheur en se contentant de la regarder. Tout pousse ici, vite et fort. La Basse-Terre a une énergie si phénoménale qu'elle finit par vous insuffler la sérénité". • chicgardens 23