Test IW - Immoweek

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Test IW - Immoweek
dossier
Commerce
CHAMPS ÉLYSÉES :
QUI VEUT GAGNER
DES MILLIONS ?
Le micromarché constitué par les pieds d’immeubles sur les Champs Elysées a toujours représenté un cas particulier, y compris dans
le marché spécifique des commerces. Ne serait-ce que par les valeurs locatives records atteintes par certains emplacements. On
parle aujourd’hui de 18 000 euros (HT, HC) du mètre carré ! Et ce n’est vraisemblablement pas fini ! Certes, pour de petites surfaces. Certes, il s’agit de valeurs de convenance. Il n’empêche, de quoi faire rêver en ces temps de crise…
Le prestige et la fréquentation attachés à celle qui est souvent qualifiée de « plus belle avenue du monde », avec ses conséquences pour les enseignes ; une offre particulièrement limitée ; une demande qui a tendance à s’accroître encore plus dans un contexte général de retour aux valeurs refuges, y compris dans le commerce…, les facteurs sont nombreux qui expliquent que les rares
emplacements disponibles sur les Champs Elysées fassent l’objet de surenchères. Ce n’est pas un hasard si, pour signer son retour
dans la Capitale, Marks & Spencer a d’abord choisi la célèbre avenue.
Les raisons ne manquaient donc pas à notre rédaction pour décider d’inaugurer cette nouvelle rubrique consacrée au commerce
par une radiographie des Champs Elysées. Avec celui qui a signé, l’an passé, deux des plus médiatiques ouvertures sur cette artère, Christian Dubois, directeur général de Cushman & Wakefield…
G
lobalement, le marché des commerces tel qu’il s’est présenté en
2011 « peut-être résumé en un seul mot : dichotomie. Celle-ci se
constate essentiellement pour les magasins de centre-villes et les
centres commerciaux et est moins évidente dans les parcs d’activités commerciales ou les « boîtes » de périphérie. Elle signifie
que nous travaillons dans un marché au sein duquel les meilleurs
emplacements valent chers et où les moins bons ou les emplacements de qualité moyenne souffrent d’une baisse d’attractivité,
d’une baisse de valeurs de transactions et, enfin, d’une baisse de
valeurs locatives » affirme Christian Dubois. Ainsi, le directeur
général de Cushman & Wakefield relève que « les valeurs loca-
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tives pour les meilleurs emplacements sur des artères telles que
la rue de Faubourg Saint Honoré, l’avenue Montaigne ou le boulevard Saint Germain évoluent, traditionnellement, entre 6 000
euros (HT, HC)/m2 en zone A pour les deux premières et 4 500
euros (HT, HC)/m2 pour la troisième. Or, nous avons enregistré
des transactions, portant toujours sur de petites surfaces, se boucler, pour les deux premières artères, entre 8 000 et 10 000 euros
(HT, HC)/m2 et autour de 7 000 euros (HT, HC)/m2 pour la troisième. Ce qui illustre parfaitement la tendance selon laquelle les
petits emplacements numéro 1, dans les artères commerciales
numéro 1, font l’objet d’une surenchère ». Et la tendance semble
›
similaire dans les centres commerciaux : « dans des centres tels
que Les 4 Temps, à La Défense, Val d’Europe, à Marne la Vallée,
Vélizy 2, Parly 2 ou encore Les Terrasses du Port, à Marseille, des
transactions sont réalisées, selon les sites, entre 1 400 et 2 200
euros (HT, HC)/m2 non pondéré pour un magasin de 150 m2 en
équipement de la personne, par exemple. Parallèlement, nous
observons des transactions dans des centres commerciaux
secondaires ou vieillissants se traiter sur la base de valeurs locatives parfois inférieures de 15 à 20 % aux valeurs demandées ».
Ce qui fait dire au conseil qu’il « n’a jamais observé une telle
explosion des valeurs des meilleurs emplacements avec, au
même moment, une baisse des valeurs locatives des emplacements moins prestigieux ou de celles pratiquées dans des centres
commerciaux moins attractifs »...
Le cas particulier des Champs Elysées
A tout seigneur tout honneur, « les Champs Elysées illustrent
parfaitement cette évolution ». En effet, « la valeur locative en
zone A annoncée par Cushman & Wakefield pour les meilleurs
emplacements des Champs Elysées tourne autour des 10 000 à
11 000 euros (HT, HC) du mètre carré. Or, nous avons enregistré des transactions portant sur de petites surfaces bouclées sur
la base de loyers évoluant entre 14 000 et 18 000 euros (HT,
HC)/m2 en zone A. Ce qui traduit une appétence féroce des
grands groupes internationaux pour cette artère riche de
potentiel en termes de chiffre d’affaires comme d’image de
marque ». Des enseignes telles Marks & Spencer ou Banana
Republic étant à l’origine, l’an passé, de deux des ouvertures
(respectivement aux numéros 100 et 22) les plus emblématiques de l’année en matière de commerce, ont fait revenir sur
le devant de la scène la célèbre avenue, si elle l’avait jamais
quitté. Deux transactions réalisées par Cushman & Wakefield
qui ont suivi l’implantation d’Abercrombie & Fitch au 23, auxquelles il convient d’ajouter des ouvertures en cours à l’exemple de celle de Levis et de Fitness First au 76 (ex-Planet
Hollywood) ou de Zara, qui vient d’obtenir son autorisation
pour une ouverture au 9 ;, des transactions connues, mais en
attente d’autorisation ou encore des rénovations de magasins
tels ceux de Lancel au 127, d’Atelier Renault au 53, de Morgan
au 92… Résultat : « aux termes de notre étude annuelle « Main
Streets Across the World », les Champs Elysées ressortent
comme l’artère commerciale la plus chère d’Europe et la quatrième au niveau mondial. Mais si nous prenions comme référant les valeurs locatives de convenance et qui font ressortir
une valeur entre 14 000 et 16 000 euros (HT, HC)/m2, les
Champs Elysées deviendraient la deuxième artère la plus chère
du monde, derrière la 5e Avenue, à New York »…
Des visiteurs par millions
Christian Dubois,
partner
directeur général
Cuhsman & Wakefield
Une ouverture dominicale des magasins et une amplitude
horaire plus importante ne suffisent pas à expliquer cet
engouement des enseignes pour les Champs Elysées.
« Comme pour l’immobilier en général qui redevient une valeur
refuge en période d’incertitude, les enseignes s’interrogent sur
l’éventuelle survalorisation d’un emplacement. Dans ce contexte, les Champs Elysées rassurent ». Le jeu de l’offre et de la
demande joue, alors, à plein : « pour une petite surface, nous
enregistrons, généralement, au minimum une dizaine de
demandes pour une offre ». Mais il faut aussi voir ailleurs les
raisons de cette pression de la demande. Ainsi, à la question
de savoir si les enseignes réussissent à rentabiliser leurs points
de vente, le conseil est catégorique : « oui, les magasins sont
rentables. Mais il faut analyser cette rentabilité à l’aune des
marges, mais également de la publicité et de la notoriété
recueillies par une implantation sur une artère arpentée par
100 millions de visiteurs par an ! Pour un franchiseur, le béné- …/…
LES PRINCIPALES TRANSACTIONS EN 2011
n Au 23, Abercrombie & Fitch a pris 2 000 m2, dont 1 200 m2 de surfaces de ventes.
n Au 100, Marks & Spencer a pris 1 400 m2, dont 1 000 m2 de surfaces de ventes.
n Au 22, Banana Republic a pris 1 800 m2, dont 1 200 m2 de surfaces de ventes.
n Au 76, Levis a pris 1 000 m2 environ, essentiellement en sous-sol, avec une
partie en rez-de-chaussée et Fitness First a pris 2 500 m2 en sous-sol (il s’agit
de l’ex-Planet Hollywood, divisé en deux surfaces…).
n Au 92, Zara a pris 2 000 m2, dont 520 m2 environ en rez-de-chaussée
et le solde en étages.
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dossier Commerce
Vue des Champs-Élysées depuis l’Arc de Triomphe
Légende
Côté impair
6 000 - 7 000 €
7 000 €
5 500 - 6 000 €
Côté pair
7 000 - 9 000 €
8 500 - 10 000 €
9 000 - 11 000 €
Merci à Cushman & Wakefield qui nous a
permis de réaliser ce “key plan“.
Les valeurs locatives s’entendent HT,
HC/m2 de zone A (10 m après la façade)
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Légende
Côté impair
5 500 - 6 500 €
4 500 - 5 500 €
Côté pair
9 000 - 11 000 €
8 000 - 9 000 €
6 500 - 7 100 €
Galeries commerciales
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dossier Commerce
…/… fice d’une implantation sur les Champs Elysées se mesure aussi
sur l’image de l’enseigne, ainsi que sur l’impact quant au recrutement de nouveaux franchisés, par exemple. Finalement, pour
mesurer la rentabilité d’un magasin sur les Champs, il faut
prendre en considération de multiples critères qui s’additionnent à la rentabilité immédiate du point de vente »…
Effectivement, les chiffres de fréquentation restent toujours
aussi impressionnants. Ainsi, on parle de 7 millions de visiteurs
par an pour le magasin Sephora au 72, soit plus que pour la
tour Eiffel ! On dit également que 2 millions de visiteurs entrent, chaque année, dans le magasin Louis Vuitton au 101 !
« Pour information, Les Quatre Temps, à La Défense, figurent
comme le centre commercial le plus fréquenté en France avec
46 millions de visiteurs par an ! ». Les résultats d’une enquête
citée par Christian Dubois, réalisée sur une semaine entre 12
et 15 heures, font apparaître qu’en moyenne, 17 000 personnes parcourent quotidiennement, dans ce créneau horaire, le
trottoir côté numéros pairs et 9 500 le côté impair. Ce qui permet de vérifier, au passage, l’écart de fréquentation entre les
deux côtés de l’avenue, facteur qui explique, « historiquement,
un différentiel de 30 % des valeurs locatives pratiquées au
détriment des surfaces du côté impair »…
Des opportunités d’implantation
toujours plus rares
Autant dire que la pression de la demande n’est pas prête de
retomber. D’ailleurs, Christian Dubois, capable de commenter
les états locatifs de pratiquement chacun des numéros de l’avenue, avoue, pour une des rares surfaces qui était disponible
et sur laquelle s’est positionnée une enseigne de prêt à porter,
qu’il avait la solution de remplacement au cas où cette enseigne se serait vu refuser son autorisation, qu’elle a finalement
obtenu (du coup, jusqu’à présent, aucune autorisation n’a été
refusée). Mais une incertitude a demeuré jusque dans les derniers jours de 2011 car cette enseigne appartient à un groupe
qui dispose déjà de trois points de vente sur les Champs
Elysées ! Or, il s’avère que les pouvoirs publics, en l’occurrence
la Mairie de Paris, s’inquiètent de la place prises par les enseignes de prêt-à-porter au détriment de la restauration.
Néanmoins, il semble bien difficile de contrecarrer la pression.
« Compte tenu des valeurs pratiquées aujourd’hui pour un
emplacement sur les Champs Elysées, les enseignes de restauration ont tendance à se reporter sur les rues adjacentes »…
Pression de la demande d’autant plus forte que l’offre s’avère
particulièrement réduite. Il n’y a guère que la surface du 7173, propriété d’un investisseur privé, qui se présente comme
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réelle nouvelle opportunité l’année prochaine. Et, bien entendu, nombreux sont ceux qui la lorgnent déjà… Ensuite, côté
offre, il ne faut pas trop compter sur des libérations de surface par de grandes enseignes car celles-ci, compte tenu de l’image véhiculée, « n’aiment pas arbitrer un point de vente sur
les Champs Elysées. Encore que Marks & Spencer a pris la succession d’une autre enseigne, en l’occurrence Esprit ». Mais les
exemples demeurent rares. Du coup, « hors des galeries, les
rares indépendants sont hyper courtisés ». Et ils se comptent
sur les doigts d’une seule main. Il apparaît que, désormais, les
indépendants ont vécu sur les Champs… Il est vrai qu’ils ont
généralement réalisé de bonnes affaires en matière de cession
et ceux qui restent savent que l’on parle, pour une boutique
entre 70 et 150 m2 en rez-de-chaussée (avec surfaces complémentaires en étage ou en sous-sol), de prix de fonds qui
dépassent les 15 millions d’euros… S’ajoutent quelques surfaces occupées sur la base de baux précaires. Mais, là encore, de
potentiels successeurs veillent déjà…
Le « Golden absolu »
Dans ces conditions, inutile de préciser qu’une enseigne qui
viserait la partie la plus recherchée des Champs Elysées, celle
que Christian Dubois nomme le « golden absolu », correspondant au segment, côté pair bien sûr, entre les numéros 62 et
104, a peu de chance de trouver une opportunité. C’est là que
se pratiquent les loyers les plus élevés. On cite Tissot, qui s’est
installé au 76 sur la base d’un loyer qui ferait ressortir une
valeur locative en zone A de 14 000 euros (HT, HC) du mètre
carré. Mieux, on parle pour le futur magasin Mac, du groupe
Estée Lauder, au 78, d’une valeur locative qui dépasserait les
16 000 euros (HT, HC) du mètre carré en zone A, sachant que
le loyer serait progressif… Si c’est aussi sur cette partie de l’avenue que Cushman & Wakefield affiche sur son « key plan » les
plus fortes valeurs, le conseil les maintient néanmoins entre 9
000 et 11 000 euros (HT, HC) du mètre carré pour la zone A.
Car « les valeurs de convenance de certaines petites surfaces ne
représentent pas le marché. Il ne faut pas confondre valeurs de
convenance et valeurs étalons. Il serait faux de considérer que
les commerces des Champs Elysées se valorisent à 16 000 euros
(HT, HC) w». Pourtant, le conseil est prêt à parier que « d’ici
trois mois, la valeur record atteindra vraisemblablement les
18 000 euros (HT, HC) du mètre carré ». Rien là de paradoxal.
Car les Champs Elysées apparaissent, définitivement, comme le
Saint Graal en matière de commerce. Et personne ne peut
empêcher une enseigne de vouloir l’atteindre…
n Thierry Mouthiez

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