ASSOCIATION D`UNE TUBERCULOSE ET D`UN CANCER DU REIN

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ASSOCIATION D`UNE TUBERCULOSE ET D`UN CANCER DU REIN
J Maroc Urol 2009 ; 13 : 27-29
FAIT
CLINIQUE
ASSOCIATION D’UNE TUBERCULOSE ET D’UN CANCER DU REIN
A. HOMMADI1, O. GHOUNDALE2, S.M. DRISSI1
1. Service de Radiologie, Hôpital Militaire My Ismaïl, Meknès, Maroc
2. Service d’Urologie, Hôpital Avicenne, Marrakech, Maroc
RESUME
ABSTRACT
L’association d’un cancer du rein à des lésions de tuberculose
rénale est rare. Alors que le diagnostic d’un adénocarcinome
sur rein tuberculeux est déjà décrit à plusieurs reprises, la
découverte de lésions tuberculeuses après néphrectomie
pour tumeur est exceptionnelle.
L’originalité de notre observation repose sur la double surprise
de l’examen anatomopathologique, d’une tumeur et d’une
tuberculose rénale. Les moyens d’imagerie permettent le
diagnostic de la masse rénale, et c’est l’examen anatomopathologique qui confirme l’association du granulome gigantocellulaire avec nécrose caséeuse et de cellules malignes.
ASSOCIATION OF KIDNEY CANCER AND RENAL
TUBERCULOSIS
The association of kidney cancer and renal tuberculosis
lesions is uncommon. However, the diagnosis of
adenocarcinoma on renal tuberculosis has been reported in
many papers, the discovery of tuberculosis lesions after
nephrectomy is exceptional.
The originality of this reported case is the double
anatomopathological surprise of a kidney tumor and a renal
tuberculosis. Medical imaging allows diagnosis of the renal
tumor, anatomopathologic test confirms the association of
giganto cellular renal granuloma with caseous necrosis and
malignant cells.
Mots clés : tuberculose rénale ; adénocarcinome rénal ;
imagerie
Correspondance : Dr. A. HOMMADI. Service de Radiologie,
Hôpital Militaire My Ismaïl, BP : S 15, Meknès, Maroc.
E-mail : [email protected]
Key words : renal tuberculosis ; kidney cancer ; imaging
INTRODUCTION
macroscopique totale, intermittente, sans altération de
l’état général. A l’examen clinique, le patient était
apyrétique. L’abdomen était souple, avec présence
d’une masse du flanc gauche, bien limitée, douloureuse.
Il n’existait pas de fistule cutanée en regard de la masse.
La localisation rénale de la tuberculose est la
conséquence d’une dissémination hématogène de la
mycobactérie : Mycobacterium tuberculosis (BK) à
partir d’un foyer pulmonaire.
L’échographie montrait la présence d’une masse rénale
gauche polaire inférieure, tissulaire, hétérogène avec
des zones de nécrose et des calcifications, déformant
les contours du rein et mesurant 13 cm de grand axe.
Les auteurs rapportent le cas d’un patient opéré d’une
tumeur du rein, chez lequel des lésions tuberculeuses
et un cancer du rein ont été découverts par l’examen
histologique de la pièce opératoire et se proposent, à
travers une revue de la littérature, de faire le point sur
l’imagerie de la tuberculose rénale et sur cette rare
association.
Un complément scanographique réalisé en coupes
axiales de 5 mm d’épaisseur sans et avec injection de
produit de contraste, confirmait le caractère tissulaire
de la masse, rehaussée de façon hétérogène après
injection du produit et présentant des calcifications
périphériques (fig. 1 et 2).
OBSERVATION
La voie excrétrice était refoulée par le processus et
dilatée par endroits. On notait le respect de l’artère et
de la veine rénale homolatérales avec aspect homogène
du foie, du rein droit et absence d’adénopathies
profondes.
Un homme de 66 ans, sans antécédent pathologique,
en particulier sans notion de primo-infection ou de
contage tuberculeux, se plaignait depuis deux mois de
douleurs lombaires gauches associées à une hématurie
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A. HOMMADI et coll.
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antituberculeux était instauré de principe, par
quadrithérapie durant deux mois, et relayé par une
bithérapie pendant quatre mois. L’évolution était
favorable avec un recul de 12 mois. Les contrôles
scanographiques ne montraient pas de signes de
récidive.
DISCUSSION
La tuberculose sévit à l’état endémique au Maroc où
elle continue de poser des problèmes de santé publique.
La localisation uro-génitale survient dans 8 à 10% des
cas de primo-infection tuberculeuse. Le germe
responsable est habituellement le Mycobacterium
tuberculosis (BK). Les autres mycobactéries de type M.
bovis ou M. africanum sont exceptionnellement en
cause [1].
Fig. 1. Scanner abdominal : processus tissulaire rénal
gauche, hypodense, hétérogène, avec zones
de nécrose et des calcifications
Habituellement, le foyer urinaire se révèle entre 5 et
20 ans après le contage. Le BK atteint le rein par voie
hématogène. Les voies rétrogrades, à partir d’un foyer
vésical ou lymphatique, sont exceptionnelles [1].
Cette localisation rénale de la tuberculose touche deux
hommes pour une femme, surtout à l’adulte jeune,
exceptionnelle chez l’enfant.
La symptomatologie est dominée par l’hématurie et la
lombalgie. A l’extrême, la maladie évolue vers
l’insuffisance rénale par fibrose du parenchyme rénal
ou par hydronéphrose [2].
Les moyens d’imagerie permettent un bilan lésionnel
précis du rein tuberculeux [2].
Fig. 2. Ce processus rénal est rehaussé par endroit,
présentant une plage de nécrose centrale
L’abdomen sans préparation peut révéler soit des
modifications de la morphologie du rein, soit des
calcifications anormales. Il faut également rechercher
sur ce cliché sans préparation des lésions osseuses
associées à type de mal de Pott ou de sacroiliite.
Le diagnostic d’une tumeur rénale était évoqué et une
néphrectomie totale élargie était indiquée et réalisée
par laparotomie médiane.
L’urographie intraveineuse (UIV) représente l’examen
fondamental, permettant d’évoquer facilement le
diagnostic de tuberculose urinaire devant des images
très évocatrices : des anomalies fonctionnelles et
morphologiques avec des images d’érosions papillaires,
une caverne tuberculeuse, des tuberculomes et des
lésions de la voie excrétrice.
Macroscopiquement, la tumeur était de couleur ocre,
friable, en majorité kystique, à paroi parsemée de
bourgeons irréguliers. Le reste du parenchyme rénal
était d’aspect normal. Les parois des cavités
pyélocalicielles étaient épaissies et délimitaient des
lumières remplies d’une substance pâteuse blanchâtre.
L’examen histologique de la pièce opératoire révélait
la présence de cellules épithéliales aux noyaux
irréguliers, à chromatine marginée. Le cytoplasme de
ces cellules était souvent éosinophile associé à quelques
cellules au cytoplasme clair. Les mitoses étaient rares.
Le chorion était le siège de vastes nappes inflammatoires
polymorphes avec en de nombreux endroits la présence
de granulomes épithélioïdes et giganto-cellulaires
centrés par des foyers de nécrose caséeuse. L’ensemble
de ces lésions était en faveur d’un carcinome à cellules
claires du rein grade III, stade pT2 (pTNM) associé à
une tuberculose rénale et pyélique caséo-folliculaire.
L’échographie rénale est un examen anodin, répétitif
et peu coûteux. Son apport dans l’exploration de la
tuberculose rénale reste faible. Elle permet l’étude de
la taille, des contours, de l’échogénicité du parenchyme
rénal de façon bilatérale et la présence ou non d’une
dilatation des voies pyélocalicielles [2].
L’uroscanner est plus sensible que l’UIV et l’échographie
pour la détection des anomalies fonctionnelles au cours
d’une tuberculose rénale. Il est le plus souvent prescrit
en deuxième intention pour l’évaluation des formations
responsables d’un syndrome de masse sur la voie
excrétrice, l’exploration des reins muets, et l’appréciation
de l’espace périrénal et pararénal. Il permet d’objectiver
La recherche de BK dans les urines et dans les crachats
après l’intervention était négative. Un traitement
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des calcifications, des lésions corticales, d’abcès
tuberculeux sous formes de masses hypodenses plus
ou moins rehaussées par le produit de contraste, et une
dilatation des cavités calicielles isolées. Au stade
terminal, la tomodensitométrie peut retrouver un rein
mastic [2].
REFERENCES
1.
Di Stefano-Louineau D, Faure F, Moulin G, Chagnaud
C, Kasbarian M, Hélénon O. Tuberculose rénale et
urétérale. EMC, Radiodiagnostic-Urologie-Gynécologie
1994 ; A-10-34-230.
L’association d’une tuberculose rénale et d’un cancer
rénal est rare [3]. Moins de 50 cas de cancers sur reins
tuberculeux ont été rapportés dans la première moitié
du XXème siècle [4, 5]. Très peu de cas ont été décrits
ces vingt dernières années.
2.
Le Guillou M, Pariente JL, Gueye SM. Tuberculose
urogénitale. EMC, Néphrologie-Urologie 1993 ; 18078-A10.
3.
Fernandez Arjona M, Ladron Gil C, De Castro Barbosa
F, Cortes Aranguez I. Renal tuberculosis associated with
renal adenocarcinoma : unusual association. Actas Urol
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4.
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5.
Peyromaure M, Sèbe P, Darwiche F, Claude V, Ravery
V, Boccon-Gibod L. Tuberculose rénale et
adénocarcinome du rein : une association trompeuse.
Prog Urol 2002 ; 12 : 89-91.
6.
Sarf I, Dahami Z, Dakir M, Aboutaeib R, El Moussaoui
A, Joual A, El Mrini M, Meziane F, Benjelloun S. Un
nouveau cas de tuberculose rénale à forme
pseudotumorale. Ann Urol 2001 ; 35 : 34-6.
7.
Conde Redondo C, Estebanez Zarranz J, Rodriguez
Toves A, De Castro Olmedo C, Camacho Parejo J, Sanz
Santacruz J, Martinez Sagarra Oceja JM. Tuberculosis
and renal cancer. Actas Urol Esp 1999 ; 23 : 617-20.
Dans la plupart des cas rapportés, la tuberculose était
connue comme étant à l’origine d’une destruction
rénale. Dans notre cas, c’est l’examen histologique, à
l’occasion de l’exérèse d’une tumeur, qui a fait découvrir
des lésions tuberculeuses. La présence d’un important
syndrome tumoral rénal nécrotique prenant le contraste
nous a fait évoquer le diagnostic de tumeur rénale vu
l’absence de signes orientant vers la tuberculose comme
une fistulisation cutanée, une multifocalisation des
lésions, des images obstructives, parenchymateuses ou
des retentissements urétéraux [6].
L’adénocarcinome à cellules conventionnelles représente
la forme histologique la plus retrouvée. L’association
de lésions tuberculeuses à une tumeur d’autres types
histologiques comme le carcinome à cellules
transitionnelles n’a été qu’exceptionnellement décrite
[6, 7].
L’évolution favorable sous traitement antituberculeux
a conforté le schéma thérapeutique associant chirurgie
et antibiothérapie.
CONCLUSION
L’association d’une tuberculose rénale et d’un cancer
rénal est rare. Le mode de découverte de la tuberculose
rénale peut être une pièce de néphrectomie pour
tumeur. Ces lésions peuvent être trompeuses, surtout
en extemporané dans le cas où cet examen serait réalisé
dans l’idée d’un geste partiel.
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