Le syndrome de l`homme raide Du diagnostic au traitement

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Le syndrome de l`homme raide Du diagnostic au traitement
CLINIQUE
Le syndrome de l’homme raide
Du diagnostic au traitement
Le syndrome de l’homme raide (SHR) fait partie des syndromes d’hyperactivité
neuromusculaire, anomalie de la contraction musculaire d’origine centrale ou
périphérique. Lorsque l’origine centrale est retenue et que les causes infectieuses,
toxiques et les lésions focales de la moelle épinière sont éliminées, on parle de SHR.
David Calvet*
LA FORME TYPIQUE
Tableau 1 - Critères diagnostiques de SHR, d’après Brown et coll. (2).
Décrit initialement par Moersch
et Woltman en 1956 (1), la forme
classique du syndrome de l’homme
1 – Raideur et rigidité des muscles axiaux (les muscles proximaux des membres
raide (SHR) a des critères diapeuvent parfois être touchés)
gnostiques stricts récemment redé2 – Posture anormale (habituellement, accentuation de la lordose lombaire)
finis par Brown et coll. (2) (Tab. 1).
La forme clinique typique de ce
3 – Spasmes musculaires surajoutés provoqués par les mouvements volontaires,
syndrome, qui survient chez l’adulte
les émotions, les bruits et les stimuli somesthésiques
d’âge moyen, est caractérisée par
4 – Absence de signes d’atteinte du tronc cérébral, pyramidaux, extrapyramidaux et
la survenue progressive d’une rigid’atteinte du 2e motoneurone, de trouble sphinctérien et de la sensibilité, de
dité abdominale et paraspinale se
troubles cognitifs
compliquant parfois d’une hyperlordose, par des spasmes muscu5 – Activité motrice continue affectant au moins un muscle axial
laires douloureux déclenchés par
les émotions, les stimulations tactiles ou les bruits (2, 3). Cepen- cette activité disparaît pendant le peuvent également être détectés,
dant, au début de la maladie, les sommeil.
dirigés contre la thyroïde, le muscle
troubles peuvent être discrets et Le liquide céphalorachidien est lisse, les récepteurs de l’acétyln’être perçus qu’à la marche. Une normal ou présente quelques bandes choline, les surrénales, la peau ou
atteinte proximale des membres oligoclonales d’immunoglobulines l’estomac. Environ 40 % des patients
se voit dans quelques
(4). Dans 90 % des présentent une maladie autoimcas (2). Par contre, il
cas, cette forme clas- mune. 90 % de ces formes de SHR
n’y a pas de faiblesse
sique de SHR est asso- s’améliorent sous traitement sympRigidité axiale
musculaire, pas de
ciée à la présence tomatique (4).
et spasmes
trouble sensitif, pas
d’anticorps anti-acide
d’atteinte sphinctéglutamique décar- PHYSIOPATHOLOGIE
musculaires
rienne ni de signe cli- réflexes douloureux boxylase (GAD), DU SHR
nique d’atteinte du
enzyme synthétisant Elle reste incertaine, les autopsies
doivent faire
tronc cérébral.
l’acide gamma-amino restant rares et peu contributives
évoquer le
L’électromyogramme
butyrique à partir de lorsqu’elle sont réalisées (4). Cependiagnostic
de
SHR.
porte le diagnostic
l’acide glutamique. dant, une origine autoimmune est
en mettant en éviCes anticorps sont souvent évoquée devant la prédence une activité
détectés dans le sang sence d’anticorps anti-GAD et l’asmotrice continue
et le LCR.
sociation à des maladies autoimdans l’ensemble des muscles exa- L’imagerie du névraxe est normale munes, mais le rôle précis de ces
minés (agonistes et antagonistes) ; (4). Dans 70 % des cas, il existe des anticorps reste à définir. Certaines
anomalies du métabolisme gluci- formes du SHR sont d’origine paradique (2), de nombreux auto-anticorps néoplasique (3), parfois associées
* Service de Neurologie, Hôpital Sainte-Anne, Paris
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aux anticorps anti-amphiphysine, d’une démyélinisation, les faisanticorps non spécifiques.
ceaux cortico-spinaux sont très
D’un point de vue fonctionnel, il longtemps épargnés (2, 4).
existe un déséquilibre entre un système descendant cathécholami- ● Jerking stiff man syndrome
nergique facilitateur des réflexes en Forme chronique qui se caractérise
par la présence surflexion et un système
ajoutée de myoclogabaergique inhibinies des 4 membres.
teur (2, 3). L’intégraSHR : origine
La gravité de cette
tion de ces projections
autoimmune
forme vient des
se réalise au sein des
troubles respirainterneurones de la
probable,
substance grise de la
paranéoplasique toires.
En effet, les myomoelle épinière et du
parfois.
clonies peuvent surtronc cérébral. Ce
venir en salves rapdéséquilibre foncprochées et être
tionnel des projections est responsable d’une décharge fatales. Une trachéotomie et une
continue des interneurones à l’ori- ventilation assistée sont parfois
nécessaires en attendant l’efficacité
gine de la rigidité musculaire.
du traitement (2). Cependant, cette
LES FORMES ATYPIQUES
forme clinique est compatible avec
une durée de vie prolongée (supéDE SHR
Depuis une vingtaine d’années, de rieure à 10 ans), ce qui est plus en
nombreuses formes cliniques aty- faveur d’une origine autoimmune
piques sont rapportées dans la lit- que d’un syndrome paranéoplatérature (2-4). Ainsi, on observe de sique. Les traitements immunomultiples observations avec une modulateurs semblent avoir un
atteinte encéphalomyélitique aiguë intérêt particulier (2, 3).
ou chronique. Il existe des caractéristiques cliniques devant alerter ● Stiff limb syndrome ou
le clinicien (2) (Tab. 2), en particulier syndrome des membres
la présence d’une rigidité distale raides (SMR)
des membres ou de signes d’at- Le tableau clinique est dominé par
teinte du tronc cérébral.
la présence d’une rigidité et de
Trois formes distinctes peuvent être spasmes distaux des 4 membres,
décrites.
surtout des membres inférieurs
responsables de postures fixées. Il
Encéphalomyélite
progressive avec rigidité
(EMPR)
n’y a pas d’atteinte du tronc cérébral ni de myoclonies. La particularité biologique du SMR est l’absence d’anticorps anti-GAD (positif
que dans 15 % des cas) (2, 3) mais
il existe une association fréquente
à d’autres maladies autoimmunes.
Quelques cas de SMR paranéoplasiques avec parfois anticorps antiamphiphysine sont décrits, associés
à l’existence d’un cancer du sein ou
d’un cancer pulmonaire à petites
cellules (2, 4) ; ces formes répondent bien au traitement par prednisolone et au traitement de la
tumeur (2). La durée de vie est prolongée, mais 1/4 des patients sont
en fauteuils roulants, les 3/4 évoluent par poussées et rémissions,
les traitements immunomodulateurs, immunoglobulines intraveineuses et échanges plasmatiques ont un intérêt particulier
dans les rares formes avec anticorps anti-GAD (6).
QUEL TRAITEMENT ?
La prise en charge du SHR reste
délicate et la qualité de la réponse
au traitement est fonction de la
forme clinique. Les traitements
symptomatiques qui potentialisent le GABA, tels le diazépam, le
baclofen, le vigabatrin (7) ou
l’acide valproïque, peuvent améliorer les troubles. Des traitements immunomodulateurs, tels
que les immunoglobulines et les
●
Il s’agit d’une forme subaiguë d’aggravation progressive avec rigidité
majeure, et signes d’atteinte des
voies longues et du tronc cérébral.
La durée de vie est de quelques
mois seulement (inférieure à 3 ans)
du fait d’une mauvaise réponse aux
traitements symptomatiques et
immunomodulateurs. Une origine
paranéoplasique est souvent suspectée, parfois confirmée (5).
L’EMPR diffère histologiquement
des autres SHR par la présence
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Tableau 2 - Caractéristiques cliniques évocatrices d’une forme
atypique de SHR, d’après Brown et coll. (2).
1 – Rigidité et posture anormale affectant au moins un membre, incluant la main ou le pied
2 – Myoclonies affectant les 4 membres
3 – Signe d’atteinte du tronc cérébral
4 – Signe d’atteinte des voies longues
5 – Signes d’atteinte du 2e motoneurone
6 – Troubles cognitifs (en particulier troubles de la mémoire)
7 – Dysautonomie, troubles sphinctériens
8 – Pléiocytose du LCR
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échanges plasmatiques, sont sou- cliniques différentes, ce qui rend
vent utiles pour modifier l’his- très utile les classifications protoire naturelle de la maladie ou posées par Brown et Coll. afin
diminuer les doses du traitement d’orienter au mieux la démarche
symptomatique, afin
diagnostique, étiolod’en limiter les effets
gique et thérapeutique.
secondaires fréL’absence
quents avec les
Une meilleure compréposologies néceshension du mécanisme
d’anticorps
saires à l’amélioraétiopathogénique devrait
anti-GAD
tion des troubles (4,
permettre ultérieuren’élimine pas
8, 9). La forme clasment, une meilleure
le
diagnostic.
sique du SHR répond
prise en charge de la
bien au traitement
maladie.
■
avec 90 % de bonnes
réponses au traitement symptomatique ; l’EMPR
répond très mal d’où son mauvais
MOTS-CLÉS
pronostic et on observe 55 % de
SYNDROME DE L’HOMME RAIDE,
réponses partielles et une autoHYPEREXCITABILITÉ MUSCULAIRE,
nomie améliorée chez 25 % des
SYNDROME DES MEMBRES RAIDES,
patients présentant un SMR
ENCÉPHALOMYÉLITE PROGRESSIVE
(2-4).
AVEC RIGIDITÉ,
ANTICORPS ANTI-GAD
CONCLUSION
Le SHR présente de multiples formes
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BIBLIOGRAPHIE
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