Comportements anti-sociaux au travail
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Comportements anti-sociaux au travail
Comportements anti-sociaux au travail : les meilleurs prédicteurs des déviances de production et de propriété Julie Ménard, Luc Brunet & André Savoie Université de Montréal Agnès Van Daele & Aurore Flament Université de Mons-Hainaut Résumé Cet article présente les résultats d’une recherche effectuée auprès de 293 employés francophones travaillant au sein de 19 organisations belges afin de déterminer les meilleurs prédicteurs des comportements anti-sociaux au travail de nature anti-organisationnelle, soit la déviance de propriété et la déviance de production et d’expérimenter une approche de recherche développée au Québec. Les régressions multiples hiérarchiques ont révélé que certaines variables organisationnelles, telles que l’engagement normatif, sont négativement associées à l’émission de comportements anti-organisationnels. De plus, la déviance de production, l’engagement normatif et les caractéristiques de l’emploi y sont négativement associés. Puis, en ce qui concerne les traits de personnalité, l’extraversion est positivement associée à l’émission de comportements de déviance de production, alors que la conscience y est négativement associée. Finalement, l’agréabilité est négativement liée aux comportements de déviance de propriété. La discussion fournit des pistes d’interventions pour les consultants et gestionnaires. Abstract This text presents the results of a research bearing on 293 French-speaking employees working within 19 Belgian organizations to determine the best predictors of anti-social behavior at work, be it so anti-organizational nature, or anti- property and production behaviors. Hierarchical multiple regressions revealed that certain organizational variable, like commitment at work , are negatively associated to antiorganizational behavior. Furthermore, in what concerns the anti-production behavior, commitment at work and characteristics of the job are negatively associated to it. Then as regards personality's features, extraversion is positively associated to anti- production behavior, while consciousness is negatively associated to it. Finally, agreability is negatively related to anti-property behavior. The discussion of results supplies tracks of intervention for the consultants and administrators. Mots clés Comportements anti-sociaux, climat de travail, personnalité, engagement, conséquences organisationnelles Key-words 45 Violence, organizational climate, organizational consequences personality, work involvement, Comportements antisociaux : état de la situation Depuis au moins dix ans, on a vu apparaître dans la littérature scientifique un certain nombre d’études faisant état de comportements antisociaux ou déviants en milieu de travail (Baron & Neuman, 1996 ; Corr et Jackson, 2001 ; Giesberg, 1990 ; Glendinning, 2001 ; Griffin, O’LearyKelly et Collins, 1998 ; Peterson, 2002 ; Robinson et Greenberg, 1998). De tels comportements, comme par exemple le vol (Hollinger et Clark, 1983), le sabotage (Chen et Spector, 1992) et le harcèlement (Fitzgerald et al. 1988), sont rapportés au sein des organisations. En fait, selon Rioux, Roberge, Brunet, Savoie et Courçy, F. (2005), plus de 90% des employés commettraient au moins un de ces actes au cours d’une période de six mois. Il s’agit d’un constat fâcheux puisque de tels comportements sont à l’origine de conséquences néfastes tant pour l’organisation (Bennett et Robinson, 2000 ; Camara et Schneider, 1994 ; Corr et Jackson, 2001 ; Robinson et Greenberg, 1998) que pour ses employés (Chappell et DiMartino, 2000 ; Corr et Jackson, 2001). En revanche, les études actuelles ne s’intéressent généralement qu’à un comportement à la fois (Corr et Jackson, 2001 ; Fitzgerald et al, 1988 ; Sackett et DeVore, 2001) et s’intéressent davantage à la victime (Aurousseau et Landry, 1997 ; Corr et Jackson, 2001 ; Sullivan et Yuan, 1995) ou mesurent les comportements de façon qualitative (Baron et Neuman, 1996). De plus, les chercheurs ne s’intéressent généralement qu’à un nombre limité de déterminants (Baron, Neuman et Geddes, 1999 ; Skarlicki et Folger, 1997). Afin de prévenir ou de minimiser l’occurrence de ces comportements, il apparaît nécessaire de déterminer les prédicteurs des comportements antisociaux de façon directe, soit auprès de l’agresseur, et par le biais d’une mesure quantitative. Les comportements antisociaux au travail (CAAT) sont définis comme des comportements qui dévient des normes formelles ou informelles, posés par un membre ou un ancien membre d’une organisation, et pouvant affecter des employés de cette organisation ou l’organisation elle-même (Rioux et al., 2005). Ces comportements englobent donc à la fois des comportements comme le vol, le harcèlement et le sabotage (Anderson et Pearson, 1999) et des comportements moins flagrants, mais tout aussi dommageables, comme le fait de prendre délibérément des pauses plus longues ou de bâcler son travail. Les travaux du Groupe de Recherche sur les Comportements Antisociaux Au Travail de l’Université de Montréal (GRCAAT, 2002) subdivisent les CAAT en deux types, soit les comportements anti-individuels et les comportements anti-organisationnels. Seuls ces derniers feront l’objet de la présente étude. Les comportements anti-organisationnels sont composés de la déviance de propriété, qui comprend des comportements impliquant des dommages ou de l’appropriation de biens appartenant à l’organisation; et de la déviance de production, qui traite des comportements altérant la quantité ou la qualité de travail à accomplir. 46 L’environnement peut-il être impliqué dans l’apparition ou l’émission de comportements antisociaux ? Comme le stipule Lewin (1951), le comportement d’un individu est fonction de la personnalité et de l’environnement. Ainsi, dans l’optique de déterminer les meilleurs prédicteurs des comportements anti-organisationnels, il s’avère pertinent de tenir compte à la fois de variables organisationnelles et de variables de la personnalité (Fox et Spector, 1999 ; Neuman et Baron, 1998 ; Sackett et DeVore, 2001). Malheureusement, les études ont tendance à ne s’intéresser qu’aux variables organisationnelles et à mettre de côté les variables de personnalité (Baron et al. 1999 ; Sackett et DeVore, 2001 ; St-Sauveur et al., (2004). Ainsi, pour bien cerner la problématique des comportements antisociaux de type anti-organisationnels, il s’avère nécessaire de se centrer sur un ensemble important de comportements, dénoncés par l’agresseur luimême, et d’effectuer une mesure quantitative du phénomène, puis d’établir le lien entre ces comportements et une gamme importante de déterminants organisationnels et de la personnalité. Variables organisationnelles et personnelles impliqués dans les comportements anti-sociaux Dans la section qui suit, il sera d’abord question des variables organisationnelles pouvant potentiellement être de bons prédicteurs des comportements anti-organisationnels. Ensuite, il sera question des variables de la personnalité qui pourraient également être de bons prédicteurs de ces comportements. Selon Greenberg (1990), lors d’une relation perçue comme étant inéquitable, l’individu cherche à réduire la tension en posant des actes susceptibles de modifier ce déséquilibre. Il est donc probable que la perception de justice organisationnelle soit liée à l’émission de CAAT. La justice organisationnelle est définie comme la perception d’un individu quant au traitement qu’il reçoit dans son milieu de travail (Greenberg, 1990). Selon Moorman, Blakely et Niehoff (1998), ce concept se divise empiriquement en deux dimensions, soit les justices procédurale et distributive. La justice procédurale correspond aux méthodes de prise de décisions et à la manière dont celles-ci sont présentées (Bies et Moag, 1986), alors que la justice distributive réfère à l’évaluation réalisée par l’individu du rapport existant entre ce qu’il investit dans son milieu de travail et ce qu’il en retire (Adams, 1965). Plusieurs auteurs (Lewicki, Poland, Minton et Sheppard, 1997; Starlicki et Folger, 1997 ; Greenberg, 1990) ont d’ailleurs établi un lien négatif entre la justice organisationnelle et l’émission de différents CAAT. En outre, Giacalone et Greenberg (1997) ont établi un lien négatif entre la justice organisationnelle et la déviance de production. Hollinger et Clark (1983) rapportent que les employés sont plus susceptibles d’émettre des comportements dommageables pour l’entreprise, soit de la déviance de production et de propriété, quand ils se sentent exploités. D’ailleurs, des études antérieures du GRCAAT ont démontré un lien négatif entre la perception de justice organisationnelle et la déviance de production (Duval, Ménard, Savoie et Brunet, 2000 ; St-Sauveur et al. (2004) et de propriété (St-Sauveur et al., 2004). Par contre, dans l’étude de St-Sauveur et al. (2004), bien qu’un lien significatif ait été établi entre les deux types de justice, seule la justice procédurale avait été un prédicteur significatif de la déviance organisationnelle. Il est donc possible de penser qu’un employé démontrant un 47 fort sentiment de justice organisationnelle aura moins tendance à émettre des comportements anti-organisationnels, comparativement à un employé qui ressent une certaine injustice. La justice organisationnelle semble donc être un bon prédicteur des CAAT anti-organisationnels. Certains auteurs ont démontré qu’un climat organisationnel malsain ou inadéquat est positivement associé à des comportements de déviance de production tels l’absentéisme (Steel, Shane et Kennedy, 1990) et les comportements contre-productifs (Kamp et Brooks, 1991). De plus, d’autres ont établi qu’un climat organisationnel malsain était associé au vol (Jones et Terris, 1991) et donc, à la déviance de propriété. En outre, une recherche antérieure du GRCAAT a établi un lien négatif entre un climat organisationnel sain et la déviance organisationnelle (St-Sauveur et al., 2004). Le climat de travail est défini comme la perception que se font la majorité des acteurs de la façon dont ils sont traités et gérés (Roy, 1989). Ce même auteur cerne six dimensions soit la réalisation de soi au travail, composée de la reconnaissance, de l’autonomie et de l’épanouissement, les relations avec les collègues de son unité/département, les relations avec les membres des autres unités/départements, les relations avec le supérieur immédiat, l’incitation au travail et l’environnement de travail. Entre autres, la réalisation de soi diminuerait le potentiel d’émission de CAAT (Ostroff, 1993 ; Taylor, 1986). Giacalone et Greenberg (1997) affirment que modifier le climat de travail est efficace pour réduire l’émission de comportements délictueux. Il est donc possible de penser qu’un employé qui perçoit le climat de travail de son organisation comme sain aura moins tendance à adopter des comportements anti-organisationnels qu’un employé qui perçoit le climat comme malsain. Le climat de travail semble donc un bon prédicteur des CAAT anti-organisationnels. Dans la même veine, Chen et Spector (1992) stipule que la satisfaction au travail est liée négativement à l’émission de CAAT, alors que la frustration au travail y est positivement liée. Fox et Spector (1999) définissent la satisfaction au travail comme une réponse affective à l’absence d’événements frustrants, par opposition à la frustration au travail qui est définie comme la réponse affective à la présence d’événements frustrants. Il semble donc pertinent de penser qu’un employé qui ressent de la satisfaction au travail aura moins tendance à émettre des comportements antiorganisationnels qu’un employé qui ressent de la satisfaction au travail. Les deux éléments semblent de bons prédicteurs des CAAT antiorganisationnels. Ensuite, bien qu’aucune étude n’ait établi de lien entre l’engagement organisationnel et les CAAT, il est possible de penser que celui-ci serait un bon prédicteur des CAAT. En fait, l’engagement organisationnel est défini comme l’intensité de l’attachement et de l’identification d’un individu à son organisation (Porter, Steers, Mowday et Boulian, 1974). Dans le même ordre d’idées, Meyer et Allen (Allen et Meyer, 1990 ; Meyer et Allen, 1991 ; Meyer, Allen et Smith, 1993) ont développé une conception multidimensionnelle de l’engagement. L’engagement organisationnel comprend trois composantes. L’engagement affectif est défini comme l’identification et l’implication émotionnelle envers l’organisation. L’engagement normatif a trait à la loyauté envers l’organisation. Puis, l’engagement de continuité est un engagement par défaut, lié au coût associé au départ qui est perçu comme trop élevé. Ainsi, il est plausible de penser qu’un employé qui a un fort engagement organisationnel aura moins tendance à émettre des comportements anti-organisationnels, 48 comparativement à un employé qui a un faible engagement. L’engagement organisationnel semble un bon prédicteur des CAAT anti-organisationnels. L’ajout de cette variable dans un modèle de prédiction de ce type de CAAT constituerait donc un apport important au domaine de recherche. Chen et Spector (1992) ont établi un lien positif entre les contraintes organisationnelles et le vol. Par ailleurs, Peters et O’Connors (1980) définissent les contraintes organisationnelles comme des situations ou éléments qui interfèrent avec la performance dans une tâche au travail. Selon Fox et Spector (1999), il s’agit d’événements frustrants qui peuvent générer des réponses affectives et comportementales. Il est donc possible de penser qu’un employé soumis à peu de contraintes organisationnelles aura peu tendance à émettre des comportements anti-organisationnels, comparativement à un employé qui serait soumis à de multiples contraintes. Les contraintes organisationnelles semblent donc un bon prédicteur des CAAT anti-organisationnels. Spector et Jex (1991) ont remarqué que les employés qui perçoivent favorablement les caractéristiques de leur emploi, ont tendance à moins s’absenter du travail (comportement de déviance de production). Les caractéristiques de l’emploi décrivent des dimensions centrales et intrinsèques d’un poste, permettant de qualifier celui-ci en terme d’actualisation de soi (Hackham et Oldman, 1975). Il est donc possible de faire l’hypothèse qu’un employé considérant ses caractéristiques d’emploi comme favorables aura moins tendance à émettre des comportements antiorganisationnels qu’un employé les jugeant comme défavorables à son actualisation. Les caractéristiques de l’emploi semblent donc un bon prédicteur des CAAT anti-organisationnels. Enfin, en ce qui a trait aux variables de la personnalité, il semble qu’elles soient liées aux comportements anti-organisationnels. En effet, Taylor (1986) affirme que l’émission des CAAT par un employé n’est pas seulement liée aux caractéristiques de l’organisation, mais est entre autre aussi déterminée par les caractéristiques personnelles. Selon Mc Crae et Costa (1997), la personnalité est un ensemble de prédispositions qui façonnent les pensées, les émotions et les comportements. Celle-ci est relativement stable et constante au cours de la vie et des expériences vécues par l’individu. Ces auteurs ont établi cinq dimensions ou traits. L’endroit où se situerait l’individu sur le continuum de chacun des traits constituerait sa personnalité. D’abord, le névrotisme caractérise les individus qui ont tendance à éprouver des émotions fortes (colère, peur, tristesse …) et qui ont une propension à nourrir des idées irrationnelles. Selon Skarlicki, Folger et Tesluk (1999), le névrotisme serait lié aux comportements de déviance au travail. De plus, Bernardin (1977) a établi un lien entre le névrotisme et un comportement de déviance de production, soit l’absentéisme. Il est donc possible de penser qu’un employé qui présente un faible trait de névrotisme aura moins tendance à émettre des comportements anti-organisationnels, comparativement à un employé qui présente un fort trait de névrotisme. Le névrotisme semble un bon prédicteur des CAAT anti-organisationnels. Ensuite, une personne qui possède un fort trait d’agréabilité est une personne qui émet des comportements d’altruisme et de coopération. Il s’agit d’une personne disposée à aider les autres et qui leur fait confiance. Plusieurs auteurs (Ahadi et Rothbart, 1994 ; Costa et McCrae, 1992 ; Costa, McCrae et Dembroski, 1989 ; Graziano, Jensen-Campbell et Hair, 1996 ; Le Brock, Simard, Brunet et Savoie, 2004 ; Salgado, 2000 ; Skarlicki, Folger et 49 Tesluk, 1999) affirment que l’agréabilité serait négativement associée à l’émission de CAAT. En effet, les personnes agréables ont un meilleur contrôle de la frustration et de la colère ressenties lors de situations conflictuelles. Elles ont également tendance à percevoir les autres de manière positive et à entretenir de meilleures relations avec ceux-ci. Il est donc possible de penser qu’un employé qui présente une fort trait d’agréabilité aura moins tendance à émettre des comportements antiorganisationnels qu’un employé qui possède un faible trait d’agréabilité. L’agréabilité semble un bon prédicteur des CAAT anti-organisationnels. Puis, un individu qui possède un fort trait de conscience, fait preuve de minutie et d’ordre et pose des gestes réfléchis. Barrick, Mount et Strauss (1993) ont établi une relation positive entre la conscience et l’habilitation en milieu de travail, soit un comportement pro-social. De plus, Judge, Martocchio et Thoresen (1997) rapportent un lien négatif entre la conscience et un comportement de déviance de production, soit l’absentéisme. Il est donc possible de penser qu’un employé qui présente un fort trait de conscience aura moins tendance à émettre des comportements antiorganisationnels, contrairement à un employé qui possède un faible trait de conscience. La conscience semble ainsi un bon prédicteur des CAAT antiorganisationnels. En outre, l’extraversion réfère à la sociabilité et à la propension à la coopération. Les personnes extravertis apprécient les gens, et sont loquaces et actifs. Hogan et Hogan (1989) ont établi un lien positif entre l’extraversion et la fiabilité de même que la ponctualité. Il s’agit de comportements pro-sociaux qui vont à l’encontre de la déviance de production. Il est donc possible de penser qu’un employé extraverti aura moins tendance à émettre des comportement anti-organisationnels, comparativement à un employé peu extraverti. L’extraversion semble un bon prédicteur des CAAT anti-organisationnels. De plus, en ce qui a trait à la dernière dimension, soit l’ouverture, il n’y a pas de fondements théoriques connus pouvant laisser croire qu’elle serait liée aux CAAT. Cette dimension n’a donc pas été retenue comme prédicteur potentiel des comportements anti-organisationnels. Finalement, afin que le modèle de prédiction des CAAT antiorganisationnels soit le plus complet possible, il apparaît nécessaire d’inclure des variables socio-démographiques tel l’âge, le sexe et la fonction de l’employé. Bien qu’à notre connaissance, aucune étude n’ait établi de lien entre les comportements anti-organisationnels et des caractéristiques sociodémographiques, il s’avère important de s’assurer qu’elles n’ont pas d’effet significatif. Les meilleurs prédicteurs La présente étude a pour but de déterminer de façon quantitative les meilleurs prédicteurs d’un vaste ensemble de comportements antisociaux au travail (CAAT) en se penchant sur l’agresseur. Pour ce faire, des variables indépendantes organisationnelles, personnelles et socio-démographiques seront prises en compte. Afin de déterminer l’apport spécifique de chaque catégorie de variables à chacune des deux variables dépendantes, soit la déviance de production et la déviance de propriété, deux régressions hiérarchiques seront effectuées. Pour chacune des deux régressions 50 hiérarchiques, les variables indépendantes seront entrées en 3 blocs. Dans le 1er bloc, on retrouve les variables socio-démographiques. Dans le 2e bloc, les variables organisationnelles puis dans le dernier bloc, apparaissent les variables de la personnalité. Subséquemment, si les variables de la personnalité expliquent encore une proportion significative de la variance, il est pertinent de croire à leur apport unique à la variance des comportements anti-organisationnels. Une telle conclusion constituerait une contribution importante au domaine. Dans cet article, trois hypothèses seront testées. Premièrement, nous postulons que les variables socio-démographiques, entrées à l’étape 1 de la régression hiérarchique, ne seront pas significatives dans les modèles de prédiction des comportements anti-organisationnels. En effet, il ne semble pas y avoir de recherches, dans la documentation, qui les lient aux comportements anti-organisationnels. Deuxièmement, nous postulons que les variables organisationnelles expliqueront la plus grande part de variance dans les modèles de prédiction des comportements anti-organisationnels. En effet, la plupart des études sur les comportements anti-organisationnels (Chen et Spector, 1992 ; Fox et Spector, 1999 ; Giacalone et Greenberg, 1997 ; Greenberg, 1990 ; Hollinger et Clark, 1983 ; Jones et Terris, 1991 ; Kamp et Brooks, 1991 ; Lewicki, Poland, Minton et Sheppard, 1997; Ostroff, 1993 ; Porter, Steers, Mowday et Boulian, 1974 ; Spector et Jex, 1991 ; Starlicki et Folger, 1997 ; Steel, Shane et Kennedy, 1990 ; Taylor, 1986) les lient à des variables organisationnelles. Troisièmement, nous postulons que la personnalité expliquera une proportion significative de la variance résiduelle dans les modèles de prédiction des comportements antiorganisationnels. De nombreux auteurs (Ahadi et Rothbart, 1994 ; Barrick, Mount et Strauss, 1993 ; Bernardin, 1977 ; Costa et McCrae, 1992 ; Costa, McCrae et Dembroski, 1989 ; Graziano, Jensen-Campbell et Hair, 1996 ; Hogan et Hogan, 1989 ; Judge, Martocchio et Thoresen, 1997 ; Le Brock et al., 2000 ; Skarlicki, Folger et Tesluk, 1999) ont émis l’hypothèse que la personnalité serait un bon prédicteur des CAAT. Nous abondons dans ce sens. Méthodologie Échantillon Une batterie de huit questionnaires a été distribuée à 293 travailleurs francophones oeuvrant au sein de 19 organisations belges situées en Wallonnie. Le document devait être complété au cours d’un seul temps de mesure. Des passations en groupes ont été organisées durant les heures de travail, pour que tous les membres d’une même unité souhaitant participer, le fassent en même temps que leurs collègues et pour qu’ils ne soient pas contraints à utiliser le temps consacré à leurs activités personnelles pour participer à la recherche. L’anonymat et la confidentialité étaient assurés. Parmi les 293 participants, 9 ont été éliminés à cause de leurs réponses extrêmes. L’échantillon était composé à 53,9% d’hommes. De plus, la majorité des répondants (33,5%) avait entre 31 et 40 ans. 28,5% étaient âgés entre 21 et 30 ans, 23,6% entre 41 et 50 ans, puis 12,7% entre 51 et 60 ans. Seuls 1,8% avaient moins de 20 ans. La majorité (55,3%) était classée dans 51 la catégorie « employés » ; 19,7% étaient dans la catégorie des ouvriers ; 14,4% disaient ne pas appartenir aux catégories d’emploi mentionnées ; 1,1% étaient des techniciens et les autres (9,5%) étaient des cadres. Mesures des CAAT CAAT anti-organisationnels. La mesure des comportements antiorganisationnels comprend 24 énoncés provenant de plusieurs questionnaires sur le sujet (Baron et Neuman, 1998 ; Benett, 1998 ; Buss et Perry, 1992 ; Fitzgerald et al., 1988) et du GRCAAT. L’instrument mesure la déviance de propriété (p.ex. s’approprier de l’équipement, de la marchandise ou de l’argent de l’organisation) et la déviance de production (p.ex. s’absenter du travail sans autorisation ou sous de faux prétextes). Pour chaque question, le participant devait répondre en fonction de la consigne suivante « au cours de six derniers mois, à quelle fréquence vous est-il arrivé de faire les comportements suivants » sur une échelle Likert en 10 points allant de 1 (tous les jours), 2 (tous les 2 jours), à 9 (1 fois par 6 mois), 10 (0 fois par 6 mois). Il répondait donc en tant qu’émetteur de comportements antisociaux dans son milieu de travail. Compte tenu de la désirabilité sociale qu’engendre le fait de demander à l’émetteur de se dénoncer de même que de la rareté du phénomène, peu de variance fut observée concernant les CAAT. Ainsi, pour rendre un portrait plus juste du phénomène, chacune des distributions des types de CAAT fut recodée en trois catégories : 0 pour 0 fois par six mois ; 1 pour 1 fois par six mois ; 2 pour 1 fois par trois mois et plus. Les coefficients alpha de Cronbach étaient de .87 pour la déviance de propriété et de .76 pour la déviance de production. Mesures des variables organisationnelles La justice organisationnelle a été mesurée au moyen de 17 énoncés provenant de l’instrument de Moorman (1991) et du Distributive Justice Index de Price et Mueller (DJI :1986). Cet instrument mesure la justice procédurale (ex : lorsque les décisions sont prises... on vous communique des justifications adéquates concernant les décisions) et distributive (ex : les récompenses offertes aux employés sont... accessibles à tous). Pour chaque question, le participant devait indiquer son degré d’accord sur une échelle de Likert en 6 points allant de 1 (tout à fait en désaccord) à 6 (tout à fait en accord). Les énoncés ont été traduits et validés en français par le GRCAAT. Les coefficients alpha de Cronbach étaient de .88 pour la justice procédurale et de .86 pour la justice distributive. La satisfaction au travail a été mesurée à partir de 20 questions du Satisfaction With Life Scale (Dienner, Emmons, Larsen et Griffin, 1985) traduit en français par Blais, Vallerand, Pelletier et Brière (1989) (ex : dans mon emploi, voici comment je me sens à propos de... la façon dont les politiques de la compagnie sont mises en pratique). Le participant devait indiquer son degré de satisfaction sur une échelle de Likert en 5 points allant de 1 (très insatisfait de cet aspect de mon emploi) à 5 (très satisfait de cet aspect de mon emploi). Le coefficient alpha de Cronbach était de .90. 52 La frustration au travail a été mesurée à partir de 6 énoncés tirés de Peters, O’Connor et Rudolf (1980) et Keenan et Newton (1984) (ex : accomplir mon travail est une expérience frustrante). Le GRCAAT a traduit et validé cet instrument. Le participant devait indiquer à quel point les énoncés le représentent sur une échelle d’accord en 5 points allant de 0 (fortement en désaccord) à 4 (fortement en accord). Le coefficient alpha de Cronbach était de .73. Le climat de travail a été mesuré au moyen de 15 énoncés du Questionnaire sur le climat de travail de Roy (1989). Par souci de parcimonie, seule la dimension réalisation au travail, soit la reconnaissance (ex : À travers la façon dont vous êtes traité et/ou géré... on tient compte de votre travail), l’autonomie (ex : à travers la façon dont vous êtes traité et/ou géré... vous êtes libre d’exécuter votre travail selon votre jugement) et l’épanouissement (ex : à travers la façon dont vous êtes traité et/ou géré... vous pouvez développer votre potentiel au travail) a été mesurée. Le participant devait indiquer son degré d’accord sur une échelle de Likert en 6 points allant de 1 (tout à fait en désaccord) à 6 (tout à fait en accord). Les coefficients alpha de Cronbach variaient entre .85 et .91. L’engagement organisationnel a été mesuré à partir des 18 énoncés du questionnaire de Meyer et Allen (1991) traduit en français par Vandenberghe (2003). Cet instrument comprend trois dimensions, soit l’engagement affectif (ex : j’éprouve vraiment un sentiment d’appartenance à mon organisation), normatif (ex : il ne serait pas moralement correct de quitter mon organisation actuelle maintenant) et de continuité (ex : je continue à travailler pour cette organisation parce que je ne pense pas qu’une autre pourrait m’offrir les mêmes avantages). Le participant devait tenir compte de la situation actuelle dans son organisation et indiquer son degré d’accord avec les énoncés sur une échelle de Likert en 7 points allant de 1 (fortement en désaccord) à 7 (fortement en accord). Les coefficients alpha de Cronbach étaient de .80 pour l’engagement affectif et de .88 pour l’engagement normatif. Concernant l’engagement de continuité, son Alpha était plus faible, soit de .71. Ceci pourrait être expliqué par le fait que deux dimensions pourraient sous-tendre ce type d’engagement, soit les sacrifices perçus et l’absence d’alternative (McGee et Ford, 1987 ; Stinghamber, Bentein et Vandenberghe, 2002). Les contraintes organisationnelles ont été mesurées à partir des 12 énoncés du Organizational Constraints Scale (OCS) de Peter et O’Connor (1980) (ex : à quelle fréquence vous arrive-t-il de considérer qu’il est difficile ou impossible d’effectuer votre travail en raison de consignes incorrectes ?) traduit en français par le GRCAAT. Le participant devait indiquer la fréquence sur une échelle de Likert en 5 points allant de 1 (moins d’une fois par mois ou jamais), 3 (une à deux fois par semaine) à 5 (plusieurs fois par jour). Il n’y a pas lieu de calculer de coefficient alpha pour ce questionnaire (Peters et O’Connor, 1988). Les caractéristiques de l’emploi ont été mesurées à partir des énoncés du Job Diagnostic Survey (Hackham & Oldman, 1975) traduit en français par Rancourt (1984) (ex : cet emploi m’empêche de faire preuve d’initiative ou de discernement dans mon travail). Les employés devaient indiquer dans quelle mesure les énoncés s’appliquaient à leur travail sur une échelle de Likert en 7 points allant de 1 (très faux) à 7 (très juste). L’alpha de Cronbach était de .72 53 Mesure des variables de la personnalité La personnalité a été mesurée à partir de quatre des cinq dimensions du NEO Personality Inventory (Costa et McCrae, 1992) traduit en français par Rolland (1998). L’agréabilité (ex : je préfère coopérer avec les gens plutôt que de rivaliser avec eux), la conscience (ex : je travaille dur pour atteindre mes objectifs), le névrotisme (ex : j’ai tendance à me faire du souci) et l’extraversion (ex : je préfère être le leader du groupe) ont été mesurés à l’aide de 51 énoncés. Le participant devait indiquer à quel point ces énoncés les représentaient sur une échelle de Likert en 5 points allant de 0 (fortement en accord) à 4 (fortement en désaccord). Les coefficients alpha de Cronbach des échelles d’agréabilité, de conscience et d’extraversion étaient plutôt faibles, se situant entre .55 et .61. Par contre, l’échelle de névrotisme avait un alpha de consistance interne acceptable (σ =.79). Résultats La première étape consistait à s’assurer que les postulats de la régression étaient respectés (Tabachnick et Fidell, 2001). Aucune transformation logarithmique ne fut effectuée. 9 participants ont été éliminés à cause de leurs valeurs extrêmes. De plus, les diagnostics de colinéarité pour chaque variable indépendante incluse dans les analyses étaient satisfaisants (FIV<2 ; Haccoun, 2004). Dans un second temps, nous avons effectué les régressions en 3 blocs tel qu’énoncé plus haut. Dans un troisième temps, pour chaque bloc, seules les variables respectives qui demeuraient significatives (p <.05) à l’étape 3 de chaque régression étaient conservées. Si toutes les variables d’un bloc n’étaient pas significatives, ce bloc était éliminé. Ainsi, pour en arriver à un modèle complet et, surtout, parcimonieux, nous avons effectué à nouveau la régression hiérarchique et ce, seulement avec les variables significatives. Dans un quatrième temps, le bloc des variables sociodémographiques n’étant pas significatif à l’étape 3 dans les deux régressions, il a été retiré de l’analyse. De ce fait, l’hypothèse 1 est confirmée. Il semble que ni l’âge, ni le sexe, ni la fonction n’aient d’influence significative sur l’émission de comportements anti-organisationnels. Dans un cinquième temps, après avoir retiré les variables non significatives, la déviance de propriété est expliquée à 17,4% (F(1, 282) = 32,118, p <.001). Plus précisément, le premier bloc, soit le bloc organisationnel, explique 8 % de la variance (ƒ(1, 282) = 24,519; p <.001). De plus, le second bloc, soit le bloc de personnalité, explique 9, 4% de la variance résiduelle (ƒ (2, 281) = 29,672; p <.001). Ainsi, les meilleurs prédicteurs de la déviance de propriété sont l’engagement normatif (ß= -.251; p <.001) et l’agréabilité (ß= -.309, p<.001) 54 Tableau 1 Sommaire de l’analyse de régression hiérarchique pour les variables prédisant la déviance de propriété Étapes et variables prédictrices Étape 1 Engagement normatif Étape 2 Agréabilité *p < ,05. **p < ,01. R² .080** ∆R² .080** .174** .094** sr ß .025** -.251** .090** -.309** Dans un sixième temps, le modèle complet de la déviance de production explique 21,7% de la variance (F(2, 279) = 11,090; p <.001). En effet, le premier bloc, soit le bloc organisationnel, explique 15,4% de la variance (ƒ (2, 281) = 25,664; p < 001). En outre, le second bloc, soit le bloc de personnalité, explique 6,2 % de la variance résiduelle (ƒ(4, 27) = 19,298, p <.001). Ainsi, les meilleurs prédicteurs de la déviance de production sont les caractéristiques de l’emploi (ß= -.234, p < 001), l’engagement normatif (ß= -.216, p < 05), la conscience (ß= -.253, p < 001) et l’extraversion (ß= .134, p < 05). Tableau 2 Sommaire de l’analyse de régression hiérarchique pour les variables prédisant la déviance de production Étapes et variables prédictrices Étape 1 Engagement normatif Étape 2 Conscience Extraversion *p < ,05. **p < ,001. R² .154** .217** ∆R² .154** sr ß .047 .023 -.234** -.216** .077 .080 -.253** .134* .062** En conséquence, l’hypothèse 2 est confirmée. L’engagement normatif est négativement lié aux comportements anti-organisationnels. Ainsi, un sentiment d’obligation morale ou de devoir envers l’organisation est associé à une diminution des comportements visant la baisse de la quantité ou de la qualité du travail et de ceux impliquant des dommages ou de l’appropriation de biens appartenant à l’organisation. Puis, comme dans Spector et Jex (1991) la perception de caractéristiques d’emploi favorables est négativement liée à l’émission de comportements de déviance de production. Finalement, l’hypothèse 3 est également confirmée. L’agréabilité, l’extraversion et la conscience contribuent de façon importante à la prédiction des comportements anti-organisationnels. L’agréabilité et la conscience y sont négativement associées. Ceci concorde avec les résultats présentés dans d’autres études (Ahadi et Rothbart, 1994 ; Barrick, Mount et Strauss, 1993 ; Costa et McCrae, 1992 ; Costa, McCrae et Dembroski, 1989 ; 55 Graziano, Jensen-Campbell et Hair, 1996 ; Hogan et Hogan 1989 ; Judge, Martocchio et Thoresen, 1997 ; Le Brock, Simard, Brunet et Savoie, 2004 ; Skarlicki, Folger et Tesluk, 1999). Quant à l’extraversion, elle est positivement liée à l’émission de comportements de déviance de propriété. Discussion Dans cette étude, nous avons tenté de déterminer les meilleurs prédicteurs des comportements anti-organisationnels. Pour se faire, nous nous sommes basés sur les études ayant établi un lien entre les CAAT et des variables organisationnelles de même que des variables de la personnalité. Il s’est avéré que, à la fois dans le cas de la déviance de production et de la déviance de propriété, la variable organisationnelle d’engagement normatif est un prédicteur significatif. Un employé loyal envers son organisation aurait ainsi moins tendance à commettre des vols, à faire du sabotage, à être absent ou à nuire à la productivité. Un gestionnaire ou un consultant qui souhaite éviter ce type de comportement pourrait faire en sorte que l’employé trouve du sens à son travail et qu’il puisse se développer. Puis, dans le cas de la déviance de production, une autre variable organisationnelle, les caractéristiques de l’emploi, est un prédicteur significatif. Il semble que le fait de percevoir son emploi comme favorisant l’actualisation de soi contribue à prévenir l’émission de comportements qui nuisent à la productivité comme des pertes de temps ou l’absentéisme. Un gestionnaire ou un consultant pourrait donc s’assurer que l’employé possède une certaine marge de manœuvre dans l’exécution de ses tâches et soit consulté lors de la prise de décision. Également, le fait de percevoir que son travail compte pour l’organisation apparaît important. Tenir compte de ces éléments pourrait prévenir l’émission de comportements de déviance de production et ainsi, éviter à l’organisation de payer des sommes élevées qu’entraînent l’absentéisme et la contre-productivité. Dans un même ordre d’idées, trois variables de la personnalité ajoutent significativement à la prédiction des comportements antiorganisationnels. D’abord, l’agréabilité est négativement associée à la déviance de propriété et ce, même après avoir pris en compte l’engagement normatif. En outre, la conscience est négativement liée à la déviance de production, alors que l’extraversion y est positivement liée. Dans le cas de la relation entre l’extraversion et la déviance de production, il s’agit d’un résultat inattendu. En effet, Hogan et Hogan (1989) la liaient positivement à des comportements pro-sociaux liés à la production et non à la propriété. Non seulement l’extraversion semble significative pour expliquer des comportements ayant pour cible la propriété de l’organisation, mais elle semble favoriser l’émission de comportements de déviance en ce sens. Le fait que les personnes extraverties manifestent davantage leurs états d’âmes et passent davantage à l’acte pourrait en partie expliquer ce résultat. Le fait que ces trois variables de la personnalité soient significatives pour expliquer des comportements anti-organisationnels va dans un sens différent de ce qui a été postulé par certains auteurs. En effet, les variables personnelles auraient un effet négligeable sur les CAAT lorsqu’elles sont comparées aux variables organisationnelles (Arbuthnot, Gordon et Jurkovic, 1987, dans Peterson, 2002 ; Baron, Neuman et Geddes, 1999). Il s’agit donc 56 d’une découverte novatrice qui pourrait diriger les recherches dans une direction jusqu’ici inexplorée. Pour ce qui est des interventions possibles, comme la personnalité est assez stable, on ne peut penser à tenter de la modifier chez les employés déjà embauchés. De plus, pour des questions d’ordre éthique, il n’est pas nécessairement possible de sélectionner de futurs employés sur la base de la personnalité, en postulant que ceux-ci pourraient un jour les amener à adopter des comportements anti-organisationnels. En effet, un tel procédé peut aller à l’encontre des chartes des droits et libertés en vigueur dans certains pays. Une organisation qui souhaite prévenir les déviances de production et de propriété devrait se pencher sur les variables organisationnelles, variables sur lesquelles elle peut exercer un certain contrôle. En somme, la présente étude confirme que certaines variables organisationnelles sont de bons prédicteurs des comportements antiorganisationnels et que, même après avoir pris en compte ces variables, l’agréabilité, la conscience et l’extraversion ajoutent à la prédiction de ce type de comportements. Forces, limites et conclusion La recherche actuelle a pour avantage d’avoir pris en compte le point de vue de l’agresseur. De plus, elle offre de nouvelles possibilités quant à l’inclusion des variables de la personnalité dans un modèle prédictif des CAAT. Cette piste de recherche devrait être explorée. Puis, le fait de ne conserver que les variables significatives dans le modèle final en fait un modèle parcimonieux. Une limite récurrente dans ce type de recherches est le manque de variance en ce qui a trait à des CAAT plus sévères (Lewicki, et al., 1997). Ceci peut tout aussi bien être dû à la désirabilité sociale ou au fait que de tels comportements ne se produisent réellement pas souvent. Ce manque de variance a pour effet de rendre difficile la découverte de liens significatifs entre les variables. Dans le cadre de cette étude, le fait de ne conserver que trois catégories de fréquences fut jugé comme étant la meilleure solution possible pour respecter les postulats de la régression statistique tout en respectant la forme des données. Le fait d’inclure une échelle de désirabilité sociale pourrait pallier en partie à cette difficulté. Les recherches futures devraient porter sur l’importance des variables personnelles dans le phénomène des CAAT. Il serait intéressant de vérifier si l’agréabilité et la conscience sont également des prédicteurs significatifs des comportements anti-individuels comme l’agression physique, l’agression psychologique et la déviance politique. Dans le cadre de cette étude, l’échelle de déviance politique n’a pas été retenue à cause de sa faible validité statistique. De plus, au niveau des variables organisationnelles, notamment la satisfaction au travail qui s’est avérée significative dans la prédiction des comportements anti-organisationnels, il serait pertinent de vérifier lesquelles s’avèrent être les meilleurs prédicteurs des comportements anti-individuels. Finalement, cette étude a permis de valider un modèle de recherche des CAAT développé au Québec auprès d’un groupe de répondants 57 francophones européens. Il serait intéressant d’explorer plus en profondeur, dans une prochaine recherche, le rôle des différences culturelles dans l’émission et le type de comportements anti-sociaux observés au travail. 58 Reférences Allen, N.J. & Meyer, J.P. (1990). The measurement and antecedents of affective, continuance and normative commitment to the organization, Journal of Occupational Psychology, 63, 1-18. 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