Les clubs européens agitent les stats

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Les clubs européens agitent les stats
sports 21
LIBERATION
LUNDI 11 DÉCEMBRE 2006
Foot. Une enquête sur le marché des joueurs professionnels démonte quelques idées reçues.
Les clubs européens agitent les stats
uatre-vingt-dix-huit
clubs des cinq meilleurs championnats
européens (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie) et leurs
2752joueurs ont été passés au
crible statistique (1) par le
Centre international d’étude
du sport (CIES basé à Neuchâtel en Suisse) et le Centre
d’étude et de recherche sur le
sport et l’observation des territoires (Cersot, université de
Franche-Comté). A l’arrivée,
la première «Etude annuelle
sur le marché européen du
travail des footballeurs» qui
confirme ou infirme quelques
idées reçues (2).
Q
Les clubs français
ne luttent pas
à armes égales
avec leurs voisins
Les clubs français
forment des joueurs,
engagés ensuite par
des clubs étrangers
Faux et vrai
Quel club a couvé le plus de
joueurs évoluant dans l’un des
cinq championnats étudiés?
L’AJ Auxerre ou le FC Nantes,
parangons des vertus de «la
B E R T R A N D G U AY. A F P
Faux
L’antienne est régulièrement
entonnée par les pleureuses
du football français qui s’estiment victimes de concurrence
déloyale. Faux débat, au moins
en termes quantitatifs. La
Ligue 1 (plus jeune moyenne
d’âge en première division
parmi les cinq observées) est,
avec l’Italie, le plus gros bassin
d’emplois de footballeurs
d’Europe avec 537 joueurs,
soit une moyenne de 26,8par
équipe, mais plus qu’en Allemagne (25,9) ou en Angleterre
(25,5).
En revanche, le pourcentage
d’internationaux y est inférieur à la moyenne européenne (33,8 % contre 42,4 %). A
défaut de remporter des
Coupes d’Europe, certains
clubs français se distinguent
dans quelques domaines.Ainsi, Bordeaux est le club qui a
recruté le plus de joueurs
étrangers la saison dernière
(87,5 %), devant Lille (80 %).
Pour l’ensemble des clubs de
Ligue 1, la proportion de transferts réalisés avec des joueurs
étrangers se monte à 51,7 %,
un niveau beaucoup plus élevé
que la moyenne européenne
(36,3%). A terme, le pourcentage d’étrangers en Ligue 1, actuellement de 35,4%, pourrait
s’approcher de celui de la Bundesliga allemande (41%).
Match OM-PSG, le 5 mars au Parc des Princes. Les Marseillais font jouer leur équipe de réserve, ce qui leur fait exploser le record de joueurs utilisés dans la saison.
formation à la française»?
Non, mais deux clubs qui se situent à l’opposé en termes
d’images: le Real Madrid et le
FC Barcelone dont 44 et
35 des ouailles évoluaient en
Bundesliga, Premier League,
Liga, Ligue 1 ou Serie A la saison dernière. Le Real des Galactiques à l’ego XXL, aux
transferts et salaires indécents apparaît donc comme
le meilleur club formateur
d’Europe. Dans le top ten
des centres de formation les
plus représentés, le FC
Nantes pointe en 3e position
(29joueurs), le Stade rennais
en 5e, à égalité avec l’AS Nancy et Arsenal, et le FC Metz
en9e. Bien classés également,
l’AS Roma (4e).
L’honneur de la formation tricolore est sauf en vertu
d’autres critères: la saison
dernière, 40,1 % des joueurs
de Ligue 1 évoluaient dans le
club qui les avait vus «entrer
en foot», un pourcentage
supérieur à la moyenne européenne (26,8 %). Et les footeux made in France restent
cotés: on en recensait88 dans
les premières divisions espagnole, italienne, anglaise et allemande en 2005-2006, le
troisième contingent derrière
les Brésiliens (139) et les Argentins (88).
Pour remporter
des titres, il faut
recruter et faire
tourner son effectif
Faux
Les grosses cylindrées ne
consomment pas plus que les
autres. Les clubs ayant «utilisé»le plus de joueurs – c’est-àdire leur ayant fait jouer au
moins un match – ne sont jamais les mieux classés de leur
championnat. Au contraire.
«Beaucoup des clubs relégués
en fin de saison, figurent parmi
ceux qui ont employé le plus de
joueurs»,note l’étude. C’est caricatural en Italie où les trois
derniers du Calcio pointent
dans le quarté des clubs les plus
footballeurivores. C’est aussi le
cas dans les quatre autres
championnats. Il est vrai que
concernant ces clubs, les sommets qu’ils atteignent en matière de consommation de
joueurs (jusqu’à37 pour Trévise en Italie et Portsmouth en
Angleterre) sont moins liés à
leur budget qu’à une instabilité chronique, cause ou conséquence de leurs résultats.
Il n’empêche: «Contrairement
à ce à quoi nous nous attendions, les meilleurs clubs qui
disputent le plus grand nombre
de matchs ne sont pas ceux qui
emploient le plus de joueurs»,
écrivent les auteurs qui ont
classé les clubs en trois niveaux. Les meilleurs emploient moins de joueurs
(25,9) que les moins bons
(27,3), alors que leurs cadences
sont a priori moins infernales.
De même, ceux qui disputent
la Ligue des champions européenne sont en dessous de la
moyenne: les auteurs avancent l’hypothèse avancée de
«meilleurs services médicaux et
gestion moins spéculative des
transferts». Dans le même registre, sobriété rime avec efficacité en matière de transferts.
La saison dernière, le meilleur
club européen, le Barça, est celui qui a le moins embauché, ne
recrutant que trois joueurs
quand les Italiens d’Ascoli et de
Trévise en faisaient signer
28et 25 – réorganisation due à
l’accession en première division. L’indice de stabilité (soit
le pourcentage de joueurs au
club depuis au moins trois saisons) place en tête deux anciens vainqueurs de la Ligue
des champions: le Bayern Munich (72 %) et l’AC Milan
(70 %). Ce dernier comptant
dans ses rangs les deux joueurs
les plus stables d’Europe, Maldini et Costacurta, milanais depuis 22 et 19ans.
L’OM est un
club à part
Vrai
On ne parle pas ici de styles,
qu’ils soient de jeu ou de management humain ou financier. Dans la typologie en cinq
rubriques établie par l’étude,
l’Olympique de Marseille se
retrouve sous la bannière
«clubs instables». La faute à
son record d’Europe du
nombre de joueurs utilisés la
saison dernière: 39 (l’envoi de
l’équipe réserve au Parc des
Princes y contribue pour
beaucoup). Et au nombre de
nouveaux contrats signés par
l’OM: 19, quatre fois plus que
Lille ou Lens.
Marseille a pour compagnons
d’instabilité Trévise, dernier
du Calcio, ou Porstmouth, dixseptième de Premier League.
La cinquième place atteinte
par l’OM dans le championnat
2005-2006 n’en est que plus
admirable.
Les Anglais
sont too much
Vrai
Avec quatre clubs anglais en
en tête de leur poule en Ligue
des champions, le quotidien
The Guardian peut s’interroger: «Le foot british est-il le
meilleur d’Europe?» A défaut
de répondre à cette notable
question, l’étude prouve que la
Premier League anglaise cumule les plus. C’est dans le
championnat le plus vieux
d’Europe (moyenne d’âge
des joueurs est de 26 ans)
que l’on trouve le plus d’internationaux (62,4 % contre
une moyenne européenne
de 42,4 %), que l’on recense
le plus d’étrangers (55,2 %
des effectifs totaux, contre
une moyenne européenne
de 38 %).
Les Anglais squattent les tops
ten des classements: ils sont
cinq dans celui des équipes
qui emploient le plus d’internationaux, huit dans celui des
clubs les plus «internationalistes»(87,5% de non-Anglais
à Arsenal). Mais la statistique
la plus extravagante du foot
anglais est la suivante: la saison dernière, 100 % des buts
de Fulham ont été marqués
par des «étrangers».•
GILLES DHERS
(1) Vingt clubs dans les
premières divisions anglaise,
espagnole, française et italienne.
Dix-huit en Allemagne.
(2) Les statistiques par pays sont
disponibles sur le site
www.eurofootplayers.org.