Préambule, Kelvin
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Préambule, Kelvin
Page 1/2 Un avant-goût de mécanique quantique Comment la physique est-elle passée du monde classique au monde quantique ? Répondre à cette question sera mon fil directeur. Et je voudrais y répondre en montrant la construction de l’édifice scientifique, pierre à pierre - une illustration de la science selon Henri Poincaré : Le savant doit ordonner ; on fait la science avec des faits comme une maison avec des pierres ; mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison. La science et l’hypothèse, Chapitre IX (1908). Et maintenant avant de commencer je vous pose la question : « Quelles sont vos idées, vos a priori, vos interrogations sur la mécanique quantique ? ». Nous allons ensemble essayer de les confronter peu à peu aux idées quantiques naissantes, de la définition de quantum à la dualité onde-corpuscule en passant par la catastrophe ultraviolette, l’effet photoélectrique et l’atome de Bohr. PREAMBULE Quantum, quanta, quantique Quantique vient de quantum qui est un mot latin signifiant « combien grand », quelle quantité. En français quantum désigne une quantité déterminée (cf. Larousse en 5 volumes) et c’est ce que ce mot signifie en physique, c'est-à-dire pas n’importe quelle quantité. Le pluriel latin est quanta. On emploie aussi un quanta, des quanta en francisant l’emploi du latin. Les deux nuages de Kelvin L’état des lieux Nous allons maintenant faire un petit tour dans la physique du XIXe siècle car la mécanique quantique est issue des problèmes qui résistaient aux théories alors admises, elle n’a pas été créée à partir de rien. La théorie quantique n’aurait pas pu naître du temps d’Aristote ou même de Newton. Au XIXe siècle, la mécanique newtonienne triomphe. Elle explique tous les mouvements terrestres et célestes. L’exemple de la découverte de Neptune est significatif. On n’arrivait pas à calculer la trajectoire d’Uranus ce qui conduisait soit à mettre en doute la mécanique newtonienne, soit à postuler l’existence d’une planète perturbatrice pour l’heure inconnue. En 1845 l’anglais John Adams établit la trajectoire de la planète hypothétique mais les astronomes anglais ne se mobilisent pas pour la trouver. En 1846 le français Urbain Le Verrier calcule sa trajectoire et demande à l’allemand Johann Galle de la rechercher ; celui-ci l’observe quelques jours plus tard. D’où le triomphe newtonien. Le 27 avril 1900, Lord Kelvin donne une conférence à l’Institution royale de Grande-Bretagne. Le titre de sa conférence est « Nineteenth-Century Clouds over the Dynamical Theory of Heat and Light » Les nuages du XIXe siècle planant sur la théorie thermodynamique de la lumière. Il affirme que « la beauté et la clarté de la théorie » sont seulement obscurcies par « deux nuages » mais qu’ils seront rapidement résolus et qu’ils n’altèrent en rien sa confiance dans la science du XIXe. Nous allons parler de ces nuages mais d’abord : Page 2/2 Qui était Kelvin ? En résumé pas n’importe qui ! William Thomson, Lord Kelvin né en 1824, mort en1907. En 1900, il avait donc 76 ans. C’est un physicien reconnu et écouté. Pendant sa longue carrière, il a publié 661 articles et déposé 70 brevets. Il est d’abord connu pour ses travaux en thermodynamique ; il formule l’un des énoncés historiques du second principe de la thermodynamique : un cycle monotherme (mettant en jeu une seule source de chaleur) ne peut être moteur. Selon un exemple incontournable, si cela est faux, un navire peut avancer en prélevant de la chaleur à l’océan et en rejetant de l’eau refroidie. L’unité internationale de température s’appelle le kelvin (symbole K) car il a introduit l’échelle des températures « absolues » (zéro absolu et unité). Il est connu aussi pour l’effet Thomson qui combine conduction électrique et conduction thermique ainsi que pour la détente de Joule-Thomson. Il travaille également sur l’électricité (conduction électrique des câbles sous-marins, promoteur du premier câble transatlantique), sur la mécanique des fluides (en 1891, il donne la forme exacte des vagues du sillage d’un navire) et fait une estimation (fausse mais c’est le premier essai par un physicien) de l’âge de la Terre ... Quels sont les deux nuages dont parle Kelvin ? Le premier nuage est le résultat négatif de l’expérience de Michelson et Morley : cette expérience d’interférences lumineuses n’arrive pas à mettre en évidence la vitesse de la Terre par rapport à « l’éther », milieu imaginé comme support de la propagation des ondes lumineuses car il est impossible à l’époque de concevoir des ondes se propageant dans le vide. Cela conduira à l’abandon de l’éther et à la théorie de la Relativité. Le second nuage est « la catastrophe ultraviolette » du rayonnement thermique. Un corps chauffé émet de la lumière : c’est le rayonnement thermique. La dissipation de ce second nuage conduira à la Mécanique quantique. Nous allons étudier pas à pas ce second nuage.