1 Patrimoine et valorisation touristique au cœur d`une tentative de
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1 Patrimoine et valorisation touristique au cœur d`une tentative de
Patrimoine et valorisation touristique au cœur d’une tentative de requalification d’un quartier : le cas de la Sanità à Naples. Salomone Christine Université Lille I, U.F.R Géographie et Aménagement, laboratoire TVES [email protected] Résumé : Le quartier de la Sanità, est un quartier populaire appartenant au centre historique de Naples. Malfamé, enclavé, ce territoire souffre d’une image négative, celle d’un quartier difficile, associé à un imaginaire de pauvreté et de violence, livré à l’emprise de la Camorra. Longtemps écarté des circuits touristiques et marginalisé, il fait l’objet de l’intérêt des pouvoirs publics par le biais de politiques urbaines spécifiques et, plus récemment a bénéficié d’un début de valorisation touristique. Le quartier est ainsi « investi » par le jeu actif et concurrentiel de nombreuses associations, autour d’un processus de patrimonialisation. Il illustre aussi les difficultés et les paradoxes auxquels la ville de Naples est confrontée en matière d’image et de développement touristique. La mobilisation patrimoniale est utilisée au service d’un redéploiement économique et social du quartier avec une préoccupation de durabilité, mais elle révèle également d’autres enjeux plus symboliques. Mots – clés : patrimonialisation ; quartier ; développement touristique ; acteur ; redéploiement. Depuis les années 1980, la culture et le patrimoine sont devenus de véritables outils de développement territorial, leviers de nombreux projets de requalification urbaine (Andres, Ambrosino, 2008). La régénération culturelle est considérée comme déterminante dans les processus de transformation physique et sociale d’espaces déprimés, elle s’impose comme l’une des stratégies de développement urbain menée par les pouvoirs publics dans une optique de redynamisation territoriale. A Naples, en particulier, depuis les années 1990, la ville connaît une véritable « renaissance », marquée par une requalification de son patrimoine et un changement d’image, affectant surtout le centre historique et la zone des Decumani. Cette valorisation touristique et patrimoniale, plus récente et très inégale, d’un des quartiers du centre historique, l’aire Vergini - Sanità, nous permet d’interroger la notion de « quartier touristique », même si des chercheurs considèrent cette échelle et cette approche comme inadaptées et dépassées pour étudier les transformations des métropoles contemporaines. Pour certains, le quartier en tant que référent spatial, n’existant plus (Ascher, 1998). L’éclatement des réseaux de sociabilité retirerait au quartier, sa fonction traditionnelle de cellule élémentaire de la société urbaine (Merlin et Choay, 1988, p. 559). En dépit de ces remises en cause, le quartier continue à demeurer un point d’ancrage essentiel du mode de vie urbain des habitants (Authier, 2001) et revêt un rôle substantiel dans le changement métropolitain, dans les pratiques des habitants et dans les comportements des acteurs publics. Aussi, il nous a semblé judicieux de retenir cette échelle d’analyse, pour appréhender les transformations à l’œuvre dans le champ du tourisme et réinterroger la notion. Le centre historique de Naples conserve la réputation d’être un centre ville populaire parmi les plus industrieux des grandes métropoles européennes, suite au maintien d’activités productives traditionnelles1. Située dans l’ancien quartier Stella, l’aire Vergini - Sanità recouvre une partie du quartier administratif de la IIIe Municipalité2 et jouit d’une forte identité historique et patrimoniale. Ce territoire peut être assimilé à un « quartier sensible » en raison du malaise social et de l’importance des poches de pauvreté. Sa mauvaise réputation en a fait un quartier traditionnellement ignoré par les touristes et les visiteurs. Pourtant, il a bénéficié depuis peu, d’un début de valorisation touristique à travers la mise en œuvre de stratégies et de politiques portées par des acteurs multiples, autour d’un processus de patrimonialisation. Etudier ce « lieux en creux » des politiques urbaines et des stratégies territoriales, longtemps négligé par les acteurs urbains et encore parfois ignoré des professionnels du tourisme locaux et étrangers, peut nous aider à comprendre les enjeux qui pèsent sur le développement du tourisme à Naples. Ses ressources patrimoniales indéniables ont parfois été valorisées, pour devenir l’instrument d’un redéploiement économique et social. 1 Le quartier de la Sanità est réputé dans la fabrication des gants, même si le déclin de cette activité s’amorce depuis les années 1970 (FROMENT, 2012). 2 Ils appartiennent à la IIIe Municipalité de Stella - San Carlo all’Arena, découpage adopté en février 2005 (lois de décentralisation). Il reprend le découpage des trente quartiers de la ville. 1 Contrairement à ce qui s’est produit dans les années 1990, où la renaissance des Decumani a été impulsée par la puissance publique, à travers la requalification des espaces publics et une sensibilisation au patrimoine des habitants, le processus ici initié semble impulsé par le bas, par le rôle de quelques associations actives qui y voient un instrument de revalorisation pour leur quartier. 1. L’aire Vergini - Sanità : une véritable « enclave » dans le territoire napolitain : 1.1 La complexité d’un territoire : Cette aire située au nord du centre antique, est un territoire facilement identifié et identifiable. De nombreux films3 ont contribué à la populariser dans l’imaginaire collectif et à l’assimiler à l’image de la Naples traditionnelle. Il s’agit bien souvent de l’évocation du « Rione Sanità » ou de la « Sanità » en général. Derrière cette expression, on désigne un quartier formé autour de la Basilique Sainte Marie de la Sanità et de la place attenante. Il représente par beaucoup d’aspects, l’emblème de la marginalité et constitue un lieu particulier dans l’histoire de la ville (Commune de Naples, 2002). Le quartier est identifié d’abord par des caractéristiques physiques, qui en font une portion d’espace plus ou moins individualisée et repérable au sein de la ville (Grafemeyer, 2006). Il s’est construit au pied de la colline de Capodimonte, dans une aire aux caractéristiques géologiques spécifiques4. S’étendant entre les collines de Miradois, de Capodimonte, du Scudillo et de Materdei, il s’est développé sur le fond d’une vallée naturelle formée par des zones aplanies (la Sanità, les Vergini et les Fontanelle). Ces conditions orographiques en font une aire périphérique du centre historique et un espace enclavé. Figure n°1 : Localisation de l’aire d’étude, du quartier Stella et de la IIIe Municipalité. 3 km Réalisation : C. Salomone, 2013. Situé hors les murs, il s’est formé à partir du XVIe autour du bourg des Vergini. Le caractère sacré de l’aire est attesté depuis l’Antiquité. Le vallon est utilisé comme lieu de sépulture dès l’époque grecque et la zone a accueilli de nombreux hypogées nobiliaires, puis les catacombes des premiers Chrétiens (Buccaro, 1991). Au Moyen - âge, quelques noyaux conventuels s’y fixent. L’urbanisation se développe surtout à partir du XVIIe et XVIIIe siècle dans le bourg des Vergini et le vallon de la Sanità. Sa salubrité dont témoigne la toponymie5, favorise la construction d’édifices civils ou religieux et de nombreux palais. La percée, au début du XIXe, par le nouveau roi de Naples, Joachim Murat, d’un axe rejoignant le Palais de Capodimonte depuis le Musée, surplombant le quartier, contribue à l'isoler : le pont aggrave la « périphérisation » de la Sanità, la singularise et marque symboliquement son enclavement. 3 De nombreux films réalisés dans l’après - guerre en ont fixé dans l’imaginaire collectif, les principales caractéristiques (L’oro di Napoli de V. De Sica (1954), « Le quatre giornate di Napoli » di Nanni Loy, « Il sindaco del Rione Sanità », « Ieri, oggi e domani » ; « Viaggio in Italia »). 4 La présence du tuf et les caractéristiques géologiques de l’aire ont facilité l’extraction et la récupération de matériaux, servant à édifier la ville (BUCCARO, 1991). 5 Le terme Sanità dériverait de la salubrité du lieu, par contraste avec la ville toujours plus densément peuplée et malsaine et des miracles et des guérisons, liés selon la tradition, au culte de San Gennaro (BUCCARO, 1991, p. 56). 2 Excentré, ses limites restent floues6 et mal connues des habitants comme des touristes et, donnent lieu à des approches variables, amplifiées par la complexité administrative. Nous avons privilégié une conception élargie du quartier, qui renvoie davantage à un espace vécu et pratiqué7, au delà de la délimitation strict du Rione (Figure n°4). 1.2 Un territoire marginalisé du centre historique : La marginalisation socio - économique du quartier et la mauvaise réputation dont il jouit, participent pleinement à son identité et à sa perception. Il incarne l’image de cette Naples populaire et traditionnelle, telle qu’elle est véhiculée et idéalisée dans les guides touristiques et évoquée dans la chanson populaire napolitaine8. Le centre historique de Naples offre ainsi, à côté des espaces monumentaux figés dans leurs fonctions récréatives et symboliques, des interstices qui préservent le centre - ville de la muséification (Tiano, 2004). Ces quartiers constituent des espaces marginaux, affectés par la pauvreté, aux caractéristiques morphologiques, sociales ou économiques bien spécifiques. La densité moyenne du quartier Stella (16.749 hab. /km2) est trois fois supérieure à celle de la ville. Regroupant 31% de la population de la IIIe Municipalité ce quartier compte près de 32.000 habitants répartis sur un territoire de 2 km2. Des données provisoires obtenues en 2013, pour les 55 sections de recensement composant l’aire d’étude, indiquent 16.736 habitants9. Ce quartier très peuplé, est également un lieu d’accueil majeur des immigrés. Stella regroupe en effet en 2008, 7,4 % de la population étrangère officiellement déclarée (Commune de Naples, 2008). Tableau n° 1 : Présentation du quartier Stella Superficie km2 Population résidente 2010 68.983 Densité (hab. /km2) 9029 Population étrangère 1726 S. Carlo 7,64 all’Arena Stella 1,87 31.321 16.749 2275 Naples 117,27 959.574 (1) 8.183 30.496 (1) Source : Commune de Naples, statistiques, année 2010.Réalisation C. Salomone. (1) Au recensement 2011, la population totale de la ville s’élevait à 962.003 habitants et la population étrangère à 31.496 personnes. Les caractéristiques socio-économiques traduisent également les difficultés de ce quartier populaire et industrieux, marqué par l’importance du chômage. Seule 29% de la population active du quartier de plus de 15 ans est occupée et 29,5 % est sans emploi. Le taux de chômage dépasserait, en 2013, 60% chez les jeunes10. Les niveaux d’instruction sont très faibles, seuls 9,5% de la population possède un niveau Laurea11. Les indices de dépendance du quartier à l’économie souterraine et au travail illégal sont particulièrement 6 Elles sont rarement matérialisées dans l’espace. Les panneaux des rues indiquent les limites de l’ancien quartier Stella. Il est difficile de le différencier des autres sous - ensembles ou îlots (Vergini, Antesaecula, Cristallini, Fontanelle, Miracoli). Il désigne dans une conception élargie, l’ensemble des quartiers au nord des Decumani, qui s’étend sur la colline vers Capodimonte. La plupart des îlots ont été édifiés autour des églises, par paroisse. Au sens strict, il recouvre les quartiers reliés à la basilique de la Sanità. La Commune ne donne pas de délimitation administrative précise. 7 Les difficultés sont nombreuses pour obtenir des données statistiques à cette échelle. Les données de l’ISTAT et de la municipalité se réfèrent au découpage administratif de la IIIe Municipalité, voire à l’échelle du quartier Stella. Les acteurs du tourisme et les associations, agissant dans cette aire, ne se limitent pas au strict Rione Sanità. Les richesses patrimoniales sont également éparpillées dans l’ensemble de l’aire étudiée. 8 Les chansons de R. Viviani de 1910 « ‘O guappo‘nnammurato », de Liberio Bovio « Guapparla » (1914), « Povero Guappo (1928), d’Edoardo Nicolardi « Che sta ancora ? » (1928). Toutes mentionnent la figure du « Guappo » associée au quartier de la Sanità 9 Le recensement 2011, à l’échelle du quartier est indisponible; données provisoires fournies par le service statistique de la Commune issues du recensement 2011. Le quartier Stella compte 121 sections. 10 Il Denaro, 29 janvier 2013. Le taux de chômage des 20 - 24 ans est de 68% en 2001. A l’échelle de la ville, le taux de chômage des jeunes de 15 - 24 ans est de 44% en 2011 (ISTAT, 2013). 11 10,36% de la population de la IIIe Municipalité n’a aucun diplôme (Commune de Naples, 2001). 3 forts et s'accentuent avec la dégradation de sa situation économique depuis la fin des années 1970 et surtout depuis 1980 avec la désindustrialisation et l'amenuisement de l'activité artisanale. Ce quartier populaire fonctionne à la fois comme un espace de résidence mais également de production souvent d’économie informelle et, introduit de ce fait une rupture dans le paysage urbain et dans les pratiques du centre - ville. Fortement touché par une violence et une délinquance endémique, les phénomènes de micro- criminalité et de délinquance juvénile y sont particulièrement développés comme en témoignent les statistiques12. Le quartier vit sous l’emprise de la Camorra. Il a d’ailleurs connu ces dernières années des épisodes de violences liés à une guerre interne entre les clans, accentuant ainsi sa mauvaise réputation13. Enfin, le malaise social se traduit aussi à travers la dégradation du bâti14 et le surpeuplement, traits marquants des habitations populaires insalubres, les célèbres « bassi ». Ce territoire marginalisé du centre reflète l’image d’une « ville brouillonne » (Biondi, 1998) et lui confère une forte identité. La vétusté de son tissu urbain et la pauvreté caractérisent ce quartier populaire à la vie sociale faite de solidarités et de difficultés. Ce quartier stigmatisé, à l’image de marque très négative, apparaît donc comme un monde à part et singulier. 2. Un territoire du centre historique aux potentialités considérables, longtemps négligées : En dépit de son malaise social, le quartier possède d’indéniables atouts culturels et patrimoniaux. Les hypogées grecs et les catacombes situés dans l’aire Vergini - Sanità témoignent de l’occupation ancestrale de la zone depuis l’Antiquité. La densité des églises et des couvents et l’importance de certains palais nobiliaires illustrent la richesse de son patrimoine bâti. Ce quartier est toutefois méconnu et peu valorisé sur le plan touristique et culturel. Eloigné et enclavé, mal desservi par les transports en commun15 et souffrant d’une mauvaise image, il n’appartient pas à la Naples touristique. Les données statistiques le confirment et il joue un rôle secondaire dans l’attractivité touristique parthénopéenne. Les flux touristiques vers le quartier restent modestes, si l’on rapporte la seule fréquentation des catacombes à celle des autres sites parthénopéens situés à proximité (Tableau n°2). En effet, la fréquentation des Catacombes de San Gennaro s’est effondrée de moitié, suite à la fermeture du site à partir de 2001-2004, 2002 excepté. Cette faible attractivité s’explique par les difficultés de gestion du site, un manque de promotion et d’insertion dans les réseaux, l’enclavement et la mauvaise réputation du quartier. L’aire reste alors à l’écart des principaux circuits touristiques dans l’espace parthénopéen et le quartier semble oublié de la plupart des guides touristiques (Guide Autrement, M. Chauveau, 2003). Pour plusieurs professionnels du tourisme rencontrés en 2012, la mauvaise réputation du quartier effraie les acteurs locaux et rend sceptique les organisateurs de circuits touristiques. La visite du quartier n’est jamais proposée aux croisiéristes faisant escale à Naples, notamment pour des raisons de sécurité et d’accessibilité16. Selon certains responsables associatifs17, le quartier n’est pas adapté au tourisme de masse et correspond davantage à une forme de tourisme alternatif, proposé à de petits groupes, circulant à pied. Les enquêtes effectuées auprès des touristes entre 2009 et 2012, confirment à la fois cette méconnaissance du quartier et sa faible fréquentation. Il est rarement mentionné comme un espace à découvrir et, seul, le site des Catacombes bénéficie d’une reconnaissance récente et d’une certaine visibilité. Les touristes italiens et étrangers qui fréquentent la Sanità recherchent l’authenticité et la singularité d’un quartier populaire aux 12 Dans la circonscription (Stella - San Carlo), 2412 vols (8% du total) et 277 rapine (vols avec violence) (16,6% du total) enregistrés en 2003, (source : Comando Regionale Carabinieri Campania et de la Questura di Napoli). La circonscription appartient aux zones à forte criminalité. 13 Plusieurs épisodes de violence ont contribué à noircir l’image du quartier à la fin des années 1990 et dans les années 2000, notamment l’assassinat en direct, filmé par des caméras en mai 2009, dans un bar de la via Vergini en pleine après - midi, d’un délinquant notoire et l’indifférence de la population. 14 45% des habitations de la IIIe Municipalité sont des constructions antérieures à 1919 (Recensement 2001). 15 A partir de la place Cavour, quelques bus (Ligne C 51 ou C52) s’enfoncent dans le Rione Sanità mais la circulation y est assez chaotique. Quelques lignes desservent aussi le pont de la Sanità (R4, C 63, 178, 2M) puis, il faut emprunter l’ascenseur et s’immerger dans le quartier. La découverte du quartier ne peut s’effectuer qu’à pied, étant donné l’étroitesse des ruelles, les problèmes de circulation et de stationnement dans la zone. 16 Entretien avec Enzo Esposito, le 27 avril 2012, cadre de l’entreprise Aloschi Bros, organisateur d’excursions pour certaines compagnies de croisières anglo-saxonnes. Entretien avec Nando Albano le 13 avril 2012, responsable des guides touristiques, travaillant pour la Compagnie MSC Croisières. 17 Entretien avec la présidente de l’association culturelle Nartea, le 11 avril 2012. 4 traditions marquées. Il relève par conséquent d’un marché de niche dont certains professionnels du tourisme, ont compris la teneur18. Tableau n°2 : Fréquentation touristique de quelques sites parthénopéens Catacombes de San Gennaro 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 13.312 11.719 9944 12.275 fermé 12.775 fermé fermé 6269 6561 5859 16.400 20.030 35.000 (1) Musée national archéologique 258.531 278.470 282.178 308.360 316.027 318.558 396.233 355.877 344.056 382.784 357.032 290.016 304.023 288.145 294. 366 - Galerie de Capodimonte 171.370 197.026 149.563 135.538 135.615 150.742 141.668 220.932 247.981 174.185 146.215 86.190 101.884 119.199 113.841 - Source : Bollettino Statistico, diverses années 1997 - 2012, Commune de Naples. Réalisation C. Salomone, 2013. (1) Estimation fournie dans la presse locale. De surcroît, l’aire présente également un réel sous - équipement et une offre en matière d’hébergement insuffisante. Aucun des hôtels de la IIIe municipalité n’est situé dans le quartier Stella, ils sont tous localisés dans la zone haute ou en bordure du centre antique. Ils représentent 3,5% des lits touristiques de la ville (Tableau n°3) et leur fréquentation reflète celle du parc : 3,5% de l’offre et 3,2% de la fréquentation hôtelière (Figure n°2). Tableau n°3 : Répartition des hôtels dans la IIIe Municipalité par catégorie, importance de l’offre et de la fréquentation hôtelière en 2011 2011 IIIe Municipalité Naples Nombre d’hôtels dans la IIIe Municipalité (répartition par catégorie) 5 4 3 2 1 Tot. 6 1 1 8 4 44 63 16 25 154 Fréquenta -tion hôtelière 71.855 (3,2% du total) 2.179.963 Fréquentation par catégorie d’hôtels 5 - 4 63913 3 4562 114.098 1.179.215 718.220 2 1 3380 - 69.666 98.764 Source : Commune de Naples, Statistiques ; Données Azienda autonoma di Soggiorno Cura e Turismo, 2011. Réalisation C. Salomone, 2013. Le faible développement de cette offre hôtelière correspond au zonage touristique de la ville et aux caractéristiques du quartier. Les structures d’hébergement complémentaire sont aussi très peu nombreuses dans la IIIe Municipalité (Tableau n°4). Cependant, les Bed &Breakfast se multiplient ces dernières années à Naples, on en dénombre 19 soit à peine 6,7% de l’offre globale. La forte croissance du nombre de B&B dans 18 Le B&B, la Casa d’Anna, situé via dei Cristallini, ouvert en 2003, est tenu par un Napolitain et deux de ses amis étrangers. Leur installation dans un palais du XVIIe réhabilité, a permis d’établir un partenariat avec des voyagistes français, Voyageurs du monde et Comptoir d’Italie, qui leur fournissent 50% de leur clientèle en 2012. Il s’agit bien d’un marché de niche, s’adressant à une clientèle de touristes aisés, recherchant cette authenticité. 5 la ville s’est surtout concentrée dans la zone du centre antique. Cette offre s’étoffe dans le quartier Stella, mais reste toute de même relativement faible. Sept structures y sont implantées en 2013, auquel on peut y associer la « Casa del Monacone », maison d’accueil religieuse, dirigée par une coopérative. La plupart sont localisées en bordure des Decumani ou à proximité de l’artère qui dessert Capodimonte (Figure n°4). Figure n° 2 : Répartition des hôtels et fréquentation hôtelière par quartier à Naples en 2011 D'autres appartiennent au quartier de San Carlo all’Arena (plus au Nord, vers la colline de Capodimonte et les Colli Aminei), ou se situent à l’Est, vers l’Albergo dei Poveri. Les structures réellement situées à l’intérieur du Rione Sanità sont plutôt rares, trois seulement. La faible proportion des B&B dans l’aire Vergini - Sanità révèle la pauvreté et la vétusté du quartier (Figure n°3). D’autres indicateurs comme la typologie des commerces et des services présents soulignent les carences de l'offre touristique et traduisent son insuffisante valorisation : aucun point d’information touristique19 et rareté des commerces, marqueurs spatiaux du tourisme (magasins de souvenirs...) (Lemarchand, 2006)) Tableau n°4 : Répartition des structures d’hébergement complémentaire à Naples en 2013 Affitacamere (1) Type de structures en 2013 Naples IIIe Municipalité (Stella - San Carlo) 68 3 B&B (2) 282 19 Case per ferie (3) Case per vacanze Auberge de jeunesse Autres Total 11 1 91 - 10 1 1 - 463 24 (4) Source : Bollettino statistico, Commune de Naples, Données 2013 (Affitacamere, B&B, case per vacanze, ostelli per la gioventù). Réalisation C. Salomone, 2013. (1) Les affitacamere : des structures d’hébergement qui ne dépassent pas 6 chambres et douze lits touristiques, d’après la Loi Régionale, 24 novembre 2001, n°17. (2) Le B&B: « l’offre d’un logement et d’un petit déjeuner, sans aucun caractère professionnel dans un noyau familial, avec une intégration à ses propres revenus ; elle utilise une partie de son habitation, avec un maximum de trois chambres et de six lits touristiques », la Loi régionale du 10 mai 2001, n°5. (3) Le Case per ferie: structures d’accueil pour le séjour de personnes ou de groupes, voyageant en dehors des canaux commerciaux traditionnels, gérés par des organisme publics, des associations ou des organisme moraux. 19 Malgré une tentative des acteurs institutionnels de créer une structure d’information touristique, dans le bourg des Vergini, n’ayant jamais fonctionné. 6 (4) Le Case per vacanze: appartements mis en location, où aucun service de type hôtelier n’est proposé au touriste. Figure n° 3 : Répartition du nombre de B&B par quartier à Naples en 2013 L’aire n’est donc pas aujourd’hui un quartier touristique, ni par son offre valorisée, ni par sa fréquentation. Ses ressources culturelles et patrimoniales ne drainent pas les flux touristiques aujourd’hui et le quartier apparaît véritablement méconnu, quasi oublié des brochures et cartes touristiques publiées par la Commune ou les professionnels du tourisme. Pourtant des signes d’évolution sont perceptibles et il semble connaître une certaine renaissance, qui prend appui sur une valorisation patrimoniale et culturelle, guidée par des acteurs multiples. Cette renaissance estelle porteuse d’un véritable redéploiement économique et social pour le quartier ? Ne doit- elle pas être durable afin de préserver l’authenticité et le pittoresque du quartier ? II. Une mise en tourisme durable au service d’un redéploiement économique et social du quartier ? 1. Des initiatives venues d’en bas : Dès le début des années 1990, l’espace du centre historique dans le cadre de ce qui a été appelé « la renaissance napolitaine », devient la vitrine de la ville et constitue alors le théâtre des enjeux de la patrimonialisation. L’aire Vergini - Sanità en bénéficie, mais les effets y sont plus circonscrits et beaucoup plus limités car les initiatives semblent d’abord venues d’en bas, précédant l’investissement et l'implication des pouvoirs publics. En effet, dans un premier temps, les habitants et le milieu associatif du quartier, à partir des années quatrevingt, se réapproprient leur patrimoine matériel et immatériel spontanément et sans réelle coordination. L'impulsion donnée par la Fondation Napoli 99 est essentielle dans la mobilisation des habitants et de la société civile autour de cette redécouverte du patrimoine. Elle s'appuie sur l’organisation des manifestations culturelles « Monumenti porte Aperte » (1992) et « Napoli Porte Aperte » (1993) qui trouvent un retentissement dans le quartier. Dès 1992, lors du premier week-end de l’opération « Monuments portesouvertes », quinze édifices religieux et civils 20 sont accessibles au public dans l'aire « Capodimonte Materdei - Sanità ». En 1993 et 1994, un itinéraire est conçu pour découvrir le quartier Vergini intégrant une quinzaine d’éléments du patrimoine bâti, ouverts à nouveau au public. Le succès des deux premières éditions de cette manifestation culturelle est sans conteste. On estime à 500.000, le nombre de visiteurs en mai 1993 et à plus de 8000 les visites au cimetière des Fontanelle, exceptionnellement ouvert au public. Ces 20 Guida alla Città in Mostra, Monumenti Porte aperte, 9 - 10 maggio 1992. On y trouve douze édifices religieux, deux palais nobiliaires (Palazzo San Felice - Palazzo dello Spagnolo) et le cimetière des Fontanelle. 7 manifestations ponctuelles permettent de faire connaître et reconnaître des éléments du patrimoine oubliés ou ignorés. Le quartier, longtemps tenu à l’écart des flux touristiques, commence à en bénéficier. Cette redécouverte du patrimoine est relayée par les initiatives d'enseignants, qui s'efforcent de mobiliser les élèves de certains établissements scolaires autour du projet « la Scuola adotta un monumento » (l’école adopte un monument). Une enseignante d’histoire à l’Institut professionnel Caracciolo21, adopte avec ses élèves en 1993, le « Borgo dei Vergini » et les actions de sensibilisation au patrimoine perdurent au delà du Mai des monuments (1993-1998). Ainsi, pour mieux affirmer ce renouveau patrimonial, elle réalise un documentaire sur le quartier Vergini et s'implique à travers des laboratoires didactiques de découverte du patrimoine. En 2012 et 2013, une ludothèque, située Piazza dei Miracoli, conçoit également un projet de redécouverte de la Sanità, à destination d'un établissement scolaire du secteur22, autour de rencontres avec les lieux et les acteurs locaux emblématiques 23 . Cette expérience cherche à sensibiliser les enfants à ses richesses. Ces initiatives isolées et ponctuelles, sont relayées par celles menées par le milieu associatif extrêmement dense et diversifié. 2. Un tissu associatif vivace et actif : La Sanità appartient aux quartiers populaires et défavorisés se caractérisant par la vitalité de la société civile. Les associations, apparues vers la fin des années 1980, traduisent une sensibilité nouvelle et marquent l’espace social. L’évolution socio - économique du quartier avec le recul des emplois liés à l’artisanat et l’urgence sociale justifient aussi ces nouvelles préoccupations. Elles perçoivent la valorisation du patrimoine, des ressources culturelles et le tourisme comme des instruments favorisant sa requalification et sa dynamique. Ces associations ne sont pas foncièrement patrimoniales mais le plus souvent à vocation culturo - touristique et agissent sur l’ensemble de la circonscription, voire en dehors. D’autres se situent à l’intersection de l’organisation associative et de la structure entrepreneuriale. Enfin, certaines considèrent le patrimoine dans le cadre d’une revitalisation du lien social. Toutes jouent un rôle majeur dans l’aire Vergini Sanità (Glévarec, Saez, 2002, p. 24). Souvent liées à l’église catholique et à certains prêtres, elles favorisent le renouveau du quartier, malgré de faibles moyens. Les premières initiatives naissent à la fin des années 1980, par l’organisation de visites guidées et l'encouragement des jeunes volontaires de l’association I CARE qui assurent la découverte du cimetière des Fontanelle (Civitelli, 2012). Cette mobilisation autour du patrimoine se renforce avec la création du Comité Viviquartiere (1994) qui regroupe des jeunes du Rione Sanità et de Materdei. Il participe à la mise en œuvre d’itinéraires touristiques dans le quartier. Il fait figure d’ « association historique », contribuant à ce « réinvestissement patrimonial ». Devenue une véritable association culturelle en février 199524, Viviquartiere est impulsé par le Père G. Rassello25 qui confie aux jeunes de l’association, la gestion des catacombes de San Gaudioso de 1999 à 2003. Elle « se fixe comme objectif de promouvoir des activités socio-culturelles pour favoriser la rencontre et développer un sens d’appartenance au territoire dans l’aire Materdei - Sanità - Vergini26 ». Son ancrage territorial est fortement marqué. Elle pense à partir de la gestion du site des catacombes de San Gaudioso, rayonner dans le quartier et envisage une valorisation plus poussée du site générant des retombées en terme d’emplois. Mais, cette association est écartée de la gestion des catacombes de San Gaudioso par le nouveau prêtre de la paroisse27, le Père Antonio Loffredo28. 21 Entretien avec Fara Caso le 20 avril 2012. Ses actions de sensibilisation se poursuivent aujourd’hui au lycée Cuoco, situé dans le quartier des Miracoli, où elle enseigne depuis 2000. 22 La ludothèque citadine a conçu en 2012 ce projet intitulé « Regardons le quartier avec d’autres yeux, », avec l’école Angiulli (17e circolo Didattico). Entretien avec le responsable de la Ludothèque, Ugo Pugliese, 22 avril 2013. 23 Les éléments du patrimoine (Palazzo San Felice, les Catacombes, les hypogées grecs, le cimetière des Fontanelle), tout comme certaines activités ou réalités humaines (le centre d’hygiène mentale, le chocolatier Galluci, le gantier Omega) font l’objet de cette sensibilisation. 24 Document Archives de la Commune de Naples, service tourisme. 25 Le Père G. Rassello y vécut une vingtaine d’années en combattant les problèmes du quartier et en critiquant ouvertement les pratiques de corruption et d’achat des votes. 26 Document interne à l’association Viviquartiere. 27 Après le départ des membres fondateurs en 2008 - 2009, l’association connaît une éclipse de ses activités, avant de renaître en 2011. Elle a désormais réorienté ses interventions dans d’autres quartiers de Naples, sans abandonner son ancrage territorial initial dans l’aire Vergini - Sanità. 8 Ces initiatives possèdent néanmoins un effet dynamique. Ainsi, une nouvelle coopérative, La Paranza, fondée en juin 2006 par des jeunes du Rione, s’impose rapidement comme un maillon fondamental de la valorisation patrimoniale, culturelle et touristique. Elle est devenue le miroir médiatique 29 de cette revalorisation économique et sociale du quartier. Les jeunes volontaires de la paroisse 30 , organisaient initialement des visites guidées de la basilique de Santa Maria et des Catacombes de San Gaudioso, avant de structurer peu à peu leur action dans le quartier par la création d'un itinéraire touristique. Ils souhaitent associer les deux sites des catacombes et la Basilique de Sainte Marie de la Sanità. Ce projet permet la réouverture de la Basilique paléochrétienne de San Gennaro, fermée depuis plus de quarante ans et constitue une nouvelle porte d’entrée pour le Rione Sanità. L’itinéraire (« Il Miglio Sacro ») est inauguré à partir de septembre 2009, date à laquelle la Paranza reçoit officiellement la gestion des catacombes. La coopérative ouvre un B&B, une maison d’accueil religieuse, la Casa del Monacone, grâce au soutien du diocèse de Naples et à l'appui financier de la Fondation Con il Sud 31. Son objectif est la valorisation touristique du patrimoine de la Sanità, en s’appuyant sur sa requalification, vecteur d’un développement socio économique et culturel de l’aire32. Avec plus d’une dizaine d'emplois pour les jeunes créés33, le quartier jouit d'une image touristique renouvelée et connaît un essor de sa fréquentation depuis 2010 (Tableau n°2). La coopérative évolue vers une structure entrepreneuriale et modifie ses pratiques, ses offres et professionnalise son discours. Elle multiplie les partenariats privés34 et a pris conscience de la nécessité de promouvoir efficacement le site des catacombes. Ce dernier est désormais intégré pleinement au réseau Artecard, sous sa nouvelle formule lancée en mai 2013 par la SCABEC. La coopération étroite née entre la Paranza et l’association l’Altra Napoli35, a favorisé la réalisation de nombreux projets36. La coopérative est devenue le symbole de la renaissance de la Sanità. Le patrimoine est l’objet d’une valorisation à des fins économiques et sociales, dans une démarche de développement durable. D’autres associations culturelles, patrimoniales ou touristiques agissent au sein du territoire, sans bénéficier ni des mêmes moyens et ni de la même visibilité. Nombre d’entre elles, conservent un caractère confidentiel, mais tentent parfois de coordonner leurs actions. Plus qu’à un réel redéploiement économique ou social du quartier, elles contribuent à leur mesure à sa reconnaissance touristique. Il en est ainsi de Celanapoli, association culturelle créée en 2001, par un passionné et spécialiste d'archéologie, Carlo Leggieri. C'est l’exemple d’une petite « association de patrimoine » autorisant la redécouverte d’un bien patrimonial37 totalement oublié, le site de l’hypogée funéraire hellénistique de la via Antesaecula et sa valorisation 28 Ce prêtre va promouvoir une autre association du quartier (La Paranza) et devenir officiellement le directeur des Catacombes. 29 Elle bénéficie d’une couverture médiatique considérable. A titre d’exemple, elle a participé à l’émission de France 5 « Echappées belles » du 21 avril 2012, consacrée à Naples. 30 A l’origine, cinq membres fondateurs, issus du quartier, en font partie, puis elle s’étoffée à neuf membres. Entretien avec Suzy Galeone, le 23 avril 2012. 31 Le financement total s’élève à 768.000 euros, pris en charge par cette fondation et d’autres partenaires ((l’Archidiocèse de Naples, la Commission Pontificale d’Archéologie Sacrée et l’association l’Altra Napoli onlus). 32 Fondazione per il Sud, 2009, Bilancio. Des visites nocturnes et des animations théâtrales sont désormais prévues sur le site des Catacombes. La Basilique accueille également des spectacles en costume, pour des groupes sur réservation et celle de San Gennaro est devenue le lieu de conférences depuis 2010. 33 La Paranza compte 8 guides, 1 personne chargée du travail administratif et un président. Elle a recours à 5 personnes pour la manutention des sites (la coopérative de l’Officine des Talents, des électriciens qui ont travaillé à la restauration du site), deux jeunes de la coopérative des Irons Angels (des forgerons) et 4 gardiens. En période de forte affluence touristique (Noël et Pâques), elle fait également appel à d’autres guides (5 collaborateurs). Deux personnes s’occupent en particulier de la maison d’accueil religieuse. 34 Elle est présente depuis 2009, à la Bourse méditerranéenne du tourisme à Naples, en disposant d’un stand ou en participant à des « workshops », aux côtés d’autres professionnels du tourisme. Des liens se sont aussi noués avec l’Union industrielle de Naples. 35 Cette association, créée en octobre 2005 par E. Albanese, un entrepreneur napolitain résidant à Rome, n’est pas présente directement sur le terrain mais, participe au financement et à la conception de nombreux projets, aux côtés de la coopérative. 36 L’Altra Napoli a contribué à la formation d’un orchestre de 34 enfants du quartier qui bénéficie d’une formation musicale gratuite et d’un suivi éducatif, à la restauration du cloître de Fra Nuvolo, à la réouverture du jardin des Aranci à destination des habitants, à la réalisation d’un laboratoire théâtral, à la création de l’Altra Casa, une structure d’aide aux enfants et aux jeunes mères en difficulté et enfin à la création d’un studio d’enregistrement. 37 En 1991, une recherche effectuée par C. Leggieri permet l’identification et la cartographie des hypogées funéraires, localisés au nord de la cité antique. 9 touristique38. Le patrimoine non protégé ou à « révéler », fait souvent l’objet d’une attention forte de la part de ces associations (Glévarec, Saez, 2002, p. 149). L'insertion touristique de la Sanità vers l'extérieur se fait également grâce aux coopératives, telle celle du « Rione Sanità », née en 2006; elle se donne comme mission la valorisation de toutes les activités artisanales et touristiques propres à la ville de Naples et en particulier au quartier Sanità39 ». Elaborant en 2008, avec le soutien de la IIIe Municipalité, un premier guide touristique sur le quartier, édité à 3000 exemplaires, « Il sole, tra i vicoli », elle s’investit activement dans les visites guidées du Mai des Monuments 2009. Cette petite structure emploie quelques guides touristiques, en partie issus du quartier, et, ouvre son champ d'action sur l'extérieur en offrant des visites guidées de Naples et de sa région, en ciblant des clientèles variées. La plupart de ces associations, pour rompre leur isolement, face au mutisme traditionnel des acteurs publics, structurent leur action autour de réseaux de relations personnelles. Le quartier est ainsi marqué par l’existence de réseaux informels agissant sur le territoire, comme la rete Sanità40. Ce réseau d’associations et d’individus, structurés autour du Père Alex Zanotelli, regroupe une grande diversité d’acteurs mobilisés sur le terrain, autour de questions économiques, sociales et quotidiennes. Cette coordination d’acteurs malgré sa faible visibilité apparente, possède un réel ancrage sur le territoire et constitue une force d’initiatives, prête à un dialogue avec les pouvoirs publics mais, se refuse à toute idée d’investissements privés dans le quartier. Ce fonctionnement en réseaux reposant sur des relations personnelles est aussi celui effectué par l’association Vergini - Sanità, dirigée par un architecte. Cette dernière essaie de fédérer depuis 2009, les actions à l’échelle du quartier, en vue de sa requalification. Née dans le cadre de l’appel à projets lancé par la Commune de Naples, autour du « Grand Programme Centre Historique patrimoine Unesco », cette petite association a tenté de concevoir un « programme intégré de requalification de la zone, par la valorisation des ressources existantes41 ». Elle a cherché à établir un partenariat entre les acteurs agissant sur le territoire, en créant un comité de coordination et en y associant 45 « sujets » (Figure n°4). Malgré l’abandon de l’appel à projets par la Commune de Naples en 2011, l’association élabore et produit la première carte touristique de l’aire , tirée à 5000 exemplaires en mai 2011 et rééditée en 2013. Elle organise des manifestations culturelles de quartier entre 2009 et 2010, destinées à promouvoir et à coordonner les actions. Elle repense aujourd'hui ses modes d’action, suite à l’abandon du Projet PIU Europa et aux financements européens. Elle devient un outil incontournable du dialogue avec les institutions locales. Ainsi, le 14 Décembre 2012, elle participe à l’organisation d’un colloque42 sur l’aire Vergini - Sanità, mobilisant des universitaires, l’Ordre des Ingénieurs, des associations de quartier et les acteurs institutionnels, pour relancer les propositions de requalification de la Sanità, en recourant aux fonds européens du FESR (2014 - 2020). En mai 2013, elle s’apprête à signer un protocole d’accord43 avec ses partenaires, pour entériner les propositions. 38 Il organise un parcours de deux heures chaque fin de semaine dans le quartier, à partir des murs grecs situés hors de la zone et amène les visiteurs à découvrir l’hypogée des Togati. L’association ne compte que quatre membres et le bien reste de propriété communale. C. Leggieri a estimé la fréquentation annuelle du site à 1000 visiteurs par an. 39 Archives Commune de Naples, Mai des monuments 2009, fiche de présentation de la coopérative. 40 Elle regroupe 25 à 30 associations (Ozanam, la Casa dei Cristallini, il Centro di Solidarietà, Centre Adler, Rione Sanità…) dans des réunions informelles concernant la vie du quartier et ses problématiques. 41 Document, 2009, Grand Programme Centre historique Patrimoine Unesco. 42 Le thème de la rencontre : « Oltre le Mura : l’area Vergini - Sanità : dalla necropoli al borgo » (Au delà de l’enceinte, l’aire Vergini – Sanità : des nécropoles au bourg). 43 Protocollo d'Intesa per interventi di tutela e valorizzazione del Patrimonio Culturale dell’area urbana denominata “Vergini-Sanità”, Bozza, mai 2013. 10 Figure n° 4 : Patrimoine et valorisation touristique de l’aire Vergini - Sanità 11 Dans ce quartier longtemps abandonné par les pouvoirs publics, le tissu associatif particulièrement actif, a fait de la revendication patrimoniale, un investissement identitaire, en référence principalement au local, au quartier - une échelle à laquelle les individus déclarent souvent leur sentiment d’appartenance. Le quartier est donc révélateur du jeu actif des associations, autour d’un processus de patrimonialisation. Ce processus de réappropriation, de reconnaissance et de mise en valeur d’édifices et d’espaces hérités, constitue une forme de marquage et d’appartenance à un territoire, qui passe en partie par la création d’itinéraires touristiques et de visites guidées (Veschambre, 2008). Le patrimoine acquiert ainsi une valeur économique. Son usage comme ressource, est favorisé par sa mise en tourisme, comme avec l’exemple des catacombes. Pour certaines des associations, l’enjeu économique devient prépondérant, bien avant la dimension cognitive, culturelle ou éducative qu’il peut revêtir. Le dialogue récent engagé par certaines de ces associations, avec les acteurs institutionnels, traduit des changements en cours et, notamment le nouvel intérêt suscité par ce quartier dit « sensible ». Le patrimoine peut donc contribuer à l’affirmation dans l’espace public, de groupes ou d’individus, mais il ne faut pas que ce dernier perde dans ce processus sa singularité. 3. Du désintérêt des institutions à un investissement balbutiant : des actions ponctuelles à différentes échelles : L’aire Vergini - Sanità, longtemps parent pauvre des politiques urbaines, bénéficie à partir des années 1990, de l’attention des pouvoirs publics à travers la mise en œuvre du Programme d’Initiative Communautaire Urban44, financé par les fonds européens. Celui - ci a démarré officiellement en 1995-1996, et a concerné en premier lieu les questions sociales et l’emploi, avec pour objectif une requalification économique, sociale et urbanistique des quartiers en crise, dans des villes de plus de 100.000 habitants45 (Froment, 2001). Il s’effectue dans un contexte précis de relance et de requalification du centre historique, voulu par les pouvoirs publics (Rossi, 2009, p. 168). Dans le Rione Sanità, les interventions prévoient pour partie, la requalification de l’aire, notamment par l’entretien et l’aménagement des places, de rues et de voies autour de la via Vergini et de ses prolongements46. Les effets du programme URBAN dans le quartier sont toutefois très circonscrits et se sont estompés assez rapidement. Sa transformation par des aménagements matériels et physiques, fut sans effet réellement durable. D’autres projets portés par la Commune, émergent de 2006 à 2011, relatifs à la valorisation du centre et la mise en œuvre du plan de gestion du Centre historique UNESCO. Mais leur concrétisation est plus aléatoire. L’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité de centre - droit à la Région en 2010, conduit à l'abandon précipité de certains de ces projets. En mars 2011, le nouveau gouverneur de la Campanie, réduit les financements destinés à la requalification du centre historique et décide de concentrer les interventions sur l’aire des Decumani. Initialement dans le projet PIU EUROPA, 10 millions d’euros étaient prévus pour la requalification de l’aire Vergini - Sanità, dont 1 million pour le musée de Totò. Malgré le désengagement des acteurs institutionnels, la nouvelle équipe municipale, élue en juin 2011, semble vouloir renouer le dialogue avec le territoire et les quartiers « sensibles ». Sur le plan du tourisme et de la valorisation patrimoniale, le nouvel assesseur au Tourisme et à la Culture, Antonella di Nocera, se veut à l’écoute du territoire, dans un contexte de difficultés financières croissantes, limitant les politiques menées47. Des rencontres ont eu lieu avec le tissu associatif et les écoles48. En juin 2012, dans un rapport sur 44 Il a concerné 118 puis 70 zones urbaines sur les périodes 1994 - 1999 et 2000- 2006. les 42 millions de lire alloués, 19% sont destinés à la création de nouvelles activités économiques ou au soutien du tissu productif existant (mesure 1), 10,9% des financements concernent la formation et l’emploi local (mesure 2) et 54% visent à l’amélioration des infrastructures et de l’environnement (Comune di Napoli, 1997). 46 Le projet prévoit l’amélioration du système de circulation dans l’aire de via Vergini et celle de l’illumination publique, le développement des aires piétonnières, l’amélioration du revêtement au sol et l’aménagement du mobilier urbain. Trois portions du territoire doivent faire l’objet de ces aménagements. Seule, l’aire des Vergini et la place de la Sanità ont subi des transformations effectives. Des travaux ont été réalisés dans le Palazzo dello Spagnolo, afin d’y créer le musée de Totò (célèbre acteur de théâtre et de cinéma, né à la Sanità), mais ils sont restés inachevés. 47 La Commune de Naples a été déclarée à l’automne 2012 en « pré - krach financier », avec une dette s’élevant à près de 1 milliard 300 millions d’euros. 48 Une première réunion publique a été organisée le 23 février 2012, dans le bourg des Vergini entre la IIIe Municipalité, le monde des associations, les habitants et des représentants de la Commune. Les associations y ont exprimé leurs attentes. 45 Sur 12 les politiques culturelles, elle a rappelé la nécessité de s’appuyer sur les particularités des quartiers et leur tissu social, pour favoriser la renaissance culturelle de la ville. L’aire est donc perçue comme un espace riche sur le plan patrimonial. La mise en valeur du patrimoine puis sa mise en tourisme, peuvent apparaître comme une réponse volontariste de la part des acteurs, afin de prendre en compte ce patrimoine, pour en tirer le meilleur parti (Gravari - Barbas, 1997). L’aire Vergini- Sanità fait désormais l’objet de l’attention des politiques touristiques locales et apparaît « mise en scène » dans les documents produits par la Commune, comme sur son site internet49. Parmi les quinze nouveaux itinéraires de découverte de la ville, conçus à titre informatif par les services du tourisme de l’assessorat, deux d’entre eux concernent le quartier : « la promenade extra-moenia : Vergini et la Sanità » et « les sous - sols de Naples ». L’ouverture d’un centre d’information Piazza Cavour, à l’occasion du Mai des monuments 2012, doit contribuer d’ailleurs, à réorienter les flux touristiques, vers ce quartier (Figure n°4). Mais la perception et l’image du quartier doivent se modifier50 et il faut encore améliorer l’accessibilité, la sécurité et les services proposés aux touristes. A un autre échelon intermédiaire, la IIIe Municipalité cherche elle aussi, à valoriser le patrimoine du quartier. Même si le tourisme ne relève pas réellement de ses compétences51, des actions ont été menées pour donner une plus grande visibilité à l’ensemble de la zone, dès la période 2006 - 2011, sous le mandat d’Alfonso Principe52. L'équipe élue en 2011, veut promouvoir l’ensemble du territoire de la IIIe municipalité en y intégrant davantage la zone basse et le Rione Sanità. Une série de rencontres ont été organisées avec les associations du quartier53 et elles conduisent à une conférence organisée en mars 2012, sur les richesses du sous - sol de la IIIe Municipalité, réunissant les acteurs locaux, privés, associatifs et institutionnels. L’objectif est donc d’exploiter au mieux ces ressources, sur le plan économique et de promouvoir le territoire et le sens d’appartenance au territoire 54 . Un protocole d’entente 55 a été signé pour trois ans, avec un Institut professionnel pour impliquer les élèves dans des projets de connaissance de leur quartier, du patrimoine et des actions de promotion touristique et d’accueil. Par ces initiatives, les acteurs institutionnels veulent faire de ce patrimoine, un instrument de requalification et enrayer le cercle vicieux du « décrochage scolaire » et ses effets56. L’aire est donc l’objet de l’investissement balbutiant des acteurs institutionnels, à des degrés divers. En dépit des carences qui fragilisent son développement, elle apparaît particulièrement convoitée. La gestion difficile du cimetière des Fontanelle et les rivalités apparues entre les acteurs du territoire autour de ce site emblématique, révèlent l’importance des enjeux à la fois symboliques, sociaux et économiques de cette patrimonialisation. 4. La gestion du cimetière des Fontanelle : un enjeu symbolique, patrimonial et touristique. Le cimetière des Fontanelle est un lieu emblématique, devenu le symbole de cette patrimonialisation à l’œuvre dans le quartier. Ce site, implanté dans une carrière de tuf désaffectée de la via Fontanelle, où furent ensevelies les dépouilles des pestiférés de 1656 et des victimes de la famine de 1764 (Ferraro, 2007), est le 49 La nouvelle brochure produite en 2012 (Visit Napoli) et le site internet de la Commune de Naples valorisent le patrimoine abondant du quartier et les itinéraires touristiques (« Il Miglio sacro », il rione Sanità). 50 Entretien de l’auteur avec Dolorès Anselmi, chef de bureau de l’assesseur au tourisme et à la culture de la Commune de Naples, le 20 mars 2012. 51 Leurs compétences relèvent de la voirie, des activités sociales d’assistance, des activités concernant le sport, la culture et l’école à l’échelle locale et de la gestion des services administratifs. 52 Les initiatives ont été centrées sur la zone haute de Capodimonte et des Colli Aminei (élaboration de guides touristiques concernant le Rione Sanità et l’ensemble de la circonscription « Guida della collina di Capodimonte » ; organisation d’initiatives culturelles comme le Forum de la colline de Capodimonte). 53 Une consultation organisée par la IIIe Municipalité a pour but de recenser les diverses associations, agissant dans le quartier. 54 Entretien de l’auteur le 2 mai 2012, avec Giuliana Di Sarno, Présidente de la IIIe Municipalité. 55 “Protocollo d’Intesa tra Municipalità 3 e Istituto Caracciolo, relativo alla valorizzazione del patrimonio artistico culturale del territorio municipale”, Prot. N° 1343, Del. 03 avril 2012. Un autre protocole a été signé avec un établissement hôtelier de Capodimonte. Il s’agit de faire connaître le patrimoine oeno-gastronomique et les spécificités du territoire et préparer les élèves à l’accueil. 56 Le 3 mai 2013, une visite guidée au cimetière des Fontanelle est organisée pour le maire de Naples, par les élèves de l’Institut Caracciolo pour inaugurer ce projet. 13 principal ossuaire de la ville de Naples. Il est un lieu de sépulture attesté jusqu’à la fin du XVIIIe, devenu lieu de culte. Il est lié à des pratiques de dévotion et de religiosité populaires, qui se sont maintenues tout au long du XXe siècle57. A partir de 1986, un groupe de jeunes de l’association I Care, sous la houlette du prêtre de la paroisse, E. Gervasone, organise les premières visites guidées. Mais l’ouverture du cimetière reste aléatoire, en dépit des travaux de restructuration et de consolidation effectués dans les années 200058. Dans ce contexte, le lieu s’affirme comme un enjeu important entre les acteurs du territoire, témoignage de cette volonté d’appropriation et d’affirmation identitaire, autour d’un lieu de dévotion, véritable bien patrimonial. En mai 2010, au cours de la manifestation culturelle du Mai des monuments, quelques associations du quartier59 et certains habitants, réunis autour des figures emblématiques du quartier, décident l’occupation du cimetière pour protester contre son habituelle fermeture. L’entrée du cimetière est occupée sous la forme d’un « sit - in » pendant plusieurs jours, sans pour autant en interdire l’accès aux visiteurs et aux habitants. Des visites guidées sont même organisées à titre gratuit, pendant plusieurs mois. La Commune reconnaît la légitimité des revendications avancées et officialise donc l’ouverture du site. Cet événement marque symboliquement une revendication identitaire autour d’un bien patrimonial60, d’autant que derrière l’ouverture et la gestion du site se profilent des enjeux économiques et financiers importants. Le cimetière apparaît comme le lieu d’affrontement entre les acteurs du territoire. Des rivalités latentes et des oppositions feutrées, ont surgi quant à la gestion du site. L’indécision de la Commune, suite à l’occupation, accentuant peut - être les conflits d’acteurs. L’arrivée de la nouvelle équipe municipale en juin 2011, permet la relance du dialogue avec le monde associatif. Néanmoins, la Commune consciente des enjeux, tarde à adopter une décision définitive. Le cimetière est ré-ouvert et l’accès y est gratuit. Ce dernier est géré par une société de services, liée à la Commune. La question de la gestion n’a toutefois pas été tranchée par les acteurs institutionnels et laisse en suspens de nombreuses interrogations. Certains souhaiteraient qu’elle soit confiée à des associations de quartier. On envisage également la mise en place d’un billet payant. Nombreuses sont les associations à intégrer le lieu dans des visites guidées et dans leurs offres touristiques61. Une lutte sourde semble donc opposer acteurs associatifs, issus ou non du quartier, car le site draine de nombreux visiteurs et touristes, notamment italiens. Aux yeux de certains observateurs, la Paranza bénéficie d’une légitimité pour que lui soit confiée la gestion du site62, mais cela aiguise les rivalités associatives. Cette question fait également l’objet de frictions plus ou moins ouvertes, entre les acteurs publics. Elle devient le moyen d’expression d’une affirmation politique, à un échelon intermédiaire. La IIIe Municipalité, bien avant l’occupation de 2010, a réclamé la réouverture du site et a regretté l’absence de dialogue avec l’administration centrale, à ce sujet. Elle a pris conscience de la valeur du bien pour le quartier63 et souhaite une solution quant à sa gestion. A partir de 2011, la nouvelle équipe au pouvoir, multiplie les initiatives désapprouvées d’ailleurs par certaines associations- et met en avant le rôle des écoles dans un projet de sensibilisation au territoire et au patrimoine. 57 Un culte populaire est né au XIXe pour ces ossements anonymes. Les fidèles y voient les restes d’âmes du Purgatoire nécessitant leurs soins et leurs prières. De nombreux crânes sont ainsi « adoptés » et placés dans des caissons. En 1969, un décret du tribunal ecclésiastique en interdit la pratique. Il va donc disparaître progressivement. Le cimetière est alors abandonné pendant de nombreuses années. 58 Le cimetière est mis en sécurité et restructuré au cours de travaux dès 2002. Il n’est ouvert qu’exceptionnellement au cours du Mai des monuments. 59 Une cinquantaine de personnes et de nombreuses associations, réunies autour de la Paranza, de la « rete sanità », du père Alex. Zanotelli, des jeunes de l’association I Care, de l’association Insorgenza et du comité de la zone San Gennaro, ont participé à cette occupation. Ce dernier, né en 2008, lors de l’occupation du Parc San Gennaro a participé à la mise en place d’expériences d’autogestion et d’initiatives socio- culturelles dans le quartier. 60 A l’entrée du Cimetière des Fontanelle, une plaque a été apposée par le comité «le anime pezzentelle » :« le 23 mai 2010, les habitants du Rione ont ré-ouvert le cimetière des Fontanelle à la ville et au monde ». 61 L’association Mani e Vulcani en a fait un argument de promotion. Une campagne de publicité dans le métro parthénopéen, organisée en 2013, met en avant le cimetière et la « Naples des mystères ». 62 Cet avis est en général partagé par les associations du quartier, même si l’on évoque souvent les ambitions « hégémoniques » de la Paranza. En 2011, la création d’un comité du sous - sol de Naples (« Comitato del sottosuolo di Napoli »), est l’occasion pour la coopérative, de réaffirmer ses intentions. Il s’agit de mettre en place un réseau d’associations oeuvrant à la valorisation des richesses du sous - sol parthénopéen, par le biais d’un billet intégré et de structurer l’action associative, pour disposer d’un plus grand poids auprès des institutions. Le directeur des Catacombes cherche à utiliser cet instrument pour renforcer sa légitimité et obtenir que la gestion du cimetière soit confiée à ce collectif. 63 Compte - rendu manuscrit des délibérations du conseil de la municipalité de San Carlo All’Arena, du 2 septembre 2009 ; du 13 octobre 2009 ; 9 décembre 2011 ; 12 mars 2010 ; 27 avril ; 17 février 2012 ; 14 Au delà du consensus construit autour du processus de patrimonialisation, des conflits peuvent donc surgir autour de la gestion d’un site patrimonial (Gravari - Barbas, Veschambre, 2003). Les logiques qui s’opposent ici, ne sont pas celles relevant de la préservation ou de la mise en tourisme. Le conflit d’intérêt naît entre les types d’acteurs chargés de cette mise en tourisme, entre les associations et les acteurs institutionnels. Cela reflète les enjeux symboliques, sociaux et économiques de cette patrimonialisation. Le patrimoine est perçu par tous, comme une ressource économique indéniable pour le quartier. Pour certains des acteurs, la mobilisation patrimoniale a revêtu également une dimension politique, significative de leur intervention dans l’espace public. Pour les associations du quartier, elle a aussi une dimension identitaire forte. Mais, ces derniers ont établi des relations inégales avec les pouvoirs publics, empreintes de scepticisme et de méfiance. Le dialogue est par conséquent difficile. Le développement touristique du quartier reste pour l’instant fragile et aléatoire, à cause des pesanteurs et des retards en matière économique, en matière d’infrastructures et de qualité de vie. La population, engluée dans ses difficultés quotidiennes, est encore peu sensible à cette valorisation touristique et patrimoniale. Les participants aux visites guidées sont bien souvent extérieurs au quartier, résidents locaux, Italiens plus rarement touristes étrangers. L’impact économique du tourisme en matière d’emplois, semble encore limité. Néanmoins, cette valorisation touristique et patrimoniale est perceptible sur le plan du discours et des images64, même si les nombreux stéréotypes à propos du quartier, persistent. Les acteurs de cette valorisation patrimoniale et touristique, sauront- ils dépasser leurs conflits, pour réellement initier cette requalification et créer une véritable synergie ? Sources: - Comune di Napoli, Programma URBAN, UE, Quartieri spagnoli, Rione Sanità, 1997, 28 p. - Comune di Napoli, 2002, Rapporto finale di esecuzione, URBAN, 27 p. - Comune di Napoli, 2011, Profilo di Comunità. Municipalità 3- Distretto 29, Stella- San Carlo all’Arena 2010 - 2012, Alfredo Guida Editore, 49 p. - Guida alla Città in Mostra, Monumenti Porte aperte, 9 - 10 maggio 1992. - Grande Programma Centro Storico Patrimonio Unesco. 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