est-elle une innocente marotte, une science, ou une pratique

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est-elle une innocente marotte, une science, ou une pratique
L’astrologie
est-elle une innocente marotte, une science,
ou une pratique divinatoire?
Pierre North, astronome à l’Institut d’astronomie de l’Université de
Lausanne, sonde la nature de l’astrologie en examinant son histoire,
ses méthodes et ses affirmations, et surtout ses présupposés spirituels.
Le «Petit Larousse Illustré» (1997) définit l’astrologie
comme un «art divinatoire fondé sur l’observation
des astres, qui cherche à déterminer leur influence
présumée sur les évènements terrestres, sur la destinée humaine».
L’astrologie est très largement répandue dans notre
société, à tel point que ses détracteurs - car elle est
controversée - se font rares. Ceux qui ne croient pas
à l’astrologie y opposent plutôt un scepticisme amusé, mou et distrait, comparant cet «art» à une innocente drogue douce; beaucoup la considèrent comme sans réelle valeur, mais lui attribuent une utilité
sociale puisqu’elle contribuerait, selon eux, à répondre aux besoins psychologiques et spirituels
de la population.
a côtoyé l’astrologie sans nécessairement lui être liée,
et il est même probable qu’elle l’ait précédé.
Remarquons aussi qu’une astronomie gratuite, dépourvue de préoccupations utilitaires ou religieuses,
et motivée essentiellement par la curiosité (comme
aujourd’hui) s’est développée en Grèce dès le 3e
siècle avant J.-C., avec Aristarque de Samos, Eratosthène de Cyrène puis, plus tard, avec Hipparque
(2e siècle avant J.-C.). Il est donc faux de prétendre,
comme on le fait souvent, que l’astrologie aurait été
la «mère» de l’astronomie et que celle-ci lui devrait
un honneur filial.
Mais en quoi consistait l’astrologie de l’époque? Il
s’agissait d’établir des correspondances entre les évènements célestes et terrestres, en se limitant aux
destinées du roi et de son royaume.
L’astrologie dite «généthliaque», qui consiste à définir
le caractère, les inclinations et l’avenir d’un individu
en fonction de son horoscope (carte du ciel visible
au lieu et à l’instant de sa naissance) était alors inconnue. Elle n’est apparue qu’au 5e siècle avant J.-C. avec
l’astrologie gréco-égyptienne, dont le «canon»
a été plus ou moins fixé par l’astronome Claude Ptolémée d’Alexandrie dans son «Tetrabiblos», au 2e
siècle de notre ère.
L’opposé de toute science
De nombreux astrologues (en particulier Elisabeth
Teissier) considèrent leur art comme une science
digne de figurer au programme des cours universitaires, au même titre que les sciences naturelles ou
humaines. Car en France,l’astrologie a été exclue de
l’Université par Colbert, en 1666, à l’occasion de la
fondation de l’Académie des Sciences.
Ce point de vue est-il justifié? Pour répondre à cette
question, il faut définir ce qu’est une science: c’est
l’observation rigoureuse de la nature, accompagnée
d’une réflexion théorique qui cherche à trouver des
liens entre les phénomènes, ceux-ci étant supposés
régis par des lois. Une science évolue donc, au gré
des connaissances et des réflexions accumulées, car
certaines idées doivent être rejetées au profit de modèles ou de théories mieux adaptés. Or, il est absolument clair que l’astrologie ne répond pas du tout à
cette définition, ne serait-ce que parce qu’il s’agit
d’une doctrine figée une fois pour toutes et dont les
règles sont arbitraires.Une foule d’objections,relevant
du simple bon sens, montrent son inanité, et il est intéressant de signaler que bon nombre d’entre elles
avaient déjà été soulevées dans l’Antiquité, notamment par Cicéron.
A ne pas confondre avec l’astronomie
Il est intéressant de remarquer que Ptolémée faisait
déjà une distinction claire entre l’astronomie,qui était
alors la science du mouvement des astres, et l’astrologie, qu’il considérait comme beaucoup plus conjecturale. Bien avant lui, les Juifs considéraient les astres
comme servant uniquement à «marquer les temps,
les jours et les années», et à «éclairer la Terre» (Genèse 1, 14-18).Autrement dit, la science du calendrier
Aujourd’hui, les connaissances astronomiques rendent ces objections encore plus accablantes. On sait
maintenant qu’aucune des quatre forces fondamentales de la physique ne peut rendre compte
d’une quelconque influence des astres sur les êtres
vivants: seule la gravitation a une portée suffisante.
De plus, trois planètes (Uranus, Neptune, Pluton) ont
été découvertes dans les temps modernes, et les astrologues les ont incorporées aussitôt à leurs horo-
Une pratique ancienne
Les astrologues aiment faire remonter leur art à la
plus haute Antiquité. Il est vrai que l’on retrouve des
traces fort anciennes dans la Mésopotamie de la fin
du 3e millénaire avant notre ère, à l’époque de Sumer, puis d’Akkad et de Babylone.Les Chaldéens,qui
s’établirent à Babylone dès le 7e siècle avant J.-C., pratiquaient l’astrologie avec tant de zèle que le terme
«chaldéen» devint synonyme d’«astrologue».
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scopes en leur inventant une influence qu’elles
n’ont pas. En effet, si l’astrologie résultait d’une étude millénaire de l’influence des planètes sur les
hommes, comment aurait-elle pu fonctionner dans
l’Antiquité qui l’a fondée, alors même qu’il lui manquait le tiers de ses clefs, c’est-à-dire trois planètes
sur dix (le soleil et la lune sont considérés par les
astrologues comme des «planètes», en ce sens
qu’ils se déplacent par rapport aux étoiles). Et qu’en
est-il des satellites de Jupiter et d’autres planètes, et
des milliers d’astéroïdes qui gravitent entre Mars et
Jupiter? Pourquoi négliger leur influence? On peut
mentionner encore le fait qu’il n’y a pas douze
constellations le long du zodiaque, mais treize (les
astrologues oublient Ophiucus!) et la précession
des équinoxes, qui a produit un décalage entre le
signe astrologique (défini par l’époque de l’année)
et la constellation correspondante: le signe du Bélier est actuellement dans la constellation des Poissons, et sera plus tard dans celle du Verseau! Les astrologues prétendent en général que cela n’a
aucune importance, car ils se basent sur le signe (du
moins certains d’entre eux) et non sur les étoiles;
mais les mêmes se basent subitement sur les étoiles
dès qu’il s’agit de définir la fameuse «ère du Verseau»!
Fondamentalement, l’astrologie est basée non pas
sur la démarche scientifique, mais sur le raisonnement analogique cher à toutes les «sciences» occultes. C’est pourquoi elle est et restera à jamais à
l’opposé de toute science vraie. Rien n’empêcherait
un astrologue novateur d’inventer une astrologie
basée sur les satellites de Jupiter,par exemple, et il
obtiendrait autant de succès que les autres. Il existe
d’ailleurs déjà plusieurs astrologies, dont l’astrologie
chinoise, et aucun astrologue ne s’est jamais préoccupé de vérifier si l’horoscope établi dans l’une
coïncide bien, pour une personne donnée, à celui
établi dans l’autre. Le seul point commun qu’a l’astrologie avec la science est peut-être le postulat
d’une harmonie à l’échelle cosmique; celle-ci se manifeste dans les sciences par l’universalité des lois
physiques mais ne concerne pas directement l’homme, si ce n’est qu’il est «poussière d’étoile», selon la
jolie expression d’Hubert Reeves.
Quels fondements spirituels?
Montrer que l’astrologie n’est pas une science est
certes important, mais ne vise pas vraiment l’essentiel, car les vraies prétentions de l’astrologie sont
beaucoup plus larges et touchent l’homme au niveau spirituel.
Dans son livre «Connaissance de l’astrologie»
(Seuil, 1975), l’astrologue André Barbault proclame
que «...l’homme et le monde sont un, et... conscience et objet n’y ont d’existence que l’un par l’autre»
(p. 119); «L’homme étant lui-même indissociable de
ce milieu continu dans lequel il baigne, indissociable
de cet homme et de cet univers est aussi, du même
coup, sa propre pensée» (p. 109); «L’astrologie est
donc... un système créé par l’âme humaine pour
l’âme humaine» (p.110); on voit ici le fondement de
tout ésotérisme et de toute gnose: l’homme fait
partie intégrante de l’univers, sans y avoir aucun statut privilégié, donc aucun recul face à l’objet de son
étude. Cette conception a déjà de graves conséquences épistémologiques, puisqu’elle compromet
l’entreprise scientifique et explique l’irrévocable antinomie entre astrologie et science; mais elle a encore de lourdes conséquences morales et spirituelles, puisque selon elle, l’homme n’est redevable
à aucun Dieu: il se voit alors contraint de se diviniser lui-même, car il ne peut échapper à son besoin
religieux.
La manière dont Barbault présente l’astrologie à la p.
101 du même livre est extrêmement intéressante:
«Lorsque le néophyte se met à apprendre l’astrologie, aux premiers pas de son aventure, la "tradition"
est là, invisible, silencieuse, anonyme, qui exerce sur
lui son pouvoir secret.Alors qu’il se croit parti pour
faire la conquête de cette connaissance, il ne se
doute pas que c’est elle qui va s’emparer de lui».
Autrement dit, tout astrologue se met inconsciemment au service d’une puissance qui le dépasse et le
manipule, et il ne s’agit pas là des propos exaltés de
quelque nostalgique de l’Inquisition: c’est l’aveu
même d’un astrologue réputé! Ce détail devrait faire réfléchir ceux qui considèrent complaisamment
«l’Art Royal» comme une innocente marotte.
Même ceux qui ne croient pas au surnaturel peuvent concevoir aisément que se plonger dans une
culture de mensonge ne laisse pas intact.
L’astrologie exploite l’illettrisme spirituel
contemporain
Il est parfaitement clair pour tout lecteur objectif
que toute la Bible condamne la pratique astrologique, dans l’esprit comme dans la lettre, que ce soit
de manière implicite ou explicite. L’astrologie y est
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assimilée à la divination - ce qu’elle est effectivement, même si certains astrologues s’en défendent et à l’idolâtrie ou à la prostitution spirituelle. Il suffit
de citer des textes explicites comme Deutéronome 18, 9-14, Esaïe 47, 13-14, Jérémie 10, 2. Mais certains astrologues exploitent habilement l’illettrisme
spirituel contemporain pour faire croire que leur
pratique est approuvée par Dieu: ces «mages
d’Orient» qui, selon l’Evangile de Matthieu, suivirent
la mystérieuse étoile et trouvèrent l’enfant Jésus,
n’étaient-ils pas des astrologues?Très vraisemblablement, ils l’étaient en effet. Mais ce texte, bien loin de
justifier l’astrologie, montre au contraire des astrologues bouleversés par un évènement inattendu et
transcendant, qui les appelle précisément hors de
leur pratique. Par sa grâce, Dieu les a rejoints en
leur signifiant la naissance du Messie dans leur langage (une étoile, ou une configuration céleste peut-être une conjonction de planètes - qui avait
pour eux une signification particulière), mais par la
suite, Il les inspira aussi directement par des songes.
Admirons ici le tact et l’intelligence de Dieu, qui
contraste avec le ton excessivement agressif
qu’adoptent certains ennemis de l’astrologie: si c’est
avec raison que ces derniers traitent l’astrologie
d’imposture, leur discours va souvent à fins
contraires, tant il est teinté de la jouissance triomphante du matador achevant le taureau.
Il peut paraître insupportable qu’une entreprise humaine aussi considérable et s’étendant sur des millénaires puisse en fin de compte s’avérer vaine. Et
pourtant, c’est bien le cas. En tant que recherche
d’une signification à l’univers et à la condition humaine, et en des temps d’ignorance, la démarche
pouvait être considérée comme respectable, bien
que caduque et dérisoire depuis que Dieu s’est révélé aux patriarches, à Moïse puis en Jésus. Par
contre, l’astrologie devient une imposture lorsqu’elle prétend apporter une réponse.
A lire:
«Peut-on se fier à son horoscope?», Robert Morey, Editions
ebv, 1992.
«Votre horoscope ne vous l’a pas dit», Charles Stohmer
Charles, Editions JVB Vernon-France, 1992.

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