Les économies d`échelle dans les parties d`un processus

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Les économies d`échelle dans les parties d`un processus
2000-15
Les économies d'échelle dans les parties d'un processus productif
et leur combinaison
Jean-Louis Peaucelle
Professeur à l’IAE de Paris
Résumé : Les économies d'échelle sont à l'origine d'un grand nombre de manœuvres stratégiques. Ce concept recouvre des effets de diverses natures. Effets techniques liés aux phénomènes physiques utilisés dans les unités de production. Effets organisationnels liés aux aléas.
Effets d'apprentissage. Effets de coûts fixes. Chacun de ces effets est étudié de manière théorique. Il est alors possible de calculer leur degré d'économies d'échelle. Cette mesure est faite
par l'élasticité de la production (output) par rapport au coût de production (input), comme le
font classiquement les économistes. Mais ici on ne considère que la part du processus qui subit
cet effet d'économies d'échelle. Au résultat de cette analyse, les économies d'échelle de chaque
partie d'un processus se combinent parce que les coûts s'ajoutent. Au-delà d'une certaine taille,
les déséconomies d'échelle, comme celles liées au fonctionnement de la structure, l'emportent.
Ainsi il existe une taille maximale des entreprises, malgré les économies d'échelle existant par
ailleurs.
Mots clés : économies d'échelle, apprentissage, coûts fixes, rendements croissants,
synergie.
Abstract: The economies of scale are at the origin of a great number of strategic operations.
This concept covers with the effects of various natures. Technical effects related to the physical
phenomena used in the production facilities. Organisational effects related to random phenomena. Effects of training by doing. Effects of fixed costs. Each one of these effects is studied in
a theoretical way. In each case, it is then possible to calculate the degree of economies of scale.
This measurement is made by the elasticity of the production (output) compared to the production cost (input), as do it classically the economists. But here one considers only the share of the
process, which undergoes this effect of economies of scale. With the result of this analysis, the
economies of scale of each part of a process combine because the costs are added. Beyond a
certain size, the deseconomies of scale, like those related to the operation of the structure, carry
it. Thus there is a maximum size of the companies, in spite of the economies of scale existing in
addition.
Keywords: economies of scale, learning by doing, fixed cost, increasing return, synergy.
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Les économies d'échelle et la stratégie
Parmi d'autres, un déterminant de la stratégie des entreprises est fondé sur l'identification, la
construction et l'exploitation d'économies d'échelle. L'extension sur de nouveaux marchés, une
croissance, une fusion ont naturellement leur explication dans une «rationalisation» potentielle
qui permettra de réduire les coûts de production unitaires. L'entreprise, plus vaste, aura une
meilleure performance. Repérer les économies d'échelle potentielles est essentiel pour ensuite
en profiter, dans sa stratégie.
Ce concept est si souvent mis en avant pour interpréter les manœuvres stratégiques qu'il est
rarement mis en cause. Et si les économies d'échelle prévues n'étaient pas réalisables ? Et si les
déséconomies d'échelle l'emportaient ? Ces questions sont difficiles parce qu'on ne sait pas
toujours bien sur quel mécanisme sont fondées les économies d'échelle. Cet article a pour
objectif d'examiner, au niveau de l'entreprise, quelles sont leurs causes et leur ampleur. Ce sera
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un peu une liste, sans doute non exhaustive, des points où des économies d'échelle sont mobilisables et des limites qui peuvent y exister.
A propos des économies d'échelle (economies of scale), les économistes parlent plus souvent
de «rendements croissants» (increasing returns) pour un facteur particulier, en écho avec des
hypothèses de rendements de facteurs décroissants communément admises.
Le concept «d'économies de champ» ou «d'envergure» (economies of scope) apporte un
complément par une généralisation du cas de la production mono produit à celui d'une production diversifiée.
La notion «d'économies d'apprentissage» exprime un effet de rendement croissant du facteur
travail. L'effet est alors temporel par rapport à une quantité produite cumulée.
En gestion, plusieurs vocables sont utilisés. L'expression de «synergie» y fait directement
allusion mais elle est aussi en relation avec le concept d'économie d'envergure (scope). La
notion de «taille critique» y est aussi liée. En dessous d'un certain seuil quantitatif, les effets
d'économies poussent à la croissance pour diminuer les coûts unitaires. Au-delà, les coûts
unitaires varient peu. Les entreprises doivent atteindre cette taille critique.
C'est donc tout un ensemble de dénominations qui sont mobilisées autour d'un phénomène
fondamental qui opère comme un facteur de production gratuit.
Adam Smith [12] a le premier évoqué la possibilité d'économies d'échelle. La division du
travail suppose une quantité suffisante d'ouvrage pour spécialiser un ouvrier, à temps plein, sur
une tâche élémentaire. Plus les quantités à fabriquer sont importantes, plus la division du travail
est possible. Plus la division du travail est forte, plus l'habileté des ouvriers est grande et donc
plus la productivité est forte. Par ailleurs la mécanisation accompagne la division du travail et
augmente la productivité. En conséquence, l'étendue du marché crée des économies d'échelle.
En termes de politique économique, cela conduit à étendre les marchés d'une part en améliorant
les moyens de transport (routes, canaux, ports) et d'autre part en favorisant la liberté du
commerce, à l'intérieur et avec l'extérieur.
Notons que cet effet, tel qu'il est identifié par Smith, n'est pas mesurable parce qu'on ne sait
pas réellement qu'elle est l'ampleur de l'effet de la division du travail sur la productivité et qu'il
est, sans doute, fortement mélangé avec l'effet de la mécanisation. Cet effet opère par seuils.
Quand on a réussi à spécialiser une personne sur une tâche, l'accroissement de productivité est
observé et il n'y en aura plus jusqu'à un autre seuil quantitatif qui permettrait une nouvelle division du travail.
Les économistes consacrent encore nombre de travaux aux économies d'échelle. D'une part
pour les évaluer dans un pays, à une époque, par les techniques de l'économétrie (par exemple
pour la production d'électricité (Hisnanick et Kymn, 1999 [5]). D'autre part, ils étudient l'effet
des méthodes d'agrégation adoptées dans le recueil des données économiques (Basu et Fernald,
1997 [1]).
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La mesure des économies d'échelle
Les économistes définissent le concept d'économies d'échelle par rapport à la fonction de
production. Cette fonction exprime la production (quantité produite) selon les quantités de
facteurs utilisés pour produire. Ces facteurs sont classiquement le travail et le capital. Il y a
économies d'échelle si la production fait plus que doubler quand on double en même temps
chaque facteur de production. Les proportions des facteurs restent constantes.
Quand la fonction de production est de type Cobb-Douglas, Le degré d'économies d'échelle
est la somme des paramètres α et β de l'équation (voir annexe 1 page 15). Plus généralement, le
degré d'économies d'échelle est l'élasticité de la production par rapport aux facteurs, alors que
la proportion des facteurs ne se modifie pas.
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Quand on mesure l'élasticité de la production par rapport à un seul des facteurs de production,
le concept est celui de rendement de facteur, qui est considéré en général par les économistes
comme inférieur à l'unité (rendements de facteurs décroissants).
La définition de l'économie d'échelle est faite avec la fabrication d'un produit. S'il y a
plusieurs produits, la définition rigoureuse fait intervenir le concept d'économies de champ ou
d'envergure (voir annexe 2 page 16). Mais on peut remarquer que la différence entre les deux
concepts repose sur la définition de ce qu'est un produit et sur la manière de mesurer la taille. Si
les produits entre lesquels il y a économies de champ sont considérés comme un produit unique
et si la taille est mesurée par le chiffre d'affaires, les économies de champ se ramènent à des
économies d'échelle.
La question qui se pose est celle de savoir à partir de quand les produits peuvent être considérés comme identiques (mono produits) et à partir de quand ils sont différents (variété). Par
exemple, les produits d'une gamme commerciale de voitures comme la Mégane de Renault ont
beaucoup d'éléments en commun. Sont-ils un seul produit ou sont-ils plusieurs produits ?
Cette question correspond à celle de la mesure de la taille. Est-ce la taille des unités de
production, définie par la capacité des usines ? Est-ce la taille des machines ? Est-ce la valeur
ajoutée ? Est-ce l'ampleur d'un des facteurs de production (immobilisations ou effectifs
ouvriers) qui caractérise-t-elle la taille de l'usine ? De manière courante, on considère aussi la
taille de l'entité juridique en la mesurant par le chiffre d'affaires, les effectifs ou les immobilisations. Ainsi, selon les cas, la notion d'échelle prend donc des significations différentes. Ceci
constitue l'une des ambiguïtés du concept d'économies d'échelle.
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Les économies d'échelle par rapport à des coûts partiels
L'approche utilisée ici considère la fonction inverse de la fonction de production, la fonction
de coût d'une production donnée. La fonction de production relie production et quantités de
facteurs consommés. Ces facteurs ont des prix. Donc la fonction de production exprime quelle
quantité on peut produire, pour un coût total donné. La fonction inverse exprime quel est le coût
total d'une production donnée. Cette valeur est celle donnée par la comptabilité. La comptabilité
ne fournit pas la fonction mais un point de cette fonction, celui correspondant à la réalité et non
aux autres possibles.
Le concept d'économies d'échelle exprime que si on double la production, le coût total
nouveau est inférieur au double du coût antérieur. Le degré d'économies d'échelle est l'inverse
de l'élasticité du coût par rapport aux quantités.
Les gestionnaires ont l'habitude d'ajouter des coûts élémentaires. La comptabilité analytique
repose sur une décomposition de l'ensemble du processus de production en étapes (les sections
homogènes), où les coûts sont identifiés avec précision. Les étapes sont définies depuis la
conception jusqu'à la vente et l'après vente. La fonction du coût total d'une production donnée
peut être considérée comme la somme de coûts partiels. Chaque coût partiel correspond à une
partie du processus de production.
Il est ainsi possible de considérer les économies d'échelle d'une partie du processus productif.
On considère la fonction de coût de cette partie du processus et on calcule l'inverse de l'élasticité
du coût par rapport aux volumes.
Les économies d'échelle sur chaque partie du processus se combinent (voir annexe 3
page 16). L'inverse du degré d'économies d'échelle global est la somme pondérée des inverses
des degrés d'économies d'échelle partielles. La pondération est faite selon le coût respectif de
chaque partie du processus.
Cette approche permet de régler des questions qu'on a vues plus haut sur la définition de la
taille et sur les rendements de facteurs. Pour chaque partie du processus, il est possible d'adopter
une définition spécifique de la notion d'échelle.
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Par exemple, pour la Mégane de Renault, le véhicule est décliné en un grand nombre de
versions avec des couleurs et des options. Tous les véhicules se partagent une plate forme
commune. Pour les coûts associés à cette plate forme (conception et fabrication), la gamme est
homogène. Au contraire, les éléments de carrosserie sont différents pour la variante «Scénic»,
le «Coupé», la «Classic» et la «Berline». Pour les coûts associés, l'économie d'échelle doit être
définie par rapport aux quantités de chacune de ces variantes. Pour les couleurs, intervient une
autre définition de ce que sont les véhicules identiques. En séparant le coût total en coûts
partiels, associés à une partie du processus, où la notion d'économies d'échelle peut intervenir,
on adopte une définition de l'échelle pertinente pour chaque étape, notamment par rapport à la
technique du processus.
A une étape de production correspond un coût partiel. La manière dont varie ce coût partiel
exprime les économies d'échelle. Pour chaque étape, la variable de taille peut être différente.
L'intérêt de cette décomposition est de pouvoir focaliser sur les raisons des économies d'échelle
de la partie du processus concerné. Quand cette raison est suffisamment claire, il est possible de
construire un modèle où le degré d'économies d'échelle apparaît.
En définissant les économies d'échelle par rapport au coût, on efface la distinction que les
économistes font entre les rendements d'échelle (à proportion constante des facteurs) et les
rendements de facteurs définis sur un seul facteur. La variation de coût peut aussi bien venir
d'une variation de la quantité de travail qu'une variation de la quantité de capital. Si on veut
retrouver cette distinction, l'analyse des coûts dans la partie du processus concerné montre si un
seul facteur varie ou si tous les facteurs varient simultanément. Selon les cas il s'agit de rendements d'échelle ou de rendements de facteurs.
Ayant ainsi posé les principes méthodologiques, il convient d'examiner des parties de
processus typiques en gestion où il est possible de calculer des économies d'échelle. On examine
successivement les économies d'échelle techniques liées aux phénomènes physiques, les économies d'échelle liées à l'organisation pour faire face aux aléas, les économies d'échelle résultant
de l'apprentissage et enfin celles résultant de la constance de certains coûts. Cette liste ne
prétend nullement à l'exhaustivité.
Si ces économies d'échelle existent, pourquoi les entreprises ne croissent-elles pas indéfiniment ? Cette question est examinée de différentes manières. Tout d'abord on remarquera les interactions entre parties du processus. Les économies d'une partie du processus peuvent être
compensées par des déséconomies d'une autre partie, en fonction de la variable utilisée pour
exprimer les volumes. Plus généralement, la structure d'organisation crée des déséconomies
d'échelle [11].
Ainsi économies d'échelle sur une partie du processus productif et déséconomies d'échelle
sur une autre partie du processus se combinent. Les unes peuvent l'emporter sur les autres mais
il existe toujours une taille limite au-delà de laquelle, les déséconomies d'échelle partielles
imposent conduisent à des déséconomies d'échelle globales, quelles que soient les économies
d'échelle existant par ailleurs. Ce résultat démontré en annexe 13 page 22 est très important car
il établit une limite à la croissance des entreprises, malgré les économies d'échelle partielles.
Comme le disait Alfred Marshall [9], «les arbres ne montent pas jusqu'au ciel».
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Quelques économies d'échelle partielles
En examinant les parties du processus productif, on rencontre plusieurs types d'économies
d'échelle. Les premiers sont liés aux phénomènes physiques. Si le coût croît avec une dimension
de surface et que la capacité croît avec les volumes, il y a un effet d'économies d'échelle. Le
deuxième effet est lié à la mise en commun d'aléas indépendant, par une organisation plus
globale. Le troisième est liée à l'apprentissage, à l'accumulation progressive d'information. Le
quatrième est formé des frais fixes, souvent aussi de nature informationnelle.
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Les économies d'échelle techniques dans les cuves et dans les tubes
Tout d'abord, au niveau d'une machine, il existe des économies d'échelle techniques.
L'échelle est mesurée par la capacité de production, la quantité maximum que la machine peut
produire. Cette capacité de production est liée souvent aux dimensions de la machine. Un grand
nombre de machines se présentent sous la forme générale de cuves, c'est à dire d'enveloppes où
le produit est à l'intérieur. Un moteur est une enveloppe de la chambre de combustion où se
produit la transformation déterminant sa puissance. Un avion est une cuve où passagers et fret
sont enfermés.
Le coût de construction d'une cuve est souvent proportionnel à la surface extérieure. A forme
identique, la surface augmente comme le carré d'une dimension linéaire de la cuve. La capacité
de la cuve varie au contraire comme le cube de cette dimension linéaire. Ainsi donc, la relation
entre surface et volume conduit à des économies d'échelle par rapport à la capacité. Marshall [9]
signale cet effet dans une note de la fin du chapitre XI : «A ship's carrying power varies as the
cube of her dimensions, while the resistance offered by the water increases only a little faster
than the square of her dimensions». Le degré d'économies d'échelle lié à cet effet est de 1,5 (voir
annexe 4 page 16).
Cet effet d'économie d'échelle des cuves pousse les ingénieurs à augmenter la taille des
machines dès que la quantité à produire le permet. On observe cette tendance pour les moteurs,
les camions, les avions, les bateaux, l'industrie sidérurgique, les ballons (aérostats).
Ces économies d'échelle des cuves interviennent à chaque fois que des coûts sont proportionnels à des surfaces et la capacité dépend du volume. La diffusion de chaleur d'une cuve portée
à haute température est souvent une perte. Elle est proportionnelle à la surface. Une part des
dépenses d'énergie dans les hauts fourneaux présente donc ces économies d'échelle de degré 1,5.
La traînée d'un avion détermine une partie de la consommation de carburant. Elle est proportionnelle à la surface de la section. Cette fois ci, ce sont les coûts de carburant pour le vol horizontal qui présentent le même effet d'économies d'échelle de degré 1,5. C'est le même effet que
celui signalé par Marshall pour les navires.
Quand une des dimensions de la cuve est fixée, on parlera de tube, par allusion au fait qu'une
conduite relie deux points indépendamment de la largeur du tube. Un oléoduc est un tube. Les
économies d'échelle des tubes sont plus fortes (voir annexe 5 page 17). Le degré d'économies
d'échelle est de 2.
Les économies d'échelle des cuves et des tubes sont liées aux phénomènes physiques, à la
technique. Elles existent depuis toujours. Du point de vue économique, ce sont des rendements
du facteur « capital » puisque les machines apparaissent en immobilisation.
Haldi et Whitcomb (1967) [4] présentent la distribution des degrés d'économie d'échelle
observés sur 687 équipements industriels (voir tableau 1, page 5). Pour ces auteurs, les deux
tiers des cas correspondent approximativement au degré d'économie d'échelle résultant de l'effet
de cuves indiqué plus haut (qu'ils calculent de manière erronée comme étant égal à 2).
Tableau 1 : Répartition du degré d'économie d'échelle (d'après les observations de Haldi et
Whitcomb, 1967)
Degré d'économies d'échelle
observé
Pourcentage de cas concernés
(arrondis)
> 2,5
2 à 2,5
1,5 à 2
1 à 1,5
< 1 (déséconomies d'échelle)
10%
15%
40%
30%
5%
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Les économies d'échelle de mise en commun d'aléas indépendants
La deuxième catégorie d'économies d'échelle est liée à l'organisation, c'est l'ajustement entre
la demande, aléatoire, et la production fixée a priori selon des anticipations qui se réalisent ou
non. Ce phénomène est bien connu dans le cas des stocks.
La taille est ici mesurée par l'ampleur de la demande sur un produit spécifique. On suppose
une standardisation rendant interchangeables les articles (références). La quantité est donc un
nombre d'unités pour une période. La demande n'a pas de raison d'être prévisible. On la représente souvent avec les lois de probabilités. Si, à un moment donné, elle est trop importante, on
ne peut pas la satisfaire. On enregistre une perte (coût de rupture de stock). Si, à d'autres
moments, la demande est faible, on dispose de ressources inemployées. Le fait que ces
ressources soient inemployées est aussi une perte (coût de stockage et coût financier des immobilisations).
Les modèles de gestion des stocks proposent un arbitrage entre ces deux pertes. Le stock de
sécurité est calculé en fonction du coût de rupture et du coût de possession de stock. L'ampleur
de ce stock de sécurité dépend de la variabilité de la demande. Il est proportionnel à son écart
type.
Les économies d'échelle surviennent quand on met en commun les aléas indépendants. La
théorie des probabilités indique que la variance résultante de la mise en commun est la somme
des variances. Comme les ressources pour y faire face sont proportionnelles à sa racine carrée
(écart type), le degré des effets d'économie d'échelle est égal à 2 (voir annexe 6 page 17).
Les modèles de files d'attente proposent aussi d'arbitrer entre les capacités mises en place et
les délais de service. Là encore, la surcapacité est liée à la variabilité des arrivées. La mise en
commun des flux d'arrivée, comme dans les centres d'appels, entraîne une diminution des surcapacités nécessaires pour une même durée d'attente. Le degré d'économies d'échelle (voir annexe
7 page 18) est d'autant plus fort qu'on souhaite avoir un service rapide faisant rarement attendre
les nouveaux clients qui arrivent (voir tableau 2, page 6). Sa valeur diminue quand le nombre de
serveurs mis en parallèle devient important. Elle reste toujours supérieure à l'unité.
Tableau 2 : Degré d'économies d'échelle de mise en commun des attentes selon le nombre
de serveurs et la probabilité d'attente
Probabilité qu'un nouveau travail attende
Nombre de
serveurs
5%
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
5,84
2,6
2,02
1,78
1,64
1,56
1,49
1,45
1,41
1,38
1,36
1,34
1,32
1,3
1,29
1,28
10%
20%
degré d'économies d'échelle
4
2,16
1,77
1,6
1,5
1,43
1,39
1,35
1,32
1,3
1,28
1,27
1,25
1,24
1,23
1,22
2,7
1,76
1,53
1,42
1,35
1,31
1,28
1,25
1,23
1,22
1,21
1,19
1,18
1,18
1,17
1,16
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Ces économies d'échelle sont liées à l'organisation. Elles sont possibles si les demandes indépendantes peuvent être réunies sans dégrader la réponse qui y est faite. Les réseaux rapides de
transport physique facilitent la centralisation des stocks sur des zones plus vastes. Les réseaux
de télécommunication rendent possibles les centres d'appels pour répondre à une demande
venant de grandes zones géographiques.
Ces économies d'échelle permettent d'économiser sur le montant des stocks, c'est un rendement croissant du capital. Elles diminuent le nombre de personnes au guichet (centre d'appels)
c'est alors le facteur «travail» dont le rendement est croissant.
Une mesure est faite par Hughes et Mester [6] sur un échantillon de 286 banques américaines
en 1990. Ils observent un degré d'économies d'échelle de 1,06 à 1,16 selon les types de calculs.
Ces résultats sont toujours supérieurs à l'unité d'une manière statistiquement significative. C'est
ici la mise en commun de risques financiers qui génère ces économies d'échelle.
4-3
Les économies d'échelle liées à l'apprentissage
En produisant, on acquiert de l'information qui permet de mieux produire, de réduire les
coûts de main d'œuvre (learning by doing). La courbe d'apprentissage exprime cet effet sur le
facteur travail. Quand on parle de «courbe d'expérience», on considère le même effet sur
l'ensemble des coûts de fabrication.
Le concept d'apprentissage se distingue de l'effet des économies d'échelle parce qu'il relie la
baisse des coûts et la production cumulée, depuis le début de la fabrication. Le facteur mesurant
l'échelle est une intégration des flux de production depuis le début de la fabrication.
Le degré d'économies d'échelle dépend du facteur d'apprentissage (voir annexe 8 page 19).
Si le coût diminue de 5% quand la production cumulée double, le degré d'économies d'échelle
est faible, 1,08. Avec 20% de baisse, il se monte à 1,47. Avec 30% de baisse, le degré devient
supérieur à 2 (voir tableau 3, page 7).
Tableau 3 : Economies d'échelle associées à l'effet d'apprentissage
Baisse de coût si la
production cumulée
double
exposant de la
courbe
d'apprentissage b
degré d'économies
d'échelle
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
-0,074
-0,152
-0,234
-0,322
-0,415
-0,515
-0,621
-0,737
1,08
1,18
1,31
1,47
1,71
2,06
2,64
3,80
L'apprentissage est un effet informationnel. Chaque fabrication apporte une information
supplémentaire qui permet de faire baisser les heures de travail. En reliant simplement les
sources de cette information (la production supplémentaire) et les effets (la baisse des heures de
travail pour produire une unité), on retrouve la loi classique (voir annexe 9 page 19).
4-4
Les économies d'échelle liées aux frais fixes
Les économies d'échelle les plus fortes sont liées aux frais fixes. Il existe des dépenses qui
sont indépendantes des quantités, produites ou vendues. Cet aspect est bien connu dans le
concept de «point mort». Ces frais ne sont pas forcément les frais fixes de la comptabilité. Ils
peuvent l'être.
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Le coût partiel considéré ne varie pas avec les volumes. L'élasticité de ce coût fixe par rapport
aux quantités est nulle. Le degré d'économies d'échelle est l'inverse. Il est infini. C'est le degré
d'économies d'échelle le plus important. Evidemment, il reste des frais variables, notamment
pour la commercialisation. Ainsi, les économies d'échelle définies sur la totalité des coûts ne
sont pas de degré infini.
Les frais fixes sont très souvent liés à un phénomène informationnel. L'information produite
une fois est gratuitement reproductible pour un nombre d'usages indéterminé. Elle ne s'use pas
par son usage. Le droit de la protection intellectuelle assure le monopole d'exploitation de cette
information. Cependant, l'information gratuite, la connaissance publique, est aussi exploitée de
multiples manières, alors qu'elle n'a rien coûté à produire pour celui qui s'en sert.
La stratégie associée à ces frais fixes consiste à investir la totalité du marché potentiel.
L'entreprise disposant de tels effets diffuse sur le monde entier. Elle exploite le plus largement
possible le monopole d'exploitation de ces frais fixes.
Examinons quelques cas plus spécifiques comme les frais de R&D, l'industrie culturelle,
notamment le cinéma, les logiciels, l'espace temps de sécurité des véhicules.
4-4.1 Les frais de recherche et développement de produit
La mise au point d'un produit, en recherche et développement, est indépendante des volumes
produits. En conséquence, l'entreprise cherche à investir le marché le plus vaste correspondant
à ses produits. Elle organise ses ventes au niveau mondial. Elle cède des licences pour des
marchés qu'elle ne couvre pas. Elle tente d'allonger le cycle de vie de son produit avant de renouveler sa gamme.
Par exemple dans l'industrie pharmaceutique, les tests nécessaires à l'autorisation de mise sur
le marché ont un coût indépendant de l'ampleur du marché potentiel. Ainsi les «petites maladies», celles qui concernent un petit nombre de malades, ne donnent pas lieu à des recherches
de l'industrie privée. Les frais fixes ne seraient pas facilement couverts, même si le médicament
mis au point était très efficace.
Dans l'industrie automobile, toutes les étapes de conception correspondent à un coût fixes.
Le succès ultérieur du véhicule, la quantité produite, est un élément essentiel de la marge.
La compétition entre les firmes est de plus en plus dépendante des innovations. La recherche
développement devient donc un point essentiel. Les frais y deviennent considérables. Pour les
étaler sur des longues séries, la stratégie consiste, quand on ne domine pas le marché, à construire des alliances spécifiques sur cette étape (Joint Ventures). Le coût fixe de R&D est alors
mis en relation avec une quantité produite plus grande. Les parties prenantes conservent leur
autonomie pour la fabrication ultérieure. L'accord se fait parfois sur une production commune
avec commercialisation séparée.
Cet avantage informationnel est protégé par le secret ou par le droit des brevets. La protection
des créations intellectuelles procure une rente qui sert à procurer les ressources pour investir à
nouveau. Cet effet d'économies d'échelle a été signalé par Alfred Marshall [9], il y a longtemps
déjà. Ce rendement croissant concerne le facteur travail parce que le coût principal de la
recherche est constitué du temps des chercheurs.
4-4.2 Le cinéma et la production culturelle
L'industrie des biens culturels est souvent caractérisée par les frais fixes. Le cinéma au
premier rang, comporte des frais de production initiaux qu'il faut couvrir ensuite par les ventes
des droits de projection, dans les salles, à la télévision, en cassettes vidéo, en produits dérivés.
Les bénéfices dépendent essentiellement du volume des ventes.
Le risque de ces industries vient de l'impossibilité de prévoir le volume des ventes, le succès.
Certains biens offrent des bénéfices considérables, d'autres ne sont que des pertes. Les éditeurs
de disques, de livres, de jeux vidéo, comme ceux du cinéma savent que les anticipations du
succès forment l'essentiel du métier, et qu'on s'y trompe souvent. La faiblesse de ces industries
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vient de la difficulté à vendre à nouveau. Le client achète une fois le produit et une seule. Il
n'achète pas à nouveau le même livre. Il va rarement revoir le même film. La notion de série
tente de vaincre cette limite : revues périodiques, suite d'un film, référence aux œuvres précédentes de l'auteur, classement des ventes (hit parade), … Le client est censé avoir une fidélité.
Le succès des œuvres similaires antérieures l'aide à porter son choix sur celles qui suivent.
La production culturelle étant, avant tout, réalisée par des personnes, ces économies d'échelle
sont des rendements croissant du facteur travail.
4-4.3 Les logiciels
Les logiciels constituent typiquement une dépense fixe, indépendante de l'usage. Pour les
logiciels, l'usage est tout d'abord le nombre de fois où une instruction d'un programme est
exécutée. Le temps de cette exécution génère un coût, lié au coût de l'ordinateur lui-même. Mais
le coût de production de cette partie du logiciel, engagé antérieurement, ne varie plus. C'est un
coût fixe, indépendant du nombre de fois où la partie du logiciel est utilisée.
L'usage d'un logiciel est aussi le nombre de fois où on lance l'exécution d'un programme. Là
aussi le coût de production du programme ne varie pas avec l'usage. En revanche évidemment
il y a un coût proportionnel au temps consommé sur la machine et à l'assistance nécessaire pour
faire face aux difficultés éventuelles de fonctionnement.
L'usage d'un logiciel est enfin le nombre de machines sur lesquelles il est susceptible de fonctionner. Cet usage se mesure en installations. Là encore, le coût est fixe, sauf les frais d'assistance et d'installation. L'industrie des logiciels profite largement de ces économies d'échelle en
vendant des licences. Malgré un prix très faible, par rapport au coût qu'il faudrait engager pour
écrire à nouveau le logiciel, les fournisseurs font des profits fondés sur les économies d'échelle.
Ces économies d'échelle dans le domaine du logiciel ne se retrouvent pas dans l'exploitation
des centres informatiques. Or les coûts d'exploitation forment l'essentiel des dépenses informatiques. En conséquence, il ne semble pas y avoir d'économies d'échelle dans le service fourni
par les départements informatiques des entreprises (Gurbaxani, Kraemer et Vitalari, 1997 [3]).
Les logiciels sont produits par des personnes (informaticiens). Cette économie d'échelle est
un rendement croissant du facteur travail.
4-4.4 L'espace-temps de sécurité
Les contraintes de sécurité introduisent parfois des économies d'échelle analogues aux frais
fixes. Quand une voiture roule sur une autoroute, elle respecte une distance de sécurité par
rapport au véhicule qui la précède. Cette distance est largement indépendante de sa taille. Le
véhicule consomme un espace d'autoroute fixe, pour une vitesse donnée. Cet espace est un coût.
Dans le domaine ferroviaire, cet espace temps de sécurité est plus directement géré par
l'exploitant parce qu'il détermine la saturation des voies. Il est clair qu'il est presque indépendant
de la longueur du train. Pour augmenter la capacité d'une voie, à sécurité constante, on augmente
la longueur des trains, comme dans le tunnel sous la Manche.
Dans le domaine aéronautique, il existe de la même manière un espace temps de sécurité
autour d'un avion. Pour chaque aéroport, les créneaux horaires de décollage (slots) sont limités.
Cette ressource est objet de compétition entre compagnies. Elle constitue un droit dont le coût
est fixe. Il ne dépend pas de la taille des avions qui y sont affectés. La concurrence entre compagnies est focalisée sur ces droits d'atterrissage et de décollage sur les aéroports saturés. Ils
forment presque un actif des compagnies aériennes.
Ces économies d'échelle affectent les infrastructures. C'est un rendement croissant du capital
en tant que facteur de production.
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5
10
Les limites aux économies d'échelle
Sans que cette liste puisse prétendre à l'exhaustivité, on constate une large diversité d'effets
d'économies d'échelle. Si donc existent ces effets, où sont les limites à la croissance des entreprises ?
Il existe d'abord une limite générale, celle de la taille des marchés. En prenant la totalité d'un
marché, l'outil de production ne peut plus croître. Ici la distinction faite au début sur la variable
utilisée pour mesurer la taille est tout à fait essentielle. L'entreprise occupe des marchés spécifiques. En occupant la totalité d'un marché spécifique (créneau), elle peut rester de taille très
modeste. C'est l'émiettement des marchés qui limite la taille, la taille étant celle qui génère les
économies d'échelle sur la partie du processus concerné. La course à la grande dimension est
limitée par les besoins (les quantités à produire).
Il existe ensuite une limite technique à la taille des unités de productions. Les raisonnements
faits sur les cuves et les tubes négligent un grand nombre d'aspects techniques. Pour les gros
volumes, le poids de la cuve elle-même oblige à renforcer la structure de l'enveloppe. Donc, les
gains liés au rapport surface / volume disparaissent au-delà d'une certaine taille.
De plus, le coût de développement des grosses machines augmente considérablement à cause
du coût des essais et des risques afférents. La conséquence d'une erreur devient beaucoup plus
onéreuse. Sur l'exemplaire du livre de Marshall [9], datant du début du siècle, que j'ai lu en
bibliothèque, un lecteur n'avait pu s'empêcher de commenter la phrase citée au paragraphe 4.1
par ce simple mot «Titanic !». Pas de commentaire plus bref. Le risque limite la taille. Ainsi, la
dimension de l'équipement peut résulter d'un arbitrage entre son coût de fabrication et ses coûts
de développement. La taille de la série joue également un rôle. Si les équipements sont de très
grande capacité, pour un même marché, on en fabrique un moins grand nombre. L'économie sur
la longueur de la série devient moins importante.
En annexe 10 page 20, on montre cet arbitrage entre les économies d'échelle d'une cuve, les
coûts de développements croissant plus que proportionnellement avec la taille de la cuve et la
longueur de la série. On constate alors qu'il existe une taille optimale, au-delà de laquelle il y a
déséconomies d'échelle. Cette taille est d'autant plus grande que le marché est grand et d'autant
plus petite que le coût de développement est élevé par rapport au coût de fabrication et qu'il
s'élève avec la taille de l'équipement.
La taille est parfois limitée par celle des infrastructures associées. Dans le cas des transports,
ces infrastructures sont les ports pour les bateaux, les aéroports pour les avions, les routes pour
les camions, les canaux et écluses pour les péniches. L'augmentation de taille des unités de
transport exige des investissements d'infrastructure. Or ces investissements sont parfois disproportionnés avec les trafics. Un port qui fait 500 000 tonnes de trafic par an ne s'équipe pas pour
accueillir des bateaux de 200 000 tonnes. La taille des équipements associés limite le gigantisme.
Un autre aspect limite la taille des équipements est celui de la flexibilité. L'économie
d'échelle sur la capacité peut ne pas se réaliser sur les flux si ceux-ci sont très variables. Si une
ligne aérienne correspond à 343 passagers par jour en moyenne, le besoin paraît pouvoir être
satisfait par un avion de 350 places une fois par jour. Mais si le flux de passagers est de 400
passagers durant 5 jours et 200 sur les deux autres jours, cet avion ne suffit nullement. En
revanche, un avion de 200 places effectuant deux rotations durant 5 jours et une rotation durant
deux jours chaque semaine est une bonne solution, si ses coûts ne sont pas très différents.
Cette considération de flexibilité s'amplifie de la notion de qualité de service perçue par la
clientèle en termes de fréquence de desserte. Si le flux de passagers une ligne aérienne est
régulièrement de 10 personnes par jour, les clients apprécieront peu que le transport soit assuré
avec un avion de 300 places, une fois par mois. Sur une destination très fréquentée, les navettes
offrent un service d'attente faible pour le client. Si on diminuait leur fréquence pour mettre des
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11
avions de plus grande capacité, on diminue le coût mais aussi la qualité pour le client (le délai
d'attente augmente).
Ces raisonnements entrent en ligne de compte par exemple pour la construction d'un très gros
avion de transport, même si ses coûts d'exploitation, intégrant son coût d'achat, paraissent très
compétitifs.
Il existe aussi des limites pour les autres types d'économies d'échelle. La centralisation des
demandes sur un stock unique est limitée par les coûts de transports. Si la zone de distribution
grandit, les distances augmentent et les coûts de transport corrélativement. Ainsi, il existe une
taille limite aux dépôts. Dans un cas simple (voir annexe 11 page 21), on peut calculer la taille
limite du territoire correspondant à un dépôt. Cette zone est d'autant plus grande que le coût du
stock de sécurité est élevé et que le coût du transport est faible. Cependant cette zone optimale
n'a aucune raison d'avoir la même taille pour les divers produits qu'on distribue par le même
système logistique.
Les effets d'apprentissage sont peut être eux aussi affectés d'une saturation. Il n'y a plus rien
à apprendre, à changer. Avec des équipes qui se renouvellent, l'apprentissage disparaît partiellement. Le transfert de connaissance se fait imparfaitement entre les personnes qui partent et
celles qui les remplacent. Là aussi c'est une limite aux effets d'économies d'échelle.
Les frais fixes sont limités par la taille du marché. Souvent, pour accroître la taille du marché,
on engage de nouvelles dépenses d'adaptation, adaptation à des langues différentes, à des
réglementations nationales, à des usages variés.
Dans le tableau 4, page 11, on a récapitulé les limites à chaque type d'effet conduisant à une
économie d'échelle. On y remarque que, dans le sens précis de la définition économique, ce ne
sont pas des économies d'échelle. Les effets décrits ne portent pas également sur les deux
facteurs de production (capital et travail). C'est tantôt l'un, tantôt l'autre qui est concerné. Ce sont
des rendements croissants de ces deux facteurs de production. En se ramenant au coût, a été
privilégié le point de vue gestionnaire qui néglige la différence entre les deux facteurs.
Tableau 4 : Les économies d'échelle sur les parties du processus productif (qui sont souvent
des rendements croissants de facteurs de production)
Type d'effet
d'économie
d'échelle
Cuve
mesure des
degré d'économies
volumes (échelle)
d'échelle
capacité de produc1,5
tion
Tube
capacité de produc2
tion
Stocks
flux d'un article
2
Files d'attente
flux de services décroissant avec les
demandés
volumes,
croissant avec la
qualité du service
Apprentissage
production cumulée croissant avec l'effet
d'apprentissage
R&D et brevets
quantité produite
•
totale
Cinéma et producdiffusion totale
•
tion culturelle
logiciels
ventes, installations
•
Espace-temps de
capacité du véhi•
sécurité
cule
Facteur de
production
concerné
Limites aux
économies
d'échelle
capital
Poids de la cuve
Taille de la série
Poids du tube
Taille de la série
Coûts de transport
Coûts de communication
capital
capital
travail
travail
travail
Renouvellement du
personnel
marché
travail
marché
travail
capital
marché
Réglementation
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12
Les économies d'échelle peuvent ainsi entrer en concurrence avec des déséconomies. Le
résultat qu'on a vu ci-dessus pour la taille d'une cuve (ou pour le territoire correspondant à un
dépôt) conduit à une taille limite au-delà de laquelle les économies d'échelle cessent. Ce n'est
pas toujours le cas
L'arbitrage entre deux coûts variant différemment est un classique de l'optimisation de la
production. La vieille formule, attribuée à Wilson, exprime un tel effet d'économies d'échelle
dans la gestion des stocks à demande régulière prévisible. Elle détermine aussi les «séries
économiques».
Dans le modèle de Wilson, il existe un coût fixe de gestion pour une commande à un fournisseur. Ce coût est indépendant de la quantité commandée. En revanche, compte tenu du débit, le
stock moyen est proportionnel à la quantité commandée. La quantité de commande optimale
exprime un arbitrage entre ces deux coûts. Plus le débit est important, plus les commandes sont
importantes. Le coût administratif de commande, rapporté aux quantités, diminue. Le facteur
d'économies d'échelle a une valeur de 2 (voir annexe 12 page 21).
Comme le remarque Giard et Pellegrin (1992 [2]), en réduisant le coût fixe par la technique
du remplacement instantané des outils (SMED), la longueur d'une série économique diminue et
on peut entreprendre une fabrication en Juste A Temps. L'économie d'échelle liée à la taille des
séries économiques disparaît. L'entreprise peut avoir une production très diversifiée, donc de
petits volumes par produit.
La combinaison entre les effets d'échelle portant sur des différents éléments du processus de
production dépend donc de la correspondance entre les variables de taille pertinentes pour
chaque étape. Quand la variable de taille est la même pour tous les effets d'échelle, il est possible
de prévoir, de manière générale, les effets de leur combinaison.
Figure 1 : Combinaison d'économies d'échelle et de déséconomies d'échelle. Paramètres
(avec les notations de l'annexe 13 page 22) a1 = 0, a2 = 2, a3 = 1, γ2 = 0,5, γ3 = 2
7
Zone d’économies d’échelle
6
Zone de déséconomies d’échelle
5
Coût C
Coût total
4
3
coût partiel 1 avec des
2
économies d’échelle
de degré 2
coût partiel 2 avec des
déséconomies d’échelle
(degré 0,5)
1
0
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
Taille Y
1,2
1,4
1,6
1,8
2
Dans l'annexe 13 page 22, on démontre le résultat suivant :
Résultat : Si, dans une partie du processus de production, il y a des déséconomies d'échelle
de degré constant (inférieur à 1), quelles que soient les économies d'échelle des autres parties
du processus de production, économies d'échelle s'exprimant par rapport à la même variable de
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13
mesure de la taille, il existe toujours une taille au-delà de laquelle les déséconomies d'échelle
l'emportent.
Ce résultat apparaît sur la figure 1, page 12 où s'ajoutent deux coûts partiels. L'un présente
des déséconomies d'échelle de degré 0,5 et l'autre des économies d'échelle de degré 2. Pour une
taille inférieure à l'unité, les économies d'échelle l'emportent. Pour une taille supérieure à l'unité,
les déséconomies d'échelle sont plus forte. La concavité et la convexité de la courbe de coût total
indiquent s'il y a économies d'échelle ou déséconomies.
6
Conclusion
Les économies d'échelle sont un concept qui couvre un grand nombre d'effets différents dans
leur principe et dans leur ampleur. On a tenté de considérer les principaux. Ce n'est pas un panorama exhaustif. Il existe sans doute d'autres effets d'économies d'échelle et d'autres déséconomies. Les grosses entreprises ont d'autres avantages. La taille accroît le pouvoir de
négociation vis à vis des fournisseurs, des clients, des partenaires, des pouvoirs publics. L'image
de marque est sans doute un élément sur lequel jouent des effets de taille. Le réseau de distribution est aussi un domaine où les effets d'économie d'envergure entre produits se traduisent par
des économies d'échelle par rapport à un volume exprimé en chiffre d'affaires. Les biensréseaux offrent des économies d'échelle pour la demande car la valeur augmente avec la diffusion du bien.
Les firmes utilisent ces économies d'échelle de multiples manières. Une économie d'échelle
fondée sur la capacité des unités de production peut être remise en cause par une économie
d'échelle fondée sur la longueur des séries. Par exemple, la production d'énergie électrique reposait traditionnellement sur de grosses centrales atomiques. Celles-ci ont une rigidité dans leur
fonctionnement. Aujourd'hui, la libéralisation du marché de l'électricité aux Etats Unis favorise
la production d'électricité avec des petites turbines fonctionnant au gaz naturel. Leur prix
unitaire est faible parce qu'elles sont produites en grande série et parce qu'elles ont déjà été
mises au point pour l'aviation. La production aux heures de pointe (flexibilité) et dans des lieux
proches de la consommation, par ces turbines, devient très compétitive. Le marché des contrats
à terme de fourniture d'électricité organisé par le NYMEX (New York Exchange Mercantile
Exchange) existe grâce à ces possibilités techniques. Il connaît un très grand succès depuis 1998
(Laprès, [8]).
Les économies d'échelle modèlent ainsi la structure du tissu industriel. Les fabricants de
machines outils n'existent qu'à cause des économies d'échelle dans la conception et la fabrication de leur matériel. Chacun de leur client ne pourrait pas concevoir, au même prix, des
machines aussi performantes. En se spécialisant sur la conception et la production des
machines, les fabricants captent une part de la valeur que l'innovation permet de générer dans
cette industrie et qui présente des économies d'échelle.
L'industrie du service informatique et des logiciels repose sur de telles considérations où les
économies d'échelle donnent l'avantage d'une externalisation de la production de logiciels, sous
forme de logiciels généraux (progiciels ou Enterprise Ressource Planning, ERP).
Le domaine des économies d'échelle liées aux coûts fixes reste évidemment le plus intéressant d'exploiter. Sans doute, la stratégie des firmes de haute technologie, informatique ou autre,
est-elle étroitement liée à ces effets, d'autant plus qu'ils sont protégés par la législation sur la
propriété intellectuelle.
Le résultat le plus important concerne la limite à ces économies d'échelle. Ces économies
d'échelle ont leur limite interne dans les phénomènes adjacents négligeables pour les petites
tailles et qui dominent pour les grandes tailles. Par ailleurs, la structure organisationnelle
présente toujours des déséconomies d'échelle [11]. La combinaison des économies et des déséconomies conduit donc à une taille maximale. Cette taille, théorique, pourrait d'ailleurs être
supérieure à la taille que le marché permet.
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La taille de l'entreprise, à un moment donné, est un compromis, à la marge, entre les économies d'échelle, de toutes sortes, et les déséconomies, notamment celles liées à la structure [11].
Le niveau de ce compromis évolue vers des tailles plus grandes quand de nouvelles économies
d'échelle apparaissent ou quand les déséconomies d'échelle sont moins importantes.
7
Bibliographie
[1]
Basu S., Fernald J.G., 1997, «Returns to scale in US production: Estimates and implications», Journal of political Economy, Vol 105, N˚2, 249-283.
[2]
Giard V., Pellegrin C., 1992, «Fondements de l'évaluation économique dans les modèles
économiques de gestion», Revue Française de Gestion, mars-avril-mai 1992, 18-31.
[3]
Gurbaxani V., Kraemer K., Vitalari N., 1997, «Note: an economic analysis of IS
Budgets», Management Science, Vol 43, N˚12, December, 1745-1755.
[4]
Haldi J., Whitcomb D., 1967, «Economies of scale in industrial plants», Journal of Political Economy, August, 373-385.
[5]
Hisnanick J.J., Kymn K.O., 1999, «Modeling economies of scale: the case of US electric
power companies», Energy Economics, Vol 21, 225-237.
[6]
Hughes J.P., Mester L.J., 1998, «Bank Capitalization and cost: Evidence of Scale Economies in Risk Management and Signaling», The Review of Economics and Statistics, 314325.
[7]
Kaufmann A., 1970, Méthodes et modèles de la recherche opérationnelle, Dunod, 2
tomes.
[8]
Laprès D., 1999, «Le marché boursier de l'électricité aux Etats-Unis», La Revue du
Financier, N˚ 120, 72-92.
[9]
Marshall, A., 1890, Principles of Economics, London, Macmillan.
[10] Morvan Y., 1991, Fondements d'économie industrielle, Economica.
[11] Pigou, 1912, Wealth and Welfare.
[12] Smith A., 1776, Inquiry into the nature and causes of the wealth of nations.
[13] Triolaire G., 1994, L'entreprise et son environnement économique, Dalloz, 353 pp.
Je remercie le professeur Goergen de toutes ses suggestions qui ont servi considérablement
à améliorer la rédaction de cet article.
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15
Annexes : Les formules de calcul du degré d'économies d'échelle
annexe 1
La mesure des économies d'échelle par les économistes
Notations : La production Y (c'est une quantité, même si elle est mesurée en unités monétaires). Les facteurs de production utilisés en unités de facteur sont notés classiquement
K = capital,
L = travail
Y = f(K, L) fonction de production
Le degré d'économies d'échelle est l'élasticité de Y par rapport aux facteurs de production K
et L, en conservant leur rapport constant.
Si on remplace la quantité des facteurs de production K et L par leur coût, la quantité produite
Y est fonction du coût C de production. L'inverse de cette fonction donne le coût C en fonction
de la quantité produite Y.
Degré d'économies d'échelle = élasticité de la production Y par rapport au coût C
∂Y C
1
Relation 1
DEE = ------- ---- = -----------∂C Y ∂C Y
------- ---∂Y C
Le degré d'économies d'échelle est l'inverse de l'élasticité du coût C par rapport aux quantités
produites Y.
Si on considère une fonction de production de type Cobb Douglas Y = Ka Lb avec les deux
facteurs classiques, capital K et travail L, respectivement à la puissance α et β, le terme α+β est
une mesure des économies d'échelle. Il est supérieur à 1 s'il y a économies d'échelle.
A l'inverse, écrivons le coût total C (dépendant de la quantité de facteurs utilisés) en fonction
des quantités produites Y.
C = a2 Y
γ
Relation 2
Le degré d'économies d'échelle est 1/γ. S'il y a économies d'échelle, γ est inférieur à 1.
γ–1
C
Le coût moyen CM vaut CM = ---- = a 2 Y
Relation 3
Y
Le coût de la dernière unité produite est C i = a 2 γ Y
1
CM
Le rapport entre ces deux coûts est --------- = --γ
Ci
γ–1
Relation 4
Relation 5
Le degré d'économies d'échelle, 1/γ , est le rapport entre le coût de production moyen et le
coût de production d'une unité supplémentaire. Il est supérieur à 1 s'il y a économies d'échelle.
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annexe 2
Les économies d'envergure (economies of scope)
Les économies d'envergure se présentent entre plusieurs produits différents, souvent dans les
frais commerciaux (coût de mise sur le marché). Il y a économies d'envergure (ou de champ) si
le coût de production (ou de mise sur le marché) des deux produits est inférieur à la somme des
coûts correspondants pour chaque produit seul.
Soient Y1 et Y2 les quantités des produits 1 et 2
C ( Y 1, Y 2 ) < C ( Y 1, ∅ ) + C ( ∅, Y 2 )
Relation 6
Cette définition ne permet pas de définir un degré d'économies d'envergure.
Cependant ces économies d'envergure se ramènent à des économies d'échelle si on définit les
quantités de produits de telle manière qu'on puisse les ajouter. Par exemple, les chiffres
d'affaires sont une mesure quantitative toujours additive avec laquelle les économies d'envergure se ramènent aux économies d'échelle.
annexe 3
Composition des économies d'échelle portant sur les coûts partiels
Si le coût de production C est la somme de divers coûts Ci, ayant des économies d'échelle
différentes, le degré d'économies d'échelle global dépend de l'importance des coûts respectifs.
Supposons que les économies d'échelle DEEi sur les coûts partiels Ci soient connues et
qu'elles s'expriment par rapport à la même grandeur Y (le volume produit par exemple).
Soit C = Si Ci
1
DEE = ------------ =
∂C Y
------- ---∂Y C
C
-----------------------Ci 
 ∑ ------------ i DEE i
Relation 7
L'inverse du degré d'économies d'échelle est la somme pondérée par les coûts des inverses
des économies d'échelle dans les diverses composantes dont on ajoute les coûts.
Par exemple, C = C 1 + C 2 + C 3
Relation 8
DEE1 = 1 (pas d'économie d'échelle)
DEE2 = 2 (économie d'échelle)
DEE3 = 0,5 (déséconomies d'échelle)
C1 + C2 + C3
γDEE = ----------------------------------C2
C 1 + ------ + 2C 3
2
Relation 9
Le degré d'économies d'échelle dépend de l'importance de chaque coût dans le coût total.
Si C2 = 2.C3 , les économies d'échelle équilibrent les déséconomies d'échelle.
C 1 + 3C 3
= 1
Relation 10
DEE = ---------------------C 1 + 3C 3
Si C2 > 2C3 , les économies d'échelle l'emportent sur les déséconomies d'échelle, le degré
d'économies d'échelle global est supérieur à l'unité.
annexe 4
Economies d'échelle d'une cuve
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On considère des cuves de forme identique. Elles sont homothétiques les unes des autres.
Elles sont caractérisées par une dimension linéaire, la hauteur par exemple. La capacité est
proportionnelle au volume de la cuve. Le coût de la cuve est proportionnel à la tôle nécessaire
pour la construire. Le volume de tôle dépend de la surface. Son épaisseur est constante. Elle ne
dépend par exemple que de la pression dans la cuve. Prenons les variables suivantes :
l = dimension linaire de la cuve
Y = Capacité = aq l 3
C = Coût de la cuve = ac l 2
Si on élimine le paramètre l intermédiaire :
C = ac aq
–2
-----3
Y
2
--3
Relation 11
En calculant l'inverse de l'élasticité du coût C par rapport à la capacité de la cuve Y, on obtient
1,5 qui est le degré d'économies d'échelle d'une cuve.
annexe 5
Economies d'échelle d'un tube
On considère des tubes de forme identique et de même longueur. Ils sont caractérisés par la
dimension linéaire de leur section, le diamètre par exemple. La capacité est proportionnelle à la
surface de la section. Le coût du tube est proportionnel à la tôle nécessaire pour le construire.
Le volume de tôle dépend de la circonférence. Son épaisseur est constante. Elle ne dépend par
exemple que de la pression dans le tube. Prenons les variables suivantes :
l = diamètre du tube
Y = Capacité du tube = bq l 2
C = Coût du tube = bc l
Si on élimine le paramètre l intermédiaire :
C = bc bq
–1
-----2
Y
1
--2
Relation 12
En calculant l'inverse de l'élasticité du coût C par rapport à la capacité de production du tube
Y, on obtient la valeur 2 pour le degré d'économies d'échelle d'un tube.
annexe 6
Economies d'échelle de centralisation des stocks
En gestion des stocks avec une demande aléatoire, on prévoit un stock de sécurité. Ce stock
de sécurité génère des coûts proportionnels à la quantité ainsi stockée. Les modèles montrent
que le niveau de sécurité dépend du coût de rupture par rapport au coût de stockage. Pour un
niveau de sécurité donné (probabilité de rupture de stock), le stock de sécurité est proportionnel
à l'écart type de la loi de demande.
Si n demandes aléatoires identiques existent sur un territoire partagé en régions, il y a autant
de stocks de sécurité que de région. Si on met en commun les demandes, supposées indépendantes, dans un stock central, la variance de la demande globale est n fois plus forte. Pour
assurer la même couverture de risque, le stock de sécurité global grandit comme la racine carrée
du nombre de sites regroupés, c'est à dire de manière moins que proportionnelle par rapport à la
demande.
Demande de moyenne Y0 et de variance σ2
Demande de moyenne de moyenne Y1 = n Y0 et de variance n σ2
C0 = Coût lié au stock de sécurité de la demande de moyenne Y0 = a σ
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C1 = Coût lié au stock de sécurité de la demande de moyenne
Y 1 = aσn
1
--2
Relation 13
1
--C1
2
------ = n
C0
Relation 14
Le degré d'économies d'échelle pour les stocks de sécurité est de deux.
annexe 7
Economies d'échelle des centres d'appels
Dans la théorie des files d'attente, les économies d'échelle viennent de la comparaison entre
deux situations. La première est celle où les coûts sont proportionnels aux volumes. On installe
des postes pour traiter les travaux avec une file d'attente pour chaque poste. Plus il y a de travaux,
plus on a de postes. La deuxième situation consiste à mettre en parallèle les postes. On constitue
une seule file d'attente, commune à tous les postes. Pour comparer ces deux solutions, on peut
regarder la probabilité qu'un nouveau travail n'attende pas (au moins un serveur est libre quand
un travail arrive). Cette probabilité est donnée par la formule de Erlang (voir, par exemple,
Arnold Kaufmann, [7]).
NB : On prend ici les notations traditionnelles des files d'attente.
λ = flux de travaux (quantité produite par unité de temps)
µ = capacité des serveurs (nombre de travaux par unité de temps)
λ
Ψ = --- < S
µ
Relation 15
La mesure de la taille (Y) est ici faite par la variable λ. La mesure du coût dépend ici du
nombre de serveurs S.
1
Relation 16
P ( Ψ, S ) = ----------------------------------------------------------Ψ
 1 – ----

S
1 + f ( ψ, S )S! -----------------S
ψ
2
S–1
ψ
Ψ
avec f ( ψ, S ) = 1 + ψ + ------- + … + -----------------2!
( S – 1 )!
Relation 17
Pour différentes valeurs de S, on peut calculer la charge de travail Ψ qui donne une valeur
fixe à la probabilité P(Ψ, S). Le degré d'économies d'échelle peut être calculé comme la variation
relative de la charge de travail ∆Ψ/Ψ, rapportée à la variation relative du coût ∆S/S=1/S. La
variable S ne prend que des valeurs entières. Les calculs sont faits en différences finies. On a fait
les calculs (voir tableau 2, page 6) pour trois valeurs de P(Ψ, S).
Le tableau 2, page 6 montre que la mise en commun de l'aléa des arrivées dans les files
d'attente offre des économies d'échelle. Ces économies d'échelle décroissent quand le nombre
de serveurs augmente. Elles décroissent quand les impératifs de service sont moins forts (P a
une valeur élevée).
Les serveurs travaillant en parallèle pour une même file d'attente sont un exemple d'aléa mis
en commun. Cette organisation est celle des centres d'appels. Elle présente des économies
d'échelle qui décroissent avec les effectifs.
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19
annexe 8
Economies d'échelle liées à l'apprentissage
La formulation classique de la théorie de l'apprentissage (Morvan, [10]) exprime que le
nombre d'heures de travail par unité produite décroît avec la quantité totale produite.
Y production cumulée
X nombre moyen d'heures de travail par unité produite depuis l'origine
Xi nombre d'heures de travail pour produire la ième unité
a = nombre d'heures nécessaires pour fabriquer la première unité
b = coefficient d'apprentissage variant de -1 à 0.
X = aY b
Xi = a (1+b) Y b
Relation 18
Relation 19
Le coût total C est proportionnel au nombre d'heures de travail depuis l'origine, X Y.
C = c X Y = a Y b+1
Relation 20
En calculant l'inverse de l'élasticité du coût C par rapport à la production cumulée Y, on
obtient la valeur du degré d'économies d'échelle lié à l'apprentissage.
1
Relation 21
DEE = ----------------(b + 1)
Si le nombre d'heures de travail Xi, pour une unité de produit, diminue de 20% quand la
production cumulée double, on a :
b
X
b
( 2Y )
-----1- = 1 – 0, 2 = ------------- = 2
b
X0
Y
log ( 0, 8 )
b = ---------------------- = – 0, 32
log 2
Relation 22
Relation 23
Le degré d'économies d'échelle est de 1/(1-0,322) = 1,47. Il est supérieur à l'unité, naturellement.
annexe 9
Une interprétation informationnelle de la courbe d'apprentissage
En produisant la dernière unité, les personnes acquièrent de l'information. Cette information,
souvent implicite, ne peut pas être quantifiée. Cependant, elle a un effet qui est observable dans
la baisse des heures de travail pour produire l'unité suivante. Si on suppose que la cause (la
production supplémentaire) et l'effet (la baisse des heures de travail) sont directement liés, on a :
dX
dY
Relation 24
---------i = b ------Y
Xi
L'information apportée par l'unité supplémentaire fabriquée (dY) a un effet en rapport avec
la quantité déjà produite (Y) qui avait, auparavant, apporté des informations. Cet effet fait baisser
les heures de travail nécessaires pour produire une unité de production (dXi). Cette baisse,
rapportée aux heures de travail nécessaires pour produire une unité de production (Xi) résultant
des informations déjà acquises antérieurement, est proportionnelle à l'effet. Cette formulation
peut sembler compliquée. Elle est nécessaire pour éviter de parler de « quantité d'information »
acquise par la fabrication de l'unité supplémentaire. Nous ne savons absolument pas quantifier
l'information acquise par l'apprentissage autrement que par sa cause (dY) et par son effet sur les
heures de travail (dXi).
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20
En intégrant cette équation différentielle, on obtient :
X i = αY
b
Relation 25
La constante d'intégration a peut être prise à a (1+b). On retrouve les formules classiques de
la courbe d'apprentissage indiquées dans l'annexe 8.
annexe 10
Economies d'échelle d'une cuve et ses frais fixes de développement
Une cuve a un coût de fabrication C1 dépendant de son volume Y (voir annexe 4). Mais il
existe aussi des coûts de développement C2 qui sont des coûts fixes, indépendants du nombre
de cuves vendues. On y incorpore les coût de lancement de la fabrication, coûts des machines
de fabrication spécifiques notamment. Ces coûts de développement augmentent plus vite que la
taille de la cuve. Il y a probablement des déséconomies d'échelle liées au coût des essais et aux
risques pendant ces essais. Par ailleurs, il faut couvrir un marché qui ne s'exprime pas en unités
de cuve mais en capacité totale des cuves vendues. Plus la cuve est grande, moins importante
sera la série. On cherche à combiner ces divers effets. Soient les notations suivantes :
Y capacité de la cuve
C1 coût de production d'une cuve C 1 = aY
2
--3
Relation 26
C2 coût fixe de développement de la cuve et de lancement en fabrication (équipements, …).
Ce coût augmente plus vite que la taille Y de la cuve.
Avec β > 1 C 2 = bY
β
Relation 27
M marché à satisfaire
Le nombre de cuves à vendre (longueur de la série) est M/Y
Le coût total C pour produire cette série est alors :
2
1
– --M --3M
β
β
3
C = ----- C 1 + C 2 = ----- aY + bY = MaY + bY
Y
Y
Relation 28
En calculant l'inverse de l'élasticité du coût C par rapport à la capacité de la cuve Y, on obtient
la relation 29.
MaY
–1
-----3
+ bY
β
DEE = ---------------------------------------------1
Relation 29
– --3
β
– M aY
--------------------- + bβY
3
On recherche les valeurs de la taille de la cuve pour lesquelles le degré d'économies d'échelle
est supérieur à l'unité.
DEE > 1 ⇔ Y
1
β + --3
4 Ma
< --- -------------------3 b(β – 1)
Relation 30
Il existe donc une taille limite de la cuve au-dessus de laquelle il n'existe pas d'économies
d'échelle. Cette taille est d'autant plus importante que la marché M est vaste. Cette taille est
d'autant plus petite que les coûts fixes de développement et mise en fabrication bYβ sont importants par rapport aux coûts variables de production aY2/3. Le paramètre β (β > 1) exprime les
rendements décroissants dans les coûts de développement. Plus la valeur de β est grande, plus
la taille maximale de la cuve est réduite.
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21
annexe 11
Limites à la zone correspondant à un dépôt
Dans l'annexe 6, on a calculé le degré d'économies d'échelle associé au stock de sécurité. En
centralisant toutes les demandes d'un territoire sur un seul dépôt, on augmente les distances et
donc les coûts de transport. Il y a donc des déséconomies d'échelle. Pour les calculer simplement, supposons que la demande soit également répartie sur le territoire, avec des aléas et des
moyennes identiques. La demande est donc proportionnelle à la surface du territoire correspondant au dépôt. Les coûts de transport C2 sont proportionnels à la demande Y et à la distance
moyenne parcourue sur le territoire. Cette distance moyenne dépend de la taille linéaire du territoire pour une forme donnée. Posons les variables suivantes :
R = dimension linaire du territoire couvert par le dépôt (rayon par exemple)
Y = demande moyenne sur le territoire Y = a2 R2
C1 = Coût lié au stock de sécurité = b Y1/2
C2 = Coût lié au transport C 2 = acRY = cY
3
--2
Relation 31
C = Coût total en fonction de la taille du territoire
1
--2
C = C 1 + C 2 = bY + cY
3
--2
Relation 32
On recherche les valeurs de Y pour lesquelles l'élasticité de C par rapport à Y est supérieure
à l'unité.
b
DEE > 1 ⇔ Y < --Relation 33
c
Au-delà d'une certaine taille, les économies d'échelle liées au stock de sécurité sont compensées par les déséconomies d'échelle liées au transport sur un vaste territoire. Cette taille est
d'autant plus grande que le coût du stock de sécurité est élevé et que le coût du transport est
faible.
annexe 12
Economies d'échelle des «séries économiques»
A chaque commande, un coût administratif fixe est encouru. A chaque lancement de fabrication, le temps pour régler la machine, changer les outils, engendre un coût fixe. Ce coût fixe est
indépendant des quantités commandées ou fabriquées.
Avec une demande régulière inférieure au rythme de fabrication, il existe un stock moyen,
égal à la moitié de la quantité fabriquée, à la moitié de la quantité commandée. Ce stock
engendre un coût : le coût de possession du stock proportionnel au stock moyen.
La formule dite de Wilson arbitre entre ces deux coûts. La quantité à commander q (ou la
taille de la série économique) est q.
q =
2cY
---------p
avec les notations suivantes
q = quantité à commander
Y = volume de la demande
c = coût fixe d'une commande, d'un lancement en fabrication
p = coût de possession d'une unité de stock
Relation 34
IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2000-15 Le coût total, minimum avec cette règle d'optimisation, est C =
22
cYp
Le degré d'économies d'échelle est de 2.
Ce coût total est d'autant plus faible que le coût fixe c est faible. Le SMED consiste à modifier
les machines afin de faire les réglages pendant la fabrication du lot précédent (en temps caché).
Le coût de lancement c devient très faible. Les séries économiques sont très courtes, voir
unitaires.
Une limite à cet effet d'économie d'échelle est atteinte quand la durée de fabrication de la
série correspond à la durée de demande pour cette quantité. Il faut alors produire en continu. Il
n'y a plus de séries. Les coûts de lancement disparaissent complètement.
Cet effet d'économies d'échelle lié à la formule de Wilson est cité par Triolaire [13].
annexe 13
La combinaison des économies d'échelle sur les différentes parties
du processus productif
Le processus productif est formé de diverses parties où les économies d'échelle ont des coefficients constants différents. Comme on l'a vu dans l'annexe 3, les inverses des degrés d'économies d'échelle se composent par une somme pondérée par les coûts relatifs de chaque étape du
processus. Or ces coûts relatifs se modifient. Ceux des parties ayant des déséconomies d'échelle
s'accroissent. Leur effet devient le plus important.
Soit un processus composé de trois étapes dont les économies d'échelle sont respectivement
égale à l'unité, supérieure à l'unité et inférieure à l'unité, par rapport à la même grandeur exprimant la taille.
C = C 1 + C 2 + C 3 = a1 Y
γ1
+ a2 Y
γ2
+ a3 Y
γ3
Relation 35
Avec γ1, γ2, γ3 les inverses des degrés d'économies d'échelle.
γ1 = 1 pas d'économies d'échelle
γ2 < 1 économies d'échelle
γ3 > 1 déséconomies d'échelle
γ1
γ2
γ3
a1 γ 1 Y + a2 γ 2 Y + a3 γ 3 Y
dC Y
γ = ------- ---- = ----------------------------------------------------------------------γ1
γ2
γ3
dY C
a1 Y + a2 Y + a3 Y
γ > 1 ⇔ ( a1 γ 1 Y
γ1
+ a2 γ 2 Y
γ2
γ3
+ a3 γ 3 Y ) > ( a1 Y
γ1
+ a2 Y
Relation 36
γ2
γ3
+ a3 Y )
Relation 37
En tenant compte des valeurs des coefficients γ1, γ2, γ3, cette condition est toujours vraie
quand la taille Y dépasse une valeur limite.
a2 ( 1 – γ 2 )
DEE < 1 ⇔ γ > 1 ⇔ Y > ------------------------a3 ( γ 3 – 1 )
1
---------------γ3 – γ2
Relation 38
Le résultat exprimé par la relation 38 est vrai même quand l'économie d'échelle est d'un degré
d'une valeur infinie (γ2 = 0).
Résultat Si, dans une partie du processus de production, il y a des déséconomies d'échelle
de degré constant (inférieur à 1), quelles que soient les économies d'échelle des autres parties
du processus de production, économies d'échelle s'exprimant par rapport à la même variable de
mesure de la taille, il existe toujours une taille au-delà de laquelle les déséconomies d'échelle
l'emportent.
IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2000-15 -
23
La figure 1, page 12 montre comment le coût total évolue alors qu'il est la somme d'un coût
ayant des déséconomies d'échelle d'un degré de 0,5 et d'un coût ayant une économie d'échelle
de degré 2. A partir de la taille caractérisée par Y = 1, le coût ayant des déséconomies d'échelle
l'emporte. Le coût global présente des déséconomies d'échelle.
Les papiers de recherche du GREGOR sont accessibles
sur INTERNET à l’adresse suivante :
http://panoramix.univ-paris1.fr/GREGOR/
Site de l’IAE de Paris : http://www.iae-paris.com
2000-15
Les économies d'échelle dans les parties d'un
processus productif et leur combinaison
Jean-Louis Peaucelle
Professeur à l’IAE de Paris

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