Biologie moléculaire et tissue engineering: applications dans la
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Biologie moléculaire et tissue engineering: applications dans la
L’actualité en médecine dentaire Biologie moléculaire et tissue engineering: applications dans la médecine dentaire S. Palla Notre époque se caractérise par un énorme accroissement des informations ainsi que des connaissances scientifiques et techniques. Dans le domaine de la médecine, cette croissance est avant tout imputable aux succès de la biologie moléculaire: jamais les connaissances ne se sont accumulées aussi rapidement que dans le domaine des gènes, des protéines, des récepteurs et des neurotransmetteurs et les informations disponibles augmentent de manière exponentielle. Les gènes humains, ainsi que le génome de plus de 800 organismes ont été décryptés. Il ne se passe quasiment plus un mois sans que ne soit découvert un nouveau récepteur membranaire ou un nouveau neurotransmetteur. De plus, grâce à Internet, ces informations sont mises à la disposition d’une large part de la communauté médicale, et ceci de manière quasi instantanée. La description traditionnelle de divers troubles et de différentes maladies a été bouleversée par la connaissance du génome: alors qu’ils étaient habituellement décrits uniquement sur des bases histopathologiques et anatomiques, ils sont maintenant également caractérisés par les mutations génétiques qui y sont associées, ainsi par exemple pour les polymorphismes. Les progrès de la biologie moléculaire ont largement profité au domaine du tissue engineering. Celui-ci constitue une science relativement récente qui offre la possibilité de faire pousser ou de régénérer des tissus. Le tissue engineering nécessite l’application des trois domaines techniques suivants: les méthodes conductive et inductive ainsi que la transplantation cellulaire. La méthode conductive exploite différents matériaux biologiques qui permettent de soutenir de manière passive, la croissance de tissus déjà existants. L’utilisation de membranes de soutien lors de la régénération guidée de tissus («guided tissue regeneration») en est un exemple. Dans la méthode inductive, des cellules spéciales sont stimulées pour produire des molécules biologiques spécifiques. Cette méthode est utilisée dans la stimulation de la production de tissu osseux par une molécule appelée «bone morphogenetic Protein» (BMP). Ceci a par exemple permis d’obtenir un nouvel os vascularisé de forme déterminée à partir d’une portion de muscle soumise au BMP, lors d’une expérimentation animale (ALAM et al. 2001). Dans la transplantation cellulaire, des cellules préalablement cultivées en laboratoire sont implantées à l’endroit désiré. Ce procédé trouve entre autres son application dans la régénération de la peau (NAUGHTON & MANSBRIDGE 1999, Naughton 1999), des muqueuses (HATA & UEDA 1996, MIZUNO et al. 1999) et des cartilages (BRITTBERG et al. 1994, Puelacher et al. 1994, PERKA et al. 2000). Pour la médecine dentaire, l’utilité de cette technique semble essentiellement résider dans la régénération de l’émail, de la dentine, du cément dentaire et de la pul- 298 pe, ou peut-être même de dents entières (MOONEY et al. 1996, BOHL et al. 1998), ainsi que dans la réorganisation fonctionnelle des glandes salivaires par l’introduction d’adénovirus porteurs de gènes fonctionnels déterminés. Les différents domaines d’application potentiels de cette méthode sont: 1) La régénération de cellules endommagées dans les glandes salivaires suite à une radiothérapie ou à un syndrome de Sjörgen, 2) la sécrétion de nouvelles substances pour la prévention et/ou le traitement de maladies de la partie supérieure du tractus gastro-intestinal, ou 3) La production biologique d’hormones pour le traitement de troubles endocrinologiques comme le diabète mellitus par exemple (BAUM 1998, O’CONNEL 1998). La biologie moléculaire va également influencer le développement de la thérapie de la douleur. Les traitements actuels de la douleur ont essentiellement recours à des méthodes de la pharmacologie traditionnelle. Les médicaments actuels sont très efficaces pour soulager les douleurs aiguës. Par contre, les douleurs chroniques constituent un problème complexe, et les traitements sont souvent voués à l’échec. La biologie moléculaire nous a déjà permis d’approfondir notre compréhension des processus neurobiologiques de l’apparition et du traitement de la douleur. De nouvelles observations des mécanismes qui déterminent des phénomènes tels que la neuroplasticité, la régulation des récepteurs et la régulation de la transcription des gènes vont sans aucun doute nous permettre de comprendre encore mieux la douleur chronique. Ces études sont cependant encore à leurs débuts, mais elles pourraient stimuler le dé- Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 veloppement de thérapies géniques efficaces pour le traitement de la douleur chronique (détails dans FRASER & WAHLESTEDT [1997] et IADAROLA et al. [1977]). Tous ces développements auront de grandes conséquences sur la médecine dentaire: dans les vingt ou vingt-cinq prochaines années, la médecine dentaire va subir de profondes mutations comme cela a d’ailleurs déjà été le cas durant les deux ou trois dernières décennies. A la différence près que les changements qui vont intervenir dans un proche avenir seront beaucoup plus substantiels que ceux survenus ces dernières années. Malheureusement, pour une grande partie de la communauté des médecins-dentistes, la médecine dentaire reste encore et toujours un «art de restauration», alors que le nombre de caries a diminué de manière drastique dans notre pays, comme dans tous les pays industrialisés. Mais, dans les années qui viennent, les nouveaux développements de la régénération des tissus et le succès de son application, de même que l’enrichissement des connaissances au sujet des maladies buccales, des douleurs faciales et de la biologie du développement crânio-facial provoqueront un réel bouleversement dans la branche. D’une part, la médecine dentaire deviendra toujours plus une véritable science médicale, et d’autre part, il est fort vraisemblable qu’à l’avenir, le médecin-dentiste passera plus de temps à régénérer des tissus qu’à les remplacer. En raison de cette évolution irrémédiable, il est d’une importance capitale que les centres de formation de médecine dentaire intègrent aussi rapidement que possible les concepts de la recherche fondamentale et de la biologie moléculaire, et que les professionnels de la médecine dentaire relèvent le défi d’intégrer les connaissances scientifiques de base dans leur pratique quotidienne. Sinon, la profession de médecindentiste pourrait disparaître au profit d’autres branches médicales qui pourraient occuper le terrain laissé libre. Le problème qui se pose quand il s’agit de décider à quel moment il faudrait introduire ces modifications dans la formation réside dans l’impossibilité de déterminer le moment exact où auront lieu ces bouleversements. Cela dépend évidemment du temps que mettront les chercheurs avant de parvenir à appliquer les nouvelles connaissances de la recherche fondamentale à la pratique quotidienne. En tout cas, les étudiants et les professionnels doivent prendre conscience du fait que ces changements peuvent intervenir très rapidement, ce qui constitue un L’actualité en médecine dentaire fait auquel beaucoup ne sont pas préparés, peut-être parce que quantité de médecins-dentistes pensent que la médecine dentaire continuera, comme par le passé, à évoluer de manière progressive et lente. Ils en veulent pour preuve le fait qu’il a fallu des décennies pour prendre conscience de l’importance du fluor pour la santé de la cavité buccale ou pour remplacer les amalgames par des matériaux composites. Cependant, si les manipulations génétiques permettent d’obtenir un biofilm peu ou pas virulent, la médecine dentaire en sera révolutionnée du jour au lendemain. Les nouvelles acquisitions de la science laissent également présager que l’évolution de la médecine dentaire ne se fera plus selon un schéma linéaire et régulier. A l’avenir, les changements se feront plutôt par paliers. Comme personne ne peut prévoir le futur, la préoccupation principale des écoles de médecine dentaire devrait être de poser les fondements qui inciteront les professionnels de la médecine dentaire à parfaire leur formation tout au long de leur vie, car cela représente la meilleure garantie de pouvoir s’adapter rapidement aux changements brusques qui pourraient intervenir. De nombreuses écoles de médecine dentaire, parmi lesquelles figurent également les quatre écoles suisses, évaluent actuellement un nouveau cursus qui engloberait également les domaines de la génétique, de la biologie cellulaire et moléculaire, ainsi que les techniques tissulaires. Cela nous permet donc d’espérer que ces thèmes feront bientôt partie de la formation de base, ainsi que de la formation continue. Les cursus qui ne proposeront pas cette approche rendront un très mauvais service tant aux étudiants qu’à la profession tout entière. Ceci est également valable pour les congrès qui n’aborderont pas cette recherche fondamentale. Bibliographie ALAM M I, ASAHINA I, SETO I, ODA M, ENOMOTO S: Prefabricated vascularized bone flap: a tissue transformation technique for bone reconstruction. Plast Reconstr Surg 108: 925–958 (2001) BAUM B J: Re-engineering the function of salivary glands. In: GUGGENHEIM B, SHAPIRO S (Eds): Oral biology at the turn of the century. Basel, Karger, pp 247–252 (1998) BOHL K S, SHON J, RUTHERFORD B, MOONEY D J: Role of synthetic extracullular matrix in development of engineered dental pulp. J Biomater Sci Polym Ed 9: 749–764 (1998) BRITTBERG M, LINDAHL A, NILSSON A, OHLSSON C, ISAKSSON O, PETERSON L: Treatment of deep cartilage defects in the knee with autologous chondrocyte transplantation. N Engl J Med 331: 889–895 (1994) FRASER G L, WAHLESTEDT C: Antisense approaches in the study of pain. In: BORSOOK D (Ed): Molecular neurobiology of pain (Progress in pain research and management, Vol 9). Seattle, IASP Press, pp 319–336 (1997) HATA K, UEDA M: Fabrication of cultured epithelium using oral mucosal cells and its clinical applications. Hum Cell 9: 91–96 (1996) IADAROLA M J, LEE S, MANNES A J: Gene transfer approaches to pain control. In: BORSOOK D (Ed): Molecular neurobiology of pain (Progress in pain research and management, vol 9). Seattle, IASP Press 1997; pp 337–359 (1997) MIZUNO H, EMI N, ABE A, TAKAHASHI I, KOJIMA T, SAITO H, SUMI Y, HATA K I, UEDA M: Successful culture and sustainability in vivo of gene-midified human oral mucosal epithelium. Hum Gene Ther 10: 825–830 (1999) MOONEY D J, POWELL C, PIANA J, RUTHERFORD B: Engineering dental pulp-like tissue in vitro. Biotechnol Prog 12: 865– 868 (1996) NAUGHTON G: The Advanced Tissue Sciences story. Sci Am 280: 84–85 (1999) NAUGHTON G K, MANSBRIDGE J N: Human-based tissue-engineered implants for plastic and reconstructive surgery. Clin Plast Surg 26: 579–86 (1999) O’CONNEL B C: Gene transfer and therapy: paradise lost? In: GUGGENHEIM B, SHAPIRO S (Eds): Oral biology at the turn of the century. Basel, Karger pp 217–225 (1998) Brochures d’information aux patients à propos des protège-dents Dr Thomas von Arx Clinique de chirurgie buccale et de stomatologie, Université de Berne De nombreux traumatismes dentaires, en particulier chez les sportifs (de loisirs) pourraient être évités par le port d’un protège-dents adapté aux besoins individuels. En tant que médecins-dentistes, nous avons l’obligation de rendre attentifs nos patients sur l’existence de tels dispositifs relativement simples à réaliser, mais dont le port constitue une mesure de prévention des plus efficaces. Demandez à vos patients s’ils pratiquent des sports à risque (question spécifique dans l’anamnèse) et informez-les en conséquence. «Les têtes intelligentes se protègent» – ce slogan propagé par le bpa pour les cyclistes est toujours d’actualité. Toute proportion gardée, il devrait en aller de même pour le port d’un protège-dents. Un protège-dents réalisé professionnellement confère une excellente protection contre un grand nombre de risques, tels que les: – lésions dentaires; – lésions des tissus mous (gencives, muqueuse, lèvres, langue, joues); – fractures des procès alvéolaires; – fractures mandibulaires; – contusions et luxations des articulations temporo-mandibulaires; – et même contre les commotions cérébrales. Les présentes brochures d’information en langue allemande, française et italienne ont pu être réalisées grâce au généreux soutien de la Société Suisse d’Odonto-stomatologie. Les brochures sont disponibles auprès du Service de presse et d’information de la SSO à Berne ([email protected]). Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 299 L’actualité en médecine dentaire PERKA C, SITTINGER M, SCHULTZ O, SPITZER R S, SCHLENZKA D, BURMESTER G R: Tissue engineered cartilage repair using cryopreserved and noncryopreserved chondrocytes. Clin Orthop 378: 245– 254 (2000) C O NG R ØS / J O U R N PUELACHER W C, WISSER J, VACANTI C A, FERRERO N F, JARAMILLO D, VACANTI J P: Temporomandibular joint disc replacement made by tissue-engineered growth of cartilage. J Oral Maxillofac Surg 52: 1172–1177 (1994) ■ ES SCIENTIFIQUES Compte rendu du 19e Congrès annuel de l’Association Suisse de Pédodontie (ASP/SVK), du 24 janvier 2002 à Berne L’enfant et la douleur Thomas Vauthier, Bâle Un nombre record de près de 400 praticiennes et praticiens se sont réunis comme de coutume fin janvier à l’hôtel Bellevue Palace à Berne pour le 19e Congrès annuel de l’Association Suisse de Pédodontie (ASP/SVK). Cette année, le Comité d’organisation avait concocté un programme entièrement consacré au thème «L’enfant et la douleur», un aspect sans doute aussi central que quotidien dans les soins dentaires dispensés aux petits et tout petits. A l’heure où la qualité de nos traitements est surtout évaluée en fonction de critères techniques, une réflexion sur d’autres critères qui contribuent pour une part tout aussi importante au succès du traitement et à l’épanouissement dans notre profession, même s’ils sont moins faciles à appréhender, était une initiative très méritoire. Force est de reconnaître qu’en pédodontie tout particulièrement, l’élimination du facteur «douleur», que celle-ci soit due à des lésions dentaires ou à des gestes thérapeutiques, joue un rôle clé dans le résultat final – au même titre que les seuls gestes techniques. Les organisateurs, sous la direction de la présidente de l’ASP, Theresa Leisebach, Winterthur, et du président du comité scientifique et chairman de la journée, Hubertus van Waes, Zurich, avaient parfaitement réussi à assembler à ce propos un programme aussi stimulant que riche en enseignements. Ainsi, cette journée scientifique a permis de passer en revue une riche palette de sujets autour d’un thème qui, il faut bien l’avouer, est au centre des préoccupations dans la pratique quotidienne. Passé et présent – de la «chevaline» à la pédodontie actuelle Dr Peter Minnig, Service des soins dentaires scolaires, Bâle Titre provocateur pour un tour d’horizon aussi brillant que sérieux sur le chemin qu’a parcouru la médecine dentaire consacrée aux enfants. Les enfants, comme le tenait à préciser d’emblée le spécialiste bâlois, sont des patients à part entière et non pas des êtres rebelles, voire acariâtres. Et de préciser: «Derrière la dent se cache un enfant, un individu qui mérite notre empathie!» Retraçant avec humour et de belles diapositives historiques noir-blanc à l’appui (retrouvées, sans doute, après des recherches exhaustives dans les archives cachées au fin fond de quelque cave poussiéreuse du Service des soins dentaires scolaires de Bâle...), le conférencier a retracé le passage des «traitements de cheval» d’antan qui caractérisaient les débuts des services dentaires scolaires et qui ont graduellement (et heureusement) évolué jusqu’à 300 l’attitude – ô combien différente – de la pédodontie de nos jours. Que du chemin parcouru depuis ces regards austères des assistantes (de véritables dragons en blouse blanche!) et des bras noueux des praticiens de l’époque – jusqu’à une pédodontie régie par la patience, l’empathie, l’information adéquate et des soins sans douleurs dispensés dans un environnement répondant aux attentes des patients devenus aussi des clients. La «chevaline» a vécu, vive la pédodontie caractérisée par une prise en charge individuelle de chaque petit patient! «Est-ce que ça fait mal?» Réponse: «J’ai peur.» Voici le défi quotidien du praticien dans ses contacts avec les enfants. Or, la peur fait partie de la psychologie humaine. Au cabinet dentaire il s’agit plutôt d’appréhension ou d’anxiété, puisque l’enfant est confronté à un environnement qui ne lui est pas familier et à de nombreux visages inconnus. Pour aborder les petits patients, il faut mieux comprendre la psychologie infantile, qui est Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 dominée par les sentiments de sécurité versus l’insécurité. La gestion des angoisses passe donc obligatoirement par le discernement des peurs non fondées. La douleur, qu’elle soit due à une lésion dentaire ou à un geste thérapeutique, est génératrice en elle-même d’un état d’anxiété. La peur de l’inconnu qui va s’en suivre, et qui est souvent renforcée par une attitude non appropriée des parents ou des proches, augmente à son tour la sensibilité à la douleur. Et voilà, la boucle est bouclée, le cercle vicieux est constitué. Or, si le praticien n’arrive pas à le rompre, toute tentative de traitement devient impossible. Et le conférencier de rappeler que plus le nombre de séances au fauteuil augmente, plus la coopération de l’enfant diminue. La peur du médecin-dentiste est un phénomène complexe. Elle dépend tout d’abord du caractère et de la personnalité de l’enfant. Outre la réaction face à l’inconnu, elle est le résultat d’un sentiment d’impuissance et de soumission. Pour être en mesure de traiter les enfants «conformément à leur espèce» (clin d’œil), il convient donc de toujours avoir à l’esprit les relations de pouvoir telles que les ressent l’enfant: les parents et le praticien sont les «puissants», l’enfant est soumis et par conséquent «impuissant». Dans le pire des cas, les relations sont inversées, les parents et l’enfant s’allient pour devenir «puissants», ce qui condamne normalement le praticien à devenir «impuissant»... Selon différents sondages, pour quelque 85% des médecins-dentistes, la peur est un problème central dans leurs activités professionnelles. A fortiori lorsqu’il s’agit de soins aux enfants. Des enregistrements de différents paramètres physiologiques ont démontré que la fréquence cardiaque des praticiens durant les traitements d’enfants dépasse de loin celle mesurée lors de traitements, même complexes, de patients adultes. Dans des appréciations subjectives également, relevées par des questionnaires, les médecins-dentistes ont indiqué que le stress entraîné par les exigences de la concentration et de l’empathie est significativement plus élevé lors des soins de pédodontie. Et le conférencier de conclure que tous ces investissements personnels ne se répercutent même pas par un rendement financier en rapport! Painless dental care Dr Anna Lena Hallonsten, Child and Youth Dental Care, City of Copenhagen, Denmark Dans son exposé remarquable en deux parties, qui était une véritable pièce maî- L’actualité en médecine dentaire tresse de la journée, cette spécialiste de renommée internationale a passé en revue les aspects physiopathologiques et de la perception subjective de la douleur en pédodontie, de même que les mesures thérapeutiques qui s’ensuivent pour l’équipe soignante. Les céphalées, les douleurs auriculaires, digestives et dentaires sont les plaintes les plus fréquentes chez l’enfant. Dans les douleurs dentaires, il convient de distinguer les douleurs dues aux gestes thérapeutiques (qui, dans les pays industrialisés, sont le problème le plus important), par rapport à celles causées par des lésions dentaires. La perception de la douleur est toujours subjective et elle est influencée par des expériences en très bas âge. A ce propos, il faut savoir que le fœtus possède un système nerveux pleinement développé pour la perception de la douleur à partir de la 24e semaine de gestation. Il est également intéressant de noter que «l’apprentissage de la douleur» se déroule selon le modèle de l’«inprinting», passant de la perception de la douleur spontanée à une diminution du seuil de réaction à celle-ci, puis à l’augmentation de la douleur suite à des stimulations répétées. De ce fait, la gestion moderne de la douleur est fondée sur la prévention de ce phénomène de l’«inprinting», ainsi que sur le rétablissement des fonctions inhibitrices physiologiques. Et, comme l’a fait remarquer la conférencière, la gestion de la douleur relève de l’éthique dans le sens des Droits de l’enfant définis par l’ONU! Plus les enfants sont petits, plus il est difficile d’évaluer la douleur qu’ils ressentent. Jusqu’à l’âge d’environ 6 ans, ce sont en premier lieu des appréciations de signes cliniques ou comportementaux, tels que l’expression faciale qui sont utiles; à partir de 4 à 6 ans, l’enfant peut soit exprimer ses perceptions verbalement, soit les représenter sur des échelles analogiques, graduées par exemple de 1 à 10. Concernant l’équipe soignante, il est intéressant de noter que les praticiens plus expérimentés ont tendance à appréhender davantage les traitements aux enfants. Selon différentes hypothèses, cette observation serait due au fait que les praticiens chevronnés perçoivent de manière plus consciente les signes de la douleur chez le jeune patient et investissent peut-être plus de temps lors des soins que leurs collègues plus jeunes. Inversement, la routine risque de rendre certains médecins-dentistes «aveugles» à la douleur. Il faut toujours garder à l’esprit que les enfants ne sont pas des petits adultes; ils ont leur propre façon de penser et de vivre la douleur. En pédodontie, une seule expérience de douleur peut entraîner une multiplication de l’anxiété dentaire par un facteur dix! La peur des traitements dentaires ne résulte pas uniquement de procédures douloureuses, elle peut également être déclenchée par la sensation d’une perte d’autonomie, voire par une attitude ou un comportement vécu par l’enfant comme étant insultants. Pour cette raison, une anamnèse méticuleuse des préoccupations ou des appréhensions, tant de l’enfant que de ses parents, revêt une importance capitale. Elle sert à établir une relation de confiance correspondant aux besoins individuels et spécifiques pour chaque petit patient. Lors de tout geste thérapeutique, l’objectif central est de bloquer la réaction à la douleur. Cette inhibition peut être locale (anesthésie) ou centrale (sédation médicamenteuse et/ou analgésiques préopératoires et postopératoires). Ces derniers, de même que la diffusion de musique, contribuent à relever le seuil de perception de la douleur et à assurer une meilleure anesthésie locale. Avant toute injection, il faut utiliser un anesthésique topique sous forme de spray, de gel ou de timbre (par exemple patch Emla® qui contient de la lidocaïne et de la prilocaïne). En pédodontie, il faut éviter les anesthésies tronculaires, car elles sont très mal vécues par l’enfant. Dans la majorité des cas, des injections locales suffisent même pour les traitements sur les molaires inférieures. La spécialiste a relevé qu’il n’y a aucune évidence étayant la supposée supériorité de l’articaïne par rapport aux autres anesthésiques locaux. En pédodontie, les échecs de l’anesthésie locale sont de l’ordre de 3 à 20% dans le maxillaire inférieur et de 5 à 18% dans le maxillaire supérieur. Ils sont en général dus à des infections ou à des erreurs techniques. Revenant aux mesures d’inhibition centrale de la douleur, Anna Lena Hallonsten a anticipé des sujets qui allaient encore être évoqués par deux conférenciers de l’après-midi. Elle a ainsi passé en revue les avantages et inconvénients de l’oxyde nitrique et de la sédation médicamenteuse par le midazolam (Dormicum®). Pour ce qui est le fameux «gaz hilarant», il faut savoir que plusieurs études ont démontré que lorsque l’oxyde nitrique est utilisé à bon escient et en combinaison avec une anesthésie locale, les résultats comportementaux ont été plus favorables après une période d’observation de deux ans. La sédation médicamenteuse par le midazolam (0,5 mg per os ou 0,35 à 0,45 mg en application rectale par kilogramme de poids corporel) est très intéressante, puisque non seulement, elle permet de réaliser des anesthésies locales dans des conditions parfaites, mais également du fait que le midazolam entraîne une amnésie antérograde. Ainsi, l’enfant ne se souvient plus des circonstances accompagnant le traitement, ce qui représente un avantage psychologique non négligeable. Jetant un regard dans le futur, la spécialiste danoise a évoqué l’importance croissante de l’inhibition des douleurs accompagnant certains traitements orthodontiques, le méthode A.R.T (atraumatic restorative treatment), le concept de l’anes- thésie électrique EDA (electrical dental anesthesia) ou encore le système d’injection assistée par un microchip (The Wand®, appellation astucieuse s’il en est, puisque «wand» signifie en anglais le «bâton magique»...), lequel permet de minimiser la douleur dans le site de l’injection grâce à une diffusion extrêmement lente du produit d’anesthésie. Font également l’objet de recherches actives les lasers ou des méthodes chimiques (Carisolv®) en tant qu’alternatives aux instruments rotatifs. Le diagnostic des caries occlusales en denture de lait Dr P. Francescut, lauréate du prix Rudolf Hotz 2001 Le diagnostic précoce des caries est une exigence fondamentale pour éviter des traitements complexes. Le diagnostic de la carie occlusale non apparente est toutefois une tâche complexe qui peut être hautement subjective, et les incertitudes inhérentes qui y sont associées peuvent donner lieu à des décisions très différentes en matière de traitement. Ceci est d’autant plus important que la fluoration systématique augmente la dureté des couches superficielles des tissus dentaires durs, mais pas de celles plus en profondeur. Les méthodes de diagnostic conventionnelles (inspection visuelle, sonde, loupe) comportent des limites notamment quant à leur capacité de déceler les caries débutantes. Les radiographies bite-wing ne sont valables que pour le diagnostic des lésions ayant atteint la dentine. Les mesures de la fluorescence quantitative induite par laser représentent à ce propos une amélioration appréciable par rapport aux méthodes de diagnostic classiques, surtout sur le plan de la sensibilité et de la reproductibilité. Le système de fluorescence laser DIAGNOdent®, mesu- Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 301 L’actualité en médecine dentaire Société Suisse pour la Chirurgie orale et la Stomatologie Spécialiste SSO en chirurgie orale Les consœurs et confrères remplissant les conditions nécessaires à l’obtention du titre de Spécialiste SSO en chirurgie orale (p. ex. formation post-graduée à temps complet d’une durée de 3 ans en chirurgie orale, thèse de doctorat, deux publications, documentation casuistique à propos de 10 cas, etc.) et souhaitant l’obtenir, sont invités à transmettre ces documents jusqu’au 30 avril 2002 au secrétariat de la SSOS. Le règlement concernant cette spécialisation et toutes les informations importantes peuvent également y être obtenus. Prof. Dr D. Buser Secrétaire SSOS Secrétariat SSOS Mme Veronika Thalmann Case postale 64 Freiburgstrasse 7 3010 Berne re la fluorescence qui se crée lorsque la lumière laser (d’une longueur d’onde de 655 nm) frappe des zones de déminéralisation. En outre, il s’agit d’un appareil non invasif, simple à utiliser, qui fournit des données quantitatives. La lauréate du prix Rudolf Hotz 2001 a discuté les résultats de ses recherches in vitro qui semblent indiquer une bonne sensibilité et une excellente reproductibilité de cette méthode. L’appareil DIAGNOdent® doit toutefois faire l’objet d’un examen scientifique encore plus exhaustif car, même s’il permet de déceler un taux élevé de lésions, il offre peu de possibilités pour ce qui est de déterminer l’étendue de la carie. Le jugement clinique – basé sur les antécédents du patient, les signes visuels, l’examen des radiographies et l’évaluation de la probabilité de lésions – demeure pour l’instant le critère le plus important dans le diagnostic de la carie occlusale. L’anesthésie générale en pédodontie – techniques, risques, standards Prof. Franz Frei, médecin-chef anesthésie, Clinique de pédiatrie, Hôpital universitaire de Bâle Bien entendu, a fait remarquer le spécialiste en guise d’introduction à son exposé très intéressant, l’anesthésiologie moderne est loin des temps du Dieu Hypnos à qui l’on attribuait dans l’Antiquité la capacité d’instiller quelques gouttes de son collyre magique dans les yeux des humains et de les mettre ainsi dans un sommeil profond. L’anesthésie générale moderne poursuit trois objectifs, à savoir d’obtenir une relaxation musculaire, une analgésie complète et un état d’inconscience (hypnose). Alors que l’anesthésie générale superficielle laisse des traces de 302 mémoire, même inconscientes, la narcose profonde élimine tout souvenir des circonstances de l’intervention. Le protocole standard de l’anesthésie générale commence par une visite la veille de l’opération. Elle comprend l’anamnèse et l’examen (par le médecin assistant et l’anesthésiste), ainsi que l’information du patient et l’obtention de son consentement éclairé. Le jour de l’intervention, l’anesthésie est introduite par du midazolam (Dormicum®) per os ou par voie rectale, avant la narcose par inhalation au masque (sevofluran). Après la pose d’une voie intraveineuse, l’anesthésie proprement dite est réalisée par du propofol (un anesthésique général intraveineux à brève durée d’action avec un début d’action rapide) et du rémifentanyl (un narcoanalgésique à courte durée d’action de la classe des opiacés). En outre, l’administration d’un analgésique en suppositoire est destinée à réduire les douleurs postopératoires. Suite à l’intubation, la ventilation assistée se poursuit durant toute l’intervention, jusqu’à la phase de réveil. Cette dernière est relativement courte (5 à 10 minutes) pour les anesthésies générales par propofol et rémifentanyl. Les avantages de l’anesthésie générale en pédodontie sont la sécurité et le contrôle lors de tous les gestes thérapeutiques, notamment grâce à un champ de travail parfaitement calme, ainsi que la protection des voies aériennes supérieures. Parmi les inconvénients, il faut relever qu’il s’agit d’une méthode intensive en personnel et en équipement, qui est par conséquent très chère. Les risques sont dus à l’inhibition des réflexes physiologiques de protection des voies aériennes, pouvant donner lieu à des obstructions ou à des aspirations, ainsi qu’à la Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 dépression des centres de la respiration, pouvant aboutir à un arrêt respiratoire et une hypoxie. Pour ces raisons, il convient de respecter les standards établis par les associations spécialisées. L’anesthésie générale doit être conduite par un médecin spécialiste en anesthésiologie, disposant de l’ensemble des équipements et des appareils de surveillance nécessaires, de même que de personnel auxiliaire qualifié. La Société suisse d’anesthésiologie et de réanimation (www.sgar-ssar.ch) est actuellement en train de redéfinir les standards applicables pour les anesthésies générales dans le cadre du cabinet dentaire privé («Office Based Anesthesia»). Vus les risques inhérents à de telles procédures, il s’agit notamment de préciser les lignes directrices et de formation pour les médecins non anesthésistes et le personnel auxiliaire, les équipements exigés et les protocoles opératoires pouvant être réalisés dans un tel cadre. Concepts actuels des traitements analgésiques médicamenteux Dr Andreas Gerber, médecin-chef anesthésie, Hôpital des enfants, Zurich Dans son exposé complétant la conférence précédente par des aspects plus proches de la pratique quotidienne au cabinet, cet autre spécialiste en anesthésiologie a mis l’accent sur les mesures permettant d’évaluer de manière la plus objective possible le phénomène de la douleur. Dans ce domaine, certains concepts qui avaient encore cours il y a quelques années doivent aujourd’hui être considérés comme insuffisants, voire obsolètes. Pour les enfants de moins de 6 ans, des évaluations non verbales ont fait leur preuve pour objectiver la douleur, en premier lieu le NIPS (Neonatal Infant Pain Score) et le CHEOPS (Childens Hospital of Eastern Ohio Pain Scale). Pour les enfants de plus de 6 ans, donc capables de s’exprimer verbalement, différentes méthodes d’évaluation sont utilisées, la plus connue étant l’échelle VAS (Visual Analogy Scale), qui est graduée en 10 paliers. Pour être efficace et raisonné, tout traitement antalgique doit se fonder sur une appréciation pertinente de l’intensité de la douleur à combattre. Passant ensuite aux diverses possibilités de traitement analgésique par des médicaments, le spécialiste a tout d’abord attiré l’attention sur le fait que les enfants nés prématurément et les nouveau-nés sont particulièrement sensibles aux opiacés, en raison de l’immaturité de leur système enzymatique et de la régulation de la respiration. En outre, la clairance de ces L’actualité en médecine dentaire substances est très faible dans ce groupe d’âge, ce qui risque d’entraîner des surdosages ou des effets prolongés. La gestion de la douleur chez les enfants se fonde sur le concept des traitements analgésiques dits multimodaux. Ce concept met en œuvre, au niveau le plus faible, les analgésiques non opiacés (paracétamol, diclofenac et autres AINS), puis les dérivés de la classe des opiacés (nalburphine, tramadol, codéine, morphine). Pour les gestes interventionnels, l’anesthésie régionale par bloc tronculaire ou de plexus peut entrer en considération. Le paracétamol, molécule bien connue qui a fait ses preuves, permet d’obtenir une analgésie efficace à des concentrations de 20 à 30 µg/ml. En raison du fait que le paracétamol inhibe la COX (cyclooxygénase) mais pas les prostaglandines, il peut parfaitement être combiné avec le diclofénac qui agit justement sur ces derniers médiateurs de l’inflammation. Le paracétamol doit toujours être administré avant l’intervention, de préférence par voie rectale et à une posologie maximale de 100 mg par kilogramme de poids corporel. L’association du paracétamol et de la codéine s’avère également utile dans des états algiques plus prononcés. Concernant les opiacés, le conférencier a tout d’abord rappelé que cette classe de substances reste en principe réservée à des utilisations dans le cadre hospitalier, puisque leur administration se fait en général par voie intraveineuse – que ce soit en bolus, en perfusion continue ou à la demande par la méthode PCA = patient controlled analgesia. La peur encore bien répandue en regard des opiacés n’est nullement fondée. Utilisés à bon escient, ce sont des médicaments sûrs et efficaces. Il convient de distinguer d’une part les opiacés moyennement puissants (nalburphine = Nubain®, tramadol = Tramal®, ainsi que la codédine) et d’autre part les opiacés très puissants (morphine, péthidine, fentanyl, méthadone). Pour conclure son exposé, l’anesthésiste zurichois a encore mis en garde contre la combinaison du midazolam (Dormicum®) et du tramadol (Tramal®); à son avis, cette association est trop «lourde» pour l’emploi en cabinet privé. En outre, il faut savoir que le midazolam, sédatif de premier choix aussi en pédodontie, et par ailleurs bien toléré dans la majorité des cas, peut provoquer des réactions paradoxales (dans 5 à 10% des cas) qui se manifestent sous forme d’états d’agitation d’intensité variable. En cas de besoin, il faut administrer un antagoniste spécifique (Anexate®). Maltraitance à enfant: les obligations du chirurgien-dentiste dans la prévention du syndrome de Silverman Dr S. Bourguigon, chirurgien-dentiste, Strasbourg, France Les maltraitances infligées aux enfants (aussi connues sous le terme de syndrome de Silverman) revêtent des formes diverses. Il peut s’agir soit d’abus physiques ou sexuels, soit psychiques, notamment de cruauté mentale. Même s’il n’existe pas de chiffres précis, nul ne saurait prétendre ignorer le phénomène qui, à en croire des autorités compétentes, est bien plus répandu que l’on voudrait l’admettre. Ainsi, en France, l’ODAS (Organisation nationale décentralisée d’action sociale) vient de publier des chiffres accablants: pour le seul Hexagone, les statistiques officielles ont relevé, pour l’année 2001, 83 000 enfants en danger de maltraitance, 19 000 cas de maltraitance avérés et entre 300 et 700 enfants décédés suite à des maltraitances (dont 80% étaient âgés de moins de trois ans!). La définition de la maltraitance aux enfants est par ailleurs en constante évolution. Elle dépend entre autres de l’environnement culturel (p. ex. en Afrique), de l’époque (pensons aux châtiments courants au siècle passé dans nos contrées!) et de l’interface entre l’éducation et la maltraitance (une zone floue, notamment dans les environnements institutionnels comme les internats et les clubs de sport). Il convient de distinguer d’une part les sévices par action, qui peuvent être soit physiques ou sexuels (attention aux maladies sexuellement transmissibles!), soit psychologiques et, d’autre part, les sévices par omission ou abstention. Parmi ces derniers, la forme la plus grave est le nanisme psychogène par manque d’amour. Parmi les facteurs de risque, le conférencier a précisé que dans 80% des cas de maltraitance, il s’agit d’un phénomène de famille. Sont particulièrement à risque les familles instables ou de parents jeunes (moins de 18 ans), de même que les familles avec des antécédents de maltraitance («de père en fils...»). D’autres facteurs sont les conditions socio-économiques défavorables et les antécédents judiciaires (50% des pères incriminés de maltraitance à enfant sont des criminels). Parmi les facteurs de risque d’ordre psychologique, il faut évoquer les grossesses multiples, voire le déni de la grossesse, la pauvreté intellectuelle des parents et certaines pathologies gynécologiques. Il n’est pas étonnant de constater que les enfants handi- capés physiques et psychiques sont particulièrement à risque. Le rôle du médecin-dentiste revêt une importance capitale dans le dépistage des maltraitances aux enfants, du fait que dans près de 50% des cas de sévices physiques, les lésions intéressent la sphère oro-faciale. En outre, bien que les parents impliqués dans des maltraitances changent souvent de médecin, ils oublient de changer de médecin-dentiste, ce qui fait que ce dernier occupe une position stratégique lorsqu’il s’agit de déceler des lésions consécutives à des sévices physiques. Les expressions cliniques sont très diverses, les lésions les plus évocatrices étant des ruptures des freins labiaux, des lésions au palais (fellation forcée), et des lèvres (contusion, coups de poing). Aux arcades dentaires, les abus laissent également les traces les plus diverses (fractures, luxations, etc.), et des lésions par négligence en cas d’absence prolongée de soins. Parmi les lésions médicales associées, il faut dépister, sur la peau, les ecchymoses, très évocatrices si elles sont d’âges différents, et qui s’observent parfois carrément sous forme de traces de doigts. Les hématomes peuvent également être causés par des coups de ceinture ou d’autres objets. D’autres lésions fréquentes sont les brûlures, les morsures ou des alopécies par arrachage de cheveux. Les lésions oculaires prennent la forme d’hémorragies sous-conjonctivales, qui peuvent être d’origine directe ou indirecte (en cas de strangulation). A ne pas oublier non plus différentes fractures ou des troubles du comportement, voire de la croissance générale. Le diagnostic différentiel en cas de suspicion de maltraitance est très difficile à établir. L’un des indices les plus évocateurs sont des différences manifestes entre les dires de l’enfant ou des parents par rapport aux lésions objectivables. Ainsi, le cou, les plis de flexion et les parties internes des membres ne sont pour ainsi dire jamais touchés par des accidents. Lorsqu’il s’agit de lésions de la langue, le seul mécanisme traumatique est la chute sur le menton. En cas d’absence de lésions au menton, il y a une forte présomption d’une origine non traumatique. Les obligations du médecin-dentiste en cas de suspicion de maltraitance à enfant varient selon les pays (voire même des cantons en Suisse!). En tout état de cause, le manquement de signaler est considéré comme étant une non-assistance à Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 303 L’actualité en médecine dentaire enfant en danger, un délit qui peut être poursuivi d’office. Maltraitance à enfant: le point de vue du procureur général Dr A. Brunner, procureur général du canton de Zurich Dans ce dernier exposé de la journée, qui complétait les propos du conférencier précédent, cet homme de loi a précisé la situation en Suisse concernant les maltraitances et autres sévices infligés aux enfants. Il a tout d’abord déploré qu’en Suisse nous ne connaissions pas de contact institutionnalisé entre les professions sanitaires et les autorités judiciaires. D’un autre côté, les médecinsdentistes ne font en général rien lorsqu’ils sont confrontés à une situation de suspicion de maltraitance, préférant dans bien des cas se cacher derrière le secret médical, une attitude qui doit par ailleurs être considérée comme une interprétation parfaitement erronée de celui-ci. Historiquement, il est intéressant de rappeler que selon le droit romain, l’enfant était considéré comme étant une «chose», qui était de ce fait soumis à l’autorité absolue du «pater protestas». Finalement, ce n’est que vers 1860 qu’une prise de conscience des droits de l’enfant a commencé à se manifester, mais les maltraitances et autres exploitations (souvent d’ordre sexuel) perdurent jusqu’à nos jours. Et le conférencier de faire remarquer qu’en dépit du fait que le droit de dispenser des punitions physiques est aboli de jure depuis fort longtemps, il ne l’est de loin pas encore de fait! Force est de constater que la plupart des maltraitances sont perpétrées par un membre de la famille directe, voire par des proches, ou encore par de soi-disant amis (entraîneur de sport, enseignant d’internat, etc.). Le problème central pour le praticien est de décider des suites à donner ou des actions à entreprendre en cas de suspicion d’une maltraitance à enfant. Ainsi, 75% des médecins avouent spontanément qu’ils hésiteraient d’entreprendre des démarches en pareille circonstance. En tout état de cause, il faut toujours tout documenter, même les entretiens. Que faire alors? Cela dépend du cas individuel, a estimé le conférencier. Il a conseillé aux praticiennes et praticiens dans la salle de consulter tout d’abord une personne spécialisée avant de contacter les autorités. Il existe dans tous les cantons des groupes d’entraide, des institutions ou d’autres secrétariats de la jeunesse parfaitement habilités à fournir des renseignements pertinents en la matière. En cas de doute, les hôpitaux peuvent également renseigner le praticien. Par ailleurs, une telle consultation peut se faire en respectant l’anonymat le plus strict, puisqu’elle est protégée dans tous les cas par le secret médical. Le cas échéant, celui-ci ne peut être levé que par le médecin cantonal. Il faut savoir que bien que les droits de signalement de cas de maltraitance soient régis par les dispositions cantonales, l’obligation de signaler ne l’est en général pas. Toutefois, le droit pénal suisse prévoit expressément la possibilité de poursuites pénales contre les membres des professions médicales dans les cas graves qui constitueraient une mise en danger de l’enfant maltraité. REVUES Douleur Riley J L III & Gilbert G H: Orofacial pain symptoms: An interaction between age an sex Pain 90: 245–256, 2001 Des études épidémiologiques ont déjà montré que la douleur était plus fréquente chez la femme que chez l’homme et que sa prévalence était plus élevée en fonction de l’âge. L’effet de l’âge et du sexe sur la symptomatologie des douleurs orofaciales n’a encore reçu que peu 304 d’attention. Les effets du sexe et de l’âge sur des symptômes enregistrés de douleurs orofaciales ont été analysés dans un échantillon de communauté. Cette analyse comprenait 724 participants adultes dentés d’une étude longitudinale prospective sur la santé et les soins bucco-dentaires. Tous les patients avaient au moins 45 ans au départ. Il leur fut demandé par téléphone de décrire la présence et les caractéristiques de différentes douleurs orofaciales. Les réponses furent analysées et réparties dans des groupes d’âge et de sexe. Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 Conclusions Comme de coutume, le 19e Congrès annuel de l’Association Suisse de Pédodontie, première réunion scientifique de l’année, a tenu toutes ses promesses. Le problème complexe qu’est la douleur en pédodontie a été abordé sous plusieurs angles intéressants et les conférences des différents spécialistes étaient riches en enseignements permettant de mieux en saisir la signification pour les enfants. Or, une meilleure compréhension de la perception et de l’importance de la douleur contribue sans doute à mieux la combattre et de ce fait à prodiguer des soins de meilleure qualité. On peut d’ores et déjà se réjouir du 20e Congrès annuel de l’ASP, congrès anniversaire qui aura lieu le 23 janvier 2003 à Berne et qui sera placé sous le thème «Nouvelles méthodes thérapeutiques en pédodontie». Rendezvous est pris. ■ Les prévalences des différentes formes de douleurs orofaciales apparues dans les 6 mois précédant le questionnaire comprenaient 8,3% de douleurs maxillaires, 3,1% de douleurs faciales, 12,0% de douleurs dentaires, 15,6% de douleurs provenant de la muqueuse buccale et 1,6% de stomatodynies. 23% des sujets interrogés signalaient des douleurs à la mastication tandis que 24% indiquaient une sensibilité à la température. Les femmes semblaient plus facilement rapporter des douleurs orofaciales multiples et des douleurs de la muqueuse buccale avec davantage de prévalence en matière de douleurs des ATM et faciales. Les hommes présentaient une plus grande prévalence dans la sensibilité à la température. Chez les femmes, les douleurs associées aux ATM, aux dents ou à la mastication étaient souvent assez L’actualité en médecine dentaire sévères pour générer un changement dans le comportement. Les participants de 45 à 64 ans évoquaient plus facilement la sensibilité à la température et une douleur à la mastication que les participants plus âgés. En évaluant les interactions entre le sexe et l’âge, toutes les différences significatives dans l’appréciation de la douleur intervenaient dans la tranche des 45 à 64 ans, et non chez les sujets plus âgés. Seule exception, les douleurs associées à la muqueuse buccale. Cette étude clarifie les effets du sexe et de l’âge en se basant sur des rapports liés à la douleur orofaciale. Les appréciations de la douleur ne varient pas en fonction de l’âge en soi. Les femmes donnent des valeurs de douleurs plus élevées que les hommes pour une même catégorie d’âge. Les différences observées peuvent intégrer des facteurs à la fois psychosociaux, comportementaux et biologiques. En plus des interactions entre l’âge et le sexe pour les douleurs orofaciales, les résultats de cette étude montrent que les douleurs liées à la mastication et à la température sont plus fréquentes que ce qui avait été signalé auparavant. Michel Perrier, Lausanne pression artérielle, le pouls cardiaque, le flux sanguin périphérique cutané et la pression transcutanée partielle de dioxide de carbone (pCO2). Le flux sanguin des muqueuses augmenta sur tous les sites soumis au froid avec des pics entre 0,5 et 1,5 minutes. A 2 minutes, le flux sanguin diminua de manière significative sur tous les sites. Le pouls cardiaque et la pCO2 transcutanée augmentèrent aussi mais sans différence significative entre les groupes. Les changements de flux sanguin muqueux étaient plus importants chez les patients souffrant de stomatodynies que dans le groupe contrôle, avec une différence significative sur les sites du palais dur. Les patients souffrant de stomatodynies présentent une plus grande vasoréaction au froid que les volontaires du groupe contrôle. Ces résultats confirment l’hypothèse qu’une stomatodynie est associée à un trouble circulatoire au niveau des muqueuses. Une stomatodynie peut être en rapport avec un trouble de la vasoréactivité, due à une altération du flux sanguin local. Cette étude pilote nécessite une confirmation. Michel Perrier, Lausanne Implantologie Stomatodynies Heckmann S M et al.: Oral mucosa blood flow in patients with burning mouth syndrome Pain 90: 281–286, 2001 Les patients souffrant de stomatodynies présentent des douleurs et des sensations de brûlures dans la cavité buccale et les structures périorales. Cette pathologie est à la fois insuffisamment reconnue et traitée. Plusieurs cas sont idiopathiques. Une nouvelle technique de mesure du flux par un laser Doppler a été utilisée pour évaluer le flux sanguin des muqueuses (FSM) souffrant de stomatodynies. 13 patients souffrant de stomatodynie depuis une moyenne de 19 mois furent évalués, dont 11 femmes et 2 hommes, d’une moyenne de 64 ans. 13 patients contrôle, non fumeurs et du même âge furent examinés en comparaison. Le laser Doppler fut utilisé pour mesurer le flux sanguin des muqueuses sur plusieurs sites de la cavité buccale et sur les lèvres, avant et après l’application de glace pour stimuler la douleur. Les mesures suivantes furent obtenues conjointement: la Brägger U et al.: Biological and technical complications and failures with fixed partial dentures (FPD) on implants and teeth after four to five years of function Clin Oral Implant Res 12: 26–34, 2001 L’étendue des complications techniques et biologiques qui peuvent survenir dans les prothèses implanto-portées n’est pas négligeable. L’incertitude règne dans l’identification des facteurs de risque qui génèrent ces complications, y compris les taux de complications liés aux prothèses partielles fixes (PPF) sur implants, sur piliers naturels et en situations mixtes. Cette étude a suivi les taux de complications techniques et biologiques de prothèses soutenues par des implants, des piliers naturels ou mixtes. L’étude comprenait 85 patients dont la moyenne d’âge était de 56 ans, porteurs d’une PPF depuis 4 à 5 ans. 33 patients avaient un total de 58 PPF soutenues par des piliers naturels, 15 patients portaient 18 PPF mixtes. Tous les implants étaient du type ITI Dental Implant System. 144 piliers étaient naturels et 105 étaient des implants. Les PPF remplaçaient en moyenne 3 unités dentaires. La prévalence des complications biologiques (périimplantites, parodontites avec une profondeur de poche de 5 mm ou plus et accompagnée d’un saignement au sondage) et les complications techniques furent comparées parmi les groupes. Les facteurs de risques associés furent examinés. Dans chaque groupe, 1 PPF fut un échec total. Deux implants furent perdus consécutivement à une fracture, une dent en raison d’une fracture verticale et une dent en raison d’une parodontite. Des complications biologiques apparurent sur 9,6%. Les piliers naturels présentèrent un taux de complication biologique de 11,8% avec 2,8% de caries secondaires, 4,9% de problèmes endodontiques et 4,1% de parodontite. Les complications biologiques étaient plus fréquentes chez les patients présentant des problèmes de santé générale. Les complications techniques étaient plus fréquentes sur des prothèses im- Stephan Wentour Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 305 L’actualité en médecine dentaire planto-portées associées à du bruxisme. Le taux de complications techniques atteignait 60% chez des patients souffrant de bruxisme contre 17% chez des patients sans bruxisme. Les complications techniques apparurent dans 37% des cas avec extensions contre 11% sans extensions. Les PPF soutenues par des implants ou par des piliers naturels présentent en général de bons résultats cliniques 4 à 5 ans après leur mise en place. Des taux similaires de pertes de PPF ont été enregistrés sur différents types de supports. Les PPF implantoportées ont toutefois un taux plus élevé de fractures de céramique. Le bruxisme et les extensions augmentent le taux d’échec technique de façon significative. Cette étude apporte des résultats encourageants sur les performances des PPF soutenues par des implants et par des piliers naturels. Elle identifie aussi certains facteurs de risque en matière de complications techniques. Michel Perrier, Lausanne Impressum Titel / Titre de la publication Angabe in Literaturverzeichnissen: Schweiz Monatsschr Zahnmed Innerhalb der Zeitschrift: SMfZ Pour les indications dans les bibliographies: Rev Mens Suisse Odontostomatol Dans la revue: RMSO Redaktionsadresse / Adresse de la rédaction Monatsschrift für Zahnmedizin, Postfach, 3000 Bern 8 Für Express- und Paketpost: Postgasse 19, 3011 Bern Telefon 031 310 20 88, Telefax 031 310 20 82 E-Mail-Adresse: [email protected] Redaktion «Forschung · Wissenschaft» / Rédaction «Recherche · Science» Chief Editor/ Chefredaktor / Rédacteur en chef: Prof. Dr. Jürg Meyer, Abteilung für Präventivzahnmedizin und Orale Mikrobiologie, Zahnärztliches lnstitut der Universität Basel, Hebelstr. 3, CH-4056 Basel Inseratenverwaltung Service de la publicité et des annonces Schweizer Monatsschrift für Zahnmedizin Förrlibuckstrasse 10, Postfach 3374, CH-8021 Zürich Telefon 01 448 86 73, Telefax 01 448 89 38 Inseratenschluss: etwa Mitte des Vormonats. 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Les instructions pour les auteurs de la RMSO se trouvent dans le No 1/2001, p. 76. Instructions to authors see SMfZ 1/2001, p. 79. Herausgeber / Editeur Schweizerische Zahnärzte-Gesellschaft SSO Präsident / Président: Antoine Zimmer, méd. dent., Lausanne Sekretär: Dr. iur. Alexander Weber, Münzgraben 2, 3000 Bern 7 Telefon 031 311 76 28 / Telefax 031 311 74 70 306 Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 Abonnementspreise / Prix des abonnements Schweiz / Suisse: pro Jahr (12 Ausgaben) / par année (12 numéros) Fr. 269.05* Studentenabonnement / Abonnement pour étudiants Fr. 61.40* Einzelnummer / Numéro isolé Fr. 30.70* * inkl. 2,4% MWSt / 2,4% TVA incluse Europa / Europe: pro Jahr (12 Ausgaben) / par année (12 numéros) Fr. 280.– Einzelnummer / Numéro isolé Fr. 30.– + Versand und Porti Ausserhalb Europa / Outre-mer: pro Jahr (12 Ausgaben) / par année (12 numéros) Fr. 302.– Die Wiedergabe sämtlicher Artikel und Abbildungen, auch in Auszügen und Ausschnitten, ist nur mit ausdrücklicher, schriftlicher Genehmigung der Redaktion und des Verfassers gestattet. Toute reproduction intégrale ou partielle d’articles et d’illustrations est interdite sans le consentement écrit de la rédaction et de l’auteur. Auflage / Tirage: 5250 Exemplare ISSN 0256-2855