Commentaires de poésie 1 - L`arbre transformé, Daniel Guillaume

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Commentaires de poésie 1 - L`arbre transformé, Daniel Guillaume
D. Guillaume
OPTION LETTTRES MODERNES
PROGRAMME 2
Écrit : commentaire composé (poésie)
1.
2.
3.
4.
5.
La Fontaine, Fables VII, « Le loup et le chasseur »
Chénier, Élégies, « Versailles »
Valéry, Album de vers anciens, « Les danseuses »
Char, Fureur et mystère, « Gravité »
Ponge, Comment une figue de paroles et pourquoi, « La figue (sèche) »
COMMENTAIRE COMPOSÉ : BIBLIOGRAPHIE
— Pour l’étude de la poésie
. Michel JARRRETY (dir.)
— La Poésie française du Moyen Âge jusqu’à nos jours, PUF « Premier
Cycle », 1997.
— Dictionnaire de poésie de Baudelaire à nos jours, PUF, 2001
. Jean-Michel GOUVARD, La versification, PUF « Premier Cycle », 1999.
. Gérard DESSONS, Introduction à l’analyse du poème, Bordas « Lettres sup », 1991
CC poésie 2 : LA FONTAINE
Jean de La Fontaine, Fables
VIII, 17. « Le loup et le chasseur » (1678)
— Œuvre à la fois d’une grande notoriété et mal connue < utilisation pédagogique pour
jeunes enfants (dénoncée par Rss in Émile).
+ Tient au statut pbmatique de ce genre mineur, marginal / poétique classique (et ultérieure)
et qui ne constitue qu’un aspect / œuvre de Lf — surtt pê auteur de Contes grivois, ms aussi
de pièces de théâtre (L’Eunuque), roman vers et prose (Amours de Psyché et Cupidon), poésie
élégiaque (Songe de Vaux), religieuse (Poème de la captivité de St Malc)…
+ Gde complexité — inconstance revendiquée — pour un genre à l’histoire complexe :
. Double tradition :
— fables du grec Esope > latin Phèdre = récit sec > moral
— emblème = titre à valeur morale (sentance) > illustration > bref récit > long
commentaire moral.
. Génie de Lf = (enrichi par d’autres sources, dont l’indien Pilpaï) variations de plus en
plus libre àp de ces modèles.
— Livres 1-6, 1668 = proches des modèles antiques, morales assez peu
élaborées.
— Livre 7-11, 1678-9 = « fable égayée », largement enrichi (circ, variations
stylistiques) + approfondissement de la réflexion (morale, voire politique
— « Animaux malades de la peste » — voire métaphysique : « Discours à
Mme de La Sablière » : âme des bêtes…)
— Livre XII, 1694 = richesse, ms pour jne duc de Bourgogne, fils de Louis
14.
+ Pbmatique = ds relation de l’élaboration d’une morale et technique du récit (séparation /
articulation / tressage : pas d’abstraction du classicisme)
. Modulation de la morale > celle-ci tient à la pratique même du récit.
— I. Tours et détour du fabuliste
2
+ 1) Une composition singulière
. a) Ventilation du discours moral : en trois temps (variation originale / struct. de
l’apologue et de la fable esopique).
— Prosopopée de l’avarice en guise d’intro d’apologue : 1-7 > dialogue
imaginaire à valeur générique 8-11 (du fabuliste avec l’homme, typique) =
intro récit du chasseur.
— Articulation récit 1> 2 = passage de la convoitise à l’avarice : charnière
entre les deux récits par le disc (moralisateur) 34-5.
— Morale finale : relie éloge de la jouissance aux deux récits = 49-52 : pas
d’avancée véritable du discours (logique non démonstative) — ce qui
importe = acte de langage spécifique articulant morale et narration.
. b) Dualité, ambivalences : la convoitise et l’avarice
— Morale articule critique de deux excès découlant d’un refus (retard) de la
jouissance limitée, présente (aurea mediocritas antique), à quoi moraliste
oppose impératif « jouissons »6 [détermination du désir], « Il faut que l’on
jouisse »49 [pas de progression du discours, malgré déploiement du texte,
développement narratif] = variante dynamique puis statique de l’hybris
(avarice)
* Élabore morale épicurienne (jouissance modérée :ascèse) qui n’oublie
pas rigorisme stoïcien (stricte délimitation de ce que peut l’homme — cf.
fréquentation aussi des cercles jansénistes par Lf).
— « Fureur d’accumuler » = tout d’abord hybris comme désir d’acquérir
toujours plus (« convoiteux »34 = « vaste appétit » / « faiseur de
conquête »25) [cf. comme DJ de Molière 1665 qui se compare à Alexandre
le Grand] = pê aussi nommée avarice > fable du chasseur, qui veut tuer tj
plus.
— = aussi thésaurisation de ce qui est acquis, ms non consommé : « avare » au
sens contemporain [cf. Molière 1670] > fable du loup, qui ne veut
consommer ce qui s’offre a lui de meilleur.
. Parole du fabuliste lie ce raisonnt et ces critiques.
+ 2) Les mots du conteur
. a) Oralité
3
— Implication subjective : P1 désigne fabuliste (pas d’impersonnalité,
d’autorité traditionnelle de la morale) <
* « je »3, « ma voix »5 > tourne au dialogue (subjectivation >
dramatisation : amorce de narrativisation)
* > « ma fable »13 [fabuliste se met en scène comme personnage],
« mon Loup »48, « mon texte » 49.
— Évaluatifs :
* Substantifs : « fureur », « monstre »1, « bienfaits »2 ; « gloutons »50.
* Adj. : « honnête »16, « modeste »17, « énorme et superbe »18,
« assez »25 [point crucial de l’argumentation], « vastes »25, « chétif »28 >
« piteux »35, « rares »38
* Divers : « que de bien »36, « Il faut »38
— Marques d’énonciation :
* Interro initiales :
* Déixis (métatextuelle) : « Cette part du récit »33, « ces deux
gloutons »50 (traite comme particularité narrative — voire empirique — ce
qui revient de l’exemplarité générique).
— Adresse (possible) au lecteur (dialogisme exemplaire) [cf. / « homme »
typique] :
* par P2 : « te combattrai-je »3, « demandes-tu »4, « Hâte-toi »7 > « je
te promets » 36 [prosopopée de la fortune, ds récit 2 = reprend procédure
de l’attaque discursive initiale]
* à la P3 : par a parte 38-9 =parenthèse indique destinataire.
— > Multiplication des coupes rythmiques ds le vers (vivacité et variété) <
alternance des répliques, V d’intro, exclamations, corrections :
* 4 in dialogue initial, v. 9
* propos du loup, 37 sq.
. b) Le récit comme morale
— Dialogisme et dramatisation > narrativisation de la morale elle-même :
* Passage d’une interlocution ente fabuliste et « fureur de posséder » >
double échange de répliques + conclusion / « homme »7-11 : paternalisme
de « mon ami » + parole et pers du fabuliste rapprochée-distinguée / celle
anonyme de la trad = le « sage »5
4
* Conclusion de la morale ultime, récapitulative, = récit : pers des
« deux gloutons » > deux vers au passé simple : « perdit » + « périt »51-2.
— Moralisation (caractère discursif [cf. catégiries de Benv.]) des récits :
* Passages discursifs ds récit du chasseur = évaluatifs ms aussi
généralisation : adj. indéfini « tout modeste chasseur »17 > présent de
galité « rien ne remplit »25.
* id ds a parte récit du loup 38-9 = présent « il faut … sont… » +
article défini « les avares ».
+ Tressage plus encore qu’articulation de la morale et de l’exp (mise à l’épreuve fictive) :
morale de la manière [narrative] (de l’art — esthétique) plus que du discours. Pertinence et
surtout justesse ds orientation par des principe = se voit en acte (poème) [cf. Mol.].
— II. Les morales des récits
+ 1) Le temps de la sagesse
. a) Fureur du futur : avenir structure dénonciation des deux avarices.
— Interro. critique porte sur futur (temps verbal + CCT) : « dira-t-il jamais »6
[ambiv / « assez » = obtenu ou attendu] > ds dialogue : « je le ferai… Dès
demain. »9 > intro second récit, du thésaurisateur : « L’avare aura pour
lui… »34, « J’en aurai… ds deux jours »40sq..
— Rapport à l’avenir par autre tournure :
* Sens des verbes : « peut »10, « redoute »11 (menace du fabuliste), « je
te promets » loup36, « ménager »37
* « surcroît »27 = accroissement envisagé du butin.
— Double passé simple final = façon d’inverser (mortifier) cette ambition
démesurée, ce pari sur l’avenir (qui échappe, comme le montre ces
p. simples).
. b) Culte du présent [cf. morale du poète < lecture de Platon : chose légère, ailée : =
« je suis chose légère et vole à tout sujet, / Je vais de fleur en fleur et d’O en O » (« Second
Disc à Mme de la Sablière », 1684)].
5
— Présent
et
surtout
« jouissons »6,
impératif
« Hâte-toi » 7,
ds
« je
morale
te
explicite
rebats »8,
du
fabuliste :
« Jouis »9,
11,
« redoute »11 > « Je reviens »49, « Il faut »49 [général inclut l’actuel]
— Éclaire aussi recours massif au présent de narration ds récits exemplaires
qui démarrent au passé = donner saveur présente de la sensation,
proposition de jouissance ds parole morale de l’honnête homme, même à
visée prescriptive :
* Nott pour dire mvt, surgissement de la vie (animaux rapides), voire de
la mort : faon « passe »14, sanglier « tente » archer 19 (technique de chasse
passant par acte rapide, mvt vif), il « voit » perdrix marcher 26, sanglier
« vient » au chasseur pour le tuer 30 > loup « se jette » (CR) sur arc qui se
« détend »46-7.
+ 2) L’expérience du plaisir
. a) Juste distance : pas d’abandon sans médiation aux plaisirs de la représentation
(naturelle) — dérision du récit comme de la morale par inflexion héroï-comique (cf. Lutrin de
Boileau 1674) = une des techniques de la fable « égayée » (enrichie — aussi tvl, ds trad
rhétorique, sur les circ.).
— Traits stylistiques des grands genres, nott. épiques : cf. dominance de
l’alex, prosopopée initiale, opposition forte v2 (« un point » / « tous les
bienfaits ») = style hyperbolique, > cf. aussi « monstre »2 > « monstre
énorme et superbe »18 (/ sanglier)
— Créatures et allusions mythologiques ou antiques (en tension / animaux des
campagnes fr.) : Dieux 2, 19 sq. Styx, Parques et ciseaux, Déesse infernale
+ ralentissement narratif (scène tendant à l’hypotypose) sur agonie30 sq. ;
promesse par loup d’un temple à la fortune 36.
— Ms aussi détails concrets enrichissant la narration sur mode plus réaliste
(bourgeois — ou poétique : pastorale) : « tous deux gisent sur l’herbe »15,
«le long d’un sillon une perdrix marcher »27, corde arc « en vrai boyau » >
« boyaux percés » 45 sq. [risme / sanguinaire épique + répétition comique :
puni par où il a péché].
. b) L’art de la variété
6
— Métrique bien sûr, par vers libre : variation des schémas de rimes (plats et
croisées db. > embrassées aussi àp 15 : 1e accident narratif), et des formats
métriques —
fonction de dramatisation et démarcation, ms pas
systématique, cf. :
* rien de remarquable à l’intro du récit 13 sq. / 2 octosyllabes viennent
marquer surgissement puis survie de la perdrix fatale, à la fin du 1e récit
(28, 32).
* ds second récit = marque intrusion de la morale et mort du loup (39,
46) ms aussi fin du calcul de l’avare (42 : pê tension humoristique entre
brièveté du vers et quantité supposée de nourriture).
* fin 51-2 = morale (avec chiasme ds succession concept moral / V).
— Rythmique : dramatisation par CR (externe et interne)
* Mimésis du désir infini : 24-5 « rien ne remplit / Les vastes
appétits… »
* Mort : « Mon Loup // a les boyeux percés »48
* Sensation : « l’odeur // me le témoigne assez » 45
— Syntaxique : outre variation des temps (passé > présent), animation par
recours à syntaxe non verbale [paradigme, forme sens pour les morts].
* Phrase Nale 20 « Autre habitant du Styx » db de vers pour ser mort
(plus de verbe : pus de vie) = relation avec autre GN en phrase vbale ms
même position, pour ser morts (15 « Compagnon du défunt », 27
« Surcroît chétif… »). > « Quatre corps étendus ! »36 (>Nal) > simple
détachement du thème 41 > « Un nouveau mort »47 (COD).
7
LA FONTAINE
Jean de La Fontaine, Fables
VIII, 17. « Le loup et le chasseur » (1678)
— Problématique
Quelle relation la fable crée-t-elle entre le discours moral et l’art de la narration ?
— I. L’art de l’entrelacs
+ 1) Une composition singulière
. a) Ventilation du discours moral
. b) Les deux avarices
+ 2) Les mots du conteur
. a) Oralité
. b) Le récit comme morale
— II. Une écriture épicurienne
+ 1) Le temps de la sagesse
. a) Fureur du futur
. b) Culte du présent
+ 2) L’expérience du plaisir
. a) Juste distance : l’humour
. b) L’art de la variété
— Conclusion
Exposant et illustrant une morale de la juste mesure épicurienne dans la relation aux
circonstances, le poème peut se proposer lui-même comme exemple d’une telle convenance,
dans l’équilibre varié de ses formes.
8
CC poésie 3 : CHÉNIER
André Chénier (1762-94), Élégies (posth. 1819)
III, Fanny, VIII « Versailles» (1792)
— Figure poétique mythifié àp premières générations romantiques (Ste Beuve nott : 1e édition
1819) < décapité sous la Terreur : on y a vu exemple de pré-romantisme.
+ Perspective plus complexe :
. Pris ds pré-classicisme, comme réexamen du rapport à l’antiquité : depuis querelle
des Anciens et des Modernes (àp 1687 Perrault, Le Siècle de Louis le Grand, Parallèle des
Anciens et des Modernes 1688-97 ≠ Boileau, Laf, La Bruyère) > renouvellement de
l’archéologie 18e + invention de l’esthétique (définition du beau : Winckelmann )
— modèles antiques = guide pour idées de l’art (et nott beau, sublime), étayée
aussi par essence de la sensation et de la sensibilité (forme de sensualisme
et « préromantisme ») : rationalisme des Lumière + rôle de la sensibilité.
— Cf. œuvre très imprégnée d’antiquité du jne Chénier (né à Constantinople
de mère pê grecque + élevé ds salon parisien où David, poète LebrunPindare…) : élégies nott, + épopée de l’esprit humain et du progrès
(poèmes inachevés = L’Invention > Hermès = L’Amérique).
. Particularité (presque fortuite) = tient à sin inscriptionds l’histoire :
— accueille favorablement la révolution : hymne « Aux Jeu de Paume »
— se révolte contre dureté de la Terreur > participe à la défense de Louis XVI,
exécuté janvier 1792 > polémique avec les Jacobins > se réfugie à
Versailles où vit dernière idylle > arrêté > prison de St. Lazare > exécution
(poèmes parviennent roulés ds du linge).
+ Pbmatique = inscription de l’histoire ds forme poétique démarquée de l’antiquité > ds
aspect : néoclassique > élégiaque > désaccord constitutif.
— I. Marbres vivants ? Une poésie néo-classique
+ 1) Une écriture antiquisante
. a) Choix du genre
9
— Antique (≠ médiévaux : lais, rondeau, ballades… ; renaissants : sonnet,
dizain) = pratiquée depuis la Pléïade et devenu fond du classicisme puis du
néo-classicisme poétique.
— Particularité = application d’une forme plutôt propre à l’ode (strophe
composées : sizain classique / sujet élevé, majestueux [assouplissement /
première pratique de Ronsard = ode pindarique, avec triades §-anti§-épodes
> simplement strophes composées) pour un sujet à tonalité élégiaque (ms
attention < classement
et publication des poèmes = posthumes).
Discordance qui suggère une particularité [fêlure ds projet même]
. b) Motifs culturels et mythologiques
— Architecture : db.« portiques », « marbres », 12 « triples cintres »
— Civilisation : « empire »7, « pénates… couronnés de rameaux »9 [dieux du
foyers, romains], « chars » 15, [« rivages »38 : cf. valeur métonymique en
contexte maritime, grec ou latin]
— Mythe et religion : « les dieux… Élysée » 3 [= jardin de bienheureux :
paradis païen], « Dieux » comme comparant / sommeil et solitude, « ombre
livide »58 [= état des morts aux enfers ; répond à l’Élysée initial ; cf.
voyage d’Ulysse ou d’Énée]
— Mots employés avec sens de leur étymologie latine : « antiques »2
=
ancien (ms évoque antiquité < autres élts du contexte), « inquiètent »24
=mouvoir.
= Certains syncrétisme (Grèce / Rome) + pas simplement manière
d’embellissement (illustration), mais plutôt ds logique élégiaque : réf s antiques
= montrent éloignement de ce passé pourtant tout proche qu’est l’AR :
Versailles ainsi montré comme ruine future (cf. Antiquités de Rome, DB), déjà
détruite politiquement, symboliquement.
+ 2) La rhétorique de l’ode : clarté, éclat
. a) Clarté de la découpe thématique (+ unité strophique)
— Discours d’ensemble nettement articulé = développement lyrique > chute
dramatisée : bienheureuse solitude de Versailles loin de l’agitation
historique parisienne (v1-18 : 3§) [description], langueur présente
rehaussée par seul amour pour une absente (19-48 : 5§) [expression,
10
lyrisme élégiaque], bonheur possible gâté par obsession des violences
parisiennes (49-60 : 2§) [lyrisme devient polémique].
* Alliance des tons (ode / élégie / satire…) + annexion des thèmes
lyriques conventionnels depuis l’antiquité (Horace, Tibulle ; retraite à la
campagne, absence de la femme aimée) par écriture de l’histoire — fond
silencieux + surgissement final.
* Façon de traiter pbmatique d’époque (cf. Delille) = animer description
par « épisode ».
— Sauf à la § qui introduit l’amour personnel, toutes les § correspondent à une
phrase unique, ou à deux phrases, la première s’achevant au 3e vers (sur 6),
concordant avec fin de ce premier alex. (exception : 27) [= modèle binaire
de la période : idée (concordance mète-rime) > renforcement / opposition].
— Tonalité thématique par première rime d’appel suspendue, qui correspond
aussi à la première rupture métrique = alex. du 3e vers, cf. :
* « embelli »/ « oubli » (pose élégie versaillaise) > « rameaux:/
ormeaux » (nature), « séjour / cour » (vslles = lieu vide), « loisirs / désirs »
(vacances du désir)>>>>> « félicité/volupté » et « deuil/cercueil » =
contrepoint final.
. b) Embellissement par figures :
— Modalité exclamative : exclamation lyrique d’entrée (« Ô »1) > interjection
exprimant le regret (« Ah ! »19, 49), point d’exclamation après phrase non
verbale (« Heureux rivage ! »37 : joie ≠ « malheureux »19)
* Prosopopée [faire parler ou s’adresser / absents, morts et inanimés] :
« Versaille(s) »1,52.
— Périphrase : vers = « poétiques nombres »47
* métaphore filée :
éphémère éclat de la gloire = « De mon pâle
flambeau la clarté fugitive »29, inspiration poétique = « source, jadis
féconde, / Qui coulait de ma bouche en sons harmonieux » (45).
— Exemplarité (abstraction) : développement gal pour éclairer cas particulier
= cf. v. 31-36 (valeur de généralité : articles déf, présent, relative ss
antécédent) > id. / hypothèse utopique 50 « l’h juste et magnanime » ≠
article indéfini actualisant périphrase abstrayant allusions de leur contexte :
11
59« un peuple d’innocents » [= le pple français, et nott parisien], « un
tribunal perfide » [= jacobins, Comité de salut Public, Robespierre…].
— Parallélismes et chiasmes :
*// avec anaphores : attaque « Ô » + N, PNR « Qui » + GV 34-35 >
reprise de la conj de coord « et les arts, et l’étude »17, « ou s’égayer ou
gémir »35 = façon de clore en binaire (balancement) structure
potentiellement ouverte.
* chiasmes (et en partic N + adj) : « sur l’herbe aride une fraîche
rosée »5, « De mon pâle flambeau la clarté fugitive »29, « Tes sommets
verts, tes frais asiles »56 > vient compliquer parallélisme (« encore » av ou
apr l’auxiliaire)31-2 : « L’âme n’est point encor flétrie, / La vie encore
n’est point tarie » = justt pour signifier le temps, comme s’il fallait en
retenir l’écoulement.
+ Épuration d’une rhétorique séculaire = pour saisir ténuité d’un moment historique, àp
d’une perception naturelle qui pourrait sembler le voiler. C’est ds l’élégie que le néoclassicisme introduit son épure comme discordance.
— II. Source des pleurs. Une poésie élégiaque
+ 1) Nuances d’un sujet lyrique
. a) Un certain drapé
— Mise en scène du poète : S sensible, qui voit (tend au visionnaire aussi), et
vit pour autant qu’il aime = « je vois », « je l’ai vue » 8, 58 (nature > f
aimée > vision de cachemar), « que je vive » (< amour)28, « J’aime ; je
vis »37.
* Attributs : cf. possessifs = « ma pensée »4, [« mes pénates »9], « ma
jeunesse »19 [élégie], « mon âme » 22, « mes désirs »24, « mes
souhaits »27, « ma bouche », « mes lèvres »45-6, « mes yeux »57 >
caractérisation comme support de sentiment et lieux du chant sensible
(visionnaire).
— Théâtralisation de la phrase :
* Équilibre de la protase et de l’apodose en db. et fin de poème [carrure
rhétorique] :3+3vers §1 (apostrophe > proposition), id. v. 49 sq. (hypothèse
> conséquence).
12
* Renversements majeure/mineure : 1+ 5 vers §2 (prop. principale
« Paris » > CCT harmonique /Versaille) > 2+0,25 vers et 2+1vers §3 (2x
en gros : GS + GV [prop] = disparition des grandeurs > présent de la
retraite) ; v. 25 sq. : 2+0,5 vers (thème > prédicat : souhaits modestes) >
0,5+3 vers (prop 1 + prop 2 = vie et gloire grâce à l’amour) ; cadence
largement majeure ds 2§ suivantes, / amour.
. b) Moindres consistances
— Diffraction et inflexion de la subjectivité : outre diffusion large par
l’intermédiaire de ces possessifs (S à la fois central et diffus ds
énonciation), caractérisation par lex. psychologique abstrait lui confère
ethos languide qui vient moduler fermeté oratoire globale, cf. :
* sans possessif( et autre qu’hypothétique ou passé) — impersonnalité
abstraire tressée ds expression du sentiment : « un peu de calme et
d’oubli »6, « le sommeil, la solitude »16 [La Fontaine], « Une oisive et
morne paresse »20sq, « ennui » [sens fort], « les langueurs »,
25
sq.« L’abandon, l’obscurité[…] / Une paix taciturne et sombre », « douces
chimères d’amour »30 > « deuil »57 = termes signifiant, à divers égards, un
défaut d’énergie
* Cf. verbes du § du bonheur amoureux : après attaque où vie semble
découler de l’amour (amour = ressource, relance de vie ≠ expression,
débordelment : « force qui va ») > V + infinitif (action atténuée par V
conjugué — futur proche ou retenue) : « j’ose apprendre » [N de la femme
aux forêts] 39, « je dois la voir »42.
— Dualité de destinataires (de l’ode) mais un seul allocutaire : aller retour
global entre lieux de la monarchie défunte et femme aimée absente =
impossibilité de l’amour, vers lequel semble se résorber sentiment qui
recule devant présence de l’histoire.
* Fanny P3 : 38 sq.« sa noble image / son nom / je l’ai vue / je dois la
voir » > 43 « Pour elle… / pour elle encore » = abstraction +
intentionnalité.
* Versailles P2 : « ton aspect »4, « chez toi »8, « tu n’es plus le
séjour »15, « ta cour »18, « Cache + nourris » 26-7, « Tu conserves sa
noble image »38, 52 sq. « Versailles, tes routes fleuries / Ton
13
silence… », « tes vallons, tes sommets, tes asiles » = force active [lieu
mortifié, martyrisé — affaibli, comme le S — a pouvoir de grandeur :
conserver le noble] + gain de concrétude
* = nuances de l’épanchement lyrique se condensent sur un lieu de
solitude, un lieu vidé par l’histoire > élégie (amoureuse) = façon de dire
actualité meurtrière.
+ 2) Le décorum de la tristesse
. a) L’éphémère, l’absence
— Grandeur défunte de la cour royale : leur évocation arrive en second, bien
après amorce antiquisante et bien moins diffusée qu’elle = 3e §.
* v. 13 sq. = GN croissants (amplification) + inversion systématique
comme si anoblissement stylistique + retard de Nt° était chaque fois nécess
pour ce thème [cohérence prosodique [aR]].
* > mouvement de triple synthèse : PN indéf. « tout » = V élégiaque par
excellence > notion gale « grandeurs » > cadrage final de la strophe par
« cour » (devenue métaphorique : inversion de valeur — presque aussi
ironique qu’élégiaque —, de la mondanité à la « solitude/étude »).
— Grandeur naturelle : vastitude comme aboutissement du mouvement
lyrique, dans l’espace ou comme expression :
* « les monts et les plaines / Vont dirigeant mes pas aux campagnes
prochaines »10-11 = aimantat° du lointain, même si reste (repli) au proche :
comme grandeur versaillaise au loin (§ suivante)
* 39 « Son nom, qu’à tes forêts j’ose apprendre le soir » = confession
intime à la vaste nature [cf. « Lac » de Lamartine = les lieux répètent « Ils
ont aimé »].
* Vacuité élégiaque de cet espace, entre l’intime et le lointain où il
s’épanche.
. b) Douce nature ? [détails plastiques : pb « coule » db et bouche]
— Le végétal immédiat : signification d’intimité par la nature = passe par
périphrase antiquisante 9 « Mes pénates secrets couronnés de rameaux »
[métaphore et /ou métonymies : lieu / dieux du foyer, retrouvé ds nature à
14
défaut d’être parmi les hommes] > récurrence d’une valeur de repli,
d’espace opaque ou clos (suggestion de courbure, voire de circularité) :
* 46 « bosquets sombres » forment rythmes poétiques = jardin comme
source voire projection dans l’espace de l’harmonie poétique (où le
poète est chez soi).
* 52 « tes routes fleuries » = fermeture par possessif + bordure florale
* 55 sq. « souvent tes vallons tranquilles, / Tes sommets verts, tes frais
asiles » = même logique, avec fort investissement prosodique créant par
modulation densité rythmique-sémantique particulière ([v], [l] , [vèR] /
[frè] = inversion + jeu sur sonore/sourde) — et rappel / db. « fraîche
rosée »5 ; ms : se développe d’autant mieux, à la fin, que ménage
contraste fort / surgissement final du drame (vaut pour cela).
— Ambiguïté latente de cette nature : perceptible ds première image, précise =
* 5 « Comme sur l’herbe aride une fraîche rosée » : comparant,
interprété au vers suivant (calme et oubli — second terme module,
relativise le premier), réalité de « pensée », + tension entre l’aride et le
frais, soit grâce versaillaise pas concevable perceptible sans drame qui la
sous-tend. > voir
— Le liquide : sert à développer métaphore filée de l’inspiration poétique 43
sq. = statut allégorique (abstrait) des élts sensibles. Étrangeté que rendu
sensitif précis :
* dire de l’abondance ne donne sur aucune image de nature l’illustrant :
« féconde »44 = vaut seult pour poésie — comme « fertile »53 pour
« belles rêveries » ; seule vie = poétique et esthétique.
* concret sensible = modelé lyrique du poète lui-même : 45-6« Qui
coulait de ma bouche… / Sur mes lèvres… » = quasi érotisation
narcissique de soi, comme si enchantement lyrique au bout du compte
purt centripète, ne donne chair qu’à sa propre source (> cf. figure peu
cohérente / nature : bosquets forment sur lèvres…).
+ Le lyrisme peine donc ici à enchanter ce qu’il chante : la rhétorique s’abstrait de ses motifs
(effusion subj, nature), en un vide, une décoloration qui marque le passage (dévastateur) de
l’histoire.
15
— III. Ombres livides. La marque de l’histoire
+ 1) Modalités de violence
. a) Affleurements polémiques
— Malgré 13 sq. vanité des grandeurs défuntes de la cour royale > 23-4 s’y
oppose aspiration, du poète élégiaque , à la tranquillité et obscurité : valeur
d’authenticité (romantique ≠ aspiration pléiade à la gloire, et pratique
mondaine des poètes de l’AR : cf. Voltaire « Le mondain » [esprit]) qui
sont aussi pointe / agitation du monde parisien (politique et mondain) =
façon de dire que possibilité de parole poétique (soir : authenticité) l’a
déserté [reproche politique sur mode lyrique].
— Surtout charge finale, qui tient autant à la composition (contrepoint :
« amour »48 > « crime » 50, et « Tt à coup + Précipite » 57-60 qu’au
lexique (évaluatifs ; peu nbx, fort par contraste) : « succès du crime »49 >
« perfide » ≠ « innocents »59 [+ champ lex mort, après vie ds nature : deuil,
ombre, cercueil]
. b) Rythme et construction (dramatisation, discordances, oralité)
— Quelques discordances entre mètre et sx (peu violente) :
* R + Cri 15 = marque arrachement élégiaque du passé historique
* Cri 52 = distension de l’euphorie imaginaire y fait porter le soupçon
(ds passage au conditionnel : harmonie = fictive)
* Enj. 58-9 = clôture retardée du sens (par celle du syntagme GN)
dramatise contraste sémantique, heurt éthique (injustice de la mort, la
sépare des victimes…).
— Surtout, resserrements accentuels, nott en db. de vers : oralité oratoire (cf.
interjection : v1, 19…) mais aussi charge énonciative plus globale.
* Lié à interlocution : « Versailles »52 + autour de l’apostrophe <
juxtaposition de prop. brèves 37 [dramatisation par dénuement] :
« J’aime ; je vis », relative explicative 39 : « Son nom, qu’à… » +
incise 40 : « Quand, l’âme… ».
* Placement de mots dont radical monosyllabique > CA tonique :
« Coule »6, « l’obscurité, l’ombre »25, « Cache »27, « L’âme »31,
« Tes sommets verts »56, « errer l’ombre livide »58.
16
+ 2) Un art endeuillé
. a) Pâleur du visible (peu d’attribut)
— 29 flamme même de de la vie et de l’art = peu différente des ombres :
« pâle… fugitive »
— Élts concrets = peu caractérisé (épithète), ou sinon de façon
conventionnelle (redondante) ou allégorique : cf. première et dernière
strophe ; art ne permet pas saisie de la réalité tangible, laquelle semble
s’être enfuie avec valeur et sens de l’histoire.
* Cf. Baud. in Fleurs = peu d’élts concrets sur Paris du second empire,
détour par l’antiquité in « Le cygne » « Andromaque, je pense à
vous… » > « tout pour moi devient allégorie ».
. b) Impropriété de la forme (cf. archaïsme : inversion, rimes par suffixes)
— Décollement de l’art / R qu’il ne peut plus dire que par défaut > valeur
expressive a contrario des conventions formelles (qui apparaissent comme
telles par contrastes / R contemporaine à dire).
— Plupart des rimes = peu riches + souvent entre suffixe (comme chez Rac.) :
font entendre langue ds sa morphologie usuelle, et ne tentent pas d’avoir un
pouvoir de découverte (cf. Parnasse > Symbolisme) [≠ classicisme, où toute
la langue se trouvait élevée, sublimée par teneur du discours]
— Inversion caractérisant langue poétique classique (« langue de vers »
J. Roubaud : mettre déterminé après le déterminant) = « robes surannées »
[« Recueillement » Baud : « […] Vois se pencher les défuntes Années, /
Sur les balcons du ciel en robe surannées »], peuvent prendre en soi charge
mélancolique, comme palais et jardins déserts de Versailles [≠ lecture
moderne, qui peut aussi tenter de rendre compte / faveur de Chénier chez
les romantiques, comme dégagement du classicisme : nvté ds nostalgie
(existe aussi dolorisme légitimiste ds premier romantisme : Chat.)].
* « Par les dieux et les rois Élysée embelli »3, « des grandeurs tu n’es
plus le séjour »15, « Mon âme, d’ennui consumée »21, « De mon pâle
flambeau la clarté fugitive »29, « Son nom, qu’à tes forêts j’ose apprendre
le soir »39…
17
CHÉNIER
André Chénier (1762-94), Élégies (posth. 1819)
III, Fanny, VIII « Versailles» (1792)
— Problématique :
Comment l’histoire s’inscrit-elle dans une forme poétique qui semble pérenniser le classicisme ?
— I. Marbres vivants. Une poésie néo-classique
+ 1) Une écriture antiquisante
. a> Choix du genre
. b> Motifs culturels et mythologiques
+ 2) La rhétorique de l’ode
. a> Clarté de la découpe
. b> Éclat des figures
— II. Source des pleurs. Une poésie élégiaque
+ 1) Nuances d’un sujet lyrique
. a> Un certain drapé
. b> Moindres consistances
+ 2) Le décorum de la tristesse
. a> L’éphémère, l’absence
. b> Douce nature ?
— III. Ombres livides. La marque de l’histoire
+ 1) Modalités de violence
. a> Affleurements polémiques
. b> Rythme et construction
+ 2) Un art endeuillé
. a> Pâleur du visible
. b> Impropriété du poème
— Conclusion :
À travers le lyrisme élégiaque mais, plus encore peut-être, à travers un certain formalisme, l’histoire se
dit comme impossibilité de son expression.
18
CC poésie 5 : VALÉRY
Paul Valéry, Album de vers anciens (1920)
« Les vaines danseuses »
— Positionnement et parcours particulier de Valéry :
. proximité de Mallarmé et du symbolisme > nbreux poèmes de jeunesse, non publiés
d’abord.
. Crise de Gênes, 1892 (probablement lié à crise amoureuse) > suspend travail
poétique au profit d’une recherche de l’intelligence (de soi, de la création ds le langage, de la
culture et de la connaissance) > Soirée avec M. Teste (1896) + Cahiers
. 1912-17 (publication) = La Jeune Parque, pièce courte qui doit clore sa carrière
poétique > en fait long et important poème réflexif ; ds la foulée, sur pression de Gide et G.
Gallimard, publie Album de vers anciens (1920 < 1890-1900) : mise à distance, mais aussi
postériorité / crise de1892, + réécriture pour publication.
— Charmes (1922) clôt en gros carrière poétique > personnage publique,
publiant nbx essais (Situations, Tel Quel…) + enseignt au Collège de
France àp 1837.
+ Position du symbolisme
. Réaction / naturalisme et positivisme (Parnasse) : forme d’idéalisme poétique passant
(avec dominantes diverses) par exploration des formes, de la subj et de la conscience ;
précurseurs pê ;plus importants que membres effectifs (d’un mvt peu stable)
— Cf ; Mallarmé in « Crise de vers » (1895) : « un Idéalisme qui (pareillement
aux fugues, aux sonates) refuse les matériaux naturels et , comme brutale,
une pensée exacte les ordonnant ; pour ne garder de rien que la
suggestion. »
— Manifeste : 1886, Jean Moréas = affirme cet idéalisme, ainsi que libération
de l’alexandrin et pratique du vers libre (initié par Rimb. > Vielé-Griffin,
Kahn)
+ Inflexion mallarméenne
19
. Négativité de l’Idéal + extrême rigueur de la forme (mètre / prose à la sx complexe /
Coup de dé).
+ Pbmatique : inflexion d’un symbolisme mallarméen, entre subjectivation et réduction
pragmatique (rabattement d’absolu).
. Recherche de la suggestion rend l’O du poème insaisissable ; lié à recherche d’une
idéalité ; rigueur du projet tenant à sa réflexivité, qui problématise tte transcendance
(« vaine »).
— I. Mouvement : insaisissables danseuses
+ 1) L’insaisissable sujet du poème
. a) Thème et phore
— Relation posée initialement comme équivalence : « Celles » [anaphore
efface lexème du thème] = « des fleurs légères » [phore] ; déjà flott par
épithète, redondant pour « fleurs », mélioratif pour « danseuses »…
. Métamorphose, plutôt que métaphorisation du thème par le phore.
— Élts de confusion ds la suite du poème :
. Double métaphorisation / « grâces » : abstraite ou anthropomorphe, cf. 3
Grâces [pb < pas de majuscule ici] = déesse personnifiant don de plaire) =
constitution métaphorique pour dire couleur (« De mauves et d’iris et de
nocturnes roses » = inversion du S pouvant créer confusion) + « sous leur
danses écloses » : thème initial (danse : CCL) vient déterminer le phore
(fleur : pp. épithète « écloses »).
. 7 doigts dispensent parfums > doigts assimilés à des fleurs + « parfums
voilés » = parfums assimilés à des femmes…
— Dissémination du comparant floral :
. 8 : « azur doux s’effeuille » + 11 « silence en fleur »
. traité comme élt réel du décor théâtral : 13 « Aux calices aimés leurs
mains sont gracieuses » + 20 »Boire des lys l’eau frêle »
. b) Pluralités indéfinies
— Double détermination d’une collectivité indéfinie de danseuses :
. 1« Celles qui sont des fleurs » = relative périphrastique implique sélection
sur un ensemble dont le reste demeure indéterminé. > thème tenu par
20
anaphore garde part d’indétermination (marginalité constitutive) : « Les
voici » 3, « Encor les voici »11 > « leurs mains » 13, « leurs bras »15…
. 17 « Mais certaines » = sélection par PN indéfini.
— O du poème reste mal déterminé, qualitativement et quantitativement.
+ 2) Une écriture de la fuite
. a) Permanence de dynamiques douces > fluidité de toute présence
— S animé régit préférentiellement verbe de mvt : « sont venues » 1 > « fuir »
4 et 12, « certaines… S’en vont » 17-19.
. id parties du corps : doigts dispensent parfums 7, bras aiment à dénouer 16
— Diffusion des élts inanimés : « s’irise une faible lune »3, « azur…
s’ effeuille »8, « eau … luit »9, « silence… monte »11
. b) Disparitions et morts
— Contrepoint statique même est de préférence liquide, comme degré zéro du
mouvement, zone de repos plutôt que négation du mouvement :
. cf. « eau … reposée » 9 comme achèvement d’un mvt > « lac
enseveli »19, « l’eau frêle où dort le pur oubli »20.
— Relation prosodique de cette immobilité liquide avec la mort, qui apparaît
peu avant le centre du poème, comme aboutissement d’un mvt
(« effeuille ») = « bocage mort »8.
. cf. 20 « Boire … dort… oubli » // 8 « bocage mort » > suggère mort
comme terme latent de toute cette fluidité et fragilité (vanité au fond de
l’univers bucolico-élégiaque).
. c) Mélodie dénouée
— Voix pour PV comme réalisation poétique de l’âme > travail de la
musicalité, ds tradition symboliste (et classique) comme idéalisation de la
parole (tiré vers unité dynamique d’un sens matériellement manifesté : par
les sants — l’Idée fait la Musique, qui manifeste l’Idée).
— Cf. diffusion de « Celles » (condensant titre) ds v1 > reprise inversé ds
« les voici » + saturation (irisation) en [i] v2-4 (« Figurine… s’irise…
voici… fuir… éclairci »).
. Id. / [m] de « Mélodieuse », 8-18, de « mort » à « rythme » = rachat et
sublimation de ce qui passe irrémédiablement.
21
— Manifestation précoce de la musicalité :
. diérèse sur « Mélodieuse » 4+12 = étirement vocal + grâce surannée (id.
« gracieuses 13, « pieuses » 14)
. au contraire : contournement de la césure, choix de l’impair pour
contourner l’alex 2 : « Figurines d’or et beautés toute menues » (5//7…)
+ Délicate singularité de ce que cherche à suggérer le poème fait la difficulté d’appréhender
ce qu’il offre à la lecture > idéalité de son O rayonne ds la représentation poétique et s’en
abstrait.
— II. Idéalité : fleurs absentes
+ 1) Figures de l’idéalité
. a) Décorum symboliste
— Idéalisme symboliste (suggestion d’un au-delà par symboles sensibles et
musicalité du vers) affectionne esthétisation du réel : délicatesses, voire
déliquescence, en tout cas évanescence >
— Décor d’idylle en ce qu’il a de plus délicat :
. fleurs (5 mauve, iris, rose > 16 myrtes > 20 lys ) > « calices »13
. ≠ forêt, mais : « bocage »8 [titre Rons : ptt bois], « bois »12 = forme
moins sauvage…
. eau > « rosée » 10
. désignation poétique du ciel : « azur »8 (mot mallarméen)
. lune 3, 14 = ambiance féerique et mythique (cf. Nerval : Cybèle, déesse
magicienne + forêt nocturne des contes et romans médiévaux)
— Corps féminins des « grâces » 6 [réminiscence mythologique] > blason
délicat [tj. : finesse du motif, et difficulté à saisir un ensemble] : « beautés
ttes menues » 2 > « doigts »7, « mains »13, « lèvres »14
— Univers esthétiques : rayonnt àp de la danse
.
Gestuelle
étudiée
ou
du
moins
douce :
« danses »6,
« mains
gracieuses »13, « gestes endormis » [gestes le sont, et non les personnes >
mimésis] 15, « caresses »17, « pas subtil »19
. Musique : « Mélodieuses »4, 12 > rythme + harpes 18
22
. O d’art (bijoux) : « Figurines d’or »2 > diffusion métaphorique de
l’isotopie = « doigts d’or »7, « trésor » 10, « calices »13 [syllepse possible,
en tout cas sur sur polysémie]
— > cf. soin du corps : « parfums voilés »7 (adj. tire vers le cosmétique
ce qui peut se comprendre comme naturel)
. b) Caractérisation idéalisante [et non pas seulement désignation des réfts]
— Fréquence des adj. qualif, mais vaut aussi pour caractérisation par GN
prépositionnel, ou du verbe.
— Esthétisation :
. connotation idéalisante : « antique rosée »10 (tirer l’éphémère vers
l’éternel)
. harmonie supérieure : « Mélodieuses fuir »4, 12 [V d’action traité comme
V d’état + attribut du S > manière de l’action devient modalité d’être,
qualité du S : ici idéalisé — avec continuum entre agent et procès], « bras
merveilleux »15
. lumière : « bois éclairci »4,12, « doigt d’or »7
— Valorisation axiologique (éthique) : +
. harmonie entre danseuses et nature : « calices aimés »13, « myrtes
amis »16,
. qualité des danseuses et de leurs actions : « lèvres… pieuses »14
(hypallage : danseuses le sont pê… ; sens à déterminer : piété pour quoi ?
ds rapport à la belle nature, et dc à la beauté ? [> silence respectueux,
pieux]), « pas subtil »19
. entre valeur morale et simple essence : « pur oubli »20 [< sens de
l’adjectif antéposé ≠ postposé ; suggestion tt de même d’une essence]
+ 2) Tropisme abstrait
. a) Entours incertains
— Atténuation de présence ds caractérisation :
. réduction quantitative : « fleurs légères »1 (moins de matière), « beautés
menues »2, « de l’eau mince »9, « un peu de lune »14, « pas subtil »19
(étym : léger, menu, fin, délié), « l’eau frêle »20.
23
. rétention d’énergie (d’éclat) : « s’irise une faible lune »3, « nocturnes
roses »5, « grâces de nuit »6, « parfums voilés »7, « luit à peine »9, « pâle
trésor »10,
« geste
endormis »15,
« harpes
lointaines »18,
« lac
enseveli »19.
— Préposition « à » : typique du symbolisme, ds indication d’un rapport
vaghue entre deux choses (sens minimal d’une destination, orientation vers,
cf. lat. ad) = 13 « Aux calices aimés leurs mains sont gracieuses », 19 elles
« S’en vont d’un pas subtil au lac… ».
. b) Actualisation de notions
— Concepts (négatifs) :
. déter défini sing. : « le silence »11, « [le] rythme »18, « le pur oubli »20
. plur. : [« beautés » 2] « les grâces de nuit »6 = esquisses d’incarnation par
le pluriel (fréquent à l’époque symb. — cf. aussi Pst.)
— Référents (sés) problématiques :
. par mise sur le même plan du concret et de l’abstrait : « Fugurines d’or et
beautés »2, « du rythme et des harpes »18 [notion envisagée ds sa
réalisation qui demeure indéterminée + instrument comme désignation
métonymique de la musique].
. par métaphorisation de l’abstrait par le concret : « le silence en fleur
monte »11 (expansion), « dort le pur oubli » (imagination d’une
potentialité)20.
. par caractérisation singulière d’un substantif pbmatique, ds une probable
métaphore filée : « dénouer … / Leurs liens fauves »16-17 = proximités de
« caresse » suggère sensualité (domaine du désir, ou gestes qui l’incarnent :
cf. aussi, outre couleur rousse, sauvagerie évoquée par « fauve »,
contrastant fortt / contexte éthéré).
+ Mise en scène éthérée d’abstractions sensibles, voire de réalités qui n’existent que par la
grâce du travail verbal > à travers danseuses, poème montre sa propre vanité de Narcisse,
réfléchissant ses propres pouvoirs et leurs limites. Montre et problématise une évidence de
poésie.
— III. Théâtralité : le poème Narcisse
24
+ 1) Le spectacle d’une harmonie subtilement désaccordée
. a) Visualité
— Jeu des couleurs et lumières
— Récurrence de la déixis : « voici »3,11 ; « ce bocage » (pas anaphorique)8
— Effet d’évidence ds emploi de l’article défini (présupposition de
connaissance) à la première mention de divers élts (+/- impliqués par
contexte précédemment posé) > pas d’actualisation progressive [cf. même
pbmatisation d’essence : « une faible lune »3 < n’y en a qu’une], mais
présence directe :
. apparition : « le bois »4, « l’azur »8, « les myrtes »16, « des harpes »18
(de + les), « au lac »19 (à + le), « des lys »20 (de +les).
. évidence ne tient (par le jeu de la présupposition) qu’à la conscience du
spectateur fictif (le poète)
. b) Faux miroir de la composition
— Composition en deux temps évidente < présence d’un refrain : reprise 3-4 >
11-12.
. Présentation du thème > 1e mvt descritptif 3 sq. > 2e 11sq.
— Articulation problématique :
. correspond à une discordance (CRe = 1 vers) avec variation : « Encore »,
qui en même temps manifeste la, répétition.
. 2e occurrence marque exactement db. de la seconde moitié du poème (11e
vers sur 20), mais 1e occurrence au 3e vers + décalage / division graphique
(v. 1-4 / 5-20) : présentation + mvt // description > « Encore » 2nd mvt +
description > « Mais » 3e mvt. [alternance récurrente : mvt-image]
— Dualité de la composition : cf. tension constitutive entre récurrence
ponctuelle manifeste et forme poétique globale= alex à rimes plates, soit
plutôt forme continue, pour des textes élégiaques et méditatifs (discours
Rons > VH) [proxim de la prose].
. c) Traitement de l’alexandrin
— Classicisme manifeste, pas du tout évident ds le sillage du symbolisme, qui
a imposé le vers libre, en plein modernisme [Esprit Nouveau] et à la veille
du surR (cf. 1910 Cinq Grandes Odes de Claudel, 1916 création de Dada à
Zürich, 1917 revue Nord-Sud de Reverdy ; Calligrammes d’Apollinaire
25
1918, Breton et Soupault Champs magnétiques 1920) : permanence de la
marque mallarméenne, où le mètre (la mesure) signifie prégnance de l’idée
(impersonnelle) sur l’écriture.
— > affichage de cette idéalité, représentation idéalisée du vers, qui use
pourtant
des
assouplissements
symbolistes
accompagnant
ici
la
théâtralisation de l’éphémère :
. trimètre romantique avec coupe enjambante (césure 6e possible, comme
chez VH) : 9 « Et de l’eau min/ce luit // à pei/ne, reposée »
. alexandrin 8//4 (voire ss césure 6e ; pratique postérieure à 1870) : 3 « Où
s’irise une fai//ble lu/ne… Les voici », 17 « Leurs liens fauves et leurs //
cares/ses… Mais certaines » = en des points stratégiques quant à la
structure du poème + tj avec césure potentielle enjambante (>
accroissement d’incertitude).
. impossibilité du 6-6, ss mesure de substitution : 2« Figurines d’or / et //
beautés toutes menues » = division 5//7, ou jeu à la césure (cf. « dorées » ?)
+ 2) Fiction du poème
. a) ÊEtre et rôle
— Récurrence du verbe être : à l’attaque, et après la phrase récurrente
structurant le poème = avec valeurs différentes :
. attaque : 1« Celles qui sont des fleurs » = être théâtral : montre d’emblée
caractère fictif de l’être fleur des danseuses (« vaines » en ce sens).
. > 5-6 « De mauves… / Sont les grâces… » > 13 « leurs mains sont
gracieuses » = caractère essentiel de la grâce (sens premier = « aide de
dieu », gratia ; manifestation de beauté, charme — cf. recueil de 1922) +
par alignement paradigmatique (cf. Jakobs) = ressort essentiellement fictif,
théâtral de la grâce : n’existe que par et comme fiction [cf. poésie / travail
de langage : pas de Dieu, d’inspiration…]
. b) Miroir des signes (lecture auto-allégorique de la fin : vers la jne Parque)
— Intertextualité forte, mallarméenne, activée par le vers initial : poème
produit un sé ss référent (connu), son harmonie propre suggère une idéalité
sans réalité, qui tient au seul être linguistique du poème > texte comme
allégorie ou mise en scène métapoétique / idéalité du signe.
26
. « Ballets » (1886) in Crayonné au théâtre in Divagations : « la danseuse
n’est pas une femme qui danse, pour ces motifs juxtaposés qu’elle n’est pas
une femme, ms une métaphore résumant un des aspects éltaires de notre
forme, glaive, coupe, fleur, etc…, et qu’elle ne danse pas, suggérant […]
avec une écriture corporelle ce qu’il faudrait des paragraphes en prose
dialoguée autant que descriptive, pour exprimer, ds la rédaction : poème
dégagé de tout appareil de scribe. »
. « Crise de vers » (1895) ibid : « À quoi bon la merveille de transposer un
fait de nature en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole,
cependant ; si ce n’est pour qu’en émane, sans la gêne d’un proche ou d’un
concret rappel, la notion pure. / Je dis : une fleur ! et hors de l’oubli où ma
voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autres que les
calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous
bouquets. »
— Proximité de La Jeune Parque (écriture 1912-17) = long poème narratif
mettant en scène +/- représentation allégorique de l’âme poétique (≠
impersonnalité mallarméenne), entre repli sur soi et ouverture au monde.
. représentation féminine lovée sur elle-même en un demi-sommeil chargé
de sensualité : cf. éveil de la Parque // « gestes endormis » + « liens
fauves » et « caresses » des danseuses [narcissisme : jouissance en un repli
sur soi de l’âme hyperconsciente].
. > lecture allégorique de la fin : tentation d’une libération de la forme
(apparat poétique) > risque d’une perte de conscience (« oubli »), perte de
soi qui est aussi forme d’accomplissement (cf. « pur ») [cf. beauté /
tentation du suicide de la Parque] : tentation valéryenne = à la fois
accomplissement extrême de la forme poétique / sortie ds réflexion pure.
27
QUELQUES ÉLÉMENTS DE LA MODERNITÉ POÉTIQUE
Mallarmé :un symbolisme critique
Suggestion et idéalité
Divagations (1897)
« Crise de vers » (1895) : « un Idéalisme qui (pareillement aux fugues, aux sonates) refuse les matériaux
naturels et , comme brutale, une pensée exacte les ordonnant ; pour ne garder de rien que la suggestion. »
« Ballets » (1886) in Crayonné au théâtre : « la danseuse n’est pas une femme qui danse, pour ces motifs
juxtaposés qu’elle n’est pas une femme, ms une métaphore résumant un des aspects éltaires de notre forme,
glaive, coupe, fleur, etc…, et qu’elle ne danse pas, suggérant […] avec une écriture corporelle ce qu’il faudrait
des paragraphes en prose dialoguée autant que descriptive, pour exprimer, ds la rédaction : poème dégagé de tout
appareil de scribe. »
« Crise de vers » (1895) ibid : « À quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition
vibratoire selon le jeu de la parole, cependant ; si ce n’est pour qu’en émane, sans la gêne d’un proche ou d’un
concret rappel, la notion pure. / Je dis : une fleur ! et hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant
que quelque chose d’autres que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous
bouquets. »
Le surréalisme
Reverdy et l’image comme tension sémantique (revue Nord-Sud, 1919)
André Breton et la levée des contradictions (Second manifeste du surréalisme, 1930)
28
CC poésie 6 : CHAR
René Char, Fureur et mystère (1948)
« Gravité » (1937) in Seuls demeurent (1945)
— Pbmatique = poème entre surR et R essentielle (cf. Reverdy).
. articulation (gauchissement) d’un langage de l’image / exigence poétique d’un corps à corps avec le
réel (concret, Histoire), ds irréductible dynamique née de contradiction maintenues (voire exacerbées) : non pas
abolition ms exacerbation des contradictions.
— I. Les éléments d’une fable
+ 1) Les personnages d’un drame
. a) Bipolarité sexuelle
. b) Scansion pronominale
+ 2) L’actuel et l’avenir
. a) Montée vers l’instant présent
. b) Le dégagement
— II. L’amour de l’image
+ 1) Le lieu : clôture et ouverture [détermination d’un lieu métaphorique et existentiel où S s’affirment à travers
relation amoureuse]
. a) Du mur au corps
. c) L’attendrissement rêveur :
+ 2) Le couple : ascèse et volupté
. a) La femme oxymore
. b) Divin sacrilège
— III. Le langage d’une liberté
+ 1) Un épais bâti fissuré
. a) Solidité contrapuntique
. b) Dispersion de l’image
+ 2) Une demeure expansive
. a) Mesure croissante
. b) Échos « crénelés »
— Double caractéristique de cette écriture, importante pour période d’après-guerre [et que l’on peut situer ds
postérité rimbaldienne] :
+ Cohérence sémantique propre au poème (cf. symbolisme), irréductible à une représentation de la R (mimésis)
et rompant tradition narrative et descriptive (> sémiosis).
+ Mise à l’épreuve de la signification (des pouvoirs du poème) ds la confrontation au réel :
. Ici : altérité amoureuse (ms aussi présence des élts matériels bruts : pierre, os, écharde…) liée à
inscription ds histoire > éthique de la contradiction en mvt caractérise condition h de façon très ouverte.
29
CC poésie 6 : CHAR
René Char, Fureur et mystère (1948)
« Gravité » (1937) in Seuls demeurent (1945)
— Positionnement et parcours particulier de Char(1907-88) :
+ Passage par le surR [Manifeste Breton, 1924] (1929, par Eluard > 1930 Ralentir travaux,
avec Eluard et Breton) : s’en éloigne vers 1935 < désaccord éthique et doctrinal :
— Tonalité particulière des premiers recueils (Marteau ss maître 1934) :
aridité, violence jusque ds lyrisme amoureux.
. découverte et marque profonde d’Héraclite : philosophie du mouvement et de la
contradiction essentielle ≠ engagement partisan des surR + exploration de la subjectivité
(attirance des surR / approche youngienne de l’I).
— mvt. : « Partage formel » « Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré
désir », FM « Épouse et n’épouse pas ta maison », À la santé du serpent :
« Si nous habitons un éclair, il est le cœur de l’éternel. »
— contradiction : « Le poète est la genèse d’un être qui projette et d’un être
qui retient. », FM « L ‘effort du poète consiste à transformer vieux ennemis
en loyaux adversaires »
. ce défie / simple laisser aller du rêve (écriture automatique > trouver le point où
s’abolissent les contradictions) + confiance au pouvoir du langage pour conduire au
merveilleux.
— Cf. PF n° XXII, p. 71 [À PHOTOCOPIER avec le texte]
— ≠ héritage symboliste des surR > risque d’une poésie du bibelot (cf.
Mallarmé chez le premier Breton).
— ≠ lecture de Rimbaud : Illuminations > « supéfiant image » chez Aragon ds
Paysan de Paris (1926) / Char y voir surtout charge critique contre la
littérature + confrontation à la réalité sensible (nature) [en cela, amorce mvt
de retour au sol qui sera celui, plus gal, de la poésie fr après la guerre : cf.
Follain, Frénaud > Bonnefoy, Jaccottet, du Bouchet : cf. « Adieu » in
Saison = « Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute
30
morale, je suis rendu au sol, avec un devoir chercher et la réalité rugueuse à
étreindre ! Paysan ! » ].
. En particulier : se sent concrètement requis par action, ds situation d’exception :
— dès 38 : poésie marquée par G d’Espagne (Placard)
— s’engage ds la Résistance en 42 : « Capitaine Alexandre », àp 43, chef dptal
de la Section Atterrissage Parachutage ds ls Basses-Alpes > écrit « Feuillets
d’Hypnos » (1943-44) = liant réflexion sur l’action, et métapoétique.
— Idée de Résistance devient centrale ds position poétique et éthique qui
devient la sienne avec notoriété (àp FM > mort) : cf. / écologie, proximité
revendiquée avec Heidegger (rencontre 1955 ; séminaire du Thor 1966-9).
— Ce poème :
+ Date de 1937 > repris ds FM en 48, après publication SD (45) [poèmes en prose de la
nature provençale + axiomes poétiques] et FH (46) [Résistance]
. Circonstances : sortie d’une grave maladie (septicémie 36) + pressentiment de la
catastrophe 2e GM > reprise du texte y projette situation de Résistance (cf. titre : réclusion des
résistants ds les grottes du Vaucluse).
+ Pbmatique = poème entre surR et R essentielle (cf. Rev.).
. articulation (gauchissement) d’un langage de l’image / exigence poétique d’un corps
à corps avec le réel (concret, Histoire), ds irréductible dynamique née de contradiction
maintenues (voire exacerbées) : non pas abolition (cf. Breton DONNER TEXTE DU
PREMIER MANIF) ms exacerbation des contradictions.
. Fable > Image > Langue même [précision croissante, progression ds l’analytique]
— I. Les éléments d’une fable
. Malgré discrédit surR du récit (sf rêve) [cf. Bret. / roman], expressivité lyrique
organisé autour d’instances et de moment qui suggèrent une narration.
+ 1) Les personnages d’un drame
. a) Bipolarité sexuelle : isotopie [sujet] + champs associatifs [ens de mots
fréquemment associés ds contextes traitant d’un même sujet]
— Masculine :
. Désignation : sous-titre « L’emmuré » > PNP3 « il »(1) > « l’homme » 13
> « Je »
31
. Caractérisation elliptique ms relavant d’un héroïsme assez trad. (proche de
Rimb, ds sa rudesse), réduit à ses élts..
* partie du corps + activité vitale : « respire »1, « mains »3> expression
et exercice du désir : « mon désir »16-17, mains « étendent » corps fém. 3.
* question de la force : « épuise / consolide » 4-5, « abrupt ds sa
prison »13, « peser » > « éclate »17-8.
* nuance initiale = songeuse (+ tendresse) : « pense à »1 >
« l’intime »13 [paradigme hugolien]
— Féminine : entre courtoisie et obscénité
. Désignation :
* PNP 2 et 3 « toi »6, « Tu »10, « te »14 + « elle »18 [= ta beauté]
* corps et ses parties : « ton corps »3, « nue »10 [concrétude sensible
11 : « tiède »], « ton triangle » + « tes yeux »20-21 (corps / esprit)
. Caractérisation : beaucoup plus développée que celle de l’homme, nott.
par adj. contradictoires (11 : « Secrète… disponible ») + GN en apposition
= font de la femme figure mythique peu accessible (tradition courtoise
obscurcie : « absente »6) > y revenir / approche de l’image.
* GN avec possessifs posent aussi caractérisation trad. : « ton voile »9,
« ta beauté » 17.
. b) Scansion pronominale
— Découpe possible du poème en fonction de dominantes pronominales :
. v. 1-5 = P3 « il » (1), « l’ » et « le »(4-5), « ses »(3) [sujet > objet]
. v. 6-15 = P2 « toi » (6), « Tu » (10), « te » (14), « ton » (9) [invoquée > S
> O] > astérisque marque fin d’une première partie du poème.
. v. 16-18 = P1 « J’ » (16) [S]
. v. 19-24 = P3 : GNs métaphorique + relative indéfinie (« ce qui… »24)
— Soit dégagement possible d’une fable : autour de l’éphémère P1.
. Premier temps = àp d’un enfermement de l’h, réunion (rencontre), entre
P3 et P2 [vers relation de pers.]
. Second temps = rencontre permet affirmation d’une subj. masculine P1 en
relation avec la P2 féminine (constitution de soi par l’autre) ; puis
effacement de cette P1 (en même temps que s’affirme ouverture, éclosion).
32
— Rem : relation en miroir avec nuances = croisement plus que co-présence
symétrique des personnes.
. P3 comme P2 = S > O avec possessifs de sa personne + présence de
l’autre à travers possessifs (« ton corps » / P3 > « sa prison » / P2).
. Possessif fait seul coexistence des deux personnes ds vers et phrase : « ses
mains » + « ton corps » 3 ; « J’ » > « ta » (16-17) [femme présente comme
P3 : absente]
. Possessifs maintiennent présence féminine ds effacement de la relation
personnelle : « ton » + « tes » 20-21.
+ 2) L’actuel et l’avenir
. a) Montée vers l’instant présent
— Valorisation métaphorique de l’instant :
. Motif initial de « l’encoche » (1) : effet d’un instant d’intensité (mis en
tension avec activité régulière et continue : « respire »).
. Opposition : manque constructif (« privation le consolide » = valorisation
de l’inaccompli) / accomplissement qui ruine (« laurier l’épuise ») 4-5 ; tension
de prt et d’autre d’un présent.
— Cf. valeur des présents de l’indicatif :
. Première partie du poème = valeur d’habitude et de galité des présents de
l’indicatif (§1 < « si » + « soir » : habitude ; §2 symbole et galité ; §3 « sans
âge », §5 « les jours »…) [pê §4 le moins net]
. Centre : articulation d’un accompli (« J’ai pesé » + 19 sq.) et d’un désir
(Pour qu’elle éclate et se sauve » = délimitation d’un actuel entre les deux.
. Fin : l’actuel (« protège ») abrite le potentiel (« ce qui va éclore ») ;
renforcé par ténuité du parfum ; durée du poème fertilise le temps [= le rend
fertile].
. b) Le dégagement
— Privation 5, disponibilité 11, désir 16 = déclinent (étirent) valorisation d’un
avenir qu’amorcent l’adj. « matinale »17 et le futur proche final.
— Plupart des verbes, qq. soit leur S, posent les jalons d’une dynamique de
libération [réseau lexical / isotopie] :
33
. intervention +/- violente : [centre du poème] « te mordre »14, « les nuage
qui se déchirent » 15, « J’ai pesé » 16
. mouvement et ouverture : « Tu vas »10, « ont suivi »19 + « respire »1,
« étendent »3, « déploie »9, « se sauve »18, « ce qui va éclore »24
(mouvement devient futur : vas > va).
+ Le poème à la fois construit une rencontre (trad. « À une passante » de Baud. + surR > cf.
in Marteau : « L’amour » = « Etre / Le premier venu. »), qui permet que s’énonce la personne,
et maintient l’exigence (rimbaldienne, héraclitéenne) de l’échappée. La tenue de cette
contradiction vive incombe largement à l’image au sens surR, où la figure de rhétorique se
dépasse en exploration imaginaire engageant toute la personne.
— II. L’amour de l’image
. Poème montre désir investissant l’imaginaire > amour à comprendre à travers
élaboration fantasmatique et rhétorique.
+ 1) Le lieu : clôture et ouverture [détermination d’un lieu métaphorique et existentiel où S
s’affirment à travers relation amoureuse]
. a) Du mur au corps
— Un titre pulvérisé (cf. « Le poème pulvérisé ») : titre et sous-titre = ouvrent
champ de signification du texte (au lieu de simplement le délimiter) <
dualité :
. entre abstraction « Gravité » : d’un principe ou d’une tonalité morale
(chute des corps / réserve et dignité, possible conséquences dangereuses) =
première dualité (en tension avec réserve d’ascension et confiance possible de
la fin du poème).
. et caractérisation d’un personnage anonyme « L’emmuré » : adj
substantivé bloque ce que le titre pouvait suggérer de mouvement (la chute
trouve sa fin), limite l’extension du titre (chute ou sérieux sont ceux d’un h) ;
mais à la fois réserve d’un nveau mouvement (laisse attendre désir de
libération) et affirmation forte d’une clôture (pp. dérivé de « mur » + préfixe
« en- »).
— Une réclusion stratifiée (maladie, cond h, résistance) : diverses valeurs,
entre biographie de l’enfermement du malade puis du résistant + âpreté de
34
la condition humaine à laquelle on ne peut échapper, où l’on ne peut
s’affirmer que par des actes [dvlppt des œuvres de Sartre — Nausée 38,
ÊEtre et Néant 43, Huis clos 44— et Camus — Sisyphe, L’Étranger 42,
Peste 44].
. enfermement carcéral : « derrière des épaisseurs fixes »8 + « ds sa
prison »13
. mise en scène du corps = « au fond des os »15 (pê trace de la septicémie +
risque d’un enfermement plus « intime »13).
. c) L’attendrissement rêveur :
— Lieu en tension avec exigence de libération, ms ds sa constitution même,
nuance de la clôture et possibilité d’évasion.
— Matières : « tendre chaux » 2 > « son voile »9 : séparation même participe
d’un dynamisme <
ds métaphore in abstentia (cé indéterminé)
caractérisant la femme, cette séparation résulte d’un mouvement expansif
voire ascensionnel : « une échelle ss âge déploie… »
— Subjectivation : « prison » liée à « l’intime » = radicalité de la condition
carcérale [cf. « Assez creusé » : « Le pire est en chacun, en chasseur, ds son
flanc. »] fait aussi sa relativité : « tendre chaux confidente »2 (proximité,
complicité), f « attachée au sol indolent »12 (souplesse ds le lien), « nuage
au fond des os »15 (espace et tendresse ds l’intime de la clôture et dureté)
[ressemble à certaines caractérisation de la femme, qui est pê « l’intime de
l’h… ds sa prison » = explique sx ?].
+ 2) Le couple : ascèse et volupté
. a) La femme oxymore
— Courtoisie et affranchissement : f. caractérisée selon tradition courtoise et
platonicienne, comme
. « absente »§3 [+ cf. retrait de la P2 en fin de poème], enfermée comme ds
sa tour (« derrière épaisseurs fixes »8) + cf. énigme « secrète »11 entretenue
par métaphorisation complexe.
. beauté idéalisée voire idéalisante : « échelle ss âge »9 trad. de l’ascension
ds l’amour, f. « constellée »10 (proche des étoiles : cf. ciel des idées Plat.),
« jours grandissent » ds l’amour 15.
35
. ms charge critique de « monotone » = dénonce aussi enfermement
mutilant — « prison »13 — de cette tradition (ennui, chute de désir ds
rétension de plaisir ?) : cf. jours « arides » et « imprenables » de l’amour 15.
. > mise en scène physique (dévoilement) + insistance sur mise en
mouvement qui accompagne destruction de cette image idéalisée : cf. « Tu
vas nue »10 > « J’ai pesé… éclate et se sauve »18 = h. en « donneur de
liberté » [p. 40 = héroïsation de l’amant accompagne celle du résistant].
— Femme O de violence ds sa valorisation même :
. Ds expression concrète du désir : « à te mordre le jours grandissent »14
. Ds représentation de la f. : conversion de l’idéalisme en efficacité concrète
=« main-d’œuvre de tes yeux »21, obscénité de l’organique intime =
« battement de ton triangle »20 (intérieur du corps : intimité sexuelle après
dissection anatomique cf. déchirement au fond des os 15 + valorisation de
« l’angle fusant d’une rencontre » [« Biens égaux »]) ; surtout : « nue,
constellée d’écharde »10 = lie splendeur + forme dynamique (« écharde »)
à image de torture.
. b) Divin sacrilège
— Stabat mater revisité : image centrale 10 pê déplacement ( f. Fd) d’attribut
christique sur la figure de la Mère des douleurs [au pied de la croix, ou
Piéta] — cf. Christ de Cranach.
. Haine de la semence > ds tradition baudelairienne d’un rejet de
l’engendrement (« f stérile ») = refus d’asservir l’amour à l’engendrement
(préserver miracle de la rencontre, gratuité — désintéressement — de la
jouissance).
. > Hypothèse / « gravier debout sur l’algue »22
= décomposition
ouverture du lieu d’enfermement comme gain de vigueur, opposé / élt qui
peut connoter une fécondité originelle [algue < mer ; reproduction non
sexuée + matière molle opposée à l’ascétisme héroïque].
. Cf. charge sur possible figure mythique de la Parque : certes couper ms
aussi filer et dévider (naissance, vie et mort : Clotho, Lachésis et Atropos)
= « fileuse de salpêtre »7, plutôt naissance, et tt de suite associée à de vieux
murs (enfermement, mort > cf. « sans âge »).
— Jouissance sadienne contre sacrifice chrétien :
36
. Valorisation de l’intensité pure du désir + de la transgression comme
libération : attachement à l’œuvre de Sade (situé d’ailleurs ds descendance
de Pétrarque : autre forme d’idéalisme — d’ascèse —, par attachement à
l’infini du désir) ; cf. Marteau : « Sade, l’amour enfin lavé de la boue du
ciel. » [contre mortification ds l’espoir d’une récompense]
. Éclaire autre image singulière : « l’alcool sans roi mage »19 = substitution
du spiritueux au spirituel + refus de l’hommage à un sauveur (ds logique du
sacrifice), représenté en outre à sa naissance ; plaisir fort comme don
gratuit (ss attente de rien en échange).
+ Contradictions constitutives de l’amour représenté structurent les images, ms aussi
l’ensemble du langage poétique, phrase et rythme : pas seulement un drame ou des images,
ms un style.
— III. Le langage d’une liberté
. Pas de transparence d’un langage où les mots « viennent cogner à la vitre » (Bret /
écriture automatique) ms construction du sens à même les ressource de la langue et du style >
démultiplication et nuances de la contradiction fondatrice (construction / mouvement).
+ 1) Un épais bâti fissuré
. a) Une solidité contrapuntique
— Chaque strophe correspond à une phrase (ponctuée, pas d’idéalisation
musicale du vers par déponctuation, comme chez symbolistes et verslibristes [Mall. > Apoll.] : construction paratactique du
texte (pas
d’aiguillage par connecteurs logiques), > § = autant de blocs entre lesquels
restent à trouver mvts et tensions sémantiques (tt de même : permanence
thématique, cf. P2 §3-5 ; anaphore §6-7).
— Alternance de type de structure phrastique, d’une § à l’autre :
. Ordre direct ds la principale (S-V-C) : §2, 4, 6, 8
. Ordre indirect (C-S-V) [galt plus d’amplitude] : 1, 3 (cadence mineure), 5,
7 (inversion V-S).
. Anacoluthe : 13 = pour ser, paradoxalement, l’enfermement [rupture
comme suggestion de violence / pôle + de la femme]
. b) Enrichissement phrastique de l’image
37
— Fréquence des génitifs de type surR : « la fileuse de salpêtre »7, « Le
battement de ton triangle, / La main d’œuvre de tes yeux »20-21, « Un
parfum d’insolation »23 — recherche du « rapport lointain et juste » (Rev),
du « degré d’arbitraire le + élevé » (Bret.) [concret / procès + domine
sensible divers ; rupture d’isotopie], par connexions sémantiquement
minimale.
— Ms aussi autres prépositions : « au fond des os »15 (jeu de mots ?), « sans
rois mages »19.
— Surtout : autres constructions syntaxiques > travail de l’imaginaires à même
les matières, choses et actes : adjectivale 2 « tendre chaux confidente », 10
« constellée » / nominale in abstentia 4 « laurier », 7 « fileuse », 15
« nuages »… / verbale 14 « grandissent », 24 « éclore ».
. = répartition de l’imaginaire ds ts les constituants linguistiques du poèmes
(dispersion + cohésion).
+ 2) Une demeure expansive
. a) Mesure croissante
— Dans un premier temps, amplitude croissante des vers ds chaque §, avec
écart et amplitude maximale croissante [de + en + contrastif] : §1 (8/9/10),
§2 (5/8), §3 (8/7/8/11), §4 (8/8/8/12), §5 (8/23 en diction métrique) [vers le
verset, voire la prose]
. = en accord avec valeur de dynamisme et d’ouverture, ms aussi
contradiction en acte (évitement de la mesure, contraste d’amplitude, ms aussi
évitt du VL systématique).
— Puis, accueil d’une mesure désaccordée : §6 (8/7/7), §7 (8/8/7/8), § 8 (7/8)
. = dominante devient métrique ss être systématique (alternance =
incertitude possible du compte en fonction de la diction, à une syllabe près :
tradition « verlainienne » de l’impair et de « l’indécis [qui] au précis se
joint »).
. = maintient contradiction en acte, ms laisse dominer possibilité d’une
régularité, en outre trad. (qui assure liaison ds le poème) : valeur de
construction (≠ prison).
. b) Échos rugueux (crénelés)
— Quelques récurrences à la rime :
38
. Assonances (moins que rime pauvre ; retour au MA ; façon aussi de
recadrer la forme en mineur chez Rev., après heure de gloire du VL surR) :
« encoche » / « corps » (1/3), « épuise » / « consolide » (4/5), « mages » /
« algues » (19/22).
. Entre vers d’attaque de strophe : [i] et [a] > « épuisent »§2,
« grandissent »§5, « désir »§6
. Relations rimes de fin de strophes : jeu / cons. et voyelles > « ds sa
prison »§4 > « au fond des os »§5 [z] > « se sauve »§6 [o] (jeu / sourdesonore).
— Évitement de la systématicité (cf. consonatique / vocalique)
. Rimes consonantiques §1-3, 6 (db. des deux moitiés)
. Rimes cons. > vocaliques : §4, 5 ; brouillage et inversion des syst. §7-8.
— Échos réalisent tension sémantique fondatrice.
. Inversion ds la série des rimes en [i], àp d’une opposition initiale :
« épuise » / « consolide » > « fixes »8 > temps de l’ouverture :
« disponible », « grandissent », « désir ».
. Échos encadrants [k+o (+R)] : §1-8 = « encoche » > « corps » > « éclore »
= condense un trajet du poème : violence initiale[ouverture comme
violence] > rencontre [liaison] > ouverture contenue
[potentialité :
ouverture mvt intériorisés]
— Double caractéristique de cette écriture, importante pour période d’après-guerre [et que
l’on peut situer ds postérité rimbaldienne] :
+ Cohérence sémantique propre au poème (cf. symbolisme), irréductible à une
représentation de la R (mimésis) et rompant tradition narrative et descriptive (> sémiosis).
+ Mise à l’épreuve de la signification (des pouvoirs du poème) ds la confrontation au réel :
. Ici : altérité amoureuse (ms aussi présence des élts matériels bruts : pierre, os,
écharde…) liée à inscription ds histoire > éthique de la contradiction en mvt caractérise
condition h de façon très ouverte.
39
CC poésie 7 : PONGE
Francis Ponge, Comment une figue de paroles et pourquoi (1977)
« La figue (sèche) »
— Positionnement et parcours particulier de Ponge(1899-1988) :
+ Longtemps très en marge des mouvements poétiques, et en même temps traverse grandes
pbmatiques du siècle.
+ Activité professionnelle destinée à assurer surtt sa subsistance.
. Famille protestante avignonnaise > 1909 : forte marque sensible (+ culture
méditerranéenne), rigueur éthique et esthétique ; études secondaires à Cæn, où son père
fonctionnaire muté.
. Après guerre à Ps, échec à l’oral de l’ENS et à la licence de philo ; tvl aux messagerie
Hachette avant guerre [monde du travail > engagement syndicale et au PCF ; collabore /
résistance] ; graves difficultés matérielles après > prof à l’Alliance française jusqu’à la
retraite.
+ Parcours littéraire :
. Fait très tôt connaissance avec Jean Paulhan (ami de la famille maternelle, nîmoise),
secrétaire de la NRF qui dirige la NRF et accueille ses premiers écrits (1923, 1962 Douze
petits écrits). Séduit par son approche de la rhétorique comme résistance à « la terreur ds les
lettres », que ferait régner la conception de la poésie comme authenticité (romantisme >
surR).
. 1942 Parti pris des choses : opposer à la projection romantique de soi sur le monde
(subjectivation : forme d’idéalisation), la confrontation / ses différences constitutives ; se
construire ainsi.
— écriture analytique : description plutôt que métaphore, recherche de probité
qui est aussi engagement existenciel et politique (cf. élection des êtres,
choses et objets humbles — ras du sol et prosaïques : escargot, mollusque,
cageot…) ; concision et sécheresse du style : rigueur + refus de la
totalisation (systématique).
— Accompagne à ce titre mvt de retouir au sol de la poésie d’après guerre +
attire attention de Sartre et Camus.
40
. 1952 La Rage de l’expression : dépasser forme du poème en prose et son
« infaillibilité un peu courte » (Paulhan) > texte devient suite de notes correspondant aux
approches successives de l’O (ou du lieu), avec différence de plus en plus pbmatique entre tvl
préparatoire et «œuvre » achevée (cf. « Carnet du bois de pin ») ; valorisation de l’esquisse
confortée par fréquentation des peintres (Fautrier, Braque, Dubuffet).
— cf. aussi 1948 Proêmes = prose + poème, et gc proomion (exorde d’un
discours) : manifestation croissante d’un « comte tenu des mots » ; face à
face / choses = aussi occasion d’une exploration langagière (jeu de mots,
étymologie, graphie…).
— > certaine détente ds la rigueur expressive : pas d’exaustivité ms création
d’un « objeu » qui soit source d’ « objoie » = relation chaque fois singulière
au réel, qui implique part d’implication subjective (nott érotique).
— Symptomatique à cet égard : Pour un Malherbe, entrepris ds années 50 et
publié 1965 = devoir de poésie tient aussi à la continuation voire au
maintien de la tradition classique, devient gaulliste en politique +
investissement auto-bio de l’essai.
. Composante matérialiste et formaliste, avec lecture politique possible : découverte et
popularisation par les avant-garde : lié à la revue Tel Quel de Ph. Sollers (1960-1982) >
rupture en 1974.
— Seconde version de « La figue sèche » ds n°1 de TQ > publication intégrale
de toute les variantes ds collection « Digraphe » aux éditions Flammarion
(autre lieux d’avant-garde) = 4e publication, Comment… : manifeste d’une
poétique de la fabrication. [cf. La Fabrique du Pré, 1971]
+ Pbmatique : = montrer ds ce texte, hors des lectures unilatérales (matérialiste / formaliste),
caractère totale de la poétique de Ponge tq ce texte la met en acte, impliquant un tvl littéraire
du réel (I), des ressources de la langue et du style (II), et recherche d’une éthique subj autant
que d’une socialité (III).
— I. Un parcours du monde
+ 1) Une petite encyclopédie
. a) Tours et détours de la composition
— 1 poésie / figue quotidienne (boîte, main) > 2 histoire, de l’antiquité au MA
(Symmaque > Du Rut) > 3 chapelle romane [lien = religion] / figue sèche >
41
4 figue / tétine [retour à l’enfance] > 5 figue + figuier / poème [origine +
synthèse / phi].
— Comparaisons et circularité (presque : poésie > poème = particularisation)
. b) Le tout et les parties
— 1. Figue parmi d’autres > 3 église et son intérieur > 4 liste initiale > 5
bouton de sevrage sur arbre
— décomposition analytique + recherche du détail ; caractère méthodique en
tension avec relatif arbitraire de la progression.
+ 2) Un cheminement temporel
. a) Une histoire singulière de la pensée occidentale
— Condensation de cette histoire <
. Confusion de 2 Symmaque : orateur et h d’état romain, dernier défenseur
du paganisme à Rome (4-5e siècle) ≠ beau père de Boèce (5-6e), lequel
philosophe à la charnière du paganisme et du christianisme : valorisation du
paganisme et de la tolérance antique (associés ss doute à une forme de
matérialisme : cf. Lucrèce) ≠ barbare idéalisation chrétienne.
. Juxtaposition de 2 anecdotes très éloignées ds le temps et ss rapport autre
que le fait de baisser la tête ; anecdote MA de source très indirecte
(probablement Littré), billon côté terre (/ monnaie mallarméenne) et
suggestion de « rut ».
. b) Le temps du poème
— remontée aux origines : antiquité et nature, fruit > arbre, enfance > tétine.
— Habitude et galité, ds réflexion, ms aussi tps précis : « ces jours-ci »34 > 86
« avant de finir »86 > volition final, vers futur et éternité = immanence
rigoureuse comme chance de résistance au temps.
+ 3) [ ?] Une analyse
. a) Atomisation des choses
— Non seulement décomposition et intériorisation, ms en petites parties,
éltaires = remonter à la partie séminale (des choses) : comme au principe
du poème.
42
— Cf. « tassée »§ initale > §2 sachet de mitraille (figue + rut > testicule)
[équivalent féminin : autel rutilant au fond 48] > 68 grenier à tracasserie +
bouche et dents + pépins83
— De même : juxtaposition de 5§ eux-même décomposés en alinéa (cf. grains
de pollen de Novalis = écriture fragmentaire avec interaction suggérant le
tout de l’infini ; cf. Char à cet égard).
. b) Actualisation variable du réel
— De la déixis à la galité en passant par l’article défini.
+ Temps et analyse = subjectivation et tvl de la langue
— II. Une exploration du langage
+ 1) Un phrasé exploratoire
. a) Effets de prose et de poésie
— Vers véritables, par disposition et graphie ms aussi avec véritables alex :
95sq.
— Disposition proche du vers, ou verset, avec anaphore et amplification :
58sq.
— Continuité, linéarité, des phrases-§ (convergences des ordres : syntaxique et
textuel) : cf. l. 1-9, 10-16, 37sq, 41 sq, 45sq, 49sq, 79sq
. b) Agaceries et mitrailles : incises et clausules.
— Incises à valeur à la fois analytique (décomposition, précision de la pensée)
+ impressionniste (suivi de son évolution, avec ruptures et suspens) [=
tradition mallarméenne ; ordre supérieur, arche de la phrase, àp d’une
dynamique de suggestion]
+ 2) Jeux de mots
. a) Locutions
— fait ses preuves12, s’offrir à l’esprit13, tenir tête 93
— périphrase : esprit / corps 59-60
— étymologie : pas grand chose / pas rien 94
. b) Homonymies
43
barbare 25 (consolation35), gourde, rustique et baroque49-50, accentuer
incisivement 75, gratifiée ?82
+ 3) Analogie et description
. a) L’évitement des correspondances
— Comparaisons exhibées : opposition initiale (comparaison comme toute
confrontation de chose par la pensée, ss correspondances présupposant fond
ontologique commun) > 44 « comme fruit tombé » (arbitraire), « ressemble
fort »50 (modalisation > inégalable, incomparablement).
— Détours de l’histoire et de l’anecdote : ds approche de la figue, Symmaque
> promenade à la campagne (hasard de la « rencontre »)
. b) Métaphore et ironie
— Montée de la métaphore : grenier 68, tétine 71, autel scintillant 81,
élasticité des paroles84, sevrer 87sq, mâchonner 95
— Immédiateté analogique = peu méliorative (sf. 81 = réserve métaphysique
et esthétique) = renvoie à un usage (des paroles) : éthique pragmatique des
comparants métaphoriques.
— III. Une subjectivation particulière
+ 1) Une écriture du goût
. a) Présence du corps
— main, bouche, sexualité
. b) Évaluations (et modalisations)
+ 2) L’art de la conversation
. a) Un sujet non dissimulé
— « je » + exercice de lapensée et des sens, boire biographie
. b) Le destinataire
— Interpellation du lecteur > de Symmaque (et indirectement des dieux)
+ 3) Éthique de la consolation matérialiste
. a) Ironie chrétienne
44
— Contre-emploi de la chapelle romane comme illustration de la rigueur et
ressource morale matérialiste (50 rustique et baroque = peu de précision de
la référence > essentiel = appel au sens, par simplicité ou rhétorique).
— Amen païen > forme de stoïcisme (désirer ce qui est : l’ordre réel — mais
bricolage sensitif et linguistique).
. b) Discipline relative
— S’en tenir au particulier (déixis comme indéfini comme défini ; différence
de la juxtaposition).
— Valorisation du sevrage (bas s’aboucher à la nature comme à la religion,
pour fonder poésie sur une origine) de l’esprit / lettre = se détacher aussi du
poème ; le poser aussi comme ce qui ns résiste (posé / mâchonné : « ns tient
tête » = « pas rien »), en cela immortel comme le multiple ds sa différence
irréductible (impossibilité de faire le tour d’une chose) > hommage au réel
[bouton de sevrage comme marque de l’origine : rapport au réel] et
« consolation matérialiste » (« honneur » : ce qui résiste du réel > du
« poème »).
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