le monde que nous voulons voir perspectives apres
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LE MONDE QUE NOUS VOULONS VOIR PERSPECTIVES APRES 2015 Un rapport de Christian Aid Septembre 2013 b La pauvreté est un crime contre l’humanité. Il prive les gens de dignité, de liberté, d’espoir et de pouvoir sur leur propre vie. Christian Aid a une vision – mettre un terme à la pauvreté – et nous croyons que cette vision peut devenir une réalité. Nous vous invitons à nous rejoindre. christianaid.org.uk Auteur: Helen Dennis Christian Aid tient à remercier ses partenaires et tous les auteurs qui ont contribué à ce rapport. Sans eux, cela n’aurait pas été possible. Les collaborateurs du personnel de Christian Aid: Maeve Bateman, Chiara Capraro, Alexander Carnwath, Vitumbiko Chinoko, Celia Cordova, Alison Doig, Gaby Drinkwater, Aisseta KABRE, Priya Lukka, Mara Luz, Ana Claudia Menezes, Sophie Powell, Alex Prats, Nadia Saracini, Joseph Stead, Katharine Teague. Les points de vue exprimés par les partenaires de Christian Aid dans ce rapport ne reflètent pas nécessairement la politique de Christian Aid et ne devraient pas lui être attribués systématiquement, mais nous nous appuyons fortement sur la pensée de nos partenaires dans notre politique et notre travail de plaidoyer. Couverture: les communautés sans terre de l’Inde se sont unies pour faire campagne pour les droits fonciers lors de la marche pour la Justice de Jan Satyagraha en 2012. Le mouvement s’est enraciné dans les expériences des communautés indiennes pauvres et a été organisé par le partenaire de Christian Aid Ekta Parishad, qui a souligné l’importance suprême de la solidarité mondiale à cette campagne. Crédit: Christian Aid / Simon Williams 1 SOMMAIRE Avant Propos: Dr Rowan Williams 2 Introduction3 Voix des partenaires : Afrique 6 Centre pour la Politique Environnementale et le Plaidoyer, Malawi Réseau MARP, Burkina Faso Institut d’études sur la pauvreté et les inégalités, Afrique du Sud Réseau sur la Justice Fiscales – Afrique UCF-Angola INERELA+ 7 8 10 12 14 16 Voix des partenaires: Asie et Moyen-Orient 18 Social Watch Philippines 19 Campagne nationale sur les Droits Humain des Dalit /National Dalit Watch, Inde 20 Centre Bangladesh des Etudes Avancées 22 Réseau des femmes Afghanes 24 Le Réseau des ONG arabes pour le développement 25 Voix des partenaires: Amérique latine et Caraïbes 26 Centro Humboldt, Nicaragua KOINONIA, Brésil Corambiente, Colombie UNITAS, Bolivie INESC, Brésil Plate-forme Bolivienne sur le changement climatique 27 28 30 32 34 35 Programme pour le développement équitable et durable 36 Recommandations 40 Notes de fin 41 2 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Avant-propos AVANT-PROPOS Dr Rowan Williams, Président de Christian Aid et ancien archevêque de Canterbury Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ont été, depuis quelques années, non seulement une référence pour penser à ce qui est essentiel pour un monde plus juste et plus sûr, mais ils ont aussi été un rappel pour nous tous qu’il est possible pour les gouvernements du monde de reconnaître un impératif moral commun et d’identifier la nécessité d’une action commune. Comme nous nous tournons vers 2015, date à laquelle les OMD devraient être atteints selon le plan initial, nous sommes tenus d’avoir des sentiments mitigés. Pourtant, aussi difficile que cela soit, nous avons échoué à atteindre un certain nombre d’objectifs, dont il est essentiel de rappeler l’importance et le fait qu’ils existent en premier lieu. Le travail auquel font face la société civile et les groupes de plaidoyer n’est pas de créer des aspirations à partir de rien, mais de tenir les gouvernements, les organismes et le grand public responsables de la vision la plus généreuse et meilleure qu’ils aient eue – et de continuer à travailler à définir davantage là où se trouvent les besoins les plus pressants, au fur et à mesure que nous apprenons de l’expérience de terrain des personnes confrontées à la pauvreté, la maladie, la faim et l’injustice. Telle est la signification d’un rapport comme celui-ci. Comme nous reconnaissons les progrès réel dans certains domaines, nous avons besoin de la plus grande clarté possible pour identifier là où les objectifs n’ont pas encore eu un impact réel. Dans la dernière décennie, la plupart des personnes impliquées dans la recherche d’un développement juste et durable ont souligné l’importance clé des femmes dans le processus et l’impératif conséquent d’aborder toutes sortes de discrimination et le désavantage subi par les filles et les femmes dans le monde. Mais il nous est rappelé dans ces pages la distance qu’il nous reste encore à parcourir. La santé maternelle et périnatale sont toujours un défi majeur, et les questions de l’égalité entre les genres – pas la moindre dans l’éducation – ne parviennent toujours pas à se placer en tête de liste dans de nombreuses stratégies nationales. Le pire de tout, l’incidence de la violence et des abus sexuels se tiennent toujours à des niveaux choquants et inacceptables dans de nombreux pays. Notre espoir à Christian Aid est que ces questions soient prises avec un nouveau degré d’urgence. Et bien sûr, il y a d’autres questions qui aujourd’hui semblent plus urgentes qu’il y a une décennie. Par exemple, nous sommes plus conscients que jamais de la façon dont les questions autour de la justice mondiale sont entrelacées avec les effets du changement climatique, que cela se manifeste par l’augmentation des niveaux d’eau dans le Pacifique ou par la désertification en Afrique sub-saharienne. En plus de cela, ce qui pourrait ne pas avoir été prévu au début du millénaire est la crise économique qui a précipité à la fois de nouveaux types de difficultés dans des endroits inattendus et a aussi stimulé des niveaux élevés d’anxiété a propos des dépenses publiques. Dans ce contexte, il est louable que le Royaume-Uni ait décidé de protéger son budget d’aide, mais nous avons maintenant besoin de voir plus de pays renforcer leur engagement envers les OMD et les objectifs post-2015. Non seulement nous assistons à une question morale réelle et profonde – à savoir, «pouvons-nous rester là et laisser les plus vulnérables porter les coûts les plus importants, à l’échelle nationale et internationale? » – mais nous imaginons aussi les défis de ce type de monde dans un délai de 10 ou 20 ans. Voulons-nous activement élargir le fossé entre riches et pauvres, avec toute l’instabilité que cela entraîne, toute l’insécurité mondiale, les déplacements, la violence et la misère que cela signifie – en fin de compte, pour tout le monde sur la planète? Dans tout cela, il est essentiel que nous écoutions non seulement la voix des experts, mais aussi les mots de ceux sur la ligne de front. C’est un élément central de la philosophie de Christian Aid que nous aidions à rendre de telles paroles audibles aussi largement que possible et que nous-mêmes écoutions avec sérieux l’expérience de ceux qui font face au défi et à la crise, à cause de notre engagement fondamental à la dignité donnée par Dieu à chaque personne. Ce rapport n’est pas seulement destiné à être un document dans lequel les organismes et les militants parlent les uns aux autres, mais une plate-forme pour les voix qui comptent le plus, dont les intérêts et le bien-être sont ceux que avons tous besoin de servir et de garantir par tous les moyens possibles. J’espère que tous les lecteurs de ce rapport y trouveron une énergie nouvelle, et renouvèleront leur enthousiasme à faire de la prochaine phase de notre travail pour les Objectifs du Millénaire pour le développement, et la conversation vers les Objectifs de développement durable post-2015, un exercice digne et inspirant vers la guérison de notre monde endommagé ainsi que des relations endommagées et injustes qui le caractérisent encore. Rowan Williams Photo: Magdalene College Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Introduction 3 INTRODUCTION A Christian Aid, nous croyons que la pauvreté n’est pas une fatalité et qu’elle peut être éradiquée. C’est ce qui motive notre travail et c’est pourquoi le programme de développement post- 2015 est une discussion d’une telle importance. Cependant, l’éradication de la pauvreté et la réduction des inégalités ne se feront pas sans une volonté politique, et cela n’arrivera pas non plus si nos visées sont trop basses ou notre analyse erronée. Cela siège aux côtés de nombreuses autres contributions constructives de la société civile et des organisations confessionnelles ; il siège également aux côtés des résultats des consultations thématiques, de la recherche participative et de l’enquête « My World », qui à ce moment même de cette rédaction, a eu les votes (Nations Unies) de plus de 800 000 personnes dans 194 pays au sujet de leurs priorités principales pour un monde meilleur. L’éradication de la pauvreté ne sera pas quelque chose que certains «font pour les autres», mais nous pensons plutôt qu’il ne sera possible que grâce à un partenariat et à travers l’autonomisation des communautés, notamment les femmes et ceux qui sont actuellement privés de leurs droits. En conséquence, notre approche dans ce rapport a été de nous appuyer sur l’expérience et l’expertise des partenaires de Christian Aid à travers le monde, d’entendre et de réfléchir à leurs priorités pour les objectifs post-2015 avant de faire des recommandations à ceux qui sont maintenant au devant des négociations. Nous croyons qu’un nouveau cadre devrait répondre pleinement aux thèmes de l’inégalité et de la résilience de l’environnement, si l’éradication de la pauvreté doit être à la fois une réalité et de façon durable. Les contributions qui suivent soutiennent ce point de vue et offrent un aperçu de la façon dont un programme mondial pourrait avoir un impact au niveau national et local. Le monde en 2013 Sur 100 personnes: • 12 vivent dans un bidonville • 15 souffrent de malnutrition • 17 vivent dans la pauvreté monétaire extrême avec moins de 1,25 dollars par jour • 35 n’ont pas accès à des toilettes décentes • 37 vivent avec moins de 2 dollars par jour. Au-delà de cela, la situation des femmes et des enfants continue d’être intolérable: • 1 enfant sur 4 dans le monde souffre d’un retard • en Afrique sub-saharienne, 1 enfant sur 9 meure avant l’âge de cinq ans • 57 millions d’enfants en âge de scolarisation ne sont pas scolarisés • à l’échelle mondiale, jusqu’à 70% des femmes sont susceptibles de subir de la violence dans leur vie • 140 millions de femmes qui aimeraient avoir accès à la contraception ne l’ont pas actuellement • seulement 20% des parlementaires dans le monde sont des femmes. Ceci est particulièrement injuste compte tenu de la concentration des richesses et des revenus dans le monde. Bien que la richesse mondiale soit en hausse, elle est contrôlée par un petit nombre de personnes aidées par des aspects du système financier mondial actuel: • Les 20% des plus riches contrôlent et consomment 80% des ressources de la planète 2 • Chaque année, les pays en développement perdent 1tn de dollars provenant des flux financiers illicites.5 Nous sommes également confrontés à une crise environnementale et climatique qui va accroître la fréquence et la gravité des catastrophes naturelles et avoir un impact sur nous tous, en particulier les plus pauvres et les plus vulnérables. Si nous continuons à faire comme d’habitude sur une trajectoire à quatre degrés, nous seront susceptibles de voir: • Les 1% des plus riche contrôlent 39% de la richesse mondiale: 52,8 tn3$ US • Une augmentation de 15,5% à 44% des terres cultivées affectées par la sécheresse 6 • Les personnes qui possèdent une richesse de 5 millions de dollars ou plus, contrôlent près d’un quart de la richesse du monde • Une baisse de la disponibilité en eau allant jusqu’à 50% dans certaines régions7 • Malgré la crise économique, 2012 a vu un accroissement de 10% dans le nombre de millionnaires • On estime que près de 21tn $ US est actuellement caché dans des paradis fiscaux 4 • 3 milliards de personnes précipitées dans la pauvreté.8 4 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Introduction Le monde dans lequel nous sommes Le monde en 2013 est un lieu de plus en plus inégal et pas durable. Même s’il y a eu des progrès importants depuis 2000 en termes de réduction de la pauvreté, il convient de réfléchir sur certains des défis les plus urgents devant nous et combien choquant la situation actuelle continue d’être. Le tableau de la page précédente met en exergue certains de ces défis de notre monde d’aujourd’hui. Il s’agit notamment de l’extrême pauvreté, des taux de mortalité des moins de cinq ans, des niveaux de malnutrition des enfants, du manque d’accès à l’éducation, du manque d’accès à l’eau et à l’assainissement, de la violence contre les femmes, de la participation inégale des femmes dans la société; de l’échelle de l’évasion fiscale; de la division riche-pauvres, de la lutte pour un environnement durable, enfin et surtout, du changement climatique et de toutes ses conséquences. Non seulement les plus pauvres sont les plus à risque, mais ils sont aussi les moins à blâmer. Il existe un lien direct entre l’inégalité et le changement climatique, étant donnée que les revenus élevés ont tendance à corréler avec des empreintes de carbone élevées, pendant que les plus pauvres sont les plus exposés aux risques qui en découlent. Le Malawi produit 0,1 tonnes de dioxyde de carbone par habitant par rapport aux États-Unis, qui produit 17,3 tonnes par habitant, et le Qatar, qui produit 44 tonnes par habitant. 9 Pourquoi des objectifs mondiaux? Ces statistiques devraient nous choquer, nous provoquer et nous inciter à l’action. Ils ont besoin d’une attention renouvelée sur la pauvreté mondiale, mais aussi une remise en cause fondamentale de certaines structures financières mondiales et le transfert immédiat vers de faibles émissions de carbone, des modes durables de production et de consommation, et une croissance plus inclusive. Christian Aid estime qu’un nouveau cadre global de développement pourrait être un outil important dans cette lutte pour un monde plus juste. Il devra être soutenue par d’autres processus multilatéraux tels que le progrès vers la justice fiscale et la transparence financière, des mesures pour réduire la menace auxquelles les communautés font face au regard des catastrophes et un accord juridiquement contraignant sur le climat. Nous croyons que de nouveaux objectifs justes et ambitieux pourraient aider à l’éradication de la pauvreté, à réduire les inégalités et à promouvoir le développement durable – mais il est important de tester des hypothèses sur la valeur et le but d’une nouvelle série d’objectifs10 et de réfléchir sur la réussite des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en cours. Ces dernières années ont vu des progrès significatifs en matière de réduction de la pauvreté. Par exemple: • Depuis 1990, plus de 2,1 milliard de personnes ont eu accès à des sources améliorées d’eau potable11 • L’objectif des OMD qui est l’accès universel au traitement anti-rétroviral pour les personnes touchées par le VIH est maintenant à portée de main • Entre 2000 et 2011, le nombre d’enfants non scolarisés a diminué de 102 millions à 57 millions • Entre 1990 et 2011, le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a chuté de 41%. Ce sont des résultats positifs, mais ils ne sont pas facilement attribuables uniquement aux OMD. Les objectifs ont certainement fait leur chemin dans notre vocabulaire et dans les cadres stratégiques,12 mais leur impact direct sur la réduction de la pauvreté est encore plus difficile à déterminer. Il semble y avoir des preuves que le financement international s’est accru jusqu’aux secteurs sociaux après l’accord des OMD,13 mais il y a moins de clarté sur leur impact quant à la mobilisation des ressources intérieures. Le récent rapport du “Government Spending Watch” a montré que, malgré un certain nombre d’engagements importants des gouvernements à augmenter les dépenses dans des domaines tels que la santé, l’éducation et l’agriculture, la mise en œuvre est en déclin et des domaines importants tels que l’égalité des sexes, la protection de l’environnement et la protection sociale, qui eux sont négligés.14 Les OMD sont en train d’être digérés, les priorités des OMD font leur chemin dans les Documents de stratégie de réduction de la pauvreté,15 quoique de façon sélective et parfois avec quelques modifications,16 et les objectifs de dépenses sont en train d’être fixés. Cependant, d’autres facteurs tels que le financement des bailleurs de fonds, les revenus affectés et un manque de responsabilité entravent les progrès sur le terrain et limitent l’impact que les objectifs pourrait avoir. Ces facteurs ne doivent pas nous conduire à renoncer aux objectifs mondiaux, mais ils devraient plutôt encourager toutes les personnes impliquées dans le processus à réfléchir très sérieusement à convertir les objectifs mondiaux en des contextes nationaux, comment ils envisagent les objectifs utilisés et qui par, et les mécanismes de responsabilisation qui devront sous-tendre la livraison contre le nouveau cadre. Notre espoir est que le programme de développement post-2015, conçu avec soin et avec la participation de la société civile et des communautés pauvres dans le monde, soit en mesure de remplir les fonctions suivantes: Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Introduction 5 « Est ce que le développement est essentiellement la croissance économique ou devons-nous avoir une vision plus complète du bien-être et de l’épanouissement humain? » Photo: Christian Aid/Kevin Leighton 1 Générer un sens de solidarité et de responsabilité mondiale pour l’éradication de la pauvreté, lutter contre les inégalités et atteindre un développement durable. et de l’épanouissement humain? S’agit-il principalement sur la satisfaction des besoins matériels ou y a-t-il d’autres dimensions qui doivent également être pris en compte? 2. Encourager une réponse coordonnée dans les domaines clés où cela est nécessaire, comme le VIH ou, pour prendre des exemples différents, l’atténuation du changement climatique ou la réforme du système fiscal international. Le Panel de Haut niveau sur le programme post-2015 a déjà défini sa vision, ainsi qu’un certain nombre d’objectifs d’illustration et des objectifs visant à “éradiquer la pauvreté et à transformer les économies par le développement durable”.17 3. Etablir des normes mondiales, relever les normes et stimuler l’investissement au niveau national dans des domaines tels que l’égalité des sexes. 4. Garder la pauvreté, l’inégalité et le développement durable au plus haut niveau du programme politique. Une vision post-2015 Quel est le monde que nous voulons voir? C’est, bien sûr, une question vitale – et la réponse déterminera les types d’objectifs, de cibles et d’indicateurs qui forment le nouveau cadre post-2015. Est-ce simplement un monde sans pauvreté marqué par les personnes vivant avec 1.25 $ US par jour, ou peut-on être un peu plus ambitieux? Est ce que le développement est essentiellement la croissance économique ou devons-nous avoir une vision plus complète du bien-être Les membres du Groupe de travail sur les objectifs de développement durable (Open Working Group on Sustainable Development Goals), mis en place en 2012 par la Conférence de Rio+20, envisagent également leurs priorités. L’espoir de Christian Aid est que ces processus vont bientôt commencer à se réunir pour définir un ensemble clair d’objectifs ambitieux. Dans les pages qui suivent, 17 partenaires de Christian Aid du monde entier donnent leur récit du monde qu’ils veulent voir. Photo: Des femmes dans le village de Keleguem, au nord-est du Burkina Faso, portant des roches pour construire des diguettes anti-érosion – murets qui aident à protéger le sol de l’érosion de la pluie et du vent. Construit avec l’appui de partenaires de Christian Aid, Réseau MARP, les diguettes aident les cultures à mieux se développer et à donner plus de nourriture. 6 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique Christian Aid/Kevin Leighton VOIX DES PARTENAIRES AFRIQUE Aminata Sawadogo et son petit-fils de 11 ans Souley (au centre) avec ses animaux dans le village de Keleguem, au nord-est du Burkina Faso. Aminata faisait partie d’un projet d’élevage géré par un partenaire de Christian Aid, Réseau MARP, dans lequel les personnes les plus vulnérables du village ont reçu chacun un couple d’animaux à la suite d’une crise alimentaire provoquée par la sécheresse. On a demandé aux bénéficiaires de passer un animal à une autre personne vulnérable dans le village. Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique 7 L’ADAPTATION ET LE RENFORCEMENT DE LA RESILIENCE DES COMMUNAUTES SONT ESSENTIELLES Herbert Mwalukomo, directeur de programme, Centre de politique et de défense de l’environnement, Malawi Comme les gens dans la plupart des pays africains, les Malawites sont sur la ligne de front des impacts du changement climatique en raison de leur forte dépendance de l’agriculture pluviale. Les recherches menées par le Centre de politique et de défense de l’environnement (CEPA) a montré que le régime pluviométrique peu fiable met de plus en plus à risque la viabilité de la culture de montagne, avec la plupart des activités agricoles entreprises au sein d’écosystèmes fragiles. Les mots de M. Nkhuleme Ntambalika du District de Balaka capturent le cri de la plupart des agriculteurs du Malawi: «Nous avions l’habitude d’avoir des précipitations très stables qui étaient convenables et non érosives. Ces jours-ci personne ne sait quand semer. Lorsque les pluies arrivent, ils sont soit trop peu pour les semis ou trop fortes, si bien que les champs deviennent engorgés ou érodés. Puis s’en suit ne longue période de sécheresse qui brûle les graines germées. Les graines sont perdues dans le processus et nous sommes obligés de ressemer. Et si nous sommes chanceux, nous pouvons faire une bonne récolte. Cependant, dans la plupart des cas, ces jours-ci, les pluies disparaissent lorsque les cultures comme le maïs sont à des stades critiques de formation des épis et des panicules. » (2010) Les effets du changement climatique ont été associés à la plupart des récentes catastrophes au Malawi qui ont entraîné des pertes de vie, de cultures et d’infrastructures. Le ministère chargé de la gestion des catastrophes a profilé plus de 12 500 ménages affectés de diverses manières par les inondations, les pluies orageuses et les vents violents au cours de la saison des pluies 2012-2013. Pendant ces périodes d’événements extrêmes, l’éducation est souvent perturbée: les inondations balaient les établissements d’enseignement ou les transforment en des centres de refuge pour les communautés touchées. Les femmes sont touchées de manière disproportionnée par le changement climatique car elles portent le fardeau des activités où les climats défavorables ont le plus d’impact, notamment la collecte de l’eau et du bois de chauffe, et assurer l’accès quotidien à la nourriture. Dans ce contexte, la nécessité de l’adaptation et du renforcement de la résilience des communautés ne peut pas être surestimée. Pour ce faire, un partenariat et un cadre d’action mondial plus fort est nécessaire au-delà du statu quo. Le nouveau cadre devrait définir des objectifs distincts pour le changement climatique et la durabilité environnementale. Il s’agit notamment de financement, de renforcement des capacités et de transfert de technologie vers les segments les plus vulnérables de la société (les groupes socialement exclus comme les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées). Les objectifs devraient être livrables assortis de délais pour accroître la capacité des communautés à faire face et à s’adapter aux impacts du changement climatique. En outre, des mécanismes de responsabilisation clairs doivent être définis pour assurer la réalisation des objectifs globaux de réduction de la pauvreté, en tandem avec la durabilité environnementale post-2015. En conséquence, la reconnaissance du défi climatique et de la durabilité de l’environnement dans le cadre du développement post-2015 ne suffira pas, peu importe comment il peut être articulé, si les mécanismes clairs pour l’action ne sont pas définis. Le nouveau cadre devrait se renforcer et se construire sur tous les principes du développement durable, notamment l’équité inter- et intra-génération, ainsi que le principe de participation. Le mécanisme mondial devrait également être construit autour du principe de «Responsabilités communes mais différenciées avec des capacités respectives» comme réaffirmé lors de la récente Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20). Ces principes devraient constituer la base d’un mécanisme de financement claire pour permettre la mise en œuvre d’objectifs communs en vue d’un avenir durable et prospère pour tous. Outre la dépendance excessive de l’agriculture pluviale, la vulnérabilité du Malawi face au changement climatique est exacerbée par sa faible capacité d’adaptation (résultant de sa base économique fine), sa capacité agro-industrielle limitée et sa forte dépendance sur l’énergie de la biomasse. Avec le bois de chauffe qui représente 88,5 pour cent de la demande totale d’énergie, la demande nationale de bois de chauffe et de charbon de bois – estimée à 7,5 millions de tonnes par an – est bien au-delà de l’offre durable qui est de seulement 3,7 millions de tonnes par an. La déforestation qui en résulte conduit à la dégradation des bassins versants et l’envasement, rendant les champs de culture plus sujets aux inondations et limitant l’approvisionnement d’énergie à base d’hydro. Créée en 2002, la CEPA a une vision d’une société juste et équitable qui favorise le développement durable. Son objectif est de mener une analyse des politiques et un plaidoyer pour un environnement et une gestion durable des ressources naturelles. La CEPA vise à construire des ponts entre la politique et la pratique, entre les décideurs politiques et les communautés locales affectées par la mise en œuvre des politiques, et entre les actions locales et les débats politiques nationaux ou mondiaux. Entre autres, la CEPA facilite l’accès à l’information environnementale et à la justice; contribue à la biodiversité et à l’élaboration des politiques de la biotechnologie; entreprend des recherches sur les politiques foncières et de réforme agraire; mène des activités de renforcement des capacités et de défense de l’environnement; coordonne les voix de la société civile sur les questions de politique de changement climatique, et participe aux débats sur les politiques internationales de changement climatique et la biodiversité. cepa.org.mw 8 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique DÉVELOPPEMENT DURABLE ET BONNE GOUVERNANCE M Mathieu Ouédraogo, Président du Réseau MARP, Burkina Faso Lorsque le gouvernement du Burkina Faso a mesuré le progrès des OMD en début 2013, il était clair qu’il reste encore beaucoup à faire, surtout quand on considère que la pauvreté est encore profondément enracinée. convenues. La mise en œuvre des OMD peut aider à résoudre les problèmes liés à l’éducation, à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et à la réduction de l’extrême pauvreté. Des efforts pour atteindre les OMD ont été entravés par l’émergence des défis nouveaux ou en croissance tels que les effets du changement climatique et les crises énergétiques et alimentaires qui ont aggravé les inégalités. Deux grands principes L’expérience de Réseau MARP sur le terrain confirme que, même si des progrès ont été accomplis dans certains domaines, tels que l’éducation et l’accès à l’eau potable, la pauvreté reste très répandue, les femmes sont encore particulièrement touchées et les taux de mortalité infantile restent élevés. Et il est clair que les communautés – en particulier les communautés rurales – sont extrêmement vulnérables aux nombreuses catastrophes et crises qui ont réapparu au cours des dernières années. Le but de notre travail sur la réduction des risques de catastrophe (inspiré par des partenaires tels que Christian Aid et le Réseau mondial pour la prévention des catastrophes) est d’offrir des programmes de résilience qui mettent l’accent sur les communautés elles-mêmes. Il s’agit de développer des outils pour identifier les pressions sur les communautés au niveau local. Par exemple, notre approche de PVCA (évaluations de la vulnérabilité et de capacité participative) permet à tous les membres de la communauté – notamment les femmes et les groupes marginalisés – de se réunir pour comprendre les risques auxquels ils sont confrontés. Après avoir identifié et analysé ces risques ensemble, la population locale peut créer un plan d’action décrivant la meilleure façon d’y répondre. Le lobbying au niveau national est également essentielle pour influencer les décisions en faveur du développement durable et inclusif. Nous croyons que les efforts visant à créer un nouveau cadre de développement doivent être soutenus par une volonté à réduire cette vulnérabilité, en améliorant la résilience des communautés face aux catastrophes et en renforçant la résilience économique des personnes les plus vulnérables de la société, tels que les femmes. Il est essentiel de protéger les moyens d’existence des populations pauvres et d’améliorer leur sécurité alimentaire et nutritionnelle. Un des principaux avantages de l’atteinte des OMD est qu’ils constituent un outil et un cadre de référence que les autorités du Burkina Faso se sont engagées à les mettre en œuvre. Un plan d’action national est en place pour évaluer les progrès des OMD et un financement (quoique insuffisant) a été alloué par l’Etat pour la réalisation des différents OMD. Les OMD sont un moyen de canaliser les actions de développement (par l’Etat et les ONG) vers des objectifs précis en fonction des priorités À notre avis, le futur programme de développement doit reposer sur deux grands principes: la durabilité et la bonne gouvernance. Tous les aspects du nouveau cadre doivent être mis en évidence par un engagement vis-à-vis de la durabilité. Cela comprendrait la mise en œuvre d’un système économique durable, équitable et inclusif, la réduction des inégalités et déséquilibres sociaux, et la gestion durable des ressources naturelles. En ce qui concerne la bonne gouvernance, cela peut être réalisé en s’assurant que les activités de développement sont gérées de manière transparente et conforme à la justice sociale. Plus précisément, un nouveau cadre de développement devrait être basé sur les quatre priorités suivantes: 1 Renforcer la résilience des communautés face aux catastrophes. 2 Autonomisation des femmes en renforçant leur résilience économique et en les aidant à acquérir une voix politique forte. 3 Réduire la mortalité infantile en réduisant la malnutrition et améliorer l’accès aux services de santé et d’assainissement. 4 Soutenir la gestion durable des ressources naturelles et des écosystèmes par l’échange de bonnes pratiques. Au-delà de cela, nous proposons les objectifs et les indicateurs suivants: Objectif 1: Soutenir l’autonomisation économique des femmes – en particulier dans les zones rurales. • L’accès des femmes aux moyens de production. • L’accès des femmes aux sources de financement pour soutenir les activités génératrices de revenus. • La participation des femmes dans la prise de décision. Objectif 2: Renforcer la résilience des communautés face aux catastrophes. • Existence d’un système d’alerte précoce qui fonctionne bien. • Renforcement des capacités locales pour la prévention et la gestion des catastrophes. • Existence d’infrastructure pour la réduction et l’atténuation des risques de catastrophe. Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique « Le futur programme de développement doit être basé sur la durabilité et la bonne gouvernance » Objectif 3: Renforcer la capacité des communautés à s’adapter au changement climatique. • Mise en œuvre d’activités efficaces d’adaptation au changement climatique. Objectif 4: Réduire la mortalité infantile. • Réduire le taux de malnutrition. • Augmenter le taux d’accès aux soins de santé. • Améliorer le niveau de l’assainissement. Objectif 5: Assurer la gestion durable des ressources naturelles. • Existence de mécanismes locaux pour la gestion des ressources naturelles. • La croissance du taux d’adoption de pratiques de gestion durable des ressources naturelles. • Accès équitable aux ressources naturelles. • Législation favorable à l’utilisation rationnelle des ressources naturelles. Le Réseau MARP a été créé en 1992. En 2007, en reconnaissance de ses succès dans le domaine du développement, il a été officiellement reconnu par l’Etat burkinabé comme une ONG qui sert auprès du public. Le principe de base de tout le travail du Réseau MARP est qu’une communauté construit son bien-être grâce à la participation active de ses membres. Certains domaines clés sur lesquels il travaille sont: la sécurité alimentaire, la gestion des ressources naturelles; l’épargne et le microcrédit; l’intervention d’urgence, la réduction des risques de catastrophe, et le plaidoyer en faveur des communautés à risque de catastrophe. reseaumarpbf.org 9 10 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique «MIEUX VAUT MOINS, MAIS MIEUX» Isobel Frye, Directrice, Institut d’Études sur la Pauvreté et les Inégalités, Afrique du Sud La société civile en Afrique du Sud a toujours été étroitement liée à des questions de droits civils et politiques. Bien sûr, cela a ses racines dans le mouvement de libération anti- apartheid et le soutien international connexe de solidarité. Avec l’introduction de la règle démocratique en 1994, la vision d’une Afrique du Sud transformée et égalitaire était avant tout dans les discours de transition. Ceci est démontré par les principes et droits énoncés dans la Constitution de l’Afrique du Sud, notamment les droits socio-économiques inclus dans le Bill of Rights. Sur son adoption, notre Constitution finale a été saluée comme l’une des constitutions les plus progressistes à l’échelle internationale. Depuis l’adoption de la Constitution en 1996, toutefois, l’Afrique du Sud a eu du mal à faire des percées importantes dans les défis très élevés et interconnectés que son la pauvreté, le chômage et les inégalités. Diverses causes structurelles ont été explorées à cet égard – à la fois ceux enracinée dans les politiques d’exclusion de l’apartheid, puis des raisons qui en ont suivies, et des choix de politique macro- économique qui ont été faits. Un état de développement Ce à quoi nous sommes actuellement confrontés est une intersection difficile entre le cadre fondé sur les droits traditionnels et un cadre plus récent, plus orthodoxe de «développement». Le premier, comme indiqué, est avancé par la Constitution, tandis que le second se fonde sur la politique qui met l’accent sur la réorientation de l’Afrique du Sud dans un «État développementiste». De nombreux commentateurs ont questionné le sens de cette expression, et des exemples ont été pris sur les états de développement est-asiatiques et les divers enseignements qui priorisent le développement économique par rapport au développement humain et les droits de l’homme. D’après nos recherches à SPII, il est clair que pour beaucoup, l’espoir d’être en mesure de développer une stratégie de subsistance durable pour eux-mêmes et leurs familles reste insaisissable face au chômage qui officiellement est très élevé. Il semble y avoir un décalage important entre les politiques interventionnistes conçues et mises en œuvre à tous les trois niveaux de gouvernement, et les défis et obstacles réels auxquels les gens sont confrontés. L’économie informelle croissante semble aussi échapper aux décideurs. Les pauvres Photo: Christian Aid/Sarah Filbey Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique 11 « Nous croyons qu’une des leçons importantes à retenir est de nous limiter aux objectifs les plus cruciaux, les plus visibles et les plus inclusifs. » et les marginalisés continuent à se trouver à la merci des politiques qui ne sont pas conçues en fonction de leurs réalités. En vérité, ces politiques seront toujours difficiles: c’est parce qu’elles seront toujours situées dans des cadres flous et qui existent au-delà de l’approche dominante actuelle par rapport à la relation entre un état politique et une citoyenneté informée, formalisée, autonome et active. L’application des droits Un nouveau cadre de développement doit casser la dissonance perçue entre les droits et le développement. Les politiques devraient être audités contre un système d’évaluation centré sur l’humain qui comprend une vaste recherche qualitative et qui capture les expériences réelles des gens tentant d’établir et de maintenir des stratégies de subsistance sûrs. Cela doit se situé dans une stratégie continue visant à informer les gens sur leurs droits, et comment les mettre en vigueur face à une présence de l’Etat qui est souvent, au mieux, chaotique, et au pire, corrompu et dysfonctionnel. Ce qu’il faut ce sont des centres de conseil qui font progresser la connaissance de l’homme, ainsi que des compétences pratiques en affaires et des informations sur l’accès aux marchés, au crédit et à d’autres formes d’assistance. Les politiques doivent aborder les questions difficiles sur la façon de s’étendre jusqu’au secteur informel, qui, par définition, n’est pas dans le registre et est invisible. Ceci est illustré dans la question fondée sur les droits à savoir comment élargir l’accès à la protection sociale en tant que pays: nous devons donner la priorité à la façon dont nous nous adressons aux modèles, rythmes et besoins des personnes opérant sous des formes atypiques d’emploi et dans les périphéries du secteur formel. Apprendre des expériences internationales est important, mais il en est de même pour une prise de conscience de la nécessité de l’appliquer à des réalités locales, et c’est là que les gens ordinaires doivent être inclus dans l’audit des politiques, la conception des programmes et des systèmes de suivi et d’évaluation. Malheureusement, les OMD ont eu peu d’impact pratique sur notre travail en Afrique du Sud. Malgré le fait que le parti au pouvoir se soit engagé à réaliser les principaux OMD en 2014, un an avant la date butoir des OMD (en raison de la fin Photo: Des enfants jouant dans l’un des quartiers informels du Cap Town dans la région de Kayelitcha. du mandat de l’actuelle administration), il n’y a pas de traction importante de l’Etat ou de la société civile, de quelque manière soutenue ou programmatique. C’est une chose qui doit être abordée dans tout programme post-2015 – à savoir, un accord concerté sur des cibles et des indicateurs réalistes que les organismes multi-acteurs peuvent superviser. Peut-être l’un des défis que nous avons rencontrés en Afrique du Sud est le nombre apparemment écrasant des plans et des priorités avec trop peu de foi dans la réalisation d’aucun des principes fondamentaux. «Mieux vaut moins, mais mieux» est un appel lancé par un ancien président en Afrique du Sud, et nous croyons qu’une leçon importante à apprendre est de se limiter à des objectifs plus importants, plus visibles et plus inclusifs. Une fois que ceux-ci sont clairement réalisés, il sera plus facile de choisir et d’appliquer la même énergie et le même engagement à ceux à venir. L’Institut d’Études de la pauvreté et de l’inégalité (SPII) est une fiducie à but non lucratif basée à Johannesburg. Il a été créé il y a sept ans, principalement pour répondre à une absence perçue dans la société civile de recherche empirique sur la pauvreté et les inégalités – recherche nécessaire pour faire avancer une série de campagnes de la société civile en Afrique du Sud et de la Communauté de développement d’Afrique Australe de la sous-région (SADC). La méthodologie de SPII combine la recherche fondamentale au niveau de la communauté, avec l’analyse de la politique et de l’engagement avec le gouvernement, les entreprises et les syndicats organisés. Parmi les domaines de recherche actuels se trouve le programme des droits socio-économiques, qui comprend une campagne d’introduction d’un revenu minimum de base à l’échelle de la SADC, financé par une taxe sur les activités d’extraction, et un panier des besoins de base, qui comprend un revenu primaire des ménages et de projet de dépenses. www.spii.org.za 12 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique LA JUSTICE FISCALE AU CENTRE Alvin Mosioma, directeur, Tax Justice Network – Afrique Beaucoup considèrent l’impôt comme un sujet complexe qui doit être laissée aux experts, mais l’histoire des économies développées montre que la fiscalité est au cœur de tout développement significatif et de construction de l’État. Cependant, jusqu’à très récemment, le discours international sur le développement économique dans les pays pauvres a été dépourvu de toute discussion sur la fiscalité ou de recettes fiscales comme une source essentielle de financement. Les OMD ne prête absolument aucune attention à l’impôt, pas plus que la tant-vanté Déclaration du Millénaire. La question de savoir comment les gouvernements du monde financent les écoles, les hôpitaux, les routes et autres services essentiels n’est pas sorcier. L’impôt est la seule source stable, fiable et durable de revenus qui peut permettre aux gouvernements de s’acquitter de leurs obligations face aux citoyens en garantissant l’accès aux services essentiels de base. Il est donc essentiel qu’un nouveau «partenariat mondial pour le développement» ou objectif sur le financement – comme celui proposé récemment par le groupe High-Level Panel – donne la priorité à la fiscalité comme source de financement du développement. S’adressant à tous les défis et aux malversations qui nient les pays en développement, leurs recettes fiscales dûment dû doit être au cœur du tout nouveau cadre global de développement. Ces efforts devraient inclure des mesures visant à encourager la production de ressources fiscales et à restreindre les pertes de revenus des pays pauvres à cause des systèmes financiers mondiaux erronées. Avec plus de 1,3 milliards de dollars, soit près d’un cinquième de la population mondiale vivant avec moins de 1,25 dollars par jour, c’est un scandale et il est moralement inacceptable que plus d’argent quitte les pays pauvres pour les pays riches du nord, et non dans l’autre sens. On estime que pour 10$ US quittant les pays pauvres il y a dollar qui entre des pays riches. Des études récentes indiquent que le continent africain perd plus de 50 milliards de dollars par an en raison de flux illicites. Il est intéressant de noter que tandis que beaucoup d’accent a été mis sur la lutte contre la corruption, la plus grande partie des ressources perdues au détriment du continent est dû aux fautes professionnelles des entreprises ou par des sociétés multinationales qui profitent de la faiblesse de la régulation mondiale pour esquiver le payement de leur part d’impôt. On estime que 21tn dollars US sont planqués dans des comptes offshore dans des paradis fiscaux par des personnes et entreprises fortunées qui contournent ou évitent les impôts. Photo: Christian Aid/Charlotte Marshall Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique 13 « La réalisation de la justice fiscale doit être placée au cœur du nouveau programme post-2015. » Bien que le lien peut ne pas être immédiatement apparent, la perte de recettes fiscales dans les pays pauvres est de l’argent qui pourrait, par exemple, sauver la vie de 150.000 enfants au Kenya qui meurent chaque année parce qu’ils ne peuvent pas se rendre à l’hôpital à temps en raison du mauvais état des routes, parce que l’hôpital n’avait pas de médicament adéquat, parce que le médecin n’était pas disponible, ou tout simplement parce que l’enfant n’a pas eu assez à manger. Ambitieux mais pratique Il est évident – bien que ce ne soit pas le seul facteur – que la capacité de l’État à fournir des services est directement liée à sa capacité à générer des ressources suffisantes pour répondre à ces services. Comme le programme post-2015 prend forme, nous devrions apprendre des pièges de la réalisation des OMD et mettre en place des mesures pour nous assurer que le nouveau cadre n’est pas seulement ambitieux, mais qu’il est aussi pratique. À cet égard, je voudrais proposer les recommandations suivantes, qui, je crois, pourraient contribuer à combler les vannes qui permettent la fuite des ressources et pourraient modifier sensiblement le sort des pays en développement. Considérant que l’évasion fiscale des entreprises représente la plus importante source de flux financiers illicites, nous devons obtenir le droit de la gouvernance mondiale et nous assurer que les sociétés paient leur juste part d’impôt. Cela devrait inclure des mesures qui rendraient difficile à ces entreprises de se cachent sous des sociétés écrans anonymes en légiférant pour la propriété effective – nous devrions savoir à qui appartient finalement quoi et où. En outre, il est nécessaire d’encourager un cadre international sur les rapports et échanges d’informations que font des sociétés sur l’impôt. les gouvernements dans la bonne direction. Il est important de noter que tandis que l’évasion fiscale n’est pas maîtrisée, les gouvernements sont sérieusement compromis dans la mise en place de systèmes fiscaux progressifs – alors que les systèmes fiscaux nationaux plus équitables dépendent des mesures globales de transparence. Troisièmement, nous devons reconnaître que lorsqu’elle est appliquée de façon équitable, la fiscalité peut aussi être un outil qui tient un gouvernement responsable vis-à-vis de ses citoyens. Un gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple, ne peut être réalisé que lorsque les ressources qui financent le développement sont générées localement et lorsque le développement ne dépend pas de l’aide extérieure. En fin de compte, la réalisation de la justice fiscale doit être placé au cœur du nouveau programme post-2015. Il faut donc s’assurer que la bonne part des recettes fiscales est maintenue dans les pays où les activités économiques significatives ont eu lieu, permettant ainsi aux États de financer leur propre développement. Tax Justice Network (Réseau sur la Justice Fiscale) – Afrique (TJN-A) est une initiative panafricaine et membre de l’Alliance mondiale pour la justice fiscale. Il vise à promouvoir des systèmes de taxation socialement juste, démocratiques et progressistes en Afrique. TJN-A plaide pour les systèmes fiscaux qui sont favorables aux pauvres et finance les biens publics. Il remet en question les politiques et les pratiques fiscales dommageables qui favorisent les riches et qui encouragent une inégalité inacceptable. taxjusticeafrica.net La transparence doit s’appliquer au niveau mondial, ainsi qu’au niveau national. Peut-être que ceci n’est pas un «but» très facile, mais un cadre de développement universel devra s’attaquer à des problèmes complexes pour être pris au sérieux. Deuxièmement, nous devons penser à la façon dont les nouveaux objectifs de développement durable (ODD) peuvent promouvoir des systèmes fiscaux nationaux équitables. Dans de nombreux pays, ce sont les pauvres qui finissent par payer plus d’impôts en proportion de leur revenu et ce n’est tout simplement pas juste. Quand les riches sont capables d’éviter de payer leur juste part d’impôts, le gouvernement doit compter sur le reste de ses citoyens pour remplir ses coffres. En Afrique, nous voyons une évolution vers le recours à la taxe sur la valeur ajoutée, qui se traduit par des hausses de prix sur les denrées de premières nécessités que les pauvres peuvent à peine se permettre, comme la nourriture, les soins de santé et l’éducation. Un but ou objectif sur les inégalités de revenu, ou un indicateur qui exige la publication du rapport de la fiscalité directe-indirecte, pourrait encourager Photo: Mine Mopani Copper en Zambie, qui est en grande partie détenue par une filiale du géant Glencore FTSE100. La multinationale a été accusée d’esquiver les impôts en Zambie – une allégation qu’elle nie. La mine provoque d’importants dommages environnementaux locaux. Un partenaire de Christian Aid a soutenu un groupe de campagne locale pour exiger des améliorations pour l’environnement. 14 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique L’AUTONOMISATION ECONOMIQUE DES FEMMES EST VITALE Écrit par les jeunes femmes de UCF-Angola Il y a encore de nombreux défis de développement auxquels l’Angola fait face. Ici, nous décrivons certaines des choses qui devraient être incluses dans un programme post-2015. Tout d’abord, l’autonomisation économique des femmes est essentielle pour éradiquer la pauvreté et les inégalités, afin d’atteindre le plein développement de la société. Les femmes et les filles doivent avoir accès à des possibilités de formation pour développer leurs compétences d’entrepreneurs, à travers des stages, des bourses et des échanges éducatifs au niveau national, régional et mondial. Il est essentiel que l’accès des femmes aux possibilités d’emploi soit garanti, ainsi que l’adoption de politiques qui protègent les travailleuses domestiques de l’exploitation. Des politiques équitables devraient également être mises en place pour s’assurer que les femmes, jeunes comme vieilles, aient droit à la terre et à la propriété. Les barrières sociales et culturelles qui empêchent les femmes de posséder des biens et des terres doivent être contestées et enlevées (par exemple, lorsque le partenaire mâle meurt, l’héritage passe au fils aîné ou, en son absence, à la famille du mari). Pendant ce temps, l’Angola a ratifié un grand nombre de conventions et traités internationaux, mais le grand défi est leur mise en œuvre. Un exemple est la loi contre la violence domestique, approuvée par le Parlement angolais en 2011. Il s’agit d’une étape très importante pour la protection des personnes les plus vulnérables et de punir les auteurs de violences, mais beaucoup reste encore à faire pour la mettre en pratique. Priorité à l’éducation Les gouvernements devraient également prioriser l’éducation primaire universelle en tant que première étape pour aider à construire une société plus critique, éduqués et responsabilisés. Dans son rapport de suivi des OMD, l’ONU dit que c’est un objectif où l’Angola a connu plus de progrès. Pourtant, il y a plus d’écoles privées que publiques dans nos communautés. De plus, la pauvreté pousse les enfants à ne pas être scolarisés parce que leurs familles ne peuvent pas payer les frais scolaires. Nous croyons également que l’éducation doit être garantie et adaptée à l’âge de l’élève. Photo: Christian Aid/Lily Peel Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique 15 « Les gouvernements devraient prioriser l’éducation primaire universelle en tant que première étape pour aider à construire une société plus critique, instruite et autonome. » Les services et les informations sur la santé sexuelle et reproductrice doivent être disponibles et facilement accessibles pour les jeunes dans le cadre de la politique de santé du gouvernement, qui est presque inexistantes dans ce domaine. Il y a encore un grand obstacle culturel quand il s’agit de parler de sexe, et les jeunes n’ont pas accès à la contraception. Selon la Banque mondiale, le taux de fécondité des adolescentes en Angola était le quatrième plus élevé dans le monde en 2010, avec 157 naissances pour 1000 filles de 15-19 ans. Enfin, il est utile de rappeler que le VIH est toujours un défi pour beaucoup en Angola. Il y a peu d’accès au traitement antirétroviral pour les pauvres, et très souvent des centres de santé communautaires n’ont pas de réactifs nécessaires pour faire des tests VIH. D’autre part, la discrimination contre les personnes vivant avec le VIH est en baisse parce qu’il y a plus d’informations diffusées à la radio et à la télévision, par les campagnes gouvernementales et les militants dans les églises et les écoles. Dans les zones rurales, les centres de ressources et les bibliothèques doivent être encouragés pour que chacun ait accès à l’information. Le sport et les activités physiques doivent être encouragés, en particulier chez la jeune femme, dans le cadre de son développement intégral physique, mental et intellectuel. En conclusion, nous pensons qu’il y a suffisamment de ressources en Angola pour le bénéfice des personnes les plus exclues de la société, et nous espérons que leurs besoins seront prioritaires dans les objectifs post-OMD. Les possibilités de développer des compétences de leadership chez les jeunes devraient être encouragées. Le leadership favorise des vertus telles que la connaissance, l’engagement, la responsabilité et le développement de la confiance: qualités qui génèrent une société plus juste et d’éthique. Les femmes leaders sont des modèles d’inspiration pour les jeunes femmes et peuvent entraîner des changements positifs dans les communautés. Un exemple est le ministre, modèle d’inspiration, la Rev. Deolinda Teca, qui est la première femme secrétaire générale dans l’histoire du Conseil des Eglises chrétiennes de l’Angola. Les filles et les jeunes femmes qui participent à nos programmes font la différence dans leurs communautés et familles. Certaines sont maintenant à l’université, d’autres ont des emplois. Ce sont les futurs leaders de l’Angola. L’éducation a un impact sur la santé de la communauté, et améliorer la santé des femmes contribue à réduire les taux de mortalité infantile. Les gouvernements devraient créer et mettre en œuvre des politiques visant à prévenir les maladies qui touchent les enfants et assurer leur accès au traitement et aux médicaments. Par exemple, le paludisme est une grande menace pour le développement en Angola, alors investir dans l’éducation et l’assainissement de base permettrait de réduire les taux élevés de personnes touchées et tués par la maladie. La majorité des professionnels de la santé de l’Angola sont des femmes, au service des communautés pauvres dans les zones rurales et urbaines. Cependant, ils n’ont pas les ressources adéquates pour mener à bien leur travail. Le pays a besoin de bien plus que cela : des travailleurs de la santé les mieux rémunérés. Pendant ce temps, les femmes handicapées ou avec des problèmes de santé mentale, en particulier les jeunes femmes et les jeunes filles, sont souvent victimes de discriminations et d’abus. Des programmes spéciaux sur la santé sexuelle et reproductive doivent être mis à leur disposition, en fonction de leurs besoins et des circonstances. L’UCF-Angola (Union chrétienne des femmes/União Cristã Feminina) fait partie du réseau mondial, Association chrétienne des jeunes femmes (YWCA). Il développe un travail stratégique dans l’éducation, le genre et le VIH, et encourage les jeunes femmes angolaises à développer leurs capacités, leur permettant d’intervenir dans les questions d’intérêt public et de construire une société avec des conditions plus favorables pour les femmes. L’UCF fonctionne dans les banlieues déshéritées de la capitale, Luanda, où les taux de VIH, de discrimination et de violence contre la femme sont élevés. Il offre des possibilités de travail et des programmes de formation professionnelle pour les jeunes femmes, des cours d’alphabétisation, et des campagnes d’éducation par les pairs sur la santé, les questions sociales et de citoyenneté. L’UCF s’est également engagé à améliorer la sensibilisation au VIH chez les jeunes femmes. En de nombreuses occasions, il a influencé les structures traditionnelles de prise de décision des hommes, en apportant des questions qui touchent les jeunes femmes de l’Angola à leur ordre du jour. worldywca.org Photo de Profil: écrivains UCF-Angola, de gauche à droite – Tuiku Kiakayama Elisa, Apolonia Manuel Gabriel, Juliana Feliciano, Maria Mendes, Eloina Teresa dos Santos, Sofia Ambrosi Photo principale: les jeunes du projet Girls Building Bridges en Angola prennent part à un match d’échauffement avant leur classe, chantant et applaudissant. Girls Building Bridges est un programme de compétences dans la vie géré par UCF-Angola dans une banlieue pauvre de la capitale, Luanda. 16 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique LA SANTÉ MATERNELLE NE DOIT PAS ETRE OUBLIER Le Rev Phumzile Mabizela, directeur exécutif, INERELA+ Les femmes ont le droit de décider où et quand avoir des enfants, indépendamment de leur classe, de leur race et de leur statut VIH ; pourtant, le droit des femmes vivant avec le VIH (WLWH) n’est pas encore une réalité. Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la santé maternelle, lutter contre les causes profondes de l’inégalité entre les sexes et assurer l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et au soutien. INERELA+ a un programme de santé des droits sexuelles et de la reproduction (SDSR) qui vise à autonomiser les jeunes femmes, notamment WLWH, et nous aimerions voir leurs besoins satisfaits dans les objectifs post-2015. Les politiques et les services de prévention de la transmission mère-enfant (PTME) ont besoin d’attention particulière. Ils sont présents dans de nombreux pays, mais leur accès est limité. Les services ne sont pas encore intégrés: ils sont fournis dans différents centres et à différents niveaux. Une préoccupation grave est la pratique faisant pression sur les WLHIV de signer des formulaires de consentement donnant aux praticiens de la santé le droit de les stériliser. La signature de ces formulaires, dans de nombreux cas, a lieu au moment où la femme est en travail et les conséquences de la procédure ne lui sont pas clairement expliquées. Cela montre un manque considérable de connaissances de la PTME et d’autres méthodes de prévention de la part de ces praticiens. Ceci est un exemple d’une région qui a un impact profond sur les droits des femmes et de la santé maternelle. Comme nous nous tournons vers les objectifs post-2015, il y a clairement encore beaucoup à faire dans le cadre des OMD existants. Au Mozambique, en Zambie et en Afrique du Sud, les avortements dangereux, le paludisme et le VIH représentent directement et indirectement les causes de décès maternels et autres complications liées à l’accouchement. Le paludisme reste une des principales causes de décès maternels. Indirectement, elle exacerbe les effets physiologiques de la grossesse, avec le VIH qui frappe dans le système immunitaire de la plupart des femmes enceintes en Afrique subsaharienne. Dans ces pays, la transformation des normes socio-culturelles pour faire face aux mariages précoces, l’infidélité et les causes de dystocie, reste un défi majeur. Photo: Christian Aid/Rachel Stevens Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Afrique 17 « Il reste beaucoup à faire pour améliorer la santé maternelle, lutter contre les causes profondes de l’inégalité entre les sexes et assurer l’accès universel à la prévention, au traitement et au soutien. » Au Mozambique, le taux élevé de grossesse chez les adolescentes est un problème. La riposte au VIH a été faite de différentes manières, par exemple en favorisant un changement de comportement vers une augmentation de pratiques plus sûres, notamment l’utilisation du préservatif. Notre réseau a ainsi vu qu’il est assez crucial de cibler les chefs religieux et leurs fidèles (principalement les jeunes) et les former sur la prévention du VIH avec une approche connue sous le nom SAVE (Pratiques plus sûres, Accès au traitement, Dépistage et conseil volontaire, et Autonomisation). L’intégration de l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires est une autre question importante – et l’intégration de tous les services de SDSR, pour s’assurer qu’ils sont tous au même lieu, pourrait également encourager les femmes à rechercher et à utiliser ces services qui pourraient leur sauver la vie. Les domaines prioritaires Nous avons tous besoin d’augmenter notre plaidoyer dans ces domaines, en particulier sur la SDSR, et une plus grande implication des acteurs confessionnels serait particulièrement positif. Entre autres, les domaines suivants devraient être des priorités, à la fois maintenant et après 2015: • Augmentation de la protection socio-économique des femmes • Changement de politique et législation pour fournir des méthodes modernes de contraception, impliquant les femmes dans les stratégies de prévention pour leur donner plus de contrôle sur leur santé de la reproduction • Autonomisation économique des femmes • Elimination de la violence genre, en particulier veiller à ce que les minorités sexuelles soient protégées. Nous, en tant que communauté de foi, nous avons la responsabilité d’applaudir nos gouvernements pour les développements positifs, mais aussi les pousser à renforcer leurs programmes visant à atteindre les OMD 3, 4 et 5. Les femmes en Afrique sont l’épine dorsale des communautés et de la société. Les gouvernements doivent investir davantage dans les programmes qui prolongent leur vie.. INERELA+ est un réseau international de chefs religieux – laïcs et ordonnés, femmes et hommes – qui vivent avec ou sont personnellement affectés par le VIH. INERELA+ reconnaît que les chefs religieux ont une autorité unique qui joue un rôle central dans l’orientation morale et éthique au sein de leurs communautés ; en effet, leurs opinions publiques peuvent influencer des nations entières. INERELA+ cherche à habiliter ses membres à utiliser leurs positions de respect au sein de leurs communautés de foi d’une manière qui rompt le silence, conteste la stigmatisation et fournit la prestation de services de prévention, de soins et de traitement fondées sur des données probantes. INERELA+ a son siège à Johannesburg, Afrique du Sud, et il comprend le réseau africain, ANERELA+. inerela.org • Réduction du taux de grossesse précoce chez adolescent • Multiplier la sensibilisation du public sur les questions de SDSR • Réduction des taux de décès maternels • Réduction des taux de transmission mère-enfant • Programme des droits humains et de l’enfant • Promotion de stratégies pro-SAVE autour de la SDSR • Plus de travail avec les hommes, leur permettant d’adopter des comportements favorables à la santé Photo: Les enfants chantent, dansent et jouent à un club d’enfants pour les familles touchées par le VIH, à l’école Eziama Uli dans le sud du Nigeria. Le club hebdomadaire enseigne aux enfants ce c’est que le VIH, la santé et les questions morales, en les aidant à faire face à leur situation. 18 18 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Asie et Moyen-Orient VOIX DES PARTENAIRES ASIE ET MOYEN-ORIENT Christian Aid/Johanna Rogers Le partenaire de Christian Aid WASSA (Association des activités et des services sociaux des femmes) conduit un projet de traitement des tomates en Afghanistan, pour l’autonomisation des femmes dans les communautés locales afin de développer des compétences en affaires et leur permettre de gagner leur vie. Les tomates sont cuites, préparées, conservées dans des bocaux et ensuite vendues sur le marché local. Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Asie et Moyen-Orient 19 L’EQUITE DOIT ETRE AU CŒUR DU DEVELOPPEMENT Jessica Reyes Cantos, co-animateur, Social Watch Philippines Social Watch Philippines a dirigé le processus de consultation post-2015 dans mon pays. Alors que nous continuons à préconiser la réalisation des OMD, nous sommes confrontés à la triste réalité que dans les Philippines, les OMD en matière de réduction de la pauvreté, l’accès universel à l’éducation, le taux faible de mortalité maternelle et de propagation du VIH ne seront pas atteints en 2015. Bien sûr, nous avons essayé, et de notre point de vue les OMD ne représentent vraiment qu’un niveau minimum de développement – on devrait s’attendre à plus. Nous avons fait pression sur les législateurs au Congrès pour la réalisation des objectifs, et plus récemment, sur le gouvernement lui-même, et nous avons eu quelques victoires. Il s’agit notamment de gros budgets pour l’éducation des jeunes déscolarisés, l’agriculture biologique, la formation des agriculteurs sur les changements climatiques et de l’argent pour la bonne stérilisation du matériel médical dans les hôpitaux publics. Mais pendant le gouvernement de Gloria Macapagal Arroyo, c’était la plupart du temps des victoires “sur papier”. Les plus gros budgets promis étaient là noir sur blanc dans le cadre de la Loi de finances générale, mais le président n’a jamais autorisé son décaissement. A partir de 2010, le nouveau gouvernement Aquino était plus réceptif à nos demandes. Nous avons eu des victoires législatives avec la signature de la Loi sur les soins de santé universels et de Fonds de la survie du peuple (People’s Survival Fund and the Universal Health Care Act). Le premier est un amendement à la Loi sur le changement climatique, ce qui rendra disponible et mettra a disposition davantage de fonds pour l’adaptation au changement climatique ; ce dernier est un amendement à la charte Philheath, qui dépolitise l’accès aux cartes de santé qui étaient auparavant distribués par les politiciens. Bien sûr, le passage dans la loi de la proposition de loi sur la santé de la reproduction est une mesure très attendue. Le peuple avant les profits Nous avons également travaillé au niveau du gouvernement local, dans le but de rendre les budgets des collectivités locales plus intéressant pour la population et sensible à la réalisation des OMD. Nous avons ciblé les agriculteurs, les pêcheurs, les peuples autochtones, les vendeurs du marché, les jeunes et les groupes de femmes, les personnes âgées et les conducteurs de tricycle. Nous les avons éduqués sur la façon dont les dépenses de l’administration locale sont décidées et leur avons appris à lire et à analyser les rapports budgétaires et d’audit. A notre grande surprise, nous avons constaté que les gens ne sont pas seulement intéressés à la façon dont leurs impôts sont dépensés – ils ont aussi réalisé à quel point certains des services sociaux de base étaient mal financés, et ils étaient prêts à aider à stimuler les recettes locales. Par exemple, ils ont encouragé les parents dans la capitale Manille et d’autres villes à payer leurs impôts communautaires dans leurs villes natales, plutôt que dans les zones urbaines, en sachant que ces zones urbaines ont déjà de gros revenus locaux pour commencer. Cela a permis d’atteinte certains résultats. Par exemple, dans une petite ville dans les Visayas, une nouvelle salle de classe a été construite avec les taxes supplémentaires que les gens ont contribué à collecter pour leur gouvernement local. Ce genre de sensibilisation, de participation du public et de disponibilité de l’information sera essentielle si les gouvernements veulent atteindre les objectifs post-2015, qui nous l’espérons, seront encore plus ambitieux que les OMD. Mais nous avons besoin de bien plus que de l’argent et de l’information. Nous avons besoin d’une remise en cause fondamentale de notre modèle économique. Oui, il y a croissance économique dans les Philippines, mais elle est accompagnée par une grande inégalité, de chômage, de sous- emploi et de dégradation de l’environnement. Donc, notre message central est le suivant: le post-2015 ne doit pas être comme d’habitude. Le peuple doit passer avant les profits, la responsabilité sociale des entreprises ne devrait pas être une réflexion après coup, et les partenariats mondiaux sont la voie à suivre. Nous avons besoin d’un commerce plus équitable, d’aide, d’investissements réels plutôt que les flux de capitaux à court terme, et d’un financement pour parer au changement climatique plutôt que de remboursements de dettes. Ces principes devraient être au centre des OMD eux-mêmes. A présent, planifier pour 2015 et au-delà nous donne enfin la chance d’en faire une réalité. Social Watch Philippines est une alliance de plus de 100 organisations de la société civile (OSC) et de réseaux. Il fait partie d’un réseau mondial, Social Watch, qui regroupe les §coalitions nationales des OSC qui luttent pour éradiquer la pauvreté et les causes de la pauvreté, pour mettre fin à toutes les formes de discrimination et de racisme, et pour assurer une répartition équitable de la richesse et la réalisation des droits humains. Il est attaché à la paix et à la justice sociale, économique, environnementale et l’égalité. Social Watch tient les gouvernements, le système des Nations Unies et les organisations internationales responsables de la réalisation des engagements nationaux, régionaux et internationaux pour éradiquer la pauvreté. socialwatchphilippines.org 20 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Asie et Moyen-Orient PAS DE DEVELOPPEMENT SANS L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION BASEE SUR LES CASTES N Paul Divakar, secrétaire général et fondateur de la Campagne nationale de droits humains de Dalit (à gauche), et Lee Macqueen Paul, officier de recherche et de plaidoyer, National Dalit Watch, Inde Le programme post-2015 doit concilier réduction de la pauvreté et durabilité environnementale. Les débats ont jusqu’ici reconnu la nécessité de promouvoir l’inclusion sociale par des changements structurels. 18Cependant, le manque de concentration sur les droits de l’homme – notamment les droits d’accès aux terres et aux ressources naturelles – est décevant. Cela reflète peut-être la nature verticale de la fixation de l’objectif mondial, avec son parti pris en faveur des bailleurs de fonds et des avis d’experts, qui surplombe souvent les intérêts des plus marginalisés. La situation des groupes les plus vulnérables de l’Asie du Sud, notamment les dalits (anciennement dénommés « intouchables ») et adivasis (populations autochtones), reste déplorable et est soutenue par la discrimination fondée sur l’emploi et l’ascendance (DWD), 19 – un problème qui touche environ 260 millions de personnes à travers le monde. Les personnes touchées par la DWD souffrent d’un manque de reconnaissance de leurs droits, notamment l’accès aux ressources naturelles dont dépendent leurs moyens de subsistance ou qui leur appartenaient à l’origine sont de plus en plus restreint et limité.20 Un exemple est le barrage dans le district de Bijapur Almatti du Karnataka, où la submersion de vastes zones de terres fertiles a donné lieu à la plus grande réhabilitation et de processus de réinstallation du monde. Dans de nombreux endroits à travers l’Asie du Sud, l’épuisement des nappes d’eau souterraines et l’utilisation inappropriée de produits chimiques agricoles pour les cultures commerciales causent des dommages écologiques et l’augmentation des coûts de production ; avec les dalits et adivasis qui dépendent de l’aquaculture et de l’agriculture comme ceux qui le plus souvent sont les plus durement touchés.21 Certains supportent les impacts de la destruction des écosystèmes plus fortement que d’autres, avec les coûts retombant sur des groupes vulnérables et exclus peu reconnues. Les notions de la «propriété» de l’environnement et des ressources naturelles posent des problèmes particuliers pour ces groupes. Les dalits traditionnellement, et institutionnellement, ont été gardé à l’écart de la propriété des ressources naturelles, en dépit du fait qu’ils dépendent fortement de ceux-ci pour leur subsistance. Pendant ce temps, les communautés adivasis fréquemment ne reconnaissent pas la propriété individuelle de la terre et des ressources, pour lesquelles ils ont traditionnellement eu une gestion Photo: Christian Aid/Sarah Filbey Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Asie et Moyen-Orient 21 « Le programme post-2015 devrait être fondée sur les principes de justice sociale et économique, l’égalité et l’inclusion des communautés les plus vulnérables dans toutes les actions et initiatives nationales. » commune. Les implications juridiques et économiques des modèles de conservation de la biodiversité qui attribuent une valeur économique à la conservation des ressources naturelles influent donc sur ces groupes de façon très spécifique. La privatisation et la politique néo-libérale ont fait beaucoup de mal aux communautés indiennes dépendantes de la biodiversité/ressources naturelles pour leur survie et leur subsistance. Les changements de saisons – étés, moussons et hivers – ont perdu leur équilibre et périodicité: la culture a été durement touchée, provoquant une migration de détresse sans sécurité sociale. Le changement climatique et les projets de développement mal conçus dans la plupart des régions de l’Inde ont augmenté la vulnérabilité face aux inondations et aux sécheresses, et l’appauvrissement de la biodiversité nuit aux modèles agricoles. Les communautés dalits et adivasis, et autres minorités socialement marginalisées, ont du mal à composer avec ces changements. Freins et contrepoids strictes Le programme mondial post-2015 se révélera fructueux dans le contexte indien s’il s’agit d’assurer l’inclusion des communautés qui dépendent de la biodiversité (dalits et adivasis) selon toutes les mesures de préparation, d’adaptation et d’atténuation, vis-à-vis des modèles de changement climatique et de la fréquence de croissante et ainsi que de l’intensité des catastrophes naturelles. Elle devrait également soutenir la redistribution des terres et reconnaître les droits collectifs sur les ressources. S’accrochant à une vision globale d’un monde sans pauvreté, le gouvernement Indien a besoin de mettre en place de strictes freins et contrepoids pour assurer la responsabilisation des sections les plus pauvres et des exclus de la société, et de faire respecter les droits humains des communautés marginalisées. Pour assurer l’inclusion sociale de ces communautés, les droits sur les ressources naturelles doivent être reconnus, protégés et garantis. Cela permettrait également de contribuer à la conservation, étant donné que les groupes traditionnellement dépendants des ressources naturelles comme leurs moyens de subsistance ont aussi souvent protégé et conservé ces habitats. Le plan d’action national du gouvernement sur le changement climatique (PNACC) comprend des mesures visant à promouvoir et à étendre la sensibilisation de ses programmes d’adaptation et de préparation au changement climatique dans ces communautés. Il comprend également des mesures visant à reconnaître et à cartographier les vulnérabilités des communautés qui dépendent des ressources naturelles et de la biodiversité, et à créer des possibilités d’emploi pour arrêter les décès dû a la pauvreté et de la migration de détresse.22 Sur le plan mondial, les trois conventions de Rio sur la biodiversité, les changements climatiques et la désertification abordent également des questions interdépendantes qui doivent concorder avec le programme post-2015, avec un accent sur les communautés non reconnues et les groupes socialement exclus dans la région. Alors que certaines propositions actuelles focalisent leur attention à juste titre sur « l’appauvrissement de l’environnement » à travers les activités des entreprises/ industries, et sur les« économies vertes », il est grand temps que les pays vérifient l’impact des activités de développement sur les groupes les plus pauvres. Le programme post-2015 devrait être fondée sur les principes de justice sociale et économique, l’égalité et l’inclusion des communautés les plus vulnérables dans toutes les actions et initiatives nationales, notamment sur les questions de durabilité de l’environnement. L’ordre du jour devrait être un appel clair à l’action et doit contenir des objectifs mesurables très spécifiques et bien sûr, le principe de consultation de la communauté impliquant les organisations de la société civile locales et nationales doit être non négociable. La Campagne nationale droits humains des dalits (NCDHR) est un forum commis à l’élimination de la discrimination fondée sur la caste. Créé en 1998, elle réalise plusieurs émissions de campagne plaidant pour différents droits pour les dalits et les adivasis, en utilisant des mouvements thématiques distincts. Il s’agit notamment de: All India Dalit Mahila Adhikar Manch (AIDMAM); Mouvement Dalit nationale pour la justice (NDMJ); Dalit Arthik Adhikar Andolan (DAAC) et National Dalit Watch (NDW); ainsi que les travaux de plaidoyer national et international. ncdhr.org.in L’Observatoire National Dalit est une initiative de NCDHRDAAC. Il a développé des outils et méthodes pour identifier, dénoncer et documenter la discrimination au sein de l’aide humanitaire. Grâce à un suivi régulier des initiatives de réduction des risques de catastrophe, il a engagé des processus de sensibilisation et de mobilisation pour faire pression sur l’Etat et les principaux acteurs humanitaires afin qu’ils prennent des mesures correctives et instituent un environnement politique qui reconnaît et contre de telles discriminations.. http://nationaldalitwatch-ncdhr.blogspot.co.uk Photo: Une équipe de collecteurs de miel adivasis au District d’Udaipur, Rajasthan. Un partenaire de Christian Aid en Inde a appuyé les producteurs forestiers en fournissant des vêtements de protection, ainsi que les cartes d’identité pour les protéger des harcèlements par des agents forestiers. 22 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Asie et Moyen-Orient UNE REPONSE GLOBALE, NATIONALE ET LOCALE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Dr Dwijen Mallick, camarade, Bangladesh Centre for Advanced Studies (BCAS) Le Bangladesh est l’un des pays les plus vulnérables aux impacts du changement climatique. Il a une forte densité de population (plus de 160 millions sur 147 500 km2), une pauvreté généralisée et une multitude de problèmes de développement. Ce sont les pauvres qui sont le plus durement touchés par la variabilité et les extrêmes climatiques dans différentes régions du pays (cyclones et les zones côtières affectées par la salinité, les hautes terres sujettes à la sécheresse, les îles riveraines touchées par les inondations et les zones humides du bassin de Hoar). Cela a conduit à la migration des ruraux vers les villes en quête d’emploi et de meilleures conditions de vie, où ils finissent par vivre dans des bidonvilles sans infrastructures de base et souffrant de difficultés économiques, d’insécurité alimentaire, de manque d’eau potable, de problèmes d’assainissement, de risques de santé et d’insécurité sociale. Plus de 40% de la population de la ville de Dhaka vivent dans des bidonvilles et à la périphérie dans des logements insalubres. Les gens dans les milieux ruraux et urbains détruisent la capacité de charge de l’environnement pour leur intérêt économique. Le renforcement des capacités d’adaptation et la résilience au changement climatique sont essentiels pour relever les défis sociaux et environnementaux. Progrès limité et obstacles à la réalisation des OMD au Bangladesh Dans la dernière décennie, le Bangladesh a fait des progrès louables vers certains OMD, notamment dans les domaines de la réduction de la pauvreté, la scolarisation au primaire, la santé maternelle, la mortalité infantile, la réduction des disparités entre les sexes et l’autonomisation des femmes. Cependant, il y a eu peu de progrès pour assurer la durabilité de l’environnement – et les réalisations des OMD ont été gênés par l’impact du changement climatique et des catastrophes naturelles, tels que les cyclones, les tempêtes et les inondations fréquents et dévastateurs. Le gouvernement du Bangladesh a élaboré une stratégie de changement climatique et un plan d’action (BCCSAP), mais il y a un manque d’action sur le terrain pour lutter contre les impacts. Et les effets des changements climatiques ont un impact négatif sur la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau, la santé, la sécurité sociale et la durabilité environnementale. En outre, l’orientation inadéquate de la politique, la faiblesse institutionnelle, la mauvaise mise en œuvre, et un manque de ressources et de technologies sont tous les obstacles aux progrès futurs. L’impact économique du changement climatique ne peut pas être sous-estimé. Les derniers super cyclones au Bangladesh ont affecté l’agriculture, la pêche et les moyens de subsistance en milieu rural, ce qui aggrave la pauvreté dans les districts côtiers. L’augmentation de la salinité, l’engorgement par l’eau, les hautes marées et des niveaux élevés de la mer dans les régions côtières, ainsi que les inondations dévastatrices et la sécheresse dans d’autres régions, ont endommagé les ressources et les biens causant d’énormes pertes économiques pour les communautés vulnérables. Des études récentes par le BCAS et l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED) ont suggéré que la perte et les dommages dus à la variabilité climatique et les phénomènes extrêmes pourraient même s’amplifier dans un proche avenir. Ce sont les communautés pauvres et marginalisées (populations autochtones, pêcheurs, agriculteurs, femmes, enfants et personnes âgées) qui sont les plus vulnérables aux conséquences locales du changement climatique, et pourtant ils ne sont pas responsables – c’est une grande injustice. Plus de 60% de la population dans le monde en développement, notamment au Bangladesh, dépendent des ressources naturelles (terre, eau, forêts, pêche, biodiversité) et des écosystèmes pour leur subsistance. Les facteurs climatiques ont une incidence sur ces ressources et compromettent les moyens de subsistance et les potentialités des communautés pauvres, menaçant leur sécurité alimentaire et nutritionnelle et l’emploi, puis contribuent à l’augmentation de l’exode rural au Bangladesh. Beaucoup de migrants climatiques sont contraints de vivre dans les bidonvilles et, par conséquent, il y a des pressions énormes sur l’écologie urbaine et sur les services de base tels que le logement, l’approvisionnement en eau, l’énergie et l’assainissement. Le processus a déjà intensifié la concurrence pour des ressources limitées conduisant à des conflits sociaux, la violence et la violation des droits de l’homme. Le changement climatique a accru l’inégalité et l’injustice entre et à travers les régions et les pays, et au sein des sociétés. Les pays riches ont créé les problèmes et ce sont les pays pauvres et les couches les plus pauvres de la société qui en souffrent le plus. Cela va générer davantage des inégalités inter et intra-générationnelle et de l’injustice, à moins que des mesures d’atténuation appropriées, d’adaptation et de réduction des risques de catastrophe (RRC) soient prises d’urgence. Le long bras des impacts du changement climatique est susceptible de porter atteinte aux divers droits fondamentaux de l’homme et de la sécurité de base, et affecter les réalisations de l’ère post-2015. Les réponses locales, nationales et globales pour faire face au changement climatique devraient être fondées sur les principes d’équité, d’impartialité et de justice pour les pauvres. Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Asie et Moyen-Orient 23 « Le défi devant nous est de savoir comment rendre le processus de développement et les résultats plus résilients au changement climatique. » Photo: Christian Aid/Steven Buckley Les défis du développement résilient au changement climatique Les problèmes du changement climatique et de la destruction des ressources naturelles, de l’environnement et des écosystèmes ont été créés par le développement inégal, ainsi que la production et la consommation non durable, le commerce et les affaires. Le défi devant nous est de savoir comment rendre le processus de développement et les résultats plus résilients au changement climatique. Si le progrès doit être durable, il faut donc assurer la sécurité alimentaire à long terme, l’eau, les moyens de subsistance, la santé et la sécurité sociale (face aux millions de migrants climatiques) pour les communautés pauvres et vulnérables. Cela nécessitera une énorme quantité de ressources, de nouveaux savoirs, de technologies, de compétences et de renforcement des capacités. Lors de la dernière Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20), il a été fortement ressenti qu’une nouvelle voie de développement fondé sur la croissance verte à faible émission de carbone et la résilience au changement climatique qui doit maintenir, assurer et reconstruire le capital naturel, ainsi que les atouts économiques critiques et les ressources pour l’intérêt public. Maintenant, nous nous dirigeons vers les ODD, et de nombreux pays pauvres n’ont pas encore atteint les objectifs des OMD. En outre, pendant que les OMD étaient pour les pays pauvres, les ODD devrait être pour tous les pays: il existe un risque que les perspectives et les priorités des pays pauvres – comme la réduction de la pauvreté, les questions de sécurité alimentaire, d’eau et de santé – pourrait être compromise dans l’ère post-2015. Toutefois, les organisations de la société civile et la communauté de recherche au Bangladesh aident le gouvernement à identifier des objectifs et des cibles appropriés pour un cadre post-2015, mettant l’accent sur la durabilité environnementale, notamment la protection sociale pour les personnes touchées par le changement climatique, la gestion des risques de catastrophes et la sécurité de l’énergie pour tous. Le cadre post-2015 doit tenir sérieusement compte de la justice climatique et des questions de droits de l’homme. Il doit également fournir des réponses globales, nationales et locales sur la base de l’équité et de la justice pour les pauvres. La durabilité de l’environnement au niveau mondiale, national et local, la résilience au changement climatique et la protection des droits de l’homme sont tous interconnectés. Nous devons atteindre ces objectifs simultanément et collectivement. Le Bangladesh Centre for Advanced Studies (BCAS) est un institut de politique non-gouvernementale, de recherche et de mise en œuvre qui travaille sur le développement durable aux niveaux local, national, régional et mondial. Cet organisme indépendant à but non lucratif a été créé en 1986, et en plus de 25 ans, il a grandi pour devenir un institut de recherche de pointe dans le secteur non gouvernemental au Bangladesh et, plus largement, en Asie du Sud. www.bcas.net Photo: Les membres du projet Pani Parishad (Conseil de l’eau) dans le village de Banagram, Bangladesh, ont installé trois puits tubulaires profonds avec le soutien du BCAS. Grâce au travail de la Pani Parishad, les villageois ont appris que l’accès à l’eau potable est un droit, et non un luxe. 24 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Asie et Moyen-Orient L’INCLUSION DES FEMMES EST UNE NECESSITE ABSOLUE Leeda Yaqoobi, directrice adjointe, Afghan Women’s Network De notre point de vue, tout nouveau cadre de développement ou objectifs post-2015 devraient se concentrer, sans doute, sur l’inclusion concrète des femmes dans tous les aspects de la vie sociale, économique et politique. Il faudra aller au- delà de l’OMD 3 et d’une focalisation étroite sur l’éducation. L’application de la législation existante et la mise en œuvre des mesures déjà convenues sont essentiels. À ce jour, la plupart des objectifs qui ont été fixés pour promouvoir la participation des femmes n’ont pas pu se traduire en actions. Par exemple, le Programme Paix et Réconciliation en Afghanistan soutient que les femmes et les minorités doivent être consultées. Cependant, les efforts pour mettre en œuvre cela et pour engager les femmes ont été minimes et doivent être améliorés. Les pays donateurs et les partenaires de mise en œuvre sont laissés hors du crochet trop facilement et les excuses sont trop fréquentes. «Nous avons appelé les femmes à venir, mais aucune ne s’est présentée pour participer au processus», est un refrain régulier. Des excuses similaires sont données pour justifier l’échec de l’atteinte de l’objectif que le gouvernement afghan s’était fixé sur les recrutements dans la fonction publique : 30 pour cent de femmes dans la fonction publique. Pourtant, il existe des exemples de ministères et sociétés où les femmes ont été protégées avec succès en raison de l’engagement et de la volonté des dirigeants. Par exemple, le Ministère du Développement Urbain a 30 pour cent de postes d’ingénieurs de génie civil occupés par des femmes, y compris une femme ingénieur nommée Directrice du Département du Développement Urbain dans une province du Nord. Cela n’a été possible que grâce à l’engagement de la haute et moyenne hiérarchie du ministère. Pourtant, le Ministère de la Réhabilitation Rurale et du Développement - le chouchou des bailleurs de fonds – n’a pas embauché d’ingénieurs de génie civil de sexe féminin parce que les femmes, prétendument, ne pouvaient pas être des ingénieurs de génie civil. Reconnaitre la réalité de la vie des gens Il ya plusieurs raisons sous-jacentes pour la sous-performance existante qu’un cadre post-OMD pourrait aborder. L’éducation est l’une des raisons mais des centaines de filles obtiennent leur diplôme des universités publiques et privées de l’Afghanistan chaque année, de sorte qu’elle ne peut pas tout expliquer. Nous devons étendre l’éducation, mais nous avons besoin aussi d’explorer les obstacles qui empêchent les filles et les femmes d’avoir des opportunités d’emploi rémunéré et de participer à la vie publique. Souvent, les filles et les femmes ne se présenteront pas lorsque des candidats potentiels sont recherchés. C’est parce qu’elles n’ont pas de services de garderie pour leurs enfants, elles n’ont pas accès à un transport sûr et sécuritaire pour aller au travail, et les heures de travail sont tellement rigides qu’elles les empêchent de maintenir un équilibre entre leur vie professionnelle et privée. La même chose vaut pour les réunions de consultation, lorsqu’on appelle souvent les femmes sans leur donner un préavis suffisant pour organiser le transport et la garde de leurs enfants. Telle est la réalité de la vie des gens et cela doit alors être reconnu dans un nouveau cadre de développement. L’inclusion des femmes est une nécessité absolue, mais ne peut pas être acquise à moindre coût. Le programme de développement post-2015 doit donc inclure des objectifs précis pour s’assurer que les fonds sont alloués par les budgets publics et les bailleurs de fonds afin de permettre la pleine participation des femmes aux activités. Nous aurons besoin de penser à la façon dont les objectifs sont mis en œuvre au niveau national. Il faudra mettre en place un moyen de surveiller et de faire respecter la mise en œuvre de la législation et d’autres accords internationaux. Par exemple, un conseil de gestion pourrait être mis en place pour identifier, enquêter et faire le suivi de toute violation, avec des rapports publics des résultats sur une base trimestrielle. De nouveaux objectifs devraient également aboutir à des lignes budgétaires spécifiques qui permettent aux femmes de participer à l’emploi et la vie publique. Il s’agira notamment de financer la prestation de services de garderie, de transport adéquat et sécuritaire, la mise à disposition de toilettes au travail et des heures de travail flexibles. Fondé en 1995, le Afghan Women’s Network (AWN) « Réseau des femmes afghanes », est la pierre angulaire du mouvement des femmes de l’Afghanistan. Il sert de réseau bien établi pour le nombre croissant d’organisations et d’individus travaillant pour l’autonomisation des femmes afghanes et pour assurer leur participation égale dans la société afghane. L’AWN représente les intérêts de plus de 110 organisations membres et près de 5 000 personnes. Ce réseau à but non lucratif, non partisan, a une forte présence dans plusieurs provinces afghanes. Son bureau principal est situé à Kaboul, tandis que ses bureaux régionaux sont basés à Herat et Jalalabad. Il agit pour la paix et la sécurité des femmes, la participation et le leadership politique des femmes et les droits juridiques et sociaux des femmes. afghanwomennetwork.af Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Asie et Moyen-Orient 25 UN CADRE BASÉ SUR LES DROITS POUR LE CHANGEMENT DURABLE Bihter Moschini, chargé de programme et de recherche, Réseau des ONG arabes pour le développement À une époque où la communauté de développement mondiale est concentrée sur l’achèvement des OMD et la planification de l’agenda post-2015, la région arabe est en pleine transition politique dramatique avec l’escalade des tensions sectaires et civiles. Tous ces facteurs ont des répercussions énormes et dévastatrices sur la paix, la stabilité et le développement dans la région. Les soulèvements qui ont commencé à la fin 2010 reflètent bien cela. Les gens qui demandent la liberté, la dignité, la participation et la justice sociale ont appelé à mettre fin à toutes les formes d’exclusion : que ce soit économique, politique, sociale ou culturelle. Ces exigences rappellent l’objectif mis en avant par la Déclaration du Millénaire en 2000 : à savoir, « la responsabilité collective de faire respecter les principes de la dignité humaine, l’égalité et l’équité au niveau mondial ». Elles reflètent également la volonté du peuple à voir une véritable action pour assurer un développement équitable. À cet égard, un nouveau cadre qui pourrait contribuer aux besoins de la région doit adopter une approche globale du développement : celle qui prend en compte les droits politiques, sociaux, économiques, environnementaux et culturels. Elle doit placer les citoyens et l’universalité, l’indivisibilité, l’interdépendance et l’interconnexion de leurs droits humains au centre. Étant donné que les défis du développement dans la région arabe reflètent également la gouvernance mondiale problématique elle-même, le nouveau cadre doit démocratiser la gouvernance mondiale en renforçant la participation des pays en développement au processus décisionnel et en s’appuyant sur un système basé sur l’égalité de la participation et sur des responsabilités communes mais différenciées. Ce que nous avons appris du cadre des OMD, en particulier dans la région arabe, est très significatif. Les soulèvements ont clairement démontré l’absence de liens directs entre la croissance économique et le développement. Les économies rentiers des pays arabes ont adopté des modèles de croissance qui ont négligé les objectifs de développement humains et les droits économiques et sociaux. Les décideurs ont donné la priorité à l’intégration dans l’économie mondiale à travers le commerce et la libéralisation des investissements, les emprunts, l’expansion des opérations de privatisation et les partenariats public-privé, ainsi que la déréglementation économique globale. Même si la plupart des pays ont enregistré une croissance économique, la pauvreté, le chômage et les inégalités ont augmenté de façon spectaculaire. La croissance induite par le marché dérégulé a contribué à léser les pauvres, et les systèmes politiques ont été incapables de mettre en œuvre des contrôles et des équilibres. Bien que ce soit numériquement, les pays ont fait des progrès sur les objectifs spécifiques des OMD sur la santé et l’éducation, ce qui ne signifie pas que le progrès correspondant a été fait sur les problèmes sous-jacents causant la pauvreté. Le fait que ces marqueurs de réussite ne reflètent pas de manière adéquate la situation sur le terrain démontre de la courte vision du cadre et des objectifs. En effet, suite à une consultation régionale sur l’agenda post-2015 organisé par l’ANND, les groupes de la société civile dans la région arabe ont appelé à l’objet principal du débat qui consiste à passer de la simple définition de nouveaux objectifs et cibles pour l’après-2015, vers l’analyse des causes profondes de la pauvreté et comment les aborder. Le 30 mai 2013, le Panel de Haut Niveau a publié son rapport sur un cadre post-2015, en introduisant 12 nouveaux objectifs dans une autre période de 15 ans. Bien que les questions et les défis énumérés soient louables, les propositions tiennent une fois de plus une approche étroite, plutôt que de chercher des changements de transformation. Nous ne pouvons pas nier que le rapport comporte des aspects positifs - par exemple, ‘l’universalité’, ‘un objectif autonome pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des genres, une reconnaissance du ‘lien entre l’environnement et le développement’, ‘la reconnaissance de la paix comme pierre angulaire du développement durable’ - mais il ne forge pas une nouvelle voie. Il met l’accent sur la croissance induite par le marché mais ne se concentre pas sur le développement du secteur productif ; l’accent est mis sur la création de bons emplois, mais aucun objectif n’est dédié à assurer un travail décent. L’obligation de rendre compte est mentionnée mais dépend fortement des mécanismes d’autorégulation qui n’existent tout simplement pas dans la région arabe. Les droits humains sont abordés mais les droits économiques et sociaux sont relégués en second plan en se faisant appelés besoins de base. Enfin mais pas des moindres, pour la région arabe et bien d’autres, le lien entre la paix et le développement est essentiel - et en mentionnant simplement le conflit interne, le rapport ne tient pas compte de l’impact réel des conflits externes sur la limitation du développement. Dans la région arabe cela est clair: le conflit en cours et non résolu entre Israël et la Palestine, et l’impact de la crise syrienne sur la région, tous les deux démontrent comment le conflit fait reculer et entrave le développement. À cet égard, le programme post 2015 doit reconnaître l’importance d’assurer une paix juste et durable. Quinze années se sont écoulées en un clin d’œil, et autres 15 années en feront de même. L’adoption d’un nouveau cadre et de développement durable, répondre aux besoins de toutes les personnes avec une approche holistique qui prend en compte les droits politiques, sociaux, économiques, environnementaux et culturels, sera la seule façon d’apporter des changements durables. Le Réseau d’ONG arabes pour le Développement (ANND) travaille dans 12 pays arabes, avec sept réseaux nationaux et une adhésion élargie de 200 OSC. Il vise à renforcer le rôle de la société civile, rehausser les valeurs de la démocratie, le respect des droits de l’homme et le développement durable dans la région. L’ANND prône pour des réformes socioéconomiques plus saines et plus efficaces dans la région, et qui intègrent les concepts de développement durable, la justice de genre et l’approche fondée sur les droits. annd.org/english 26 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes VOIX DE PARTENAIRES AMERIQUE LATINE ET CARAÏBES Christian Aid/Hannah Richards Alivio Aruquipa dans son champ de maïs sous le glacier Illimani à La Paz, en Bolivie. Sa communauté est l’une des nombreuses qui dépendent de la fonte de neige du glacier pour avoir de l’eau pour irriguer leurs cultures. Comme la masse de glace sur le glacier rétrécit, cette précieuse source d’eau est en baisse. «Nous sommes ceux qui sentent l’impact du changement climatique, nous sommes ceux qui souffrent, dit Alivio. Le partenaire de Christian Aid Agua Sustentable a travaillé avec sa communauté à construire un réservoir. Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes 27 UNE APPROCHE HOLISTIQUE VERS UN PROGRAMME DE DURABILITE ENVIRONNEMENTAL Mónica López Baltodano, chargé de changement climatique, Centro Humboldt, Nicaragua Nous croyons que nous devons accorder la priorité au processus intergouvernemental post-2015, car il représente un réel moment de la politique mondiale et de la prise de décision. Nous devons veiller à ce que les représentants des gouvernements de notre région assument leurs responsabilités en tant que délégués officiels, qu’ils analysent les approches de politique courantes dans notre région, et qu’ils identifient les regroupements de pays qui soutiennent les questions. Toutes ces questions doivent être discutées au sein des différents groupes de la société civile qui travaillent sur le climat, la gestion des risques et la durabilité environnementale. Nous avons identifié la nécessité d’élaborer un ordre du jour sur la durabilité environnementale en mettant l’accent sur des questions clés telles que le changement climatique, la biodiversité, l’eau potable, la sécurité alimentaire et la souveraineté, la nutrition, l’impact des industries extractives et l’énergie. C’est pourquoi dans les différents réseaux dans lesquels nous travaillons, nous encourageons une approche holistique qui traitera de tous les domaines qui sont affectés par l’impact du réchauffement climatique. Cependant, il n’est pas très clair comment “intégrer” les défis posés par le changement climatique dans les discussions sur le développement durable, par conséquent, cela doit être une priorité dans les négociations futures. Nous devons penser de façon plus créative, et ce raisonnement s’applique également à des questions telles que la biodiversité, la gestion intégrée des risques et l’équité entre les genres - des questions qui ont également du mal à être intégrées dans les négociations sur le développement durable d’une manière transversale. Écoute des points de vue locaux Dans le cadre d’une poussée par la Table Ronde Nationale pour la Gestion des Risques (Mesa Nacional para la Gestión de Riesgo - MNGR) et la Coordination Régionale de Gestion des Risques (Concertación para la Gestión régional de Riesgo - CRGR), le Nicaragua et la région travaillent sur un rapport qui donnera des ‘‘Points de vue de la Ligne de front’’ (VFL). Les réseaux climatiques au Nicaragua ont également décidé d’élargir la portée de leur travail du changement climatique à la durabilité environnementale. 2015 est une année importante. Par conséquent, nous espérons que le processus post-2015 contribuera à l’adoption effective d’un instrument climatique mondial équitable et contraignant à convenir d’ici 2015 et qui entrera en vigueur d’ici 2020. Nous reconnaissons également que malgré l’importance de l’ordre du jour mondial, les réseaux nationaux et régionaux doivent faire le lien avec les processus et les actions locaux. Ainsi, l’adoption de l’ordre du jour mondial ne doit pas se faire au détriment de la communauté, des programmes nationaux et régionaux. Atteindre la participation active de la société civile dans l’agenda post-2015 nécessitera un renforcement plus profond des capacités. Dans le même temps, l’ampleur et la complexité du processus visant à définir l’agenda post-2015 a dépassé la capacité actuelle de la société civile à coordonner et à agir dans le consensus. À ce jour, nous pensons que la consultation a vraiment été insuffisante, tant en termes de thème que de lieu. Beaucoup de consultations ont été menées à travers les ‘‘réseaux mondiaux existants’’, qui ne sont pas nécessairement représentatifs des enjeux nationaux. Il reste encore beaucoup à faire pour donner de l’espace aux contributions des organisations locales et de base. Nous envisageons de procéder à une analyse de l’impact des OMD au Nicaragua, mais nous pensons que certains des principes clés qui devraient sous-tendre un nouveau programme mondial de développement sont : la justice climatique, l’égalité des genres, la redistribution de la richesse et la durabilité de l’environnement. Centro Humboldt a été créé en 1990. Il s’engage dans le plaidoyer du changement climatique au niveau local, national, régional et international, et au sein d’alliances au Nicaragua. Ses objectifs sont de travailler sur les politiques publiques de l’environnement et de promouvoir une gestion efficace de l’environnement. Centro Humboldt vise à renfoncer les différents secteurs de la société civile afin qu’ils puissent fournir des informations, aider à renforcer les capacités et faire le suivi et la recherche sur l’impact environnemental. L’organisation est membre de plusieurs réseaux, tels que Climate Action Network Latin America (CANLA), the Building Bridges Initiative (Building Bridges), Accra Caucus on Forests and Climate Change, the Nicaraguan Alliance for Climate Change (ANACC) et the Central America Forum on Climate Change. humboldt.org.ni 28 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes L’EGALITE, LA PARTICIPATION ET LA RECIPROCITE DOIVENT ETRE GARANTIES Rafael Soares de Oliveira, Directeur exécutif, KOINONIA, Brésil La réalité de l’environnement au Brésil présente de nombreux défis. Voici quelques exemples flagrants de ces défis : nous sommes confrontés à la destruction de la biodiversité de l’Amazone à travers des projets agro-industriels, principalement les fèves de soja ; nous souffrons des plans du gouvernement sur la production d’énergie dans l’Amazone et la Forêt atlantique, avec les projets hydroélectriques qui font déplacer des milliers d’agriculteurs et de communautés traditionnelles ; nous sommes menacés par l’utilisation croissante de cultures génétiquement modifiées dans l’agro-industrie (presque tout le maïs dans le pays est déjà génétiquement modifié) et la hausse de l’utilisation des pesticides (cinq litres par personne et par an) ; le changement climatique a engendré des catastrophes de précipitations et de glissement de terrain - il ya eu cinq catastrophes en autant d’années, avec un bilan officiel de plus de 2.000 morts. Aujourd’hui, par rapport à ces défis et bien d’autres, nous vivons sous un modèle de développement fondé sur une cible de croissance du PIB de quatre pour cent par an, et sous des gouvernements qui sont insensibles aux campagnes populaires où les contrastes entre le développement, la socio- diversité et la biodiversité sont rendus clairs. Tout futur plan de développement post-2015 devrait envisager la biodiversité, la socio-diversité (veiller à ce que les différentes communautés de différentes traditions soient capables de vivre côte à côte dans l’environnement naturel, étant soutenu par cet environnement, se protégeant et garantissant sa continuité), et la gestion des risques causés par le changement climatique et d’autres changements environnementaux systémiques produits par l’activité humaine. Cette planification doit veiller à ce que les minorités (sans distinction de race, d’origine ethnique, de sexe et de groupe social) et tous les peuples qui vivent dans notre système environnemental partagé soient entendus dans leur intégralité. L’égalité, la participation et la réciprocité doivent être garanties. Cela signifie que ceux qui sont souvent considérés comme inégaux ont une voix, que tout le monde a les conditions (temps et ressources matérielles) pour participer, et que tous les coûts d’un système participatif sont supportés par ceux qui ont plus de pouvoir et de ressources. La participation de tous est bien sûr essentielle et devrait être une priorité de nos décideurs. Par exemple : là où il y a inégalité des niveaux d’éducation, nous ne devrions pas attendre que Photo: Christian Aid/Tabitha Ross Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes 29 ‘Nous aurons besoin d’institutions locales, nationales et internationales, y compris d’organisations interreligieuses et œcuméniques, pour tenir nos dirigeants responsables de leurs promesses en matière de développement durable.’ tout le monde soit pleinement alphabétisé avant de les laisser exprimer leurs points de vue sur la meilleure éducation qu’ils veulent pour l’avenir : les communications orales, l’utilisation d’interprètes et autres moyens doivent s’assurer que tous sont entendus maintenant. Les processus de planification devraient se produire dans des espaces ouverts ou égalitaires, là où même l’inégalité économique ne conduit pas à un déséquilibre entre les parties. • le plaidoyer public, national et international: conférences parallèles, campagnes pour des relations justes (taxes, commerce et autres), les forums sociaux et les campagnes de groupes de foi pour la paix dans les situations de conflit. Nous pensons aussi qu’il devrait y avoir un plan d’action global pour le développement durable, compte tenu de notre dépendance sur l’écosystème. • Les accords internationaux développés au niveau de la base (par exemple, lors des Sommets du Peuple). Mécanismes de conformité Ce sont de bons points de départ qui doivent être sérieusement pris en considération par tous les gouvernements qui négocient des objectifs post-2015, et nous pourrions nous attendre à ce que des indicateurs appropriés émergent naturellement de ce genre de participation. Par exemple, les indicateurs qui peuvent assurer le juste équilibre entre le profit financier et la viabilité socio / culturelle / environnementale ; les indicateurs permettant de mesurer la façon dont les gens sont satisfaits des plans ; et les indicateurs qui peuvent répondre aux préoccupations des minorités et des populations vulnérables. Un point de départ pour un agenda post-2015 devrait être les accords internationaux existants comme le DHESCA (droits humains, économiques, sociaux, culturels et environnementaux) et les conventions de l’OIT. Par conséquent, si de nouveaux accords doivent être signés, ils doivent prévoir des mécanismes de conformité et des sanctions sur les pays signataires. Les OMD et bien d’autres accords n’ont pas été satisfaits et les Etats ne subissent aucune pénalité. Un autre aspect transversal important du développement planifié et participatif est la dimension de l’entreprise ou les intérêts des entreprises. Dans notre écosystème, il est crucial que les intérêts commerciaux ne soient pas promus au détriment de la protection de l’environnement, de la reproduction culturelle et de la lutte contre les inégalités. Les indicateurs qui démontrent cet équilibre doivent être construits dans des espaces ouverts et égalitaires. En mettant en œuvre un programme de développement post- 2015, nous ne pouvons pas compter uniquement sur la bonne volonté de l’État. L’Etat n’a pas toujours défendu les intérêts des personnes les plus vulnérables ou de celles qui n’ont pas de ressources financières ou de puissance. Nous aurons donc besoin d’autres institutions locales, nationales et internationales, y compris les organisations interreligieuses et œcuméniques, de tenir nos dirigeants responsables de leurs promesses en matière de développement durable. Nous sommes optimistes que la participation réelle est possible ; un certain nombre d’exemples du Brésil et du monde entier offrent quelques lueurs d’espoir. Ceux-ci comprennent : • les audiences et consultations de planification communautaire pour les peuples indigènes et tribaux, garanties par la Convention 169 de l’OIT. • Les systèmes internationaux pour la protection et le respect des droits. • Les accords mondiaux établis par les États nations. KOINONIA Ecumenical Presence and Service a été créé en 1994 avec un engagement à poursuivre la tradition œcuménique de services aux collectivités locales, aux mouvements sociaux et aux églises. KOINONIA travaille en étroite collaboration avec les travailleurs ruraux, les personnes de diverses traditions religieuses et, en particulier, les jeunes et les femmes. Dans les Etats de Bahia et Rio de Janeiro, KOINONIA travaille avec les communautés reliques des peuples quilombolas et Candomblé, en faisant dans le conseil juridique, le plaidoyer de l’éducation et le dialogue pour surmonter l’intolérance religieuse. En 2011, KOINONIA a intégré l’aide humanitaire dans son travail, en réponse à la catastrophe provoquée par de fortes pluies à Rio cette année. KOINONIA fait également pression pour les droits des personnes. Lors du Sommet du Peuple de 2012 l’événement parallèle à la Conférence de Rio+20 des Nations Unies sur le développement durable - il a effectué un travail de plaidoyer et a mis en place le réseau ‘‘Religions pour les Droits’’. koinonia.org.br • la réduction des risques de catastrophes et la gestion des risques en cas d’urgence. • Le processus Participatif d’Education de Base pour l’autonomisation des communautés (dans lesquels les communautés et les dirigeants locaux sont encouragés à créer leurs propres plans de développement durable. Photo: Le Rév Arthur Cavalcante, Secrétaire Général de l’Église anglicane épiscopale du Brésil. Son rôle inclut d’être un prêtre actif de la congrégation, en dirigeant l’implication de l’Eglise dans les sommets mondiaux tels que Rio+20, et en défendant l’œcuménisme entre les Eglises brésiliennes. 30 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes RÉDUIRE LES INÉGALITÉS ET PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE Clara Esther Martinez, Administrateur d’entreprise, Corambiente, Colombie Notre priorité numéro un pour le nouveau cadre de développement en Colombie, tout comme dans les autres pays d’Amérique latine, est la nécessité de lutter contre l’inégalité sous toutes ses formes, y compris entre les zones rurales et urbaines, ainsi que l’inégalité entre les genres. C’est la principale cause de la pauvreté, du chômage, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition. Les zones rurales, et plus particulièrement les zones d’économie paysanne, ont été et sont encore une source de ressources, de biens et de services essentiels à la vie et au développement de l’ensemble du pays, et à la souveraineté alimentaire. En effet, les zones rurales dépendent d’une économie paysanne, car elles produisent environ 70 pour cent de la nourriture consommée à l’échelle nationale, et environ 80 pour cent de l’eau fournie à plus de 90 pourcent de notre population. Ce sont ces zones paysannes qui, jusqu’à récemment, ont généré le principal produit d’exportation : le café. Cependant, il n’ya pas d’équité entre le développement urbain et celui rural en Colombie - une tendance à travers l’Amérique latine. Au contraire, on a observé un élargissement progressif de l’écart dans les conditions de développement : • En Colombie, 12 % des propriétaires terriens détiennent plus de 67% des terres, tandis que 88% des petits propriétaires terriens possèdent 33% des terres. • Les niveaux de pauvreté sont plus élevés dans les zones rurales : –Selon le PNUD, la pauvreté mesurée par le niveau de Besoins de Base non Satisfaits (NBI) dans les centres urbains était de 33,4%, comparativement à 74,7% dans les zones rurales. – Le taux de couverture de l’enseignement secondaire dans les zones urbaines était de 75 %, tandis que dans les zones rurales, il était de 27,5 % – Le taux de mortalité des moins de cinq ans pour 1 000 naissances vivantes (étroitement lié aux conditions de malnutrition) dans les zones urbaines était de 17,39 contre 30,09 en milieu rural. 23 – Un tiers des personnes en milieu rural de la Colombie connaissent l’extrême pauvreté ; 29,1% des habitants des zones rurales sont au bord de la famine. • Une étude publiée par l’UNICEF et la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (ECLAC) conclut que, en Amérique Latine et dans les Caraïbes, un enfant dans une zone rurale est quatre fois plus susceptible d’être extrêmement pauvre, par rapport à un enfant dans un environnement urbain. 24 Photo: Christian Aid/Isabel Ortigosa Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes 31 ‘La réduction des inégalités et le bien-être de tout le monde sur la planète sont deux principes de base qui devraient sous-tendre le nouveau programme de développement mondial.’ • La difficulté grave dans l’accès à l’eau, soit à cause d’une source incertaine, de la distance ou du manque d’approvisionnement, affecte 17,9 % de la population d’enfants en campagne et 1,3% dans les villes. A ce contexte d’inégalité urbaine / rurale, nous pouvons ajouter la ségrégation par genre : •Les femmes rurales souffrent de violence sociale et intrafamiliale, de niveaux élevés de pauvreté et d’extrême pauvreté, du manque d’accès aux services de base, de peu de liens avec le marché du travail et de conditions moins favorables en matière de santé et d’éducation. • La profondeur de la pauvreté dans les ménages dirigés par des femmes en Colombie est plus élevée que chez ceux dirigés par des hommes. Cela laisse entendre que les femmes chefs de ménage en Colombie rurale et leurs familles sont embourbées dans un piège de pauvreté plus élevé et plus difficile à surmonter, que les autres ménages ruraux. Changer cette situation exige une volonté et un leadership politique profonds, qui devraient être promus et encouragés à la fois par d’autres pays et par le système des Nations Unies. Face aux problèmes de la Colombie rurale, un nouveau cadre de développement devrait inspirer les politiques gouvernementales qui visent explicitement à renforcer les pôles de développement régional et à promouvoir les investissements vers les zones rurales. L’investissement qui encourage les infrastructures routières et de production ; l’accès au crédit ; la gestion conjointe du territoire entre les centres urbains et les zones de production d’aliments et de services ; de meilleurs services de formation et d’éducation adaptés aux contextes et aux besoins des régions rurales ; et la promotion et le renforcement de la dynamique des organisations paysannes, en particulier pour les femmes. La production paysanne doit être jointe aux marchés et à l’industrie alimentaire nationale, sur la base d’un traitement juste et équitable, afin de réduire les frais de courtage et de recevoir des conseils sur le contrôle qualité et la sécurité dans les processus de production. Les politiques gouvernementales doivent encourager les mécanismes de gestion des terres qui privilégient la production alimentaire et la protection des écosystèmes stratégiques pour générer de l’eau. À travers un nouveau cadre de développement, le gouvernement devrait promouvoir l’inclusion d’une variable climatique dans la planification à la fois pour l’agriculture et pour les ressources en eau. Il devrait également promouvoir des stratégies alternatives pour assurer l’approvisionnement en eau, avec des approches différenciées entre les villes et / ou les petites collectivités, et devrait protéger les ressources en eau au moyen de sanctions et de mesure d’incitation. Les décideurs doivent aussi faire face à la triple discrimination dont sont victimes les femmes rurales, en mettant l’accent sur le genre, les droits et la reconnaissance de leurs contributions sociales et économiques. La politique genre doit être transversale et globale, fondée sur la pleine jouissance des droits, la reconnaissance des différences entre les genres et la contribution des femmes rurales. Mesures et suivi À ce jour, les OMD sont devenus un outil de suivi des politiques publiques nationales et de création d’alliances dans les secteurs public et privé. Ils ont également servi comme une incitation à élaborer des politiques publiques nationales, régionales et locales. Cependant, le gouvernement national a adapté le système des indicateurs pour permettre un changement dans la mesure des variables incluses dans les OMD. Par exemple : comment mesurer le chômage, le revenu et la malnutrition. Ces changements font qu’il est difficile d’identifier les causes des divers problèmes, tels que les effets des politiques mises en œuvre. La Colombie a fait des progrès significatifs dans la réduction de la pauvreté selon les pourcentages indiqués dans la réalisation des OMD. Pourtant, pour un pays à revenu intermédiaire, l’objectif pour 2015 est très modeste - nous sommes un pays de près de 50 millions d’habitants25 et il ya encore 15 232 000 personnes vivant dans la pauvreté, avec 4 844 000 personnes en dessous du seuil d’extrême pauvreté. Cependant, la question la plus critique doit être la situation dans les zones rurales (où les niveaux de pauvreté ont augmenté de quelques 80 000 personnes), et la détérioration de la situation des femmes. La réduction des inégalités et le bien-être de tout le monde sur la planète sont deux principes de base qui devraient sous-tendre le nouveau programme de développement mondial. Corambiente (Corporación Buen Ambiente) effectue des travaux à la base sur la sécurité alimentaire, la nutrition et le changement climatique. Depuis 15 ans, l’ONG travaille avec les communautés rurales dans les domaines du développement durable, de la production d’aliments biologiques et du soutien à des processus organisationnels, en particulier les organisations de femmes. Elle travaille à améliorer les conditions de la sécurité alimentaire, en concentrant ses efforts sur les enfants et les femmes qui souffrent principalement du conflit armé. Elle a également mis en œuvre la prévention climatique et les projets d’adaptation, et travaille à améliorer la responsabilité des autorités locales envers les citoyens, particulièrement dans les domaines de l’agriculture et de l’environnement. corambiente.com Photo: Deux femmes préparent le riz pour un repas communautaire dans une cuisine improvisée d’un camp de Las Pavas, en Colombie. 32 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes RESSOURCES PRODUCTIVES, EMPLOI ET PARTICIPATION UNITAS, Bolivie Depuis 2012, UNITAS est impliqué dans la conduite en Bolivie de la discussion et de la proposition pour un nouveau cadre mondial pour le développement. Les principaux résultats de ce processus ont inclus la recherche participative avec les habitants des zones urbaines et rurales dans sept municipalités du pays. 26 Cette recherche participative a été complétée par des consultations avec les représentants de la société civile au niveau national. Ces principaux problèmes peuvent être classés en quatre groupes, à savoir : l’accès aux ressources productives, l’emploi et les conditions de travail, la protection sociale et la sécurité sociale et enfin la participation politique. Les perspectives d’évolution dans chacun de ces domaines clés, comme indiqué par les participants à la recherche, sont présentés ci- dessous comme base pour un nouveau cadre mondial pour le programme de développement post-2015 En utilisant les points de vue des participants à la recherche comme principal point de référence, nous avons identifié un ensemble de problèmes fondamentaux qui causent la pauvreté. Ceux-ci sont : le manque d’accès aux ressources stratégiques comme la terre et l’eau, la sensibilité et la vulnérabilité au climat, le manque d’accès aux capitaux, aux marchés et à la formation, le manque de possibilités d’emploi, l’insécurité et l’absence de protection au travail, la vulnérabilité sociale et la rareté des services publics, l’inégalité des services de l’Etat dans les centres urbains et les zones rurales, le clientélisme, la participation politique limitée, le manque d’information et de formation politique et les limitations de la politique publique. Accès aux ressources productives Sur ce thème, les points de vue communs des participants à la recherche dans les municipalités urbaines et rurales étaient fondés sur le développement productif, la diversification économique et l’expansion des services d’appui à la production, en profitant du potentiel local. Ensemble avec la vision de communautés productives et les municipalités, une autre composante stratégique pour apporter des changements a été identifiée comme le développement de la main-d’œuvre et des petits agriculteurs à travers l’éducation, la formation technique et la formation sur le tas. Photo: Christian Aid/Hannah Richards Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes 33 ‘Il ya des demandes pour une transformation radicale des conditions actuelles, dans lesquelles le pouvoir et le contrôle se retrouvent entre les mains de petits groupes de personnes.’ Les exigences liées aux ressources productives sont concentrées dans quatre domaines. Tout d’abord, le renforcement de l’agriculture paysanne et indigène par la fourniture de différents accompagnements financiers (capital) et technologiques (machines et équipements) et la formation technique / la production. Deuxièmement, le renforcement de l’activité artisanale / traditionnelle par le crédit accessible, l’ouverture des marchés et la fourniture de matériels. Troisièmement, la construction des municipalités sur la base de la production et du tourisme. Enfin, l’installation ou l’amélioration des infrastructures routières, l’éducation et les services de santé, ainsi que les espaces de loisirs et de sport. L’octroi des terres et la protection des forêts et des écosystèmes dans les communes rurales apparaissent également comme d’autres domaines clés, mais à un degré moindre. Emploi et conditions de travail La vision commune est que les municipalités bénéficient d’un potentiel de production qui va générer suffisamment d’emplois, par la mise en œuvre de politiques ayant un impact sur l’emploi, la création de nouvelles entreprises industrielles et la professionnalisation des nouvelles générations. L’attente commune est que les salaires et les revenus s’amélioreraient à un niveau assez suffisant pour couvrir les besoins essentiels de consommation des travailleurs et de leurs familles. Les exigences liées au travail laissent entendre que le gouvernement central doit jouer un rôle dans l’amélioration des conditions de travail (salaires et avantages), la protection des droits de tous les travailleurs, notamment dans les campagnes, et doit créer des emplois, en particulier pour les jeunes des villes. Protection et sécurité sociale Les espoirs autour de la protection et de la sécurité sociale sont fondés sur la possibilité des villes et des villages qui bénéficient des conditions de vie optimales et d’une amélioration substantielle des services de base. Les points de vue des populations rurales et autochtones sont particulièrement en faveur d’une plus grande quantité et qualité des services de santé et d’éducation compte tenu des importantes lacunes dans la prestation de services dans ces communautés. Les participants ruraux et urbains semblent d’accord sur la nécessité d’exiger que les administrations municipales, départementales et nationales apportent des améliorations importantes aux infrastructures, aux services de santé (y compris la création d’hôpitaux avec des soins spécialisés) et à l’éducation du public, avec une garantie de bonne nutrition aux étudiants. Beaucoup de groupes ont demandé que le gouvernement central améliore aussi l’accès à la sécurité sociale et aux prestations de retraite des salariés, et ont appelé à la création d’un ‘système de santé’ pour les artisans, avec en prévision l’élaboration d’un système de santé universel pour les travailleurs du secteur informel. Participation politique Les points de vue sur la participation visent principalement à une évaluation critique de l’action des autorités locales et de leur nouvel ‘engagement’ à répondre aux besoins de la population et à mettre en œuvre des plans de développement. Des points de vue ont également été exprimés sur le rôle des chefs de quartier et d’autres organisations sociales. Dans les communes rurales, des points de vue politiques ont coïncidé - par exemple, la demande que les collectivités locales ont une ‘vision de développement’, ‘écoutent les demandes du peuple’, ont ‘une plus grande préoccupation aux soins des personnes les plus pauvres’, et créent des ‘accords’ avec les institutions publiques et privées (ONG) pour collecter des fonds au profit de la population. Aussi, il a été identifié la nécessité pour une population d’avoir une ‘conscience collective’, d’être formée et politiquement unie avec ‘un pied dans la campagne afin de maintenir ses racines traditionnelles’, et la nécessité pour ‘des jeunes et des femmes émancipées’. Bien que ces approches puissent sembler générales et discursives, elles reflètent fidèlement les besoins de plusieurs secteurs sociaux pour une transformation radicale dans les conditions actuelles, où le pouvoir et le contrôle sont entre les mains de petits groupes de personnes qui soutiennent les partis au pouvoir et qui sont enracinés dans les organismes étatiques locaux, et qui cherchent à utiliser les organisations sociales pour leur propre avancement politique. Le Syndicat National des Institutions pour le Travail d’Action Sociale (UNITAS) est une ONG fondée en 1976. Sa mission est de contribuer à des propositions alternatives pour le développement et le changement social vers une société démocratique - compatissante, juste et équitable en collaboration avec les mouvements sociaux et les organisations populaires. UNITAS travaille sur une variété de sujets dans le cadre conceptuel du développement basé sur les droits humains. Il gère divers projets comprenant la promotion et l’application des droits collectifs des peuples indigènes, des paysans et des communautés urbaines, la formation et le renforcement du leadership, le plaidoyer et la production d’un débat public local et national sur les questions de développement et de droits de l’homme. Il appui également de petits projets de développement communautaire. redunitas.org Photo: Juan de la Cruz Noe Muiba est un passionné de la protection de la forêt que sa communauté autochtone détient désormais à Beni, en Bolivie. ‘Ce qui nous donne la vie c’est la terre et c’est ce que nous avons pour nous protéger’, dit-il. 34 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes ABORDANT LA QUESTION DU ‘DEFICIT DE LA JUSTICE SOCIALE’ Iara Pietricovsky de Oliveira, co-directeur, INESC, Bresil Le gouvernement brésilien précédent a su se concentrer sur les politiques sociales pour améliorer les conditions de vie des brésiliens les plus pauvres et les plus vulnérables. En effet, la pauvreté est au centre de l’agenda politique national. Toutefois, le Brésil n’a pas réussi à résoudre le problème plus grave de l’accroissement des inégalités, illustré par sa structure politique archaïque et la répartition inégale des richesses. Bien que même les brésiliens les plus pauvres soient devenus consommateurs, les plus riches sont devenus encore plus riches et la richesse plus concentrée. et alimentaires auxquels nous sommes confrontés, et doit se traduire en contextes nationaux pour générer les politiques et budgets publics dont nous avons besoin. Nous croyons que les gouvernements se sont détournés des droits humains, des droits des femmes en particulier, et nous sommes devenus des otages des sociétés et du capital financier. Nous l’avons vu à Rio+20 où l’idée d’une ‘économie verte’ - essentiellement comprise par la société civile comme la marchandisation et la commercialisation de la nature - a été promue malgré la résistance. Cependant, il ya une différence dans le discours que nous entendons du Brésil que nous voyons sur la scène internationale - une batterie de mesures pour lutter contre les inégalités sociales, la mise en œuvre de politiques de transfert de fonds à succès tels que le programme Bolsa Família - et la réalité d’un pays où les inégalités extrêmes persistent, définies par les conditions de race, d’identité ethnique, de genre, d’orientation sexuelle et de classe sociale. Donc, il ya de grandes questions auxquelles les nouveaux Objectifs de Développement Durable (ODD) doivent répondre. Tout d’abord, quels sont les objectifs et les cibles qu’il y aura pour les pays riches? Sans une action significative, sur la base du principe de RCD (Responsabilités Communes mais Différenciées), un monde juste et durable ne sera pas possible. Deuxièmement, comment pouvons-nous approfondir la participation démocratique dans un monde d’inégalités croissantes et la discrimination persistante sur la base du genre, de la race et de l’orientation sexuelle? Le pouvoir et la richesse, comme nous le savons, vont souvent de pair - si nous sommes sérieux au sujet de changement, alors les différents groupes ont besoin d’accéder au pouvoir politique et la richesse doit être plus équitablement répartie. Il y a un mur invisible qui empêche la mobilité sociale. Il condamne les pauvres et leurs enfants, les femmes, les autochtones et les Brésiliens noirs à une éducation de basse qualité, un système de santé précaire et un manque de logement durable et humain. Le système fiscal régressif du pays nuit aux plus pauvres, car ils paient une plus grande proportion de leur revenu en impôt que les plus riches. En outre, les très riches contribuent très peu à la fiscalité car leurs bénéfices sont généralement canalisés à travers des exonérations fiscales et d’autres mécanismes. C’est donc les pauvres et les classes moyennes qui soutiennent les politiques publiques sociales du Brésil. Nous avons récemment vu des changements dans le code forestier brésilien, un exemple de la contradiction de l’État brésilien de la rhétorique internationale contre celle intérieure. La législation révisée sur les forêts favorise la croissance frénétique sous la forme de mégaprojets et d’agro-industrie, plutôt que le respect des objectifs d’émissions de gaz à effet de serre. Le Brésil a la sixième économie la plus grande du monde - mais nous n’avons pas encore été en mesure de procéder à un pacte social redistributif face au racisme qui marque et divise notre société, d’atteindre l’égalité entière et les droits entiers pour les femmes, ou de garantir le droit de nos indigènes et des peuples afro-descendants à une vie décente (au contraire, nous les tuons à travers la violence générée par les grandes société d’agro-industrie et l’incapacité de l’Etat à garantir leurs droits) . Quand on pense aux priorités pour un programme de développement post-2015, nous devons reconnaître que les OMD étaient une réduction scandaleuse d’un cadre entier de traités et conventions internationaux qui ont été établis depuis 1992 dans le soi-disant Cycle Social de l’ONU, et qui n’ont pas fait justice à la Déclaration du Millénaire. Tout nouvel objectif doit être construit sur une éthique de droits humains, de justice sociale et de durabilité. Il doit être pertinent face aux crises financières, économiques, politiques Troisièmement, comment pouvons-nous assurer un travail décent et durable à tous les êtres humains dans un monde où le chômage des jeunes est en augmentation dans de nombreux pays, y compris en Europe? Et comment pouvons-nous assurer que les droits du travail des personnes sont protégés devant tant d’exploitation ? Quatrièmement, comment pouvons-nous mieux protéger, à travers les nouveaux ODD, nos espaces publics et biens communs comme l’eau et la terre? Comment pouvons-nous changer aussi nos modes de production et de consommation pour préserver plutôt que détruire la nature? Enfin, il faut une conversation au sujet de qui paie la facture! Pour le moment, il semble avoir un ‘déficit de justice sociale’ dans le monde : explosion des inégalités devant nos yeux, corruption et détournement de l’argent public, systèmes fiscaux régressifs où les pauvres paient plus que les riches et, sur le pan mondial, un système économique qui permet aux riches de cacher les profits à l’étranger et d’éviter leurs responsabilités financières. Un agenda post-2015 doit faire face à ces problèmes de toute urgence. L’Instituto de Estudos Socioeconômicos (INESC) travaille à améliorer la démocratie représentative et participative au Brésil et à assurer la réalisation des droits humains par le renforcement de la voix de la société civile et de la participation sociale dans l’élaboration des politiques publiques. Il ouvre le dialogue entre la société civile et les gouvernements, renforce les mouvements indigènes, défend les droits des femmes, des jeunes et des enfants, et développe des projets pour lutter contre la pauvreté et la discrimination. inesc.org.br Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Amerique Latine et Caraïbes 35 UN PROGRAMME D’EQUITE SOCIALE EN HARMONIE AVEC LA TERRE Martin Vilela, co-travailleur, la Platforme Bolivienne du Changement Climatique Comme nous approchons de l’échéance de 2015 pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement avec un succès limité à ce jour et après la déception de Rio+20, le processus qui conduit le programme de développement post2015 de l’Organisation des Nations Unies insiste encore sur un modèle de développement conventionnel. Vingt ans après le Sommet de la Terre de 1992, 13 ans de la création des OMD, et sur le seuil d’une crise climatique profonde, le débat autour du programme de développement post-2015 nous laisse avec un sentiment d’insuffisance. Comme cela s’est passé dans la course vers Rio+20, il ya un manque d’analyse détaillée, profonde et systématique de l’impact des politiques mondiales environnementales et de développement. Ce qui est clair est que les preuves scientifiques indiquent de façon croissante et avec éloquence que la dégradation de l’environnement a déjà franchi plusieurs limites planétaires telle que l’accélération du taux de disparition des espèces et la concentration des GES dans l’atmosphère. Nous sommes donc face à une forte probabilité de déclencher une chaîne d’événements climatiques qui pourraient directement conduire à une crise écologique sans retour, ce qui réduit considérablement la possibilité de maintenir une vie dans la dignité dans un futur proche. En outre, au cours des dernières années, d’énormes inégalités économiques et sociales, loin d’être résolues, ont plutôt été exacerbées. Malgré une plus grande croissance économique, la richesse est de plus en plus concentrée dans moins de mains. La Plate-forme Bolivienne de Changement Climatique croit que les efforts des Etats et des institutions internationales ont été détournés par les multinationales qui restent engagés à renforcer des formules qui perpétuent le modèle de croissance économique comme si il était synonyme de richesse et de bienêtre universel. Même les pays sud-américains ‘progressistes’ comme la Bolivie, qui utilisent une rhétorique puissante de bien vivre et de respect de la Terre Mère, appliquent des politiques basées sur le développement extractif27 et la perpétuation des modèles axés sur le marché, violant systématiquement les droits des populations historiquement marginalisées et vulnérables. Déterminés à stimuler la croissance économique, ils manquent une occasion historique unique de montrer au monde entier la possibilité de s’engager à une alternative et à un modèle de développement véritablement durable. Les propositions des CSO28 ont tendance à ne pas prendre pleinement en compte la dimension structurelle du développement, confinant ainsi leurs suggestions pour réduire les exigences sur les femmes, la pauvreté, la nourriture, la santé et ainsi de suite. Ce sont des contributions importantes au débat, mais dans de nombreux cas, elles ne prennent pas pleinement en compte la base structurelle du modèle de développement actuel tel que l’ordre économique et social. Sur le seuil des multiples crises mondiales pour la planète, l’impulsion d’un programme de développement pour éliminer les inégalités sociales et économiques et rétablir l’équilibre avec la Terre Mère, est soumise à la réalisation d’un changement profond dans la base structurelle du modèle économique et social actuel, des systèmes mondiaux de production, de la matrice d’énergie et des structures politiques - en ligne avec les défis de l’humanité au cours des prochaines années. Il est nécessaire de reconsidérer la base conceptuelle pour le développement, laissant derrière le concept de développement comme synonyme de croissance économique, et d’adopter une approche qui génère la durabilité et l’égalité grâce à des investissements ‘verts’. C’est pourquoi il est important d’évaluer de manière critique le chemin que nous avons suivi jusqu’à présent. Les limites de la planète doivent être au centre du débat. Les stratégies pour atteindre le bien-être humain doivent être renseignées par la capacité de la Terre à réparer les dommages causés par les activités humaines : la planification, la consommation rationnelle et la redistribution avec justice et équité doivent être les nouvelles lignes directrices pour l’avenir des sociétés. Dans ce contexte, bien vivre continue de représenter une opportunité pour les personnes, leurs organisations et leurs communautés à proposer des alternatives au développement. Pour l’Amérique du Sud et un pays comme la Bolivie ainsi que pour d’autres pays en développement, aborder cet ordre du jour est un défi encore plus grand - d’une part en raison de leur état actuel de la pauvreté, mais surtout parce qu’ils doivent abandonner la course aux ressources irrationnelles et à la consommation d’énergie, basée sur l’extraction et l’industrialisation. Ils devraient donc envisager sérieusement les questions environnementales et faire de grands efforts pour changer leurs structures internes. Échapper à la pauvreté ne peut pas être une excuse pour répéter les façons erronées du développement occidental. La Plate- forme Bolivienne sur le Changement Climatique, en tant que réseau national, fait la promotion de ce débat en reliant la discussion du modèle de développement, la justice climatique et les droits des peuples autochtones à leurs territoires et propres modes de vie. Malgré les prévisions scientifiques décourageantes, les puissants intérêts commerciaux et le manque d’ouverture politique, aujourd’hui plus que jamais nous avons besoin d’assurer un programme cohésif de société civile pour une action réfléchie, afin de parvenir à un véritable changement structurel. La Plate-forme Bolivienne sur le Changement Climatique est un réseau national de mouvements sociaux et d’ONG. Fondée en 2009, elle vise à élaborer des propositions pour lutter contre le changement climatique grâce à des politiques nationales en Bolivie et des propositions pour une action mondiale. La plate- forme est conduite par les Secrétaires des Ressources Naturelles de cinq grands mouvements sociaux de Bolivie, qui représentent collectivement plus de 3 millions de personnes. Elle reçoit du soutien technique et du financement des ONG boliviennes et internationales. cambioclimatico.org.bo 36 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Un programme pour un developpement equitable et durable UN PROGRAMME POUR UN DEVELOPPEMENT EQUITABLE ET DURABLE Les priorités reflétées dans ces contributions des partenaires de Christian Aid vont du spécifique - l’inclusion des femmes dans tous les aspects de la vie sociale, économique et politique (AWN) et la nécessité pour la justice fiscale d’être centrale et considérée comme une question de développement de base (TJN-A ) - à une préoccupation primordiale au regard de la participation des pauvres, des minorités et des communautés vulnérables dans le débat post-2015 (KOINONIA), l’approfondissement de la consultation (Centro Humboldt) et un cri de ralliement pour un développement équitable et durable (Social Watch Philippines, INESC, UNITAS, ANND). Développement durable Christian Aid et ACT Alliance, le réseau mondial auquel nous appartenons, ont cherché pendant un certain temps à donner une voix à ces communautés qui sont vulnérables aux impacts du changement climatique. La raison est clairement énoncée par Herbert Mwalukomo de CEPA qui souligne que les Malawites ‘sont en première ligne’ dans la réponse aux impacts du changement climatique. Herbert souligne non seulement l’augmentation des catastrophes liées au climat, vécues par les communautés au Malawi, mais aussi les implications de grande envergure qui vont au-delà de la mort, des blessures et des pertes économiques, et qui perturbent d’autres domaines tels que l’éducation. C’est pour cette raison que beaucoup de personnes qui travaillent sur les questions de résilience et de réduction des catastrophes (RRC) font appel à ces réseaux afin de mettre en vedette de façon forte dans et à travers un nouvel ensemble d’objectifs post-2015, pour assurer une plus grande priorité, l’investissement et l’intégration aux plans de développement national. Mathieu Ouedraogo du Réseau MARP, Burkina Faso, donne plus de détails, suggérant qu’un programme de développement post-2015 pourrait aider à développer des systèmes d’alerte précoce, renforcer les capacités locales pour la prévention et la gestion des catastrophes et stimuler l’investissement dans les infrastructures pour la réduction et l’atténuation des risques de catastrophe. Dr Dwijen Mallick de BCAS au Bangladesh indique que cela est nécessaire à la fois au niveau urbain et rural – cela ne concerne pas seulement les villes résilientes. Des liens clairs sont également établis avec la nécessité d’adaptation au changement climatique. Un exemple de législation au niveau national dans ce domaine est donné par Social Watch Philippines, qui met en avant l’adoption du ‘Fonds de survie’ des ‘Peuples’, qui permettra de libérer plus de fonds pour l’adaptation; il faudra alors accorder de la considération à la manière dont un cadre post-2015 pourrait conduire le changement législatif similaire ailleurs, et avoir un impact sur les politiques et les priorités de financement. La législation peut aider à relever certains défis de mise en œuvre qui sont mis en évidence par le Dr Mallick : ‘Le gouvernement du Bangladesh a élaboré une stratégie sur les changements climatiques et un plan d’action’, écrit-il, ‘mais il ya un manque d’action sur le terrain pour lutter contre les effets’. Un certain nombre de contributions font allusion à l’importance d’intégrer une perspective environnementale à travers un nouveau cadre post-2015. La sécurité énergétique est mentionnée par BCAS ainsi que par CEPA au Malawi, qui font remarquer qu’il existe une dépendance insoutenable sur l’énergie de la biomasse, ce qui conduit à la déforestation et donc à une plus grande vulnérabilité aux inondations. Les propositions sur la table pour l’accès à l’énergie propre seront très importantes dans la lutte contre ces déséquilibres actuels, et Christian Aid présente des exemples de développement d’énergies renouvelables en Afrique dans le rapport, Faible émission de Carbone en Afrique : Aller à saute-mouton vers un Avenir Vert.29 Ce rapport examine des moyens durables de donner l’accès à l’énergie aux 1,4 milliard de personnes qui n’en ont pas actuellement et s’appuie sur des études de cas d’Afrique du Sud, du Nigeria , du Kenya, du Rwanda, du Ghana et de l’Éthiopie. Une proposition dans le rapport susmentionné de ICEED au Nigeria est pour un ‘fonds saute-mouton’ qui pourrait, entre autres choses, ‘combler les coûts élevés d’investissement dans les petites centrales hydroélectriques, l’énergie solaire et d’autres sources renouvelables de petite échelle en fournissant des fonds pour combler les déficits dans les coûts de ces technologies’. 30 Ce qui semble clair c’est que la réalisation d’un programme de développement durable à l’avenir dépendra entièrement de la livraison de la finance climatique supplémentaire promise. Sans ce financement, il sera très difficile pour les pays tels que le Nigeria d’adopter une voie à faible émission de carbone, en particulier en ce qui concerne l’énergie. Une approche durable à l’eau est également mentionnée par Corambiente en Colombie, qui parle de la nécessité de protéger l’eau au moyen de sanctions et d’incitations. Avec la demande croissante de l’eau douce, il est estimé que d’ici 2020 de 75 à 250 000 000 de personnes en Afrique seront touchées par le stress hydrique et que d’ici 2050, une baisse du volume d’eau douce dans les grands bassins fluviaux d’Asie affectera plus de 1 milliard personnes. La demande en eau devrait dépasser l’offre de 40 pour cent dans 20 ans. 31 Par conséquent, une approche durable de la gestion des ressources est nécessaire de toute urgence. La sécurité alimentaire et la nutrition sont un autre domaine qui doit être sous-tendue par une perspective environnementale forte, et la contribution de Corambiente fait également le lien avec la gestion des terres et l’impact de la variabilité climatique sur l’agriculture. La recommandation du Panel de Haut Niveau d’inclure une cible sur l’agriculture durable32 et d’augmenter les rendements des petits agriculteurs aborde certaines de ces préoccupations et devrait se construire sur toute proposition future. Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Un programme pour un developpement equitable et durable 37 L’importance de la prise en compte des inégalités à travers un nouveau programme post-2015 transparaît dans presque toutes les contributions des partenaires de Christian Aid. Enfin, la contribution du Centro Humboldt au Nicaragua souligne l’importance de sécuriser aussi un deal de changement climatique juste et contraignant en 2015. En effet, un certain nombre de partenaires expriment leur soutien solide au principe de Responsabilités Communes mais Différenciées (RCD) et prônent que ce principe soit reflété dans les objectifs post-2015 - sous ce principe, les pays riches qui ont la plus grande responsabilité dans le changement climatique doivent faire plus pour contrer ses effets. Ceci est mentionné explicitement par CEPA et par Lara Pietricovsky de INESC au Brésil, qui note que : ‘sans action significative sur la base des Responsabilités Communes mais Différenciées, un monde juste et durable ne sera pas possible’. Fondamentalement, il s’agit de l’équité et de faire en sorte que tout le monde ait une part équitable dans le contexte des limites planétaires. Comme le note BCAS, les communautés les plus vulnérables au changement climatique - les populations autochtones, les pêcheurs, les agriculteurs, les femmes, les enfants et les personnes âgées - ‘ne sont pas responsables du changement climatique rapide induit par l’homme’. Un programme juste de développement durable après 2015 nécessitera que tous les pays jouent un rôle pour s’assurer qu’il ya suffisamment de financement pour atteindre de nouveaux objectifs, pour partager la technologie nécessaire et aussi pour prendre des actions à la maison – telles que la réduction des déchets, l’augmentation de l’efficacité de l’énergie et l’investissement dans les énergies renouvelables. Les changements nécessaires pour nous amener vers les tendances mondiales de production et de consommation plus durables ne doivent pas être sous-estimés. Martin Vilela (Platforme Bolivienne sur le Changement Climatique) soutient que ce n’est qu’à travers un changement structurel radical et l’adoption d’un nouveau paradigme économique que les gens seront en mesure de bien vivre ‘en harmonie avec la Terre Mère’. exclus qui supportent le coût des écosystèmes dégradés, ainsi que le coût de la pression et des conflits entourant l’accès à la terre. Les questions autour des droits fonciers doivent être considérées, dans la mesure où c’est une question qui touche de façon disproportionnée les peuples indigènes et tribaux les plus pauvres et les plus vulnérables, souvent des indigènes ruraux et peuples tribaux incluant les descendants africains et d’autres groupes minoritaires dans les pays en développement. 33 Il existe peu de politiques publiques conçues spécifiquement pour répondre à ces problèmes, en particulier la réforme agraire et la redistribution des terres, ou pour corriger les déséquilibres en faveur des groupes et des territoires défavorisés. Les inégalités ne sont pas seulement vécues par les groupes sociaux, mais elles ont aussi une forte dimension géographique et les inégalités rurales / urbaines sont mises en évidence par Corambiente de la Colombie. Un taux de pauvreté, de mortalité des moins de cinq ans et de pénurie d’eau beaucoup plus élevé est vécu par les communautés rurales. Pour les auteurs, la réponse réside dans les politiques gouvernementales qui ‘visent explicitement à renforcer les pôles de développement régional’ et ‘qui favorisent l’investissement vers les zones rurales’. Dans une autre perspective, BCAS traie de l’urbanisation croissante, alimentée en partie par les ‘migrants climatiques’ qui se déplacent vers les bidonvilles de la ville et qui exercent une pression considérable sur l’écologie urbaine et les services de base. Inégalité Beaucoup de contributions font des points ou des recommandations spécifiques sur le genre. Endommager les normes sociales autour du genre continue à perpétuer la violence et l’asservissement des femmes, de même que limite la participation des femmes à la vie publique et aux rôles de prise de décision au sein du ménage. Tandis que l’OMD 3 sur l’Egalité entre les Genres se focalisent sur un objectif d’éducation, un domaine qui nécessite encore une attention (UCF-Angola), les organisations de la société civile ici identifient un programme beaucoup plus large pour l’après-2015. L’importance de la prise en compte des inégalités à travers un nouveau programme post-2015 transparaît dans presque toutes les contributions de nos partenaires. Certains soulignent les tendances actuelles de la discrimination et de l’exclusion qui retiennent des groupes particuliers en arrière et se dressent sur la voie de l’éradication de la pauvreté. L’exemple de la discrimination des castes de l’Inde est un rappel percutant que 260 millions de personnes continuent de subir une discrimination fondée sur l’emploi et l’origine familiale, et que leurs droits humains fondamentaux sont compromis en conséquence. C’est aussi un rappel de l’importance des liens, non seulement entre les inégalités et les droits humains, mais aussi entre l’inégalité et la durabilité environnementale. La pièce venant du Réseau d’ONG arabes pour le Développement félicite le rapport du Panel de Haut Niveau pour son inclusion d’un objectif autonome sur l’égalité entre les genres et l’autonomisation des femmes, qui est peut-être un bon point de départ pour la discussion de questions plus spécifiques. 34 Pour l’AWN en Afghanistan, l’objectif premier devrait être autour de la participation des femmes à la vie publique, y compris l’adoption de possibilités d’emploi. Leeda Yaqoobi de AWN souligne l’importance du financement mais aussi la prise en compte de facteurs externes tels que le manque de transport sûre et d’installations de garderie qui peut souvent empêcher les femmes de participer à la vie sociale, économique et politique. Comme l’ont écrit N Paul Divakar (Campagne Nationale sur les Droits Humains des Dalits) et Lee Macqueen Paul (National Dalit Watch), ce sont les groupes les plus vulnérables et La contribution de INERELA+ souligne la nécessité de la poursuite des progrès sur le VIH et la santé maternelle - deux domaines existants d’OMD - mais fait ressortir des défis 38 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Un programme pour un developpement equitable et durable importants à savoir sur la santé sexuelle et reproductive et les droits (SDHR), le mariage précoce et les grossesses, l’intégration des services et le scandale de la violence contre les femmes et les filles, que certains ont décrit comme ‘l’OMD manquant’. Des thèmes similaires viennent à travers UCFAngola, qui expriment également des préoccupations au sujet du système de santé dans son ensemble et plaident pour plus travailleurs de la santé mieux rémunérés. D’autres auteurs se concentrent davantage sur l’autonomisation économique, y compris l’accès au financement (Réseau MARP, Burkina Faso), les liens avec le marché du travail (Corambiente, Colombie) et les droits de succession (UCF-Angola). Ce qui semble clair à partir de tous ces éléments est que l’égalité entre les genres est et doit être considérée comme une priorité fondamentale de développement - non seulement les femmes constituent la majorité des personnes vivant dans la pauvreté dans le monde, mais elles tiennent aussi la clé de l’éradication de la pauvreté. Toutes ces contributions soulignent la nécessité d’une ‘révolution de données’ comme indiqué dans le récent rapport du Panel de Haut Niveau ; elles donnent aussi du poids à la narration et à la proposition du Panel de ne ‘laisser personne derrière’ par le suivi des progrès vers de nouveaux objectifs à travers des groupes sociaux ainsi qu’à travers des quintiles de revenu. Cependant, de nombreuses contributions vont plus loin et cherchent à contester l’inégalité croissante des revenus, en mettant trop d’accent sur la croissance et les politiques telles la faible transparence financière et les systèmes fiscaux régressifs qui concentrent la richesse et le pouvoir entre les mains de quelques individus. Iara Pietrovsky de INESC au Brésil a les mots les plus forts sur ce sujet et sur la fiscalité, en écrivant que ‘le système fiscal régressif de l’État nuit aux plus pauvres car ils paient plus d’impôt que les plus riches’. Il s’agit essentiellement ‘des pauvres et des classes moyennes qui paient pour les politiques publiques sociales du Brésil’ tel que le programme Bolsa Familia tant vanté. Alvin Mosioma de TJN-A fait une remarque similaire et identifie une tendance à l’augmentation de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) à travers l’Afrique ‘qui se traduit par des hausses de prix sur les nécessités de base que les pauvres peuvent à peine se permettre telles que la nourriture, les soins de santé et l’éducation’ dit-il. Alvin et Iara font également des liens avec les systèmes fiscaux et financiers mondiaux, qui permettent la fraude et l’évasion fiscale ainsi que la corruption, perpétuant ainsi les inégalités de richesse et la pauvreté. C’est aussi un domaine qui a été exploré récemment dans la consultation thématique sur les inégalités, dont le rapport de synthèse a observé : ‘Les inégalités qui découlent de systèmes financiers internationaux, y compris l’évasion et la fraude fiscales, sont de plus en plus identifiées comme facteurs de disparités au sein et entre les pays riches et pauvres.’35 Ce rapport a aussi recommandé que la réduction des inégalités soit incorporée au niveau de l’objectif ‘comme le but explicite des stratégies économiques nationales et internationales’. 36 Bien que cette proposition n’a pas réussi à faire son chemin dans le rapport du Panel de Haut Niveau , il suit le mouvement en mettant l’accent sur l’inclusion sociale et aborde la pauvreté relative dans le rapport du Réseau de Solutions de Développement Durable (SDSN) 37 et avec une proposition visant à réduire le coefficient de Gini mis en avant par la Compact Mondial. 38 Le consensus qui se dégage des rapports à ce jour, et de la société civile, est celui des questions d’inégalité économique : les gens ne veulent pas vivre dans des sociétés avec un écart grandissant entre les riches et les pauvres. Plusieurs contributions évoquent d’autres solutions politiques spécifiques telles que l’emploi et la protection sociale (UNITAS en Bolivie, SPII en Afrique du Sud). ANND souligne que l’accent mis sur la création d’emplois dans le rapport du Panel de Haut Niveau ne parvient pas à faire référence à ‘travail décent’ de façon explicite. Iara de INESC fait une remarque similaire, en s’attardant aussi sur la protection des droits des travailleurs, tandis que UNITAS mentionne à son tour les salaires et les avantages. La question de l’emploi a été soulevée à plusieurs reprises dans les débats post-2015 à ce jour, et beaucoup des plus ardents défenseurs de l’inclusion d’un objectif ou d’une cible sur l’emploi sont des jeunes. La contribution écrite par les jeunes femmes de UCF-Angola mentionne la nécessité pour les stages et les bourses d’ouvrir des possibilités d’emploi ainsi que des politiques visant à protéger les travailleurs domestiques féminins contre l’exploitation. Ce ne sera toutefois pas une tâche facile et la contribution de SPII en Afrique du Sud fouille dans certaines questions économiques structurelles profondes qui ont trait à l’emploi. Isobel Frye de SPII souligne qu’il ya souvent une tension entre le développement économique et les droits humains et que les stratégies économiques sont souvent conçues et mises en œuvre sans avoir ‘les réalités’ des communautés pauvres à l’esprit. Elle défend fortement le fait qu’un accent soit mis sur les moyens d’existence durables centrés sur les personnes, basés sur les droits et qui donne aux personnes ‘des compétences pratiques d’affaires et des informations sur l’accès aux marchés, au crédit et à d’autres formes d’assistance’. Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Un programme pour un developpement equitable et durable 39 “Les gens ne veulent pas vivre dans des sociétés avec un écart grandissant entre les riches et les pauvres”. Paix, bonne gouvernance et droits humains Les droits humains sont un thème récurrent tout au long de ces contributions et il ya une demande claire des organisations pour un cadre basé sur les droits. KOINONIA (Brésil) propose que les conventions et accords internationaux existants soient le ‘point de départ’ pour un programme post-2015. Presque toutes ces contributions font spécifiquement référence aux ‘droits’ et cela devrait donc envoyer un signal fort à ceux qui négocient un cadre post-2015 afin qu’ils favorisent une approche fondée sur les droits. La réalisation des droits des personnes a bien sûr besoin de ressources financières et d’une relation renforcée entre les citoyens et l’État, deux domaines où la taxe peut jouer un rôle clé. L’évasion fiscale et la fraude compromettent non seulement la capacité du gouvernement à satisfaire à ses obligations, mais elles peuvent également affaiblir la gouvernance en biaisant la responsabilité envers les donateurs et les créanciers. Le domaine de la gouvernance est en outre touché par un certain nombre d’auteurs, et Jessica Reyes Cantos de Social Watch Philippines montre comment une gouvernance plus participative et l’accès à l’information peuvent conduire à des résultats solides de développement. Le travail de Social Watch Philippines qui est d’aider les communautés à analyser les documents budgétaires au niveau local a un impact évident. C’est ce genre de processus qui permettra d’améliorer l’obligation de rendre compte et donc avec un peu de chance, garantira l’atteinte des objectifs post-2015. Enfin, il est important de noter qu’un certain nombre de contributions viennent de pays ou de régions considérés comme ‘fragiles’ ou ‘affectés par les conflits’. La pièce de ANND se focalise sur la région arabe et les développements politiques récents, en faisant valoir que les gouvernements doivent prendre en compte les droits politiques, sociaux, économiques et culturels si l’on veut une paix durable. Comme les OMD l’ont clairement illustré, le conflit peut entraver et souvent inverser le développement – le nouvel intérêt porté sur le renforcement de la paix et de renforcement de l’État dans les discussions post-2015 est donc la bienvenue. Partenariat mondial Nous avons choisi de donner plus d’espace dans ce rapport aux partenaires de Christian Aid à travers le monde car au bout du compte c’est à travers eux et en partenariat avec eux que le changement va se produire. Christian Aid travaille également à l’échelle mondiale avec les membres de ACT Alliance qui ont donné la priorité à quatre thèmes pour le programme de développement post-2015 : l’inégalité, la durabilité de l’environnement, les conflits et la fragilité, et enfin la gouvernance. 39 Les autres partenaires que sont les acteurs confessionnels et le secteur privé devront également jouer leur rôle. Christian Aid travaille activement avec de nombreuses communautés religieuses et chefs religieux et la contribution de INERELA+ souligne le rôle important qu’ils ont joué dans la lutte contre le VIH, dans la promotion de la santé sexuelle et reproductive et des droits. Les communautés religieuses ont été extrêmement importantes dans la réalisation des OMD à ce jour - et pas plus que dans les domaines de la santé et du VIH. À l’avenir, il sera donc important d’inclure les acteurs confessionnels dans les conversations sur l’après-2015, d’exploiter les réseaux que les organisations confessionnelles peuvent offrir et de travailler avec eux dans les domaines clés liés aux normes sociales et culturelles - par exemple, sur la question de la violence basée sur le genre. 40 Un programme de développement post-2015 nécessitera également l’engagement des acteurs du secteur privé. Le sujet peut s’avérer très émotif et la destruction et l’exploitation des communautés par des entreprises privées irresponsables et souvent de grande taille peuvent provoquer inévitablement et à juste titre la colère. Que ce soit le déplacement des groupes autochtones ou d’autres minorités en raison de l’accaparement des terres, le transfert de bénéfices par les sociétés transnationales ou le non-respect des droits fondamentaux du travail, il est évident qu’il reste encore beaucoup à faire pour assurer un secteur privé responsable, élever le niveau des normes et améliorer la responsabilité. Une façon d’accroître l’obligation de rendre compte serait d’introduire des normes de rapport qui obligent les entreprises à être plus transparentes et à rendre l’information financière et non financière (relative à l’impact environnemental et aux droits humains) disponible pour toutes les parties prenantes. Une plus grande importance à l’environnement habilitant qui permettrait aux petites et moyennes entreprises de se développer au sein de l’économie nationale pourrait également contribuer à orienter le débat. Pendant ce temps, un programme de développement durable post-2015 pourrait être enrichi en s’appuyant sur l’expérience des coopératives et d’autres modèles économiques alternatifs. 40 Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Recommandations Recommandations Une énorme quantité de travail a déjà été fait sur le programme de développement post-2015: il sera désormais important de s’appuyer sur ce travail de consultation pour veiller à ce que les contributions apportées par la société civile à ce jour ne soient pas perdues et que le processus avance. Les rapports des deux consultations nationales et thématiques sont importants à cet égard et doivent être pris très au sérieux par ceux qui négocient un nouveau cadre. Comme il est dit dans le rapport de UNDG, La Conversation Mondiale Commence, 200 000 personnes ont pris part à des consultations à ce jour, 41 130 000 participants aux dialogues nationaux. 42 Dans les paroles de Au-delà de 2015, le processus doit continuer à être « participatif, inclusif, et sensible à la voix de ceux qui sont directement touchés par la pauvreté et l’injustice.’43 Certaines de ces voix présentées ici dans ce rapport et pendant qu’un éventail de points de vue sont exprimés, il ya plusieurs appels communs à un agenda post-2015 du développement durable: • une approche claire et cohérente fondée sur les droits • un programme soutenu par un développement et une durabilité de l’environnement à faible émission de carbone • un accent particulier sur les inégalités sociales, environnementales et économiques • un programme audacieux et autonomisant pour les femmes et les filles • un engagement à renforcer la résilience, aborder les risques et les dangers qui menacent les acquis du développement • un ensemble universel de buts avec les objectifs définis en fonction des responsabilités communes mais différenciées. Dans la mesure où le processus avance et les priorités sont prises en compte par les Etats membres de l’ONU impliqués dans le Groupe de Travail sur les Objectifs de Développement Durable (ODD), et potentiellement par d’autres au-delà, il y aura nécessité de faire des choix politiques sur les priorités de développement et aussi une nécessité pour plus de travail technique sur les objectifs et indicateurs. Avoir de bonnes priorités est fondamental - et si nous sommes sérieux en tant que communauté mondiale sur l’éradication de la pauvreté, la prise en compte des inégalités et la réalisation du développement durable, alors il ne faut pas se soustraire à des questions difficiles telles que les flux financiers illicites, la justice fiscale ou le changement climatique. Autres domaines prioritaires potentiels qui ont été proposés par les contributeurs à ce rapport comprennent : les emplois décents, la protection sociale, la santé sexuelle, de la reproduction et les droits, l’autonomisation économique et sociale des femmes, les systèmes améliorés d’éducation et de soins de santé, la réduction des risques de catastrophe, l’agriculture durable, les systèmes fiscaux équitables et progressifs, la transparence financière, la consolidation de la paix, lutte contre la discrimination fondée sur les castes et l’appartenance ethnique, et la lutte contre les inégalités des revenus. S’assurer qu’il existe un mécanisme de responsabilisation solide en place, applicable aux pays en développement et développés de la même manière, sera aussi important pour le succès de l’atteinte de tout nouvel objectif. Les idées avancées par le Panel de Haut Niveau sur l’après 2015 – telles que la proposition pour tous les pays de soumettre des plans nationaux de développement durable et de participer à une structure régionale d’examen par les pairs - doivent être envisagées et développées d’avantage. Enfin, il convient de noter qu’un plan ambitieux pour le financement du développement durable doit être accepté de commun accord afin de délivrer un programme de développement post-2015 et un accord climatique mondial équitable en 2015. La mobilisation coordonnée de la finance mondiale continuera d’être importante pour l’avenir prévisible, mais il est aussi nécessaire d’examiner de la façon dont les pays en développement peuvent optimiser les ressources domestiques y compris les recettes fiscales, et empêcher les flux financiers illicites. 44 Les défis qui nous attendent sont énormes mais pas insurmontables. Ce rapport commence par un examen de la pauvreté et de la richesse dans le monde, ainsi que des effets potentiellement dévastateurs du changement climatique. La tâche morale est claire : la pauvreté est un affront à la dignité humaine et doit être éradiquée. L’avenir est moins clair : un monde plus durable et équitable est possible, mais seulement si nous travaillons ensemble pour faire des choix audacieux dans les années à venir pour le bien des peuples et la planète. Le monde que nous voulons voir perspectives apres 2015 Notes de fin 41 notes de fin 1 United Nations, The Millennium Development Goals Report 2013, New York, 2013. 24 Unicef, Tacro, Cepal, Pobreza Infantil en América Latina y el Caribe, 2010, unicef.org/lac/Libro-pobreza-infantil-America-Latina-2010(1).pdf 2 Christian Aid, The Rich, the Poor and the Future of the Earth: Equity in a constrained world, 2012, p2. 25 Colombia Demographics Profile 2013, indexmundi.com/colombia/ demographics_profile.html 3 Boston Consulting Group, Global Wealth 2013, 2013. 26 La recherche participative a été financée par Participate et par CAFOD et est détaillé dans la publication suivante : Setting the Post-2015 Development Compass: Voices from the ground, CAFOD, 2013. 4 taxjustice.net 5 iff-update.gfintegrity.org 6 World Bank, Turn Down the Heat: Why a 4°C warmer world must be avoided, 2012. 27 ‘Bolivia and Gas: Where is the revolution?’, Upside Down World, 2013, upsidedownworld.org/main/bolivia-archives-31/4319-bolivia-amid-gaswhere-is-the-revolution 7 World Bank, Turn Down the Heat: Climate extremes, regional impacts and the case for resilience, 2013. 28 ‘Agenda Post-2015’, América Latina en Movimiento, 2012, alainet.org/ active/62941&lang=es 8 UNDP, 2013 Human Development Report, 2013. 29 Christian Aid, Low-Carbon Africa: Leapfrogging to a green future, 2011. 9 World Development Indicators: http://data.worldbank.org/indicator/ EN.ATM.CO2E.PC 30 Ibid, p43. 10 Voir aussi Green, Hale and Lockwood, How Can a Post-2015 Agreement Drive Real Change? Oxfam Discussion Paper, 2012. 11 See note 1, p5. 12 Kenny and Sumner, More Money or More Development: What have the MDGs achieved?, CGD Working Paper, 2011. 13 Ibid, p4. 14 Oxfam and Development Finance International, Putting Progress at Risk: MDG spending in developing countries, 2013. 15 www.imf.org/external/np/prsp/prsp.aspx 16 Voir par exemple, the additional goal of ‘de-mining’ within the Cambodian Millennium Development Goals (CMDGs). 17 High-Level Panel on the Post-2015 Development Agenda, A New Global Partnership: Eradicate poverty and transform economies through sustainable development, 2013. 18 United Nations, The Report of the High-Level Panel of Eminent Persons on the Post-2015 Development Agenda, 2013. 19 DWD est présent au Népal, au Bangladesh, au Pakistan, au Sri Lanka et au Japon ainsi que dans différentes régions d’Afrique. Elle affecte également les communautés de la diaspora sud-asiatique - un fait qui a conduit la House of Commons du Royaume Uni à voter récemment pour l’introduction de la caste comme un motif de discrimination interdit par la Loi sur l’Egalité de 2010. 20 NDW/NCDHR, Ensuring Inclusion of Biodiversity-dependent Communities in all Preparedness, Adaptation and Mitigation Measures, 2012, ncdhr.org.in/latestinterventions/report%20on%2015th%20side%20 event.pdf 21 Ibid. 22 Voir note 20. 23 PNUD Colombia, Informe Rural Colombia, 2011. 31 See note 2, p14. 32 Pour en savoir plus sur l’approche de Christian Aid sur l’agriculture durable, voir: christianaid.org.uk/images/time-for-climate-justice-10.pdf 33 Christian Aid, The Scandal of Inequality in Latin America and the Caribbean, 2012, christianaid.org.uk/images/scandal-of-inequality-in-latinamerica-and-the-caribbean.pdf 34 Christian Aid est un membre du UK Gender and Development Network qui a publié le rapport suivant qui defend un objectif autonome de l’égalité entre les genres et l’autonomisation des femmes : www.gadnetwork.org. uk/gadn-post-2015-report 35 Synthesis Report on the Global Thematic Consultation on Addressing Inequalities, 2013, p55, www.worldwewant2015.org/node/299198 36 Ibid, p79. 37 Sustainable Development Solutions Network, An Action Agenda for Sustainable Development, 2013, p14. 38 UN Global Compact, Corporate Sustainability and the United Nations Post-2015 Development Agenda, 2013, p15. 39 actalliance.org/what-we-do/issues/post-mdg 40 Christian Aid est membre de We Will Speak Out : une coalition mondiale d’organisations chrétiennes qui travaillent ensemble pour mettre fin à la violence sexuelle : wewillspeakout.org 41 UNDP, The Global Conversation Begins, 2013, p9. 42 Ibid, p10. 43 http://beyond2015.org/what-we-want 44 Pour en savoir plus sur la fiscalité et l’après-2015, voir : christianaid.org. uk/images/tax-and-the-post-2015-agenda.pdf Christian Aid est une organisation chrétienne qui insiste sur le fait que le monde peut et doit être rapidement changé en un autre monde où tout le monde peut vivre une vie pleine, débarrassée de la pauvreté. Nous travaillons au niveau mondial pour un changement profond qui élimine les causes de la pauvreté, en s’efforçant de parvenir à l’égalité, la dignité et la liberté pour tous, indépendamment du bord religieux ou de la nationalité. Nous faisons partie d’un mouvement plus large pour la justice sociale. Nous fournissons une aide d’urgence, pratique et efficace là où le besoin est grand, nous luttons contre les effets de la pauvreté ainsi que ses causes profondes. christianaid.org.uk christianaid.ie Numéro de charité enregistré au Royaume-Uni 1105851, Numéro de la société 5171525, Numéro de charité Ecosse SC039150, Numéro de charité Irlande du Nord XR94639, Numéro de la Société République d’Irlande NI059154, Numéro de charité CHY6998, Numéro de la Société 426928. Imprimé sur du papier 100 pour cent recyclé. Le nom et le logo de Christian Aid sont des marques de Christian Aid, © Christian Aid XXX 2013 14-474-J1758 Christian Aid est est un membre de