Lésions bénignes, précancéreuses et cancéreuses de la cavité
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Lésions bénignes, précancéreuses et cancéreuses de la cavité
OK 18-27 JSOP_4_Layout 1 11/03/11 12:37 Page24 CO N S E I LS P R ATI Q U E S ONCOLOGIE Lésions bénignes, précancéreuses et cancéreuses de la cavité buccale En première ligne dans le dépistage des cancers de la cavité buccale, l’omnipraticien doit être en mesure d’identifier précisément les différents types de lésions. Lichen plan buccal (diagnostiqué sur biopsie) Lésion carcinomateuse Les lésions bénignes de la cavité buccale sont soit hyperplasiques, soit d’origine épithéliale ou conjonctive. La lésion hyperplasique la plus courante est la diapneusie, pédiculée, recouver te d’une muqueuse saine. Elle est provoquée par un traumatisme mécanique et siège généralement en regard d’un secteur édenté sur le bord de langue ou la joue. Bo triomycome et épulis sont des lé sions cousines : il s’agit de granulomes pédiculés aux dépens d’une papille interdentaire. Le papillome, seule lésion d’ori24 gine épithéliale, est le plus souvent localisé sur la muqueuse palatine, puis jugale et linguale. D’origine conjonctive, le fibrome, hyperplasie du tissu conjonctif, est la plus fréquente des lésions bénignes de la cavité buccale. Viennent ensuite les lipomes, myomes, angiomes, lymphangiomes et schwannomes. Le diagnostic différentiel est très important car les traitements ne seront évidemment pas identi ques. Il faudra distinguer les aphtes, les blessures traumatiques, les lésions d’origine infec- tieuse virale, tel l’herpès, ou bactérienne : chancre syphilitique, tuberculose ou autres. Les maladies auto-immunes comme le pemphigus peuvent se manifester par des lésions bulleuses de la muqueuse buccale souvent annonciatrices de la maladie. Ensuite viennent les lésions dysplasiques, modérées ou sévères, ces dernières étant considérées comme précancéreuses. Elles sont essentiellement constituées de leucoplasies et de lichens.La leucoplasie est une hyperkératose de la muqueuse se traduisant par des plaques blanches cartonnées. L’étiologie est le plus souvent d’origine tabagique. La cancérisation se manifeste généralement par une zone érosive aux pourtours de la lésion blanche avec une induration palpable qui doit conduire à une biopsie. Le lichen plan, d’origine encore méconnue (certains évoquent une composante autoimmune), se présente sous un aspect réticulé, en réseau, sans infiltration sous-jacente. Quand il est le siège d’érosion au sein des arborescences, son potentiel de dégénérescence est alors impor- tant. Ces lésions doivent donc être surveillées périodiquement et biopsiées à l’apparition de zones érosives. Le traitement des leucoplasies est la suppression des facteurs favorisants. Pour les lichens érosifs, des corticoïdes locaux seront prescrits, et la biopsie sera de règle face à l’absence de réponse au traitement. Rappelons que la biopsie est un examen simple dont le but est d’obtenir un diagnostic histologique. Seul cet examen permet un diagnostic fiable et s’avère, à ce titre, indispensable. La biopsie peut tout à fait être réalisée au cabinet dentaire sachant que le praticien devra adresser le prélèvement à un laboratoire d’anatomopathologie qualifié et qu’il lui reviendra d’en annoncer le résultat au patient. En cas de résultat positif, il devra pouvoir adresser son patient à un correspondant ou à une structure spécialisée. Le traitement des lésions béni gnes est essentiellement chirurgical. En cas de résection au laser ou par cryothérapie, il est essentiel dans un premier temps de faire un prélèvement pour histologie avant l’exérèse. Ces conseils pratiques sont issus des conférences données par Jean-Pierre Margainaud lors du voyage-congrès de la SOP aux Antilles. Retrouvez toutes les autres conférences dans la rubrique « Les rendez-vous de la formation continue », pp. 31 à 41. JSOP / n° 4 / avril 2011 OK 18-27 JSOP_4_Layout 1 11/03/11 12:37 Page25 CO N S E I LS P R ATI Q U E S Les lésions cancéreuses de la muqueuse buccale sont essentiellement des carcinomes épidermoïdes dont l’étiologie est l’intoxication alcoolo-tabagique dans environ 80 % des cas. La France a le triste rang de second pays au monde dans la fréquence de ces cancers avec 14 000 cas en 2000. À chaque nouveau patient, l’odontologiste, dans sa pratique courante, doit réaliser un examen clinique complet de toute la cavité buccale bien au-delà des arcades dentaires à la recherche de lésions débutantes. La palpation endobuccale et exobuccale est de rigueur dans la recherche d’une éventuelle atteinte ganglionnaire. En effet, les lésions cancéreuses sont caractérisées par une induration et une infiltration palpable qui s’étend audelà de l’aspect visuel de la lésion. L’examen clinique même négatif est complété par un orthopantomogramme. Les localisations les plus fréquentes sont la langue, les commissures intermaxillaires, le plancher buccal, la gencive, les muqueuses jugales et labiales et, enfin, la voûte palatine. La cavité buccale peut être le siège de cancers de nature histologique différente. Les cancers d’origine glandulaire, tels le cylindrome ou l’adénocarcinome, se développent souvent à partir d’une glande salivaire accessoire de la muqueuse palatine. De même, sarcomes, lymphomes et mélanomes peuvent atteindre la cavité buccale. La radio panoramique, à l’occasion d’un simple contrôle dentaire, peut mettre en évidence une métastase osseuse, le plus souvent mandibulaire, d’un cancer primitif. Le diagnostic de lésion cancé- Plaque de leuco-kératose reuse est basé sur la biopsie, incontournable avant toute mise en traitement. Pour les carcinomes épidermoïdes, la chirurgie et/ou la radiothérapie, avec éventuellement un recours à la chimiothérapie en début de traitement ou de façon concomitante à la radiothérapie, seront pratiqués. Le diagnostic précoce d’une lésion cancéreuse débutante en améliore notablement le pronostic tout en atténuant la lourdeur du traitement curatif correspondant. L’odontologiste a un rôle primordial à jouer dans ce domaine par la possibilité d’examens de dépistage systématique à l’occasion de consultations motivées par une pathologie dentaire. n Jean-Pierre Margainaud OK 18-27 JSOP_4_Layout 1 13/03/11 17:42 Page27 CO N S E I LS P R ATI Q U E S ONCOLOGIE Radiothérapie cervico-faciale : quelle démarche adopter ? Les conséquences de l’irradiation du patient nécessitent une adaptation des traitements de l’omnipraticien. L’effet de l’irradiation sur les tissus sains entraîne une hypocellularité, une hypovascularisation et une hypoxie rendant les tissus vulnérables à toute agression de façon croissante avec le temps. Au niveau de l’os irradié, cette fragilité est la porte d’entrée d’une complication majeure : l’ostéoradionécrose. Elle est presque toujours provoquée par un traumatisme chirurgical ou prothétique. Les caries post-radiques apparaissent sur toutes les dents du fait de l’hyposialie ou de l’asialie consécutives à l’irradiation des glandes salivaires. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire d’extraire toutes les dents en territoire devant être irradié avant la mise en traitement. La prévention fluorée par application topique à l’aide de gel fluoré (à raison de cinq mi nutes par jour) permet de prévenir ces caries et donc de pouvoir moduler la mise en état dentaire en conservant toutes les dents saines avant la radiothérapie. Cette mise en état peut encore être adaptée en fonction de l’état général du malade, du pronostic de la maladie et même parfois du contexte psychologique. Elle a pour effet de diminuer le nombre d’ostéoradionécroses précoces du fait d’un moindre traumatisme chirurgical avant l’irradiation. Ensuite, les patients sont contrôlés tous les six mois afin d’entretenir la motivation aux applications fluorées et contrôler leur état dentaire. Le maintien de dents dans les champs d’irradiation pro- voque à terme une situation nouvelle : la présence de dents à risque en territoire irradié. En cas de complications infectieuses, l’extraction de la dent en cause devra être réalisée avant l’apparition de l’ostéoradionécrose mais avec certaines précautions telles qu’une anesthésie sans vasoconstricteur et locorégionale si possible, la mise en place dans l’alvéole de colle biologique (Tissucol® ou Beriplast®) utilisable en France uniquement en milieu hospitalier du fait de la législation sur les produits d’origine sanguine, la mise en place de sutures et enfin une couverture antibiotique jusqu’à l’épithélialisation complète de l’alvéole. En milieu hospitalier, l’odontologiste peut être amené à réaliser des appareils plombés de protection en vue d’une curiethérapie de la lèvre essentiellement et des appareils porte-source pour irradiation localisée de rattrapage en cas de récidive limitée. Au cabinet dentaire, le praticien doit se mettre en rapport avec le radiothérapeute afin de connaître précisément le volume irradié et la dose reçue, les risques d’ostéoradionécrose débutant à la dose de 45 grays. Tout acte chirurgical mis à part, implantologie comprise, il n’existe pas de contre-indication aux soins conservateurs et prothétiques. Il faut toujours éviter les vasoconstricteurs, instaurer une couverture antibiotique lors d’obturation canalaire et suivre de façon très étroite les patients après la pose d’une prothèse adjointe Ostéoradionécrose mandibulaire droite suite à l’avulsion de la 47 Radio panoramique initiale Après assainissement du secteur mandibulaire gauche situé dans le champ de radiation pour éviter toute blessure. Si une chirurgie s’avère incontournable, le patient sera réadressé en milieu spécialisé. Le chirurgien-dentiste devra veiller à maintenir l’équilibre buccodentaire très fragile chez ces JSOP / n° 4 / avril 2011 patients, insistera sur l’hygiène souvent déficiente, tout en participant à la surveillance carcinologique de ces malades chez qui le taux de récidive est important. n Jean-Pierre Margainaud 27