Concertation territoriale Musiques Actuelles
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Concertation territoriale Musiques Actuelles
Concertation territoriale Musiques Actuelles - Ville de Toulouse 2013 « Les Médias » Thème 11 27 novembre 2013 Toulouse Métropole Toulouse Dossier Documentaire Sommaire - Programme de la journée………………………………………………………………………………………………………… p.2 - Liste des participants……………………………………………………………………………………………………………… p.4 - Médias, Nouveaux modèles économiques et questions de déontologie………………………………… p.5 - L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires……………………………………………… p.20 - Les médias à l’ère numérique………………………………………………………………………………………………… p.41 - Comment les médias digèrent le numérique…………………………………………………………………………… p.48 - Les médias et le numérique……………………………………………………………………………………………………… p.50 - Spectacle dans la presse : la peau de chagrin ?……………………………………………………………………… p.56 - Blogs : courant alternatif………………………………………………………………………………………………………… p.58 - Le spectacle, sous la contrainte……………………………………………………………………………………………… p.59 - Spectacle et réseaux sociaux…………………………………………………………………………………………………… p.60 - Musique et service public, le divorce ?…………………………………………………………………………………… p.70 - Sérieux coup de mue pour la presse musicale?…………………………………………………………………………p.73 - Avec «Gonzaï», la contre-culture fait souscrire?………………………………………………………………… p.75 - Le papier bien roulé de Gonzaï, financé via Ulule?………………………………………………………………… p.76 - A quoi ressemblera la radio musicale de demain ?………………………………………………………………… p.78 - Musique dans les médias : « France télévision doit revoir sa copie »…………………………………… p.84 - Tous pour la musique salue la mise en place d’une mission sur l’exposition de la musique dans les médias………………………………………………………………………………………………………………………………………… p.86 - Accord entre radio France et les sociétés d’auteurs pour renforcer le développement des nouveaux médias………………………………………………………………………………………………………………………… p.87 - Les investissements publicitaires en baisse dans la musique………………………………………………… p.89 - Bibliographie indicative…………………………………………………………………………………………………………… p.90 Association Avant-Mardi - 17 rue Valentin 31400 Toulouse - Tel : 05 34 31 26 50 - Fax : 05 34 31 26 55 www.avant-mardi.com - [email protected] MAIRIE DE TOULOUSE SCENE DES MUSIQUES ACTUELLES BORDEROUGE Groupe de travail n°11 « Les Médias » – Concertation territoriale Ville de Toulouse 2013 Ce groupe de travail entre dans le cadre de la concertation territoriale de la ville de Toulouse en cohérence avec le « Projet culturel pour Toulouse 2009-2014 » et la création d’une Scène de Musiques Actuelles à Borderouge « Le Metronum », dans une démarche participative avec les acteurs du secteur musical et de la société civile. La coordination a été confiée au pôle structurant Avant-Mardi qui gérera pour la Mairie de Toulouse 4 ateliers de travail (mars, juin, septembre et novembre) pour une synthèse publique qui sera rendue en Janvier 2014. Préambule Le terme média désigne précisément tout moyen de communication naturel ou technique, qui permet la transmission d'un message. Un média, est un support de diffusion de l'information. Dans la culture, et notamment dans la musique, le média est aussi et surtout un moyen de promotion et de communication nécessaire pour le spectacle vivant et la musique enregistré. Depuis presque un siècle, la radio, la télévision, puis aujourd'hui Internet sont venus s'ajouter au grand média historique, la presse écrite. Contexte Internet a eu une influence profonde et variée sur les médias ces dix dernières années. Les médias traditionnels et notamment la presse écrite ont subi de plein fouet, la mutation technologique et le développement d’internet, transformant les usages et pratiques des publics se traduisant par une désaffection envers les médias traditionnels au détriment de nouveaux acteurs du net (réseaux sociaux, blogs, sites communautaires, Wiki…). Les conséquences économiques, juridiques et financières de cette révolution numérique sont considérables. Elles accompagnent et renforcent la tendance de la société moderne vers une double évolution : à la fois une plus grande place donnée au local et à tous les citoyens « consommateurs » (qui échangent entre eux les informations à travers des réseaux informels et qui sont émetteurs et producteur de leurs propres messages), en même temps qu’une accélération de la mondialisation des échanges commerciaux. L’industrie musicale a longtemps permis d’une part d’alimenter en contenu un certain nombre de médias généralistes et spécialisés mais aussi d’alimenter en ressources les médias par la promotion des artistes. Aujourd’hui, le modèle s’est effondré notamment pour la presse musicale et dans une moindre mesure pour les radios dont la musique reste le vecteur essentiel. « Médias et Musiques Actuelles » - réunion du groupe de travail, mercredi 27 novembre 2013 » - 09h30-13h00 Lieu : Toulouse Métropole – salle 804 A - 6 rue René Leduc - 31000 Toulouse – Contact : 05 81 91 72 00 Merci de vous munir d'une pièce d'identité à présenter à l'accueil de Toulouse Métropole pour un badge d'accès (consignes de sécurité obligatoire). Le contexte, dossier documentaire Établissement d’un dossier documentaire par le centre de ressource d’Avant-Mardi et envoi aux participants. le contenu de la réunion (4H) - 09h30 - Accueil et introduction par Hervé BORDIER - Directeur du Pôle des Musiques Actuelles - Mairie de Toulouse et Williams BLOCH - Directeur d’Avant-Mardi réseau régional Musiques Actuelles. (10 m). - 09h40 - Présentation des participants (5 m). - Présentation, par les invités professionnels extérieurs des mutations et nouveaux modèles économiques des médias musicaux (1h10). - Questions, débats (20 m). - Pause (15 m). - Réponse et tour de table des participants (1h20). - 12h40 - Construction collective d’une synthèse (10 m). - 13H-14H30 - Repas commun, échanges informels Les participants pressentis : Modérateurs : Williams BLOCH, Cyril DELLA-VIA (Avant-Mardi) Invités professionnels extérieurs : Thomas DUCRES (Responsable de Gonzaï, e-magazine musical) Franck VERGEADE (rédacteur en chef du magazine Magic) Secrétaire de séance : Michel MATHE, Animateur culturel - Mairie de Toulouse Participants invités : Perrine CRUBILE (attachée de presse, Petite Cuisine Communication) Greg LAMAZERES (Journaliste Culture TLT) Thomas DELAFOSSE (programmateur Radio Campus) Stéphane HENRIQUES (journaliste musique Flash mensuel) Baptiste OSTRE (rédacteur en chef Clutch Mag) Mathieu BAUDORRE (Journaliste Culture et musique, Toulouse Blog) Philippe PITET (Coordinateur Radio FMR) Représentants Mairie de Toulouse : Vincentella DE COMARMOND, Mairie adjointe à la Culture Erwane MONTHUBERT, Conseillère Municipale déléguée aux Technologies de l’Information, et de la Communication Eric FOURREAU, Conseiller culture - Cabinet du maire de Toulouse – Toulouse Métropole/Ville de Toulouse Jean Louis SAUTREAU, Directeur Général-Adjoint à la Culture – Mairie de Toulouse/Toulouse Métropole Hervé BORDIER, Directeur du Pôle des Musiques Actuelles - Mairie de Toulouse Danielle SOULE, Direction du développement Culturel – Mairie de Toulouse Marie WAROQUIER, Responsable de la cellule communication de la DGA culture Franck MENIGOU, Responsable Digital, Pôle médias numériques, Direction Communication - Ville de Toulouse/ Métropole Marie-Agnès STEUNOU, responsable Partenariat/Communication/Média Festival Rio Loco-Pôle des Musiques Actuelles Audrey BREGOU, Journaliste Culture, Mairie de Toulouse Autres invités professionnels : Nicolas MECKEL, Consultant (Via Culture) Représentants Conseil Régional : Georges MIRA, Chargé de Mission Musiques Actuelles, DCAV Conseil Régional Midi-Pyrénées Problématiques et enjeux posés La ville de Toulouse a de tout temps connu une presse musicale foisonnante, dynamique et singulière avec un certain nombre de magazines culturels historiques comme Flash, Intramuros, Clutch (anciennement Letmotiv’s) ainsi que de nombreuses radios associatives (FMR, Canal Sud, Campus, Mon Pais…) sans parler de notre télé locale TLT dont la musique a toujours été très présente sur l’Antenne. Mais, pour combien de temps pourront-ils tenir encore face à la baisse des annonceurs ? Aujourd’hui n’est-il pas nécessaire que la solidarité puisse exister entre les différents médias (peu importe le support) afin de mieux se repositionner face au numérique et ses nouveaux usages et pratiques, peut-on envisager la mutualisation et la coopération entre les différents médias (projet de plateforme numérique). Quel est le rôle de la collectivité et quel est son soutien potentiel au maintien de la diversité culturelle et du rayonnement culturel de la ville ? Peut-on parler d’un véritable service public d’information qui pourrait constituer une solution à la crise ? Mais comment alors garantir l’affranchissement des journalistes au pouvoir politique ; d'autant plus que la Ville développe ses propres médias numériques comme culture.toulouse.fr, Grandtoulouse.org ? L’ouverture prochaine du Metronum avec notamment des espaces où il sera possible de faire de la captation d’images et de l’enregistrement live, pourrait permettre de générer de nouveaux contenus musicaux propres à la scène et donc intéresser les médias dans des nouveaux partenariats innovants. Le lieu se veut être une enseigne autour de l’accompagnement artistique des jeunes talents, un outil dans l’aide au développement et au rayonnement des artistes, dont les médias peuvent être les relais complémentaires. MAIRIE DE TOULOUSE SCENE DES MUSIQUES ACTUELLES BORDEROUGE Concertation territoriale Ville de Toulouse 2013 Groupe de travail n°11 "Médias" – Mercredi 27 novembre 2013 - Liste des participants Nom Prénom Structure Fonction Email BAUDORRE Mathieu Toulouse Blog Journaliste Culture et musique [email protected] BLOCH Williams Avant-Mardi Directeur [email protected] BORDIER Hervé Mairie de Toulouse Directeur du Pôle des Musiques Actuelles [email protected] BREGOU Audrey Mairie de Toulouse Journaliste Culture [email protected] CRUBILE Perrine Petite Cuisine Communication Directrice [email protected] DE COMARMOND Vincentella Mairie de Toulouse Maire Adjointe à la Culture [email protected] DELAFOSSE Thomas Radio Campus programmateur Radio Campus [email protected] DELLA-VIA Cyril Avant-Mardi Médiateur Culturel [email protected] DUCRES Thomas Gonzaï, e-magazine musical Responsable [email protected] FOURREAU Eric Mairie de Toulouse Conseiller Culture - Cabinet du Maire de Toulouse [email protected] HENRIQUES Stéphane Flash Hebdo journaliste musique [email protected] LAMAZERES Greg TLT Journaliste Culture TLT [email protected], MATHE Michel Mairie de Toulouse Animateur culturel [email protected] MECKEL Nicolas Via Culture Consultant [email protected] MENIGOU Franck Mairie de Toulouse Responsable Digital, Pôle médias numériques, Direction Communication [email protected] OSTRE Baptiste Clutch Mag rédacteur en chef Clutch Mag [email protected] PITET Philippe FMR Coordinateur Radio FMR [email protected] SAUTREAU Jean Louis Mairie de Toulouse Directeur Général Adjoint des Services Culturels [email protected] STEUNOU Marie-Agnès Mairie de Toulouse responsable Partenariat/Communication/Média Festival Rio Loco [email protected] SOULE Danielle Mairie de Toulouse Direction du développement Culturel [email protected], WAROQUIER Marie Mairie de Toulouse Responsable de la cellule communication de la DGA culture [email protected], VERGEADE Franck Magazine Magic Rédacteur en chef [email protected] [email protected] [email protected] MONTHUBERT Erwane Mairie de Toulouse Conseillère municipale déléguée aux Technologies de l’Information et de la Communication MIRA Georges Conseil Régional Midi-Pyrénées Chargé de Mission Musiques Actuelles, DCAV Nejbt OPVWFBVY!NPEêMFT! DPOPNJRVFT '!RVFTUJPOT! EF!EPOUPMPHJF qbs!Qijmjqqf!Dpvwf!'!Ojdpmbt!Lbztfs.Csjm! bwfd!Nbsjpo!Tfobou opwfncsf!3121 JOUSPEVDUJPO Une histoire longue de près de deux siècles est en train de prendre fin. Le modèle économique de la presse écrite – telle que nous la connaissions – est né dans les années 1830 sur la côte Est des États-Unis. Il est rare que l’on puisse dater aussi précisément l’apparition d’un phénomène de ce genre. S’il faut retenir une date, ce sera celle du 6 mai 1835, à New York, lorsque James Gordon Bennett lance le New York Herald. Dans ces années-là, la penny press (la presse à un cent) casse les prix alors que les autres journaux sont vendus six fois plus cher. Cette presse pour tous invente un nouveau mode de distribution à l’unité alors que ses prédécesseurs sont vendus seulement par abonnement. Gordon Bennett crée également un nouveau genre éditorial : le reportage. Bennett n’était pas un parangon de rigueur aux yeux des éditeurs de Wall Street qui produisaient les médias traditionnels de l’époque. C’est pourtant de ce moule (celui du New York Herald et de ses cousins de la penny press) que sortira une profession nouvelle : le journalisme. Et ce sont des préoccupations commerciales autant que philosophiques qui feront naître les normes de la profession dont, en premier lieu, le paradigme de l’objectivité. Il s’agit de rassembler le plus grand nombre de lecteurs et pour cela il est nécessaire de ne repousser personne en raison d’un biais politique, confessionnel ou autre. L’apparition de la presse écrite traditionnelle est donc le fruit d’une série de mutations rapides : t révolution technologique qui voit la rotative, le chemin de fer et le télégraphe apparaître en l’espace de quelques années ; t mutation sociologique avec la généralisation de l’accès à l’école et le début de l’industrialisation avec son corollaire : la naissance de l’ouvrier ; t évolution économique qui pousse la presse à forger empiriquement son modèle d’affaires en conservant les abonnements inventés précédemment et en y ajoutant la vente au numéro, les petites annonces et la publicité. Au fil des décennies, les recettes se sont affinées. Les cocktails de revenus ont connu des compositions différentes selon les titres. Puis la radio et la télé sont venues prendre leur place dans le paysage. Mais au final, ce modèle d’affaires, qui a connu son apogée à la charnière du e et du e siècle, est arrivé jusqu’à nous. Depuis le milieu des années 19, il est attaqué de toutes parts. Le pilier des petites annonces est tombé le premier. L’apparition soudaine de Craigslist aux États-Unis et, dans son sillage, d’une myriade de sites de petites annonces, qui n’avaient pas d’entreprise de presse à financer, a été le premier signe de la vague qui commençait à mettre en pièce le modèle économique vieux de près de deux siècles. La publicité, ensuite s’est effondrée. Elle a plongé récemment pour des raisons conjoncturelles liées aux conséquences de la crise financière, née du scandale des subprimes, mais plus profondément elle s’érode pour des raisons structurelles : t l’éventail des possibilités pour afficher de la publicité n’a jamais été aussi vaste avec la multiplication des pages web de toute sorte ; 7 t l’apparition de nouveaux acteurs déterritorialisés comme Google qui rendent facultatif le passage par un média ou par un intermédiaire local pour atteindre un consommateur. Autant d’éléments qui, pour les médias, ont défait le lien entre revenus publicitaires et production rédactionnelle. Ces ruptures sur le plan économique se sont accompagnées d’une remise en question de la position des journalistes. Pour reprendre le slogan choisi par Google pour son encyclopédie en ligne Knol, on pourrait dire : « Gutenberg a permis aux hommes de lire et internet leur a permis d’écrire ! » Les journalistes ne sont plus les seuls à pouvoir publier de l’information et ils ne disposent plus véritablement de privilège pour la diffuser. Derrière cette désacralisation « technologique », se profile également la remise en question de la légitimité des journalistes. Leur position de médiateurs est interrogée et ils font face à une critique qui n’épargne pas non plus les autres corps intermédiaires. En outre, au-delà des effets de modes du « journalisme citoyen » ou du « crowdsourcing » se profile la fin du monopole des journalistes sur la collecte de l’information. ONG, lobbys et think tanks produisent de plus en plus d’enquêtes dont les journalistes diffusent les communiqués de presse, inversant ainsi les rôles dans le processus de production de l’information. 8 Les pages suivantes montreront qu’ils expérimentent, qu’ils procèdent par essai-erreur et que beaucoup tiennent pour acquis que le modèle économique des médias que nous connaissions est définitivement cassé. Vous verrez également que des pistes semblent s’esquisser pour tracer les contours, non pas d’un, mais de plusieurs modèles économiques pour l’ère nouvelle. Leurs expériences et leurs expérimentations les conduisent parfois loin des schémas auxquels nous étions accoutumés. La plupart d’entre eux ont fait preuve d’une très grande ouverture et d’une grande transparence face à nos questions souvent assez indiscrètes. Qu’ils en soient ici très chaleureusement remerciés. DBSUPHSBQIJF!EFT!NEJBT!UVEJT Pour tenter de dresser la carte des médias étudiés, nous nous sommes appuyés sur les trois critères d’analyse proposés par Frédéric Filloux en examinant l’importance que chacun accorde au flux d’actualité, à la dimension participative et à l’élaboration d’une offre éditoriale propre et très différenciée. Cette représentation n’est fournie qu’à titre indicatif. Les journalistes sont confrontés à une profonde crise de confiance de leur lectorat. Alors que leur ténacité leur avait octroyé le statut (imprécis mais valorisant) de « 4ème pouvoir », leurs connivences avec l’establishment contribuent à décrédibiliser leur travail. C’est arrivé notamment aux États-Unis lors de la préparation de la guerre en Irak, où les plus prestigieux journaux américains ont relayé les justifications douteuses du gouvernement sans émettre le moindre doute ou critique. Dans ce contexte, ceux qui tentent d’inventer ou de réinventer les médias d’aujourd’hui et de demain doivent affronter de multiples questionnements : t sur les choix technologiques dans un univers en mouvement perpétuel ; t sur le modèle économique ; t sur la politique éditoriale (journalisme de l’offre ou média de la demande ?) ; t sur la relation avec « ceux que l’on appelait autrefois l’audience » (pour reprendre la terminologie de Jay Rosen) ; t sur les moyens d’établir (ou de rétablir) la légitimité et la crédibilité de leur travail aux yeux de leur public ; t sur leur manière d’envisager les questions déontologiques. Nous sommes allés à la rencontre de 23 d’entre eux. En France, aux États-Unis, au Congo, en Suède, au Royaume-Uni, en Ukraine, nous les avons interrogés sur ces questions. Certains ne vivent que de l’information, d’autres ont développé des sources de revenu additionnelles. Certains sont subventionnés, d’autres pas. Certains viennent des médias traditionnels, d’autres sont nés professionnellement sur internet. Avec eux nous avons essayé de comprendre s’il existait l’esquisse d’un ou de différents modèles de substitution. Le processus de destruction-créatrice de Schumpeter fait-il jaillir de nouvelles solutions ? Dsjusft!eÖbobmztf!qspqptt!qbs!Gsesjd!Gjmmpvy-!jo!dbsuphsbqijf!eft!nejbt!;! iuuq;00xxx/npoebzopuf/dpn031210210350fyqboejoh.joup.ofx.ufssjupsjft0 9 2.!MFT!NPEêMFT!DPOPNJRVFT La crise économique que traversent les médias trouve sa source dans la faillite du modèle biface qui prévalait jusque-là. Quels que soient les pays et les supports, les contenus journalistiques étaient – et sont encore – financés par un mélange de paiement par le consommateur et par les annonceurs publicitaires. Les magazines, les quotidiens, gratuits ou non, les télévisions, les chaînes câblées... pour chacun de ces médias traditionnels, seul change l’équilibre entre la part payée par le consommateur final et celle payée par l’annonceur. Dans la plupart des cas, la publicité représente entre 50% et 70% des recettes totales, laissant une marge aux entreprises média pour ajuster leur modèle d’affaires. Sur internet, la structure du marché est telle que le modèle dominant pousse le prix de vente des contenus vers zéro. Face à ce constat, les sites d’actualité poursuivent plusieurs stratégies : t financer principalement via la publicité t expérimenter vers le payant t diversifier l’activité t agréger des contenus t chercher des subventions. Npemf!hsbuvju!qpvs!mf!mfdufvs0joufsobvuf-! ßobod!qbs!qvcmjdju NEJBT!USBEJUJPOOFMT La presse traditionnelle est arrivée très tôt sur internet. De nombreux journaux, forts de leurs expériences dans la télématique ou le télétexte, ont ouvert leurs sites web dès 1995/96, soit environ 3 ans avant la naissance de Google, 6 ans avant Wikipédia et 9 ans avant Facebook ! Pourtant, l’immense majorité de ces expériences ont calé au bout de quelques tours de roue, continuant à présenter aux internautes des pages similaires à celles des éditions papier, alors que le web exige de répondre à des besoins différents et à une nouvelle expérience de consommation. Cette logique de transfert des méthodes issues du papier sur internet s’est ressentie également sur les modèles d’affaires. Toutefois sur un marché en pleine croissance (avec l’équipement d’un nombre croissant de foyers, puis l’augmentation de la bande passante disponible) la priorité a été donnée à la conquête de parts de marché. Les médias découvraient avec incrédulité qu’ils pouvaient être « vus » (sinon lus), même très loin de leur zone de chalandise habituelle. Conséquence sur le modèle économique de cette course à l’audience : les médias se sont rabattus sur la publicité renonçant à faire payer leurs internautes. Ce choix s’explique. D’un strict point de vue économique, les coûts marginaux de distribution sur le web sont nuls. Il ne coûte pas plus cher à un média d’être visité par 100 000 que par 200 000 visiteurs, alors que, sur papier, chaque exemplaire imprimé conserve un coût de fabrication. Même s’il faut augmenter le nombre de serveurs informatiques, ces derniers peuvent apparaître comme des coûts fixes tant les volumes sont importants (un serveur ajouté permet de servir des dizaines de milliers de pages vues en plus). Cette structure de coûts marginaux nuls rapproche le web de la radio ou de la télévision, où, pourtant, les modèles économiques étaient pérennes. La différence, sur le web, tient à l’absence de barrières à l’entrée. Alors que le lancement d’une chaîne de télévision : coûte plusieurs millions d’euros et nécessite des autorisations administratives ; la création d’un site web ne coûte rien et s’effectue sans formalité. Certaines plateformes de blog permettent même de le faire à un coût réellement nul, si l’on ne prend pas en compte les coûts d’acquisition de l’ordinateur personnel et de la formation à la publication sur le web. En conséquence, si tout un chacun peut publier dans les volumes qu’il souhaite, alors la concurrence est fluide et le prix de vente de chaque unité de contenu reflète son prix marginal : zéro euro. C’est pour cette raison que les sites d’information ont quasiment tous opté pour la gratuité des contenus d’actualité immédiate. Dans ce genre de modèle économique, les médias ont intérêt à capter un trafic maximal afin de pouvoir le revendre à des annonceurs. Cette course à l’audience a dominé les années 1990 et 2000, lorsque chaque marque a tenté de s’emparer de la plus importante part de marché possible. Les coûts marginaux nuls et les coûts de changement quasiment nuls (l’utilisateur peut essayer un autre site web sans perdre le bénéfice d’usage du premier) favorisent l’apparition de positions dominantes. Hors-ligne, essayer un nouveau produit d’information coûte soit de l’argent (achat d’un autre journal), soit fait perdre le bénéfice du premier (impossible de regarder deux «JT» en même temps). La possibilité de tester autant de marques que possible sur le web permet aux utilisateurs de se tourner vers celle qui lui offre le meilleur bénéfice d’usage. Au Royaume-Uni par exemple, le site web de la BBC rencontre un succès largement supérieur à celui des chaînes du groupe sur le marché de la télé ou de la radio. De même, The Guardian a su devenir l’un des principaux médias du monde anglophone sur le Net alors que le territoire de son édition papier ne s’étend guère au-delà des frontières britanniques. En 2010, cette course à l’audience, renforcée par les bulles internet de la fin des années 1990 et du milieu des années 2000, n’est plus à l’ordre du jour. Les positions de chacun sont désormais entérinées et vouloir prendre la place du leader nécessite des investissements colossaux. Malgré tout, la plupart des sites issus de médias traditionnels continuent à chercher la recette d’un financement par la publicité basé sur un trafic le plus élevé possible. Parmi les titres étudiés pour cette enquête, The Guardian, The Independent ou le Christian Science Monitor suivent ce modèle et considèrent la publicité comme leur principale source de revenus. Pourtant, ce modèle de financement par la publicité déclenche une fuite en avant vers toujours plus de trafic et toujours plus de contenus mis en ligne, afin de pouvoir vendre le plus d’espaces publicitaires possibles. A Boston, le patron de l’ex-quotidien papier Christian Science Monitor, John Yemma, nous a avoué qu’il cherche à « mettre de la pub partout où [il] trouve de la place » sur le site web qui a pris le relais du journal, depuis que la décision a été prise d’arrêter les rotatives. Au final, cela provoque une croissance des inventaires publicitaires sans commune mesure avec celle des besoins des annonceurs, bien plus faibles, et les tarifs de la publicité baissent. En outre, si l’on considère que les sites de médias ne représentent qu’une fraction de la totalité des sites web tentant d’appliquer cette stratégie, on comprend que le système ne peut pas trouver de point d’équilibre. Ce modèle présente donc une faiblesse dans sa partie « recettes ». La partie « coûts » peut également être questionnée. La difficulté provient des méthodes de production des contenus. L’usage veut que des journalistes professionnels créent la totalité des contenus. Avec des recettes publicitaires décroissantes, ces coûts sont 21 22 quasiment impossibles à supporter. Conséquence : le rédacteur en chef du site web de The Independent à Londres cherche à exploiter au mieux le temps de travail de chacun de ses journalistes. Ses articles de « une » sont souvent de simples dépêches d’agence. L’équation économique s’avère chaque jour de plus en plus difficile à résoudre dans les modèles financés par la publicité. Prenons par exemple une journaliste pour laquelle une entreprise débourse 3000 € par mois (soit un salaire net aux alentours de 2000 €). Si cette journaliste produit deux articles par jour au cours de ses 20 journées de travail mensuelles, chaque article coûte 75 € à produire [ 3000 / ( 20 x 2 ) = 75 ]. Si la publicité rapporte 5 € par millier de pages vues (ce qui est à peu près le cas sur des sites d’informations généralistes), chaque article doit alors générer au moins 15 000 pages vues pour ne pas faire perdre d’argent à l’entreprise. Si l’on rajoute les charges non salariales, les personnels non-journalistes, etc., les niveaux de trafic à atteindre deviennent vite hors de portée de la quasi-totalité des sites. frappant des journalistes pour leur faire accepter un modèle d’affaire leur étant bien moins favorable. NEJB!QBSUJDJQBUJGT Une des réponses au problème du modèle économique a été le changement des modes de production des contenus. Plutôt que de tout faire produire par des journalistes professionnels, certains ont tenté d’ajouter, parfois avec succès, les compétences d’amateurs aux processus de production. Ce mélange, connu sous le mot-valise de pro-am (professionnel -amateur), est expérimenté en France notamment par Rue89 depuis 2007. Un noyau de journalistes y anime une communauté d’experts et d’internautes qui participent à la production éditoriale par leurs articles, leurs commentaires ou leur travail de veille. Le problème peut également être renversé dans des systèmes de production de contenus où les journalistes professionnels ne sont plus au centre, mais à la périphérie du processus. C’est le cas, par exemple, sur le site canadien hyperlocal OpenFile, où les internautes peuvent déposer une demande d’enquête, apporter des éléments de réponse à la question qu’ils évoquent et recevoir l’aide d’un journaliste pigiste pour compléter l’enquête, le cas échéant. Une fois le travail du journaliste terminé, l’enquête (file) reste ouverte et continue d’être alimentée par les internautes. Un troisième cas de figure permet de se passer complètement de journalistes professionnels. Le site ukrainien h.ua (qui se prononce HighWay), par exemple, produit des contenus journalistiques – y compris des enquêtes et des reportages – sans employer de journaliste à plein temps. Deux éditeurs veillent au bon fonctionnement du site, mais la sélection et la publication des contenus est laissée à la discrétion de la communauté, qui peut s’auto-organiser grâce à des systèmes sophistiqués et réfléchis de notation des contenus et des auteurs. Face à ces modèles communautaires, certaines organisations cherchent à diminuer le coût de production des contenus non pas en captant le travail de bénévoles, mais en créant des réseaux de pigistes payés à la performance. Le média centralisateur des contenus peut ainsi éviter le risque d’un article non-rentable, faisant peser tout le risque sur les épaules du contributeur. Des sites comme Suite101, Demand Media ou encore Patch reposent tous sur ce principe. En ôtant la masse salariale du modèle d’affaire, l’exploitation de telles structures peut devenir rentable puisque les seuls coûts à couvrir sont les charges fixes des quelques responsables éditoriaux et techniques faisant fonctionner « l’écosystème ». C’est ce qui explique la course aux auteurs de ces sites, qui profitent des vagues de licenciements NPEêMF!GSFFNJVN De plus en plus de titres cherchent à recréer un modèle mixte, comme sur le papier, où les revenus tirés des annonceurs sont complétés par des abonnements payés par les utilisateurs finaux. Cette approche nécessite de recréer de la rareté afin de convaincre les internautes de payer l’accès au contenu. Une partie du site est ainsi laissée en libre accès, afin de capter le gros du trafic et d’attirer les prospects, tandis qu’une autre partie, plus prestigieuse, est installée derrière un « mur payant » (paywall). Cette alliance du gratuit (free) et du payant (premium) a donné naissance à l’appellation freemium popularisée par Chris Anderson, rédacteur en chef du magazine Wired, dans son livre « Free ». Des titres comme Le Monde, qui a adopté ce modèle depuis l’an 2000 et l’a renforcé en 2010, ou, plus récemment, Le Figaro, ont développé des formules donnant accès, moyennant un abonnement mensuel de 6 à 15 € par mois, à des contenus exclusifs : archives, dossiers, fiches... Toutefois, ces deux groupes ne communiquent que de manière parcimonieuse sur leur nombre d’abonnés. Le Figaro ne donne pas de détails, tandis que Le Monde explique que sur les 100 000 abonnés « numériques » qu’il comptabilisait en février 2010, 60 % sont également des abonnés de son édition papier et 40 % des abonnés uniquement « numériques ». À l’étranger, quelques exemples montrent que la stratégie peut être efficace, à condition de proposer aux internautes des contenus pour lesquels ils sont réellement prêts à payer. En Suède, Aftonbladet.se propose un service Plus, contenant des articles exclusifs sur des thèmes magazines (voyage, cuisine, etc.). Le service connaissant le plus fort succès sur le site du premier quotidien suédois reste les Clubs, où des experts et des journalistes rédigent sur un thème donné des conseils aux internautes, pour une cinquantaine d’euros par an. Pour l’instant, les clients du site peuvent apprendre comment obtenir un corps de rêve dans le club virtuel « perte de poids » ou comment mieux dormir dans le club virtuel « insomnie ». L’expérience suédoise, citée en exemple par le propriétaire du titre, le norvégien et très technophile Schibsted, montre que les contenus proposés à la vente ou à l’abonnement doivent offrir une réelle valeur d’usage au client. L’actualité brute, à moins de se démarquer totalement de la concurrence, ne semble pas en mesure de déclencher un acte d’achat. Le « mur payant » permet également de « qualifier » ses visiteurs (comme disent les professionnels du marketing) et, partant, de mieux valoriser l’audience auprès des annonceurs. C’est ce que fait, par exemple, le Wall Street Journal, qui conserve de la publicité dans les espaces abonnés. Cet inventaire peut être négocié à des tarifs largement supérieurs à ceux du marché. Mft!tusbuhjft!qbzbouft Face à ces modèles utilisant les contenus comme des éélments parmi d’autres dans une stratégie économique globale, aux côtés d’activités de publicité ou de petites annonces, certains considèrent que les articles et les enquêtes peuvent être vendus en l’état car ils possèdent une valeur intrinsèque suffisante pour rentabiliser les coûts investis dans leur production. 23 24 Le magnat australo-américain de la presse, Rupert Murdoch, est devenu la figure emblématique de ce modèle d’affaire. Depuis la fin 2009, il multiplie les déclarations martiales expliquant que les sites de médias doivent devenir invisibles sur Google, qui pompe indument leur valeur, et n’être accessibles qu’à ceux qui accepteront de payer. Cette stratégie a été mise en place par The Times à Londres au début du mois de juillet. Les premières indications de fréquentation indiquent que le trafic s’est logiquement effondré mais aucune donnée précise n’a encore été communiquée par le groupe pour permettre d’évaluer la pertinence économique de cette décision. Toutefois, les stratégies payantes peuvent recouvrir une mosaïque de cas où les péages font parfois suite à des décisions idéologiques, pragmatiques ou, plus simplement, à une absence de décision. En France, Médiapart est le site emblématique de ce modèle et l’un des plus importants en termes de chiffre d’affaires. Son fondateur, Edwy Plenel, affirme qu’il faut « réintroduire de la valeur » dans les médias. Dans son expression la plus directe, la valeur se définit en espèces sonnantes et trébuchantes, si bien que la grande majorité des contenus produits par les journalistes se retrouvent derrière une porte que l’on ouvre moyennant un abonnement à 9 € par mois. Cette décision n’a pas manqué d’attirer les foudres des partisans du gratuit. En effet, internet est né de l’hyperlien, qui permet de naviguer de page en page de manière fluide et de « butiner » ainsi de site en site. Dès lors qu’un acteur du web décide de se réfugier derrière un mur payant et de bloquer la diffusion de ses contenus, il s’exclut des mécanismes inhérents à l’écosystème du web. Pourtant, cette décision, bien que s’inscrivant à contrecourant des usages des internautes et des pratiques des sites d’actualité, semble porter ses fruits. Selon Médiapart, le taux de réabonnement avoisine les 80% et la croissance des abonnés reste stable – même si elle dépend en grande partie des scoops mis en ligne qui provoquent à chaque fois des pics d’abonnement. Le seuil de rentabilité, situé selon Edwy Plenel autour de 55 000 abonnements, devrait pouvoir être atteint en 2013. En France, Arrêt sur images (@si) a été parmi les premiers à passer d’un format gratuit en télévision à une offre payante en ligne. Après avoir vu son émission de critique des médias supprimée de la grille de la chaîne France 5, Daniel Schneidermann s’est lancé sur le web, demandant aux internautes de s’abonner pour couvrir les coûts fixes du programme. Après une période initiale de quelques mois où l’ensemble des contenus étaient accessibles gratuitement, l’équipe a mis en place son mur payant dans lequel des brèches sont régulièrement percées. Les brèves (rubrique « Vite dit ») sont accessibles à tous ainsi que des contenus plus étoffés que les abonnés peuvent rendre gratuits dès lors qu’ils les qualifient « d’utilité publique ». Au-delà de ces dispositifs, si l’équipe parvient à faire payer ses abonnés a priori, c’est parce qu’elle avait déjà démontré sa crédibilité par ses années de télévision. Les études de cas de Médiapart et d’Arrêt sur images, présentées en annexe, conduisent à remarquer que dans les deux cas, les modèles payants se sont développés autour de personnalités fortes. D’un côté, un ancien directeur de la rédaction du Monde, qui a su capitaliser sur son seul nom et convaincre à la fois les journalistes et les premiers abonnés de la pertinence de son modèle. De l’autre, le cas d’Arrêt sur images, où Daniel Schneidermann a tiré avantage de son exposition télévisée et a su convertir le parfum de scandale suite à la déprogrammation de son émission, pour s’ériger en victime d’un système médiatique malade. Au final, les personnalités des fondateurs et leurs images respectives ont joué un rôle fondamental dans la construction des marques des deux médias, si bien que l’on peut se demander si les abonnements qu’ils collectent ne reflètent pas un soutien au combat qu’ils incarnent plutôt qu’une validation d’un modèle de financement de contenus journalistiques. Pour formuler la question autrement : doit-on considérer dans leurs cas que les utilisateurs payent pour des contenus ou qu’ils décident de soutenir une personnalité et la cause qu’elle incarne ? Sans doute un peu des deux. Les murs payants sur le web peuvent également procéder d’une volonté de ne pas cannibaliser les ventes sur un autre canal, plus rentable. C’est par exemple le cas de titres comme Alternatives Economiques ou Le Canard Enchaîné qui n’ont pas d’urgence à réinventer un modèle économique. Au-delà de compétences techniques à acquérir, l’innovation en ligne reste, pour ces deux titres, un domaine où le besoin d’investissements n’est pas pressant, ce qui explique qu’ils utilisent le web comme un moyen de réduire le coût d’acquisition des abonnés papier (Alternatives Economiques) ou même pas dans ce but (Canard Enchaîné). Enfin, certains médias voient dans les nouveaux canaux de distribution digitaux, des moyens de monétiser un contenu offert par ailleurs ; la valeur ajoutée provenant d’une facilité d’utilisation sur de nouveaux supports. Nunzio Michael Lupo, responsable des produits digitaux au Journal-Constitution d’Atlanta, fonde beaucoup d’espoirs sur l’application iPad de son quotidien. Elle sera commercialisée avec un abonnement de 9,99 dollars par mois et offrira aux abonnés les contenus du site mis en forme pour la tablette à succès d’Apple. Le quotidien n’est pas le seul à voir dans l’iPad et dans ses ventes en croissance exponentielle, une porte salvatrice pour des modèles économiques chancelants.Que ce soit l’appstore d’Apple ou le marketplace de Google (ou Ovi de Nokia, ou d’autres systèmes centralisés de vente d’interfaces), ces écosystèmes fermés ont pu rassurer les décideurs média et leur donner un sentiment de reprise de contrôle sur un marché qui les dépassait depuis plus de 10 ans. Pourtant, les mécanismes à l’œuvre sont fondamentalement les mêmes sur l’appstore que sur le web. La concurrence par les prix fait rage et quiconque peut y proposer une application gratuite réutilisant l’information-commodité que l’on trouve gratuitement partout. Dès lors, une application payante doit se distinguer par une valeur ajoutée suffisante, en termes de contenus ou d’usages. Mais l’arrivée de nouveaux canaux de distribution ne change pas les équilibres du web. Hors du web, le payant permet encore de faire vivre de nombreuses rédactions, qui disposent parfois d’une présence en ligne minimale. Difficile, là encore, de faire la part des choses dans la démarche des lecteurs entre l’achat de contenus et l’achat de l’objetmagazine, les deux restants intrinsèquement mêlés. La revue XXI, par exemple, s’est lancée sur papier uniquement et ne dispose en ligne que d’un blog. Pourtant, le résultat après près de 3 années d’activité est singulièrement positif. Cette importance accordée au support peut conduire au reverse-publishing, où un média publie sur papier des contenus nés sur internet. Rue89 s’essaye ainsi au payant sous forme de magazine mensuel depuis juin 2010. Le modèle fonctionne, le site parisien ayant maintenu sa diffusion au-delà de l’effet de curiosité qui pouvait expliquer le succès du premier numéro. Tusbuhjft!ef!ejwfstjßdbujpo TVS!EFT!QSPEVJUT!OVNSJRVFT La forme la plus évidente de diversification sur internet, aux côtés des activités éditoriales, demeure le monde des petites annonces. Les groupes de presse peuvent alors imiter les modèles d’affaires des quotidiens papiers, où les pages d’annonces subventionnent les activités de la rédaction. 25 26 C’est la stratégie menée avec succès en France par le groupe Le Figaro, qui a réussi le tour de force de reprendre position sur un secteur des petites annonces qui lui avait échappé à l’arrivée du web. En multipliant les acquisitions, le groupe a créé un ensemble de sites de petites annonces dégageant un chiffre d’affaires de plus de 60 millions d’euros annuels. AdenClassified, l’entité regroupant ces sites, possède désormais des marques dans tous les secteurs, de la météo aux annonces d’emploi en passant par les loisirs. Au Royaume-Uni, le groupe Daily Mail and General Trust, qui possède le Daily Mail, entre autres, suit la même stratégie au sein de sa joint-venture Associated Northcliffe Digital. Un ensemble de sites largement rentables rachetés à des start-ups, permet au groupe de dégager des marges qui sont ensuite réinjectées dans l’ensemble du groupe, y compris dans les activités éditoriales. Pourtant, si cette stratégie reste proche du modèle ancien, c’est aussi celle qui utilise le moins les synergies possibles avec la rédaction. Les deux activités – éditoriales et commerciales – sont totalement séparées, au point que même les marques ne se soutiennent pas entre elles. Explorimmo fait ainsi peu de cas de son appartenance au même groupe que Le Figaro. Sur papier, les petites annonces ont besoin de l’éditorial pour donner une raison aux lecteurs d’acheter le journal, même si les équipes commerciales ne peuvent déterminer avec certitude quelle était la réelle motivation de chaque achat. Sur le web, la dématérialisation des contenus fait que les deux activités se séparent entièrement, celui ou celle voulant lire l’actualité se rend sur le site du média, tandis que celui ou celle recherchant un emploi ou une voiture peut se rendre directement sur le site approprié. En d’autres termes, l’activité rentable n’a plus besoin de trainer un boulet perdant de l’argent. En Turquie, le groupe Doğan Media, éditeur, entre autres, du quotidien Hürriyet, l’a bien compris. Dans son désir d’étendre son activité en Europe centrale et orientale, il a racheté le groupe de petites annonces Trader Media East, présent dans une vingtaine de pays sur les créneaux classiques de l’annonce automobile ou immobilière. Même si le groupe a été relocalisé de Londres à Istanbul et que des partages de compétences sont en cours entre les activités turques et est-européennes, les stambouliotes excluent totalement d’investir dans une activité éditoriale en dehors de la Turquie ou dans une autre langue que le turc. Cet exemple montre bien comment la rentabilité de la branche d’un groupe, bien que totalement intégré au modèle d’affaire des versions papier, n’annonce absolument pas le sauvetage de rédactions déficitaires. Au contraire, elle pourrait amener certains groupes de presse à se repenser en tant que groupes de publicité et de petites annonces et à se séparer de l’éditorial, ou à l’externaliser. des hors-séries financés par des partenaires. Par ailleurs, les interventions de son PDG lors de conférences, ne se facturent pas en espèces mais en achat d’exemplaires du magazine. La formation s’immisce également dans les activités de plusieurs start-ups. Rue89 et OWNI, par exemple, tirent une partie non-négligeable de leurs revenus de ces formations, largement consacrées au journalisme et à la communication sur le web. Dans ces deux entreprises, entre 10% et 30% du chiffre d’affaires provient de telles activités, réalisées le plus souvent par les journalistes eux-mêmes. Chez Terra Eco, l’organisation de conférences est également une source de revenus annexes. Mais, comme chez OWNI et Rue89, elle reste minoritaire. En définitive, les activités sur lesquelles les journalistes pourraient sans doute être techniquement les plus pertinents - conseil, analyse stratégique, aide à la décision, lobbying – ne sont pas du tout développées par les groupes de médias. Les risques de conflit d’intérêt seraient alors à leur maximum et sans commune mesure avec ceux auxquels doit faire face la presse traditionnelle. Les frontières entre lobbying et journalisme sont déjà de plus en plus poreuses. En effet, une tendance de fond pousse les organisations nongouvernementales et les groupes de pression à effectuer un travail d’ordre journalistique pour réaliser des enquêtes ou des reportages qui viennent appuyer leurs combats. Dans son enquête « En route pour une électronique verte », par exemple, Greenpeace fournit un travail d’investigation sur 37 appareils électroniques, classés selon des critères liés au développement durable. La méthodologie, clairement énoncée, évite que le dossier ne se résume à un article à charge contre les fabricants d’électronique et prend la forme d’une étude classique. Les multiples reprises des résultats de cette enquête dans les journaux ou sur le web, où l’on retrouve souvent des éléments de langage copiés directement des communiqués de presse, montrent que les contenus proposés par les médias et consommés par les utilisateurs finaux sont en réalité intégralement financés par l’ONG. De telles études sont désormais monnaie courante. Greenpeace n’est, par ailleurs, pas le seul à poursuivre une stratégie médiatique agressive, cherchant à introduire dans les médias des contenus similaires à ceux typiquement produits par les journalistes mais financés par des tiers. La multiplication des think tanks, des lobbys et des agences de communication augmente considérablement la masse de contenus dont la production n’a pas été financée par les médias eux-mêmes. Le guide de l’électronique verte de Greenpeace, par exemple, est régulièrement cité par Nokia (qui arrive en tête du classement). L’ONG est ainsi capable de produire un travail journalistique, d’influencer le débat public et les actions des fabricants, en utilisant les médias comme une simple plateforme de diffusion. De manière révélatrice, Greenpeace diffuse désormais des annonces pour embaucher directement des journalistes. Dans un écosystème marqué par des vagues de licenciements et des salaires en berne, l’appel de rémunérations plus élevés permet à ces organisations para-journalistiques de capter une large part du talent disponible. La diversification des sources de revenus ne se fait ainsi pas uniquement à partir des groupes de médias vers des activités plus rentables, mais aussi au sein même de groupes disposant déjà d’un cœur de métier et cherchant à étendre leur territoire en utilisant les outils, techniques et méthodes des journalistes. TVS!EFT!BDUJWJUT!SEBDUJPOOFMMFT! Face à cette dissociation complète des activités rentables et non-rentables, certains groupes de média tentent de mettre à profit les synergies qui peuvent avoir lieu afin de donner un rôle à la rédaction dans des activités plus rémunératrices. Ne serait-ce qu’en termes d’image, par exemple, Kaplan, la succursale du groupe Washington Post proposant des formations d’éducation supérieure et des livres scolaires, utilise la marque du titre de presse pour améliorer l’image de ses prestations. A titre de comparaison, sur les propriétés du groupe AdenClassified, il n’est jamais fait mention des liens d’appartenance entre le site et le groupe possédant Le Figaro. En France, certains titres mettent à contribution leurs propres journalistes afin de diversifier leurs offres. C’est le cas, par exemple, d’Alternatives Economiques, qui rédige TVS!EFT!QSPEVJUT!QIZTJRVFT! Prenant à contrepied cette démarche associant journalistes et activités annexes non journalistiques (formations, conférences, etc.), certaines rédactions font le pari de synergies entre la vente de produits totalement étrangers à l’univers rédactionnel et la production 27 28 d’articles. Sans rentrer dans une forme d’advertorial, qui mélange allègrement publicité et rédactionnel, et sans avoir recours aux articles payés et commandés par certaines marques ou personnalités, plusieurs titres diversifient leurs sources de revenus en se rendant utiles auprès du lecteur dans sa vie de tous les jours. La consommation de contenus n’est alors qu’une étape dans une chaîne de propositions où la marque média accompagne l’utilisateur depuis l’information sur un produit jusqu’à sa livraison éventuelle. Chez Aftonbladet, premier quotidien de Suède, les articles sur des thèmes magazines, comme la cuisine, l’art ou les voyages sont associés à une boutique en ligne. Pour prendre l’exemple d’une critique musicale, le site propose à l’utilisateur d’acheter directement le CD de l’artiste sans quitter le site. Aux États-Unis, Sean Gallagher, du Los Angeles Times, explique vouloir suivre le même chemin et proposer aux internautes non plus des contenus mais du « confort » (« sell convenience »). Ainsi, pour une recette de cuisine, Sean Gallagher veut mettre en place des partenariats avec des chaînes de supermarché californiennes qui prépareraient des paniers composés des ingrédients de l’article. L’utilisateur, après son achat en ligne n’aurait plus qu’à passer le récupérer. De la même manière, il veut pouvoir proposer des voyages organisés sur les traces des récits des journalistes de la rubrique ‘voyage’. Ces mécanismes ont longtemps été utilisés par certains blogueurs, qui s’appuient sur les solutions de sites comme Amazon et leurs programmes d’affiliation. Différence de taille : en gérant directement leur espace de vente, les médias sont capables de se passer d’un intermédiaire vorace à la commission dépassant souvent le tiers du prix de vente. En termes de stocks, la vision des journalistes et des éditeurs peut permettre de disposer au moment adéquat de la marchandise souhaitée par les clients. Aftonbladet a par exemple pu vendre des vuvuzélas, ces accessoires bruyants typiques de l’Afrique du Sud, pendant la Coupe du monde de football 2010, quand des sites marchands auraient eu plus de mal à détecter l’engouement de la population pour cet instrument symbolique. Par ailleurs, cette stratégie se distingue des ventes de produits tels que les DVD, CD ou encyclopédies, fréquemment offerts avec les quotidiens papier. Là où le média proposait un produit brut et froid, comme un livre-DVD sur la Seconde Guerre mondiale – pour prendre l’exemple d’une action menée par Le Figaro – Aftonbladet et le LA Times sont capables d’accompagner l’utilisateur tout au long de son expérience de consommation, reprenant leurs rôles de prescripteurs. de presse agrégative, utilisant son pouvoir de recommandation pour devenir un filtre puissant entre producteurs de contenus et acheteurs. Suivant le même modèle de ré-agrégation, des sites incontournables, comme Orange, créent des portails. Ils profitent de leur position de point d’entrée sur le web, que ce soit grâce à la nature de leur page d’accueil par défaut (free.fr, orange.fr, etc.) ou de boîte mail (MSN, Yahoo!) pour attirer l’audience et vendre des pages vues aux annonceurs. A cette fin, ils payent les créateurs de contenus pour pouvoir re-publier leurs articles. Sans avoir besoin de monter de toutes pièces une rédaction multimédia, ces portails peuvent présenter à leur audience des contenus d’actualité. Le financement de l’information sur ces portails est assuré par la vente d’espaces publicitaires et d’offres d’affiliation. « J’achète du contenu à des marques médias et je le propose ensuite gratuitement aux visiteurs », explique David Lacombled d’Orange. Ces contenus qu’Orange commande à environ 300 fournisseurs d’information – ce qui en fait l’un des principaux acheteurs d’information sur internet en France – l’entreprise les finance par la publicité et des partenariats commerciaux. A l’image de la grande distribution, David Lacombled, directeur de l’antenne et des programmes d’Orange explique : « Je vends du linéaire à des grandes marques comme Meetic ou eBay dans mes rayons thématiques (actualité, sport, finances...) ». Mft!bhshbufvst Dès lors que l’on passe en ligne, le rapport au contenu change du tout au tout. Un média traditionnel se définit par sa forme physique : un nombre de pages dans la presse écrite, une durée diffusée à la radio ou la télévision. Sur le web, tous ces éléments peuvent être divisés en une infinité de pièces les constituant, que ce soient les articles, les clips vidéo ou les photos. Cette spécificité du format digital permet une désagrégation et une ré-agrégation des contenus. Cela a donné naissance à de nouveaux modèles d’affaires, que l’on pourrait rapprocher, dans les médias traditionnels, des anciens modèles de syndication des contenus. Un site comme AllAfrica, par exemple, anime une équipe d’éditeurs qui ajoutent de la valeur aux articles de la presse africaine en sélectionnant les meilleures sources du continent et en en extrayant des flux qui sont ensuite revendus à des spécialistes de l’Afrique, tels des ONG ou des institutions internationales. Le site se place ainsi dans une position d’agence Npemf!hsbuvju!fu!tvcwfoujpoo TVCWFOUJPOT!QVCMJRVFT À contrepied des modèles d’affaires traditionnels, qui postulent qu’un média ne peut être indépendant que s’il assure lui-même sa propre autonomie financière, plusieurs acteurs sont financés intégralement ou en grande partie par des subventions publiques, parfois en provenance directe des gouvernements. La BBC reste l’un des meilleurs exemples de média subventionné par des fonds publics. La contrepartie tient dans la mission de service public qu’elle doit remplir. Si ce schéma était assez clair à l’ère de la télévision ; sur internet, les cartes sont brouillées. Si quiconque peut accéder au site de la BBC, les contribuables britanniques payent donc pour l’information fournie à des utilisateurs étrangers. Ces problèmes de fond sont largement discutés au sein de la vénérable institution londonienne et la version internationale du site comporte désormais de la publicité, depuis 2006. Des modèles similaires de médias considérés comme services publics existent dans la plupart des pays européens, mais leur nature varie fortement. En Allemagne par exemple, un collectif de groupes de médias publics contrôle l’organe de collecte de la redevance (la GEZ ou Gebühreneinzugszentrale) et a obtenu en 2007 d’être considéré comme une institution indépendante après une bataille devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe. Le contrôle de l’exécutif sur les médias de service public se renforce avec l’apparition de nouveaux groupes, à visée notamment extérieure. BBC World News, par exemple, qui n’a guère en commun avec la BBC que la marque, est financé directement par le Foreign Office britannique. Entre 2008 et 2010, son budget est passé de 241 millions à 272 millions de livres, soit une hausse de 13% en pleine crise des médias (la diminution de près de 20% du budget du ministère dans le cadre du plan d’austérité de David Cameron risque d’impacter négativement les budgets du World News Service). Cette tendance au financement direct par les ministères se vérifie dans plusieurs pays. En France, l’État accorde 300 millions d’euros à la société Audiovisuel Extérieur de la France pour animer les marques de France24, RFI et – en partie – TV5 Monde. En 29 2: revanche, Al Jazeera, au Qatar, peut compter sur la générosité de son premier mécène, l’émir lui-même, pour renflouer ses caisses lorsque ses revenus propres ne lui permettent pas de faire face à ses charges. Le total des dons ou des prêts bonifiés de l’émir dépasserait les 200 millions de dollars. De la même manière, Radio Free Europe/Radio Liberty est financée à hauteur de 75 millions de dollars par le Sénat américain ; les attentats du 11-Septembre ayant enrayé la diminution de ses budgets, amorcée à la fin de la Guerre froide. La liste pourrait s’allonger, chaque État semblant désireux de promouvoir sa vision du monde en inondant le paysage médiatique de contenus. Parallèlement à ces médias nés de la volonté même de l’exécutif, de nombreuses autres entreprises sont financées totalement ou en partie par les mêmes moyens. La différence tient alors à la largesse des mécènes, qui ne sont plus dans une dynamique de communication mais de soutien à la pluralité des expressions médiatiques. Parmi les médias étudiés dans ce rapport, Café Babel et Congo Blog Ba Leki tirent tous deux la majorité (voire la totalité) de leurs revenus de subventions extérieures. La faiblesse des sommes en jeu (respectivement 600 000€ par an et 180 000€ au total) permet à des entités plus décentralisées de l’appareil administratif, de financer des initiatives locales. Les ambassades, norvégiennes notamment, fournissent une part importante des revenus de sites tentants de mener des enquêtes de qualité en Géorgie (www.civil.ge) et en Arménie (www.hetq.am). Par ailleurs, le financement public peut prendre des formes dérivées. La publicité des institutions publiques fournit parfois une part vitale des ressources d’un titre. Lorsque la mairie de Lyon a voulu réagir à une ligne éditoriale jugée trop hostile dans Lyon Capitale, Gérard Collomb, maire de cette ville, a par exemple décidé de suspendre les publicités municipales dans le magazine. De la même manière, la plupart des médias kosovars vivent des petites annonces publiées par la KFOR, la force de l’OTAN chargée de la sécurité du pays, et par EULEX, la task-force de l’Union européenne chargée de l’implémentation de l’état de droit. Si cette forme de subvention est moins directe que des dons ou des prêts en espèces, les éditeurs et les analystes du pays ne sont pas dupes de leur importance dans l’écosystème médiatique local. de journalisme en ligne. De la même manière, mais depuis plus longtemps, l’Église de la science chrétienne subventionne le Christian Science Monitor afin qu’il offre un journalisme de qualité, originellement opposé à l’émergence de la presse de boulevard, au début du XXème siècle. De telles initiatives sont plus rares en Europe, où la tradition de mécénat est loin d’être aussi développée qu’aux États-Unis. A l’inverse, le patronage se pratique plus de ce côté-ci de l’Atlantique. Le modèle patron-client représente le cas de figure où le mécène n’est pas désintéressé, mais cherche une contrepartie pour son investissement. De nombreux industriels, en France, en Russie ou encore au Royaume-Uni ont racheté ou investi dans des titres de la presse traditionnelle, à la recherche de prestige ou d’influence. Leurs investissements ne se limitent pas au rachat de marques établies, où le risque commercial est faible. En Bulgarie par exemple, le site d’investigation Frognews.bg remercie publiquement son parrain et patron, Mladen Mutafchiyski, sur sa page « à propos » (à titre de comparaison, il est bien difficile de trouver une mention du groupe LVMH sur le site des Échos, malgré le rachat du titre par le groupe de luxe en 2007). Pourtant, M. Mutafchiyski traine derrière lui une réputation sulfureuse, ses actifs comprenant notamment l’usine d’armement Teraton. En Russie, le site d’actualités économiques BFM.ru, lancé en 2008 au début de la crise financière, a pour but explicite de donner un point de vue différent de celui du Kremlin qui pourtant cette année-là, répétait à tous les journalistes que la crise épargnerait le pays. Cette ligne éditoriale fortement indépendante était financée par Arcadi Gaydamak, riche oligarque israélo-russe, ayant lui aussi des intérêts dans le commerce d’armes et utilisant clairement les médias à des seules fins d’influence. Il a en effet déclaré, en rachetant l’hebdomadaire Moskovskiye Novosti en 2004, qu’il aurait pu investir dans un club de sport ou une marque prestigieuse, son seul but étant d’acquérir un nouveau statut. TVCWFOUJPOT!QSJWFT De la même manière que des institutions publiques financent des médias pour atteindre des objectifs précis (à but diplomatique ou pour se doter d’un paysage médiatique à « l’occidentale »), des institutions ou des personnes privées utilisent également des sites d’actualité à des fins précises. Les motivations des mécènes tiennent parfois de la bonne action, dans la tradition des charities américaines. Un site comme ProPublica, par exemple, récent vainqueur d’un prix Pulitzer et fort d’une rédaction de près de 30 journalistes, vit en grande partie d’un don des époux Sandler, un couple richissime ayant fait fortune dans les assurances. D’autres mécènes financent la presse en ligne, surtout aux États-Unis. De tels patrons font des dons directement à des projets ou confient des sommes colossales à des fondations chargées de les redistribuer. Le capital-risqueur John Thorton, a ainsi investi un million de dollars de sa fortune personnelle pour permettre la création du Texas Tribune, un site dédié à la couverture de la politique au Texas. A Minneapolis, quatre familles de la ville ont réuni 850 000 dollars pour lancer MinnPost.com, un autre site local à vocation de service public. Du côté des entreprises, le legs de 5 millions de dollars de la part de Google pour « développer de nouvelles approches dans le journalisme à l’ère digitale », montre l’implication des différents acteurs du non-profit pour financer les expériences UPVT!NDêOFT!@ D’autres formes de mécénat privé se développent, faisant intervenir les micro-payements de sponsors ou de particuliers. Ainsi, Spot.us, une jeune compagnie américaine ayant reçu sur son compte un don d’un montant de 340 000 dollars de la fondation Knight pour l’avancement du journalisme, propose aux utilisateurs de financer les enquêtes de manière collaborative. Chacun peut proposer un sujet d’enquête, libre ensuite aux internautes de contribuer à son financement. Si le modèle a peiné à démarrer, avec seulement une cinquantaine d’articles produits en 18 mois, la plupart n’étant pas financés à 100% par les internautes ou les médias partenaires (le site utilise alors ses propres réserves pour compléter), une nouvelle dynamique est à l’œuvre. En effet, David Cohn, le fondateur du site, intègre désormais les annonceurs au processus de financement. Chaque internaute peut répondre à un questionnaire de marketing pour un annonceur, qui reverse ensuite une somme donnée (quelques dollars) à un projet d’enquête. Quelques mois après son lancement, cette fonctionnalité semble promise à prendre de l’ampleur. Enfin, le financement par des tiers privés peut prendre la forme d’une « pollinisation croisée » entre entités à but lucratif et d’autres sans vocation commerciale immédiate. À Paris, le site OWNI, édité par la société 22mars, fonctionne de la sorte. Le média pousse les portes de l’innovation, de manière à développer de nouvelles interfaces et de nouvelles manières de mener le récit ; cette expertise étant ensuite proposée aux clients de 22 mars qui développe et vend des plateformes de publication sociales et des interfaces de visualisation. 31 3.!MFT!NPEêMFT!EPOUPMPHJRVFT À la recherche de modèles économiques si possibles stables et pérennes, les médias présentés ici, tentent, pour nombre d’entre eux, d’élargir le périmètre économique de leurs activités. Cette extension de leur spectre d’action peut faire surgir des conflits d’intérêt. Aujourd’hui, ces médias ont adopté différentes solutions pour tenter de répondre aux enjeux éthiques en combinant des chartes déontologiques et un souci plus ou moins affirmé de transparence et de contrôle donné au public. Qu’ils soient anciens ou de création plus récente, ces médias n’ont plus une audience – comme l’a fait remarquer Jay Rosen dès 2006 dans « The People Formerly Known as The Audience » (« ceux que l’on appelait auparavant l’audience ») -, mais « des lecteurs-quiécrivent, des auditeurs-qui-parlent et des spectateurs-qui-photographient-ou-filment » sans avoir besoin des médias pour diffuser leur production. Autre changement intervenu ces dernières années : chacun dans le public a aussi la capacité de ne plus être seul et isolé face au média. Créer ou rejoindre une communauté composée d’autres individus comme soi est devenu chose simple. Conséquence de ces bouleversements liés à la numérisation des outils de production et à la mise en réseau généralisée, la communication n’est plus aussi asymétrique avec un émetteur et un récepteur aux rôles assignés une fois pour toutes. L’émergence de cette « audience active » – pour reprendre la formule de Mark Thomson, directeur général de la BBC – vient changer la donne et modifier l’équilibre (ou le déséquilibre, c’est selon) des échanges. L’« audience active » aspire à prendre part aux débats, à créer, à communiquer, à partager. Autant d’évolutions qui bouleversent l’activité de ceux que Jay Rosen appelle en 2010 « The Journalists Formerly Known as The Media » (« les journalistes que l’ont appelait auparavant les médias »). La plupart des médias rencontrés au cours de nos travaux (et notamment ceux qui se sont développés sur de nouveaux supports), se sont posés la question du lien de confiance et de la relation qu’il convenait de tisser avec leurs publics. Ce lien, de nombreuses études montrent qu’il s’est amoindri au fil des années, qu’il s’est usé, aux yeux du public, par un soupçon de connivence, voire de manque d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques ou économiques. Il apparaît évident que la confiance dont les médias seront désormais crédités dépendra in fine de la manière dont ils traiteront ces questions. Dans ce contexte, les dispositifs mis en place par les médias de notre panel peuvent se classer en différentes catégories (certains choisissent des combinaison de plusieurs dispositifs) : t ceux qui gèrent les questions de déontologie sans s’appuyer sur des textes ; t ceux qui développent des chartes internes qui ne sont pas communiquées à l’extérieur de l’entreprise ; t ceux qui développent des chartes publiques ; t ceux qui se réfèrent à des chartes générales comme la charte de Munich ; t ceux qui organisent le cloisonnement de leurs activités ; t ceux qui privilégient la transparence financière ; t ceux qui favorisent et organisent le dialogue avec leur public ; t ceux qui donnent (en partie au moins) le contrôle au public. 32 Mb!qsbujrvf!of!tÖbqqvjf!qbt!upvkpvst!tvs!eft!ufyuft Au fil de nos rencontres, nous avons pu constater que certains médias ne considèrent pas devoir consacrer temps et énergie à rédiger des cadres déontologiques précis. Cela ne signifie pas nécessairement un désintérêt de leur part mais plutôt le choix de modes moins formalisés pour gérer les questions déontologiques. SFWVF!YYJ!;!MF!È!CPO!TFOT!É!FU!MÖFYQSJFODF C’est le cas de la revue XXI. Si de l’avis général de la profession, le trimestriel propose des articles de grande qualité et d’une probité intellectuelle sans reproche, le directeur éditorial, Patrick de Saint-Exupéry assure ne se référer à aucun texte particulier et s’en remettre au bon sens lorsque des dilemmes éditoriaux peuvent surgir. La limpidité du modèle économique (XXI ne tire ses recettes que des ventes en kiosque et des abonnements) rend plus facile la gestion des questions de déontologie. Ici, pas de charte écrite, mais pas vraiment de dilemmes cornéliens : « on applique les règles évidentes et logiques issues de notre expérience », explique Patrick de Saint-Exupéry. « Notre principale règle, c’est l’honnêteté », ajoute le directeur éditorial de XXI. Il garde le souvenir de cette enquête publiée en 2009 sur la mort de Philippe de Dieuleveult au Congo. L’auteur de l’enquête journalistique a été mise en cause pour avoir acheté certains documents publiés dont l’un s’est révélé faux. Patrick de Saint-Exupéry a décidé lui-même de transmettre les documents à la police scientifique, ce qui a permis d’établir qu’effectivement l’un des documents avait été falsifié. « Cela n’invalide pas l’ensemble de l’enquête pour autant », ajoute-t-il. Dans un numéro ultérieur de la revue, les lecteurs ont pu lire un article détaillant ces nouveaux éléments. TVJUF!212!;!PO!OF!TÖBUUBSEF!QBT!TVS!MFT!RVFTUJPOT!EF!EPOUPMPHJF Situé à l’exact opposé de la revue XXI en terme de modèle éditorial et économique, le site Suite101 ne s’attarde pas sur les questions de déontologie. Ici les auteurs écrivent sur les sujets de leur choix pour des pages qui afficheront des publicités délivrées par Google. Peu de risque de collusion et peu d’effort non plus pour s’assurer de la crédibilité des articles qui ne sont relus qu’à posteriori. La sélection initiale des contributeurs et une relecture après publication tiennent lieu de rempart. BMUFSOBUJWFT!DPOPNJRVFT!;!PQJOJPOT!BGGJSNFT!FU!È!FYJHFODF!JOUFMMFDUVFMMF!É Le mensuel Alternatives économiques, qui se présente comme un « journal d’opinion », préfère se référer à une « déontologie de l’exigence intellectuelle » à laquelle aspireraient ses lecteurs, plutôt qu’à des chartes déontologiques classiques. La liberté d’expression, Philippe Frémeaux, le PDG de la société coopérative qui édite le journal, estime qu’elle existe à l’échelle de la presse française et que son journal ne doit pas être seul à la mettre en oeuvre. L’indépendance de ton revendiquée par le patron de ce mensuel, dont la solidité économique serait le garant, ne va pas sans quelques ambiguïtés, notamment lorsqu’il s’agit de réaliser des numéros hors série commandés par des partenaires qui s’engagent à en acheter quelques milliers d’exemplaires. Une situation qui n’est pas des plus confortables de l’aveu du patron qui explique : « on ne va pas attaquer nos partenaires, c’est sûr, mais on ne va pas en dire du bien pour autant; l’auto-censure fonctionne dans les deux sens ». 33 UIF!JOEFQFOEFOU!;!VO!DPEF!NPSBM!OPO!DSJU Le quotidien londonien The Independent ne dispose pas de charte éditoriale écrite. Martin King, le rédacteur en chef du site web, assure que l’ensemble des journalistes obéissent à une sorte de « code moral » implicite, issu de l’expérience accumulée par les journalistes de la rédaction. Comme les autres titres de la presse britannique, The Independent est néanmoins sous le regard de la Press Complaints Commission (Conseil de presse), vers laquelle les lecteurs peuvent se retourner s’ils estiment la déontologie journalistique bafouée. La commission fonde ses avis sur la base d’un Editor’s code of practice, régulièrement mis à jour. Mb!epoupmphjf!gpoef!tvs!eft!dibsuft!joufsoft Plusieurs médias interrogés nous ont expliqué aborder les questions de déontologie en s’appuyant sur des chartes internes, élaborées progressivement et qui s’enrichissent des fruits de l’expérience. PSBOHF!;!MFT!DIBSUFT!EF!MÖPQSBUFVS!UMQIPOJRVF Le portail de l’opérateur téléphonique Orange est l’un des premiers sites d’information en France par le volume du trafic qu’il génère ainsi que par le montant de ses achats de contenus auprès des médias. En terme de déontologie, l’équipe – qui ne compte aucun journaliste dans ses rangs – se réfère à la charte de déontologie très générale et aux différentes chartes (sur la protection des données personnelle, de l’enfance, etc.) élaborées par le groupe pour couvrir l’ensemble de ses activités. BMMBGSJDB/DPN!;!VO!XJLJ!QPVS!MFT!EJUFVST AllAfrica.com agrège des articles venus de toute la presse africaine en échange d’un partage des revenus publicitaires générés sur son site. L’entreprise a développé également une clientèle de grands comptes, notamment parmi les institutions internationales comme les Nations-Unies ou la Banque mondiale. Sur les questions éthiques, AllAfrica. com est très sensible aux priorités de ses clients. Les articles des médias partenaires qui pourraient relever du sexisme, de l’incitation à la haine raciale ou religieuse, ne sont tout simplement pas diffusés sur AllAfrica.com. Il n’existe pas de charte à proprement parler mais les éditeurs partagent leurs interrogations sur un wiki qui garde en mémoire la gestion des questions épineuses au fil des années. DBG!CBCFM!;!VOF!DIBSUF!NBJTPO Site multilingue alimenté par un réseau de bénévoles encadrés par une poignée de journalistes, Café Babel dispose d’une charte éditoriale élaborée en 2003 et remise à jour tous les deux ans depuis cette date. D’un point de vue déontologique, les risques de conflits d’intérêt liés à la publicité apparaissent assez limités dans la mesure où les articles sont d’abord proposés par les membres de la communauté n’ayant aucun lien avec les annonceurs ou financeurs éventuels. L’importance des subventions en provenance des institutions européennes peut néanmoins provoquer quelques frictions, mais les journalistes professionnels de la rédaction centrale à Paris veillent au grain. « Nous sommes assez intégristes sur ces questions », explique Alexandre Heully, délégué général de Café Babel. 34 DPOHP!CMPH!CB!MFLJ!;!EFT!QSJODJQFT!EF!TDVSJU Média-école mis sur pied pour enseigner les techniques du journalisme en ligne à de jeunes Congolais – et financé par la coopération franco-britannique -, Congo Blog Ba Leki a développé son propre code de déontologie basé sur l’expérience acquise par son fondateur, Cédric Kalonji. « On ne cite pas le nom des personnes que l’on met en cause lorsque que l’on évoque des sujets comme la corruption, car cela peut-être dangereux », explique le journaliste qui n’oublie pas que plusieurs de ses confrères ont été assassinés au Congo ces dernières années. « L’idée de cette charte, que nous avons élaborée en commun au cours de l’une des sessions de formation que j’ai animée à Kinshasa, c’est d’être le plus factuel possible dans nos articles », précise Cédric Kalonji. La charte (qui n’est pas disponible en ligne) bannit également les publi-reportages qui font l’ordinaire de tant de titres de la presse congolaise. Mft!dibsuft!ef!epoupmphjf!qvcmjrvft Les chartes de déontologie les plus élaborées sont l’apanage des médias traditionnels les plus anciens et les plus soucieux de respectabilité. Toutefois, les textes doivent évoluer régulièrement et être mis à jour sous peine d’apparaître en décalage important avec les pratiques professionnelles d’aujourd’hui. XBTIJOHUPO!QPTU!;!MB!DIBSUF!B!CFTPJO!EÖVOF!NJTF!Ì!KPVS Andy Alexander, médiateur du Washington Post, reconnaissait en 2009 que la charte du journal, datant de 1999, « a sérieusement besoin d’être mise à jour car elle n’évoque pas le cas des journalistes qui participent à des «événements» comme les diners, les séminaires ou les conférences organisées par le Washington Post ; pas plus qu’elle ne traite les questions soulevées par le journalisme en ligne ». Il précise : « une courte liste de principes en vigueur sur le web existe mais c’est très vague et très peu connu des journalistes ». Parmi les questions de déontologie soulevées par les pratiques du web, le médiateur souligne celle relative à la présence de liens sponsorisés dans les articles (exemple : liens vers une librairie en ligne pour acheter un ouvrage dont les journalistes ont fait la promotion). Dans un autre article, Andy Alexander expose les termes du clivage qui traverse la rédaction du Washington Post divisée entre journalistes « du papier » et journalistes « du web » : « De nombreux journalistes très orientés web, sont plus enclins à publier un article sur des faits qui ne sont pas complètement vérifiés, simplement parce-que c’est le buzz web du moment et parce que cela va drainer des visiteurs. Les plus anciens, ancrés dans la culture du papier, s’inquiètent du fait que la concentration d’information sur des célébrités people, génératrices de trafic en ligne, puisse déconsidérer le Post, affaiblir sa marque et restreindre son engagement pour un journalisme de service public (public service journalism). Si la fréquentation du site finit par décider de la couverture de l’actualité, ils se demandent si le Washington Post finira par décider de ne pas couvrir certains événements importants parce qu’ils sont considérés comme ennuyeux ? » Au sein de la rédaction, Milton Coleman, senior editor, est responsable des questions d’éthique au Washington Post. Pour lui, l’éthique du vénérable journal se résume à « maintenir la crédibilité du titre, son intégrité, et à séparer clairement les faits des opinions ». Pour ce faire, le journal cherche à éliminer les conflits d’intérêts à la racine. Au niveau politique, « 99,9% des journalistes n’ont aucune relation avec un parti », ce qui est censé garantir leur 35 neutralité. Le centième restant, dont le conjoint a peut-être partie liée avec un homme politique, discute en général avec son chef de service avant d’accepter un sujet sur lequel on pourrait sentir poindre un soupçon de conflit d’intérêt. On est loin des pratiques constatées sur le web, où la transparence règne en maître. Même chez Slate.com (propriété du Washington Post Group), les auteurs préviennent leurs lecteurs lorsqu’un conflit d’intérêt peut être suspecté, en suivant le principe de full disclosure (complète transparence). La question de la déontologie renvoie donc aujourd’hui explicitement à la manière dont la rédaction (voire les rédactions) aborde la question du journalisme en ligne. Si, à l’heure du web, l’une des premières indications donnée aux jeunes étudiants en journalisme est de bien comprendre qu’ils ne peuvent plus prendre la parole juchés sur le piédestal dont abusaient leurs aînés, alors les premières lignes de la charte du Washington Post sonnent comme l’écho d’une époque révolue : « Nous reconnaissons pleinement que le pouvoir dont nous avons hérité en tant que quotidien matinal dominant dans la capitale du monde libre s’accompagne de responsabilités spéciales comme : écouter les sans voix, éviter toute forme d’arrogance, répondre au public avec politesse et franchise. » Dernière preuve, si besoin était, du chemin qui reste à parcourir. Il est impossible à un lecteur/internaute normalement constitué de trouver la charte actuelle sur le site du Washington Post. UIF!HVBSEJBO!;!EPOUPMPHJF!FU!EWFMPQQFNFOU!EVSBCMF Ce nécessaire travail de mise à jour des principes qui organisent la vie éditoriale de la rédaction, The Guardian l’a effectué à la faveur de sa remise à plat de son organisation. A rédaction intégrée mêlant le papier et le web, charte unique posant des jalons pour tous. Le groupe n’a pas voulu toutefois viser l’exhaustivité et a préféré se reposer sur des principes simples. Dans sa dernière version en date d’avril 2007, accessible en ligne, The Guardian’s Editorial code postule que la crédibilité du Guardian repose sur la confiance qui existe entre lui et ses lecteurs et/ou internautes. Les règles édictées dans ce court texte de 6 pages s’appliquent aussi bien aux membres permanents de l’équipe qu’aux pigistes. Il est demandé aux journalistes de faire état auprès de leur hiérarchie des potentiels conflits d’intérêt auxquels ils peuvent être confrontés au cours de leur travail. De plus, des dispositions particulières s’appliquent en terme d’informations financières. Le texte prévoit qu’un registre mis à jour régulièrement fait mention de toutes les entreprises dans lesquelles des journalistes ont des actions. Les journalistes sont également invités à prendre connaissance des ramifications du groupe auquel appartient The Guardian, de manière à pouvoir en faire état dans leurs articles lorsqu’ils peuvent concerner une société avec laquelle leur groupe a partie liée. The Guardian vient également de mettre à jour son code de conduite sur les médias sociaux à destination de ses journalistes qui tiennent des blogs et interviennent dans les commentaires d’autres blogs ou sur les réseaux sociaux. Le texte est court et contient 8 principes: t Prenez part aux conversations à propos de nos contenus et assumez la responsabilité des conversations que vous initiez. t Mettez l’accent sur les contributions les plus constructives en reconnaissant leur valeur et en récompensant leurs auteurs. 36 t Ne récompensez pas les comportements perturbateurs en leur accordant de l’attention, mais signalez-les. t Etablissez des hyperliens vers les sources que vous citez et encouragez les autres à faire de même. t Signalez vos éventuels conflits d’intérêt et soyez transparents quant à vos relations, projets ou précédents articles concernant un sujet ou une personne en particulier. t Ne modifiez pas les faits et les opinions et soyez attentifs à ce que vos propos ne puissent pas être mal interprétés. t Encouragez les internautes à contribuer de façon à mettre en perspective, à compléter et enrichir votre travail. Reconnaissez ces apports. t Donnez l’exemple en respectant notre charte des commentaires dans vos articles et dans vos contributions. The Guardian ne s’est pas doté d’un médiateur mais il relève comme tous les titres de la presse britannique d’une instance d’autorégulation, la Press Complaints Commission, vers laquelle les lecteurs peuvent se tourner s’ils estiment la déontologie journalistique bafouée. Par ailleurs, au-delà des codes et directives qui encadrent sa pratique éditoriale, The Guardian envisage la question de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise de manière plus globale. Le journal réalise en interne et fait contrôler par des experts indépendants un bilan annuel dans ce domaine (Sustainability report), accessible sur son site. CCD!;!MB!DIBSUF!JOUêHSF!MFT!EFSOJêSFT!QSBUJRVFT!MJFT! Ì!MB!OVNSJTBUJPO!FU!BVY!STFBVY La BBC est sans doute le média au monde qui porte la plus grande attention à sa charte éditoriale (on parle ici de « directives éditoriales »), et pour cause : ces directives sont opposables par tout citoyen britannique à l’entreprise publique s’il estime qu’elle n’a pas respecté ses engagements, notamment déontologiques. Quand la BBC actualise ses directives éditoriales tous les 4 ou 5 ans, elle doit aussi affronter un défi logistique qui donne une idée de l’importance de la chose. Pour la nouvelle version, entrée en vigueur le 18 octobre 2010, elle a dû en imprimer 16 500 exemplaires et les adresser aux équipes productrices de contenus au sein de l’entreprise publique ainsi qu’aux pigistes réguliers, en Grande-Bretagne comme dans le reste du monde.L’ampleur de la tâche témoigne de l’importance accordée à la question par la BBC. Comme l’explique David Jordan, l’un des rédacteurs de la nouvelle version, les directives éditoriales sont le fruit « de la distillation d’années d’expérience de la part des producteurs, de bon sens et de discernement sur la manière dont la BBC peut atteindre le niveau d’exigence souhaité par ses audiences ». Principale nouveauté de cette édition 2010, l’intégration des directives spécifiques qui concernaient les activités en ligne de la BBC, au sein des directives générales. L’entreprise assure d’ailleurs avoir mis en place des garde-fous après des dérapages constatés dans des programmes faisant largement appel à l’interactivité. La BBC a également intégré tout un chapitre concernant la ré-utilisation et ré-édition des contenus, devenue très facile à l’heure des outils numériques. Un accent particulier est mis sur l’emploi des archives qui doivent, elles aussi, respecter les directives éditoriales en vigueur aujourd’hui en cas de réutilisation. 37 38 L’accent est mis également sur la lutte contre les conflits d’intérêt. Les directives éditoriales stipulent que ces conflits peuvent survenir lorsque « les activités externes de quiconque est impliqué dans la production de contenu affectent la réputation d’intégrité, d’indépendance et d’exigence de la BBC ou peuvent raisonnablement être perçues comme telles ». Le texte précise que « les audiences doivent être en mesure de faire confiance à la BBC et être convaincues que les décisions éditoriales se sont pas influencées par des intérêts autres : politiques, commerciaux ou personnels quelle que soit leur nature ». En conséquence, « tous les salariés de la BBC sont tenus de déclarer les conflits d’intérêt qui pourraient avoir un impact sur leur travail au sein de la BBC. Les pigistes sont également tenus de déclarer leurs conflits d’intérêt potentiels ». Un sous-site, BBC Editorial guidelines, est spécifiquement dédié aux différents problèmes déontologiques que peuvent rencontrer les collaborateurs de la BBC dans leur travail. Traitements de l’actualité au Proche-Orient, ou plus généralement des religions, interviews de victimes, couverture de sujets judiciaires, d’enquêtes en cours, il est difficile de ne pas trouver un sujet sur lequel le département « Editorial Policy » n’ait pas son mot à dire. Le cinquième point de la charte met au jour la dialectique qui est à l’oeuvre sur nombre de sites internet entre refus des conflits d’intérêt et transparence. « Les membres de l’équipe éditoriale s’interdisent d’accepter tout avantage en nature et s’engagent à refuser tout type de “publi-reportage” ou “billet sponsorisé”. Au cas où ils devraient être amenés à s’éloigner de ces principes, les contributeurs s’obligent à en faire état par le biais d’une mention disclosure. » La notion de disclosure (divulgation) prévoit qu’un auteur ou un média signale explicitement, à l’attention de son public dans une courte déclaration d’intérêt en début ou en fin d’article, les conflits d’intérêt potentiels auxquels il a pu être confronté dans son travail. QSPQVCMJDB!;!VOF!DIBSUF!SBUJGJF!UPVT!MFT!BOT!QBS!MFT!KPVSOBMJTUFT Les journalistes du site Propublica spécialisé dans le journalisme d’investigation – et principalement financé par des mécènes – sont tenus de signer une charte déontologique de 7 pages lors de leur embauche, et de la re-signer chaque année. La charte, inspirée de celle du Wall Street Journal et du Washington Post, n’a pas peur des détails. Elle prévoit dans quelles circonstances les journalistes ont le droit d’échanger des produits dérivés sur les marchés, d’accepter des cadeaux et de participer à des activités en dehors de ProPublica. « Pas besoin de police de l’éthique pour les appliquer », explique le directeur de la communication, « le niveau de confiance est tel qu’aucun conflit lié à la charte n’est encore apparu ». Dans la même veine, le site exige que les articles soient les plus neutres (fair) possible, poursuivant le culte de l’objectivité à l’heure où d’autres rédactions ont décidé d’assumer leurs biais idéologiques. Quant à la conversation avec les utilisateurs, les journalistes d’investigation laissent le soin aux 4 membres de l’équipe web de s’en charger et de modérer les commentaires. PXOJ!;!VOF!DIBSUF!OPVWFMMF!NBOJêSF OWNI fait figure d’exception dans l’ensemble des médias étudiés lors de cette enquête. Le site a pris le temps de se doter d’une charte éditoriale qui ne reprend pas la structure habituelle des textes examinés jusqu’ici. Par exemple, le deuxième point de la charte concerne « l’originalité et la paternité des oeuvres » et instaure un principe de subsidiarité calqué sur son homonyme au sein de l’Union européenne. Ce principe suppose que la rédaction n’écrira un article que si, et seulement si, le sujet n’a pas été couvert par le réseau des 900 contributeurs d’Owni. Une manière de ne pas « polluer » le web. Toujours dans ce chapitre, il est prévu que l’ensemble des contenus (sauf exception) soient diffusés sous une licence Creative Commons (liberté de reproduction ou modification à condition d’en citer la paternité et de respecter le type de licence C.C. utilisé hors usage commercial). Mb!dibsuf!ef!Nvojdi La charte des droits et devoir des journalistes, signée en novembre 1971 à Munich, dresse la liste de 5 droits et 10 devoirs fondamentaux des journalistes. Elle a été adoptée par la Fédération internationale des journalistes (FIJ), l’Organisation internationale des journalistes (OIJ) et la plupart des syndicats de journalistes d’Europe. En France, cette charte a été inscrite dans les statuts du Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne) par ses fondateurs parmi lesquels figurent notamment Rue89, Arrêt sur images, Terra éco et Mediapart. Citizenside qui collecte photos et vidéos d’actualité auprès des internautes se réfère également à la charte de Munich tout en sachant que les questions déontologiques les plus fréquentes auxquelles le site est confronté, concernent le respect de la vie privée. Dans ce domaine, l’équipe opère une évaluation au coup par coup des images qui peuvent être mises en ligne et de celles qu’elle ne publiera pas. De son côté, bien qu’il ne travaille qu’avec des amateurs encadrés par des journalistes, le site h.ua explique que ses contributeurs se conforment à la charte des journalistes ukrainiens. Mf!dmpjtpoofnfou!eft!ejggsfouft!bdujwjut!ef!mÖfousfqsjtf Derniers nés des médias d’information, les pure players (sites non adossés à un média traditionnel) sont nombreux à multiplier les activités marchandes pour asseoir la rentabilité de leurs entreprises. Au sein de ces petites entités, rares sont encore celles qui ont ressenti le besoin de cloisonner leurs différentes activités. UFSSB!DP Terra éco fait partie de ces pionniers. Le bimédia – qui édite un mensuel papier et un quotidien en ligne – spécialisé sur les problématiques liées au développement durable, développe également des activités annexes (organisation de conférences et de formations notamment). À l’attention de ses annonceurs et des clients des activités annexes, l’entreprise a élaboré une courte charte éthique qui prévoit en substance que le fait d’être client ne donne aucun droit sur le contenu éditorial du magazine ou du site web et demande aux annonceurs d’être « sincères » dans leur démarche de développement durable. Un dispositif équivalent a été mis en place avec la filiale de l’entreprise qui propose des missions de conseil dans le secteur du développement durable. Mb!usbotqbsfodf!ßobodjsf Plusieurs des médias étudiés dans le cadre de cette enquête, font moins reposer leurs pratiques sur le respect de codes déontologiques savamment élaborés et rédigés que sur 39 3: des règles implicites et sur la transparence qu’ils mettent en place – à des degrés divers – sur l’ensemble de leurs activités éditoriales et économiques. À ce titre, Arrêt sur images est un cas particulier puisque l’entreprise va jusqu’à publier le détail de ses comptes annuels. Rares sont les entreprises qui vont aussi loin dans la transparence. Toutefois, nous avons pu constater aussi que la plupart des pure players interrogés n’hésitent pas à ouvrir leurs livres de comptes. Il faut dire qu’ils sont rodés à l’exercice tant le nombre de sollicitations qu’ils reçoivent pour parler de leur «modèle économique» est important. De sa propre initiative, Rue89 informe régulièrement ses internautes sur la réalité de l’entreprise, notamment à l’occasion des augmentations de capital. Il est ainsi possible de connaître le nom des différents actionnaires. Même démarche chez Mediapart qui fait le point régulièrement sur son actionnariat et les données-clefs (non financières) de son activité. On retrouve également cette forme de transparence chez OWNI à l’occasion des augmentations de capital. Il convient de signaler que ces entreprises ne sont pas tenues de rendre ces informations publiques, mais dans leur logique de start-up elles tiennent également à montrer que des investisseurs leur font confiance. Les médias de notre échantillon qui bénéficient de subventions publiques jouent également la transparence financière. Café Babel et Congo Blog Ba Leki, dont le budget provient principalement ou en totalité de financements publics, ouvrent volontiers l’intégralité de leurs comptes. À une autre échelle, il en va de même pour la BBC qui publie un rapport annuel très détaillé. Alternatives économiques met en ligne son rapport social et environnemental dans lequel quelques passages ont été masqués. Propublica communique également son rapport annuel qui contient même la rémunération du patron, Paul Steiger : 571 000 dollars par an. Pour David Cohn, le créateur de Spot.us, plateforme sur laquelle les internautes peuvent financer des reportages de journalistes freelance, la transparence est indispensable. Il applique cette devise à son modèle d’affaire, puisque l’on peut consulter la liste des donateurs qui ont financé chacun des articles du site. Le site n’a pas de charte de déontologie à proprement parler. Il dispose de conditions d’utilisation pour les reporters. Elles ne couvrent pas tous les aspects éthiques que l’on peut retrouver dans un texte traditionnel. Les problèmes sont résolus au cas par cas par David Cohn. Il prend l’exemple d’un conseiller municipal ayant donné 20 dollars pour une enquête sur les activités de sa mairie qui a été obligé de reprendre sa contribution. David en a profité pour ériger cette règle : une partie prenante à un article ne peut pas le financer. « La seule chose que l’on puisse faire c’est d’être le plus transparent possible. Spot.us élève la transparence à un autre niveau », affirme David Cohn, qui explique que si quelqu’un venait à se plaindre, il pourrait se justifier en disant qu’il ne cache rien. La vie de ces communautés et la gestion quotidienne des commentaires ont conduit la plupart des médias que nous avons étudiés, à se doter de chartes des commentaires qui définissent le type de relations (au-delà des simples contraintes légales) que les équipes rédactionnelles entendent nouer avec les internautes. L’importance et les limites données à ce dialogue dessinent également une partie de l’environnement déontologique dans lequel s’inscrivent ces médias. Dans ce domaine, Rue89 qui se définit comme un média participatif, a élaboré au fil des années une charte des commentaires dont les mises à jour sont visibles. Élément marquant de cette charte, la participation des journalistes au dialogue qui s’instaure à propos de leurs articles. « Les auteurs de Rue89 considèrent que leur travail ne s’arrête pas avec la publication de leurs articles et participent, dans la mesure de leur disponibilité, aux discussions qui les prolongent. Ils assurent eux-même la modération des commentaires, parfois avec l’aide de modérateurs issus de la communauté. Ils assurent également une sélection des commentaires qui leur semblent les plus pertinents, lesquels sont mis en valeur sous les articles. » Dans la plupart des autres chartes des commentaires, sur d’autres sites, le rôle des journalistes dans les discussions n’est tout simplement pas évoqué. En terme de modération (sélection et censure éventuelle des commentaires), le Figaro fournit une grille détaillée qui précise pour chaque type de propos s’il est susceptible d’être approuvé ou refusé par les équipes responsables. Jotubvsfs!mf!ejbmphvf!bwfd!tpo!qvcmjd Les médias en ligne permettent le dialogue en temps réel et c’est l’une de leurs différences majeures avec les médias traditionnels. Cette capacité de dialogue s’incarne principalement dans les commentaires qui sont souvent ouverts sous les articles mais aussi, plus largement, dans la notion de « communauté » que les médias cherchent à créer autour de leurs productions. Epoofs!mf!dpousmf!bvy!joufsobvuft A sa manière, le site Spot.us est celui qui a décidé d’aller le plus loin dans la transparence. Non seulement il donne une visibilité importante sur ses coulisses mais il permet aux internautes d’intervenir dans les choix rédactionnels (apanage exclusif des membres de l’encadrement des rédactions dans les médias traditionnels). Certes, le site se définit comme une plateforme et non comme un média, mais un basculement du pouvoir de sélection des sujets se produit. Dans la pratique, Spot.us permet aux journalistes indépendants qui le souhaitent de proposer un article qu’ils veulent réaliser. Ils listent leurs besoins sur le site et demandent au public de bien vouloir les financer. La réalisation la plus impressionnante reste une enquête sur l’archipel de déchets du Pacifique-Nord parue en 2009 au terme d’une collecte de 6 000 dollars auprès des internautes. Les collectes les plus importantes ont permis de réunir plus de 10 000 dollars pour des projets d’enquête s’étalant sur plusieurs mois. Sur Spot.us, les internautes choisissent de financer tel ou tel reportage en déboursant quelques dollars. La plateforme leur donne également le contrôle sur l’utilisation des budgets publicitaires qu’elle perçoit. Depuis juillet 2010, les annonceurs peuvent proposer des sondages aux utilisateurs à des fins de marketing. À l’issue du sondage (qui ne doit pas durer plus de 5 minutes), l’internaute reçoit un crédit de 5 dollars à dépenser pour financer la production d’un article. Le premier mois, ce dispositif a permis de distribuer 3 000 dollars aux journalistes. 41 DPODMVTJPO Depuis son irruption, il y a 15 ans, dans l’univers du grand public et des médias, le web a bouleversé les usages, démantelé le modèle économique de la presse qui semblait immuable depuis plus d’un siècle et, plus profondément encore, modifié le rapport à la liberté d’expression mettant les outils autrefois réservés aux journalistes à la disposition de tous. Dans ce contexte, la plupart des entreprises du secteur des médias ont été contraintes de réviser leurs modèles économiques. Révisions parfois déchirantes quand il a fallu se rendre à l’évidence : à l’heure de la circulation instantanée de l’information numérique, l’information généraliste est devenue un bien banal pour lequel peu d’internautes acceptent de payer. Le mirage initial de la publicité comme ressource unique des médias s’est dissipé sous les effets structurels de l’extension sans fin de l’inventaire publicitaire mis à la disposition des annonceurs et sous les effets conjoncturels de la récente crise financière puis économique. Les éditeurs qui fondent leur modèle sur la publicité ont l’impression que l’horizon de la rentabilité s’éloigne aussitôt qu’ils avancent. Porté au terme de sa logique, le modèle d’information généraliste financé par la publicité débouche sur une impasse qui porte un nom : content farms. Ces « usines à contenus » cherchent comment tromper les moteurs de recherche (et capter l’attention des internautes) avec des contenus produits au moindre coût et financés par des bannières qui, dans le meilleur des cas, rapportent à peine plus. Pour échapper à cette logique, les médias à vocation généraliste cherchent à diversifier leurs recettes. Plusieurs pistes s’offrent à eux : tenter de faire payer certains de leurs lecteurs en leur offrant des services supplémentaires (modèle freemium) ; développer des services commerciaux pour vendre des biens et services (culturels le plus souvent) pour leur compte ou celui de tiers ; reprendre pied dans le secteur des petites annonces dont ils se sont fait chasser par les pure players depuis une quinzaine d’années ; développer de nouvelles activités comme la formation ou la prestation de services informatiques. Ceux qui refusent la diversification (ce sont également ceux qui refusent le plus souvent la publicité) voient trois pistes s’ouvrir devant eux : l’abonnement qui semble nécessiter l’adhésion à une personnalité et/ou à une cause que le média incarne ; le financement public qu’il soit direct ou indirect à travers différentes formes de subventions ; et enfin le mécénat dont l’une des variantes consiste à transformer des internautes en mécènes d’un journaliste. Les business models qui se mettent en place sont multiples et, naturellement, le choix d’un modèle d’affaires n’est pas sans conséquence sur l’activité éditoriale et les conditions dans lesquelles elle s’exerce. Force est pourtant de constater que l’encadrement déontologique des nouvelles pratiques et/ou activités n’a pas fait l’objet d’une attention aussi soutenue que celle portée au modèle économique. Ce décalage est sans doute explicable. Il est nécessaire que des difficultés déontologiques surgissent et soient identifiées comme telles avant qu’une réflexion structurée sur la question ne s’élabore, notamment dans des entreprises de petite taille où la prégnance des enjeux économiques est forte et perçue par tous les salariés permanents ainsi que par les pigistes. L’étude que nous avons menée a permis de constater également que le champ des questions déontologiques se trouve singulièrement élargi par les bouleversement induits par internet. Difficile en effet de considérer que la question de la relation avec les internautes 42 (qui fait souvent l’objet de chartes spécifiques à dimension essentiellement juridique) ne relève pas de la déontologie du média. Par ailleurs, à l’heure où les murs des rédactions deviennent poreux pour accueillir de plus en plus de contributions externes, il en va de même pour le statut juridique (droit d’auteur) des contributions des internautes. Face à un univers d’usages en évolution constante et de pratiques professionnelles liées à des outils et services en perpétuelle mutation, certains médias comme la BBC tentent de faire évoluer régulièrement leur « directives éditoriales » pour coller au plus près de cette réalité mouvante. Avec pragmatisme – et sans doute aussi parce que l’esprit des pionniers du web a initié une tradition de transparence – nombre de jeunes médias ont opté pour un partage en temps réel de leurs réflexions sur les nouveaux enjeux déontologiques avec leurs internautes. De ce dialogue surgissent progressivement les limites à poser pour encadrer les nouvelles pratiques. Cette piste semble devoir être creusée. Les journalistes évoluent désormais dans un univers d’information où ils ne sont plus les seuls producteurs et la qualité de l’information qu’ils délivrent ne dépend plus de leur seule action dans bien des cas. En conséquence, l’élaboration de nouvelles règles de déontologie doit être envisagée avec « ceux que l’on appelait auparavant l’audience » pour reprendre l’expression de Jay Rosen. Si un intérêt commun parvient à rassembler les journalistes et ceux avec lesquels ils échangent, c’est peut-être que l’idée d’une information reconnue comme « bien public » est pertinente, ainsi que le soutient Edwy Plenel de Médiapart en France. L’information cesserait alors d’être un bien ordinaire et pourrait échapper à des logiques purement commerciales assignant à ses producteurs des droits et des devoirs spécifiques. Toutefois, si cette réflexion sur un statut dérogatoire au droit commun paraît intéressante, elle ne doit pas conduire à figer les règles d’exercice du métier d’informer mais au contraire les inscrire dans une dynamique d’évolution, sous peine d’amplifier le décalage déjà visible entre les textes généralement considérés comme des références (la charte de Munich, par exemple) et les pratiques réelles constatées sur le terrain. Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires Nathalie SONNAC Professeur des universités Carism et Lei IFP - Université Paris 2 (France) [email protected] 22 L a révolution numérique actuelle est comparable à celle du début du 20e siècle. Nous serions confrontés selon Missika (2007) à une « technologie disruptive » qui bouleverse les règles du jeu, les positions de force des principaux acteurs et où la dimension socioculturelle du processus serait particulièrement importante. Ici, la révolution technique servirait de révélateur à la révolution comportementale : blogs, forums, chats, réseaux sociaux ou wiki en tout genre permettent à chaque citoyen de passer du statut de simple récepteur à celui d’émetteurrécepteur (user generated contents). Cette révolution apparaît sous différentes formes. Cependant il est intéressant de relever que la dématérialisation des contenus conduit à faire renaître des comportements qui ne sont plus fondés uniquement sur l’échange marchand comme, par exemple, les échanges de fichiers (peer to peer) ou le don, avec le système de l’open source (les informaticiens mettent en commun leurs programmes). Wikipedia symbolise cette culture libre où s’observent de nouveaux comportements, et dont le principe s’appuie sur trois éléments fondamentaux : l’interactivité, le partage et la gratuité. C’est dans ce nouvel environnement que les médias traditionnels doivent s’inscrire. En effet, l’organisation économique et sociale des industries de la culture et des médias est en pleine mutation. Des bouleversements d’ordre technologique, économique et social mettent en évidence la L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires transformation de ces secteurs et nous amènent à nous interroger à la fois sur la nouvelle organisation qui se dessine, mais aussi sur les nouveaux défis qui l’accompagnent et auxquels les industries médiatiques, dans leur ensemble, doivent faire face. Cette mutation, issue principalement de la numérisation de l’information (Shapiro & Varian, 1999), balaie dans une certaine mesure la sectorisation traditionnelle de ces industries et l’organisation de leur marché. Dans le même temps, elle donne naissance à de nouvelles pratiques médiatiques et offre de nouveaux modes d’accès aux médias. Cette nouvelle ère s’est traduite dans le monde des médias d’abord par une multiplication de l’offre de contenus, plus singulièrement l’offre audiovisuelle (hausse du nombre de chaînes et de programmes, hausse du volume horaire global) ; ensuite, l’accès à des programmes sous de nouveaux formats (délinéarisation, video on demand, etc.). D’un point de vue économique, ce changement de paradigme a notamment pour conséquence une remise en cause de l’ancien modèle des médias. En effet, les médias de masse traditionnels, et notamment le secteur de la presse écrite, s’appuient sur un double financement dont les ressources sont issues à la fois des lecteurs (abonnement, vente en kiosque) et des annonceurs1. Même si depuis près de 20 ans, on observe un lent déplacement des dépenses des annonceurs des médias vers le « hors médias », pour atteindre en 2008 un rapport de 1/3 contre 2/3, l’arrivée de l’Internet semble d’ores et déjà transformer les pratiques des annonceurs et celles des consommateurs. Du côté des recettes publicitaires, l’Internet est le média le plus dynamique : il s’impose comme le quatrième média publicitaire (2,8 milliards d’euros investis en 2007 en France, TNS Media Intelligence 2008) devant l’affichage, même s’il demeure encore derrière la presse, la télévision et la radio. Du côté des recettes des consommateurs, ceux-ci semblent être de moins en moins prêts à payer pour consommer des offres culturelles et médiatiques. Ce double déséquilibre remet en cause fondamentalement la viabilité du modèle économique de la presse écrite. S’interroger sur l’économie d’un secteur consiste à comprendre, d’une part, les mécanismes qui sous-tendent la production, les échanges, la distribution du bien ; comprendre d’autre part, les modes d’appropriation de la valeur et analyser, notamment, les conséquences du financement sur la structure du secteur (concentration) ou encore sur la nature des contenus. Le modèle d’affaires de la presse écrite est particulièrement intéressant à étudier dans la mesure où il constitue un véritable nœud d’imperfections au sens de la théorie économique (nous préciserons ce 23 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 point au cours de notre développement), nœud qui l’empêche d’être appréhendée avec les outils classiques de l’économie traditionnelle. Le point départ de notre analyse s’attache à la présentation des principales caractéristiques économiques du bien informationnel, c’est l’objet de notre première section. Le double financement de la presse écrite – vente aux lecteurs et aux annonceurs – constitue un élément central de l’analyse économique de ce média. D’autres médias, comme le cinéma ou la télévision à péage, ont à leur tour fait appel à la publicité comme source de financement, allant même jusqu’à un financement total pour certains, comme la radio ou la télévision privée dite commerciale. Dès lors, le financement par la publicité, qu’il soit partiel ou total, place l’analyse économique des médias dans le cadre plus global de l’économie des plateformes, avec au cœur du mécanisme, les effets de réseaux. Cet élément-clé de l’étude de l’économie des médias est l’objet de notre deuxième section. Notre troisième section consiste à comprendre et à analyser les conséquences économiques dérivées des caractéristiques économiques et du mécanisme des effets de réseaux qui sous-tend l’économie du secteur. Notre dernière section interroge le possible nouveau modèle d’affaires, à la lumière des mutations des comportements qui placent la gratuité au cœur de la réflexion. Les caractéristiques économiques du bien informationnel L’information : un bien non rival et sous tutelle Pour justifier l’intervention de l’État dans la consommation, la production ou la mise à disposition des biens aux consommateurs, l’économiste Paul Samuelson établit en 1964 une classification entre les biens, distinguant biens privés et biens publics. La rivalité et l’exclusion sont les deux principes sur lesquels s’appuie cette taxinomie : la rivalité est un principe en vertu duquel la consommation d’un bien par agent diminue la quantité disponible de ce même bien par un autre agent ; l’exclusion conduit à écarter de la consommation d’un bien un individu, qui ne pourrait pas ou ne voudrait pas payer, pour jouir de la consommation de ce bien. Un bien privé répond à ces deux principes, à l’inverse du bien public pur. En effet, le caractère non rival de l’information – caractère partagé par l’ensemble des produits de contenu (musique, édition, télévision, etc.) – signifie qu’elle peut être consommée simultanément par un nombre arbitraire de consommateurs : la lecture 24 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires par un individu des informations comprises dans un journal ne peut pas priver les autres individus de la possibilité de les lire à leur tour. De plus, dans le cas d’un accès gratuit (comme pour la radio ou la presse gratuite d’information), l’information se définit comme un bien public pur. Cependant, lorsque le contenu – l’information – s’inscrit sur un support payant, où le consommateur est dans l’obligation d’acquitter un prix pour accéder à l’information, cette dernière est transformée en marchandise. Dès lors, le média écrit – contenu médiatique et support physique – s’est transformé en un bien public avec exclusion, appelé bien semi public. La presse gratuite est donc un bien public pur, tandis que la presse payante un bien public avec exclusion. Mais toutes deux partagent le caractère de non-rivalité2. Ainsi, et comme nous venons de le souligner, c’est sur la base de ce caractère non rival d’un bien que se justifie économiquement l’intervention de l’État, cette intervention prenant des formes diverses selon les catégories éditoriales dans l’organisation générale des entreprises de presse. Cet argument se trouve renforcé par le caractère tutélaire du produit de presse (merit goods). Instruments potentiels du développement culturel, politique, informatif, de divertissement, etc., la nature et la diversité des contenus médiatiques sont susceptibles d’exercer une influence non négligeable sur la formation du système des valeurs de la communauté. Ce rôle de véhicule de l’information et de la culture dans les sociétés modernes européennes dérive de la nécessité d’atteindre des objectifs de cohésion sociale, de démocratie, de liberté d’expression ou encore de diversité culturelle. Ainsi, dans la volonté de préserver cet espace public, l’État encadre, participe au financement, alloue des aides – directes ou indirectes ¬ aux entreprises de presse. L’État joue, en d’autres termes, un rôle de garant de l’accessibilité pour tous à une information diverse et plurielle. Soulignons ici que cette considération de l’État comme garant de la liberté n’est pas un modèle universel. En effet, pour la presse anglosaxonne par exemple, la presse s’est posée elle-même comme un « pouvoir » quasi institutionnel de l’opinion publique d’où découlent les fondements de sa liberté et la garantie de son indépendance, notamment à l’égard de l’État. Son indépendance, rappellent Le Floch et Sonnac (2005, p. 8-9) « n’est pas octroyée par l’État : elle lui préexiste […] La garantie de l’indépendance n’est pas accordée, mais conquise par la liberté d’entreprendre, garantissant elle-même la liberté d’expression. » (voir notamment Gabszewicz & Sonnac, 2006 et Toussaint-Desmoulins, 2008). 25 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 L’information : un bien expérientiel Une autre caractéristique, qui n’est pas sans conséquences sur le modèle d’affaires de la presse écrite, réside dans le caractère expérientiel de l’information. C’est ainsi que la qualifie Richard Caves dans son ouvrage Creatives Industries (2002). Dans la mesure où la valeur des contenus ne peut être évaluée comme les autres produits avant l’acte d’achat, ils requièrent d’être testés : ainsi, on ne connaît la valeur de l’information qu’après l’avoir consommée car il réside une incertitude sur sa qualité intrinsèque jusqu’à sa consommation effective (Nobody knows). Cette caractéristique impose aux entreprises médiatiques des procédures de sélection et de signalisation capables de susciter le désir d’expérience. Ces procédures sont intenses dans le cas de biens informationnels et s’appuient sur l’identification de composantes connues : titre de presse, nom des journalistes, marque du groupe, etc. La capacité d’expérience des individus étant limitée, une concurrence sur la signalisation va s’exercer entre les biens : les mieux signalés seront consommés les premiers (Bomsel, 2007). Ce phénomène a pour incidence majeure pour les entreprises de presse d’engager de fortes dépenses en marketing, en promotion des produits, et contraint les producteurs à s’appuyer sur une marque ou sur une réputation, nous y reviendrons dans notre deuxième point. L’information : un produit éphémère aux coûts fixes élevés L’information est par essence éphémère, et ce caractère périssable oblige l’éditeur de la chaîne de valeur à mettre en place une infrastructure de production coûteuse. C’est notamment le cas des quotidiens dont la périodicité est courte, comparativement à celle des magazines. Ceci se traduit notamment par l’embauche d’un nombre suffisant de journalistes pour collecter l’information, la traiter. L’imprimer puis la diffuser rapidement suppose l’installation de rotatives pour assumer la reproduction du titre en un nombre d’exemplaires qui permettra de couvrir la demande (Le Floch & Sonnac, 2005). Il en résulte que le coût du premier exemplaire, coût du titre produit chaque jour, considéré comme le prototype, apparaît comme un coût fixe. Il est extrêmement élevé et doit être consenti, quel que soit le nombre d’exemplaires produits. En revanche, le coût unitaire de production, très élevé quand le nombre d’exemplaires produits est faible, diminue considérablement quand celui-ci augmente : les charges qui correspondent à la production du prototype sont de mieux en mieux réparties. C’est le phénomène d’économies d’échelle. Dès lors, le rapprochement entre entreprises de presse va permettre la non- duplication de ces coûts fixes si élevés, et 26 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires les entreprises de grande taille seront ainsi favorisées au nom d’une plus grande efficacité économique. Cette structure de coûts atypique, notamment dans le différentiel qui oppose coûts fixes élevés et coûts de reproduction faibles, privilégie, nous venons de le voir, les entreprises des grande taille ou les rapprochements entre les entreprises qui souhaitent bénéficier de ces avantages. La concentration du secteur constitue donc un argument d’efficacité économique, mais qui n’est évidemment pas sans poser des problèmes en termes de pouvoir de marché ou de risques engendrés par une information placée entre les mains de quelques-uns. Ce sont toutes ces caractéristiques économiques qui spécifient et distinguent l’activité de presse des autres activités ou services, et traduisent le particularisme de son modèle d’affaires. Le principe économique du marché réside dans l’appropriation d’une partie de la valeur économique créée par son producteur. Dans un modèle d’économie traditionnelle, aucun producteur ne se présenterait sur le marché s’il n’était pas certain qu’en y cédant son bien ou son droit à utilisation de son service, il pourrait récupérer une valeur monétaire. La manière dont on s’approprie cette valeur constitue un modèle d’affaires. Dans le cas des industries de presse, mais aussi pour l’ensemble des autres industries médiatiques, compte tenu des caractéristiques économiques soulevées, le modèle d’affaires diffère du modèle traditionnel. C’est l’objet de notre deuxième point. La presse écrite : une économie de plateforme Après avoir évoqué les caractéristiques économiques du bien informationnel, il convient à présent d’en comprendre les conséquences : bien non rival, expérientiel, éphémère aux coûts fixes élevés, chaque trait de l’information en estampille la singularité économique, d’où le concept de « nœud d’imperfections ». Non-rivalité, agrégation des préférences et incitation à la production La non-rivalité de l’information, qui rappelons-le, implique que la consommation d’un bien par un agent ne diminue pas la consommation de ce même bien par un autre agent, se traduit économiquement par la considération d’une consommation uniforme du bien par tous les agents. Dans le cas d’un bien privé (rival et avec exclusion), l’acquittement d’un prix pour un produit par un consommateur définit sa préférence. Dans le cas d’un bien distribué gratuitement, il n’existe 27 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 plus d’indicateur de préférences, le bien n’est plus véritablement choisi, au sens de l’économie traditionnelle. Dès lors, comment connaître les préférences des consommateurs ? Comment ajuster la quantité offerte à celle demandée, dans la mesure où la demande n’est pas affichée ? Le principe de non-rivalité implique de trouver un « indicateur de préférences sociales » qui comprend les préférences des agents, n’écarte pas les goûts des minorités et prend aussi en considération la diversité des préférences. Cette question a été posée et approfondie par Kenneth Arrow en 1951, co-titulaire avec John Hicks du prix Nobel d’économie. L’auteur démontre que les règles pour établir un choix collectif ne peuvent répondre à quelques critères issus d’un système d’axiomes « raisonnables ». Il montre qu’il est impossible de définir l’intérêt général à partir des choix individuels, et qu’en dehors de la règle de choix dictatorial, il n’existe aucun indicateur satisfaisant de préférence sociale (théorème du choix social). De plus, la non-rivalité de l’information pose aussi des difficultés en termes d’incitation à la production : sans prix payé par les consommateurs, les producteurs ne peuvent plus dégager des ressources, et ne sont donc plus incités à produire. Des règles doivent être mises en place si l’on souhaite favoriser l’incitation à la production (exclusivité, droit d’auteur, etc.) (voir Bomsel, 2007). Signalisation des biens et dépenses de marketing Nous l’avons vu, la presse écrite est un bien d’expérience, ce qui impose à son producteur d’engager de fortes dépenses en termes de procédures de sélection, de signalétique, d’image de marque, de dépenses en marketing ou encore de promotion des produits. Ces dépenses le contraignent à s’organiser pour faire connaître son produit auprès des consommateurs le plus tôt possible et à mobiliser très rapidement les ressources de l’appropriation, pour éviter notamment que l’incertitude liée à la nature du bien ne se retourne contre lui. Enfin, il lui faudra déclencher des processus d’agglomération autour de son produit, processus souvent rendus possibles par le fait que la satisfaction d’un utilisateur de contenu dépend du nombre d’utilisateurs du même contenu : abonnements, promotions à bas prix pour le lancement de nouveaux biens ou services, etc. Ici aussi, les entreprises de grande taille sont privilégiées, notamment les groupes qui disposent de moyens financiers importants pour investir dans des campagnes promotionnelles. 28 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires Double financement, plateformes d’échanges et effets de réseaux La structure de coûts atypique conduit les firmes de grande taille à bénéficier des économies d’échelle et de gamme. Ces dernières se définissent ainsi : il est moins coûteux économiquement qu’une seule entreprise fabrique deux produits, plutôt que deux entreprises fabriquent chacune un seul produit. En diversifiant son activité, par la production de différents biens par exemple, l’entreprise éditoriale bénéficie des synergies de coûts (effet de taille, économie de gamme) et des synergies de revenu, où le développement d’une activité sert au développement d’une autre : la valeur de plusieurs activités combinées est supérieure à la valeur de ces activités prises séparément. À cette structure de coûts se greffe le caractère non rival de l’information qui conduit à ce que le coût entraîné pour servir un consommateur supplémentaire (coût marginal) soit quasiment nul. Cet argument vaut d’autant plus que le nombre d’exemplaires fabriqués est grand. Or, la tarification au coût marginal est celle qui garantit l’allocation optimale des ressources, dans le cas de biens rivaux. Dans l’économie des médias, servir les lecteurs au coût marginal signifie les servir à un prix nul, avec l’assurance alors pour l’éditeur d’un déficit budgétaire ! En effet, en situation concurrentielle, on considère que le prix mesure l’utilité du dernier consommateur qui achète le produit à ce prix. Dès lors, l’égalité du coût marginal à ce prix garantit la valeur des ressources détournées pour satisfaire la demande de ce consommateur et est exactement égale à l’utilité retirée de la satisfaction de cette demande. Reprenons l’exemple donné par Gabszewicz et Sonnac (2006, p. 97) : « Si le coût marginal était strictement inférieur au prix, il y aurait socialement avantage à accroître la production d’au moins une unité : le gain de satisfaction ainsi obtenu en servant un consommateur supplémentaire ferait plus que compenser la valeur des ressources nécessaires à produire cette unité (le coût marginal). L’allocation des ressources ne serait alors pas efficace. L’égalité du prix de vente et du coût marginal, condition réalisée spontanément par le marché concurrentiel, conduit à une affectation efficace des ressources entre les entreprises et les consommateurs ». L’éditeur, en tarifant son prix de vente au coût marginal (donc à zéro), se voit contraint de se tourner vers d’autres sources de financement, tels la subvention publique, le sponsoring ou le financement publicitaire. C’est la genèse du double financement de la presse. Faire appel aux consommateurs et aux annonceurs inscrit le modèle d’affaires de la presse écrite dans un schéma plus général de celui de 29 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 l’économie des plateformes, appelé marché à deux versants (Two-sided markets). Une plateforme est un intermédiaire qui rend possible et facilite les interactions de deux groupes d’agents qui ont des gains à interagir. Ainsi, les bénéfices d’un agent appartenant à un groupe dépendentils du nombre d’agents de l’autre groupe. Ce phénomène correspond à un « effet de réseau simple ». Cet effet apparaît en particulier dans les industries ouvrant des possibilités nouvelles en matière d’échange d’informations entre les individus. L’exemple le plus connu est celui du réseau de téléphone où plus le nombre de consommateurs connectés au réseau est élevé, plus l’intérêt pour un consommateur d’y être abonné s’accroît, lui donnant la possibilité de communiquer avec un plus grand nombre d’individus. S’agissant de la presse écrite, ce sont des effets de réseaux croisés qui coexistent : la satisfaction d’un consommateur pour un bien vendu sur un marché dépend de la taille de la demande pour un autre bien sur un marché différent, et vice versa. Ici, l’éditeur constitue la plateforme d’informations, qui facilite l’interaction entre deux groupes d’agents, les annonceurs et les lecteurs. Figure n°1 : la plateforme d’informations Plateforme Groupe 1 Audience Groupe 2 Médias (presse écrite, TV, Internet) Annonceurs Les premiers achètent d’autant plus d’espaces publicitaires que la taille du lectorat est grande, l’impact du message publicitaire croît avec la taille de l’audience ! Les seconds, de leur côté, se déplacent sur la plateforme pour le contenu intrinsèque des médias, mais aussi prennent en considération la présence de la publicité dans le média consommé. Cette appréciation de la publicité se traduit en termes économiques par deux types d’externalités3 possibles : des externalités positives si les lecteurs sont publiphiles, ils seront d’autant plus satisfaits de la consommation de leur titre si la quantité de publicité y est importante (la publicité est considérée alors comme informative) ou encore, l’externalité sera considérée comme positive, si le prix d’accès à l’information est nul. Le désagrément causé par la présence de publicité 30 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires dans le titre est compensé par la gratuité d’accès. Les externalités peuvent être aussi négatives dans le cas de lecteurs publiphobes, la publicité est considérée alors comme persuasive et constitue une véritable nuisance. Chacune des deux relations (annonceurs - médias et médias - lecteurs) engendrent des effets de réseaux croisés. Interaction des marchés et pluralisme Le modèle économique de la presse écrite repose donc sur une économie de plateforme et d’interactions stratégiques entre le marché des médias et celui de la publicité. Trois questions relatives à cette interaction se posent. La première concerne d’abord la structure de prix adoptée par l’éditeur de presse : quelle sera la combinaison du mode de financement qu’il choisira ? Ensuite, quel niveau des prix sera évalué, prix de vente et tarif publicitaire ? Enfin, quel ratio « volume de publicité / contenu médiatique » sera préféré. En d’autres termes la question est relative au choix de l’espace « physique » du journal ou du périodique (nombre de pages) consacré à la publicité ? En effet, un éditeur peut décider de n’inclure aucune publicité au sein de son titre et facturer l’intégralité de son coût de production aux lecteurs. Ceux-ci doivent alors être en mesure de payer un prix à l’exemplaire obligatoirement élevé (en tout cas, plus élevé que celui qu’ils devraient acquitter s’ils n’étaient pas seuls à payer). Au contraire, l’éditeur peut décider de laisser une large place à la publicité dans son journal et pratiquer un prix de vente facial aux lecteurs très faible, voire nul. C’est le cas de la presse gratuite d’information, où les annonceurs sont les seuls à assurer la couverture intégrale des coûts. La situation intermédiaire est celle qui est adoptée par la majorité des titres de presse, à savoir que l’éditeur affiche une structure tarifaire qui repose sur le double financement. Ici, la structure des prix et le niveau des prix sont étroitement liés : selon la structure choisie, le niveau des prix sera déterminé. De même, dans la mesure où les préférences des consommateurs sont corrélées en partie au volume publicitaire du média (les lecteurs peuvent être publiphiles ou publiphobes), le ratio volume publicitaire/contenu médiatique dépend lui-même du niveau des prix pratiqués sur les deux marchés. Dans la détermination de ces prix, le choix de la meilleure stratégie par l’entreprise médiatique dépend en partie de la sensibilité du lectorat au prix (élasticitéprix de la demande pour le journal) et du ratio publicité/contenu. Enfin, elle dépend aussi de la sensibilité de la demande des annonceurs au tarif publicitaire : combien sont-ils prêts à payer pour une large diffusion ou une diffusion ciblée ? 31 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 La structure de marché a évidemment de fortes incidences sur l’économie du secteur. D’abord, dans un marché à deux versants tel que nous l’avons défini, le contenu médiatique peut être influencé par le désir de propriétaires des médias d’offrir un vecteur qui touche le plus grand nombre possible d’annonceurs et de consommateurs ; il existe alors un biais potentiel dans la sélection d’informations. Ensuite, dans les marchés traditionnels, les consommateurs ont une disponibilité à payer affichée pour les produits qu’ils souhaitent consommer. Et ils sont seuls à le faire. Dans le secteur de la presse écrite, le pouvoir des consommateurs est en partie transféré aux annonceurs qui ont la possibilité, en tant que principal financeur, d’imposer un certain « type » d’informations que les éditeurs se doivent d’offrir aux lecteurs. Le rôle de la publicité peut aussi dépasser celui de la seule influence possiblement exercée sur le contenu. C’est ce que nous allons à présent traiter. Effets de réseaux et pluralisme Une première question concerne l’incidence du financement publicitaire sur la nature de la concurrence que se livrent les entreprises qui opèrent dans l’industrie. Les entreprises de presse sont confrontées à une concurrence sur deux marchés distincts : le marché de l’information (news, culture, divertissement) et le marché publicitaire. Or, les demandes qui en émanent diffèrent : les lecteurs désirent un certain type de contenu informationnel, et les annonceurs souhaitent atteindre soit des titres qui bénéficient d’une diffusion importante (grand nombre de lecteurs), soit une audience spécifique, c’est-à-dire une certaine composition de lectorat en termes d’âge, de sexe ou de catégorie socioprofessionnelle. Cependant, et nous l’avons déjà souligné, les lecteurs ne sont pas systématiquement neutres face à la présence de la publicité dans leurs journaux ou périodiques. Dans tous les cas, leur réaction exercera une influence sur la concurrence qui s’exerce entre les firmes, puisque celles-ci se disputent le lectorat. Ainsi, les effets de réseaux croisés issus de l’interaction entre ces deux marchés affecte-t-il la répartition en volume des ratios contenu médiatique/publicité et la formation des prix sur chacun des marchés. Une deuxième question concerne l’incidence du financement publicitaire sur le contenu intrinsèque du média, voire sur sa diversité. Si un média est financé exclusivement par la publicité, il conviendra d’offrir aux annonceurs un produit « attractif », où la taille de l’audience est l’indicateur principal de sa mesure. Or, cette taille dépend ellemême de son contenu. Dès lors, la dépendance financière des éditeurs à 32 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires l’égard des annonceurs peut les conduire à biaiser les contenus offerts. Une orientation systématique des contenus médiatiques à « haute teneur d’audience » spolie en partie des consommateurs, minoritaires en nombre, de la diffusion de certains contenus. De même, les titres de la presse écrite en concurrence, notamment ceux de la presse magazine, peuvent être conduits à privilégier une réplication de leurs contenus plutôt qu’à leur diversification. Ceci est particulièrement fort sur certains segments de marché comme celui, par exemple, de la presse de télévision, qui comprend plus d’une vingtaine de titres pour in fine avoir pour seule vocation d’informer les lecteurs des programmes de télévision. Cette tendance à l’uniformisation du contenu médiatique s’accentue lorsque l’accès au média est gratuit : la première raison pour laquelle les entreprises sont incitées à se différencier est de vouloir atténuer la concurrence en prix, par définition inexistante dans le cas de médias gratuits ! Une troisième question résulte du caractère « public » du produit médiatique (au sens économique du terme), et pose la question de sa production et de son financement. D’abord, les réglementations qui visent à réaliser des objectifs d’efficacité économique peuvent entrer en conflit avec la poursuite d’objectifs collectifs, tels le maintien de la pluralité d’opinions, la diversité des titres ou encore le respect de la démocratie. Plusieurs questions sous-jacentes en dérivent. D’abord, le choix du mode de financement à adopter : les entreprises doivent-elles faire appel de façon systématique à la subvention publique ou encore au double financement, sachant qu’un prix nul pose le problème d’agrégation des préférences (voir le premier point de la section). La deuxième question concerne le biais potentiel des contenus médiatiques suite aux modalités de financement. L’interrogation porte alors sur les conséquences possibles de ce biais, d’abord, des conséquences sur le bien-être des consommateurs ensuite, sur le fait que certaines catégories de lecteurs soient écartées du fait du peu d’attrait qu’elles représentent aux yeux des annonceurs. De même, des questions relatives aux conséquences du financement publicitaire sur la « qualité » des produits offerts se posent (voir notamment Clément, 2002). Ces interrogations rejoignent la question précédente relative à la structure de marché des entreprises de presse. La concentration des médias est perçue de façon négative par les pouvoirs publics et les consommateurs qui redoutent la réduction du nombre de titres et, par voie de conséquence, une réduction de la diversité et du pluralisme des opinions. La propriété de plusieurs titres, chaînes de télévision ou stations de radio entre les mains d’un seul et même groupe font craindre 33 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 une trop grande influence du pouvoir du propriétaire, ou encore, de voir se répandre une forme de « pensée unique ». Certains travaux remettent en cause cette systémique, notamment ceux de Steiner (1952). En effet, dans le cas où deux bouquets de chaînes de télévision sont en concurrence sur le marché publicitaire, Steiner met en évidence qu’une structure monopolistique offre plus de diversité qu’une structure concurrentielle. L’auteur compare deux situations : celle d’un bouquet de chaînes détenu par un propriétaire unique (monopoleur) avec des chaînes en concurrence détenues par des propriétaires distincts. Quelle que soit la structure, les chaînes sont financées par la publicité, avec pour objectif la maximisation de l’audience. Le monopoleur est en situation de recueillir la totalité de l’audience puisqu’il détient toutes les chaînes de son bouquet, sans qu’il ait besoin de s’inquiéter de la ventilation des téléspectateurs (et donc des programmes diffusés) ; en revanche, les propriétaires de chacune des chaînes, en appliquant le critère de maximisation de l’audience, proposent un éventail de programmes moins diversifié, se partageant l’audience du programme le plus fédérateur. Steiner vise ainsi à mettre en évidence l’incidence possible du financement publicitaire sur la diversité des programmes offerts, en montrant la duplication possible du contenu. De même, la concentration des activités au sein d’une même entreprise s’accompagne souvent d’une politique de « niches multiproduits », en partie motivée par la recherche de cibles publicitaires spécialisées sur certaines catégories spécifiques de consommateurs. Le marché de la presse magazine est particulièrement significatif à cet égard : le nombre d’acteurs n’a jamais été si réduit, pour autant, la quantité des titres n’a jamais été aussi importante. L’organisation du marché de la presse écrite et ses modalités économiques de fonctionnement s’appuient sur les interactions stratégiques entre le marché médiatique et celui de la publicité, avec un financement de part et d’autre de la plateforme. Aujourd’hui, cet équilibre est bouleversé par la révolution numérique, qui se traduit notamment par une mutation des comportements. La gratuité d’accès d’un grand nombre de produits culturels tend à privilégier une tarification totalement asymétrique, où seuls les annonceurs assurent la couverture des coûts au profit d’un accès gratuit des lecteurs à l’information. Dès lors, les éditeurs se trouvent face à un nouveau modèle à inventer, avec la question centrale de la monétisation des audiences. C’est l’objet de notre dernière section. 34 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires Vers un nouveau modèle d’affaires ? L’Internet – et tout particulièrement le Web – est devenu l’outil de référence de l’ère numérique : « 83 % des internautes européens ont déclaré ne pas pouvoir vivre sans au moins une activité en ligne ; 32 % d’entre eux affirment ne pas pouvoir se passer de la messagerie électronique et 96 % admettent moins pratiquer une autre activité à cause de l’Internet4. » Ces chiffres à la hausse sont particulièrement éloquents pour la population d’âge comprise entre 16 et 24 ans, où l’on observe pour la première fois que les jeunes passent 10 % de temps supplémentaire à naviguer sur l’Internet plutôt qu’à regarder la télévision5. Cette possible substitution entre un média émergent et les médias traditionnels est un phénomène totalement nouveau : « 71 % des internautes français pensent délaisser les autres médias pour l’Internet, 51 % admettent regarder moins la télévision, 39 % moins lire la presse écrite et 30 % écouter la radio moins fréquemment6. » Dans cette déferlante numérique, se greffe la situation particulière de la presse écrite. Selon une étude InfoCom (2008), plusieurs tendances méritent d’être soulignées en Europe de l’Ouest : d’abord, il existe une corrélation négative entre le taux de pénétration des titres de presse et les usages de l’Internet ; ensuite, la diffusion des quotidiens payants décroît entre 2002 et 2006 : moins 12,5% au Royaume-Uni, moins 11,1% au Danemark, moins 5,7% en France, moins 4,5% en Italie, etc. ; enfin, cette diminution des ventes coïncide avec une baisse des revenus publicitaires qui s’est poursuivie en 2007 en Europe : moins 2,8%. En France, la situation semble être encore plus marquée. Entre 2000 et 2007, la presse quotidienne régionale payante a chuté de 8,5 %, tandis que la presse quotidienne nationale de 11,3 % (étude Xerfi, 2008). Pour autant, la presse gratuite d’information (Métro, 20Minutes) bénéficie, quant à elle, d’une diffusion de 560 millions d’exemplaires en 2007, alors qu’elle n’est présente sur le territoire hexagonal que depuis 2002. Prenant conscience de l’impact de l’Internet, de l’érosion de leurs ventes, et de l’attrait privilégié que représente le Web aux yeux des annonceurs et des consommateurs, les éditeurs ont choisi de décliner leur offre en ligne. Avant de mettre en évidence les différents modèles d’affaires et le nouvel environnement concurrentiel des éditeurs, il convient d’abord de présenter les différentes plateformes que l’on peut trouver sur l’Internet. Evans, Hagiu et Schmalensee (2005) en distinguent trois : 1. les plateformes d’échanges qui renvoient aux places de marché électroniques (tels Amazon.fr ; ebay.fr, etc.), aux sites de référencement, aux comparateurs de prix ou encore aux sites de rencontres. Leur objectif est la mise en relation des différents agents pour procéder à 35 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 des transactions directement ou non ; 2. les plateformes d’exploitation, comme Linux ou Windows, ont pour objet de fournir à des utilisateurs finaux l’accès à plusieurs applications ; 3. les plateformes d’audience comprennent les moteurs de recherche (Google), les portails (Yahoo, MSN) et les sites en ligne des médias traditionnels (radios, TV, sites de journaux – lefigaro.fr, lemonde.fr, etc.). Ces plateformes permettent la mise à disposition d’audiences quantitatives et qualitatives auprès des annonceurs (voir Greffe & Sonnac, 2008). Les auteurs soulignent qu’à chaque plateforme correspond un modèle d’affaires et une dynamique propre, son succès tenant en sa capacité à structurer ses utilisateurs en communautés et à leur proposer des services et des outils qui faciliteront leurs interactions sociales virtuelles. Les éditeurs de presse en ligne ont commencé par transcrire leur modèle d’affaires papier sur le Net en faisant payer aux lecteurs un abonnement mensuel ou annuel, ou encore, en mettant en place un système de paiement à l’acte d’archives ou d’articles à l’unité (New York Times, El Païs, etc.). Pour la plupart d’entre eux, ces pratiques se sont soldées par des échecs, c’est le cas d’Irish Times, qui a vu une chute de 95 % de son audience en ligne suite au passage à un modèle payant en 2003 (Idate, 2008). Rapidement, les éditeurs ont donc dû adapter leur modèle traditionnel de presse aux nouvelles exigences de l’internaute, qui marque nettement sa préférence pour un accès et une consommation gratuites de l’information. Vers un nouveau défi : la gratuité comme modèle dominant L’accès gratuit à de nombreux contenus, souhaité par les entreprises médiatiques (presse gratuite d’information, télévision généraliste, radio) ou imposé (comme le piratage dans l’industrie du disque, par exemple) conduit l’ensemble des acteurs du monde des médias à reconsidérer leur modèle d’affaires, qui s’appuie sur le mécanisme de la plateforme d’échanges. La gratuité constitue une dimension essentielle dans l’ère du numérique, même si elle ne représente pas un phénomène nouveau pour les médias de masse. En effet, les biens informationnels n’ont pas toujours été payés par leurs utilisateurs directs : mis sous tutelle pour des raisons politiques et sociales, prescripteurs publics, mécènes privés, parrains, publicitaires, etc., sont toujours intervenus dans leurs financements. D’ailleurs, le financement des médias par la publicité n’est pas récent, puisque le secteur de la presse écrite s’est tourné vers le marché des petites annonces au 17e siècle et vers celui de la publicité au 19e. Cette dernière s’est rapidement développée avec l’essor de l’économie et a joué un rôle non négligeable dans le rapprochement de la presse avec 36 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires les circuits marchands. Il revient à Émile de Girardin d’avoir théorisé le rôle de la publicité en lançant La Presse en 1836, énonçant de fait pour la première fois l’existence d’un double marché, avec l’idée selon laquelle si le journal est vendu deux fois, alors il pourra être moins cher pour les lecteurs, et voir ainsi sa diffusion augmenter plus rapidement. La publicité comme seconde source de financement crée le bénéfice du journal. Pour autant, ce modèle connaît deux évolutions majeures récentes : dans un premier temps, l’appel aux recettes publicitaires en complément d’un premier financement – généralement celui des consommateurs – s’est répandu à l’ensemble des médias de masse ; ensuite, le modèle économique des médias s’est concentré sur une source unique de financement, le versant publicitaire : l’ère du « tout gratuit » a sonné comme une véritable révolution culturelle et sociologique, offrant la possibilité aux usagers de biens informationnels de ne plus payer pour les consommer : journaux en ligne, musique, films, vidéos, etc. Soulignons que si la gratuité ne signifie pas l’absence de valorisation économique, pour autant élargie à l’ensemble des biens informationnels, elle implique des mécanismes de révélation et de mobilisation des valeurs économiques différents et plus complexes. C’est ce que nous allons tenter de mettre en évidence. Dans ce nouvel environnement, les éditeurs ont compris qu’ils ne pouvaient plus se considérer comme de « simples » entrepreneurs aux produits spécifiques, mais comme de véritables intermédiaires d’échanges. Nous venons de le montrer, les médias sont des marchés à deux versants depuis leur origine, qui jouent le rôle d’interface entre deux groupes d’agents distincts : les annonceurs et les lecteurs. Ces deux groupes constituaient, jusqu’à présent, deux sources de revenus potentiels pour eux, liés par des effets de réseaux indirects positifs ou négatifs, selon les réactions des lecteurs vis-à-vis de la publicité. Dans cette analyse, et ce point a fait l’objet de notre deuxième section, on a mis en évidence que, d’une part, l’éditeur prend en considération les comportements des lecteurs et l’inclut dans sa structure tarifaire ; d’autre part, que cette structure tarifaire a des incidences sur les contenus médiatiques et sur la diversité des produits offerts, par voie de conséquence, sur la concentration du secteur. Le fait que la nouvelle structure tarifaire soit totalement asymétrique – un seul versant du marché paie – accentue l’ensemble des effets précédemment identifiés. Deux conséquences apparaissent comme essentielles : la question de la monétisation de l’audience et les conséquences des effets « boule de neige » qui placent les éditeurs dans un nouvel environnement concurrentiel. 37 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 La première conséquence est celle de la place de l’audience et de sa monétisation dans les nouveaux modèles d’affaires. Ici, le lectorat (et les publics), ainsi que l’ensemble des instruments et outils de sa mesure, deviennent centraux. En effet, progressivement, l’audience est devenue l’indicateur qui permet de fixer la valeur des espaces publicitaires mis en vente, formatée dans ce dessein dès son origine. En tant qu’opérateurs essentiels de la viabilité économique, les résultats d’audience, notamment quantitatifs, deviennent les données légitimes. Dès lors, la mesure d’audience s’impose comme un puissant système de consultation du public7. Dans l’ère du numérique, la publicité est la seule source de financement, et donc la seule à contribuer aux ressources d’un site lorsque celui-ci bénéficie d’une audience importante ou qualifiée. L’incidence possible du financement sur le contenu se trouve amplifiée. Par ailleurs, et il est important de le spécifier, la tarification de l’audience en ligne est beaucoup moindre que pour la presse papier. L’étude de l’Idate (2008) souligne que « même si les comparaisons des tarifs restent difficiles en raison de la différence des formats papier et Internet, des remises concédées, etc. […] Le coût de contact pour mille personnes (CPM) est de 5 à 10 fois moins élevée sur un site Internet par rapport au journal papier. » De nouveaux outils dits de « capture d’attention » doivent être alors déployés pour parvenir à attirer le plus de consommateurs afin de drainer du trafic et compenser, au moins en partie, la perte générée par la baisse des revenus du papier et les moindres revenus publicitaires engrangés sur le Net. L’économie de l’information tend alors vers une économie dite de l’attention. Cela conduit les éditeurs-fournisseurs de contenus numériques à capter l’attention du consommateur potentiel et à la mobiliser au profit de la publicité commerciale, et en outre à reconnaître les comportements des consommateurs (Chantepie, 2008). La seconde conséquence est liée au modèle du numérique qui se fonde sur la logique selon laquelle « plus c’est utilisé, plus c’est utile ». C’est en quelque sorte l’effet boule de neige. Les réseaux de communication – téléphone, fax, mail, messagerie instantanée, etc. – représentent des exemples classiques d’effets de réseaux directs déjà évoqués, où plus le nombre de consommateurs connectés est grand, plus l’utilité d’appartenir au réseau croît, le consommateur ayant ainsi la possibilité de communiquer avec un plus grand nombre de personnes. D’un point de vue économique, cela signifie que le prix que les consommateurs sont prêts à payer demain sera d’autant plus élevé que le nombre de consommateurs présents aura augmenté. L’élargissement de la base d’abonnés rend le réseau plus attractif. Une entreprise qui met 38 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires à disposition un « bien réseau », tel le téléphone ou l’Internet, pourra pratiquer dans un premier temps une politique tarifaire de bas prix afin d’élargir, de façon conséquente, sa base installée d’abonnés qu’elle sera en mesure de mieux valoriser après. Contrairement aux médias traditionnels, les fournisseurs d’accès à l’Internet (FAI) et les opérateurs de télécommunications sont ici beaucoup plus puissants pour créer et bénéficier de tels effets de réseaux : les services de téléphonie leur permettent de générer des effets de réseaux simples, les services liés à l’Internet leur permettent de générer des effets de réseaux croisés, dont le mode de financement principal est la publicité. Cette seconde source d’effets de réseaux se combine à la première, et l’amplifie. Dès lors, ces effets couplés sont générateurs d’effets structurels importants une fois les masses critiques atteintes. Le volume global de l’activité dépend donc de la participation des deux groupes d’agents et de l’usage que feront ces groupes de la plateforme. C’est dans ce nouvel environnement que les éditeurs de presse se trouvent, c’est-à-dire en concurrence directe avec non plus de simples éditeurs comme eux, mais avec des agences de presse, des portails, voire des moteurs de recherche qui génèrent des trafics d’audience nettement supérieurs aux leurs. Dans le modèle d’affaires du tout-gratuit, la stratégie des médias et des principaux acteurs du Web repose donc sur leur capacité à générer de l’audience et à la monétiser auprès d’annonceurs. Ainsi, avec Google qui génère 40 % du trafic d’un site de presse en moyenne, les journaux ne sont désormais plus en position de force pour revendre des contenus aux grands moteurs de recherche (Idate, 2008). Dans la course à l’audience, le référencement apporté par les moteurs de recherche joue un rôle très important, presque aussi important que la notoriété d’un titre. Conclusion Nous l’avons vu, la publicité est le moyen prioritaire pour monétiser la numérisation des contenus de presse, les revenus générés étant directement liés à la fréquentation des sites. Dans ce nouveau modèle d’affaires, plusieurs questions – voire difficultés – se posent aux sites de presse en ligne. D’abord, dans l’univers du papier, le marché de la presse a longtemps obéi à une segmentation claire établie en fonction de la thématique et de la périodicité. La multiplication du nombre de sites d’information et l’abolition de la périodicité brouillent les frontières de la segmentation papier (les contraintes de bouclage sont devenues 39 Les Cahiers du journalisme n o 20 – Automne 2009 inexistantes, l’information est délivrée en temps réel, etc.). Ensuite, la concurrence sur Internet est totalement éclatée. Nous l’avons vu, les sites d’information proviennent de contenus des professionnels, des « pure players », des moteurs de recherche, voire des internautes eux-mêmes. En ligne, seule compte la valeur de l’information, c’est-à-dire son degré de non-substituabilité, impliquant une modification de la chaîne de valeur qui fragilise encore la position des journaux. Par ailleurs, dans ce nouvel environnement, la publicité devient partie intégrante des plans médias et contribue significativement aux ressources d’un site de presse lorsqu’il peut justifier d’une audience importante ou de qualité. L’accès payant aux contenus ne devient possible que pour des informations à forte valeur ajoutée, susceptibles d’intéresser des entreprises. Dès lors, la fragmentation, l’émiettement de l’audience en publics, est le premier indicateur qu’un site Internet va faire valoir auprès des annonceurs. Enfin, la dernière difficulté concerne la viabilité économique de ce nouveau modèle d’affaires, où la tarification publicitaire en ligne est bien inférieure à celle du papier. La monétisation de l’attention des internautes ne semble pas encore suffire pour garantir la viabilité du modèle ■ Notes 1. Il convient de préciser, qu’à l’exception de deux ou trois titres de journaux (comme le Canard Enchaîné par exemple), le double financement (publicité et lecteurs) est le modèle d’affaires le plus répandu dans le secteur de la presse écrite en France, même si la ventilation des recettes diffère d’un titre à l’autre (les recettes publicitaires des magazines sont supérieures à celle des titres de presse quotidienne). En ce qui concerne la télévision, plusieurs modèles d’affaires coexistent : la télévision publique (financée pour partie par la publicité et par le téléspectateur, via la redevance), la télévision à péage (financée pour partie par la publicité et principalement par l’abonnement des téléspectateurs) et la télévision commerciale (essentiellement financée par la publicité, même si de plus en plus la participation des téléspectateurs – envois de SMS dans les émissions de télé-réalité par exemple – constitue une recette non négligeable). De même, pour le modèle de la radio, il convient de distinguer la radio publique de la radio commerciale. Quant au cinéma, il bénéficie lui aussi de ce même double financement (spectateurs et publicité), mais dans des proportions moindres. Par ailleurs, il est important de préciser que les médias bénéficient de l’intervention de l’État, qui prend des formes différentes selon le média concerné (aides directes et indirectes, redevance, etc.). Le double financement constitue le point de départ de la réflexion sur l’économie des plateformes, même si pour certains supports, le consommateur ne paie plus ou pas pour consommer. 2. Il convient de préciser que cette classification a été reprise par un très grand nombre 40 L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires d’économistes. Néanmoins, elle a fait l’objet de discussions, opposant notamment Samuelson à Ronald Coase, de l’école du Public Choice [Coase R. (1974), « The Lighthouse in Economics », Journal of Law and Economics, October, p. 357-376]. Ce dernier a en effet critiqué cette classification en prenant l’exemple du phare, considéré à la différence de Samuelson, comme un bien public rival et avec exclusion, et non comme un bien public. 3. Rappelons qu’une externalité désigne une situation économique dans laquelle l’acte de production ou de consommation influe positivement ou négativement sur la situation d’un autre agent non impliqué dans l’action sans que ce dernier ne soit récompensé ou dédommagé. 4. Étude réalisée pour le compte de l’EIAA (European Interactive Advertising Association) et menée selon la technique des entretiens téléphoniques aléatoires dans les 10 pays les plus riches d’Europe. Selon l’étude Médiascope Europe publiée en décembre 2007, 57 % des Européens accèdent régulièrement au Web, soit un total de 169 millions de personnes. 5. De façon générale, les internautes français déclarent passer en moyenne 12,7 heures par semaine sur Internet, situant ainsi la France à la troisième place du temps passé en ligne, derrière l’Italie (13,6 heures/semaine) et la Suède (13 heures/semaine). La moyenne européenne est à 11,9 heures/semaine. 6. Phénomène confirmé par une étude réalisée par l’APPM (Association pour la promotion de la presse magazine) soulignant le phénomène de transfert, voire de compensation entre les dépenses publicitaires du « print vers le Web », Les clés de la presse, n°5, novembre-décembre 2008. 7. Les mesures d’audience sur l’Internet recouvrent deux méthodologies distinctes : les mesures site centric chiffrent la fréquentation des sites, et les mesures user centric portent sur le comportement des internautes. On note aussi le nombre de pages vues sur l’Internet, visiteurs uniques, taux de clics, etc. Références bibliographiques ARROW Kenneth (1951), The Economics of Information, Cambridge (Mass.), Harvard University Press. BOMSEL Olivier (2007), Gratuit ! Du déploiement de l’économique numérique, Paris, Gallimard. CAVES Richard E. (2002), Creative Industries : Contracts between Art and Commerce, Cambridge (Mass.), Harvard University Press. 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La formule la plus classique consiste à présenter celui-ci comme le fruit de la rencontre entre l’informatique et les télécommunications, intervenue dès la fin des années 1960. Concernant les médias, il s’agit d’abord de l’augmentation continue de la puissance des ordinateurs alors que leur taille et leur prix diminue régulièrement. Les « mini-ordinateurs » vont entrer dans les entreprises de presse dès les années 1970. Ils permettent la numérisation des textes, sont associés à la photocomposeuse, en même temps qu’ils gèrent des réseaux de terminaux au sein de la rédaction, comme de l’atelier. Les années 1980 voient apparaître les « micro-ordinateurs », utilisables dans des langages accessibles au plus grand nombre, sur le lieu de travail comme à domicile. Le développement du numérique s’appuie également sur les différentes générations de satellites de communication, en même temps qu’il va bénéficier de la miniaturisation de nombreux outils, à commencer par la caméra, l’appareil photonumérique ou le téléphone mobile multifonctions. Le numérique permet une rupture dans les modes de traitement de l’information. Celle-ci intervient sur quatre plans complémentaires : 1. le process de fabrication, avec l’abandon de la composition à partir du plomb (typographique) remplacée par le couple photocomposition-informatique Les médias à l’ère numérique (Lepigeon et Wolton 1979). Plus tard la rotative est pilotée par ordinateur et les expéditions robotisées ; 2. la digitalisation de l’information, d’abord les textes, puis les images et les sons. Dans les années 1970 apparaissent les premières banques de données d’information grand public ou spécialisées ; 3. les outils de collecte de l’information, d’enrichissement, de traitement et de présentation de l’information ; 4. le transport de l’information, que ce soit vers et au sein des rédactions, avec les « systèmes rédactionnels » (Charon, 1991) ou en direction du public lui-même avec la téléinformatique domestique ou télématique, puis l’Internet proprement dit. Engagée il y a quatre décennies, la numérisation s’opère à des moments et des degrés différents selon les médias. La plus grande facilité à digitaliser les textes et le moindre volume de données à transporter permet des transformations plus rapides dans la presse écrite, alors que les nouveaux médias furent d’abord des médias de texte, au point qu’il fut possible de parler d’un axe de diversification « texte-informatique » (Charon, 1991). Les années 1990 verront le même processus s’engager dans les radios et télévisions, avec l’abandon progressif de l’analogique, alors même que les médias en ligne s’enrichissaient de vidéos et fichiers audio, avec le développement de l’ADSL à partir de 1999 (Dagnaud, 2000). Entreprendre un panorama du bouleversement des médias à l’ère numérique exige de revenir sur quelques repères historiques de ce processus de mutation. Les principales évolutions des médias traditionnels seront examinées avant d’aborder les nouveaux médias. Plusieurs traits dominants dans le traitement de l’information sont alors à relever, avant de s’interroger sur la relation entre les médias et leurs publics, qui voit émerger la notion « d’infomédiaires » (Rebillard & Smyrnaios, 2010). On l’aura compris, l’ambition de cet article est moins d’apporter des informations et des connaissances tout à fait nouvelles que de procéder à un tour d’horizon aussi large que possible de façon à identifier les transformations liées au numérique qui affectent actuellement le journalisme et sur lesquelles on s’accorde généralement, ou, du moins, sur lesquelles on devrait sans doute pouvoir s’accorder. Une mutation longtemps annoncée Rarement mutation aura été annoncée avec un tel luxe de discours prophétiques que cette « révolution numérique ». Tout le corps social en serait profondément transformé, à commencer par les moyens de 15 Les Cahiers du journalisme n o 22/23 – Automne 2011 s’informer et d’informer. Pour la France il faut rappeler l’impact du rapport « Nora- Minc » sur « l’informatisation de la société » (Nora et Minc, 1978) et toute la solennité que l’ancien président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, avait voulu donner à l’événement, lors de rencontres « Informatique et société » organisées au Palais des congrès de la Porte Maillot en septembre 1979 (Actes, 1980). Pour la presse écrite, les premières réalisations remontent au début des années 1970, qu’il s’agisse du lancement des premières banques de données grand public par le New York Times (NYTIS) en 1972, professionnelles par le Wall Street Journal (Dow Jones) en 1978 ; ou encore du premier « système rédactionnel » (saisie directe et accès des journalistes au système informatique documentaire et éditorial) installé à Newsday dans la banlieue de New York, également en 1972, rapidement rejoint par le groupe Gannett qui participe à la mise au point du système pionnier Atex (Burbage, 1981 ; Charon, 1991). La numérisation de l’information est engagée depuis quatre décennies, mais elle parut tout un temps avoir peu d’effets sur la place et l’équilibre entre les médias, si ce n’est la question de l’apparition d’un nouveau média ou de nouveaux médias s’appuyant sur Internet. Depuis le milieu des années 2000, tout semble se précipiter. Les équilibres économiques des médias traditionnels, à commencer par la presse quotidienne, sont substantiellement ébranlés. Au premier trimestre 2011, selon la Newspaper Association of America, les quotidiens américains ont vu leurs ressources publicitaires reculer de 9,5 % (par rapport au 1er trimestre 2010). Il s’agissait du vingtième trimestre de recul de leurs recettes publicitaires. Le repli de la publicité accompagne en fait celui de la diffusion puisque les deux semestres 2008 et le premier semestre 2009 ont été marqués par des reculs – 6,4 %, – 7,09 % et – 10,6 % pour ces mêmes quotidiens des États-Unis. Les pratiques du public se transforment : 29 % de Français lisent un quotidien « tous les jours ou presque » (contre 55 % en 1973), mais seulement 10 % parmi les 15-24 ans (Donnat, 2009). De nouveaux intervenants ont pris une place cruciale dans le système d’information (agrégateurs, moteurs de recherche, fournisseurs d’accès, réseaux sociaux, industriels de l’informatique et des télécommunications, etc.), s’intercalant entre les fournisseurs de contenus et leurs publics. Une profonde incertitude domine désormais le paysage des médias. Elle est le produit d’une mutation qui va se poursuivre sur une longue période. 16 Les médias à l’ère numérique Transformation des médias traditionnels et des manières de travailler des rédactions La numérisation de l’information a substantiellement transformé les médias traditionnels en favorisant l’accélération du traitement de l’actualité. Radios et télévisions traitent des événements éloignés instantanément et dans leur continuité (live). Ce qui n’était qu’une promesse s’est concrétisé dès 1989 lors de la révolution roumaine1, suivi dès 1991 des illusions de la « guerre en direct » du Golfe (Toscer, 1991), prenant surtout un caractère très spectaculaire en 2001, avec les attentats au World Trade Center. Plus globalement s’instaure la pratique par les radios et les télévisions d’éditions spéciales traitant les événements exceptionnels ou particulièrement forts dans leur continuité, des heures, voire des jours durant. À une échelle plus modeste, celle du quotidien régional, l’information locale peut être disponible dès le lendemain. La numérisation a également permis dans chacun des médias d’alléger les structures techniques, mais aussi rédactionnelles, en même temps que remontaient vers les journalistes d’anciennes tâches techniques (mise en page, montage, prise de son, etc.). Il s’en est suivi une démultiplication des médias, avec des structures beaucoup restreintes. En radio et télévision sont apparues des chaînes d’information en continu. Dans la presse magazine se sont créés des titres toujours plus spécialisés et segmentés, à un rythme qui pouvait atteindre plusieurs centaines, en France, au début des années 2 000. La presse quotidienne lance des gratuits d’information n’employant que quelques dizaines de journalistes. Sur un plan plus anecdotique et plus « local », l’existence d’un éditeur tel que PlayBac, publiant trois quotidiens et plusieurs périodiques2, avec une équipe d’une centaine de personnes – dont 40 journalistes – est inenvisageable sans un recours optimum aux moyens et techniques numériques. Grâce aux banques de données, banques d’images, puis à l’Internet, les rédactions ont progressivement accédé à une multiplicité de sources, de toutes natures, conduisant à repenser les conditions dans lesquelles les journalistes doivent se porter physiquement sur le terrain ou s’appuyer sur leur propre « terrain » à partir du travail en ligne, jusqu’à la notion de crowd sourcing. Cette opportunité de recourir à ces sources rendues disponibles via le numérique est d’autant mieux accueillie par les entreprises de médias qu’elle intervient alors que les effectifs des rédactions sont en repli et que leurs coûts de fonctionnement sont passés au crible par les contrôleurs de gestion. Sans compter que 17 Les Cahiers du journalisme n o 22/23 – Automne 2011 pour l’information internationale, concernant les crises et les zones de conflit, l’augmentation de la dangerosité de l’exercice du métier dans de nombreuses régions du globe3 peut trouver quelques compensations (via la collaboration avec des journalistes autochtones [Bagdad depuis 2003]4 ou encore les témoignages d’observateurs sur place [cf. Téhéran, 2009 ; Tunisie et Egypte, 2010 / 2011]). Simultanément, avec le numérique, des concurrents – sites d’annonces (Craiglist, Monster, etc.), plateformes d’échanges – siphonnent les petites annonces (PA). Entre 2003 et 2007, Le Figaro, par exemple, voit son chiffre d’affaires de petites annonces passer de 97 millions d’euros à 25 millions (Poulet, 2009). Parallèlement, une multiplicité d’intervenants (portails, moteurs de recherche, sites aux contenus et objets les plus divers) s’emploient à capter une part substantielle de la publicité commerciale. Ils introduisent des modes d’évaluation de l’efficacité des contacts (Charon & Le Floch, 2011) qui invalident les méthodes des régies publicitaires. Les modèles économiques des anciens médias sont à réinventer, avec une urgence particulière pour les quotidiens. Émergence de nouveaux médias En matière de nouveaux médias, le numérique prendra d’abord des formes très éphémères tels Prestel en Grande-Bretagne, le Bildschirmtext en Allemagne (de Bens & Knoche, 1987 ; Vedel, 1989), les réseaux de câbles interactifs de Vidéotron au Canada (Burkhardt, 1984). Des systèmes plus pérennes s’installèrent dès les années 1980 tel le Minitel en France5 ou les réseaux privés à destination des microordinateurs en Amérique du Nord tel que Compuserv (Charon, 1991). Au même moment se mettait en place dans les milieux universitaires, souvent tentés par des modes de communication alternatifs (Cardon & Granjon, 2010), les prémices de l’Internet. Celui-ci est ouvert officiellement au public en 1991, l’Internet Society voyant le jour en 1992. Il ne prend cependant la forme d’un média grand public qu’au milieu de la décennie, voilà donc plus de 15 ans. Internet est-il, à proprement parler, un nouveau média ou le support de nouveaux médias, parmi lesquels, la presse en ligne ? Nombre d’auteurs y voient le « média des médias » sur lequel se retrouveraient les médias traditionnels, ainsi que de nouvelles formes éditoriales. Une telle discussion relève des prospectivistes. Le chercheur en sciences sociales ne dispose pas des outils lui permettant de confirmer ou infirmer une thèse plutôt qu’une autre. En revanche, il 18 Les médias à l’ère numérique peut faire le constat que contrairement aux médias existant jusqu’alors, Internet transforme rapidement ses fonctionnalités, alors même que les supports permettant d’y accéder se diversifient rapidement : smartphones, tablettes, aujourd’hui, e-paper et d’autres dispositifs en cours de développement dans les laboratoires. Or, contrairement à une conception qui considèrerait la question des supports et matériels comme secondaire, chacun de ceux-ci permet des usages différents (mobilité, qualité du visuel, etc.), qui suscitent en retour des approches éditoriales leur correspondant. Sur Internet et ses nouveaux supports cohabite un vaste ensemble d’activités de natures très différentes : communication interpersonnelle (mails, chats), sociabilité virtuelle des réseaux sociaux (Facebook, Twitter), services, échange de musique ou de vidéos, e-commerce, promotion des hommes et des idées (sites, blogs, groupes Facebook et comptes Twitter), etc., et bien sûr information de type journalistique. Elle n’est ni la plus massive, ni la plus rémunératrice. Elle n’est que rarement rentable. Pour l’utilisateur, l’activité professionnelle cohabite, voire s’imbrique, avec l’information, mais aussi le divertissement, la relation, la consommation (Boczkowski, 2010). Pour le même utilisateur, la frontière traditionnelle entre le rôle du public et celui des fournisseurs d’information (journalistes) se transforme, devenant poreuse par endroit ou par moments. D’emblée les médias traditionnels ont vu dans Internet une opportunité, voire une menace6 les conduisant à s’y diversifier sous des formes variées. Le Chicago Tribune hébergé par AOL propose ses premières informations sur Internet dès 1992 (Pélissier, 2001 ; Rebillard, 2009). Le Monde crée un service multimédia en 1994, ses informations sont accessibles via Infoni, en 1995. La même année, Libération, L’Humanité, Le Parisien, les Dernières Nouvelles d’Alsace, Ouest France, etc., créent leur propre service sur Internet. Aujourd’hui il existe certainement peu de titres de presse écrite et certainement de médias qui n’aient une ou plusieurs applications en ligne, sinon accessible via les smartphones ou les tablettes. Des acteurs nouveaux, dit pure players, d’abord peu nombreux, y ont fait leur apparition, tel Salon ou Slate, aux États-Unis. Depuis le milieu des années 2000, ces pure players d’information se sont multipliés. En juin 2011, le Huffington Post a dépassé l’audience de Nytimes.com (New York Times). Les pure players d’information sont une dizaine en France. De nouveaux venus font régulièrement leur apparition, tel Owni en 2010 ou Atlantico, en 2011. 19 Les Cahiers du journalisme n o 22/23 – Automne 2011 Traits dominants de l’information à l’ère numérique Qu’il s’agisse des médias traditionnels (presse écrite, radio, télévision) ou des nouveaux venus, le numérique conduit à l’affirmation de traits saillants en matière de traitement de l’information. Interviennent ici les potentialités des techniques liées au numérique, mais également les choix des applications développées et exploitées par les producteurs de l’information, et par ailleurs privilégiées par les publics eux-mêmes (Dominique Cardon, 2011], dans une interrelation nécessaire. Immédiateté Le premier des traits de l’information lié au numérique, particulièrement spectaculaire dès les années 1980, en télévision par exemple, c’est l’accélération du traitement de celle-ci. Cette accélération est telle qu’il est possible de parler de quasi-immédiateté. Le développement des radios et télévisions en continu en sont l’une des manifestations, tout comme le traitement en live de crises ou événements forts, à coup « d’éditions spéciales », à l’exemple, de la Guerre du Golfe sur la plupart des chaînes. Avec Tienanmen ou encore le siège du Parlement de Moscou, en 1993, CNN fera tout un temps figure de modèle, sa capacité à projeter en quelques heures des dizaines de journalistes sur le lieu de l’événement7 faisant la différence (de Montvalon, 1992). Avec le Web, l’immédiateté conduit aux desks des sites d’actualité au sein desquels les équipes de journalistes se relaient souvent 20, voire 24 heures sur 24. Les « live tweet » en constituent une autre forme plus récente, posant des questions inusitées de validation de contenus produits par des journalistes, mais aussi des divers contributeurs qui vont les rejoindre. Terrain et carnet d’adresses virtuels Un second trait caractéristique du traitement de l’information pourrait être décrit comme un mouvement de déplacement du terrain physique en une forme de terrain virtuel. Le crowdsourcing en est l’une des manifestations, mais plus largement il s’agit de la part, sans cesse plus importante, de sources auxquelles les rédactions accèdent via les réseaux, téléphoniques bien sûr, mais surtout l’Internet sous toutes ses formes, des mails aux blogs en passant par les réseaux sociaux et toutes sortes de sites (de médias, d’entreprises, d’acteurs sociaux et d’institutions). Ce terrain virtuel prend la forme de l’afflux vers les rédactions des médias ou des agences des images du Tsunami de 2004 20 Les médias à l’ère numérique ou des attentats de Londres. C’est également la masse encore plus impressionnante des documents diplomatiques fournis par wikileaks en 2010. Ce sont les multiples blogs de spécialistes du nucléaire après l’accident de Fukushima de mars 2011, comme ceux des opposants et manifestants des différents pays concernés par le « printemps arabe », à partir de l’automne 2010. Ce terrain virtuel, chaque journaliste, chaque rédaction le construit et l’enrichit en permanence afin d’assurer une sorte de veille vigilante, et de se garantir de faire partie des destinataires des alertes, lorsqu’un témoin assiste à une action des forces spéciales au Pakistan ou qu’une personnalité internationale est soudainement arrêtée au moment de prendre un avion à New York. C’est dire qu’en plus d’offrir ce terrain virtuel, le numérique transforme le bon vieux carnet d’adresses, le rendant désormais actif au sens où les multiples contacts qu’il recèle peuvent prendre eux-mêmes l’initiative de prévenir le journaliste qu’un événement est en train de se produire. Récits multimédias Le troisième trait caractéristique de l’information à l’ère numérique, le plus valorisé depuis l’origine par les journalistes « expérimentateurs » du Web ou des évolutions de chaque média, est la construction/ conception de récits et contenus multimédias. Il s’agit là d’inventer des modes de traitement de l’information et formes de récits combinant texte, son, image et liens hypertextes. Très souvent, cet enrichissement reste bien modeste. Cependant, au jour le jour, très empiriquement, de véritables formes originales émergent. C’est le data journalism ou journalisme de données (Joannès, 2010) qui transforme la conception même de la compétence et donc de la formation dont le journaliste a besoin, puisque celui-ci doit pouvoir coopérer avec le développeur. Cette exigence se retrouve également pour ceux qui s’engagent dans la voie toute nouvelle du newsgame. Le webdocumentaire remet en scène le rôle de l’auteur, individuel ou collectif, là où l’information en ligne avait semblé faire reculer cette notion, avec tous les débats juridiques qui l’ont accompagné (Derieux, 2010). Participatif Autre trait caractéristique de l’information, valorisé par les tenants de la « Révolution Internet » [de Rosnay, 2006 ; Pisani, 2008 ; Bouquillon 2010 ; Rebillard, 2007] consiste dans le participatif ou contributif, symbole du Web 2.0, soit l’interrelation entre le journaliste et l’amateur, thème développé par Patrice Flichy. Les formes et les degrés sont très 21 Les Cahiers du journalisme n o 22/23 – Automne 2011 divers, du simple commentaire à l’enquête coréalisée par les internautes du Guardian et les journalistes concernant les notes de frais des députés britanniques. Owni a repris depuis l’idée en 2011, à propos des factures d’eau en France. Ce sont plus communément les blogs, les forums et, de plus en plus, le suivi des réseaux sociaux, avec l’animation de pages, groupes ou comptes sur Facebook et Twitter. Plus exceptionnel, cela peut prendre la forme de la conférence de presse en ligne organisée chaque semaine par Rue898. C’est peu dire que la conception même du journalisme, la manière de le pratiquer, voire la définition d’une ou plusieurs spécialités journalistiques en émergence (community manager, journaliste animateur de communauté, social media editor) sont à réfléchir, repenser et expérimenter au sein de multiples sites d’information. Renforcement ou perte de la relation directe avec le public Le développement de la dimension participative du traitement de l’information et les compétences nouvelles au sein des rédactions auquel il donne lieu semblent militer dans le sens d’un renforcement inusité de la relation directe entre les journalistes et les destinataires de l’information, les médias et le public. Le développement d’une éventuelle « coréalisation » de contenus induit une coopération et une connaissance réciproque inaccessible jusque-là, bien au-delà de la notion de « contrat de lecture », familière en presse magazine. En même temps, le renforcement de la place et du poids des supports numériques de plus en plus sensible pour les médias traditionnels et surtout nouveaux fait émerger des intermédiaires incontournables entre les médias et leur public, ces « infomédiaires » (Rebillard & Smyrnaios, 2010) qui vont en se diversifiant, à mesure que se multiplient les supports et s’enrichissent les pratiques : fournisseurs d’accès (FAI) et portails (de ces fournisseurs d’accès particulièrement), agrégateurs (à commencer par les moteurs de recherche, avec la place particulière de Google), plateformes d’échanges et réseaux sociaux, industriels (principalement Apple avec l’Iphone et l’Ipad). L’interposition des « infomédiaires9 » a un puissant impact sur les modèles économiques des médias au sens où ils prélèvent directement une partie des ressources publicitaires10 au moment du passage du public par leurs services. Ils opèrent un second prélèvement qui pourra découler de l’exploitation des fichiers d’utilisateurs instruits de 22 Les médias à l’ère numérique nombreuses données personnelles qu’ils peuvent constituer, à partir de l’enregistrement des consultations. Un industriel comme Apple impose en plus une formule de prélèvement substantiel (30 %) sur les ressources issues du paiement des contenus des médias d’information. Plus globalement, la question que posent les infomédiaires est celle du partage de la valeur ajoutée. Les entreprises de médias, plurielles, diversifiées, atomisées, concurrentes se trouvent, sur ce plan, en position de faiblesse face à des groupes le plus souvent internationaux, en position dominante, voire de quasi-monopole (Google, Facebook) et beaucoup plus innovant (à la mesure d’investissements sans communes mesures en recherche et développement). L’impact des infomédiaires sur les modèles économiques a des effets substantiels sur l’activité des rédactions : c’est d’abord aujourd’hui la question cruciale du référencement par les moteurs de recherche, alors que les utilisateurs accèdent beaucoup plus souvent au travers de ces derniers au contenu des sites d’information. Un site comme Lexpress.fr, par exemple, n’aurait que 30 %11 de son audience qui accède directement par la page d’accueil. L’efficacité requise pour ce référencement impose une collaboration régulière entre journalistes et marketing, voire l’incorporation de savoir-faire issus du marketing par les rédactions elles-mêmes. Parallèlement, une seconde forme d’accès indirect au contenu des sites d’information prend la forme des recommandations par les utilisateurs eux-mêmes à partir des réseaux sociaux. Cela devait conduire à renforcer le développement de profils de journalistes (journalistes animateurs de communautés) dédiés au suivi et à l’animation des principaux réseaux sociaux, avec la création de pages, comptes et groupes de « fans ». Une mutation prolongée qui promet de se poursuivre La numérisation a eu des effets très substantiels sur les médias au point d’engager une véritable mutation de l’ensemble de ceux-ci, qu’ils soient anciens ou nouveaux venus. Cette dernière connaît une phase très active dans laquelle domine une profonde incertitude pour les modèles économiques, les modes d’organisation, les pratiques professionnelles et les usages par les différents publics. Loin de devoir se traduire par des stratégies de repli, un haut degré d’incertitude qui ne peut que se prolonger sur une période longue, contraint l’ensemble des opérateurs à placer au cœur de leur activité, la recherche, l’innovation, la créativité, le laboratoire. Dans ce domaine, les médias partent avec un handicap 23 Les Cahiers du journalisme n o 22/23 – Automne 2011 au regard des nouveaux intermédiaires issus de l’industrie ou du service de l’informatique et des télécommunications qui ont ancré de tout temps ce type de démarche dans leurs stratégies. Les rédactions, leur organisation, leur fonctionnement vont donc devoir se transformer substantiellement, en même temps qu’elles sont dans l’obligation d’inventer de nouvelles formes éditoriales, de nouveaux types d’emplois et d’activités journalistiques. C’est peu dire que les mouvements ainsi identifiés ont un impact puissant sur la manière de concevoir la formation des nouveaux journalistes, comme les moyens d’accompagner l’évolution des compétences des journalistes en activité. Est-ce à dire que les écoles, les lieux de formation ont un rôle à jouer dans l’invention de ces nouvelles structures de création et d’innovation ? Elles ne sauraient jouer ce rôle, seules, en dehors d’échanges constants avec les personnels les plus créatifs, avec les équipes qui au sein des entreprises dessinent, expérimentent nouvelles méthodes et nouveaux contenus. C’est à ce défi que répondaient les deux journées – « Le journalisme numérique » – organisées par l’École supérieure de journalisme de Lille en mai 2011, à la fois moment d’échanges d’expériences et réflexion, mises en perspectives de celles-ci, avec les journalistes, les éditeurs, les formateurs et les chercheurs. Il faut souhaiter que de tels moments s’inscrivent dans la durée sous forme de rendez-vous réguliers n Notes 1. La 5 s’installe par exemple dans les locaux de la télévision roumaine afin de pouvoir diffuser en continu de longs moments de cet épisode qui se transformera en cas d’école en matière de dérive de l’information. 2. Mon Quotidien, Le Petit quotidien, L’Actu, ainsi que My Weekly, My Little Weekly, L’Actu éco. 3. Cf. Rapport annuel de Reporters Sans Frontières. 4. Notamment de la part des grandes agences internationales. 5. La grande majorité des sites d’information liés à la presse écrite proposaient des services « minitel » très lucratifs à destination du grand public, à commencer par Libération, Le Nouvel Observateur, Le Parisien, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Sud Ouest, La Voix du Nord, etc. (Charon, 1987). 6. Dès l’origine, la presse quotidienne américaine craint de perdre ses petites annonces, qui constituent pour elle un apport beaucoup plus important que pour la presse européenne et singulièrement française (Pisani, 2008). 7. En quelques heures, CNN a 65 journalistes et techniciens sur place à Moscou. Ils viennent des bureaux de Londres, Paris, Le Caire, Nicosie. Ils garderont l’antenne jusqu’à la reddition des derniers parlementaires. Cf. Jean-Marie Charon (1996), « Question de 24 Les médias à l’ère numérique regard - Les réseaux internationaux de télévision, le cas de CNN » in Les manipulations de l’image et du son, Hachette-Pluriel. 8. Cf. le documentaire d’Isabelle Régnier, « La rue est à eux ». 9. Frank Rebillard et Nikos Smyrnaios. 10.Selon le Cabinet Marketer (eMarketer), les projections pour 2011 indiquent que le marché du Display aux États-Unis devrait être dominé par le trio de tête : Facebook, Yahoo, Google. Toujours aux États-Unis, Google occupe une position plus que dominante sur le marché du « search », avec 75,9 %. 11.Déclaration de son rédacteur en chef, Éric Mettout, lors d’une conférence organisée par « Ça presse ! » en 2010. Références bibliographiques Actes du colloque international Informatique et Société (septembre 1979) (1980), vol. 3 ; « Informatique, télématique et vie quotidienne », vol. 5 ; « Informatique et démocratie », Paris, La Documentation française. 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INTERNET CONTINUE DE CHANGER LA DONNE Balbutiants lors de l’élection présidentielle en 2007, Internet et les réseaux sociaux sont devenus incontournables en 2012. "Ce qui a changé, c’est le traitement de l’information. Depuis janvier, on constate que la campagne est suivie en direct et nous, France Télévision, risquons d'arriver en dernier avec des images qui sont déjà en ligne. Ce n’est plus possible, il existe un risque de redite", comme l’a confirmé Thierry Thullier, directeur de l’information de France Télévision. Une telle contrainte a néanmoins un effet vertueux pour Thierry Thullier : "cela nous contraint à être encore plus journaliste, à faire un effort d’angle dans les journaux et un effort ‘d’évènementialisation’ dans des grands rendez-vous comme Des paroles et des actes". Même constat au Figaro, où "on est extrêmement métamorphosé par rapport à l’élection d’il y a cinq ans", précise Pierre Conte, président de la branche médias du quotidien. "Ce qui a changé, c’est les news sur le mobile et la convergence complète des équipes : nous avons fusionné les rédactions". Du côté de France Télévision, les rédactions restent séparées mais "un journaliste télé est aujourd’hui habilité à diffuser une information en ligne avant son direct", précise Thierry Thullier, avant de mettre en avant une autre tendance : "le fact-checking sur [les] émissions en prime time", c’est-à-dire la vérification en direct des chiffres avancés par les invités politiques. COMMENT LES RÉDACTIONS S'ADAPTENT Bimédia. De facto, tous les médias doivent adapter leur pratique à cette nouvelle donne, ce qu’a fait la rédaction de L’Equipe. "Prenons l’exemple des Jeux olympiques. A Londres, nos (50, ndlr) journalistes seront acteurs sur tous les supports alors qu’à Pékin (en 2008, ndlr) il y avait des groupes séparés : là, ils seront tous ensemble", précise François Morinière, directeur général du quotidien sportif. Un rapprochement confirmé par l’existence d’un directeur de l’information unique pour les versions papier et Web. La direction du gratuit Metro a, elle, fait un choix radical baptisé "reverse publishing". "Métro va être le premier quotidien à faire disparaitre sa rédaction papier. L’objectif est de transformer la version papier pour en faire le meilleur de ce qui a été fait sur le Web. L’essentiel des journalistes travailleront pour la version digitale puis la rédaction en chef choisira (ce qui est repris dans la version papier)", détaille Edouard Boccon-Gibod, président de Métro France. LA MEFIANCE PERSISTE VIS-A-VIS DES RÉSEAUX SOCIAUX Twitter. "Ce qui m’a frappé, c’est l’absolue prédominance de Twitter pour nos journalistes", poursuit le président de Métro. D’où cette décision : "nous avons désormais un journaliste qui suit constamment ce qui se dit sur Twitter". Du côté de RTL, le président Christopher Baldelli est bien plus sceptique. "Des pronostics ont été déjoués et notamment celui selon lequel tout se passera sur le Net et les réseaux sociaux : ce n’était pas pertinent", estime-t-il, avant d’enfoncer le clou : "le Web a servi à faire circuler les rumeurs et les boules puantes, les réseaux sociaux ont permis ce type d’action". UNE CHARTE POUR ÉVITER LES DÉRAPAGES ? Dérives. Marie-Laure Sauty de Chalon, présidente du site spécialisé Auféminin.com, estime qu’est en train d’émerger "un nouveau métier de trieur : ce qui doit aller sur Facebook, sur Twitter, Youtube, etc. Quel type de contenu pour quel moyen de diffusion ? Il y a un nouveau métier à inventer". Mais cette dernière estime qu'il peut y avoir des dérives dans l'utilisation de Twitter par les journalistes, c'est pourquoi les dirigeants doivent, selon elle, "rétablir l'autorité". A France Télévision, "nous avons écrit une charte pour l’usage des réseaux sociaux : nous ne pouvons pas relayer en direct des infos que nous ne pouvons vérifier", détaille de son côté Thierry Thullier, avant de glisser "qu’elle n’est pas respectée" mais l’important est "de provoquer le débat". La rédaction de L’Equipe a fait de même, tandis que Métro affirme être "très strict" avec Twitter et que RTL est en train d’élaborer ses règles de conduite. MAIS UN MOYEN DE TOUCHER DE NOUVEAUX PUBLICS Audiences. "Nous avons entrepris un virage numérique, nous avons lancé France TV Info grâce à laquelle nous pouvons toucher un public qui ne regardait plus nos chaînes", confirme ainsi Thierry Thullier. "Le numérique est une chance inouïe pour la radio car c’est un moyen de toucher un public plus large car on est limité en termes de fréquences", confirme Denis Olivennes, PDG d’Europe 1. "On a enrichi l’offre de la radio : la radio se regarde de plus en plus, on a des caméras embarquées dans les studios, ce qui fidélise l’écoute et enrichit le produit. Internet permet à nos auditeurs fidèles de contaminer leurs amis via les réseaux sociaux", poursuitil, avant d’ajouter : "si je fais la somme de tout cela, je suis ébahi de la chance que cela offre à notre radio". ou Or eN dio è lév ue e, a pe s, M e n i F s x ge ran ion es 6, Ou Go tra ,R se F s c e dio o r , e, st an gle ,B TL G ,L Septembre 2008 T Fr ce ro ,L ou ,R F1 a u ag yg Té nc ,O pe ad ard l ue e, up é i r o N a v s M e n i eO Fr sio ère ,G xtr ge 6, a n n ,L ue , a oo Fr ce s, RT dio st an gle Gr ,T L, ,L Fr c ou , ou F e ’E L a R 1 ag yg Té nc ,O pe xp ad ard lév ue e, res i r o N a s, M6 e n i F s è s, xtr ge ran ion re, Go , , a F ce s, L’E es RT dio og ran , G tF le, L xp , TF ce ro ,L L’E ran an Ra u 1 ag Té ,O pe x sio ce p dio lév ard res ran N ,M ex isi Fr ère s, ge 6, Go on an t r DI , , a F ce s, L’E RT dio og ran Gr Gr ,T le, L x , ou c p ,L L’E ou F1 eT a Ra n a ,O pe xp sio ga élé dio e, res r N r a n, v d M6 ex ng isi Fr è s Pa r , o a tra e, e, ,F D nc ns ris IG L’E RT dio ran ,G e, ro L, xp ,L TF ce ro ,R up ’ a L Ex up 1, ns ag Té ad ,E O p e ion lév ard res io ran cs N e , isi Fr el è s x ge Pa re, ,D on an tra , r isi s, ce IG L’E RT dio ran en G , ro L, xp ,L TF ce ro -A up ’E an La up 1, ujo Té x , sio ga Or pr eN E lév c rd es an n, se ex isi Fr è s g Pa lis r ,D on an tra e, e, ,R r i ce s, IG L’E RT dio s i ue en Gr ,T r L x , o p , L ou 8 F1 up Au ’E an La ,O pe xp , s j ga élé ou Ec ion res ran Ne rd vis rd s ,P eli ère s, ’hu xtr ge ion s, ari D , , a ie s, IG L’E Ru RT dio sie Gr e8 ro L, xp n,L ou F1 u A ’ a L E 9, p ns ujo ag ,O pe x , Me p E ion ard ur res ran cs Ne di d ,P eli ère s, ’ xtr ge h s, ari ui DI ,L ,R ad s, R en s ’ G ien io, Ex ue TL Gr r Fr ou pa ,L -A L’E ou 89 an p n u a pe , xp , ce s j ga o M E ion u r c N e r e rd dè se dia ss ex ng ,P ’ h l r , i t e, e, s, pa ari ui rad DI L R RT e s rt, ’ G ien io, nF Ex ue r L, Ca ou pa L’E r 8 A a La 9, p, nc ns ujo xp ga M eN E e, i o ur res cs ed rd n l’H d ex , eli ère s, iap ’hu Pa um tra s DI ,L , r a i i R dio en sie rt, a ’E Gr ue x C n , F o pa ,L -A Giazzi L’E ran ap 89 up Danièle Rapport de n u ag , x , ce Di sio jou Me pr Ec ard gi, es n r se l’H d d ,P ère s, i ’ ap hu lis um ari D , , ar i IG L’E Ru dio en sie an t, Les médias et le numérique ou Or eN dio è lév ue e, a pe s, M e n i F s x ge ran ion es 6, Ou Go tra ,R se F s c e dio o r , e, st an gle ,B TL G ,L T Fr ce ro ,L ou ,R F1 a u ag yg Té nc ,O pe ad ard l ue e, up é i r o N a v s M e n i eO Fr sio ère ,G xtr ge 6, a n n ,L ue , a oo Fr ce s, RT dio st an gle Gr ,T L, ,L Fr c ou , ou F e ’E L a R 1 ag yg Té nc ,O pe xp ad ard lév ue e, res i r o N a s, M6 e n i F s è s, xtr ge ran ion re, Go , , a F ce s, L’E es RT dio og ran , G tF le, L xp , TF ce ro ,L L’E ran an Ra u 1 ag Té ,O pe x sio ce p dio lév ard res ran N ,M ex isi Fr ère s, ge 6, Go on an t r DI , , a F ce s, L’E RT dio og ran Gr Gr ,T le, L x , ou c p ,L L’E ou F1 eT a Ra n a ,O pe xp sio ga élé dio e, res r N r a n, v d M6 ex ng isi Fr è s Pa r , o a tra e, e, ,F D nc ns ris IG L’E RT dio ran ,G e, ro L, xp ,L TF ce ro ,R up ’ a L Ex up 1, ns ag Té ad ,E O p e ion lév ard res io ran cs N e , isi Fr el è s x ge Pa re, ,D on an tra , r isi s, ce IG L’E RT dio ran en G , ro L, xp ,L TF ce ro -A up Synthèse ’E an La up 1, ujo Té x , sio ga Or pr eN E lév c rd es an n, se ex isi Fr è s g Pa lis r ,D on an tra e, e, ,R r i ce s, IG L’E RT dio s i ue en Gr ,T r L x , o p , L ou 8 F1 up Au ’E an La ,O pe xp , s j ga élé ou Ec ion res ran Ne rd vis rd s ,P eli ère s, ’hu xtr ge ion s, ari D , , a ie s, IG L’E Ru RT dio sie Gr e8 ro L, xp n,L ou F1 u A ’ a L E 9, p ns ujo ag ,O pe x , Me p E ion ard ur res ran cs Ne di d ,P eli ère s, ’ xtr ge h s, ari ui DI ,L ,R ad s, R en s ’ G ien io, Ex ue TL Gr r Fr ou pa ,L -A L’E ou 89 an p n u a pe , xp , ce s j ga o M E ion u r c N e r e rd dè se dia ss ex ng ,P ’ h l r , i t e, e, s, pa ari ui rad DI L R RT e s rt, ’ G ien io, nF Ex ue r L, Ca ou pa L’E r 8 A a La 9, p, nc ns ujo xp ga M eN E e, i o ur res cs ed rd n l’H d ex , eli ère s, iap ’hu Pa um tra s DI ,L , r a i i R dio en sie rt, a ’E Gr ue x C n , F o pa ,L -A L’E ran ap 89 up n u ag , x , ce Di sio jou Me pr Ec ard gi, es n r se l’H d d ,P ère s, i ’ ap hu lis um ari D , , ar i IG L’E Ru dio en sie an t, ou Or eN dio è lév ue e, a pe s, M e n i F s x ge ran ion es 6, Ou Go tra ,R se F s c e dio o r , e, st an gle ,B TL G ,L T Fr ce ro ,L ou ,R F1 a u ag yg Té nc ,O pe ad ard l ue e, up é i r o N a v s M e n i eO Fr sio ère ,G xtr ge 6, a n n ,L uSynthèse , a oo Fr ce s, es RT dio a g Gr ,T tF nc le, L, ,L ou oude l’économie F r e ’E L a R 1 Le Président de la République a fait du soutien au développement numérique et de ag yg Té nc ,O pe xp ad ard léson ue l’aide aux entreprises e, res i r o N a l’une des priorités de action. v s, M6 e n i F s è s, xtr ge ran ion re, Go , , a F ceindustries dess, contenus revêtent Dans o ce contexte, lesr mutations des L’E es RT une importance dio particulière, an gle , G tF L , TF ce culturel et démocratique. ro pourquoi le, LPrésident de laL’République xpa C’est rande par leur,rôle Raéconomique, Ex up 1 ns ag Té ,O cnous p d e io l mai dernier, la mission d’analyser le défi de la migration vers le numéria e, a confié, le i26 é r ran oF Ne rd es vis M6 è s, xtr de mesures re, d’accompamédia etiode formulergdes Go que des, entreprisesrade e, propositions DI n n a F s L R d og gnement pour ran faciliter ccette ’ , e Gr io, Ex TL , T mutation. Gr le, ou c p ,L L’E ou F1 eT a R n a , O ayant jalonné pe la réflexiong sur ces questions adavoir consultééles xp au cours sdes Après ion lévgrands rapports a e, res io r N r ande très nombreuses d 1 M6 cinq dernières e ,P isi avoir mené Fr années, après de patrons et de managers auditions ère s, xtr ge o ari , Fd’entreprisesade DI nc médias, denjournalistes, ,L s, de, R responsablesad syndicaux, d’économistes spécialisés s ran ’ e, Gr io, Ex TL Gr T o c pa ,R ou experts… ,nous dans les les recomF1 et d’autres up e Tmédias de juristes ’E mesure présenter La sommes Len n , p x ad ,E s g é O p e i a o r io mandationslésuivantes. r cs N rd es an n, vis e Fr el è s x ge Pa ion re, ,D an tra , r isi s, ce IG L’E RT dio ran en G , ro L, xp ,L TF ce Constats ro -A up ’E an La up 1, ujo Té x , sio ga Or pr eN E lév c es ancrise des médias n, se Il y a ien France une ex avec rdèr Fr s s g Pa lis i ,D on et des origines an des causes e, e, variablestr:a ,R r i ce s, IG L’E RT dio s i en sa pre- ue Gr sur un secteur , ♦T Presse : le choc r L en crise. ,Un ♦ Radio : x entre deux crises ? La radio a connu o p , -A L ou lit deux foisLplus de journaux’E mière « révolution 8 FAnglais an numériqueup» dans les années 1, ou un Allemand 80 u a p x , s j g élé OFrançais, ou pravec le développement e N 4 fois plus…aLes Ec FM. Un nouvel ion de la bande ventes ran un Japonais r e vis qu’un d s s exdepuis les années , P qui sembleeltoujours d’ac-rd’h interruption 60. équilibre s’est alors instauré, è s gsans ion décroissent r , D la diversité dearl’offre disponibleissur tra élevés que dans e, le coûts de e production sont plus tualité. Mais , RInternet, ui e ,R i sLes I L d s ,reste ’ G i i E terrain fragile, du marché de enla musique, et ubientôt o, la révolution x la déstabilisation Grde l’Europe…TSur e8 rradio L, un o p -A de bouleverser L ou apporte de numérique nouvelles opportunités, mais l’arrivée de la numérique risquent F1 u ’ a L E 9, p ujo ag et d’importantsxbesoins , O surtout depnouvelles , menaces dennouveau le secteur. s Me p e E ion ard ur res rand’investissements cs Ne; di d eli cette crise frappe ère . La télévis, Malgré les ,atouts ’ xtr ge Pa de notre pays, h ♦ Télévision : le changement de modèle une s, u DIindustrie qui, pourrisde multiples raisons, s, sion, aRété, depuis sa a n’a pas pu sei hiscréation, le média, de masse par L R d en ’ G ieinternational io, Ex autour ser au uedoit aujourd’hui TL capable de rassembler Gr premier rang et qui excellence, les Français r n ou ,L -A L’E numériquepan’en a affronter ou de grands événements. 89 de taille Fran des géants de l’Internet et des médias La révolution p n u a pepas fait baisser lagconsommation, xmais , Mlourdes , E Elle n’aura jpas ce sio bien supérieure. ou seulement de pr elle a disséminé ard c N e e rdun secteur d’activité se dia ss dans les publics les n,conséquences économiques ex sur de nombreuses ng ère offres, affaiblissant ’ P h l , i t e, s, 000 personnes.uElle chaînes et risquant donc d’induire DI l’in- quiaemploie , L prochainement ris plus de 400 i e risque égale-par R RT capacité ràafidnancer ’ ment d’affaiblir la création culturelle et le rayonnement une offre de qualité ; G ien io, n F de t, C Ex ue r L, o pa les liensrmêmes -A risque surtout 8d’affaiblir L’E a up notre pays. Elle avérifi La 9 n n u qui tissent notre démocratie : l’information libre et ée, , x , ce sio jou ga M pr eN Ec le divertissement de qualité, l’éducationepopulaire. , l’ r e n r d s d d ss ex , e Hu è i ’ P ap hu lis re, ,D tra ari ma , a i IG L’E Ru dio en sie rt, e8 ro xp Ca n,L Fr ,L u A ’ a a pD E 9 p n ns ujo ag 1 Liste dans lexrapport ,M ,E c pr e i ard igi on ur cs , l’ ed es d’h ,P eli H ère s, i a u i Synthèse rapport Giazzi. septembre 2008 s p a u DI ma ,L ,R ris ar ie dio ’E t, G ie n u n ma etr P, nc ma cis p, Le Mo o e Pr ,A L ur , Fig Fr ag l e ’ y, n FP E a d a a q n N a r ,C ro uip ce dè ro do RJ ,N , up an r e, r e, Pr Gr iF M al+ eA Gr i M ran ou sm PP ou e ,L ma p ,M tro aP c , e e La ur , l’ Fig obreux AF es y nd et qualifiés,Friche ran d’un extraordinaire ga Eq potentiel rde ,N P, Il faut donc a a rd ro et se de la béatitude ce ce virageunumérique, do si elle sait négocier Rsortir Ca i ,B ère croissance p , N numérique. J surtout véritable ciment de ,notre avenir : qualité de notre e r P na Gr i o ,indépenMdes moteurs de, M vie démocratique, Fr valeurs derinotre G société, Certes, est l’un P l+, l’économie numérique ou s an de notre pays… ro ma P, que moins edance ma la croissance tro et rayonnement up Le mondiale, pet, contribue, quoi c M e P La française. Certes, ur spectaculairement, eO , à la croissance et o F Fr l’E c’est sansreaucun y, nous voulons leigdynamiser n g a s d Aider cette industrie, aujourd’hui, doute encore, ces technologies et a ue aro qu se NR ad contribuernàcedéfinir les orientations, rd modes de créale contenu et les ces J industries apportent , i ère p , N de nouveaux o , P de demain.e, Bo rivaleurs na Gr et de collaboration. de la croissance tion, d’échange M , F r uy G ism Me l+, ran ou PP r gu o p, tro : u LeMais cette transformation a c es recèle ,aussi des périls propres M pe e, P L o F , F a r l information sur les intérêts es iga Cocoon gcentrée Ou nd personnelsra Objectifs’Eq a n s NR a journalistes, ce de chacun, es r citoyens ser prenant pour des uip e, or tF J G irrespecto,desN créateurs etdèderela propriété dintellectuelle, Pour, donner ce sens à la croissance de l’économie B Pr et aider lese,médias i F à numérique, o ran , u techniques capables français à y prospérer, il G roémergence deMsuperpuissances i M r s P y a r made tenir fermement up seules d’influencer c ou deux objectifsgu: P, les cultures enationales… nc est nécessaire elles Et l’un tro , e M p e Pr s, de sesL principaux dangers eO Fig onest précisémentFler risque de , l’E agbas des industries e Go a mettre à culturelles héritières de lonMaintenir et renforcer la qualité des s da ard u aro q n s e og uip du contenu. e, Ce premier principe ceforgé industries do gues traditions, èun métier de journaliste qui s’est st ,N , B le, r e r F e dans des équilibres Pr fondateur des i F sociaux savamo recommandations suppose en , MPd’âpres combats, r , u a ismparticulier : Gr Me ran yg nc ment dosés… up ou P, u e, t a c r ,L es Mo pe oF e, P M6 les attentes des ♦ de maintenir et de favoriser à tout ,prix le pluraag Dans ce contexte, res l ’ n O r G E a ,F dasont très fortes aprofessionnels oo qu lisme desel’information, ugarant nc: de notre démocratie, rd e r d st gledu ipe en soutenant, B e, ère la qualité des contenus et donc celle or NM Prse retrouve , journalisme i F essentielle qui ou les métiers Fderal’information, aider ,R ,M : protéger les journalistes , profession Gr ism r PP ♦ pourtant y n a cede ce nom ; adi et soutenir et contestée, et ou un statut gduu journaliste digne etr nc dont les statuts , M les droits paupérisée a oF ,M ; pe et protégerenotre o F le droit d’auteur) e, semblent paraider, soutenir (notamment Pr s, presse d’opinion ofois l e 6 ’ ndinadaptés aux rnouvelles Ou les conditions Go d’une offre, de logiques, Eqet qui veulent ss♦ de préserver Fr ad les valeursaetnles rd e og à une vraie u e c contenu de qualité préserver conditions de leur métier ; et contribuer : aider s an ,formation, e, culturelles,ipquie voient ère ♦ les acteurs or des industries t l B e notamment dans les domaines du numéF P i o , rannos concitoyensRà s’investir ce T , M leurs financements Fr disparaître retisleurs métiers ,contesu G rique, inciter et favoriser y an ro m gu à nos entreprises é ce de médiasadeti à nos etéstr par une vague dans les soutiens de contenus à afaible coût, par-u c o e , p o e, s,; soutenir la recherche M6 technologique Fr fois « Fgénérés par l’utilisateur », tandisPque de nom- e relais d’opinions on r l e ’ O r G an E an investissent fortement s , da breux pays mais aussi l’innovation et l’expérimentation. sur leurs futurs ue o q s F ce o u e c ran do concurrents ; e, st g , i p ,T l B e e r F dirigeants deP médias, qui voient F c o , , ♦ iles fondre leur renAssurer la rentabilité et la compétitivité de r e ris uy an Ra G ranet doivent affronter tabilité le coût socialrd’importantes m nos entreprises de médias etdfaire naîtreTél g c o etr u e u év a io c ,M internationale pe de deseschampions internationaux. o F restructurations e, et une concurrence P isi F ,G res ran l’E ; 6 O ranplus en plus armée on , ue Ce secondooprincipe a conduit se valeurs authentiF s c ♦ les à proposer un ensemuipdéfendent des ce syndicats, qqui ran e, : st ble de mesuresglde dérégulation , , B ques à partir de modèles d’analyse et d’actions paret de libéralisation e, e, TF Fr ce Pr iF o a R Gfaçon à réinventerupour faire dans une compétition internationale qui s’est intensifiée1, ism et de toute ran fois vieillissants y T n aplusieurs fronts (contenu, r gu élé et quicae vu converger d com- Or a Pdonne. oup i ce face à la nouvelle o e , an v s, munication,Mtechnologie, publicité…), eO , l’ Fr la Franceisa ibesoin r e 6 G o a Eq qui n puissent organisernles Le courage et la volonté ss politiqueue ,F odeo champions internationaux cesans être arrêtés s, u e Pr r synergies entre les métiers différents, st an gle ipe donc aujourd’hui. ,B , ism s’imposent Fr ceIls doivent êtreTFcapables de Gro par leurs particularismes. o , , u a R G aCertes, Té fondées sur1,laOR&D et upe ygs’y opposent : nlesc mener desastratégies de rupture, ro tabous français Pr de nombreux d u e u ramarde se déployer lé rapidement sur les relations les rela- , l’innovation, etio es entre le pouvoirpepolitique et les emédias, vis s M ng F uip se l’entreprise et laOculture… Mais, les chés émergents. tions entre médias r i 6 G o a e, , , e, sont une industrie nc ns oo nomBo stratégique,uesource d’emplois F RT r Gr , e st a g u G , n l L, ou e, yg TF Fr ce ro ue an Ra pe u 1 Té ,O pe s, ce dio Ou l é r Ne Go ,M an vis es Fr xtr g o i 6 on an ii tF Giazzi. septembre 2008 e, gle Synthèse rapport , a F s c ran RT ra ,R ,G e, ou Or eN dio è lév ue e, a pe s, M e n i F s x ge ran ion es 6, Ou Go tra ,R se F s c e dio o r , e, st an gle ,B TL G ,L T Fr ce ro ,L ou ,R F1 a u ag yg Té nc ,O pe ad ard l ue e, up é i r o N a v s M e n i eO Fr sio ère ,G xtr ge 6, a n n ,L uMesures , a oo Fr ce s, es RT dio a g Gr ,T tF nc le, L ,L ou Ces deux principes conduisent aux recommandations suivantes résultant des entretiens avec les, acteurs rencontrés. ou F r e ’E L a R 1 a yg T nc , p a g é Or décisions urgentes. dio e N Elles touchent appellent ard en effet : xpre lévaujourd’hui des ue La plupart dee,ces recommandations a ss s♦, soit à la sauvegarde M6 des médiasFtraditionnels exdans leur pérennité ng isi certains sont aujourd’hui èremême, dont menacés r , G o a t e rad nc ns et d’autres ,L ,R oo dans leur, qualité Fr ; es ’E , Gmédias, qui risquent an gle au développement TL sans cela deio,se replier sur des vers leenumérique de ces ,T t F ♦ soit à l’aide xp c r , L’E ou F1 ; ran marchés en, régression eT an L Ra ag de qualitéxprofession,O pe ♦c soit au nouveaudmonde des médias sur le web, à travers des régulations, des instruments sio é p l a enelle é r r N r e , Mou des cadresiojuridiques a vis ou éthiques.n dè ss ex Fr (droit d’auteur) g i r 6, ,D Go Toutes s’efforcent o a t e de limiter le coût socialndes transformations, tout en libérant les énergies pour l’innovae r n , , a c s L R d og tion. CetteFattention au voletesocial est essentielle. culturelles iemploient un grand r ’E nombre I G , G Les industries T o , lede, personnes,anqualifi L xpchange- ro , TF et qui n’ont subissentLaujourd’hui des ce ées, passionnées ro pas démérité., Elles u ’ an L R E u 1 ments serait un incommenTé profonds. Réaliser , O ce changement pe sans cesaprofessionnels adstructurels très x g pr à terme,side e, on surable igâchis humainlé et une perte irréparable de compétences et deasavoir-faire, et donc, r o N r es a v d M6 compétitivité ex ng ,P Fr économique.isio ère s, an t e ari r ,F DI ns ,L ,R ad ce s ran ’ , Gr io, Ex TL Gr ,T o c pa ,L L’E ,R ou F1 u eT ntous a du rapport sont donc Faciliter l’accès aux contenus par les canauxp, , p x ad Les recommandations s g é O p e Ec ion lév: ard res io les suivantes ran Ne de diffusion se , isi Fr è s x g P l r , o an et renforcern le pluralismeede, la presse tra10. Recentrer lae,Loi Bichet sur sa Dvocation d’origine*** ari Défendre s c I L RT dioAppuyer le plan’E« Défi 2010 » des sie ran ,G e, 11. Gr NMPP, favoriser L x n, T 1. Constitutionnaliser la défense du pluralisme et de l’ino ce l’ouverture de presse *** ,L L’E de nouveauxppoints F1la presse*** rou u Au a p dépendance de n ag 12. Libéraliser Té ,O pe x , la réglementation des points de vente pour s jo p Ec iocacité*** év ran de la presseNen 2. lAméliorer le financement développantard en augmenterrle e n nombre et l’effi se ss ex un fonds èr ,P isi les Fondations Fr geet éventuellement lis , on an le mécénat, t e 13. Développer la pratique du portage à domicile avec les a rad D ,R , r i ce d’investissement s, dédié*** , RT I L s instruments de l’aide à la création d’emplois*** ’ G i i E ue en , 3.T Créer auprèsGdur Premier ministreL un observatoireo,du r x o p , 14. Soutenir une réforme drastique des imprimeries*** L ou 8 F1 dans la presse up Au ’E an La pluralisme ,O pe x , s j g 15. Stimuler la recherche et l’innovation sur la diffusion élé ou Ec ion ard aux pnumérique Étendre compétences du CSA (notamment res rales N vis 4.nouveaux rd s ng et le saisir edex la question du èrespect ,P e médias) s ’hu l ion r ,D is, tra e, e, Mieux anticiper l’avenir a des médias du pluralisme r ie isi s, IG L’E Ru RT dio e G 5. Élargir les aides de L la Commission paritaire Soutenir unerorecherche de haut n- niveau sur leseévo, L aux nou- x16. ro plutions , L en ligne, gratuits, 89 F1 u Au formation ambi’ a veaux supports (journaux tout etc.) E u des médias et faire émerger une p n ag ,O pe ,M x , s j ou pr tieuse pour ion les stratègesEdec la guerre numérique ard raFavoriser N e l’information de qualité rdécoles de ed se ss 17. Susciter,des ex ng è formations marketing dans les i ’hu P l is, e, les chartestrade déontologieredes a 6. Inscrire journalistes , Djournalisme et de , communication r i isi s, IG L’E Ru R dio en collective e Gr dans leur TConvention 18. Inciter les groupes de presse à former leurs journalise r L x n , Fr outechnologies numériques pa le tes aux , L les sites d’information -A L’E ou 7. Professionnaliser 89 en favorisant an p n u a precrutement ,M ,E ce de journalistes sio jou ga *** xpr eN c e r e rd se 8. Recentrer d’infor- n,Soutenir l’investissement dia ex les aides dà èlar presse sur laspresse ng s ’ P h l , i t e, e, mation générale s, mesures d’incitation ari en place des ui à l’investis-pa rad et politique*** DI 19. Mettre L R RT 9. Doter l’Agence en s rt, ’ G ien io, France PresseExd’un statut et d’une ue sement numérique *** r Ldirection Ca Fr ou p , L pérennes, Lsoutenir son projet numérique 8 A ’ a a Ex p, 20. Élargir le périmètre ns ujo des aides9à,laMnumérisation nc ag pr eN E e, i ard o ur 21.cSoutenir financièrement la doubleediffusion analogies n s l’H d d ex , ère que etenumérique de l’audiovisuel s, iap ’hu Pa l i um tra s DI ,L , r a i 22. Élargir le périmètre d’intervention de la Caisse des i R dio en sie rt, a ’E Gr ue Dépôts à l’investissement dans les groupes de médias x C n , F o pa ,L -A L ran ap 89 up n u ag 1 le label ***’Edésigne , x , ce Di jou Me prles recommandationssqueionous estimons incontournables. Ec ard gi, es n r se l’H d d ,P ère s, i ’ ap is, septembre 2008 hui um iii ari Synthèse rapport lGiazzi. D , ar IG L’E Ru dio en sie a t, n 1 ma etr P, nc ma cis p, Le Mo o e Pr ,A L ur , Fig Fr ag l e ’ y, n FP E a d a a q n N a r ,C ro uip ce dè ro do RJ ,N , up an r e, r e, Pr Gr iF M al+ eA Gr i M ran ou sm PP ou e ,L ma p ,M tro aP c , e e La ur , l’ Fig de champions Fr AF res y Permettre la constitution gade taille ond Eq a P, mondiale, N aro n a rd uip de télévi- se, Adapter des chaînes do le cahier descecharges RJ Ca ère 28. ,N , P donne numérique Bo e, sion aux contraintes ri F de la nouvelle na Autoriser un G 23. groupe de médiasMà posséder une , r G r i l+,de télévision, une ouradio et un quotidien sm PP de dimen-Me29. Repenser lesraobligations de coproduction et les droits chaîne ro ma p, ,M tro up Le *** patrimoniaux des n chaînes de télévision a c sion nationale e P ur 24. Relever leF seuil d’audienceLamaximal pour uno média Soutenir , Fr les médias lfrançais res défis du e O face aux y, ’ iga nd g E a a ue qu se N radio ad numériquence rd ro R , i è p , o J G les limites àNla concentrationrde évolu25. Asseoir la télévision r 30. Préserver les , Péquilibres économiques e, face aux B esur na itions ou M , des marchés de la publicité*** F r sur une audience réelle à défi nir plutôt que le nombre G r ism Me l+, de chaînesou ran PP r outélévision ygu 31. Aménager les règles de la publicité à la p, ,M tro Le a c es e, et garantir les règles Pr de mesurepd’audience 26. Supprimer lesL seuils de détention o capitalistique (49 %, 32. Optimiser e F , F a l es iga5 %) Ou nd randes contenus’Eq ga 15 %, s NR ad rd es ro ce: Permettre à la uradio 33 ipede relever le edéfi , Bnumérique dans ère , Nla modernisation or tF J G Favoriser des industries , Pr conditions , G de bonnes iF o ran ,M u roculturelles MP i r s y a r 34. Appliquer un régime de TVA unique pour les médias, ma u gu c ou P, des droits ed’auteur nc tro des journa27.pRésoudre la question ,L e M p quel que soit leurPsupport de diffusion e s, eO , l’ listes deala presse écrite*** Fig on Fr res Go g E a da ard u aro q n s e og uip e, ce do st ère ,N , B le, e r F Pr iF o , MP r ,M u a Gr ism ran nc up gu ou pour ces yprofessionnels e P Il n’y aura pas d’avenir et pour e, , t a c Conclusion r ,L Mo pepas de grandsegroupes oF e, s leur P métier s’il n’existe français M6 ,G ag Les grands objectifs reset désireux de O l ’ n r de ce rapport sont étroitement liés, E a rentables développer une offre adaptée ,F da aetrdles recommandations ue oo qunu nc s e qui en découlent forment r d forte, dans st gleune ipeà notre culture,, Bà une identité française e, ère cohérent : ilon’y NM ensemble aura pas d’indépendance r Fr être les porte-draEurope doivent Pr iF ,R , G forte. Ces oentreprises , M sans rentabilité, u a ism il n’y aura pas de r PP ni de qualité y n peaux aujourd’hui et demain de notre image et de notre ad a ro gu cnos e , Mcroissance edutrosecteur sansncchampions de a taille u io société. Elles doivent pouvoir promouvoir valeurs et es ,M pe P F internationale, il n’y de ces on Fr aura pas dee,rentabilité , res nos choix. O l’E 6, G a d champions sans qualité… u o qu nc sIley a donc urgence a rd es à faire sauter ogles verrous Fqui ran i , eses ère La Francedavait p or su bâtir, pour t , l B industries culturelles, un e e empêchent de grands groupes de médias français Fr ce Pr i F entre les professionnels, ou ,R ,G , Méquilibre cohérent a les entreprii à devenir de grands groupes plurimédia mondiaux, r s Té y n a an et le cadre financier ro ma de cette actigu eux tout lecsecteur etrle cadre juridique dio ses, e u entraînant avec des industries c ,M p culturelles. es o Féquilibre esteremis vité. Cet en cause P par la révolu- e Fr , on , r l 6, ran : c’est un’nouvel Go an Eq équilibreeque ss nous TelOestuele but des recommandations da tion numérique F ce de ce rapport. o u e c ran dodevons bâtir aujourd’hui. st g , i e p ,T , l B e e ri F F c P Les auditions ont montré que l’ensemble des acteurs, o , , r e ris de ce système, L’existence, au cœur an des clivages Rpolitiques G de grands uy largement au-delà ran plurimédias Té ad ou des luttes m g ce etr groupes est essentielle.ro Ce sont eux u u a i c idéologiques, partagent es , Ml’essentiel deoceF diagnostic etlévis o F en effet quiepeuvent faire la synthèse entre lespdifférents P e , resde rupture. Ce seront très important ran quant ion l’E Ou ont un,niveau ramétiers Go d’attente et6d’espoir pour développer des offres , q n s F s es aux capacitésogd’action, à l’énergie uipfaire pièce auxepuissances ceaussi qui pourront ranet à la volontécedu, Préeux émer, t sident de la République. , l B e, e, groupes de médias TF gentes P que sont les grands ce iF ou interna- Fra ris aussi les nouveaux Ra a su organiser Gr géants technologiques 1, ran tionaux mais La France de la Libération ses médias y T n m g é c o d lévcinquante Ora e, la qualité et leiopluralisme pendant up les efforts deuR&D aP consentir ceou internet et notamment pour assurer e s, ans. Le contexte M6 était alors idéologique, n isiet mar, l’ Fr indispensables. Nosrgrands les pôles national es groupese seront O G o a E , nc et la rentabilité ns ue structurants oqué qu d’une économie par la rareté des se dynamique. Fr canaux de diffusion ogoffres Pr ,G e s a i , p des existantes. ,T tF nc ism Il n’y aura pase,de grands groupes le, Bo français internationaux F1 pour por- rou r e a R Gr asans de bons journalistes, avec uune éthique forte, un Il revient à la France de 2008 de s’organiser Té ,O pe ad Pr et une rémunération ou adaptésynigusans un tissu ndece ter ses valeurs l statut dans une compétition internationale, dans é i r es o es produc- , M an pe : PME, chercheurs, vis par tous, produite uip professionnels laquelle l’offre seraFillimitée, accessible se de la création ,G ge r i 6 O o an laquelle nous voulons , B auteurs, scénaristes e, teurs, réalisateurs ayant la possibilité n par ,beaucoup, et dans que la u o F ce distraires,et éduquer , RT ou contenus de egrande Grde développer des st qualité. ogl Francera continue à informer, Gr ,T nc L, ou e, de la meilleure yg F manière qui soit. ou F r e ue an Ra pe 1 Té ,O pe s, ce dio Ou l é r Ne Go ,M an vis es Fr xtr g o i 6 on an iv tF Giazzi. septembre 2008 e, gle Synthèse rapport , a F s c ran RT ra ,R ,G e, Sérieux coup de mue pour la presse musicale SOPHIAN FANEN ET ISABELLE HANNE 8 JUILLET 2013 À 21:56 Bémol . Victimes collatérales du décrochage de l’industrie du disque, les magazines cherchent un nouveau modèle économique et éditorial. La couverture du dernier Vibrations porte le numéro 154 et promet un reportage en Colombie avec Major Lazer, le groupe américain qui a fait des scènes électroniques des ghettos son terrain de jeu. Alors que la plupart de ses concurrents de la presse musicale se sont contentés d’une interview depuis Paris, le magazine franco-suisse a choisi de prendre la tangente pour parler du phénomène. Mais ça ne suffira pas : il n’y aura pas de numéro 155. Après vingt ans d’existence, l’éditeur de Vibrations a déposé le bilan. Son site continue à vivre en attendant une décision de la justice suisse. En décembre 2012, c’est le bimestriel Vox Pop qui mettait fin à cinq ans de photos et d’enquêtes singulières : «L’économie n’était pas suffisante pour le mettre à l’abri», explique son rédacteur en chef, Jean-Vic Chapus. Non loin, d’autres titres tanguent dans un milieu où lecteurs et annonceurs se raréfient. De là à parler de la fin d’un modèle… Où sont passés les lecteurs ? Certes, les tirages de la presse musicale en France n’ont jamais été pharaoniques. Mais aujourd’hui, on racle les fonds de tiroir. Rock & Folk, doyen national, vendait 130 000 exemplaires en 1981, contre 30 000 aujourd’hui. Entre les deux, il y a eu Internet, qui a «totalement modifié le rapport à la découverte musicale, selon Marc Benaïche, le fondateur de Mondomix, site et journal gratuit devenu depuis fin juin bimestriel en kiosques. Avant, les infos sur un artiste étaient difficiles à trouver. Aujourd’hui, tout est disponible en ligne…» Et si la lecture d’une critique était un préalable automatique à l’achat d’un disque, il suffit désormais de l’écouter sur Internet pour se faire son avis. Dans le même mouvement, «l’éclectisme musical est devenu l’attitude majoritaire, reprend Benaïche. Avant, les goûts étaient beaucoup plus segmentés : si on était fana de jazz, on n’allait pas écouter du métal. En quinze ans, tout a changé.» Le constat est unanime : «La musique n’est plus fédératrice, assène Thomas Ducrès, rédacteur en chef de Gonzaï, parti d’Internet pour arriver sur papier depuis le début de l’année. On écoute tous de la musique, mais plus la même. Il n’y a donc plus de presse de génération.» Où sont passés les sous ? «On est au carrefour des deux crises : celle de la presse et celle de la musique», résume David Commeillas, rédacteur en chef de Vibrations, dégoûté de voir le titre suspendu «alors qu’il ne perdait pas d’argent depuis deux ans, voire en gagnait un peu». Mais le magazine dédié aux musiques noires a souffert comme d’autres de l’effondrement de son premier annonceur : les maisons de disques. Dans les années 80, une major pouvait payer un voyage de presse en Concorde pour l’écoute du dernier Michael Jackson… Depuis, les labels ont raté le train du numérique et leurs moyens ont chuté avec les ventes de disques. Pour exister quand même, certains ont dû trouver un mécène (Magic), s’adosser à une salle de concerts (Tsugi) ou à une société productrice de spectacles (Mondomix), voire changer carrément de modèle. Tel les Inrocks : l’hebdo a fondu ses pages musicales dans un magazine orienté société et politique. En élargissant son lectorat, il est parvenu à attirer des marques de voitures ou de luxe. «On a aussi anticipé la baisse de la pub en faisant des suppléments, des coffrets de disques» et un festival, explique Jean-Daniel Beauvallet, le rédacteur en chef historique des pages musique. Mais des mags plus spécialisés, comme Vibrations, n’ont pas pu emprunter ce chemin-là : «Il est difficile de démarcher des grandes marques avec en couv un artiste noir comme Cody Chesnutt, regrette David Commeillas. Pour eux, ce n’est pas un lectorat qui déclenche des achats.» On en revient alors à l’annonceur naturel, les maisons de disques, quitte à glisser vers des pratiques peu déontologiques : une pub contre un article ou une chronique, voire la vente de la une du magazine. «Vibrations n’a jamais été un support pour les labels, se défend son rédacteur en chef. Ce qu’on faisait, c’est démarcher la maison de disques d’un artiste qu’on avait choisi de mettre en avant.» Mais le rapport de force joue souvent en défaveur du journal. C’est ce que regrette un journaliste musical qui en a connu beaucoup : «L’économie des canards est fondée sur les annonceurs plutôt que sur les lecteurs, qui ne sont pas dupes. Et comme il n’y a pas de moyens, tu finis par accepter un voyage payé par Universal.» Et les critiques finissent par être consensuelles : «Dans une rédaction, t’as toujours trois mecs très pratiques qui aiment tout.» Jean-Vic Chapus, de Vox Pop, fait le même constat. «Les labels entretiennent la presse qui elle-même entretient les labels.» Intérêt pour les maisons de disques : booker des dates de concerts pour leurs artistes. «Une couv, ça te donne accès à un festival, explique Guillaume Heuguet, corédacteur en chef d’Audimat, toute jeune revue sans publicité. C’est un écosystème dont le lecteur est exclu.» Tous ces journalistes sont critiques face à un modèle économique qui a fini par endormir l’envie d’une presse de qualité. Pour Chapus, «en France, journalistiquement, la presse musicale est assez nulle en termes de recherche d’info, d’enquête et de reportage». Où sont les alternatives ? Le vieux modèle de la presse musicale en kiosque aurait donc fait son temps. Une situation qu’Internet n’est pas venu chambouler : le site des Inrocks y domine un paysage où l’on croise aussi Télérama et Libération, où l’on trouve des blogs passionnants mais peu de journalistes qui en vivent. Quant aux annonceurs, ils se désintéressent d’un lectorat encore plus insaisissable. Du coup, «tout le monde reproduit sur Internet ce qui s’est fait dans la presse, regrette Thomas Ducrès, de Gonzaï. Il y a de plus une "prime au lol" et Internet n’est pas fait pour les articles longs. C’est en réaction contre ça qu’on a lancé avec 800 euros une version papier de Gonzaï .» Le numéro 3 est sorti en juin, avec au programme des reportages («Sur la route des Carpates») et des interviews loin de l’actualité marketée. Gonzaï se vend dans des boutiques et sur Internet, comme Audimat, créé «par frustration plus que par antagonisme, selon Guillaume Heuguet. On veut prendre la musique au sérieux, qu’elle soit commerciale ou expérimentale». Formats longs et textes hors du tempo imposé par les labels : à l’instar de la presse, le journalisme musical est en train de laisser l’info brute au Web pour tenter de faire mieux en faisant moins. Le succès de XXI et des mooks a ouvert cette piste. Vibrations vient d’ailleurs de lancer le Grand Remix sur ce modèle. Quant aux Inrocks, Jean-Daniel Beauvallet évoque un retour à une parution «mensuelle ou bimestrielle. Le futur de la presse musicale, c’est des beaux objets comme la musique en produit». Sophian FANEN et Isabelle HANNE Avec «Gonzaï», la contre-culture fait souscrire JEAN-CHRISTOPHE FÉRAUD 16 DÉCEMBRE 2012 À 19:06 GONZOZOS «Des faits, des freaks et du fun» : digne héritier de la «free press» des années 70, Gonzaï sévit en ligne depuis 2007. Et voilà que, fort de ses 100 000 visiteurs uniques, ce rejeton du Web dopé au gonzo-journalisme s’est mis en tête de devenir un «vrai» magazine papier. Drôle d’idée à l’heure où la presse de l’ère Gutenberg entame sa migration numérique. Mais Gonzaï a un plan B : exit le vieux système de distribution, le «magazine de la contre-culture moderne» arrivera directement dans la boîte aux lettres de ceux qui auront préfinancé sur Internet sa version papier. «On a fait le tour des groupes de presse pour aller en kiosque, mais on s’est fait jeter partout. Alors on a eu l’idée de faire appel au seul juge : le lecteur», explique Thomas Ducres, alias Bester Langs, le red chef de Gonzaï. Pour ce grand saut vers l’imprimé, le mag a fait appel à la plateforme de financement participatif Ulule. Résultat : 1 500 souscripteurs ont apporté les 8 500 euros nécessaires à la sortie du magazine papier en pré-achetant le numéro 1 ou en s’abonnant à l’année. Gonzaï sera livré chez ses souscripteurs le 15 janvier, gonzo et banzaï inclus. Au sommaire : Georges Marchais et le jazz, du glam rock, un reportage sur le rêve américain au cœur de la France profonde... J.-C.F.Photo DRJean-Christophe FÉRAUD Le papier bien roulé de Gonzaï, financé via Ulule Et ne parlez pas de "mook" ! Suivre @ActuaLitte Le mercredi 27 février 2013 à 16:29:40 - 0 commentaire Pour tenter le coup de sortir un magazine papier à partir d'un site Web animé par des bénévoles, il faut probablement avoir « la plume d'un maître reporté, le talent d'un photographe de renom et les couilles en bronze d'un acteur », emphase sur le dernier élément. Les gusses de chez Gonzaï, un des rares sites culturels valables, ont choisi cette voie à bord de leur bolide foutraque. Mais on arrête avec Thompson, Gonzaï mène désormais le business avec sa propre came. La foudre ne tombe jamais au même endroit, et la rédaction de Gonzaï peut donc considérer que c'est une relation durable qui s'est installé entre son magazine et les lecteurs qui en financent la parution : à 8 heures de la fin du décompte, le numéro 2 de Gonzaï Magazine a en effet obtenu la totalité des financements nécessaires à sa parution et distribution. « Pour chaque parution, il nous faut atteindre le plafond minimum » confirme Thomas Ducres, rédacteur en chef de Gonzaï. « Nous n'avons pas de trésorerie préexistante, pour monter un modèle économique différent. Il y a bien des forfaits à plus long terme, à proposer aux lecteurs, mais les annonceurs sont une part minoritaire dans l'équation. Le minimum requis est donc indispensable. Avec, en garantie, le remboursement si ce plafond n'est pas atteint, et le numéro annulé. » En gros, à chaque réunion de rédaction, l'équipe Gonzaï pourrait aborder la mort de sa version papier, normal. Un pari barré qui est celui de la qualité, quand le site Internet de Gonzaï, 6 ans dans les dents, crie toujours haut et fort que « Seul le détail compte » : à chaque numéro, il faut convaincre le lecteur de payer, avant même d'avoir pu feuilleter l'exemplaire en question. « Tout ce qui découle de ce modèle constitue une prise de risque. Je ne dis pas ça pour qu'on se la pète ou quoi, avec le numéro 2 bouclé, mais lancer un magazine aujourd'hui avec ce modèle économique constitue une vraie pression », termine le red-chef. Gonzaï.com, à visiter Là où il faudrait « environ 30.000 € » pour démarrer en kiosques ou librairies, Gonzaï se contente de 6.000 €, pour 1.500 exemplaires envoyés à domicile ou déposés chez des disquaires de France, ou chez Agnès B., le seul snobisme que s'est permis le mag. « Il était important d'apparaître dans des lieux, et surtout en dehors de Paris. Et puisque Gonzaï est très, très musique, les lieux se sont imposés. » À l'arrivée, le numéro 1 du Gonzaï mag a dû réjouir les aficionados du journalisme à la Thompson : papier au grain qui rappelle les plus grandes heures de Bizot et d'Actuel, sujets presque attendus tant ils font partie de la mythologie autour de l'auteur (les gangs, avec les Hell's Angels)... Mais, tout de même, une surprise : la marionnette Gonzo du Muppet Show dans un cercueil, façon de tuer le père ? « C'est un clin d'oeil à la pochette de Sgt. Pepper, mais aussi une façon de s'affranchir de l'héritage Gonzo qui est un peu pesant, aussi. Il fait partie de l'ADN du site web », analyse Thomas Ducres. Le Web en sauveur du papier ? Du côté de la rédaction, on ne se voit guère en montreur d'exemple : les contributeurs de Gonzaï sont presque tous engagés dans la version papier, et reçoivent cette fois un salaire (même réduit) pour les articles publiés dans le magazine : « Vu qu'il y a prestation commerciale et échange de liquidités avec le client, il fallait une société. » Que les fervents défenseurs de l'underground ne s'inquiètent pas : le conseil d'administration n'est pas au programme, et la seule pub du Gonzaï Mag, c'est pour du Jack Daniel's. Tweeter 8 Irma : centre d’information et de ressources des musiques actuelles http://www.irma.asso.fr/SALON-LE-RADIO-REFLEXIONS-DEBATS SALON LE RADIO : REFLEXIONS, DEBATS ET PERSPECTIVES AUTOUR DE LA RADIO A quoi ressemblera la radio musicale de demain ? Article / mercredi, 8 février 2012 - mis à jour le mercredi 8 février 2012 En 2009, la journaliste de Télérama Véronique Brocard suscitait nombre de réactions, en se demandant si les radios musicales avaient encore un avenir. "Supplantées par Internet, confrontées au vieillissement de leurs auditeurs et à la baisse de leur audience", leur déclin semble inéluctable, affirmait-elle. Média de prescription et de découverte musicale historique, le passage à l’an 2000 a réinterrogé le rôle central de la radio. Depuis 20 ans, alors que tous les médias traditionnels ont connu des mutations profondes, la radio semble ne pas avoir évolué aussi vite, et être encore à la traîne de la révolution numérique. Le salon Le Radio, qui s’est déroulé à Paris du 5 au 7 février 2012, a fourni son lot de débats et d’échanges sur l’avenir de la radio musicale, et de la radio en général. Les réflexions et initiatives autour de ce média sont nombreuses et riches. Entre innovations technologiques, injonction à intégrer toujours plus d’interactivité, adaptation des méthodes traditionnelles de programmation musicale… à quoi ressemblerait la radio musicale de demain ? La radio et la musique, un couple lié depuis quasiment un siècle. La radio est en effet un vecteur historique de diffusion musicale. Elle est aussi indissociable du disque. Un exemple ? Le 45 tours. A l’origine, cette innovation n’était pas forcément prévue pour constituer un marché grand public, mais pour alimenter les radios en hits. En France, le marché de la FM commerciale s’est consolidé à la fin des années 1980 autour de réseaux musicaux nationaux, puissants supports de prescription. Mais la radio a peu à peu perdu ce statut, grignoté d’abord par la télévision et les vidéoclips, puis, et surtout, par Internet et ses formes de recommandation. Si dans les années 1980, la révolution de l’ouverture des ondes a vu l’arrivée de nouveaux entrants imposant de nouveaux fonctionnements, la FM apparaît aujourd’hui vieillissante. Elle doit se réinventer, trouver de nouveaux formats,… voire même remettre en cause cette notion pourtant si liée à son histoire. La radio est toujours le média de prescription musicale n°1 Pourtant, la radio garde une côte de popularité et une place de choix. Elle est, selon les résultats de l’étude Les Français et la musique [1] réalisée en 2011 par la Sacem, le moyen le plus apprécié pour écouter de la musique (36% des sondés) et le support privilégié de découverte de nouveaux artistes et morceaux (70% des sondés). Ces chiffres s’expliquent par la structure même de la population française. En effet, les plus de 50 ans représentent 45% du total. Si l’on compare ces résultats en isolant la tranche des 15-24 ans, on remarque que d’importants changements sont en cours. Comme le rappelle Claire Giraudin, "les habitudes de consommation évoluent doucement, ce qui est normal étant donnée la structure d’âge de la population française". Pour les 15-24 ans, le support préféré d’écoute de musique est le baladeur (27%), devant la radio (20%) et le téléphone portable (13%). Pour la recommandation, les médias traditionnels (radio, télévision) restent en tête, mais sont concurrencés fortement par Internet et notamment les sites vidéos, les sites communautaires et les radios en ligne. 76% des 15-24 ans affirment utiliser Internet pour écouter de la musique, (35% de plus que l’échantillon global). L’arrivée des nouvelles technologies et le bouleversement des habitudes d’écoute qui en résulte apparaissent nettement dans les résultats de l’enquête. Pour les découvertes musicales, les sites de vidéos 2.0 (YouTube, DailyMotion…) arrivent en 4e position, avec 14% des réponses. "C’est une percée remarquable pour des prescripteurs qui n’existaient pas il y a quelques années !", souligne Claire Giraudin. Pour l’Adisq, citant plusieurs études, le constat est le même : la radio traditionnelle est toujours la source la plus populaire de découverte musicale, mais son statut est contesté. Ainsi "la radio traditionnelle et le bouche-à-oreille dominent toujours comme source de découverte musicale, mais la télévision, les réseaux sociaux et les autres formes d’écoute de musique sur Internet progressent rapidement" [2]. Pour les jeunes générations, la radio est en perte de vitesse, concurrencée de toute part. La musique s’écoute et se regarde sur mobile. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les premiers ipods, symbole d’un changement d’habitudes lié à un changement technologique, n’intégraient pas de récepteur radio. Mais avant de balayer les pistes évoquées, dans les allées et les conférences du salon, pour tenter de réinventer la radio musicale, il est utile de rappeler la façon dont se font les programmations. Music in the air…play "On ne fait pas la radio qu’on aime. Programmer c’est faire des compromis ". Jérôme Burnichon, Hitwest Comment se fait la programmation musicale d’une radio ? Qui choisit, et selon quels critères ? Évidemment, il n’y a pas de réponse unique. Cela dépend du positionnement de la radio, de son audience, de son ou ses modes de diffusion. Des constantes sont tout de même identifiables. Tout d’abord, comme le précise Julien Guicherd, programmateur musical de Direct star, "programmer, c’est faire des choix, en fonction d’un public cible". Pour ceux qui s’imagineraient encore l’animateur arrivant dans le studio avec sous le bras des disques, ou agitant comme un trésor un lecteur mp3 rempli des nouveautés qu’il a dénichées, la chute risque d’être douloureuse… Et puis, excepté dans quelques radios associatives, qui font de la résistance, le support CD a disparu, la musique est entièrement dématérialisée. De même pour la programmation. Depuis le début des années 1990 et l’arrivée en France des logiciels de radio-automation, elle est entièrement automatisée. Initialement assignés à la programmation en avance des playlists de nuit, leur utilisation s’est vite généralisée. Selector, le premier historiquement et le plus connu serait, selon son éditeur RCS, utilisé par près de 8.000 stations dans le monde. Et par "l’essentiel des grosses radios françaises ", selon Bruno Witek, (ex-animateur et ex-directeur d’antenne de plusieurs stations musicales, aujourd’hui expert-conseil en programmation) [3]. Top/récurrent/nouveautés/gold… ? Les programmateurs commencent donc par élaborer des playlists, selon des critères variant d’une station à une autre. Celles-ci sont créées sur les logiciels de radio-automation, comme Selector ou encore Winradio. Les titres sont classés par catégories (là encore rien n’est gravé dans le marbre). Les "Hit radios" ou radio ne programmant que des tubes, fonctionnent généralement avec un Top 40 : 40 tubes, qui tournent en boucle. D’où cette impression d’entendre toujours la même chose. Les catégories les plus communément utilisées sont : les les les les « « « « tops » (ou leur variante « supertops ») : les tubes incontournables du moment nouveautés » : comme leur nom l’indique… récurrents » : des artistes identifiés golds » : les valeurs sûres, anciens tops ou tubes plus anciens encore (années 1980 ou 1990) Ces logiciels sont comme des « super jukeboxs ». On y paramètre ainsi les critères de rotation, et ce que l’on appelle les horloges. Les rotations les plus fortes sont généralement espacées d’1h30 (durée qui correspond à peu près à la durée d’un top 40). Ce qui veut dire qu’un même titre est joué toute les 1h30. Les horloges correspondent à chaque heure de la journée et sont composées de tous les éléments diffusés. On indique ainsi au logiciel la composition de la tranche : un supertop / un récurrent / une nouveauté / un top /un top / un gold/ un supertop…. On peut aisément repérer des règles en écoutant attentivement les choix de programmation. En début de tranche horaire, ou lors d’une reprise après une pub ou un journal, il est rare d’entendre une nouveauté. Un top, un gold ou un récurrent ont un impact plus positif et évitent le zapping. Bruno Witek précise : "On peut tout faire avec ces logiciels : mettre en place la playlist, définir les rotations…On peut même coder les morceaux en fonction de l’intensité musicale : on dit au logiciel que si la fin d’un morceau est lente, alors il faut que le début du suivant soit rapide. On donne des priorités, des stratégies, des impératifs de quotas, et le logiciel les applique. On peut entrer près de quarante règles !" [4]. Ces playlists doivent également respecter un certain nombre de contraintes : la durée des titres, très formatée (d’où l’existence des versions radio edit d’un titre), les emplacements des écrans pub ou encore les quotas de chansons francophones. Ainsi, les programmateurs musicaux doivent vérifier toutes les playlists et opérer des modifications manuellement si besoin. Il va sans dire que les programmateurs des radios sont « choyés » par les maisons de disques, qui leur communiquent régulièrement leurs nouveautés. Se sont même développés ces dernières années des services de « coursier numérique », comme par exemple Bya, qui livre directement les nouveautés dans les boîtes mail des radios. Des artistes font aussi eux-mêmes des envois aux radios dans l’espoir d’entrer dans leur programmation, mais c’est souvent peine perdue… Un artiste non signé n’a quasiment aucune chance d’obtenir des passages sur ce type de radio. De plus, les rotations étant composées d’un nombre restreint de titres, autant dire qu’y entrer n’est pas aisé. Une situation qui tend les relations entre maisons de disques et radios, les premières ne se montrant pas toujours satisfaites des choix éditoriaux des secondes, ces dernières reprochant aux premières de ne pas sortir assez de nouveautés… Comme le résume Julien Guicherd, "maisons de disques et radios sont comme chiens et chats". Quelles perspectives pour la radio de demain ? Si le modèle décrit précédemment n’est évidemment pas figé et a connu des évolutions, la radio reste encore largement basée sur ce fonctionnement linéaire : le programmateur programme, l’auditeur écoute ce que le programmateur a choisi. La radio tient évidemment compte des « voix de retour » depuis longtemps. On pense au binôme radio/téléphone, grâce auquel les auditeurs peuvent choisir et/ou dédicacer un titre, mais aussi aux grandes heures de la libre antenne. Constat symbolique et paradoxal, les radios ont également largement investi les réseaux sociaux, pour communiquer avec leurs communautés d’auditeurs. Comme le rappelle Rémi Bouton, journaliste et pionnier des radios libres en France, "la radio au XXe siècle a été le média le plus souple, le moins cher, le plus instantané, le plus social". Mais avec Internet et la prépondérance du support mp3, offrant des possibilités simples de stockage et d’échange de musique, redoublée par le web 2.0 et l’émergence des réseaux sociaux online, ce statut est remis en cause. Les technologies ont évolué, et les habitudes d’écoute ont changé. Grille de programme versus « musique à la demande » Et la radio doit donc changer, évoluer, car elle apparaît un peu comme à la traîne de la révolution numérique. Comment concurrencer le « tout à la demande », et sa déclinaison en plateformes de « musique à la demande » ? On peut effectivement envisager la radio comme un simple flux audio, mais cela serait très réducteur. Et pour évoluer, il est difficile de séparer contenus et interfaces. La radio n’est pas non plus restée figée : les podcasts se généralisent, mais restent encore minoritaires comme mode de consommation. Quelles sont alors les pistes de renouvellement, pour inventer la radio de demain ? Doit-elle nécessairement intégrer du texte, de l’image, au risque de se dénaturer ? Alors que la radio est par essence le média qui ne sollicite qu’un seul sens, l’ouïe (sans compter l’imaginaire qu’elle suscite !), peut-elle concurrencer un véritable média d’avenir que l’on envisagerait plutôt comme synesthésique ? Des évolutions technologiques Une des pistes possibles passe par la technologie. Par exemple, ce que l’on pourrait appeler la « radio en 3D ». Il existe actuellement plusieurs projets de spatialisation du son. Il s’agit d’augmenter l’expérience du son, en utilisant la diffusion 5 .1, en la poussant encore plus loin. C’est un peu comme l’image 3D pour la télévision. Le potentiel technique a une marge de progression importante pour explorer cette voie. Le développement des métadonnées ou données associées à un fichier son vont aussi probablement permettre d’offrir plus que simplement un titre de musique : les informations de base (nom de l’artiste, du titre, de l’album, du label…) mais aussi un accès à des contenus exclusifs (vidéos, interviews…) ou à l’actualité de l’artiste. Pour les programmateurs professionnels, mais aussi pour les programmateurs en herbe, les possibilités d’agrégation de flux audio permettent de se composer sa propre radio à partir de différents flux : playlists personnelles, ou échangées, podcasts… L’auditeur décide du programme. Des plateformes d’agrégation proposent déjà du placement de contenu. Les radios en ligne piochent et composent à la carte. Les projets de ce type se sont d’abord développés pour proposer des placements de pub, mais se positionnent de plus en plus sur du contenu, en s’adressant directement à l’auditeur. Les interfaces interactives Un autre axe potentiel d’évolution s’appuie sur la réflexion autour des interfaces. Pour rester fidèle au média radio, celles-ci doivent intégrer la dimension sonore. La radio devra sans doute s’appuyer sur ce trait d’ADN qui est le sien : elle est par excellence le média que l’on écoute en faisant autre chose. Comme le rappelle Olivier Riou, ancien directeur des programmes d’Europe 2 et fondateur de Hot Mix radio, "la radio, c’est ce que l’on est capable d’assimiler en faisant autre chose. Et même en associant des images, des informations, si l’on écoute la radio en cuisinant, l’on est d’abord occupé à cuisiner". Dans cette perspective, l’avenir de la radio ne doit pas nécessairement passer par l’image, par l’écran. On s’y intéresse plus aux interfaces à commande vocale, pour partager playlists et podcasts. Les formats de ces derniers, encore très longs pour la radio, peuvent aussi évoluer. Ils sont moins pratiques d’usage, encore peu adaptés à l’esprit de zapping, à l’exigence d’instantanéité de plus en plus affirmée. La commande vocale peut être une piste intéressante à explorer (transposer techniquement le contrôle+F du texte à l’écran pourrait permettre d’aller directement à la musique souhaitée…). De même que le recours à des contenus pour pallier le déclin du simple flux musical, le développement des directs peut conforter la dimension linéarisée de la programmation musicale. Ce qui a été fait pour l’information journalistique peut être adapté à la musique, en diffusant encore plus de concerts en direct par exemple. Interactif et social : l’avenir de la programmation Au-delà des évolutions technologiques, les principales réflexions portent aussi sur des systèmes de programmation plus interactifs et plus sociaux. Sur ce point, les radios ont déjà enclenché leur mutation, en étant présente sur Internet et en investissant les réseaux sociaux. Pensons à Skyrock, qui a mieux résisté au passage à vide de la radio au milieu des années 2000 en prolongeant très tôt son périmètre via les skyblogs. En terme de programmation, une plus grande réactivité est sollicitée, notamment pour faire entrer plus vite les nouveautés, et augmenter le nombre de titres en rotation, ou adapter celles-ci : moins de matraquage dans le temps d’une même chanson, ou l’inverse ! Comme du temps de la K7 audio, nombre d’auditeurs ne souhaitent écouter que les titres qu’ils aiment… Beaucoup se souviennent des interminables heures passées devant une chaîne hi-fi, à attendre le titre attendu, l’index nerveusement posé sur le bouton record, prêt à jaillir, en espérant que l’animateur ne parle pas par dessus la musique… La prise en compte des auditeurs dans leur interaction avec les contenus et la programmation musicale devra être encore plus importante. « L’esprit facebook » est aujourd’hui bien ancré. Pouvoir dire « j’aime / j’aime pas » doit servir à personnaliser la radio écoutée, qu’elle se paramètre en fonction de ce que l’auditeur lui indique. Cette dimension est déjà intégrée par les radios, avec les panels d’écoute pour les sélections de titres, ou via les réseaux sociaux justement. Mais cette logique peut être poussée plus loin, jusqu’à l’individualisation. Comme le rappelle Vincent Castaignet, fondateur de Musicovery, "le premier niveau d’interactivité, c’est de pouvoir dire non : ce titre je ne veux plus l’entendre". Ce peut être une des « voix de retour » exploitable pour la radio numérique. Tout en gardant à l’esprit que certaines œuvres méritent en effet plusieurs écoutes, attentives… Combien d’artistes n’auraient jamais accédé à la notoriété s’ils avaient été immédiatement « zappés » ? La dimension sociale peut aussi être envisagée dans une perspective communautaire, en limitant les accès privilégiés aux suiveurs, amis, abonnés…. Quoi qu’il en soit, il semblerait qu’il faille passer d’une vision linéaire à une vision éclatée, recomposée. Tous programmateurs ? Si l’on suit les pistes d’évolution évoquées lors du salon Le Radio, la radio du futur sera sûrement délinéarisée, déconstruite et reconstruite. L’auditeur déconstruira ce que lui proposent les professionnels de la radio et recomposera à sa guise, en poussant au maximum la dimension « à la demande ». Chacun pourrait ainsi devenir son propre programmateur. Si effectivement, tout le monde ne deviendra pas obligatoirement proactif et expert, désireux de composer ses propres contenus, les programmateurs des radios sont et seront de plus en plus concurrencés par des « prescripteurs non professionnels » : amateurs, passionnés, webradios spécialisées… Bref, par ce que l’on pourrait appeler des leaders de prescription, sur les plateformes de streaming, les réseaux sociaux… Ce que l’auditeur recherche, ce sont des playlists « expertisées » par quelqu’un, qui que ce soit, à qui l’on reconnaît sinon un statut d’expert, du moins un statut de connaisseur, ou tout simplement dont on partage les goûts. Retour vers le passé : « Le transistor du peintre » "Le transistor du peintre est toujours le plus important" Edwige Roncière Aujourd’hui, la radio apparaît donc condamnée à l’audace, à l’évolution technologique et à l’injonction du toujours plus social. Il faudrait dès à présent enterrer la « radio de papa », ranger transistors et autres postes dans les armoires de l’Histoire. Mais n’en déplaise aux thuriféraires de la radio sociale connectée, la marche du progrès bégaye parfois, et la radio « à l’ancienne » a encore de beaux jours devant elle. Il ne faut en effet pas oublier cette dimension, encore très présente, de l’écoute passive. Selon Edwige Roncière, ingénieure en traitement d’antenne et test qualité audio à Radio France, "la radio du futur n’abandonnera pas la radio du passé, elle l’inclura, car même à l’heure de la radio connectée, augmentée, le transistor du peintre est toujours le plus important". Cet idéal-type du transistor du peintre pourrait être décliné en d’autres images : le poste de la cuisine ou celui qui accompagne le ménage, l’autoradio du conducteur… Pour pouvoir faire évoluer cette dimension d’écoute passive, une typologie et une analyse fine des différents environnements d’écoute est nécessaire. Et l’on peut légitimement penser, avec Vincent Castaignet, que "le poste de radio de la cuisine est aujourd’hui encore central. Mais qu’il sera, lui aussi, inévitablement remplacé". Entre persistance des modèles classiques, innovations technologiques et montée en puissance des dimensions interactives et sociales, il semble que l’avenir des radios musicales sera multiple ou ne sera pas. Comme le rappelle Xavier Filliol, directeur des Éditions de l’Octet et président de la commission musique du Geste, "l’avenir de la radio ne passe pas par une voie unique, mais sera pluriel. Il ne faudrait pas envisager les choses comme on a pu le faire avec Internet et se borner à l’opposition des modèles linéaire / personnalisé. Les deux cohabiteront. Et l’auditeur choisira !". L’édition 2012 du salon Le Radio a été une réussite. Initiative portée par Philippe Chapot, c’est une occasion privilégiée pour tous les professionnels, les amateurs et les passionnés de radio d’échanger et de confronter les points de vue, pour élaborer ensemble la radio de demain. Romain Bigay Interviews La Caution, Arnaud Merlin et Bintou Simporé lauréats des Irmawards 2012 En partenariat avec le salon Le Radio, Les centres infos spécialisés de l’Irma ont remis les Irmawards, récompensant les émissions de radio qui, sur l’année 2011, ont le plus fait pour la promotion du hip hop, du jazz et des musiques du monde. Et les lauréats sont : Catégorie musiques du monde : Bintou Simporé pour "Néo Géo" ; Catégorie jazz : Arnaud Merlin pour son émission "Le Matin des musiciens jazz" ; Catégorie hip hop : La Caution aka Hi-Tekk et Nikkfurie pour "Les Cautionneurs". Rencontres avec ceux qui font la radio musicale. >>>Lire les interviews [1] Étude Sacem Les Français et la musique, janvier 2011 : http://www.sacem.fr/cms/home/la-sac… (http://www.sacem.fr/cms/home/la-sacem/etudes/sondage-francaismusique;jsessionid=63D4A4BAAC6685634C5BE4441AD42118) [2] In Lettre d’information de l’Adisq : http://www.irma.asso.fr/Quelle-est-… [3] Cité in « Radio : La Programmation Musicale vue par Libération ! » http://pierrecaubel.typepad.com/pie… (http://pierrecaubel.typepad.com/pierre_caubel_cratif_libr/2010/07/radio-la-programmation-musicale-vue-par-lib%C3 %A9ration.html) [4] idem Irma : centre d’information et de ressources des musiques actuelles http://www.irma.asso.fr/Musique-dans-les-medias-France Musique dans les médias : "France télévisions doit revoir sa copie" Musique enregistrée / mercredi, 9 octobre 2013 - mis à jour le mercredi 9 octobre 2013 Dans un communiqué daté du 9 octobre 2013, Tous pour la musique demande à France Télévisions de "rétablir son engagement de diffuser un programme à caractère musical de 52 minutes à une heure de grande écoute et afficher des objectifs clairs et précis quant à l’exposition de la musique sur ses écrans". Communiqué de presse, mercredi 9 octobre 2013 "France Télévisions doit rétablir son engagement de diffuser un programme à caractère musical de 52 minutes à une heure de grande écoute et afficher des objectifs clairs et précis quant à l’exposition de la musique sur ses écrans. L’ensemble de la filière musicale réunie au sein de l’association « Tous pour la Musique » ne peut que se féliciter de cette recommandation forte de Mme Martine Martinel, auteure du rapport d’information sur le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions. Lors de l’examen du rapport par la Commission des Affaires Culturelles de l’Assemblée nationale, la rapporteure a souhaité que la société rétablisse l’engagement qu’elle avait pris dans le COM initial de diffuser une émission à caractère musical de 52 minutes à une heure de grande écoute mais que France Télévisions a retiré du projet d’avenant ! Le CSA avait lui-même relevé la disparition de cet objectif. L’association TPLM constate avec satisfaction que, après la suppression de deux émissions musicales, la tentative de France Télévisions d’échapper à ses obligations en matière de diffusion musicale s’est heurtée à la vigilance de la rapporteure. Mme Martinel relève avec pertinence que « nous aurions besoin de précisions sur la volonté de France Télévisions de favoriser la musique actuelle et les nouveaux talents ». Après la récente mise en place par la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti d’une Mission consacrée à l’exposition de la musique dans les médias confiée à Jean-Marc Bordes, l’ensemble des professions de la musique (auteurs, compositeurs, artistes interprète, musiciens, éditeurs, producteurs, managers, entrepreneurs de spectacles, disquaires et diffuseurs de musique) resteront attentives à ce que des émissions à caractère musical et des rendez-vous réguliers figurent dans les programmes de médias audiovisuels, premiers prescripteurs de musique auprès du public." A propos de Tous pour la musique : L’association Tous pour la musique fédère toutes les professions de la musique. Les membres qui la composent sont : ADAMI, CSDEM, MMFF, PRODISS, SACEM, SCPP, SDLC, SFA, SNAC, SNAM, SNEP, SPPF, UNAC, UPFI, BUREAU EXPORT, CNV, FCM, FRANCOPHONIE DIFFUSION, IRMA. Irma : centre d’information et de ressources des musiques actuelles http://www.irma.asso.fr/Musique-dans-les-medias-Filippetti Musique dans les médias : Filippetti missionne Jean-Marc Bordes Media / jeudi, 19 septembre 2013 - mis à jour le jeudi 19 septembre 2013 La ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti a mis en place une mission de réflexion sur l’exposition de la musique dans les médias. Celle-ci est confiée à Jean-Marc Bordes, ancien directeur général adjoint de l’INA. La place de la musique dans les médias est une question récurrente, mais qui avait pris un tour nouveau avec les annonces successives de suppression d’une grande partie des émissions musicales sur le service public. Les professionnels du secteur musical n’ont d’ailleurs de cesse de rappeler leur mécontentement face à la réduction permanente des temps d’antenne accordés à la musique. Pour réfléchir à cette question, Aurélie Filippetti a confié à Jean-Marc Bordes, ancien directeur général adjoint de l’INA, une mission sur l’exposition de la musique dans les médias. Comme le précise le communiqué du ministère, Jean-Marc Bordes devra établir, « en s’appuyant sur une consultation large des professionnels concernés, un état des lieux qualitatif et quantitatif de l’exposition actuelle de la musique sur les différents médias, du secteur privé comme du service public ». Il est également précisé que « des préconisations seront établies afin de conforter la place des médias en tant que prescripteurs privilégiés dans le paysage musical français, qu’il s’agisse des éditeurs de services de communication audiovisuelle traditionnels (télévision et radio) ou des éditeurs de services numériques (services de médias audiovisuels à la demande, sites de vidéo et de musiques en ligne, etc.) ». La mission conduite par Jean-Marc Bordes rendra ses conclusions en janvier 2014. Imprimer : Tous pour la musique salue la mise en place ... http://www.irma.asso.fr/spip.php?page=imprimir_arti... Irma : centre d’information et de ressources des musiques actuelles http://www.irma.asso.fr/Tous-pour-la-musique-salue-la-mise Tous pour la musique salue la mise en place d’une mission sur l’exposition de la musique dans les médias Media / jeudi, 19 septembre 2013 - mis à jour le jeudi 19 septembre 2013 Dans un communiqué, Tous pour la musique, qui fédère les acteurs de la filière musicale, se félicite de l’initiative prise par la Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, qui vient de confier à Jean-Marc Bordes, une mission consacrée à l’exposition de la musique dans les médias. Communiqué de presse : MISSION MUSIQUE DANS LES MÉDIAS : LA FILIÈRE MUSICALE MOBILISÉE jeudi 19 septembre 2013 L’ensemble de la filière musicale, rassemblée au sein de l’association « tous pour la musique », se félicite de l’initiative prise par la Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, qui vient de confier à Jean-Marc Bordes, une Mission consacrée à l’exposition de la musique dans les médias. La place de la musique dans les médias est un enjeu crucial qui mobilise les professionnels de la musique depuis plusieurs années. La télévision et la radio restent les premiers prescripteurs de musique auprès du public, y compris des jeunes : ces médias audiovisuels favorisent l’émergence de jeunes talents, le renouvellement des titres diffusés et la préservation de la chanson française. L’ensemble des professions de la musique (auteurs, compositeurs, artistes interprètes, musiciens, éditeurs, producteurs, managers, entrepreneurs de spectacles, disquaires et diffuseurs de musique) participeront donc avec grand intérêt à la conduite de cette mission, en y apportant leurs contributions. A propos de « tous pour la musique » : L’association « tous pour la musique » fédère toutes les professions de la musique. Les membres qui la composent sont : ADAMI, CSDEM, MMFF, PRODISS, SACEM, SCPP, SDLC, SFA, SNAC, SNAM, SNEP, SPPF, UNAC, UPFI, BUREAU EXPORT, CNV, FCM, FRANCOPHONIE DIFFUSION, IRMA. 1 sur 1 14/10/13 10:50 Irma : centre d’information et de ressources des musiques actuelles http://www.irma.asso.fr/Accord-entre-Radio-France-et-les Accord entre Radio France et les sociétés d’auteurs pour renforcer le développement des nouveaux médias Media / mardi, 26 février 2013 - mis à jour le mardi 26 février 2013 Dans un communiqué, Radio France et les sociétés d’auteurs (ADAGP, SACD, SACEM, SCAM, et SDRM) annoncent un accord sur la diffusion des œuvres musicales en multimédias, permettant une plus grande accessibilité aux publics tout en favorisant une répartition équitable des rémunérations. Communiqué : Accord entre Radio France et les sociétés d’auteurs pour renforcer le développement des nouveaux médias Radio France et les sociétés d’auteurs (ADAGP, SACD, SACEM, SCAM, et SDRM) se félicitent du nouvel accord média global signé le 25 février 2013. Il permet à Radio France de poursuivre le développement de son offre multimédia tout en assurant la rémunération des auteurs et des créateurs, qui participent grandement au dynamisme et à la créativité des radios publiques. Cet accord s’attache en effet à refondre les précédentes conventions, signées depuis 2006, qui avaient permis de mettre les émissions radiophoniques à la disposition du public, sur l’ensemble des plateformes numériques de Radio France, par écoute et visualisation à la demande ou en flux continu, ainsi que par téléchargement. L’accord du 25 février 2013 permet également de renforcer la présence des radios du groupe Radio France sur Internet en ouvrant la voie à de nouvelles créations audiovisuelles et multimédia. En s’appuyant sur les possibilités offertes par l’image et l’animation, la radio peut ainsi trouver de nouveaux développements : elle favorise l’écriture spécifique à de nouveaux supports de diffusion et continue de chercher à toucher de nouveaux publics. Radio France montre ainsi qu’elle considère le numérique comme l’un de ses territoires, qui entend servir de support à la création radiophonique. Partenaires de longue date, Radio France et les sociétés d’auteurs conçoivent cette collaboration renouvelée comme un modèle d’innovation, qui doit permettre à la fois de favoriser une répartition équitable des rémunérations et d’encourager la création dans le monde numérique. Conclue jusqu’au 31 décembre 2016, cette nouvelle convention rappelle la volonté de Radio France et des sociétés d’auteurs d’accompagner ensemble l’adaptation de la radio aux usages liés au numérique et à leurs progrès constants. Elle démontre à nouveau que le droit d’auteur et sa gestion collective restent tout à fait performants à l’heure de l’innovation numérique. Les réactions à la signature de cet accord : « Cet accord témoigne de la volonté de Radio France de déployer l’exercice de ses missions de service public tout en restant le partenaire privilégié des créateurs, et d’offrir aux auditeurs des contenus toujours plus variés, dans le strict respect du droit d’auteur. » Jean-Luc Hees, Président-directeur général de Radio France « L’ADAGP est très heureuse de cet accord global, qui permet aux auteurs de bénéficier pleinement de la diffusion de leurs œuvres sur les plateformes numériques de Radio France, dont l’offre est toujours plus riche et diversifiée. » Marie-Anne Ferry-Fall, Directrice générale de l’ADAGP « La SACD se félicite du partenariat fructueux noué depuis plusieurs années avec Radio France. Ce nouvel accord va faciliter et renforcer l’accès du public aux œuvres radiophoniques tout en garantissant une juste rémunération pour les auteurs. » Pascal Rogard, Directeur général de la SACD « Cet accord symbolise la volonté de la SACEM d’accompagner Radio France dans la diffusion d’œuvres musicales sur ces médias incontournables pour la vitalité culturelle, dans le respect des droits d’auteurs des créateurs et leur diversité. » Jean-Noël Tronc, Directeur général de la SACEM « La SCAM se réjouit de l’aboutissement de cette négociation qui marque une nouvelle fois la pertinence de la gestion collective des droits à l’ère du numérique et conforte le rôle qu’elle joue depuis sa création pour les milliers d’auteurs de Radio France qu’elle représente » Hervé Rony, Directeur général de la SCAM Irma : centre d’information et de ressources des musiques actuelles http://www.irma.asso.fr/Les-investissements-publicitaires,10018 Les investissements publicitaires en baisse dans la musique Musique enregistrée / jeudi, 19 avril 2012 - mis à jour le jeudi 19 avril 2012 L’Observatoire de la musique, comme chaque année, vient de publier son Baromètre 2011 des investissements publicitaires du secteur des éditions phonographiques en radio et télévision. Et la tendance est à la baisse : -21,9%, pour un montant total de 166,07 millions d’euros. L’Observatoire de la musique a publié son Baromètre des investissements publicitaires du secteur des éditions phonographiques en radio et télévision, réalisé à partir des données fournies par Yacast. Et la tendance est clairement à la baisse. Au cours de l’année 2011, le secteur des éditions phonographiques a concouru aux recettes publicitaires des médias (tv + radio) à hauteur de 166,07 M€, soit une baisse de -21,9% sur la période. Ce secteur représente 1,4% (-0,5 pt par rapport à 2010) de l’ensemble des investissements publicitaires, tous secteurs confondus (dont 3 626,30 M€ en radio et 8 194,93 M€ en TV). Cette baisse conséquente affecte principalement les stations radio musicales et thématiques (-15,7%). Skyrock, avec 21,2% de parts de marché, passe devant Radio classique (17,3% de parts de marché ). Côté télés, les chaînes hertziennes, en baisse de -26,3 %, ont capté 80,9 % des investissements publicitaires. La baisse est moins conséquente pour les chaînes du câble-satellite et de la TNT (-14,9 %, pour 19,1% des investissements). BFM TV est en tête, avec 3,8 % de parts de marché (+2,2 pts), devant W9 (3,6%). 731 spots publicitaires ont été recensés pou l’année 2011 (-112), pour 45 082 diffusions (-20 635). Les investissements publicitaires du secteur des éditions phonographiques en radio et en TV sont à 74,7% consacrés à la promotion des albums (-0,4 pt), ceux dédiées à la promotion des compilations, DVD et singles, s’élèvent respectivement à 22,1% (+1,8 pt), 1,9% (-0,6 pt) et 1,3% (-0,8 pt). La répartition des investissements publicitaires du secteur des éditions phonographiques dans les médias (radio+TV) par annonceur : Universal Music : 44% (+2,7 pts) Warner Music : 16,7% (-4 pts) Sony Music : 16,5% (-0,7 pts) Indépendants : 12% (+0,5 pts) EMI Music : 10,9% (+1,4 pts) Télécharger la version intégrale du Baromètre des investissements publicitaires du secteur des éditions phonographiques en radio et télévision. (http://observatoire.cite-musique.fr/observatoire/) « Médias » – Concertation territoriale Ville de Toulouse 2013 Bibliographie indicative Études sur les médias - Club Averroes, Média et diversité, Rapport, janvier 2010 www.irma.asso.fr/IMG/pdf/rapport_2010_averroes.pdf - Observatoire de la Musique, Baromètre des investissements publicitaires du secteur des éditions phonographiques en radio et télévision, Rapport, 2012 observatoire.cite-musique.fr/observatoire/document/BIP_2012.pdf - Observatoire de la Musique, Évolution des investissements publicitaires du secteur des éditions phonographiques en radio et télévision – Les chiffres clés de l'année 2010 vs.2005, Rapport, 2010 observatoire.cite-musique.fr/observatoire/document/BIP_2010_vs_2005.pdf - Observatoire de la Musique, Indicateurs de la diversité musicale dans le paysage audiovisuel, Rapport, 2012 observatoire.cite-musique.fr/observatoire/document/DMT_2012.pdf - Observatoire de la Musique, Indicateurs de la diversité musicale dans le paysage radiophonique, Rapport, 2012 observatoire.cite-musique.fr/observatoire/document/DMR_2012.pdf observatoire.cite-musique.fr/observatoire/document/DMR_2012_livret2.pdf Musique et Médias - Irma, De l’exposition des artistes et des nouveaux talents à la télé et à la radio, Article, 2006 www.irma.asso.fr/De-l-exposition-des-artistes-et - Irma, Musique dans les médias : Filippetti missionne Jean-Marc Bordes, Article, 2013 www.irma.asso.fr/Musique-dans-les-medias-Filippetti - Irma, Musique dans les médias : "France télévisions doit revoir sa copie", Article, 2013 www.irma.asso.fr/Musique-dans-les-medias-France - Irma, Promo musicale & new médias, Compte rendu, 2008 www.irma.asso.fr/Compte-rendu-Promo-musicale-new - Irma, Rachat de Virgin 17 : Quelle place pour la musique ?, Article, 2010 www.irma.asso.fr/Rachat-de-Virgin-17-quelle-place - Irma, Tous pour la musique salue la mise en place d’une mission sur l’exposition de la musique dans les médias, Article, 2013 www.irma.asso.fr/Tous-pour-la-musique-salue-la-mise - Le Bail Karina, Aaron Didier, Delalande François, Musiques et médias, un mariage de raison ?, La Documentation française n°97, 2001 - Mesnil Juliette, De l'usage des médias dans le rap, Mémoire, 2006 www.irma.asso.fr/IMG/pdf/02._Memoire_Juliette_Mesnil_Memoire_M2R_infocom_sept_2006_.pdf Médias et numérique - Charon Jean-Marie, Les médias à l'ère numérique, Les cahiers du journalisme n°22/23, 2011 www.cahiersdujournalisme.net/cdj/pdf/22_23/01_CHARON.pdf - Dupin Antoine, Communiquer sur les réseaux sociaux, FYP Editions, 2011 - Giazzi Danièle, Les médias et le numérique, Rapport, 2008 http://www.alternativeseconomiques.fr/fic_bdd/article_pdf_fichier/1224656349_Les_medias_face_au_numeriq ue.pdf - Godtschalck Christophe, Le développement du multimédia et des arts numériques au sein des structures musiques actuelles, Mémoire, 2004 fsj.la-fedurok.org/documents/Memoire2004DESS_Christophe_Godtschalck.pdf - Maigret Eric et Macé Eric, Penser les médiacultures, Armand Colin et INA, 2009 - Sonnac Nathalie et Gabszewicz Jean, L'industrie des médias à l'ère numérique, 3e édition, Paris, La Découverte « Repères », 2013 - Vedrenne Gabriel, Comment les médias digèrent le numérique, Article, 2012 www.europe1.fr/Economie/Comment-les-medias-digerent-le-numerique-1146829/ Radio - Bigay Romain, Salon le radio : réflexions, débats et perspectives autour de la radio : A quoi ressemblera la radio musicale de demain ?, Article, 2012 www.irma.asso.fr/SALON-LE-RADIO-REFLEXIONS-DEBATS - Irma, Accord entre Radio France et les sociétés d’auteurs pour renforcer le développement des nouveaux médias, Article, 2013 www.irma.asso.fr/Accord-entre-Radio-France-et-les