Les mesures techniques de protection du livre numérique

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Les mesures techniques de protection du livre numérique
Table des matières
Avant-propos
Droits d’auteurs
Le contexte
Les DRM
Les principes du système de DRM
Principes techniques
Les DRM chez les principaux distributeurs
Coût de la solution
Aspect juridique de la DRM
Une solution controversée
Le lecteur, technicien malgré lui
Les DRM, un contrôle d’usage du livre ou un contrôle des utilisateurs?
Les menottes numériques du ebook
Votre bibliothèque est aussi celle de votre distributeur
Une exception au droit de la copie privée
Les droits du lecteur
On achète un livre ou le droit de le lire?
Le lecteur et ses ebooks, c’est à vie? La question de la pérennité des DRM.
Vision économique des DRM
Les DRM, ça protège surtout les monopoles...
Un frein pour le potentiel commercial du livre
Problématiques techniques
Les DRM, trop vite contournées
L’interoperabilité, un besoin des lecteurs pour lequel les DRM ne sont pas
au rendez-vous
Les données client en sécurité sur les serveurs de DRM?
Perspectives
Remise en cause de l’utilisation des DRM
Des éditeurs font le choix de distribuer des ebook sans DRM
Les DRM seraient intégrées dans les spécification du HTML5
Oublions les DRM, vive la DRM light?
Le Watermarking/Tatouage numérique
Le principe
Fonctionnement technique
Coût de la solution
Les avantages
Une solution plus légère et moins restrictive pour le distributeur
La responsabilisation du client
La recherche des copies illégales
Les critiques envers le watermarking
Solutions alternatives de protection technique
SiDiM, modifier l’oeuvre pour mieux la protéger
Le «Fingerprinting», aide à la lutte contre le piratage
Les mesures techniques de protection du livre, un mal nécessaire?
Les mesures techniques de protection du livre au regard de l’expérience utilisateur
Des mesures techniques de protection pour lutter contre le piratage, mais où en est-on du
piratage?
Le piratage dans l’industrie culturelle du livre
Connaitre le pirate pour connaitre le contexte
Position d’acteurs de la chaine du livre sur le piratage
Le piratage dans les autres industries culturelles
Les Perspectives
Développement du streaming
Principe
Protection du contenu
Les distributeurs de livres en streaming
Le modèle économique du streaming est-il viable?
La politique gouvernementale en faveur du livre numérique
Conclusion
Notes de bas de page
Ressources
Glossaire
Avant-propos
Cet ouvrage a été réalisé dans le cadre du Master 2 Publication Numérique de l'enssib, Promotion
2014.
Il répond à un double objectif :
un travail de recherche sur le sujet des "Mesures techniques de protection du livre
numérique",
un travail technique de conception d'un livre au format ePub.
Le livre numérique fait une apparition significative sur le marché français depuis 2008. Le livre
papier se dédouble et son jumeau numérique rentre alors dans l’ère dématérialisée. Comme pour
tout bien numérique, se pose alors la question de la protection. Avec internet le partage de fichier
est si aisé que les éditeurs s’inquiètent et cherchent alors à préserver au mieux leurs livres.
La première partie de cet ouvrage sera consacrée à la présentation des différentes mesures
techniques de protection du livre. Leur analyse montrera les avantages et limites de ces systèmes.
Avec internet et le passage au numérique, nous verrons dans la seconde partie de cet ouvrage que
tout le paysage culturel et son modèle économique aborde une phase d’évolution majeure.
Né avec le codex et permettant de reproduire le savoir à l’infini sur du papier, le livre a permis à la
connaissance de se matérialiser, mais aussi de devenir un objet d’échange. En pleine évolution
numérique, le livre doit cependant garder sa place d’outil d’échanges et d’interactions dans un
monde pluriel et s'adapter aux nouveaux usages. Sa distribution doit rester respectueuse de tous les
acteurs de toute la chaine du livre, de l’auteur jusqu’au lecteur.
Droits d’auteurs
Cette création est mise à disposition selon le Contrat :
Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les mêmes conditions
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/
disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/ ou par courrier postal
à Creative Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105, USA.
Le contexte
Le livre numérique fait une apparition significative sur le marché français depuis 2008. Le livre
papier se dédouble et son jumeau numérique rentre alors dans l’ère dématérialisée. Cet ouvrage
traitera le livre numérique, ou ebook, en tant que fichier electronique, quel que soit son format,
ePub,mobi,azw, kf8,... excluant cependant le livre application.
Le marché du livre numérique en France, encore balbutiant, prend son essor. En France, la part du
ebook est encore faible (3,0 % du chiffre d'affaires des éditeurs[1]), mais si la courbe d’acquisition
suite la même évolution qu’aux Etats-Unis (20% du marché du livre [2]), le ebook pourrait alors bien
devenir un objet de consommation courante.
Comme pour tout bien numérique, se pose alors la question de la protection. Avec internet le
partage de fichier est si aisé que les éditeurs s’inquiètent et cherchent alors à préserver au mieux
leurs livres.
On parle de protéger le livre numérique, certes, mais de quelle protection parle-t-on vraiment? Les
droits applicables à une oeuvre ne sont pas tous les mêmes et il faut bien différencier :
La paternité de l’oeuvre : C’est un droit moral qui reconnaît à l’auteur la paternité de
l’oeuvre, son rédacteur doit pouvoir être identifié. Ce droit d’auteur est géré par le Code
de la propriété intellectuelle [3],
L’oeuvre elle même : c’est à dire garantir la fiabilité du contenu. Cet aspect est très peu
abordé dans les thématiques de protection d’une oeuvre. Et pourtant, il est indispensable
de garantir l’intégrité de l’oeuvre qu’un lecteur peut acheter. Cela lui permet d’être sûr que
le texte d’un livre n’a pas subi de modification, volontairement ou non.
La protection commerciale de cette œuvre : C’est finalement de cette protection-là et
d'elle seule dont on parle sous le terme générique de « protection ». Il s’agit de la
protection de l’exploitation de l’oeuvre, et donc du marché de celle-ci. On aborde là le
fait de contrôler l’accès et l’usage qui est fait des œuvres numériques, pour éviter leur
libre circulation et leur piratage. C’est bien dans ce contexte-ci que l’on présente les
mesures techniques de protection (MTP). Celles-ci recouvrent les systèmes de type DRM
et watermarking particulièrement.
Actuellement, dans la majorité des systèmes de vente de livres numériques, les éditeurs et
distributeurs désirent protéger le marché du livre, au sens de l’exemplaire unique de cette oeuvre.
Dans cette nouvelle configuration numérique, les industriels du livre cherchent à reproduire le
mode de distribution historique du livre papier avec une valeur unitaire de l’exemplaire livre. Ce
système implique la protection du marché du livre, notamment avec la mise en place des mesures
techniques de protection de type DRM.
Le principe économique au coeur de ce système se trouve dans l’économie de la rareté. Les
distributeurs font le choix de vendre un livre, et non un service d’accès au contenu. Tout du
moins pour le moment, car les nouveaux modes de lecture sont en cours d’exploration et
d’invention.
La première partie de cet ouvrage sera consacrée à la présentation des différentes mesures
techniques de protection du livre. Leur analyse montrera les avantages et limites de ces systèmes.
Avec internet et le passage au numérique, nous verrons dans la seconde partie de cet ouvrage que
tout le paysage culturel et son modèle économique aborde une phase d’évolution majeure. Pour
schématiser, nous nous situons au passage de la mine de charbon à l'électricité. Le besoin d’accès
aux oeuvres reste le même mais la façon de le fournir est en train d’évoluer et l’industrie culturelle
aborde ce grand virage actuellement. Certaines industries culturelles, telle que la musique ou le
cinéma, ont dû intégrer un peu plus tôt ces évolutions, et leurs expériences pourraient
certainement être une source d’enseignements à prendre en compte pour l’industrie du livre.
Né avec le codex et permettant de reproduire le savoir à l’infini sur du papier, le livre a permis à la
connaissance de se matérialiser, mais aussi de devenir un objet d’échange. La parenthèse
Gutenberg, période où le livre était le support principal du savoir de confiance, est en train de se
refermer. En pleine évolution numérique, le livre doit cependant garder sa place d’outil d’échanges
et d’interactions dans un monde pluriel. Sa distribution doit rester respectueuse de tous les acteurs
de toute la chaine du livre, de l’auteur jusqu’au lecteur.
Les DRM
Les DRM («Digital Rights Management», aussi appelés «Digital Restrictions Management»)
représentent les mesures techniques de protection les plus connues à ce jour.
Liées au livre, les DRM permettent de contrôler l’accès aux œuvres numériques et l’usage qui en est
fait par les lecteurs. L’objectif est de sécuriser les modes de diffusion, la vente sur les sites
distributeurs, et d’empêcher que des copies soient échangées, par exemple sur Internet, et piratées.
Seuls les ebook achetés dans un processus permettant de les télécharger sur un support de lecture
(une liseuse, un ordinateur, un smartphone..) intègrent des DRM.
L’utilisation des DRM n’est pas restreinte au domaine du livre. Elles ont été conçues pour diverses
œuvres numériques (musique, vidéo/film, livre, jeu vidéo, logiciel en général, etc.) sur tout type
d’équipement (ordinateur, téléphone mobile, baladeur numérique, station multimédia, etc.). Par le
passé, les DRM ont largement été utilisées dans l’industrie musicale pour la vente et diffusion de
musique.
Il est possible d’intégrer plusieurs critères de contrôle et de restriction lors de l’application de
DRM :
limitation du nombre de téléchargements du livre,
limitation de durée d’accès ou de possession du livre,
restrictions sur les appareils de lecture,
restriction de lecture du livre à un espace géographique ou pays,
restrictions d’impression,
restrictions de copier-coller,
restrictions d’annotations,
identification des œuvres par marquage,
identification du matériel de lecture,
suppression du livre.
La protection des livres par une DRM est un choix de l’éditeur, néanmoins, le distributeur peut
l’imposer en tant qu’obligation contractuelle. A titre d’exemple, Amazon impose la solution DRM
par défaut dans son contrat canadien avec les éditeurs : «À moins qu'un accord ne soit défini, nous
appliquerons des DRM pour le téléchargement des eBooks, et pourrons utiliser toute technologie
de DRM disponible.» [4]
Les principes du système de DRM
Principes techniques
Le DRM s’appuie sur un principe de cryptographie afin de protéger tout contenu numérique
d’une utilisation non autorisée. L’oeuvre est chiffrée afin de la rendre illisible. L’obtention d’une
clé de décryptage permet alors d’accéder pleinement à un contenu lisible. Ce procédé implique 3
acteurs :
• le distributeur qui fournit un contenu crypté
• le serveur de licence DRM
• l’outil de lecture de l’utilisateur (support de type liseuse, tablette, et son application de
lecture associée)
Le processus est le suivant :
• Lorsque l’utilisateur achète son livre numérique, le serveur du distributeur envoie une
version cryptée, sans clé d’activation,
• Lors de l’accès au livre numérique, le logiciel lecteur envoie une demande de licence au
serveur de DRM avec les informations associées : identification du livre, de l’utilisateur et
du matériel de lecture.
• Le serveur de DRM valide et contrôle la demande. Si la demande est fiable et correcte, le
serveur met à jour la fiche client avec l’identification du matériel de lecture. Il crée alors un
fichier licence contenant la clé d’activation ainsi que les règles qui définissent vos droits
d’accès.
• Le serveur renvoie alors le fichier licence qui sera stocké sur votre matériel de lecture. Le
logiciel de lecture du livre va vérifier dans la licence que tout est en règle et, le cas échéant,
il activera la clé qui permettra de rendre lisible le contenu du livre numérique.
Si vous transférez le livre numérique sur un autre matériel, le logiciel de lecture, ne trouvant plus
de licence associée, va renvoyer une demande de licence au serveur. Votre fichier client sur le
serveur de DRM sera mis à jour avec cette nouvelle demande, l’utilisation aura été identifiée sur ce
second matériel de lecture. Le serveur DRM sait donc précisément sur quel matériel votre livre est
installé, connait l’identification et la configuration de ce matériel, ainsi que les dates de vos
demandes de licence.
Les DRM chez les principaux distributeurs
Il existe 3 principaux types de technologies de DRM. Hors des écosystèmes propriétaires verticaux
de type Apple ou Amazon, l’acteur principal sur le marché des DRM est la société Adobe avec son
système Adobe Content Server. Adobe propose sa technologie qui est actuellement utilisée par
plusieurs distributeurs parmi lesquels on citera Kobo en partenariat avec la Fnac, ainsi que
Barnes&Nobles (le plus gros libraire aux Etats-Unis).
Apple et Amazon utilisent leur propre technologie de DRM, dont les spécifications ne sont pas
connues et non libres d’utilisation par d’autres entités, qu’on appelle DRM propriétaires. Ces DRM
verrouillent alors l’accès à leur plateforme et ne permettent donc pas l’interopérabilité pour lire les
livres numériques sur d’autres matériels.
En 2005, Amazon a racheté l’entreprise française Mobipocket avec la technologie et le format mobi
dont elle était le concepteur, afin de l’intégrer pour sa distribution de livres numériques.
De son coté, Apple utilise sa propre technologie de DRM, Fairplay, qui est un dérivé des DRM
utilisées pour sa vente de musique. On gardera en tête que les DRM sur la vente de musique par
Apple ont été abandonnées en 2009[5].
La conception des DRM est en général financée par les distributeurs. Le marché de type
oligopolistique étant accaparé par les firmes majoritaires, peu d’autres acteurs de DRM sont en
capacité de se faire une place. De plus, la stratégie des sociétés de type Amazon ou Apple consiste à
intégrer l’utilisateur dans un système vertical. Celui-ci reste captif dans l’écosystème de la marque.
Pour prendre l’exemple d’Apple, l’utilisateur achète le matériel Apple, va sur le store d’Apple et lit
ses achats dans une application Apple sur un reader Apple. Ce mode d’achat pose relativement peu
de problèmes tant qu’on reste dans cet environnement car les outils sont créés pour communiquer
en toute fluidité, ce qui est très confortable pour l’utilisateur. Cependant, hors de cette
technologie, les livres ne sont pas lisibles. La volonté de captation d’un public de lecteurs ne va pas
dans le sens de l’ouverture et de l’interopérabilité dans ce domaine.
Coût de la solution
Les DRM impliquent un coût supplémentaire à la réalisation d’un livre non négligeable pour les
éditeurs. En effet, l’étude du MOTif sur le cout d’un livre numérique en 2010[6] apporte les
éléments suivants :
«Le coût d’un tel marquage est de 0,40€ par exemplaire à l’heure actuelle, un coût fixe qui a une
influence non négligeable pour des livres proposés à des prix réduits (3% sur un prix de vente à
12€ par exemple). Ce coût est assumé par les distributeurs de livres numériques et fait l’objet d’une
refacturation aux éditeurs. A noter également qu’Adobe demande un droit d’entrée à ces mêmes
distributeurs de 75 000$/annuel pour disposer de cette solution.»
Il ne faut pas oublier d’inclure des coûts de maintenance annuelle ainsi qu’un coût souvent négligé
et difficilement quantifiable qui est celui de l’assistance à l’utilisateur. Cette technique apportant des
contraintes complémentaires à l’achat d’un livre numérique, il est usuel de devoir apporter un
support et des explications au client en difficulté sur l’accès à son livre numérique.
Le coût élevé de la licence risque de peser lourd sur les budgets des petits éditeurs souhaitant
intégrer cette technologie pour être à armes égales avec leurs plus gros concurrents. La part perçue
par les distributeurs étant déjà assez élevée, de l’ordre de 30 à 50 % selon les réseaux de
distribution, ce pari technologique peut mettre en péril leur activité. Cette contrainte
technologique pourrait alors se voir comme un risque pour la diversité culturelle, celui de perdre
des petits éditeurs qui fermeraient boutique faute de moyen pour intégrer ces budgets techniques.
Aspect juridique de la DRM
Les mesures de protection techniques ont un statut légal et sont inscrites dans le Code de la
propriété intellectuelle [7] :
«Article L331-5
Modifié par LOI n°2009-1311 du 28 octobre 2009 - art. 12
Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées
par les titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur d'une oeuvre, autre
qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme
sont protégées dans les conditions prévues au présent titre.
On entend par mesure technique au sens du premier alinéa toute technologie, dispositif,
composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue par cet
alinéa. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée au même alinéa
est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de
protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la
protection ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection.
Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne
constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.
Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de
l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur. Les fournisseurs de mesures techniques
donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité dans les conditions définies au 1°
de l'article L. 331-31 et à l'article L. 331-32.
Les dispositions du présent chapitre ne remettent pas en cause la protection juridique résultant des
articles 79-1 à 79-6 et de l'article 95 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication.
Les mesures techniques ne peuvent s'opposer au libre usage de l'oeuvre ou de l'objet protégé dans
les limites des droits prévus par le présent code, ainsi que de ceux accordés par les détenteurs de
droits.
Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-61 du présent code.»
Le législateur parle donc ici des mesures de protection techniques de type DRM qui peuvent
s’appliquer pour un livre numérique.
Du point de vue du droit, toute tentative de contournement des mesures de protection techniques
est donc considéré comme un délit, même si l’objectif est un usage lé gitime. Cette notion a été
intégrée dans le droit américain par le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) en 1998 et dans
l’European Union Copyright Directive (EUCD) en 2001.
De cette directive européenne est issue la loi française DADVSI[8] (Droit d'auteur et droits voisins
dans la société de l'information). Ce texte prévoit «six mois d'emprisonnement et de 30 000 EUR
d'amende le fait de procurer ou proposer sciemment à autrui, directement ou indirectement, des
moyens conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique efficace»
Le législateur note cependant que ces mesures de protection techniques ne doivent pas empêcher
l’interopérabilité, c’est à dire la capacité de fonctionner dans d’autres systèmes. Un voeu pieux car
la situation technique actuelle ne le permet tout simplement pas.
Une solution controversée
En recherchant des informations à propos des DRM, tout utilisateur remarquera qu’il est bien plus
courant de trouver des controverses et discussions enflammées que des avantages à cette technique.
Le lecteur, technicien malgré lui
Au fil des discussions sur les nouveaux usages du livre numérique, on oublie parfois que
l’utilisateur n’est pas forcément aguerri à l’outil informatique. Son aptitude dans ce domaine
conditionne alors son accès au ebook. Dans le cas où le lecteur est à l’aise avec l’informatique, il ne
lui faudra pas longtemps pour télécharger et lire son livre avec DRM. Cependant, pour d’autres
utilisateurs qui ne le sont pas, la procédure oblige à relever une série de petits défis. Il faut
télécharger le fichier qui contient le lien de téléchargement du fichier sécurisé, installer une
bibliothèque sur son ordinateur avec son compte client lecteur, puis transférer le livre vers le
support de lecture. Cette procédure peut générer des agacements chez le lecteur qui n’est pas sans
conséquence sur son rapport au livre numérique. Comment attirer un public de profanes si la
procédure d’accès au livre n’est pas aisée ?
Ce cas d’espèce se retrouve moins dans le cas des écosystèmes fermés de type Apple ou Amazon,
qui ont leur propres DRM. Ces firmes ont essayé au maximum de fluidifier les procédures d’achat
: «je clique, et hop je l’ai». Dans ce cas de figure, l’achat et le transfert sur support de lecture sont
assez simples. Il est à noter que cette facilité se fait au détriment de l’interopérabilité. Un livre
acheté chez Amazon, avec son propre format KF8, et sa propre DRM, ne sera pas transférable sur
un support Apple ou une autre liseuse ePub.
La lecture numérique est influencée par «les restrictions imposées par les éditeurs : mesure de
protection techniques (DRM) et usages autorisés, compatibilité des formats, mode d’accès aux
contenus. Dispositifs techniques et restrictions d’accès sont les plus à même d’entrainer l’adhésion
ou les réticences des usagers.»[9]
Par ailleurs les DRM imposent à l’utilisateur d’être connecté à Internet afin de valider son accès au
livre lors de la première ouverture. L’utilisateur en dehors du réseau est donc pénalisé et ne peut
pas forcément accéder à son contenu où il le souhaite. Ce type de protection questionne les usages
et peut être restrictif pour certains utilisateurs.
Les DRM, un contrôle d’usage du livre ou un contrôle des utilisateurs?
Les DRM apportent leur lot d'inquiétudes quant au respect de la vie privée du lecteur de livre
numérique. En effet, lors de la procédure de validation de la DRM, une série d'échange
d'informations s'effectue entre le serveur de DRM et le logiciel lecteur de ebook de l'utilisateur.
Les données, transférées par une connexion chiffrée, comprennent des informations sur le lecteur
et son équipement, et ce transfert vers les serveurs de DRM, gérés par des sociétés privées,
s'effectue sans aucun contrôle possible par l'utilisateur. La procédure de validation des DRM peut
induire l'envoi d'informations personnelles non contrôlées au mépris du respect des données
privées de l'utilisateur. Officiellement, les données transférées concernent uniquement la licence
liée au livre, mais on peut imaginer des dérives et l'envoi de toute autre information personnelle
glanée sur l'ordinateur de l'utilisateur ( contacts mails, accès webcam, mots de passe...). Il est
impossible au lecteur de savoir ce qu'il envoie malgré lui.
Ce fonctionnement peut constituer une atteinte au respect de la vie privée et ce principe de boîte
noire est un pas de plus vers un monde numérique de plus en plus surveillé.
Les menottes numériques du ebook
Richard Stallman, militant
numériques du ebook»[10].
du logiciel libre et combattant des DRM redoute les «menottes
Il a proposé une comparaison du livre imprimé et du livre numérique vendu par Amazon [11] :
«Les e-books et leurs dangers
The Danger of Ebooks
Richard Stallman - 2011 - Creative Commons Paternité 3.0
(Traduction Framalang/Twitter : kamui57, HgO, Cubox, ncroizat, Palu, adelos,
Felor, Shoods, electronichien, Don Rico)
Alors que le commerce régit nos gouvernements et dicte nos lois, toute avancée
technologique offre aux entreprises une occasion d’imposer au public de
nouvelles restrictions. Des technologies qui devraient nous conférer davantage
de liberté sont au contraire utilisées pour nous entraver.
Le livre imprimé :
• On peut l’acheter en espèces, de façon anonyme.
• Après l’achat, il vous appartient.
• On ne vous oblige pas à signer une licence qui limite vos droits d’utilisation.
• Son format est connu, aucune technologie privatrice n’est nécessaire pour le
lire.
• On a le droit de donner, prêter ou revendre ce livre.
• Il est possible, concrètement, de le scanner et de le photocopier, pratiques
parfois légales sous le régime du copyright.
• Nul n’a le pouvoir de détruire votre exemplaire.
Comparez ces éléments avec les livres électroniques d’Amazon (plus ou moins
la norme) :
• Amazon exige de l’utilisateur qu’il s’identifie afin d’acquérir un e-book.
• Dans certains pays, et c’est le cas aux USA, Amazon déclare que l’utilisateur ne
peut être propriétaire de son exemplaire.
• Amazon demande à l’utilisateur d’accepter une licence qui restreint
l’utilisation du livre.
• Le format est secret, et seuls des logiciels privateurs restreignant les libertés
de l’utilisateur permettent de le lire.
• Un succédané de « prêt » est autorisé pour certains titres, et ce pour une
période limitée, mais à la condition de désigner nominalement un autre
utilisateur du même système. Don et revente sont interdites.
• Un système de verrou numérique (DRM) empêche de copier l’ouvrage. La
copie est en outre prohibée par la licence, pratique plus restrictive que le
régime du copyright.
• Amazon a le pouvoir d’effacer le livre à distance en utilisant une porte
dérobée (back-door). En 2009, Amazon a fait usage de cette porte dérobée
pour effacer des milliers d’exemplaires du 1984 de George Orwell.
Un seul de ces abus fait des livres électroniques une régression par rapport aux
livres imprimés.»
La nouvelle intitulée Le droit de lire[12], de Richard Stallman, se situe dans un futur proche où le
principe de partage et de prêt de livre n'existe plus. Chacun n'a droit d'accéder qu'aux livres pour
lesquels il a un accès référencé et toute tentative de faire lire ou prêter ses exemplaires est
sévèrement puni. Richard Stallman s'interroge sur les dérives d'un monde de contrôle et de verrou
sur l'accès au livre et à la culture.
Votre bibliothèque est aussi celle de votre distributeur
Certaines de ces inquiétudes sont déjà la réalité des lecteurs. Vous vous inquiétez de la prise de
main à distance sur vos livres, que vous considérez comme étant votre propriété? Vous avez raison.
Pour preuve, cet exemple édifiant d'Amazon qui a effacé à distance, unilatéralement, certains livres
dans la bibliothèque d'un lecteur. L'affaire s'est déroulée en 2009. Suite à la demande d'un éditeur,
Amazon se trouve dans l'obligation de retirer des livres électroniques. Cette situation ne choquerait
pas si cela concernait uniquement les œuvres en vente dans la boutique d’Amazon, or Amazon est
allé supprimer les livres en question directement dans les bibliothèques des utilisateurs de manière
unilatérale. Des œuvres qui avaient été acquises légalement par les lecteurs et qui devaient
considérer que les livres leurs appartenaient de plein droit, ce qui n'est pas vraiment le cas, nous y
reviendrons.
Amazon a bien sûr remboursé les acheteurs. Cet épisode concernant notamment le livre 1984 de
George Orwell souligne l'ironie de la situation.[13]
On peut citer cet autre exemple d'un utilisateur de Google Play, arrivant pour un séjour à
l'étranger, qui a vu ses livres supprimés de sa bibliothèque. Ce professeur de l'Université de
Georgetown a mis à jour GooglePlay et sa bibliothèque en arrivant à Singapour. L'application,
voyant que son utilisateur avait changé de pays, a contrôlé les droits en fonction de l'adresse IP et a
supprimé directement les livres pour lesquels Google n'avait pas les droits de distribution à
Singapour [14].
Ce type d'accident ne va sans doute pas aider à rassurer les futurs clients hésitant à se lancer dans
les achats de eBook, et donc à développer ce nouveau marché. Acheter un livre avec DRM
implique alors le risque de voir le distributeur s’immiscer dans sa propre bibliothèque à n'importe
quel moment pour y supprimer un livre. La DRM est une porte d'entrée sur les livres, la
bibliothèque, le matériel, et les données personnelles du lecteur, ouverte au distributeur qui peut
l'utiliser comme bon lui semble. Même si l’utilisateur subit déjà cette diffusion non maitrisée de
ses données personnelles dans d’autres situations (Facebook, applications smartphone...), ce n'est
certainement pas la situation la plus stable et rassurante pour un acheteur.
Une exception au droit de la copie privée
Les modes de protection des livres numériques par DRM se heurtent au principe de copie privée.
Cette exception de copie privée apparaît dans les textes de la loi 85-660 du 3 juillet 1985 sur les
droits voisins du droit d’auteur, dite « loi Lang »[15]. La copie privée permet aux particuliers de
procéder à des copies d’œuvres protégées en contrepartie d’une redevance versée aux ayants droit.
Ce droit du consommateur lui permet d'effectuer une copie pour son propre usage d'une œuvre
qu'il acquière légalement. C'est finalement le droit d'utiliser son bien comme bon lui semble dans
la mesure de sa sphère privée.
Or, avec la mise en place des DRM, toute copie privée est impossible à l'utilisateur. Le livre peut
être lié a un seul matériel de lecture, et sa copie sera impossible sur un autre support, voire
techniquement irréalisable quel que soit le support.
Cette notion de copie privée reste controversée quant à savoir si elle est l'objet d'une simple
tolérance ou bien d'un droit plein que chaque utilisateur peut arguer. Quoi qu'il en soit, les DRM
sont un frein à la possibilité d'effectuer une copie privée.
Les droits du lecteur
On achète un livre ou le droit de le lire?
En achetant un livre numérique avec DRM, vous pensez en être complètement propriétaire? Ce
n'est pas tout à fait le cas. En achetant votre livre, c'est plutôt un droit de lecture que vous avez
acquis. La technique des DRM permet de mettre en place un modèle de vente de droit d'accès et
non pas d'un exemplaire qui appartient en propre au lecteur. Les restrictions apportées par les
DRM, que ce soit en nombres d'utilisations, de temps de lecture, de matériel de lecture requis,
pour ne citer que les plus courantes, ne permettent pas au lecteur de penser qu'il est en pleine
propriété de son contenu et qu'il peut en user à son bon vouloir. Les exemples présentés plus haut
sur les suppressions unilatérales par les distributeurs complètent cet argumentaire.
La terminologie d'achat d'un livre par un lecteur est donc complètement abusive.
Lors de son acte d'achat d'un livre numérique avec DRM, le consommateur doit garder en tête qu'il
acquiert uniquement un droit d'accès sur un fichier qui peut être révocable à tout moment de
manière unilatérale.
Le site Rue89 a effectué en septembre 2012 une étude sur les CGV (Conditions générales de vente)
de distributeurs de contenus numériques[16]. Le résultat est éloquent : il est clairement indiqué que
l'utilisateur n'a qu'une licence d'utilisation, qu'il n'y a pas d’interopérabilité, ou bien que le
distributeur peut modifier le contenu de vos livres à tout moment. Finalement, le client achète
juste un accès à un service et non pas une œuvre livre numérique.
L'utilisateur n'a qu'une licence limitée :
Apple [17] : "Vous reconnaissez qu’iTunes vous concède une licence d’utilisation du
contenu mis à votre disposition par le biais de l’iBookstore."
Amazon [18] : "Sous réserve du respect des présentes conditions d'utilisation et des
conditions des services et du paiement de toutes les sommes applicables, Amazon ou ses
fournisseurs de contenu vous accorde une licence limitée, non exclusive, non
transférable, non sous licenciable à l'accès et à l'utilisation personnelle et non
commerciale des services Amazon."
L'utilisateur ne peut pas lire où il le veut et comme il le veut :
Apple [19] : "Vous reconnaissez que tout produit iBookstore acheté sur un ordinateur
donné ne sera pas visible sur un autre ordinateur, et sera visible uniquement sur un
appareil iOS avec un logiciel compatible."
Le contenu des livres de l'utilisateur peut être modifié par le distributeur :
Google [20] : "Google ou le titulaire des droits d'auteur du contenu livres peut mettre à
jour ledit contenu des livres et modifier les paramètres des droits numériques dudit
contenu des livres, le cas échéant. Google ou les titulaires de droit d'auteur peu(ven)t, par
exemple, corriger des erreurs du contenu livres, ajouter de nouvelles fonctions ou
changer les dispositifs de sécurité relatifs au contenu livres. Le contenu livres que vous
voyez se mettra automatiquement à jour avec les modifications apportées, à l'exception
des cas où vous avez téléchargé une copie du contenu livres sur un appareil."
La situation se complique encore quant à la taxation du livre numérique par l’état : le taux de TVA
appliqué au livre numérique est le même que la vente du livre papier [21] alors qu’un autre taux est
spécifique aux services. Le livre numérique est traité comptablement comme un livre papier.
Le lecteur et ses ebooks, c’est à vie? La question de la pérennité des DRM .
L'utilisation de DRM pose un problème patrimonial quant à la pérennité de l'œuvre numérique
pour son lecteur. La lecture du livre étant corrélé au bon fonctionnement du serveur de DRM, que
se passe t-il en cas d'arrêt de ce service ou de son obsolescence ? Tout simplement rien. En cas
d'arrêt du serveur de DRM, le fichier numérique qui lui était lié n'est pas libéré de son contrôle, il
devient tout simplement illisible car il reste crypté.
Ce type de situation a déjà eu lieu dans le domaine de l'industrie culturelle musicale. En 2008, les
clients de MSNMusic ont fait pression pendant 3 ans sur le site pour retarder sa fermeture afin de
pouvoir écouter la musique qu'ils avaient acheté.
Sony, lors de la fermeture de son service musical et de l'arrêt de ses serveurs, Sony Connect, a fourni
le manuel pour contourner les DRM de ses propres fichiers en conseillant aux utilisateurs de les
convertir en MP3.
Par ailleurs, alors que le droit d'auteur est limité dans le temps, les mesures techniques n'ont pas
obligation de se déverrouiller dans le même délai.
L'acquéreur d'un ebook avec DRM est soumis à cette contrainte complémentaire de pérennité du
serveur de DRM de son distributeur. Une épée de Damoclès supplémentaire au dessus de la tête
du lecteur...
Pour reprendre les termes d'Alain Jacquesson, ancien directeur de la bibliothèque de Genève et
spécialiste des bibliothèques numériques, «aucune pérennité n’est assurée quant à la validité à long
terme des différents DRM. Que le vendeur change de technologie ou d’orientation commerciale,
voire fasse faillite ou soit racheté, rien n’assure le consommateur que les documents acquis contre
rémunération pourront encore être lus. Les DRM ne permettent qu’une consultation à très court
terme, quelques années au mieux. Il est illusoire de bâtir une bibliothèque numérique pérenne,
qu’elle soit personnelle ou publique, sur un si court terme. »[22]
Ces mesures donnent l'impression de s'éloigner franchement de l'esprit de liberté de Daniel
Pennac qui proposait en 1992 les droits du lecteurs en dernier chapitre de son livre "Comme un
roman". Le droit de relire par exemple ne peut pas été assuré en cas de DRM à cause des
restrictions d'usage.
Droits du lecteur selon Pennac [23]:
«Le qu'en-lira-t-on (ou les droits imprescriptibles du lecteur)
Pennac établit ici une liste de droits du lecteur, par laquelle celui-ci peut
s'affranchir d'un protocole de lecture trop conventionnel, et s'adonner à sa façon et
à son rythme à cette pratique, en toute liberté. Il dresse la liste des 10 droits
suivants:
1. « Le droit de ne pas lire » : ce droit explique qu'un lecteur a tout à
fait le droit de ne pas lire.
2. « Le droit de sauter des pages » : ce droit explique qu'un lecteur peut
sauter des pages et le conseille même aux enfants pour qui les
livres comme Moby Dick et autres classiques sont réputés
inaccessibles de par leur longueur. Il mentionne qu'il a lu Guerre
et Paix en sautant les trois quarts du livre.
3. « Le droit de ne pas finir un livre » : Daniel Pennac explique qu'il y a
plusieurs raisons de ne pas aimer un livre et les énumère ; le
sentiment de déjà lu, une histoire qui ne nous retient pas, une
désapprobation totale des thèses de l'auteur, un style qui hérisse le
poil ou au contraire une absence d'écriture qui ne vient compenser
aucune envie d'aller plus loin... L'auteur dit qu'il en existe 35 995
autres. Tout cela pour dire que l'on a tout à fait le droit de ne pas
aimer le livre ou l'auteur.
4. « Le droit de relire. » : l'auteur explique ici les raisons pour relire un
livre ; pour le plaisir de la répétition, pour ne pas sauter de passage,
pour lire sous un autre angle, pour vérifier. Il fait aussi le parallèle
avec l'enfance.
5. « Le droit de lire n'importe quoi » : Daniel Pennac explique que l'on
peut lire tout ce que l'on veut mais que cela n'exclut pas qu'il y ait
des bons et mauvais romans. (...).
6. « Le droit au bovarysme (maladie textuellement transmissible) » :
droit à la « satisfaction immédiate et exclusive de nos sensations ».
Daniel Pennac décrit tous les phénomènes liés à cette « maladie ».
L'imagination qui enfle, les nerfs qui vibrent, le cœur qui s'emballe,
l'adrénaline qui « gicle » et le cerveau qui prend momentanément
« les vessies du quotidien pour les lanternes du romanesque ».
7. « Le droit de lire n'importe où » : l'auteur explique que l'on peut lire
n'importe où en prenant l'exemple d'un soldat qui pour lire se
désigne chaque matin pour nettoyer les toilettes afin d'y lire
l'œuvre intégrale de Nicolas Gogol.
8.
« Le droit de grappiller » : ce droit explique que l'on peut
commencer un livre à n'importe quelle page si l'on ne dispose que
de cet instant-là pour lire.
9. « Le droit de lire à haute voix » : Daniel Pennac explique ici à travers
le témoignage d'une fille qui lui explique qu'elle aime bien lire à
voix haute à cause de l'école qui interdisait la lecture à voix haute. Il
la compare à plusieurs auteurs (comme Flaubert)qui, pour écrire
leurs livres, les relisaient à voix haute .
10. « Le droit de nous taire » : ce droit explique que l'on peut lire et taire
notre expérience, nos sentiments vis-à-vis du livre.»
Vision économique des DRM
Les DRM , ça protège surtout les monopoles...
Les DRM soulèvent de grandes inquiétudes sur le plan économique. La mise en place de cette
mesure de protection technique favorise la constitution d'un marché de type oligopole où
quelques grands acteurs se partagent le marché.
Cette situation leur est grandement favorable dans le sens où elle génère un marché d'utilisateurs
captifs, sans favoriser l’interopérabilité. Les firmes Apple, Amazon et Adobe ont donc tout intérêt à
pousser le marché vers une utilisation systématique des DRM pour assurer leur modèle
économique captif et vertical.
Un frein pour le potentiel commercial du livre
La DRM apposée sur une œuvre numérique aurait-elle un impact sur son potentiel commercial?
Sur le marché des livres, aucune analyse n'a été effectuée pour le moment. Pour se faire une idée,
on peut jeter un œil sur le domaine culturel musical. Une étude a été menée par une doctorante
en gestion stratégique de la Rotman School of Management de l'université de Toronto en
novembre 2013 intitulée «Intellectual Property Strategy and the Long Tail: Evidence from the
Recorded Music Industry» [24]. La comparaison d'un panel de ventes d'albums avec et sans DRM
met en avant une meilleure vente des albums sans DRM, 10% en plus que les albums avec DRM.
Pour la chercheuse, les DRM seraient un frein au potentiel commercial de l'œuvre, notamment
pour les œuvres de niche.
Cette étude ne peut pas être transposable directement à l'industrie culturelle du livre mais apporte
néanmoins un éclairage intéressant et donne matière à réflexion sur le comportement de l'acheteur
face à un produit culturel protégé. Si sa réaction est la même pour le domaine des livres
numériques, on peut donc imaginer que les livres ayant moins de visibilité ont bien plus à perdre
avec les DRM que les blockbusters de l'édition. Cette constatation n'est pas rassurante pour la
diversité culturelle.
Problématiques techniques
Les DRM , trop vite contournées
Les DRM ayant pour objectif principal de protéger le marché de l'œuvre numérique font-elles
bien leur travail malgré leurs défauts? Sont-elles fiables et sûres? Malheureusement non.
Une recherche rapide sur internet permet de trouver des solutions afin de contourner cette
protection technique. Certes, c’est illégal, mais ces outils peuvent visiblement se mettre en place
sans trop de difficulté pour qui le souhaiterait.
Dans ce domaine c'est une course sans fin entre les pirates qui mettent à disposition ces outils et
les firmes qui réparent les failles de sécurité et proposent de nouvelles mises à jour de leurs
algorithmes. Ce jeu du chat et de la souris a bien évidemment un coût financier non négligeable et
tourne souvent à l’avantage des pirates.
L’interoperabilité, un besoin des lecteurs pour lequel les DRM ne sont pas au rendez-vous
Comme évoqué précédemment, les DRM sont proposées par les grandes firmes oligopolistiques
qui ont tout à gagner à garder leurs clients captifs d'une solution technique propriétaire. Pour
prendre l'exemple d'Apple, leurs conditions générales de vente sont très claires sur ce point[25].
Tout est mis en œuvre pour garder le client dans un écosystème captif et qui reste très facile
d'utilisation et fluide tant qu'il n'en sort pas. L'idée d'une solution de DRM interopérable n'est pas
une option imaginable pour ces firmes.
L’European Booksellers Federation a mené une étude sur «l’interopérabilité des formats du livre
numérique» en avril 2013[26]. En préambule, Neelie Kroes vice-présidente de la Commission
européenne insiste sur les points suivants : «L'interopérabilité est une exigence majeure de la
construction d'une société véritablement numérique, exigence qui s'applique également aux livres
numériques. Lorsqu'un client achète un livre imprimé, il est libre de l'emporter où bon lui semble.
Il devrait en être de même avec un livre numérique. S'il est désormais possible d'ouvrir un
document sur des ordinateurs différents, pourquoi ne pas pouvoir ouvrir un livre numérique sur
différentes plates-formes et dans des applications différentes ? La lecture d'un livre numérique
devrait être possible n'importe où, n'importe quand et sur n'importe quel appareil.»
Cette étude soutient l'utilisation du format ePub par opposition aux formats propriétaires. Elle
souhaite par ailleurs défendre l'utilisation des formats ouverts et promeut non pas l’abandon
complet de DRM mais un «système de DRM en solution ouverte (open source) (Marlin) visant à
l’interopérabilité et à l’ouverture»
Ces problèmes touchent principalement les livres avec DRM, car les ebook sans DRM,
interopérables, sont plus sûrs et plus compatibles. Les lecteurs de ces derniers formats ne sont pas
gênés par ces contraintes et peuvent lire leurs ebooks sur divers appareils de lecture. Les défauts
des DRM touchent donc surtout les clients des grandes firmes.
Les données client en sécurité sur les serveurs de DRM ?
Le serveur de DRM, clé de voûte du fonctionnement des DRM, stocke et centralise toutes les
informations à propos des clients. Autant dire que ces informations personnelles précieuses
doivent faire l'objet d'un contrôle strict en matière de sécurité sous peine de laisser s'échapper au
mieux des identifiants, au pire des numéros de carte de crédit.
La société Adobe a vu se réaliser ce cauchemar en octobre 2013. Son serveur de DRM a été piraté
et les données de près de 2,9 millions de comptes clients ont été volées. Une catastrophe au regard
des informations clients qui ont fuité : mots de passe cryptés, informations bancaires... (L'annonce
officielle est parue sur le blog d'Adobe [27] le 3 octobre 2013). Tous les autres systèmes de DRM
fonctionnent de la même manière et le risque est présent chez les autres firmes aussi.
Nous sommes dans une période où la constitution de bases de données personnelles est une mine
d'or à des fins de de revente. Il peut être judicieux de se poser la question de l’exploitation de ces
données récoltées via les serveurs de DRM. Les données que les clients envoient malgré eux sur
leur vie de lecteur font-elles l'objet d'une autre utilisation?
Perspectives
Remise en cause de l’utilisation des DRM
On vient de le voir, les différents acteurs de l'industrie culturelle du livre, hors distributeurs,
reprochent beaucoup aux DRM : expériences utilisateurs malheureuses, problèmes techniques,
cout de la solution, problématique des données personnelles...
L'utilisation des DRM se voit largement remise en cause et diverses voix s'élèvent en ce sens. Une
journée internationale contre les DRM a notamment été lancée à partir de 2010 par la Free
Software Foundation (FSF) et l'association pour la promotion et la recherche en informatique libre
(APRIL). Cette journée se présente comme l'occasion pour les associations de rappeler le
fonctionnement des DRM avec leurs problèmes et risques de dérives. L'association April, dont la
vocation est de défendre le logiciel libre, est particulièrement virulente sur ces aspects [28].
Dans l'industrie musicale, l'usage des DRM a été abandonnée depuis 2007 au vu de l'échec de ces
mesures de protection. Contre toute attente, c'est Steve Jobs qui a publié une lettre ouverte en
février 2007, demandant aux majors du disque l'abandon des DRM sur la vente de musique. Le
temps de négocier avec toutes les majors (EMI, Sony BMG, Universal Music, et Warner Music),
cette suppression des DRM n’aura été complètement effectif qu’en 2009. Une alternative proposée
consiste en un marquage du fichier audio afin de pouvoir identifier le fautif en cas de diffusion
illégale de celui-ci.
L'expérience de l'industrie culturelle musicale peut amener à penser que si les DRM n'ont pas été
une solution probante pour la vente de musique, on peut naturellement douter de leur efficacité
sur le marché du livre.
Des éditeurs font le choix de distribuer des ebook sans DRM
Certains éditeurs, voyant plus d'inconvénients que d'avantages aux DRM, ont fait le choix
d'abandonner les DRM comme solution de protection technique de leurs livres.
Divers distributeurs ou éditeurs indépendants français ont annoncé leur volonté de vendre leurs
livres sans DRM : Les éditions de Minuit, Au diable Vauvert, Allia, Métailié, Viviane Hamy, José
Corti, Sabine Wespieser, Fleurus, Bragelonne, La Découverte, immatériel ... La maison E-Fractions, à
la fois éditeur et diffuseur de livres numériques, a par exemple défini son offre en imposant la
diffusion sans DRM à ses éditeurs partenaires. Certains grands éditeurs expérimentent des sorties
de livres sans DRM, comme Les éditions Robert Laffont en mars 2013 lors de la sortie du livre
«Menace sur nos libertés» de Julian Assange. Ce cas s’y prétait particulièrement bien pour être
cohérent avec les idées défendues dans cet essai.
Le site d’auto-édition lulu.com, qui proposait jusque là la DRM en option à ses auteurs, a annoncé
lui aussi renoncer à cette technique en janvier 2013.
Des éditeurs étrangers choisissent de vendre sans DRM, tels que les éditeurs américains de Fantasy
et de Science-fiction Tor/Forge ou encore IGP. Aux Pays-Bas, le distributeur Central Boek Huis, le
plus important distributeur numérique du pays, a supprimé les DRM sur près de 3/4 de son
catalogue payant, en accord avec les éditeurs. Aux Etats-Unis, en 2012, l’auteur J. K. Rowling a fait le
choix de proposer les éditions numériques d’Harry Potter au format ePub sans DRM sur le site
Pottermore. Ce pari s’est révélé judicieux et payant, puisque le montant des ventes sur les trois
premiers jours s’est élèvé à plus d'un million £[29].
Le système de DRM, manquant d'interopérabilité, privilégie surtout les écosystèmes de type
Amazon et Apple; l'intérêt pour les autres distributeurs et éditeurs est effectivement loin d'être
flagrant : coûts associés élevés, problèmes techniques, complication des relations avec le lecteur...
Le marché du livre n'a pas besoin de frein à l'achat pour les utilisateurs et les éditeurs ont à cœur
d'ouvrir leurs catalogues à un maximum de lecteurs.
Les DRM seraient intégrées dans les spécification du HTML5
Le W3C, consortium chargé de promouvoir la compatibilité des technologies du web a fait part
d’une décision surprenante d’intégrer des DRM aux prochaines recommandations sur l'HTML 5.1.
Le groupe de travail veut favoriser l’utilisation d’un DRM standard par les fabricants, en simplifiant
son utilisation et ses coûts de maintenance. Microsoft, Google et Netflix ont soumis au W3C des
spécifications pour une EME («extensions pour médias chiffrés») dans HTML5. Techniquement
cette proposition d’API permettrait d’interagir avec les solutions de DRM et donc d’autoriser ou
non l’accès à un contenu.[30]
Cette nouvelle a déclenché une levée de bouclier de la part d’associations telles que la Free
Software Foundation ou encore l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui estime que cela
pourrait ouvrir la voie à d’autres restrictions.
Tim Berners Lee, inventeur du web, président du W3C, pourtant fervent défenseur d’un Web
ouvert, riche et fiable n’a pas démenti l’information et a même confirmé les travaux en cours sur le
sujet [31].
Oublions les DRM, vive la DRM light?
L’IDPF, regroupement consortium international à l'origine du format de livre numérique EPUB
vise à promouvoir et à développer des normes communes et à encourager l’interopérabilité. En
juillet 2012, le consortium soutient pourtant une proposition de DRM Light, dite «Lightweight
Content Protection»[32]. Cette solution permettrait de crypter le fichier livre numérique par un mot
de passe déterminé par l’acheteur ou le distributeur. Sur le principe, ce mot de passe crypté serait
stocké dans les métadonnées du fichier. Aucune dépendance de service n’est à assurer car tout est
intégré au fichier lui-même. Un tel système impliquerait pour l’utilisateur de saisir un mot de passe
pour chacun de ses livres.
Si cette proposition n’a pour le moment pas d’implémentation effective, elle semble cependant
peu compatible avec l’esprit d’ouverture de l’IDPF et du format ePub.
Le Watermarking/Tatouage numérique
Face aux difficultés rencontrées avec les DRM, une autre solution de protection technique des
livres est en émergence : le watermarking. Cette mesure permet d'incorporer des informations
propres à l'utilisateur dans le fichier livre numérique, telles que son nom ou toute autre
information permettant de l'identifier. Dans un premier temps, cette mesure a évidemment un rôle
dissuasif. Qui a envie de voir ses données personnelles diffusées sur internet? Dans un second
temps, en cas de diffusion illégale du livre, il sera alors facilement possible de retrouver
l'acquéreur initial.
Ce tatouage des informations peut être invisible ou non, et la portée de la visibilité et du type des
informations est au choix de l'éditeur. Ce peut être juste un numéro identifiant sur les premières
pages du livre, ou sur toutes les pages, voire le nom de l'acquéreur, son adresse, ou les droits et
conditions d'utilisation liés à l'achat. Les possibilités étendues apportent une grande souplesse
d'applications possibles à l'éditeur.
Le principe
Fonctionnement technique
Le marquage d’un ePub se déroule en plusieurs phases :
• Lors de la transaction, les informations à intégrer au livre sont générées selon la solution
choisie par l'éditeur. Ce peut être un numéro identifiant l'acheteur, son nom, les conditions
d'utilisation ou toute autre donnée.
•
Ces informations sont ensuite intégrées dans le fichier ePub selon les préconisations
initiales (visible, en filigrane, sur chaque page, invisible...).
• L'acquéreur télécharge alors le livre intégrant ses données personnalisées.
• Le lecteur est libre de l'usage qu'il peut faire de son livre et n'est ensuite plus dépendant
d'un service quelconque.
Dans le cas où un numéro identifiant est généré, celui-ci est stocké en regard des informations de
l'acquéreur. Dans le cas d’un litige pour diffusion de l'ouvrage sur les réseaux, il sera possible de
retrouver les données de l'acheteur avec ce numéro.
Le choix n'est pas exclusif entre le watermarking et les DRM, car il est possible de combiner les
deux. Par exemple, Amazon ajoute un marquage aux livres qu'il vend avec DRM, ce qui lui permet
de gérer deux niveaux de contrôle sur les livres numériques vendus.
Coût de la solution
En comparaison avec les solutions de DRM, le watermarking s'avère plus économique.
Face aux besoins d'achat de licence, de coût unitaire au livre, et de coût de maintenance, liés aux
DRM, le watermarking n'engendre, lui, qu'un coût unitaire lors de chaque vente. La prestation de
tatouage numérique s'estime à environ 3% du prix de vente du livre.
Ce modèle économique souple est à la portée de toutes les maisons d'éditions, même les plus
petites, sans lourd investissement initial pouvant mettre en péril leur trésorerie.
Les avantages
Une solution plus légère et moins restrictive pour le distributeur
En opposition aux solutions de DRM complexes nécessitant une maintenance lourde, le
watermarking propose de nombreux avantages. La technique est bien plus légère, ne nécessitant
qu’une action technique lors de l’achat du livre numérique, sans les frais et contraintes de
maintenance d’un serveur de DRM .
Pour l’éditeur et le distributeur, c’est une position économiquement plus souple que des DRM et
bien plus aisément intégrable dans une logique économique de petites maisons d’éditions.
Grace à l’absence de gestion d’accès, l’expérience utilisateur n’est pas parasitée par des controles
d’autorisation d’accès potentiellement bloquants pour accéder au contenu de son livre même si
l’achat a été effectué de manière complètement légale.
Le watermarking peut être très difficile à repérer et à retirer de l’œuvre sans compromettre la
qualité et l’intégrité de celle-ci.
Pour être légère, la solution peut sembler efficace, sans que l'on aie des chiffres précis à ce jour
sur son impact sur la diffusion illégale.
La responsabilisation du client
Un des grands intérets de cette solution est d’offrir au lecteur un mode d’utilisation plus proche
d’un livre papier. Il est possible de l'afficher sur différents matériels de lecture sans avoir à faire
d’activation.
Une liberté retrouvée avec le watermarking est aussi de pouvoir désormais prêter son livre
numérique. Le tatouage avec les données du lecteur implique donc de ne confier son livre qu’à
des personnes de confiance pour ne pas risquer de voir ses informations personnelles en partage
pour tout le monde sur internet.
Cette mesure de protection technique se base sur la dissuasion et sur la volonté de
responsabilisation du lecteur. Les mesures de protection techniques fortes, telles que les DRM
tendent à infantiliser l’utilisateur, alors que le retour de confiance au lecteur peut permettre de
responsabiliser les usages et le marché.
La recherche des copies illégales
Dans le cas où un exemplaire de livre numérique se retrouverait en diffusion illégale sur internet,
l’éditeur peut remonter jusqu’au propriétaire.
Si le marquage est visible et comprend les informations de l’acquéreur, il est alors très simple
d’effectuer l’identification.
Dans le cas d’un marquage invisible ou défini par une identifiant spécifique indéchiffrage au
premier abord, la procédure est relativement simple. Le distributeur d’origine interroge sa base de
données afin de faire la relation avec les informations enregistrées et peut retrouver les noms ou
coordonnées du client.
L’entreprise anglaise Digimarc Guardian développe une part de son activité dans la recherche des
copies des ouvrages illégalement mises en ligne : « La recherche est indépendante du poseur de
watermark. Par exemple, nous lançons une recherche via les métadonnées, le nom de l'auteur ou
l'ISBN, pour trouver les copies pirates. Ensuite, il suffit d'y chercher le watermark », explique Erik
Bank, directeur du développement commercial.
L’éditeur peut ensuite contacter l’acquérir initial du livre. En Allemagne par exemple, celui-ci
reçoit alors une demande légale de retrait, accompagnée d'une amende.
Au Pays-Bas, la question de l’organisation autour du contrôle des watermark se met en place. Le
BREIN, organisme chargé de la lutte contre le piratage souhaite que les livres numériques soient
identifiés par un watermarking. Les distributeurs connectés à la plateforme eBoekhuis, le plus
important fournisseur de livres électroniques dans la région néerlandophone, partageront donc les
données clients avec les éditeurs et le BREIN. Ces informations permettront de faciliter la traque
des internautes et des fichiers qui circuleront sur les réseaux de partage illégal de fichiers .
Les critiques envers le watermarking
La solution du watermarking n’est pas pour autant sans défaut bien sûr. Les plaintes des différents
acteurs sur ce sujet sont cependant bien moins nombreuses que pour la solution de type DRM.
Le principal reproche envers le watermarking s’avère lié au choix des éditeurs quant à la taille et à la
visibilité du marquage. Un marquage trop gros ou trop présent, sur toutes les pages par exemple,
parasite alors la lecture et pénalise l’expérience utilisateur.
Cette technique étant encore récente, elle nécessite un temps d’adaptation de la part des éditeurs
afin de se positionner sur la meilleure méthode à adopter.
Un autre sujet d’inquiétude concerne les données personnelles intégrées au livre numérique. Leur
présence permet de retrouver le propriétaire du livre en cas de partage illégal de sa part. Dans le
cas d’une malhonnêteté de la part d’un «proche» à qui le livre serait prêté, ou bien si le lecteur
perd sa liseuse, il retrouverait alors malgré lui ses données personnelles accessibles à tous. Une
solution assez simple serait de prendre l’option de ne pas intégrer de données lisibles sur le livre,
mais plutôt un identifiant porteur des données n’ayant de sens que pour l’éditeur. Par ailleurs, les
données intégrées dans le marquage impliquent la vigilance de la CNIL pour que ces informations
ne soient pas trop personnelles.
A la lumière de ce peu de critiques, le watermarking semble présenter surtout des avantages,
comparé aux solutions de DRM.
Solutions alternatives de protection technique
SiDiM, modifier l’oeuvre pour mieux la protéger
En juin 2013, l'institut de recherche allemand Franhofer propose une mesure de sécurité qui va audelà du marquage de livre puisqu’il va modifier le contenu du livre. Le principe s’avère simple :
SiDim apporte des modifications au texte, assez infimes pour qu’elles ne pénalisent pas la lecture,
de l’ordre de changements de ponctuation, d’un synonyme, d’ordre des mots...
SiDim modifierait chaque œuvre pour la rendre unique, et donc plus facilement identifiable en cas
de partage illégal.
Un tel type de procédé entre complètement en contradiction avec le principe d’intégrité de
l’oeuvre. Le Code de la propriété intellectuelle définit clairement que «L'auteur jouit du droit au
respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.» Avec ce type de mesure, la protection du
marché du fichier est peut-être prise en compte, mais certainement pas la protection de l’oeuvre
en tant que telle. Que deviendraient les textes au bout de plusieurs cycles de ces modifications
infimes? Un synonyme mal choisi peut modifier le sens d’une oeuvre et dans tous les cas trahit
l’intégrité du livre et son auteur.
Cette mesure ne semble heureusement pas encore mise en application, néanmois, le principe pose
la question de la sécurisation du fichier livre au détriment de l’oeuvre.
Le «Fingerprinting», aide à la lutte contre le piratage
La technique du fingerprinting, ou empreinte, a vocation à faciliter la lutte contre le piratage plus
que de le bloquer.
Cette mesure permet de faire une empreinte électronique exacte d’un fichier livre numérique
protégé, et de la stocker dans une base de données. Toute diffusion de cette oeuvre doit se faire
dans le cadre d’un circuit légal. Si une copie non autorisée d’une oeuvre circule sur internet, elle
sera identifiée grâce à cette empreinte.
Cette technique permet surtout de repérer les copies illégales d’un livre numérique et d’apporter la
preuve qu’un contenu a fait l’objet d’une utilisation non autorisée.
Les mesures techniques de protection du livre,
un mal nécessaire?
Les mesures techniques de protection du livre au regard
de l’expérience utilisateur
Lorsque le lecteur souhaite acquérir une oeuvre, il est peu, voire pas, informé de la présence de
mesures techniques de protection sur son livre. Ce ne peut donc pas être un critère de choix pour
celui-ci. L’utilisateur n’achète pas forcément en connaissance de cause et la découverte ultérieure
de problèmes d’interopérabilité et de transfert sur un autre matériel de lecture peut être plutôt
négative en terme d’expérience utilisateur.
Au moment où le marché du livre numérique est en plein développement, à l’instar du marché de
la musique il y a dix ans, l’objectif est d’attirer les lecteurs vers ce nouveau type de lecture en leur
montrant les avantages et la facilité d’utilisation du ebook. Les contraintes techniques d’utilisation
du livre numérique liées à des mesures de protection techniques trop restrictives ou trop
envahissantes ne permettent pas une première approche enthousiasmante pour l’utilisateur. L’accès
au ebook doit être fluide, facile et permettre l’interopérabilité sans contrainte.
Les livres avec DRM s’exposent à de nombreuses critiques sur ces points et risquent d’être plus
boudés du public que ceux proposés sans DRM ou avec des protections techniques moins
contraignantes.
Des mesures techniques de protection pour lutter contre le
piratage, mais où en est-on du piratage?
Le piratage dans l’industrie culturelle du livre
Finalement, l’objectif de ces mesures de protection répond à une inquiétude légitime de la part
des éditeurs : éviter le piratage des oeuvres qu’ils gèrent. Les éditeurs souhaitent que leurs livres
puissent parvenir à leurs lecteurs, de manière efficace, tout en permettant à tous les acteurs de la
chaine du livre d’être réttribués de manière correcte pour leur travail. A l’ère d’internet, le partage
d’un fichier numérique étant rapide et facile, le risque est grand de voir les fichiers diffusés de
manière libre à tous lecteurs sans pour autant percevoir le moindre retour financier.
L’analyse du piratage du livre est complexe et s’imbrique dans la question plus globale du
téléchargement illégal et de la modification du mode de consommation des oeuvres dans les
industries culturelles.
L'Hadopi, institution dédiée à la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet,
a publié en mai 2011 une étude sur les pratiques de téléchargement des Français[33].
Les livres sont à la 8e place des biens culturels les plus téléchargés illégalement (29 % des
internautes), mais à la 3e place en termes de téléchargements légaux. Les lecteurs internautes
privilégient donc l’offre légale au téléchargement illégal.
Chez les internautes déclarant des pratiques de piratage, les livres arrivent en 4e position des usages
licites (après la musique, les photos et les films vidéo), mais en 7e et avant-dernière position des
usages illicites. Le téléchargement illégal des livres n’est pas le premier réflexe du lecteur «pirate»
qui se tourne donc de préférence vers l’acquisition légale.
Le piratage faible des livres pourrait s’expliquer par diverses hypothèses :
- Le temps d’appropriation du document livre est plus long, par opposition à la musique ou
aux films dont la consommation est plus immédiate.
- L’attachement culturel au livre induit une consommation plus responsable
-
le marché du livre numérique n’est pas encore assez développé pour induire un
comportement d’usage illégal sur l’acquisition d’ebook
Le MOTif, observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France, s’est penchée sur le sujet de l’offre
illégale de livres numériques. Depuis 2009, il mène une étude, nommée EbookZ, réactualisée
régulièrement et disponible sur leur site [34].
Il en ressort que le livre est encore peu touché par le piratage. Le téléchargement illégal se
concentre plutôt sur les bandes dessinées. Sur un panel de 50 titres parmi les meilleures ventes et
tirages de BD en 2010 et 2011, plus de la moitié des titres piratés ne disposaient pas d’une offre de
vente légale sur les principales plateformes de distribution. Dans ce cas de la bande dessinée, le
peu d’offres légales semble être à l’origine d’une partie du piratage.
Le piratage
dans l’industrie
culturelle du livre
du piratage ancien
2/3
ont plus de
5 ans
limites
Ce sont surtout les
livres pratiques
(incluant Pratique &
Loisirs, STM, Ensei
gnement, Informa
tique, Dictionnaires,
Tourisme) qui sont
piratés ( à 51,9%).
Un secteur encore peu touché
par le piratage
Moins de 2% des titres piratés
circuit illégal
Pour un panel de 50 titres parmi
les meilleures ventes / tirages de
BD en 2010 et 2011
Livres
44% des titres disponibles
3 000 à 4 000 titres piratés
facilement accessibles, soit
beaucoup moins de 1 % de
l’offre légale papier
58% inexistants légalement
BD
Environ 35 000 à 40 000
titres de BD piratés, dont 8
000 à 10 000 réellement
accessibles par l’internaute
moyen. Cela représente
environ 25 % de l’offre
légale papier
25%
m. serriere
master pun 2014
Connaitre le pirate pour connaitre le contexte
Le MOTif s’est aussi penché sur le portrait de ce fameux pirate [35]. Déterminer son profil et ses
motivations se révèle capital pour comprendre pourquoi et comment le téléchargement illégal
fonctionne.
Contrairement aux idées reçues, le pirate de livre numérique n’est pas un adolescent, mais un
adulte d’age moyen, 29 ans, gros consommateur de produits culturels et notamment de livres
papier. La qualité de l’offre légale disponible impacte significativement sa consommation illégale.
Le manque de titres proposés, le prix rédhibitoire des livres numériques par rapport au livre
papier, la mauvaise qualité des livres numériques existants, ainsi que les problèmes
d’interopérabilité liés à la présence de DRM concourrent à leur pratique de téléchargement illégal
qui complète bien souvent leurs achats légaux.
Avec ces études, on constate aussi que les pirates numérisent eux-mêmes les livres pour en
proposer la version ebook sur les réseaux de partage. Ils ne se contentent pas de relayer des ebook
déja distribués, mais créent eux-même des versions numériques de livres papier. Ce type
d’utilisateur possède des connaissances techniques appropriées, non accessibles au lecteur lambda,
pour effectuer la numérisation des livres et les proposer en téléchargement. Certains réseaux
deviennent même le relais d’auteurs non distribués numériquement.
En 2011, 7000 nouveaux titres illégaux ont ainsi été proposés par les pirates. Ceux-ci prennent la
place d’éditeurs légaux et distribuent ainsi une offre de livres numériques inexistante en circuit
légal.
De là à dire que ces titres ne seraient pas piratés s’il existait une offre légale, le raccourci est peutêtre un peu rapide. Cependant cet état de fait montre que l’offre de livre numérique proposée,
inadaptée et incomplète, ne répond pas complètement à la demande.
Position d’acteurs de la chaine du livre sur le piratage
Selon François Capuron, directeur du marketing et de la communication des Editions Delcourt,
interrogé dans le cadre de l’étude EbookZ3 du MOTif : «Il est certain aujourd’hui que ce n’est pas
une menace pour nos ventes. Les fichiers illégaux les plus courants correspondent aux best-sellers
en librairies. Nos séries fortes ne connaissent pas de baisse en librairie, c’est même souvent le
contraire. On pourrait donc même aller jusqu’à dire qu’il y a une corrélation entre les bonnes
ventes et le piratage... si nous voulions faire un peu de provoc. Je ne crois pas non plus que cela
fasse une quelconque promotion.»
Toujours dans le cadre de l’étude EbookZ3, l’avis d’Olivier Jouvray, Auteur de BD : «La culture et
le gratuit sont des modèles intimement liés. Il faut se souvenir que nous avons tout à fait le droit
de lire des livres gratuitement si un ami nous le prête, si on va se poser une après-midi à la
bibliothèque... ça ne fait pas de nous des pirates et généralement, c'est parce qu'on a accès
facilement et gratuitement (ou à bas prix) à̀ la culture qu'ensuite on a envie de remplir sa
bibliothèque personnelle à la maison. Plus on lit, plus on aime lire, plus on a envie de lire et plus
on achète des livres. La diffusion de la culture à toujours eu deux effets principaux : Rendre
moins con et stimuler le marché des produits culturels. (...) Nos éditeurs et producteurs semblent
ne pas comprendre ce qu'est cette nouvelle culture du numérique avec ses notions de partage.
Tout se développe par des réseaux à présent. Des réseaux sociaux, des réseaux de partage, des
réseaux de communication. Tout le monde discute avec tout le monde pour ce qu'il aime, ce qu'il
écoute, ce qu'il lit, ce qu'il voit etc. A partir du moment où l'offre légale est mal fichue, trop chère,
absolument pas ergonomique, le public trouve d'autres moyens d'assouvir sa soif de disques, de
films, de livres etc. Soif qui s'est trouvée énormément stimulée par ces notions de réseaux de
partage. Maintenant que les offres légales commencent à être pertinentes dans le domaine du
disque, je suis certain que le marché va se redresser rapidement si ce n'est pas encore le cas.(...) Ne
pas proposer d'offre légale réellement concurrente par sa simplicité, sa cohérence, ses tarifs, c'est
ne pas être capable de répondre à la demande du public. Et pour répondre à ce public, il faut
analyser et comprendre ses attentes. Je ne suis pas sûr que cette analyse ait été faite sérieusement.»
Ces deux témoignages vont dans le sens d’un piratage dû à de grands consommateurs de biens
culturels qui ne trouveraient pas une réponse adaptée dans les propositions existantes des
distributeurs. Une offre légale, attractive et facile d’achat ne serait-elle pas un moyen simple de les
détourner du piratage?
Le piratage dans les autres industries culturelles
D’autres industries culturelles ont été confrontées au piratage bien avant le domaine du livre.
L’étude de ce phénomène, des politiques mises en place et de leurs effets peut être riche en
apprentissage et en expérience pour l’industrie culturelle du livre. Chaque domaine a ses
caractéristiques propres, son mode de consommation, ses utilisateurs, mais de grandes lignes
restent communes à toutes les industries culturelles.
La musique semble être l’industrie culturelle ayant le plus souffert du piratage et les écrits sont
nombreux sur les effets désastreux du téléchargement illégal.
Néanmoins, malgré tout ce qu’on peut entendre ou lire, les industries créatives ne sont pas un
modèle en déclin.
L’industrie de la musique stagne, certes, mais la chute catastrophique des ventes annoncées par les
labels est loin d’être effective. La LSE (London School of Economics and Political Science),
institution réputée dans le monde pour les sciences économiques et sociales a livré l’étude
«Copyright & Creation - A Case for Promoting Inclusive Online Sharing», en septembre 2013
présentant la façon dont les évolutions des cultures digitales affectent les industries créatives et
leur impact potentiel sur les mesures appliquées au copyright. Les baisses de ventes affectent
uniquement le segment des ventes de CD et vinyles, et on observe une hausse constante de tous
autres segments du marché depuis 1998, notamment sur les concerts. Les revenus numériques ne
cessent d’augmenter, compensant les autres baisses. Les modèles économiques sont en pleine
évolution, les usages se déplacent et les postes de dépenses aussi. Les déséquilibres des majors
trouvent plus certainement leur origine dans la révolution numérique que dans le piratage. Si les
industries musicales avaient commencé plus tôt à s’adapter à ce nouvel environnement numérique,
plutôt que de vouloir plaquer leur anciens modèles sur internet, elles auraient sans doute déjà
profité de ce tournant...
Les autres industries créatives, telle que le cinéma, sont en train de s’adapter aussi, malgré leurs
dénégations. Par exemple, le marché du cinéma, qui s’est beaucoup plaint du piratage, a atteint des
chiffres records et est en augmentation de 6% de 2011 sur 2012. De la même manière, le monde du
jeu est prospère et a misé sur des méthodes innovantes pour générer des revenus : des applications
gratuites intégrant des parties payantes, une politique de petits prix... En prenant un peu de recul,
la situation n’est donc pas du tout celle présentée par ces industries, qui ne mettent en avant qu’une
vision parcellaire de leur activité.
Une étude menée par les universités américaines de Rice et de Duke tend à démontrer que la
suppression des DRM des fichiers vendus en ligne pourrait contribuer à faire baisser le piratage [36].
Steve Jobs expliquait lui-même les raisons de suppression des DRM pour la musique distribuée par
Apple en arguant que les DRM n’ont jamais marché, et risquent de ne jamais marcher pour enrayer
le piratage («DRMs haven't worked, and may never work, to halt music piracy.»). Cette étude
conclut que retirer les DRM pourrait être plus efficace dans la lutte contre le piratage que de les
rendre plus contraignantes («removing the DRM can be more effective in decreasing music piracy
than making the DRM more stringent.»)
Dans les domaines de la musique, du jeu et de la vidéo, les offres de distribution en streaming ont
considérablement changé la donne sur le piratage.
Les services de type Spotify ou Deezer pour la musique, et l’offre Netflix pour la vidéo ont
contribué à faire diminuer le piratage puisqu’ils offrent des alternatives plus simples et plus
sécuritaires aux consommateurs.
Le cas de la musique en Norvège
Un chercheur norvégien de l’Ipsos a mené une étude sur le piratage de contenu en Norvège et
révèle une très forte chute des téléchargements illégaux entre 2008 et 2012 : de 1,2 milliards de
chansons à 210 millions. La population norvégienne intègre plus rapidement les évolutions dans
les usages numériques, et la pratique du partage de fichiers et du streaming est une de ces
évolutions qui a pris sa place dans les habitudes de consommation.
La Norvège, depuis 2008, a vu l’émergence de deux offres légales musicales : Spotify en 2008 et
WiMP en 2010. Ces services, freemium, se sont rapidement implantés, à un tarif abordable, et
connaissent un beau succès : 47% des norvégiens utilisent des services de streaming pour la
musique. On constate que les chutes importantes de téléchargement illégal sont liées aux dates de
sorties de ces services. La mise en place de ces offres ont permis un effet de transvasement de la
consommation illégale vers une offre légale.
Cette évolution laisse donc à penser que le téléchargement illégal s’était majoritairement développé
en réponse à un manque d’alternatives satisfaisantes pour l’utilisateur.
La proposition d’alternatives pratiques, abordables, sûres et de bonne qualité ont permis de
transférer l’activité illégale vers des solutions légales.
Les Perspectives
Développement du streaming
Principe
Le streaming se développe de plus en plus dans les autres industries culturelles (musique, vidéo)
pour s’adapter aux nouveaux usages et aux habitudes de consommation de produit culturel
dématérialisé. Au vu de l’engouement du public pour ces solutions, pourquoi le streaming ne
serait pas aussi la réponse pour le livre? C’est sur ce postulat que des distributeurs se positionnent.
Le marché du livre numérique, encore jeune et en recherche d’un modèle, s’intéresse donc
maintenant à ce type de service.
Ce modèle de distribution repose sur un accès en ligne à des fichiers. Avec d’autres systèmes,
lorsque vous achetez un morceau de musique, un film ou un livre, le fichier se trouve sur votre
disque dur ou sur votre matériel de lecture. Dans le cas du streaming, vous le consultez sur le
serveur du distributeur. Le streaming fonctionne majoritairement sur un principe d’abonnement
pendant lequel l’utilisateur profite d’une fenêtre ouverte sur tout le catalogue du distributeur pour
une écoute ou un accès souvent illimité. Une connexion est indispensable toute la durée de
consultation du fichier online. Le fichier n’est pas récupéré sur le disque dur de l’utilisateur final,
mais il reste sur le serveur pour y être lu. Certaines offres en musique proposent l’écoute offline
en option payante en récupérant le fichier sur son matériel de lecture tout en restant gérée par
l’application du distributeur.
Le streaming ne se présente pas comme une prestation de vente de contenu, mais uniquement
comme une offre d’accès temporaire à des fichiers pendant la durée de l’abonnement. Lorsque
l’abonnement s’arrète, vous n’avez plus accès à rien.
Le streaming ne permet pas de posséder des livres, ce qui n’est finalement pas très éloigné d’une
grande partie des solutions de vente proposées actuellement, notamment par les grandes firmes.
L’autre limite de ce type de service réside dans le besoin constant d’une connection pour accéder
au contenu en ligne. Dans ce cas, avec les offres telle qu’on les connait actuellement, il n’est pas
possible de lire des contenus dans un contexte déconnecté.
La proposition d’un catalogue en accès libre apporte l’avantage certain de pouvoir prendre le
risque de découvrir des oeuvres complètement différentes en piochant à sa guise dans les livres
proposées. Un lecteur curieux trouvera là l’occasion d’accéder à des oeuvres qu’il aurait hésité à
acheter; un bénéfice intéressant pour la diversité culturelle.
Ce mode d’accès à un catalogue libre, sans acquisition, et en accès temporaire qu’on peut qualifier
de prêt, ça ne vous rappelle rien? On se rapproche du fonctionnement d’une bibliothèque en
ligne... Comment vont se positionner ces deux acteurs, distributeur de livres en streaming et
bibliothèques, cela reste à voir. Il est cependant certain qu’il y a beaucoup à faire sur ce domaine et
que le modèle de proposition de contenu numérique pour les bibliothèques est aussi en
construction.
Protection du contenu
Le streaming permet de protéger le contenu car il repose sur l’idée que l’utilisateur ne peut pas
copier une œuvre s’il ne l’a pas en sa possession. Et sans copie personnelle, pas de diffusion
illégale possible, le raisonnement est simple.
La sécurité apportée semble donc assez élevée puisque l’utilisateur ne possède pas sa copie propre
du livre, il ne fait qu’accéder à un serveur pour la visualiser et il n’a pas de moyen de télécharger le
contenu du fichier.
Les distributeurs de livres en streaming
A l’étranger, les sociétés pariant sur le streaming de ebooks fleurissent un peu partout. Aux EtatsUnis, ce sont les services Oyster et Scribd qui font le pari du streaming. La société Scribd a signé
un partenariat avec HarperCollins en octobre 2013 pour mettre à disposition les titres de ses
collections. La société 24Symbols, espagnole, propose un abonnement permettant d’accéder de
façon illimitée à une selection d’ebooks. Bookboard fait le choix de se spécialiser sur le lectorat
junior.
En France, la société Youboox se lance sur le créneau de l’accès online. Elle propose un accès à un
catalogue de plus de 10.000 références à lire en ligne. La lecture est illimitée aussi bien en nombre
de livres accessibles qu’en nombre de lecture de chaque exemplaire autant que souhaité.
L’utilisateur a le choix entre deux formules : un accès gratuit et un accès premium payant. La
première option active des bannières de publicités au dessus de la lecture en cours. La seconde,
payante, permet de s’affranchir de la pollution visuelle publicitaire. Un reproche à cette solution
est son interface, pas très ergonomique, avec un mode de lecture sur un version figée de type pdf
qui ne propose pas tous les avantages du format ePub comme le redimensionnement de la police
de caractère. Le confort de lecture, plutôt spartiate, n’intègre pas les habitudes de lecture d’un
utilisateur de ePub.
Les solutions de lecture en streaming pèchent pour le moment par l’impossibilité de consulter les
livres sur une liseuse ainsi que l’absence d’une option permettant la lecture d’un fichier offline.
Le modèle économique du streaming est-il viable?
Le streaming semble être une solution adaptée à l’évolution des usages du consommateur qui
semble être de plus en plus attiré par un accès nomade, dématérialisé et simple sans avoir le besoin
de posséder nécessairement le fichier lié. Il est indispensable pour les différents acteurs de la
chaine du livre de réfléchir à des modèles économiques pérennes autour de ce type de service.
Ce pari ambitieux du streaming reste encore économiquement instable.
Dans l’industrie musicale par exemple, cette solution n’est pas viable pour les artistes qui sont peu
rémunérés en fonction des écoutes (l’écoute d’un morceau en streaming est rémunérée environ
0,001 euro pour l’auteur). Ces dernières années, l’industrie musicale s’est retrouvée au tournant
d’une redistribution des usages et donc des dépenses des consommateurs. Les ventes de supports
physiques ont baissé, et la consommation associée s’est tournée vers les modèles d’écoute en
streaming. Les autres sources de revenus pour l’industrie musicale provenant de marchés
complémentaires sont en hausse : concerts, applications mobiles, produits dérivés, ce qui permet
de maintenir un certain équilibre de l’ensemble de cette industrie culturelle musicale.
Dans le cas du livre, ce marché complémentaire n’existe pas. Le service de streaming est financé
grâce à un partage des revenus avec les maisons d'édition qui redistribue les dividendes aux
auteurs. La source de revenu doit donc être suffisante afin que les différents acteurs de cette
industrie culturelle vivent de leur travail. La rémunération des auteurs et éditeurs n’est pas
complétée par d’autres sources de revenus et provient uniquement de la vente de livres. Les
services de streaming subissent un déficit de financement direct par rapport aux autres oeuvres
culturelles. En l’état, le seul service de streaming ne peut être un modèle économique viable.
Jean-François Gayrard, fondateur de Numeriklivres, explique «Quant au modèle d’affaires, la
rémunération par la publicité, je n’y crois pas. Quoiqu’on en dise et je suis bien placé pour le
savoir, la littérature n’a pas un pouvoir d’attraction suffisamment fort pour fédérer les annonceurs.
En octobre [2012], 4000 pages de nos titres ont été lues via cette application, ce qui a généré un
chiffre d’affaires de 10€ ! 10€ que nous allons répartir entre tous les titres sélectionnés. Les auteurs
vont rire de moi assurément.»
Quelles solutions alors pour tirer parti au mieux de ce type de services?
Pour se pencher sur d’autres industries culturelles, Netflix propose des films moins récents à un
très faible coût et se base sur une stratégie de commercialisation de type versioning. Ce principe
consiste à offrir différentes versions d’une même oeuvre pour accéder à un public différent. On
en revient aisément à l’industrie du livre qui emploie ce modèle d’affaires depuis longtemps, en
rééditant un livre en format poche pour toucher une autre clientèle que celle qui achète les livres
en grand format dès leur sortie.
Ce type d’offre peut permettre d’étoffer le catalogue proposé aux utilisateurs.
Pour le distributeur, l’avantage d’un mode d’accès des livres en ligne se trouve dans le suivi de ses
utilisateurs. Il peut alors identifier, stocker et analyser les moindres usages des lecteurs en
recherche de livres, en lecture, savoir quels livres le lecteur a lu, en entier ou non, quel type de
consommateur il est... Toutes ces informations et statistiques de lecture constituent une mine d’or
pour les distributeurs qui peuvent exploiter ces fichiers eux-même ou les revendre. Ces
informations sont avantageuses pour adapter et personnaliser les modèles publicitaires aux
utilisateurs. Ce type de transaction représente un mode de revenu complémentaire s’inscrivant
dans la logique économique de la solution de streaming.
Le distributeur de lecture en streaming peut commercialiser des offres premium supplémentaires
proposant des contenus enrichis, des alertes personnalisées sur ces contenus, la possibilité de
télécharger un fichier et donc de l’acheter, des compléments à la lecture tels qu’un accès au film
adapté d’un livre par exemple. Les modèles de distribution de contenu numérique deviennent
cross medias afin de créer des interactions et des services à valeur ajoutée.
La politique gouvernementale en faveur du livre numérique
Le développement du livre numérique trouve sa place dans les réflexions et politiques
gouvernementales.
Dans le cadre de la commission présidée par Bruno Patino, en 2008, et commandée par le
ministère de la Culture, la première action proposée est la suivante :
«1. Promouvoir une offre légale attractive
Une offre légale de qualité est la condition essentielle pour que le marché se développe grâce à
l’initiative des acteurs du secteur, et non grâce au piratage. Trois éléments jouent un rôle
déterminant : l’interopérabilité des contenus numérisés, les possibilités de référencement de ces
contenus dans l’univers numérique et l’importance et la diversité de l’offre. La commission
propose en conséquence les mesures suivantes :
- Inciter les acteurs du secteur à réfléchir au niveau interprofessionnel à l’interopérabilité des
contenus numériques. Cette réflexion devra porter tant sur les formats que sur les solutions de
gestion des droits (DRM).
- Encourager l’interprofession à accélérer l’interopérabilité des grandes bases de métadonnées
existantes et à réfléchir, à terme, à la mise en place d’une base unique. Les conditions d’accès aux
bases de métadonnées doivent également être repensées, afin de permettre un accès plus souple et
à coût réduit pour les professionnels, voire un accès gratuit pour le public.
- Poursuivre et élargir la politique de soutien aux livres numériques menée par le Centre National
du Livre, dont le rôle essentiel pour tester les réactions du marché, aider à la numérisation des
fonds éditoriaux et proposer au public une offre élargie de livres numériques.»
Les sujets des DRM et de l’interopérabilité se retrouvent au coeur des problématiques soulevées
par la commission.
Cette question mérite de trouver des réponses rapidement, car la bonne gestion de ces
problématiques permettra le bon développement d’un marché encore récent manquant
singulièrement de stabilité, d’un cadre fiable et d’une offre pérenne.
Conclusion
L’industrie du livre a pour souhait légitime de chercher à protéger ses droits et ceux de ses auteurs.
Sa volonté de reproduire, dans le monde numérique, les mêmes usages et formes d’un modèle
industriel historique implique une profonde remise en question de son fonctionnement. Il semble
simple de passer d’un modèle de vente d’exemplaire papier intégrant un processus d’impression,
des couts de production et de stockage physique, à un processus complètement numérique avec
une reproduction de l’oeuvre quasi à l’infini pour un cout marginal négligeable. Néanmoins la
transition d’un modèle à un autre impose aux éditeurs une réflexion complexe autour de leurs
processus et de leur organisation.
Les modes de consommation des lecteurs numériques évoluent, ce qui implique de s’adapter aux
nouvelles demandes sans perdre son identité. Cette situation difficile de transition pour tous les
acteurs de la chaine du livre soulève des problèmes et des questions qui sont peut-être insolubles
pour le moment.
Ce fonctionnement pousse certains éditeurs et distributeurs à apposer des mesures de protection
technique sur leurs livres en espérant ainsi les protéger au mieux. Toutefois, le marché du livre
numérique étant encore à ses prémices, les distributeurs doivent être attentifs à ne pas opter pour
des formes trop restrictives ou trop intrusives, s’assurant ainsi de ne pas se mettre les
consommateurs à dos. Les DRM montrent leur limites sur cet aspect là. Comme le rappelle
Richard Stallman, fondateur du projet GNU et Président de la Fondation pour le Logiciel Libre, «
Toutes les libertés dépendent de la liberté informatique, elle n’est pas plus importante que les
autres libertés fondamentales mais, au fur et à mesure que les pratiques de la vie basculent sur
l’ordinateur, on en aura besoin pour maintenir les autres libertés»
L’usage du tatouage numérique peut se révéler être une solution préférable en l’occurrence,
puisqu’elle est moins intrusive pour les consommateurs tout en étant efficace.
Suite au développement du streaming dans les usages quotidiens des utilisateurs, cette voie semble
incontournable pour les éditeurs, qu’elle devienne un mode de diffusion principal ou secondaire.
Aucune solution n’est idéale pour le moment et les modèles de distribution de culture numérique
sont encore en mouvance. Le livre sera-t-il soluble dans le web? Le livre numérique va-t-il absorber
le livre papier ou ne sera-t-il qu’un support de plus? Le numérique est une révolution pour
l’industrie du livre et son développement s’accompagne d’opportunités et de questions, tout
comme l’arrivée en son temps de la cassette, ou du CD pour la musique, qui a soulevé les mêmes
inquiétudes sur la fin du marché musical tel qu’on le connaissait. Il s’agit surtout de savoir s’adapter
à de nouvelles possibilités et modes de fonctionnements.
Dans cette dimension numérique, n’oublions pas la vocation du livre, son esprit de partage, et sa
vocation de découverte et d’émerveillement. Au delà des questions de modèle économique, il reste
un lien entre des auteurs et des lecteurs, renforcé par des éditeurs et des distributeurs dont l’envie
et le métier sont de faire découvrir et partager.
En novembre 2013, le site publie.net a choisi d’enlever toute protection technique à ses livres et
présentait son choix ainsi :
«Une forme de test avant ce grand saut, et qui aujourd’hui nous amène à nous positionner ainsi, car
notre unique « peur » serait d’abord de n’être pas lu… Alors, soit : le piratage existe, mais nous
préférons faire ce que nous faisons le mieux, partager notre passion des beaux textes. La
conscience du lecteur fera le reste.»
Notes de bas de page
[1] http://www.sne.fr/dossiers-et-enjeux/economie.html
[2]
Selon
l’étude
de
BookStats http://bookstats.org/pdf/BookStats-Press-Release-2013highlights.pdf, et sur http://www.nytimes.com/2013/05/15/business/media/e-book-sales-a-boonto-publishers-in-2012.html
[3] Code de la propriété intellectuelle :http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?
idArticle=LEGIARTI000006278891&idSectionTA=LEGISCTA000006161636&cidTexte=LEGITEXT000006069414&d
[4] http://www.actualitte.com/legislation/confidentiel-le-contrat-amazon-de-distribution-d-ebookskindle-45506.htm
[5] Article «Apple fait sauter tous les verrous numériques d'iTunes» :
http://www.01net.com/editorial/400027/apple-fait-sauter-tous-les-verrous-numeriques-ditunes/
[6]http://www.lemotif.fr/fichier/motif_fichier/153/fichier_fichier_etude.sur.le.coa.t.d.un.livre.numerique.pdf
[7]
Code
de
la
propriété
intellectuelle
:http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=3B6E7C0F8278B6D125C827B342B41966.tpdjo12v_
idArticle=LEGIARTI000021212283&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111107
[8] loi française DADVSI (Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information)
:http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT000000266350&dateTexte=&categorieLien=id
[9] Mémento de l’information numérique / Jean-Philippe Accart et Alexis Rivier -Paris : Electre Editions du Cercle de la Librairie, 2012. – 184 p. - ISBN 978-2-7654-1332-5
[10] Article «Richard Stallman : Je redoute les menottes numériques de l’ebook»
:http://www.actualitte.com/interviews/stallman-je-redoute-les-menottes-numeriques-de-l-ebook-22-1500.htm
[11]
Les
dangers
du
livre
électronique,
par
Richard
Stallman
http://www.framablog.org/index.php/post/2012/01/22/stallman-ebook-livre-electronique
:
[12]
Nouvelle
de
Richard
Stallman
intitulée
http://www.gnu.org/philosophy/right-to-read.fr.html
:
«Le
droit
de
lire»
[13] Article «Kindle : Amazon efface à distance des centaines de livres achetés légalement» :
http://www.numerama.com/magazine/13484-kindle-amazon-efface-a-distance-des-centaines-delivres-achetes-legalement-maj.html
[14] Article
«Avec Google Play, les livres achetés ne passent pas la frontière»
http://www.numerama.com/magazine/26762-avec-google-play-les-livres-achetes-ne-passent-pas-lafrontiere.html avec le témoignage de Jim O'Donnell qui a fait les frais de cette mésaventure :
http://listserv.crl.edu/wa.exe?A2=LIBLICENSE-L;1e13597c.1308
[15] Loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes,
des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication
audiovisuelle
Version consolidée au 26 juillet
cidTexte=JORFTEXT000000693451
2009
: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
[16] Article du site Rue89 : «MP3, ebooks... on a vérifié, ils ne vous appartiennent pas» :
http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2012/09/26/mp3-ebooks-verifie-ils-ne-vousappartiennent-pas-235508
[17] Conditions générales
services/itunes/fr/terms.html
de
ventes
Itunes
: http://www.apple.com/legal/internet-
[18]
Conditions
d’utilisation
et
générales
de
vente
http://www.amazon.fr/gp/help/customer/display.html?nodeId=548524
[19] Conditions générales
services/itunes/fr/terms.html
[20] Conditions
terms.html
d’utilisation
de
ventes
Google
Itunes
Amazon
:
: http://www.apple.com/legal/internet-
Play https://play.google.com/intl/fr_fr/about/play-
[21] La TVA appliquée au livre papier est à taux réduit, 5,5%. La TVA appliquée aux services est à
20% au 02/01/2014
[22] Jacquesson, Alain, « Du livre enchaîné aux DRM », BBF, 2011, n° 3, p. 36-41, [en ligne] :
http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2011-03-0036-007
[23]
Les
droits
du
lecteur
selon
http://fr.wikipedia.org/wiki/Comme_un_roman#Le_qu.27en-lira-ton_.28ou_les_droits_imprescriptibles_du_lecteur.29
Pennac
:
[24] ZHANG Laurina, Intellectual Property Strategy and the Long Tail: Evidence from the
Recorded
Music
Industry,
2013,
[en
ligne]
:
http://inside.rotman.utoronto.ca/laurinazhang/files/2013/11/laurina_zhang_jmp_nov4.pdf
[25] Conditions générales
services/itunes/fr/terms.html
de
ventes
Itunes
: http://www.apple.com/legal/internet-
[26] BLASI Christoph, ROTHLAUF Franz, European Booksellers Federation, De l’interopérabilité
des
formats
du
livre
numérique,
2013
,
[en
ligne]
:
http://www.youscribe.com/catalogue/tous/etude-sur-l-interoperabilite-pour-le-livre-numeriqueen-faveur-des-2222373
[27] Annonce sur le blog Adobe du piratage de son serveur de DRM :
http://blogs.adobe.com/conversations/2013/10/important-customer-security-announcement.html
[28] Journée internationale contre les DRM - édition 2013 : http://www.april.org/journeeinternationale-contre-les-drm-edition-2013
[29] Article «Pottermore fait 1 million £ de ventes d'ebooks en trois jours» :
http://www.actualitte.com/acteurs-numeriques/pottermore-fait-1-million-de-ventes-d-ebooks-entrois-jours-33301.htm
[30] Spécifications de l’Encrypted Media Extensions sur le site du W3C
https://dvcs.w3.org/hg/html-media/raw-file/tip/encrypted-media/encrypted-media.html
[31] Article de Tim Berners Lee «On encrypted video and the
http://www.w3.org/blog/2013/10/on-encrypted-video-and-the-open-web/
open
:
web» :
[32] proposition de l’IDPF pour une DRM Light, dite «Lightweight Content Protection»
:http://idpf.org/epub-content-protection-rfp
[33] Etude «Hadopi, biens culturels et usages d’internet : pratiques et perceptions des internautes
français.», 2011 : http://www.hadopi.fr/download/hadopiT0.pdf
[34] DAVAL Mathias, Le MOTif EbookZ 3 : étude sur l’offre numérique illégale des livres - Mars
2012 , [En ligne] : http://www.lemotif.fr/fr/etudes-et-donnees/etudes-du-motif/ebookz/
[35] Etude du MOTif «Portraits de pirates» : http://www.lemotif.fr/fr/etudes-et-donnees/etudesdu-motif/ebookz/bdd/article/1099
[36] VERNIK Dinah, PUROHIT Devavrat, DESAI Preyas , Rice University, "Removal of restrictions
can decrease music piracy, study suggests." ScienceDaily, 2011, [en ligne] :
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Glossaire
DRM : « Digital Rights Management », aussi appelé « Digital Restrictions Management » permettent
la gestion des droits numériques d’une oeuvre numérique.
ebook : nom générique du livre numérique, qu’il soit en format ePub ou PDF
epub : extension du fichier ePub d’un livre numérique. Ce fichier est un fichier compressé,
composé de plusieurs fichiers nécessaires au bon fonctionnement du livre numérique.
freemium : Le freemium (composition des mots anglais free : gratuit, et premium : prime) est un
modèle économique associant une offre gratuite, en libre accès, et une offre « Premium », haut de
gamme, en accès payant.
iDPF : L'International Digital Publishing Forum (IDPF) est un consortium international à l'origine
du format de livre numérique EPUB.
Kindle : appareils de lecture de ebook commercialisé par Amazon
M obipocket, KF8 : format du fichier du livre numérique pour Amazon. Amazon n’utilise pas le
format ePub mais un format propriétaire
M TP : Mesures Techniques de Protection d’une oeuvre numérique. Englobe les protections de
type DRM et watermarking principalement
offline : Un service «hors-ligne» (ou offline) permet à l’utilisateur d’utiliser ce service de manière
locale et autonome, sans être connecté à internet.
online : « en ligne » (ou online) décrit un service, une information accessible par internet
nécessitant de la part de son utilisateur d'y être connecté pour en bénéficier.
reader : désigne à la fois l’appareil de lecture d’un ebook, et le logiciel permettant d’afficher le livre
(ex : ibooks pour Apple, Mantano pour Android...)
supports de lecture : types d’appareils utilisés pour la lecture d’un livre numérique. Ils peuvent
être : un ordinateur, une liseuse, une tablette, un téléphone
W3C : Le World Wide Web Consortium est un organisme de normalisation, à but non lucratif,
fondé par Tim Bernes Lee, principal inventeur du Web, en 1994. Il est chargé de promouvoir la
compatibilité des technologies du World Wide Web (HTML, XHTML, XML, RDF, SPARQL, CSS...)