La régulation médiatique des élections L`exemple du Haut Conseil

Transcription

La régulation médiatique des élections L`exemple du Haut Conseil
La régulation médiatique des élections
L’exemple du Haut Conseil de l’Audiovisuel du Sénégal
EL HADJ MBODJ
Professeur à la Faculté de Droit de l’Université Cheik Anta Diop de Dakar
Membre de l’ONEL et du Haut Conseil de l’Audiovisuel
Directeur de l’Institut des Droits de l’Homme
Les instances de régulation de la démocratie s’inscrivent dans la perspective d’une plus grande rationalisation
des organes impliqués dans la dévolution et la gestion du pouvoir politique. Elles visent à réguler la démocratie
en impliquant davantage les citoyens à l’exercice du pouvoir et en coupant le cordon ombilical qui plaçait directement certaines institutions et acteurs du jeu démocratique sous la coupole du pouvoir politique. Les médias et
les partis politiques, champs privilégiés de ces institutions nouvelles, sont en effet de moins en moins soumis à un
contrôle vertical autoritaire du pouvoir politique et de plus en plus à un contrôle horizontal souple exercé par les
organes de régulation des médias ou des élections qui ont accompagné le processus de démocratisation des États
africains.
Ces instances sont venues enrichir le décor institutionnel et politique des régimes africains nés de la troisième
vague de démocratisation. Elles se démarquent des institutions et organes d’expression du pouvoir d’État hérités
de la tradition libérale. En effet ces institutions nouvelles s’intègrent difficilement dans la typologie classique des
pouvoirs dans la mesure où elles peuvent assumer des missions ressortissant à la fois du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. C’est ainsi, dans son combat pour le maintien du statu quo, à savoir la gestion des élections par l’Administration, le Parti Socialiste du Sénégal en était arrivé à considérer la commission
électorale nationale indépendante (CENI) comme « un monstre juridique » dans la mesure où elle est investie de
formulation de règles générales et particulières, d’administration du processus électoral et de gestion des contentieux nés des élections. En d’autres termes, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire s’incrustent dans un même
organe qui serait omnipotent.
Au-delà des considérations stratégiques, la mission primordiale manifestement assignée à ces instances est de
réconcilier les structures classiques de l’État (administration et pouvoir judiciaire) avec les acteurs du jeu démocratique par la restauration de la confiance indispensable au bon fonctionnement des institutions. À travers cette
nouvelle ingénierie institutionnelle, les constructeurs cherchent à cultiver une plus grande visibilité, transparence
et consensus dans les rapports entre l’État et ses partenaires du jeu démocratique.
Seulement, à partir du moment où elles remettent en cause l’ordre établi, ces instances sont alors confrontées
à un véritable problème de légitimation en amont et en aval. Les acteurs, souvent sceptiques, n’hésitent pas à dénoncer l’inertie ou l’action de ces instances qui peuvent être remises en cause du jour au lendemain. En aval, elles perturbent la routine des structures étatiques classiques qui les considèrent souvent comme des usurpateurs ou tout au
moins comme des « intrus » qui rognent les prérogatives de souveraineté de l’État dont elles seraient les dépositaires légitimes.
Au demeurant, les contours de la régulation ne sont pas circonscrits avec rigueur. Considérée comme un « processus par lequel le comportement d’un système perçu complexe est maintenu ou ajusté « en conformité à quelques
règles ou normes » (G.Canguilhem) » (cf. Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit ; LGDJ,
1988, p. 347), la régulation est au centre de toute activité sociale à partir du moment où elle tend en définitive à
normaliser le fonctionnement d’un système ou d’une activité par la prévention des irrégularités ou des dysfonctionnements, l’arbitrage des différends et la sécurisation de l’ordre juridique. Ainsi la régulation comporte plusieurs volets :
– un volet juridique habilitant ces organes à veiller au respect des lois et règlements régissant l’activité considérée et, le cas échéant, à sanctionner ou faire sanctionner les infractions à la législation en vigueur ;
– un volet arbitral : ces organes sont situés à équidistance des différents acteurs impliqués dans la dynamique
politique. L’arbitrage, dans ces conditions, est un arbitrage actif car l’arbitre peut siffler les coups francs,
rétablir un équilibre rompu et imposer le respect des règles du jeu aux différentes parties ;
248
Symposium international de Bamako
– un volet pédagogique : ces organes n’ont pas vocation à se substituer aux organes classiques chargés de faire
respecter la loi. Ils ne font pas double emploi avec ceux-ci. Au contraire, ils cherchent à normaliser les rapports entre les acteurs du jeu médiatique ou électoral par la socialisation des valeurs démocratiques fondées
sur la justice, l’équité, l’éthique et la morale. Ils apparaissent comme des autorités morales, de « bons pères
de famille » en quelque sorte cherchant sans répit à ajuster les comportements aux valeurs républicaines par
la persuasion et non la contrainte.
Ces instances ne sont pas structurées toutes de la même manière dans la mesure où l’environnement politique
dans lequel elles évoluent peut affecter leur nature juridique ainsi que les prérogatives qui leur sont reconnues. Au
regard de l’évolution des régimes politiques africains, il peut être remarqué que ces instances sont mieux réceptionnées et acclimatées par les nouveaux régimes politiques nés des conférences nationales ou des révolutions. En
effet, ces régimes construits à partir d’un néant démocratique sont plus réceptifs aux innovations institutionnelles
que les régimes disposant d’un socle démocratique.
Aussi, ces instances sont–elles le plus souvent constitutionnalisées dans les démocraties nées des conférences
nationales consacrant une rupture avec l’ordre antérieur alors que dans les régimes reposant sur une certaine continuité institutionnelle, elles sont ravalées tout au plus au rang législatif – ou même réglementaire – avec des pouvoirs réduits à une portion congrue.
Enfin dans les nouvelles démocraties le choix des membres de ces instances n’est pas l’apanage exclusif d’une
autorité donnée. Les membres sont élus ou nommés par plusieurs autorités alors qu’au Sénégal, un exemple de
continuité, ils sont tous nommés par le Président de la République.
Seulement l’expérience montre que la performance d’une institution dépend davantage de la qualité de ses animateurs que de la structuration normative. Ainsi, le Haut Conseil de l’Audiovisuel du Sénégal, s’est-il acquitté
avec bonheur de sa mission de régulation médiatique des élections.
I.– DE L’ÉGAL ACCÈS DES PARTIS POLITIQUES AUX MÉDIAS PUBLICS À LA RÉGULATION MÉDIATIQUE
Le Haut Conseil de l’Audiovisuel, instituée par la loi n° 98-09 du 2 mars 1998, est l’aboutissement d’un long
processus de maturation de la régulation médiatique au Sénégal. Alors que les acteurs politiques – principalement
les partis politiques de l’opposition – se préoccupaient essentiellement de la question de l’accès des partis politiques aux médias publics garanti par un organisme indépendant du ministère chargé des médiats, le combat syndical pour asseoir une meilleure protection d’une presse plurielle va amener les gouvernants à jeter les bases d’une
structure de régulation qui embrasse tous les médias audiovisuels, quel que soit leur statut.
A.– L’accès des partis politiques aux médias publics
Le HCA est né des cendres du Haut Conseil de la Radio Télévision (HCRT) qui est né d’une revendication du
syndicat unique des professionnels de l’information et de la communication (SYNPICS) et des partis politiques
qui s’insurgeaient contre le monopole que le parti au pouvoir, par l’entremise de l’État qu’il contrôle, exerce sur
les organes de communication sociale et l’ostracisme qui frappait les partis d’opposition.
Au départ, la structure avait une base réglementaire car le HCRT était créé par le décret n°91-537 du 25 mai
1991 portant création du Haut Conseil de la Radio Télévision et relatif au respect du pluralisme par le service public
de la radio-télévision dont l’art. 1 pose le principe de l’accès des partis politiques légalement constitués aux antennes
du service public de la radio-télévision pour la diffusion d’émission de propagande politique, pour la retransmission des débats parlementaires et dans le cadre d’une information générale pluraliste. Un Haut Conseil de la
RadioTélévision est désormais chargé par l’art.2 du décret pertinent de veiller au respect des garanties institués
pour l’accès des partis politiques aux médias audiovisuels publics ainsi qu’au respect des règles du pluralisme dans
le traitement de l’information.
Les difficultés de fonctionnement inhérentes à toute structure collégiale devaient amener le président de la
République à réformer en profondeur l’institution qui est désormais dotée d’une base légale octroyée par la loi n°
92-57 du 3 septembre 1992 relative au pluralisme à la radio-télévision. L’art.1 abroge et remplace l’art.5 de la loi
relative aux partis politiques modifiée par la loi du 12 octobre 1989. Il instaure un temps d’antenne égal à la radio-
La régulation médiatique des élections…
249
télévision pour les partis politiques légalement constitués. Dans le cadre des émissions hebdomadaires qui leur
sont réservées, ces partis peuvent faire connaître leurs options et donner lecture des communiqués adoptés par leurs
instances statutaires. La couverture de leurs manifestations statutaires et publiques, la diffusion de leurs communiqués de presse et la retransmission des débats parlementaires sont assurées de manière équilibrée par les organes
publics d’information.
L’appellation du HCRT est en réalité factice. Elle laisse entrevoir une instance de régulation de la radio et de
la télévision. Il n’en était rien dans la mesure où cette instance n’était investie d’aucune prérogative qu’il pouvait
exercer à l’endroit de ces médias publics. Il n’intervenait que pour veiller et garantir l’égal accès des partis politiques aux organes d’information publics. Ses rapports avec le service public de la radio-télévision n’étaient pas
des meilleurs car ce dernier était conscient des limites du premier et, surtout, il est placé sous l’autorité de l’État
qui nomme ses dirigeants. Ces limites étaient accentuées par l’éclosion du paysage médiatique avec le développement des radios privées répugnant à toute tutelle exercée sur elles.
B.– L’avènement de la structure de régulation médiatique
C’est dans ces conditions que le chef de l’État, à l’occasion de la remise du rapport annuel de l’année 1995 du
HCRT, adressa une invite à « une réflexion d’anticipation » devant déboucher sur la création d’une véritable autorité de régulation des médias audiovisuels au Sénégal.
La loi n° 98-09 du 2 mars 1998 institue un Haut Conseil de l’Audiovisuel qui est une « autorité indépendante »
(art.1) dont la juridiction s’étend à tous les médias audiovisuels quel que soit leur statut juridique. L’instance nouvelle de régulation des médias est chargé de garantir l’indépendance et la liberté de l’information et de la communication dans les médias audiovisuels, de veiller à l’objectivité et au respect de l’équilibre dans le traitement de
l’information, de l’accès équitable des partis politiques aux médias d’État, de fixer les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions réglementées des médias audiovisuels lors
des campagnes électorales et de favoriser et promouvoir la libre et saine concurrence entre les médias audiovisuels. Cependant, le HCA n’intervient pas dans l’attribution des fréquences ni dans la détermination du cahier des
charges applicables aux entités titulaires d’une autorisation de diffuser. Il veille simplement au respect par cellesci des clauses imposées à ces organes.
En période électorale, le HCA se transforme en organe de régulation des médias nationaux publics et privés
qui sont soumis à l’impérieuse obligation de garantir l’équilibre dans le traitement médiatique des candidats. Sa
compétence est primordiale en matière de gestion de la couverture médiatique de la campagne électorale. Il assume
sa mission sous le contrôle de la Cour d’appel et du Conseil d’État.
II.– L’ÉTENDUE DE LA RÉGULATION MÉDIATIQUE
Deux niveaux d’exercice des compétences peuvent être dégagés : la gestion de la pré-campagne électorale et
celle de la campagne électorale proprement dite.
A.– La gestion de la pré-campagne électorale
La pré-campagne est régie par les dispositions de l’art.L.58 du Code électoral. Elle couvre les 30 jours précédant l’ouverture de la campagne électorale. Durant cette période le législateur interdit formellement toute propagande électorale ayant pour support les médias nationaux (à l’exclusion des médias transnationaux) publics et
privés.
L’alinéa 2 du même article définit les actes de propagande électorale déguisée comme toute manifestation ou
déclaration publique de soutien à un candidat ou à un parti politique ou coalition de partis politiques, faite directement ou indirectement par une personne ou association ou groupement de personnes quelle qu’en soit la qualité,
nature ou caractère.
Sont également assimilées à des propagandes ou campagnes déguisées, les visites ou tournées à caractère économique, social ou autrement qualifiées, effectuées par toutes autorités de l’État sur le territoire national et qui
donnent lieu à de telles manifestations ou déclarations.
Le HCA est chargé de veiller à l’application stricte de cette interdiction. Il doit, en cas de contravention, proposer des formes appropriées de réparation au bénéfice de tout candidat, parti ou coalition de partis lésés qui doivent le saisir d’une plainte. En dehors de la réparation, des sanctions pécuniaires à vrai dire symboliques (amende
de 1000 à 10.000 FCFA) peuvent être prononcées par la juridiction répressive.
250
Symposium international de Bamako
B.– La gestion de la campagne électorale
La campagne électorale est ouverte 21 jours avant le scrutin. Elle prend fin la veille du jour du scrutin. C’est
une période d’intense communion politique entre les électeurs et les candidats qui sollicitent leurs voix. En raison
de sa sensibilité, des dispositions spéciales ont été adoptées en vue de mieux garantir le respect du principe de
l’égalité des électeurs devant le suffrage. Le HCA est le maître d’œuvre de la campagne électorale dont la couverture médiatique se fait sous sa supervision et son contrôle. Avant l’ouverture de la campagne, l’organe de régulation des médias soumet à la signature du président de la République un projet de décret déterminant le nombre,
la durée et les horaires ainsi que les modalités de leur réalisation (art. LO 123 et 178).
Le HCA veille avant tout à ce que la couverture médiatique des candidats ou des partis se déroule dans le respect du principe constitutionnel d’égalité des candidats dans l’utilisation des temps d’antenne.
Le temps d’antenne alloué aux candidats à l’élection présidentielle est égalitaire alors qu’il est proportionnel
lorsqu’il s’agit des élections législatives où il est divisé en deux fractions : une première fondée sur l’égalité arithmétique entre les listes de candidats et une seconde répartie proportionnellement à leur représentation parlementaire aux partis politiques ayant présenté des listes de candidats.
Le HCA peut, conformément à l’art. L.123 du CE, s’opposer à la diffusion d’une émission de campagne en cas
de contravention aux règles posées par la constitution, notamment lorsque les propos du candidat révèlent un manquement grave aux obligations qui résultent de la loi fondamentale, singulièrement en ce qui concerne le respect:
– des caractères de l’État républicain, laïc et démocratique,
– des institutions de la République : statut et compétence,
– de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et de l’unité nationale,
– et des libertés publiques.
L’instance de régulation devra alors saisir la Cour d’appel de Dakar dans les 24 heures à compter de la réalisation de l’émission. Cette saisine est suspensive de la diffusion de l’élément incriminé. Si la Cour n’est pas saisie dans le délai ou bien saisie ne se prononce pas dans les 48 heures suivant sa saisine, l’émission doit être
immédiatement diffusée. Le législateur fait ainsi du HCA un organe chargé de veiller à la légitimité mais aussi à
la moralité du discours électoral.
En sus de l’émission institutionnelle de campagne, l’organe de régulation veille en outre à ce que le principe
d’égalité entre les représentants des listes soit respecté dans les programmes d’information du service public de la
radio-télévision en ce qui concerne la reproduction et les commentaires des déclarations, écrits, activités des candidats et la présentation de leur personne (art. LO 125 et 179). En d’autres termes, la liberté de traitement professionnel de l’information des journalistes, conformément à l’éthique et à la déontologie, est préservée à la seule
condition que l’égalité soit rigoureusement assurée.
III. – LES LIMITES DE LA RÉGULATION MÉDIATIQUE
Si les pouvoirs de régulation du HCA sont réels, ils restent néanmoins insuffisants en raison de l’inadéquation
des règles et de l’inefficacité des sanctions qu’il peut prononcer.
A.– L’inadéquation des règles
Le HCA n’est pas investi d’un pouvoir de coercition sur les médias publics. Il n’est pas investi d’un pouvoir
de nomination ou de sanction à l’encontre des organes dirigeants des médiats audiovisuels du service public. Ceuxci peuvent rester sourds aux injonctions du HCA et, intentionnellement ou involontairement, porter atteinte à son
autorité et donc à sa crédibilité vis-à-vis des acteurs politiques et de l’opinion. Les réprimandes adressées à la RTS
n’étant pas souvent diffusées, l’impression générale se dégage relativement à la convergence des vues de ces deux
acteurs de la communication sociale. Le HCA est généralement considéré comme un instrument dressé contre les
médias privés.
Ces pouvoirs juridiquement limités ne permettent pas au HCA d’asseoir son autorité, notamment sur les médias
audiovisuels privés qui, contrairement à la presse écrite, sont soumis à sa juridiction. Or invoquant la liberté d’expression et d’opinion solennellement proclamée par l’article 8 de la Constitution, ces médias privés sont rebelles
à toute injonction ou mise en demeure du HCA et traitent l’information de campagne sans aucune contrainte oubliant
que le sacro-saint principe de la liberté de presse s’exerce dans le cadre des lois.
La régulation médiatique des élections…
251
Le fondement du pouvoir de régulation des médias audiovisuels privés se trouve dans le cahier des charges
applicables aux entités titulaires d’une autorisation de diffuser un programme radiophonique. L’art. 23 de cet instrument énonce que tout média privé qui accepte de traiter de la campagne électorale sera soumis aux mêmes obligations que le service public. Cela veut dire que les médias privés sont tenus de respecter l’égalité de traitement
et qu’ils doivent se garder de diffuser des émissions de campagne entrant dans le champ d’interdiction de l’art.L123.
Au-delà du cahier des charges, l’article 3 de la loi du 2 mars 1998 confère au HCA le pouvoir de fixer les règles
concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions réglementaires des médias
audiovisuels, quel que soit leur statut juridique, lors des campagnes électorales et de promouvoir la libre et saine
concurrence entre eux.
Or lors des dernières élections législatives de 1998 et présidentielles de 2000 la tension opposant le HCA et
les médias privés était à son paroxysme dans la mesure où les derniers avaient refusé la synchronisation avec la
RTS pour la diffusion des enregistrements de l’émission institutionnelle de campagne sous le prétexte que le service public bénéficiait d’une subvention de campagne alors que les médias privés étaient tenus de recourir au marché publicitaire qui est aléatoire.
En outre, les éléments sonores devant faire l’objet d’une supervision préalable du HCA avant leur diffusion
par la RTS, le HCA avait voulu imposer, sans succès, le même régime aux médias privés. De surcroît, alors que
pour la RTS la diffusion ne peut intervenir que 24 h après l’enregistrement des éléments sonores après un bon à
diffuser délivré par l’instance de régulation des médiats, les radios privées relayaient en direct tous les propos des
candidats. Cette liberté de couverture de la campagne par les médias audiovisuels privés était considérée par le
HCA comme une concurrence déloyale vis-à-vis du service public de la radio-télévision qui est astreint à des obligations plus contraignantes. Enfin pour éviter des dérapages, le HCA avait sans succès ordonné la suspensions des
émissions interactives (téléphonées) portant sur des sujets de campagne ou s’apparentant à des « radios votes ».
Toutes ces péripéties amènent des interrogations légitimes sur la pertinence de la régulation normative dans
un environnement de pluralisme médiatique. Les outils de la régulation sont obsolètes sinon dépassés car ayant
été forgés à un moment de monopole étatique sur les instruments de communication sociale. En effet, le code électoral date de 1992 soit bien avant l’éclosion des radios privées. Il convient de s’interroger sur l’opportunité du
maintien des dispositions qui ne sont plus en harmonie avec les circonstances changeantes.
B.– L’efficacité relative des pouvoirs de sanction
Les pouvoirs de sanction sont tout aussi limités. Le HCA peut faire des observations ou adresser une mise en
demeure publique aux contrevenants et, en cas d’inobservation de la mise en demeure, il peut prendre une sanction qui peut être soit un avertissement soit une suspension d’une partie ou de la totalité d’un programme (art.7).
Le HCA ne jouit pas d’une immunité juridictionnelle dans la mesure où les actes qu’il prend peuvent être querellés selon les cas devant le Conseil d’État, juge de l’excès de pouvoir des autorités administratives, ou la Cour d’appel de Dakar qui est la juridiction compétente en matière électorale pour garantir la régularité de la campagne
électorale.
En dehors de ces sanctions légères, le HCA ne peut pas sanctionner directement un média qui contrevient aux
lois et règlements. Pour les sanctions graves (suspension, retrait) le HCA fait des propositions au ministre de la
communication qui est investi du pouvoir de décision. Seulement, à travers ses avis trimestriels, le HCA peut infliger des sanctions morales qui ont un plus grand impact que les sanctions légales.
Au demeurant, le credo du HCA est « convaincre plutôt que contraindre ». En d’autres termes, l’instance de
régulation des médias privilégie la méthode de gestion consensuelle des questions ressortissant à sa compétence
en développant une politique de concertation et d’échanges par des réunions périodiques et officielles ou à travers
des contacts informels avec les acteurs proprement dits du jeu politique ou les autorités de gestion de l’espace communicationnel.
En définitive, le HCA s’est bien positionné dans le dispositif institutionnel sénégalais de régulation de la
démocratie. Son utilité dans le fonctionnement du système démocratique a été positivement appréciée avant et pendant la campagne électorale pour l’élection présidentielle des 27 février et 19 mars 2000.