Dossier sur l`infanticide
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Dossier sur l`infanticide
L’Infanticide Rituel une ignominie chargée de peine et de tragédie. L’origine de l’infanticide est inconnue. Des recherches que nous avons menées sur le sujet, aucune explication claire n’a pu être donnée par les pratiquants de ce fléau. A la question de savoir pourquoi une telle pratique et d’où elle tire son origine, les personnes âgées vous répondent simplement : " c’est une tradition, nous la tenons de nos ancêtres". L’infanticide est une pratique fondée sur la superstition. Des informations recueillies après trois années de recherche auprès d’une centaine de personnes reconnues sensées, seules deux sont dignes d’intérêt. La première, celle d’une vieille de Kali (Bagou), Sous-préfecture de Gogounou qui donnait comme source de la pratique la naissance à Nikki d’un nouveau-né venu par les pieds et ayant en outre commencé la dentition par le haut. Tout le temps qu’à vécu cet enfant, Nikki a connu des morts inexplicables et incontrôlables. Alors le Roi de Nikki, Deobidia ; a demandé à son devin de consulter les oracles sur les causes de ce phénomène "insolite". Le bébé né par les pieds fut désigné comme source de tous les malheurs. Alors le souverain ordonna la mise à mort de tout enfant qui naîtrait de façon " anormale" où commencerait la dentition par le haut. La deuxième information communicable pour son intérêt a été recueillie dans la Sous-préfecture de Kandi. Celle-là situe l’origine de l’infanticide à des temps immémoriaux chez les Baatombu routiers, donc avant même l’arrivée des Wassangari. Selon le vieux YERIMA N’Goye, une consultation annuelle des 1 oracles aurait révélé la naissance d’un enfant de façon particulière, cet enfant sera " dur". Cet enfant qui naîtra sera dur de caractère et causera des dégâts dans le pays si on ne le retournait pas de suite. Après cette prédication un enfant naquit après douze (12) mois de grossesses et quatre (04) mois après sa naissance, il commença à pousser des dents par le haut. En même temps, il se mit à marcher. Pendant que ces événements se déroulaient, l’oncle du bébé (18 ans) mourut, suivi d’une femme en état de grossesse et d’un enfant dans la famille. Alors le devin s’écria : " c’est l’enfant annoncé par les oracles. Il faut l’éliminer pour conjurer le mal si non, tout le pays risque de mourir". C’est depuis lors qu’on a commencé à voir dans ces événements un signe de mauvais présage. Et comme on ne sait pas expérimenter les phénomènes chez nous, alors ceux qui naissent de façon " irrégulière" sont considérés comme venant pour créer un malaise dont eux-mêmes seraient le remède. Il faut les éliminer pour conjurer le mal. Ne pas le comprendre pour agir rapidement dans le sens signifie répandre le mal dans la contrée, dans l’ensemble de la société. A Bori, milieu où l’on a développé la science et le traitement des anomalies liées à la naissance, on explique le phénomène par le fait que certains enfants viennent au monde avec des signes dangereux pour la société, si des mesures appropriées et énergiques ne sont pas prises aussitôt. Pour conjurer le sort, le remède consiste à offre en sacrifice ces enfants anormaux. A Liboussou Ségbana, l’explication recueillie sur la pratique rejoint quelque peu la version de la vieille de Kali, à savoir une décision du Chef devenue pratique coutumière suite à des décès occasionnés par des bébéssorciers. A Liboussou, on croit qu’un mauvais génie, un sorcier peut s’incarner dans un nouveau-né pour apporter des malheurs chez les humains. 2 LE ROLE DES BOURREAUX Lorsqu’un enfant est reconnu sorcier, les bourreaux sont invités. Ceux-ci ouvrent la porte et emportent le bébé vers une destination d’où fracassé contre un arbre. D’autres l’enterrent. C’est après cet acte que les bourreaux reviennent au village en libérateurs pour recevoir leurs récompenses. Elles varient d’une région à une autre. Généralement, c’est un pagne noir, une chèvre noire et tout ce qui avaient été préparé pour le bébé même le bois de chauffage et une somme d’argent. La société pense que le premier groupe de bébés, ceux qui doivent être éliminés à la naissance sont les plus dangereux. Aussi faut-il un bourreau très puissant pour affronter et les éliminer. Qu’en est-il du second groupe ? Quant au second groupe, le sort qui leur est réservé n’est pas meilleur. Le crime de ces enfants, rappelons-le, c’est que leur dentition a commencé par la mâchoire supérieure. Malheur à tout enfant à qui cela arrive. Il est traité de sorcier et doit mourir d’une mort violente et odieuse. Le Chef de Famille et son entourage où le malheureux cas s’est produit n’ont pas le choix : il faut porter au bourreau l’enfant de quelques mois. C’est la maman qui prend son bébé au dos pour aller chez le bourreau, le cœur transpercé d’un poignard. Mais : interdiction de pleurer, de manifester de la douleur. On ne pleure pas la mort d’un sorcier. Il arrive cependant quelques très rares cas où les parents refusent de se soumettre. Ils doivent alors s’enfuir, loin du clan avec leur progéniture. Tel fut le cas, en 1985, d’un jeune islamisé dont la femme est morte en couche dans la Sous-Préfecture de Ségbana : Comment pareille idée a-t-elle pu germer dans la tête de pères et mères de famille ? Comment des parents ont-ils pu accepter sans réagir l’idée d’immoler leur enfant nouveau-né ? Comment n’ont-ils pas tenté de fuir le village avec leur bien le plus précieux ? Ici, on ne cherche même pas à se révolter. On accepte le verdict collectif, passivement, du moins en apparence. 3 Contre un bébé dont la maman meurt en couche ou celui qui sort du ventre de la maman en adoptant une position non admise par la société, le seul verdict, c’est la mort. Même si l’origine de cette pratique se perd dans la nuit des temps, on aimerait comprendre pour quelles raisons on met à mort un bébé " normalement" constitué. Quels bienfaits le groupe social, le clan retire-t-il de ce sacrifice humain ? Nos investigations ont eu pour résultat des réponses vagues, incohérentes. On nous affirme tout simplement que, lorsque, à la naissance le bébé se présente par une partie du corps autre que la tête ou lorsque les premières dents sortent par la mâchoire supérieure, l’enfant ne doit pas vivre. Voilà. Cependant, il existe une toute petite chance à l’enfant d’échapper à la mort. Pour cela, il faut son chemin croise celui de quelqu’un connaissant bien le milieu, quelqu’un de téméraire, " d’inconscient", n’ayant pas peur de braver les tabous, les interdis du clan. Celui-là seul peu sauver le bébé-sorcier en le retirant définitivement de son milieu traditionnel, sans espoir de retour… A cette seule condition, le bébé aura la vie sauve. Un crime collectif, sans auteur défini, un crime assumé par tout un groupe social se perpétue d’autant plus longtemps que la paternité en est attribuée aux divinités, aux mânes de nos ancêtres. Ce sont eux qui ont armé le bras du bourreau. Aucune voix ne s’élèvera donc pas pour contester le verdict de mort contre un bébé… On aura trop peur de déplaire aux divinités dont la colère peut être terrible. Quant à la justice des hommes, on ne s’en soucie guère : personne ne sera inquiété, puisque personne ne sera désigné comme coupable. Et puis, il y a loi du silence. De " ces choses-là", on n’en parle pas au village. Après 9 mois de grossesse, une femme accouche. Mais, pas de trace du bébé. Pour un étranger, le bébé est mort d’une des nombreuses maladies qui s’attaquent aux nouveaux-nés en Afrique. Les centres de santé n’étant ni gratuits, ni très proches de nombreux villages, c’est tout naturellement que l’on 4 accepte la thèse d’une mort subite, inespérée du bébé. Il ne viendrait à l’idée de personne, surtout extérieur au clan de penser à une élimination physique, préméditée. Et cependant, le bébé a été tout simplement immolé, victime innocente de l’ignorance et sous-développement mental des adultes. Nous disons bien " ignorance et du sous-développement mental". Comment expliquer autrement la conduite de personne apparemment sains de corps et d’esprit qui froidement décide de tuer un bébé pour l’unique raison qu’il est né par présentation de siège ? Où qu’il pousse les premières dents par la mâchoire supérieure ? Ou encore qu’il a commencé à marcher à l’âge de sept mois !!! Et tout ceci se passe dans un milieu où la tradition souhaite, encourage de nombreux enfants : dix, douze et au-delà. La femme stérile se sent marginalisée, humiliée par tous. On connaît des cas où une telle femme après bien des traitements et des dépenses arrive à concevoir et à mener sa grossesse à terme. Immédiatement après l’accouchement, la voici contrainte d’abandonner cet enfant tant désiré entre les mains d’un bourreau pour être immolé !!! Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? On nous répond que le bébé sorcier apporte toujours le malheur avec lui. Dès après sa naissance, voici que la grand-maman meurt… Ensuite, c’est un oncle qui tombe d’un arbre et se fracture la jambe, presque le même jour, c’est le papa qui se fait piquer par un serpent en revenant du champ, et puis c’est un cousin qui …, et puis c’est une tante…, etc, etc. Tous ces accidents sont attribués à celui qui vient de faire son entrée dans la famille. La cause de tant de malheurs ne peut être que le nouveau-né, le bébé sorcier. Ce n’est pas un être normal. Chez un être normal, à la naissance, c’est la tête qui apparaît en premier. Chez un être normal, les premières dents poussent par la mâchoire inférieure. Un enfant normal commence à marcher à presque un an. Les bébés fantaisistes, 5 précoces ne sont pas tolérés dans certaines de nos ethnies. L’élimination violente, brutale est le seul accueil qui leur est réservé… Je me suis même laissé dire que, dans ces mêmes ethnies, il fut un temps où les jumeaux et triplés étaient accueillis par la mort. En effet, dans ces régions, les jumeaux et triplés que l’on rencontre ont à peine une vingtaine d’années pour les plus âgés. L’époque de la condamnation à mort brutale semble révolue pour eux, les chanceux ! Nous espérons qu’il en sera de même pour les bébés dits "sorciers" dans un proche avenir. En attendant, nous y travaillons. Malgré l’apparente cohésion du clan, malgré la loi du silence imposée à ses membres, le cri d’alarme destiné à alerter l’opinion publique se fait déjà entendre, venant de l’intérieur même. L’effroyable réalité atteint les oreilles de personnes étrangères à ces groupes sociaux et des secours s’organisent afin de sauver ces petits êtres innocents et sans défense. Comment ne pas parler d’ignorance et de sous-développement mental lorsque l’on sait que, sous d’autres cieux, un enfant normalement constitué, né pas présentation de siège ou non est accueilli avec joie et entouré de tendresse ? Comment ne pas parler d’ignorance et de sous-développement mental lorsque le grand-papa de l’un de ces enfants qui a failli éliminé pour cause de dentition, m’a déclaré : " J’ai demandé à moi beau-fils qu’il me laisse le petit. Je l’ai donc pris chez moi. Je me rends compte aujourd’hui qu’il est le plus intelligent de mes petits-fils !". Je mentionne, pour la compréhension de ce récit que c’est la fille de ce grand-papa qui s’est mariée dans une ethnie où l’on accuse certains bébés de sorcellerie afin de les éliminer. De tels crimes organisés par des adultes contre des enfants en bas âge ont commencé à être connus grâces à certaines personnes qui, quoique issues du milieu ne supportaient plus de se taire, refusaient d’être complices. 6 Mais une démarche courageuse, isolée ne suffit pas. Il faut sauver tous les enfants accusés de sorcellerie. Une des méthodes d’approches est d’entrer en contact avec les populations concernées, de pouvoir parler avec eux, les écouter. Nous espérons qu’à travers le dialogue passera notre message, à savoir qu’aucun bébé ne vient au monde avec des intentions malveillantes criminelles à l’égard des membres de sa famille. Les caractéristiques qui font que, dans telle région un nouveau-né est accusé de sorcellerie et livré à la mort, constituent ailleurs des qualités et le nouveau-né est davantage choyé par la famille. L’enfant, don de Dieu a droit à la vie et nul ne saurait la lui ôter sans en répondre devant une juridiction. L’infanticide tout court et plus encore l’infanticide rituel constituent, une fois encore, des drames de l’ignorance et du sous-développement moral que nous avons le devoir de combattre afin que notre société connaisse un mieuxêtre social : économique et moral harmonieux. L’infanticide fait partie des pratiques traditionnelles néfastes à la santé de toute la population. Par le dialogue, nous parviendrons à faire comprendre aux populations concernées qu’il existe d’autres façons de concevoir l’existence et d’interpréter les événements heureux ou malheureux qui nous arrivent. C’est à travers des séminaires de sensibilisation que, progressivement s’établit le dialogue, la confiance qui rend possible l’éradication de ces pratiques néfastes au développement. Nous ne nous berçons pas cependant d’illusion. Ce travail exige du temps, de la patience et du tact. Pour un succès enregistré, combien, combien d’échecs !!! Pendant plusieurs mois ou même plusieurs années, on a l’impression de ne pas du tout avancer. On sent une nette résistance, parfois de l’hostilité. Et puis il arrive que la situation commence à se débloquer sous l’effet d’événements plus ou moins mystérieux, imprévus qui nous mettent sur les rails et nous permettent de progresser. 7 Nous voulons compter sur toutes les bonnes volontés pour établir un nouveau cordon sécuritaire car l’infanticide rituel de nos jours a revêtu de nouvelles formes. En effet la construction de maternités dans les milieux à risque d’une part et dans beaucoup de villages et hameaux d’autre part a considérable réduit le fléau. Cependant des enfants sont encor sacrifiés à l’autel de l’infanticide parce que l’analphabétisme et le poids de la coutume ralentissent toujours nos efforts. A tout ceci ; ayons le courage de dire que quand un enfant échappe à cette calamité il lui ait jeté tous les mauvais sorts et toutes les malédictions de la part de ses parents. Je prie de bien vouloir vous associer a nous pour lutter efficacement contre cette pratique. Vos réponses et vos suggestions nous permettront ; j’en suis certain de prendre un nouveau départ. Votre soutien financier donnera les moyens de notre efficacité. Parlez en autour de vous afin de succiter plein d’adhésion ; car ensemble nous serons plus fort. ZOSSOUNGBO THIERRY C A S E Cœur de Pauvre BP 572 tel 229 90930370 PARAKOU BENIN. Email [email protected] 8