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LNA#35
#35 / paradoxes
ParadoxesRubrique de divertissements mathématiques pour ceux qui aiment se prendre la tête
ParJean-PaulDELAHAYE
Professeuràl’UniversitédesSciencesetTechnologiesdeLille*
Les paradoxes stimulent l’esprit et sont à l’origine de nombreux progrès mathématiques. Notre but est de vous provoquer et de
vous faire réfléchir. Si vous pensez avoir une explication des paradoxes proposés, envoyez-la moi (faire parvenir le courrier à
l’Espace Culture de l’USTL ou à l’adresse électronique [email protected]).
Rappel du problème précédent :
le paradoxe des Dupont
Supposons donnée une infinité de personnages (appelés Dupont-0, Dupont-1, ..., Dupont-n,...) placés en ligne les uns
derrière les autres :
- Dupont-0 est placé en tête de la rangée infinie et n’a personne devant lui,
- Dupont-1 est placé juste derrière Dupont-0,
- Dupont-2 est placé juste derrière Dupont-1, etc.
Chaque Dupont prononce la phrase : « au moins une personne
derrière moi ment ». Qui dit vrai ? qui ment ?
D’après le sens des phrases prononcées :
• derrière tout Dupont qui dit vrai, il y a au moins un Dupont
qui ment ;
• si un Dupont ment alors tous les Dupont derrière lui disent
la vérité.
Si on désigne par M les Dupont qui mentent et par H ceux qui
sont honnêtes et donc ne mentent pas, les deux règles précédentes se traduisent en : (a) derrière tout H, il y a au moins un
M et (b) derrière un M, il n’y a que des H. Or il est impossible
de concevoir une suite infinie de M et de H qui vérifie les
règles (a) et (b), car tout M doit être suivi uniquement de H,
ce qui ne se peut pas puisque tout H doit être suivi d’au moins
un M. La situation est contradictoire. Pourquoi ?
Solution
Comme dans le cas du paradoxe du menteur (celui qui dit
« je mens » ne dit pas vrai - car cela signifierait qu’il ment -, ni
ne ment - car cela signifierait qu’il dit vrai), aucune solution
pleinement satisfaisante n’a aujourd’hui été proposée.
Pour le paradoxe du menteur, on se contente souvent de le
résoudre en affirmant que, si on dit de certaines phrases qu’elles
sont vraies ou fausses, il faut s’interdire d’inclure dans les
phrases visées la phrase qu’on prononce. Plus généralement
lorsque plusieurs phrases sont concernées parlant de vérité et
de fausseté (comme dans le paradoxe de Pierre et Paul : Pierre
dit : « Ce que dit Paul est faux » et Paul dit : « Ce que dit Pierre
est vrai ») il faut s’interdire les cycles (si Pierre parle de la phra8
se de Paul alors Paul ne doit pas parler de celle de Pierre).
La solution de l’interdiction des cycles se généralise et conduit
à une solution qui résout (de manière moyennement satisfaisante) le paradoxe du menteur, celui de Pierre et Paul et celui
des Dupont. La généralisation est :
- lorsqu’on considère des phrases parlant de vérité et de fausseté, il
faut s’ interdire les cycles et s’ interdire les situations infinies.
Si vous disposez d’une meilleure solution, signalez-le moi.
Nouveau paradoxe :
Mona Lisa au photomaton
Cette fois le paradoxe proposé est uniquement graphique.
Regardez attentivement la série de 9 images A, B, C, D, E, F,
G, H, I.
Chacune a été obtenue à partir de la précédente en réduisant
la taille de l’image de moitié ce qui a donné quatre morceaux
analogues qu’on a placés en carré pour obtenir une image ayant
la même taille que l’image d’origine. Le nombre de pixels a été
exactement conservé et en fait on a seulement déplacé les pixels
pour avoir quatre réductions de l’image initiale.
Cette transformation s’appelle la transformation du photomaton.
L’image B comporte 4 Mona Lisa. L’image C en comporte 16.
L’image D en comporte 64, etc.
Il se produit quelque chose d’étrange car, au bout de neuf
étapes, l’image de Mona Lisa est réapparue. Précisons que
c’est bien la même transformation qui a été utilisée pour déduire les unes après les autres les images de la série (c’est un
programme d’ordinateur de Philippe Mathieu qui a fait le
travail à chaque fois : http://www.lifl.fr/~mathieu/transform/
index.html).
Savez-vous expliquer le paradoxe graphique de la réapparition
de l’image initiale ?
*Laboratoire d’Informatique Fondamentale de Lille,
UMR CNRS 8022, Bât. M3
paradoxes / LNA#35
LNA
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LNA#35
#35 / repenser la politique
Delaprovidenceàlanécessitéaveugle
ParAlainCAMBIER
ProfesseurdePhilosophieenKhâgne(Douai)
« La vie n’est pas l’affaire des politiques » : la formule est heureuse, si elle signifie que chacun doit rester maître de sa
destinée ; mais dans la bouche d’un chef de gouvernement qui se réclame du libéralisme, elle renvoie à une idéologie
politique dont l’objectif est de limiter l’interventionnisme de l’Etat. Pour la logique libérale, l’émancipation des individus
suppose que l’on cesse de compter sur le rôle providentiel de l’Etat. Pourtant, il ne s’agit peut-être encore ici que d’un mirage : moins d’Etat ne signifie pas mécaniquement plus de libertés individuelles. Loin d’être une idéologie de la liberté, le
néo-libéralisme sert plutôt à justifier notre soumission à la nécessité aveugle de la mondialisation économique.
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endant longtemps, notre société a vécu à l’ombre protectrice de l’Etat. Celui-ci jouait un rôle régulateur, tant
politique qu’économique et social, pour la collectivité. A tel
point que des conceptions apparemment opposées – gaullisme, socialisme – ont contribué à maintenir, voire à renforcer, ce rôle dévolu à l’Etat. Pourtant, aujourd’hui, l’idéologie
libérale n’hésite plus à s’afficher comme telle et dès lors, pour
les politiques qui s’en réclament ouvertement, l’Etat doit être
remis à sa place, en l’occurrence se cantonner au maintien de
l’ordre.
Pour nos gouvernants, la sécurité est présentée comme
l’enjeu politique prioritaire. La lutte contre la délinquance
routière se veut le symbole même de l’efficacité du pouvoir
politique contre l’insécurité, alors qu’elle n’est que la partie
apparente de l’iceberg. Il est, en effet, techniquement plus
facile de s’attaquer à ce type de délinquance qu’aux autres
et, en particulier, à la corruption en « col blanc ». Fort de
ses succès médiatiques, le ministère de l’Intérieur joue ainsi
un rôle prépondérant au sein du gouvernement. Pourtant,
les Français sont de plus en plus inquiets devant la montée
d’un autre type d’insécurité : les insécurités sociales. Non
seulement le chômage ne régresse pas, mais les emplois offerts
sont de plus en plus précaires. En outre, les acquis sociaux,
qui permettaient de préserver une certaine qualité de vie, sont
aujourd’hui clairement remis en question. Ainsi, la mise sur
la sellette des systèmes de protection sociale – retraites, sécurité sociale… – indique que le temps de l’Etat-Providence est
révolu.
Le paradoxe qui émerge à propos du traitement de l’insécurité
révèle la transformation profonde du rapport entre la société
et l’Etat à laquelle nous assistons. Tant que l’on considère
que les liens sociaux sont garantis par l’Etat, l’intervention
de celui-ci n’apparaît pas seulement requise pour empêcher
l’anarchie, mais aussi indispensable pour faire prendre conscience de l’existence d’un bien commun. Aussi son rôle a-t-il
pu sembler providentiel pour traiter la question sociale. Le
vote de la loi sur les accidents de travail en 1898 a constitué
l’acte de baptême de l’Etat-Providence. Depuis, celui-ci s’est
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développé à tel point qu’on lui a reproché d’engendrer une
société d’assistés. Sa crise n’est pas seulement financière : elle
est également celle de sa philosophie. L’Etat-Providence ne
serait plus adapté depuis que chacun a compris que les liens
sociaux peuvent s’établir et se renouveler en dehors de toute intervention de l’Etat et que celle-ci risque même de les entraver.
L’Etat-Providence est apparu en porte-à-faux dès le moment
où il a voulu continuer à dispenser ses bienfaits, alors que les
individus attendaient le bonheur de plus en plus de la société
civile. L’Etat-Providence relève encore d’une problématique
archaïque de la « bonne raison d’Etat » qui, pour garantir
sa puissance, prétend se réserver la clef du bien commun. La
manne que l’Etat-Providence distribue correspond à un traitement strictement quantitatif des problèmes sociaux, alors
que l’émiettement des styles de vie exige plutôt une approche
qualitative plus fine. Pourtant, l’Etat-Providence assume une
fonction irremplaçable : celle de rendre moins tragique l’impact des aléas de la vie sur les plus modestes qui sont aussi
les plus exposés. Il a le mérite d’adoucir les coups du destin
lorsqu’ils s’accumulent sur les plus fragiles. En outre, il éduque
tout citoyen au sens de l’équité et de la solidarité.
Face à l’Etat-Providence, le libéralisme préfère opposer le
modèle de l’Etat-Gendarme. La puissance étatique est alors
censée s’en tenir à faire respecter le droit formel : « le droit de »
plutôt que « le droit à ». Alors que, depuis plus d’un siècle, la
notion de risque objectif avait supplanté la notion de faute
subjective – surtout dans le droit social –, nous assistons à
une révision radicale de ce principe : l’individu est supposé
devoir désormais assumer son destin. Plus question d’influer
sur l’itinéraire existentiel du citoyen par le jeu de la redistribution des richesses : les règles civiles comme celles du code
de la route ne peuvent être enfreintes, mais elles n’ont pas
à ouvrir de voies de salut nouvelles. L’homme solidaire, qui
faisait porter à la société assurantielle le poids financier de la
réparation du tort subi, doit faire place à l’homme solitaire
considéré pleinement comme le foyer initiateur de ses actes. À
l’encontre du concept de « responsabilité sans faute » propre à
l’Etat-Providence, l’Etat libéral aurait le mérite de réhabiliter
repenser la politique / LNA#35
LNA
la notion de faute individuelle et de culpabilité. À l’encontre
d’une théorie rétributive de la responsabilité, qui tient compte
de la situation de l’auteur d’un crime ou délit, se développe
aujourd’hui une théorie préventive qui impute d’avance à l’individu la totalité de ses actes, pour qu’il modifie sa conduite
et s’arrache à ses penchants. La menace de la sanction impose,
en effet, une certaine circonspection vis-à-vis de la façon dont
on se conduit dans la société. Ainsi, le principe d’imputation
vient se substituer au principe de causalité qui, appliqué en
sociologie, avait trop tendance à faire du coupable lui-même
une victime. Cependant, par un mouvement de balancier
inverse, cette hyper-responsabilisation peut conduire à des
effets pervers : vouloir faire juger les malades mentaux au
même titre que les autres, inciter chacun à limiter ses choix et
ses initiatives au nom d’un principe de prudence, entretenir
la mauvaise conscience et le ressentiment, trouver des boucs
émissaires en pointant des populations jugées potentiellement déviantes, criminaliser l’action syndicale, confondre le
droit et la morale, etc.
En réalité, moins d’Etat ne garantit pas plus de liberté. Car
l’économie libérale accomplit au plus haut point l’immanence du pouvoir et ne prétend se développer qu’en prenant
en charge les désirs de chacun. Loin d’éduquer l’homme, il
s’agirait avant tout de le satisfaire, au nom d’un hédonisme
standardisé. L’économie libérale vise la normalisation des
individus et des populations. Ses chefs de file ont compris
l’intérêt de lui faire jouer le rôle de biopouvoir. Comme l’avait
vu Michel Foucault, les biopouvoirs ne sont pas des appareils
idéologiques d’Etat : ce sont des institutions qui interviennent
dans la société civile et, au nom du savoir qu’elles produisent,
prétendent prendre en charge notre vie et la normaliser. En
un mot, il s’agit de rendre dociles à la fois nos corps et nos
âmes. Le pouvoir économique redouble d’efforts sur le terrain psychologique : il attise nos désirs pour les canaliser, les
rendre utiles à l’appareil de production et de consommation.
Comme il prétend favoriser notre quête de bonheur, il a beau
jeu de faire croire qu’il répond à nos attentes, alors qu’il les
conditionne insidieusement. La « marchandisation » de nos
goûts, de nos aspirations, de nos rêves est devenue sa principale préoccupation. En prétendant aller au-devant de nos
désirs, l’économie libérale rendrait alors vaine toute tentative
de révolte, puisque celle-ci reviendrait à se nier soi-même. Le
néo-libéralisme nous initie à la servitude volontaire. En
induisant sans frein de nouveaux besoins, il fait croire que
nous en sommes responsables. À une époque, le sage conseillait de changer nos désirs, à défaut de changer l’ordre du
monde : désormais, même nos désirs sont voués à contribuer
au développement d’un ordre mondial.
Le néo-libéralisme tend à faire disparaître toute transcendance du pouvoir. Il s’agit non pas de mettre fin à la domination
de la « France d’en haut » sur celle « d’en bas », mais de faire
disparaître chez celle-ci la conscience d’être dominée par un
pouvoir venant d’en haut. L’enjeu, pour les pouvoirs en place,
consiste à se défausser de leurs responsabilités sur les citoyens.
L’exemple des effets mortifères de la canicule a été révélateur :
nos dirigeants ont cherché à excuser leur imprévoyance dans
la proportion même où ils accusaient – le plus souvent à tort
– les familles d’avoir failli à leur devoir. Bien plus, alors que
les indignités de certains hommes politiques sont l’objet d’une
mansuétude complaisante, le citoyen est censé supporter sans
cesse de nouvelles charges. Aussi, l’exacerbation de la responsabilité renvoie-t-elle à une stratégie politique. Mais celle-ci
est d’autant plus frustrante que le citoyen mesure en même
temps son impuissance : il lui faudrait assumer la vie que le
sort lui a accordée sans pouvoir y déroger. Le citoyen raisonnable serait surtout celui qui devrait se résigner à faire de
nécessité vertu. Se montrer « responsable » consisterait à admettre l’inéluctabilité de certaines situations. Sous prétexte
de libérer les énergies individuelles, le libéralisme substitue
à l’idée de Providence celle d’une nécessité implacable et
aveugle : celle des lois économiques. Cette nécessité se veut
même mondiale et rendrait vaine toute volonté politique de
résistance. Nécessaires seraient les licenciements économiques, nécessaire serait la privatisation des caisses de retraites
ou celle du système de santé, nécessaire serait l’allongement
du temps de travail, etc. Aucune alternative ne serait possible à
la mondialisation. Les choix les plus fondamentaux, dictés par
la nécessité économique, rendraient donc toute négociation
véritable vaine. À la limite, la démocratie elle-même ne serait
plus qu’une illusion puisqu’il n’y aurait plus personne à qui
s’opposer.
Dans l’Antiquité, les Grecs distinguaient la Pronoïa ou Providence de la Nécessité aveugle et implacable qu’ils appelaient
Anagkè ou Heimarménè, telle celle qui s’était abattue sur
les Atrides. La Providence a au moins l’avantage de nous
faire supposer une intention consciente bienveillante que l’on
pouvait éventuellement mettre en défaut mais, devant cette
nouvelle Heimarménè économique, il n’y aurait plus qu’à
se soumettre sans discussion. L’action politique serait ainsi
vidée de son sens, au point que, pour nos gouvernants euxmêmes, seule la communication pourrait faire office de
« gouvernance ».
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LNA#35
#35 / jeux littéraires
Motscroiséssymétriques
ParRobertRAPILLY
del’AtelierdePédagogiePersonnalisée
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bservons ci-dessous une grille de mots croisés. Première
singularité, qui saute aux yeux, il n’y a aucune case
noire. Une lecture attentive révèle cette autre caractéristique :
les mots sont les mêmes horizontalement et verticalement.
La diagonale (lettres rouges) constitue un axe de symétrie,
un peu comme un “ miroir à lettres ”.
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Georges Perec avait fabriqué une grille 6x6 de ce type en 1982
(premier mot : CORNER… cherchez la suite). On la retrouvera
avec bonheur parmi une centaine de “ Jeux intéressants ” faisant appel à autant de stratégies retorses (Zulma, 1997).
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Tous ces mots figurent au lexique officiel du Scrabble :
édentasse - arrachasse les dents (1ère personne du singulier au
subjonctif imparfait)
antisigma - signe en forme de sigma inversé employé dans les
corrections de manuscrits
stérasses - mesurasses en stères (2e pers. sing. subj. imparf.)
Ce carré de 9x9 et d’autres ont été établis par NICOLAS GRA NER . C’est un record en langue française. En effet, aucune
grille symétrique de 10x10 n’existera jamais, du moins avec
les 57412 mots de 10 lettres répertoriés par le Scrabble. Cela
a été vérifié par un programme informatique de recherche
exhaustive écrit par Nicolas. Citons un précédent historique
qui figure dans le Guinness des records : une grille de 8x8
composée sans ordinateur par LAURENT BARIL.
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HOMMAGE à MICHEL TAURINES - Ce grand maître ès palindromes poétiques vient de disparaître. Voici deux quatrains
parfaits qu’il nous a laissés.
Emu, ce dessin rêve
Il part natter
ce secret tantra plié,
vernissé d’écume.
Rupture de lien
un arc élève le reste
et se révèle l’écran
une île de rut pur.
jeux littéraires / LNA#35
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etorse également, cette idée d’écrire un sonnet qui, disposé dans une grille carrée, soit identique de gauche à
droite et de haut en bas ? En tout cas, notre lecteur PIERRE JEAN VAROIS (de Liège) s’y est collé. Dans ce poème, sont nommés deux membres de l’Oulipo : Latis et Perec. L’alternance
systématique des voyelles et consonnes s’appelle “ okapi ”.
A l’ure lésé
D’usé fêté selon en ode d’okapis
Avec une sirène saline galère
Son agile sari n’opine ni n’acère
Le halo - nodal or - a coloré Latis
Ire. Le dégelé ne dîne de semis
En ironisera l’Oc émané de l’ère
Si l’été la jeta dose-le délétère
Bec en ukase lire t’en a doté. Lis
À l’ahan a tenu mâle note pirate
Le Râ m’a-t-il été ? Fini.. l’idole date
Balises-en ô sec aboli bibelot !
Agonisé-je ? Té ! La bête n’évapore
Mécène le typo s’élide matelot
Île Perec en a l’inanité sonore
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ortie de FORMES POETIQUES CONTEMPOR AINES, nouvelle
revue s’annonçant non pas de poésie, mais sur la poésie.
Colonnes d’une totale érudition. Il s’agit d’enquêter sur les
développements présents de l’art poétique. Des auteurs en activité sont invités à commenter leur travail, poèmes à l’appui. Ce
premier numéro traite principalement du vers libre. Nul ici ne
s’étonnera de ce paradoxe : le vers libre intéresse les oulipiens !
Page 285, une poésie à la beauté fulgurante vous en convaincra, ALEA de JACQUES PERRY- SALKOW. Citons juste l’exergue :
Du faon défunt partent trente parfums défendus.
La suite est un festin de prosodie et de lexique. Lisant, on
oublie que chaque ligne est un palindrome de syllabes. S’impose une sensation de résonance, mesurée vers après vers. Jacques Perry-Salkow met la contrainte au service d’une exigence
poétique incorruptible.
FORMES POETIQUES CONTEMPORAINES - Les Impressions Nouvelles – juin 2003 (327 pages - 22 euros).
13
LNA#35
#35 / humeurs
Pouvons-nousnouspasserd’uneréférence
àlanaturehumaine?*
ParJean-FrançoisREY
Philosophe,I.U.F.MdeLille
* 2° partie (suite du
n° 34 : L’émancipation
humaine, au sens des
Lumières, exclut la
référence à une nature
humaine. Peut-on
encore partager ce point
de vue ?) À lire sur http:
//www.univ-lille1.fr/
culture/archives/lna/
34.html
1
Habermas L’avenir de
la nature humaine op.cit
p 149
2
J. Habermas op.cit. p 149
2ère partie : Quelles sont les menaces contemporaines contre la dignité
humaine ?
L
es choses s’échangent. Leur valeur d’échange s’exprime dans un prix. Les personnes sont ininterchangeables, insubstituables, elles ont une dignité. La formulation kantienne de l’impératif catégorique
est bien de traiter l’humanité en autrui, « non seulement » comme un moyen (qu’elle est de toute façon,
ne serait ce que parce que la force de travail a un prix), mais « toujours en même temps comme une fin ».
Ce n’est pas la nature qui nous dispose à une norme fondamentale, même si cette « bonne disposition » à
l’égard de la nature procède d’un souci de la dignité humaine. La pierre de touche de toutes les éthiques
c’est la dignité. Toutefois à en rester là on encourrait le reproche d’abstraction.
Car ce que l’on perd en perdant une norme naturelle, on le gagne en replongeant la dignité humaine
dans le cours de l’histoire. On pourrait suivre ce cours comme celui d’un lent processus de sécularisation.
Nos sociétés contemporaines, qu’on les qualifie de post-traditionnelles (Habermas) ou de post-modernes
(Lyotard), sont entrées dans une séparation du théologique et du politique, et d’où nous ne sommes pas
encore complètement sortis. « Si l’on veut éviter une guerre des civilisations, il faut se souvenir du caractère
dialectiquement inachevé de notre propre processus occidental de sécularisation »1. Sécularisation juridique (transfert des biens ecclésiastiques à l’État), culturelle, sociale, ce long processus est aussi celui que
Max Weber désigna par l’expression « désenchantement du monde ». C’est le choc ressenti le 11 septembre
2001 qui contraignit Habermas à rajouter à son livre déjà cité un chapitre intitulé « Foi et savoir : comme
si les motivations religieuses mortifères des terroristes trouvaient un écho « souterrain » dans nos sociétés
(mal) sécularisées. Même les sociétés, d’où sont issus les responsables du 11 septembre, sont entrées dans
la modernité : fondamentalisme religieux et technologie avancée. Leur ambivalence à l’égard de la modernité ne place pas ces sociétés en marge du monde occidentalisé, elles lui renvoient plutôt un malaise qu’il
aurait préféré oublier. « Face à la globalisation qui s’instaure par le truchement de marchés sans frontières,
beaucoup espéraient un retour du politique sous une autre forme, non sous sa forme hobbesienne originelle d’un État sécuritaire globalisé, privilégiant la police, les services secrets et le militaire, mais sous celle
d’une capacité à valoriser la civilisation à l’échelle mondiale. Au stade où nous en sommes, il ne nous reste
guère qu’à espérer une ruse de la raison et que l’on fasse preuve d’un peu de réflexion » 2. Nous ne sommes
pas tenus, comme Habermas, à parier sur une très hegelienne ruse de la raison. Sans être pour autant plus
optimiste, il est permis de faire appel à une conception moins historiciste de la sécularisation.
C’est dans un article de 1976 intitulé « Sécularisation et faim » qu’Emmanuel Levinas met en rapport, de
manière inédite, la contemplation (en grec Theoria) du ciel étoilé et le souci de la faim des hommes. Nous
pensons que, sur ce point, la position philosophique de Levinas tranche sur un discours de la déploration
(« désenchantement du monde »), sur une dépréciation de la modernité technicienne (d’inspiration heideggerienne et écologiste) et enfin sur un idéalisme peu soucieux de la matérialité du besoin. Philosophe
du désir, Levinas, dans ce texte si stimulant, se livre à une réhabilitation du besoin en l’arrachant à l’utilitarisme et en l’affranchissant d’une pure logique du calcul et de l’intérêt. Mais que reproche Levinas à
la Théoria grecque ? A fixer le regard plus haut que la cime des arbres, les sommets, la vue accomplit un
mouvement vers des corps inaccessibles : les étoiles fixes ou celles qui parcourent des trajectoires fermées.
Un tel mouvement ascendant qui franchit un vide, Levinas l’appelle « Transcendance ». Et la sécularisation, au sens de Levinas et dans cet article, est le trajet qui conduit de cette transcendance du regard à un
terme oublié par celle-ci : le souci de la faim des hommes. A un mouvement du regard vers le haut répond
un souci « horizontal », c’est l’occasion pour Levinas de mettre en comparaison la religion et le commerce.
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humeurs / LNA#35
LNA
Si la première a tendance à oublier et à dévaloriser les soucis terrestres, et donc à oublier la faim des hommes, le second meut l’échange intérieur à la cité, comme l’échange avec l’étranger. La sécularisation, ici,
n’est pas d’ordre juridique ou politique, elle est, à travers une confrontation, l’expression d’un matérialisme
du besoin. Le rival de Prométhée, appelé par Levinas Messer Gaster (monsieur Estomac), est « le premier
maître es-arts du monde ». Là est le vrai universel : non pas celui de la connaissance, fût-elle technique,
mais celui du besoin. Masser Gaster avant Prométhée, c’est l’humain avant le savoir. Toutefois, le savoir
est ce détour nécessaire, cette patience imposée à nos appétits. Le geste de Prométhée est donc bien nécessaire : prévoyance (Pro-Metis) au cœur de l’économique. Pour les grecs, auteurs de ce mythe comme de sa
philosophie, il y a une « convenance » : l’homme est « animal » et « raisonnable ». Si le geste prométhéen
s’affranchissait de cette convenance, la technique deviendrait folle. Il ne s’agit en rien de dévaloriser la
technique par un mauvais procès. Il n’y a rien ici d’un renvoi infini entre les promesses déçues du « principe espérance » (Ernst Bloch) et les impératifs du « principe responsabilité » (Hans Jonas). Une certaine
rhétorique oublie confortablement la faim du reste du monde. Cette rhétorique vise aussi à résister au
« désenchantement du monde ». Le mérite de Levinas est de souligner à quel point le développement de la
technique fait partie du processus de sécularisation : « La technique sécularisante s’inscrit parmi les progrès de l’esprit humain ou, plus exactement, justifie ou définit l’idée même du progrès et est indispensable
à cet esprit, même si elle n’en est pas la fin » 3.
Si nous avons tenu à citer et à commenter aussi longuement cet auteur, c’est pour répondre à l’interrogation de Habermas et tenter d’éclairer sa problématique « Foi et savoir ». A l’ambivalence, déjà signalée,
des terroristes par rapport à la modernité et à la technique, il faut ajouter que la religion, portée à un
paroxysme messianique et guerrier, nourrit les hommes de consolations illusoires. Plus que jamais les religions tirent leur force et leur prestige de ce qu’elles mettent de l’ordre et de l’harmonie aussi bien dans le
cosmos que dans le corps social.
« Le langage du marché s’infiltre désormais partout et pousse toutes les relations inter humaines vers le
schéma auto référentiel de la satisfaction de ses préférences » 4. Nous croyons, en laissant cet exposé sur
cette remarque de Habermas, que toutes les sociétés contemporaines sont taraudées par une sécularisation
mal comprise, par un dualisme qui vire en ambivalence et en clivage : comment résister au désenchantement sans se priver de poursuivre ses intérêts propres ni couper les liens avec l’Autre qui commerce avec
nous ? Commerce qui est une condition de la paix et non son ennemi. Tout le travail des philosophes
aujourd’hui n’est-il pas justement de clarifier cette ambivalence ? Habermas encore : « cette attitude
ambivalente peut aussi faire porter du bon côté les efforts qu’une société civile déchirée par le conflit
des cultures déploré pour y voir clair en elle-même. Le travail que la religion a accompli sur le mythe, la
société post séculière le poursuit sur la religion elle-même. Cela étant, elle ne le fait plus dans l’intention
hybride d’une conquête entreprise dans un esprit d’hostilité ; elle le fait bien plutôt en postulant qu’il est
de son propre intérêt de contrecarrer l’entropie larvée qui affecte la maigre ressource du sens » 5. La mise en
commun et le partage de ces maigres ressources menacées de l’intérieur sont peut être la tâche prioritaire
pour faire pièce au vertige de l’intolérance et de la violence.
3
E. Levinas op. cit ; p 81
4
Habermas op. cit. p 159
5 Habermas op.cit. p 164
15
LNA#35
#35 / à lire
Del’immatériel
*
* 2° partie (suite du n° 34) À lire sur
http://www.univ-lille1.fr/culture/archives/lna/34.html
ParRudolfBKOUCHE
ProfesseurhonorairedeMathématiques,USTL
L
’immatériel de la technique fascine d’autant plus qu’il occulte
cet autre immatériel que constitue, depuis des temps immémoriaux, ce qui fait l’humanitude de l’homme, la pensée. Mais la pensée
n’est pas vendable, elle ne relève du marché qu’une fois enfermée dans
la technique, elle ne peut être vendue qu’une fois matérialisée par des
objets techniques ; le paradoxe du mythe de l’immatériel, c’est que
seul relève de ce mythe ce qui peut être matérialisé, techniquement
matérialisé.
C’est une fois technicisé que l’immatériel humain devient vendable
et conduit à cet autre mythe que l’on appelle l’ économie de la connaissance. La connaissance devient, selon ce mythe, une force productive. Cela était déjà vrai au début de la révolution industrielle.
Et que se passait-il avant la révolution industrielle ? Quels types de
connaissances permettaient les grandes constructions architecturales et les diverses machines utilisées dans les anciennes civilisations ?
En ce sens, la connaissance technique (était-elle scientifique ?)
a toujours participé des forces productives, à commencer par
celle qui a permis le tour du potier. Mais l’économie de la
connaissance concerne moins la connaissance en tant que telle
que la connaissance comme objet de marché, c’est la connaissance mercantilisée qui est considérée aujourd’hui comme une
force productive. La connaissance mercantilisée devient ainsi
un point central de l’économie d’aujourd’hui, la part matérielle de
l’économie n’apparaissant plus que comme un sous-produit.
Cette connaissance technicisée et mercantilisée ne représente plus
la faculté humaine de comprendre le monde et de le transformer,
elle devient un simple instrument de fabrication de nouveaux produits à mettre sur le marché, triste caricature de l’adage marxien.
Se développe alors un capitalisme de l’immatériel, c’est-à-dire
fondé sur la connaissance technicisée, le discours sur l’économie
de la connaissance occultant le fait que la richesse reste celle de la
production matérielle (sans hardware, pas de software) et que la
maîtrise de cette richesse appartient aux seuls détenteurs du capital
financier.
Mais si la connaissance devient valeur marchande, cela suppose
une certaine rareté d’icelle, autrement dit une diffusion moindre.
« La valeur d’échange de la connaissance est donc entièrement liée à la
capacité pratique de limiter sa diffusion libre, c’est-à-dire de limiter
avec des moyens juridiques (brevets, droits d’auteur, licences, contrats)
ou monopolistes, la possibilité de copier, d’imiter, de “ réinventer ”,
d’apprendre les connaissances des autres » écrit Gorz dans L’immatériel. La société dite de la connaissance est ainsi confrontée à
un double problème : d’une part donner les moyens d’accès à la
connaissance pour que la machine économique fonctionne, mais
d’autre part permettre une certaine rétention de connaissance pour
assurer sa valeur marchande. Cela explique ce discours récurrent
qui déclare que l’Ecole n’est plus le seul lieu d’acquisition des connaissances puisque les merveilleuses machines peuvent fournir ces
connaissances à bon compte : il suffit de tapoter sur un clavier pour
savoir tout ce que l’on désire savoir, oubliant qu’une connaissance
16
réduite à la seule prise d’information n’est qu’un ersatz de connaissance.
Gorz explique cependant que les moyens existent de contourner
cette volonté de non-diffusion de la connaissance rappelant l’une
des contradictions de l’économie de la connaissance. Il y a
dans la connaissance une part « non rémunérée » qui échappe à toute valeur marchande et qui peut ainsi « être partagée à loisir,
au gré de chacun et de tous, gratuitement, sur Internet notamment ».
Mais Gorz néglige ici les aspects intellectuels de l’acquisition de la
connaissance, se plaçant ainsi sur le même plan que le discours de
l’économie de la connaissance. Une telle réduction de la critique
conduit à un antiscientisme qui n’est que l’image miroir du scientisme, à un antirationalisme qui conduit à rechercher des formes de
connaissance idylliques qui permettraient de réintégrer l’homme
dans le monde. C’est que Gorz oppose, d’une façon quelque peu
manichéenne, un « savoir vécu » qui resterait proche du « savoir
intuitif, précognitif », savoir vécu qui renvoie à des objets dont l’existence est indépendante de celui qui les connaît, et les connaissances
scientifiques, constructions humaines qui éloignent l’homme du
monde. Ces connaissances scientifiques seraient cause de tout le
mal, y compris de l’usage qui en est fait contre l’homme. Et de
rappeler, non sans raison, les possibilités d’agir sur la biologie de
l’homme mettant l’espèce en danger, ou l’usage à tout va de l’intelligence artificielle.
Gorz, s’appuyant sur Husserl, pointe alors la raison première de
ce mal, la mathématisation de la nature, « l’autonomisation la plus
radicale de la connaissance par rapport à l’expérience du monde sensible ». C’est oublier que cette autonomisation a permis à l’homme
de mieux connaître la nature et, sinon de s’en rendre maître et
possesseur, du moins de savoir la mettre à son service. Mais si le
mal réside dans cette mise de la nature au service de l’homme, il
faut remonter plus loin que la mathématisation du monde et l’on
peut dire que le mal commence au néolithique avec la naissance de
l’agriculture, première prise de pouvoir de l’homme sur la nature.
Mais c’est l’humanitude de l’homme qui est ainsi mise en question
si l’on définit cette humanitude comme une sortie de l’état de nature.
C’est que Gorz confond science et technoscience, la science comme
l’effort de comprendre le monde et d’agir sur lui, et la technoscience
qui en serait l’aboutissement nécessaire. C’est alors moins la science
qui est en cause que ses dérives, dérives qui, faut-il le rappeler, sont
le fait des hommes et non celles de la science ou de la technique.
Malgré cette dernière partie qui ressortit d’un fondamentalisme
écologiste, l’ouvrage d’André Gorz me semble important pour
comprendre les dérives de la technoscience et les nouvelles formes
de capitalisme qui s’y rattachent, pour comprendre aussi comment
ces dérives conduisent à une déshumanisation de l’homme, comme
si l’histoire humaine, après avoir commencé avec la sortie de l’état
de nature, devait s’achever par la transformation de l’homme en un
objet technique parmi d’autres.
vivre les sciences, vivre le droit / LNA#35
LNA
Retombéedestempératures,maistoujours:
déliresetdélicesdesémotionsdansun«Étatdedroit»
ParJean-MarieBREUVART
Philosophe
L
es effets de la canicule sont maintenant bien retombés, et je
ne voudrais pas pour l’heure vous servir du « réchauffé » !
Pourtant, avec le recul, apparaît maintenant la nécessité de relier cela à ce qui se passe encore tous les jours sous nos yeux,
avec le gouffre de la sécurité sociale, les difficultés de notre
gouvernement face à l’Europe, le chômage qui repart à la
hausse, les fermetures d’usines, résultant d’une gestion purement technique de l’économie, sans oublier, bien sûr, la violence universellement présente ni la montée de l’intolérance.
C’est au cœur même de nos vies qu’il y a insécurité.
Justement, nos problèmes ne relèveraient-ils pas de la même
difficulté à articuler nos émotions personnelles à l’émotion
collective ? Car l’émotion collective fut grande, l’été dernier.
Mais disait-elle les drames individuels qui s’y cachaient ?
Un grand journal national a raconté la douce disparition d’un
couple de personnes âgées, pourtant relativement choyé par
son entourage. Ils sont disparus à quelques jours d’intervalle,
sans que les grands média ne s’y intéressent.
Ce décalage entre l’émotion collective « à fleur de peau » et les
émotions personnelles a bien évidemment des conséquences
sur le rapport aux sciences et au droit. En l’absence d’une
authentique parade juridique ou scientifique, chacun est resté
aux prises avec la turbulence de sa propre vie intérieure, ne
sachant trop qu’en faire, ni comment la comparer réellement à
celle du voisin ou de l’ensemble des citoyens.
Car il est inscrit dans l’évolution même de notre société technicienne que tout problème doive se résoudre par référence
soit aux sciences, soit au droit, soit aux deux. Et nous avions,
avec la canicule, de quoi illustrer l’un ou l’autre de ces cas de
figure.
Le droit d’abord, ou plutôt le pouvoir politique, dont les institutions ont mal fonctionné, notamment l’observatoire de la
santé, qui n’avait pas suffisamment pressenti la gravité des
choses, et n’avait en tout cas pas su diffuser son sentiment
dans les institutions de sa compétence.
Ce dysfonctionnement doit-il pour autant conduire à une révision de la législation ? Encore une façon d’insister sur l’importance du droit dans la gestion des vies privées. Mais quelle
instance pourrait alors contrôler une telle articulation entre le
droit, les institutions et le pouvoir politique ? Il y faudrait un
dieu, peut-être.
Alors, pourquoi pas les sciences, notamment les sciences dites « humaines », mais également les sciences de la complexité
climatique et celles des organismes humains qui y sont confrontés ? Ici non plus, on ne peut se prévaloir d’une instance
supérieure, qui permettrait de mieux résoudre les questions
auxquelles est quotidiennement confronté tout citoyen. À
supposer même que chacune de ces sciences puisse clarifier
la question du rapport humain au climat, elle le fait dans sa
sphère, sans pour autant viser ce que l’on pourrait appeler une
« transdisciplinarité météorologique ».
Resterait alors à traiter la question à un niveau plus proche des
vies individuelles et de leurs émotions, au niveau de chaque
« localité », justement là où l’universel du droit et celui des
sciences buttent sur une vérité dernière qui les laisse finalement impuissants. Ne reste plus alors que ce qui est essentiel
à chaque être humain, aux prises avec la question de sa vie et
de sa mort.
Certes, on pourrait encore saisir le maire ou tel ou tel expert
« local » pour éclairer les décisions à prendre. Mais cela ne saurait en rien remplacer l’attention au différent et au faible. Problème : le développement même de nos sociétés ne conduit-il
pas justement à en détourner chacun, occupé qu’il est à écrire
le moins mal possible sa seule et unique histoire ?
Et pourtant, ne faut-il pas persister et signer pour redire que
seul compte le lieu concret qui reste propice aux rencontres ?
Il n’y a pas eu de problème de la canicule, mais il y eut une façon de la vivre, délirante ou « délicieuse », selon que l’on y voit
ou non une occasion de rencontre de l’autre. Ici, en réalité, un
quatrième facteur entre en ligne de compte, que notre société
moderne n’est toujours pas préparée à accepter : le hasard et
le risque, c’est-à-dire ce qui rend réellement humaine toute
relation.
Faut-il pour autant retrouver le vieux réflexe obscurantiste
qui condamne toute volonté d’universalité, au nom d’un non
moins vieux communautarisme ?
Nous n’avons jamais été modernes, constatait récemment
Bruno Latour. Non, notre modernité serait justement de
savoir articuler, ici et maintenant, les informations scientifiques nous venant d’instances distantes, les prescriptions
juridiques émanant d’un pouvoir tout aussi éloigné, et la vie
désirante de chacun, dans la proximité d’un temps météorologique qui offre, quant à lui, la particularité d’être toujours
« local », pour le meilleur et pour le pire.
21
LNA#35
#35 / mémoires de science : rubrique dirigée par Ahmed Djebbar
> version intégrale de l’article : www.univ-lille1.fr/culture
ChristiaanHuygens(1629-1695)
Hommedeprincipesethommedelois
ParFabienCHAREIX
Maîtredeconférences,UniversitédeParis-IV/Sorbonne
O
n connaît aujourd’hui le nom de Christiaan Huygens
parce qu’il reste attaché à un principe de propagation
ondulatoire de la lumière. Mais qui fut ce savant, considéré en
son temps comme l’un des plus influents physiciens ?
Christiaan Huygens est né en juillet 1629, au sein d’une
famille dévouée à la lignée des princes d’Orange. Refusant
de suivre son père Constantijn et son frère Lodewijk dans la
voie de la diplomatie, il se consacre dès son plus jeune âge
aux mathématiques et, plus particulièrement, à la mécanique
théorique.
Huygens, par sa position dans le siècle, permet de jeter un
pont entre l’œuvre de Galilée en philosophie naturelle et celle
de Newton.
Ses premières recherches en mathématiques sont liées à la
mesure des surfaces et, en physique, il a réalisé de nombreuses
études qui suivent le modèle galiléen : l’équilibre des solides,
l’étude du mouvement et du repos considérés en tant qu’états
relatifs, la chute libre et le mouvement composé des corps
projetés. Nommé, dès la création, en 1666, membre de l’Académie royale des sciences, et demeurant presque vingt ans à
Paris où il a publié ses travaux les plus importants, Huygens
appartient en propre à la culture scientifique de notre pays.
Huygens a critiqué la physique de Descartes depuis le commencement de ses recherches sur le choc des corps, entre 1652
et 1656. Toutes les règles données par le philosophe français
sont fausses, dit Huygens, sauf la première. Évitant, comme
Descartes, d’abuser du concept de force interne dans la description de différents corps se « rencontrant » dans l’impact,
Huygens parvient à calculer les vitesses résultantes après le
choc. Si a, b et c sont respectivement la quantité de matière
dans A, dans B, et la vitesse de A avant l’impact, et si x est la
vitesse de A après l’impact, on obtient la relation :
Huygens a réalisé une expression calculable de x seulement
après avoir essayé de voir ce que pouvait donner l’application
de la conservation du mouvement au sens de Descartes (mv).
Puis, essayant de trouver une loi de conservation, il a l’idée de
modifier le principe cartésien en prenant non pas la vitesse,
mais son carré, dans l’équation générale des forces engagées
dans le choc. Cette quantité mv 2 a joué un rôle considérable
dans le système de Leibniz et dans la physique de l’énergie,
mais elle était en fait chez Huygens le produit d’une hypothèse
algébrique, sans signification physique particulière, qui permettait de conclure à une conservation des forces (vires). Dans
ses lettres très précoces à Mersenne, Huygens a commencé à
résoudre quelques problèmes mécaniques (oscillation, centre
22
de la gravité, principe de l’accélération uniforme des corps
dans le vide). L’ Horologium Oscillatorium (1673) expose,
après vingt années de recherches mécaniques, l’ensemble des
résultats qui, selon notre savant, contribuent à « perfectionner
l’œuvre magnifique de Galileus ».
Huygens, indépendamment de l’école italienne de Galilée,
a eu l’idée de réguler des horloges avec le mouvement d’un
pendule. Mais la question physique et mathématique cruciale
était celle de la précision de chaque oscillation. En 1659, il
donne la démonstration selon laquelle l’isochronisme parfait
(indépendance de la fréquence et de l’amplitude d’un pendule
simple) est obtenu quand le plomb du pendule décrit une
courbe cycloïdale. Alors la fréquence dépend seulement de la
longueur du pendule. Si l’on adopte une notation moderne et
fautive :
Cette propriété de la cycloïde est venue à l’esprit de Huygens
quand, après avoir démontré que les oscillations brèves sont
quasi-isochrones, il s’est rappelé sa propre contribution au
défi de Pascal sur les propriétés géométriques de la « roulette » : dans une telle figure, toutes les tangentes sont parallèles
aux cordes correspondantes du cercle générateur, et la période
de la chute est ainsi égale quelle que soit l’amplitude. Huygens
a également étudié d’autres genres de mouvements périodiques : le pendule circulaire fut l’occasion d’une étude complète de la force centrifuge. La tension, mesurée par Huygens,
dépend de la vitesse de rotation et du rayon. La loi, qui a été
découverte par les moyens des expériences répétées, est .
Appliquant le principe de relativité, Huygens a pu prouver
la correspondance mathématique entre la force centrifuge
et l’accélération de chute libre. Il imagine ce qu’un homme, situé sur un plateau en révolution uniforme, peut voir quand un
objet est libéré de sa propre main. Pour un observateur extérieur, le mouvement est vu en tant que rectiligne et uniforme.
Pour l’homme du plat, les distances augmentent, à chaque
quantité de temps égale, dans la proportion galiléenne 1, 3,
5, 7…, qui est le rapport de progression des espaces dans la
chute libre.
À l’heure de son premier voyage à Paris (1655), il a été connu
pour sa conception de l’anneau de Saturne et pour sa contribution à la quadrature du cercle. Un deuxième voyage
(1660-61) lui a permis de montrer sa première publication sur
des rouages d’horloge : l’Horologium (1658), qui présente le
premier modèle d’horloge régulé par un pendule.
Jusqu’en 1672, Huygens ne s’est intéressé à l’optique que sous
mémoires de science : rubrique dirigée par Ahmed Djebbar / LNA#35
LNA
l’angle de la géométrie, dont les résultats lui étaient utiles pour
concevoir des lunettes. Après la contribution de Newton, qui
publie une série d’articles sur la lumière et sur la couleur,
Huygens va ajouter la question de la lumière à ses nombreux
centres d’intérêt. Il rejette l’hypothèse newtonienne selon
laquelle la lumière est faite de petites particules de matière
légère, possédant des « accès » de facile réfraction ou de facile
réflexion. Comment un morceau de matière pourrait-il savoir quand il est temps de rebondir ? Newton, étudiant les
anneaux colorés apparaissant dans les lames minces, assigne
à chaque couleur un nombre dans lequel nous reconnaissons
aujourd’hui une longueur d’onde, mais qui n’a pas cette propriété au sein de sa théorie corpusculaire. Après Bartholin et
Grimaldi, Huygens se concentre sur les propriétés du cristal
ou du «spath» de l’Islande. En passant par le cristal, la lumière engendre deux réfractions. La théorie corpusculaire
ne pouvait pas expliquer comment une quantité indiquée de
particules pourrait réellement produire deux rayons d’égale
intensité. Huygens imagine, en 1677, que la lumière peut être
une pression transmise en ondes sphériques et, dans le cas
de la réfraction extraordinaire, sphéroïdale (la structure du
cristal expliquant ainsi la double réfraction). Selon Huygens,
chaque point dans l’onde est le commencement d’une autre
onde et, périodiquement, les ondelettes concourent en une
courbe tangente commune.
Le « principe de Huygens » ne permettait pas d’expliquer tous
les phénomènes (la propagation rectiligne était un problème
réel, par exemple, tout comme la polarisation) et la théorie de
Newton conservait ainsi de nombreux avantages, malgré ses
lacunes. C’est ainsi que commence une longue rivalité entre
deux explications physiques de la lumière. Fresnel et Young,
au XIXe siècle, retrouveront par d’autres moyens l’idée ondulatoire.
Huygens laisse, dans ses manuscrits, de nombreuses réflexions
sur la nature des théories scientifiques, sur les relations entre la
loi et le réel. Trop attaché au rationalisme, il a toujours refusé
aux hypothèses de Newton le statut d’une véritable théorie
physique. Trop lié à la science moderne, il a toujours, en revanche, admis la supériorité des lois de Newton sur celles des
cartésiens mineurs qui se disputent, alors, l’héritage du maître. Son œuvre, bien plus qu’une simple collection de principes
et de lois, nous incite à réfléchir aux rapports qu’il y a entre
un principe (qui doit être fondé et compréhensible) et une loi
(qui n’est qu’un rapport). Cette présence d’une réflexion philosophique chez l’un des plus grands physiciens de son époque
nous montre, à l’évidence, le lien étroit entre la philosophie
naturelle (ou physique) et la philosophie tout court.
Pour en savoir plus :
Oeuvres Complètes de Christiaan Huygens. Editées par la Société Hollandaise des
Sciences, XXII vol., La Haye 1888-1950.
[coll.] Huygens et la France (Paris : Vrin, 1981)
Chareix, Fabien [dir.], « Expérience et raison », la science chez Huygens (16291695), Revue d’histoire des sciences, 56 -1 (2003)
Article intégral (iconographies et bibliographie) sur www.univ-lille1.fr/culture
Traité de la lumière, description de la réfraction par une onde (AC réfractée en NB)
23
LNA#35
#35 / l’art et la manière
Unecommandeartistiqueàlamesure
ducorpshumain
ProposdeMichèleDARD
recueillisparIsabelleKUSTOSZ
Conçu en 1930 par
l’architecte Jean Walter,
cet édifice rassemble un
hôpital et une faculté de
médecine et s’étend sur
60 hectares. Construit
en béton armé et en
briques, il comporte neuf
étages et deux sous-sols
organisés autour d’une
cour d’honneur de plan
demi-hexagonal.
1
2
Né à Tokyo en 1949, il
choisit de s’installer en
Allemagne dès 1974. Il
participe à de nombreuses
expositions et ses œuvres
sont présentes dans de
multiples collections
publiques. Sa démarche investit de façon
harmonieuse le dessin, la
couleur, le volume. Son
paradoxe est de ne pas
hiérarchiser ces catégories
mais de les faire coexister
en nous proposant un
environnement global.
Dans le cadre du projet de modernisation de l’hôpital Huriez 1 du CHRU de Lille, une commande
artistique a été confiée à l’artiste japonais Katsuhito Nishikawa 2 par la direction du CHRU en
concertation avec la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles). Ce projet ambitieux,
qui s’étend de la cour d’honneur aux espaces intérieurs, tente, à partir d’une intervention artistique,
d’apporter apaisement et hospitalité dans un lieu, l’hôpital, porteur d’appréhension : une réponse
simple articulée autour de quelques mots-clefs tels que quiétude, réconfort, repères à l’opposé du
gigantisme et de la complexité labyrinthique de l’espace investi. Michèle Dard, responsable du
projet, répond à nos questions.
Les Nouvelles d’Archimède :
Porter un projet de commande artistique au sein d’un lieu tel que l’hôpital peut ne pas sembler naturel.
Comment peut-on faire pour donner du sens à une telle démarche ?
Michèle Dard :
Le projet de commande artistique s’inscrit dans le cadre de la modernisation de l’hôpital Huriez. Ce bâtiment, d’une architecture monumentale, est emblématique de la cité hospitalière. La décision de faire
intervenir un artiste sur ce site répond à une volonté de proposer des espaces propices à l’apaisement et
à l’hospitalité dans un lieu souvent porteur d’appréhension. L’hôpital constitue dans nos sociétés un des
seuls lieux où se pose le discours de la vie et de la mort. Il ne faut pas l’esquiver. Une intervention artistique sur l’espace, l’environnement qui conditionnent la vie de toute personne qui passe à l’hôpital, peut
permettre de sublimer et d’aborder autrement un temps douloureux. Cette démarche témoigne du respect
des individus, des missions et de la gravité de ce qui se déroule dans ces lieux.
LNA :
En quoi l’artiste Katsuhito Nishikawa semble pouvoir répondre aux objectifs de votre projet ?
« Le répertoire est épuré :
l’artiste opte pour des matières non sophistiquées
(papier, plâtre, chaux,
pierre, bois...) à même de
véhiculer une impression
de densité. L’apparente
simplicité de ces environnements résulte d’une
approche sensible qui
conjugue simultanément
lignes de forces, physicité
des matières et densité de
la lumière. »
3
24
MD :
L’intervention artistique de Katsuhito Nishikawa consiste en l’aménagement intérieur et extérieur des
espaces d’accueil de l’hôpital, soit près de 5000m2. Elle inaugure une nouvelle forme de présence de l’art à
l’hôpital. Ni monumentale, ni décorative, l’oeuvre propose un espace de vie conçu pour améliorer l’environnement des personnes. L’intervention de Katsuhito Nishikawa vise à qualifier le parcours effectué par
les usagers. Ce créateur a un champ d’intervention large, qui touche aussi bien l’architecture, l’environnement, le mobilier, la sculpture et ce, toute hiérarchie gommée. Ce qui est constant dans sa démarche, c’est
que sa vision du corps est une composante de l’oeuvre. Sa présence est un leitmotiv qui se décline dans la
matérialité, la physicité, l’échelle 3.
LNA :
Peut-on considérer que la proposition de K. Nishikawa est en quelque sorte « à la mesure de notre humanité » ?
MD :
Katsuhito Nishikawa a souhaité humaniser l’esprit des lieux tout en respectant son histoire, son vécu. Il a
conçu son projet artistique à partir du corps humain et de sa mesure. La logique qui a présidé à ce projet
vise à offrir à tous les usagers amenés à fréquenter l’hôpital une expérience forte de vie à travers la présence
d’une oeuvre d’art.
l’art et la manière / LNA#35
LNA
LNA :
A côté de cette question d’échelle, y-a-t-il aussi la dimension de mesure du temps et de rythme ?
MD :
C’est effectivement une dimension majeure dans l’approche de l’artiste qui précise d’ailleurs, dans sa note
d’intention : « J’ai pensé qu’il fallait faire disparaître la structure froide de l’entrée du bâtiment en imaginant un paysage harmonisant l’espace extérieur et intérieur. J’ai souhaité élever et aplanir le niveau de
la cour d’honneur, puis y concevoir un ensemble végétal composé d’une unique essence d’arbre, afin de
rythmer le passage des saisons. »
Photos de gauche à droite :
- Physalis, 1998
Glass, stainless steel
(Glass) 45x45x54 cm
(Stainless steel) 230x230x30 cm
- Hôpital Huriez, vue générale
Photo bas de page :
- Maquette du projet
Nishikawa, cour d’honneur
hôpital Huriez
LNA :
Le monde végétal, mais aussi la métaphore du « jardin traversé », caractérise le travail de l’artiste : quel
sens cela a-t-il ?
MD :
La caractéristique principale de ce projet réside dans le fait que la forme créée et l’espace environnant sont
dans un état de « compénétration » perpétuelle. L’extérieur propose un havre de nature et nous invite à
être au milieu d’une population sereine dans un rapport au corps libéré de l’obstacle et du traumatisme.
À l’intérieur, mesure et matière se répondent et réveillent l’expérience du jardin traversé. Le hall porte les
indices qui font écho au chemin parcouru. L’ oeuvre contribue à nous orienter.
Par son approche sensible, tactile de la matière, des formes, l’artiste réconcilie le dedans et le dehors, et
tisse un dialogue harmonieux où se conjuguent simplicité, apaisement, hospitalité.
LNA :
Au terme de cette commande artistique, qu’est-ce qui pourra vous faire dire que le projet est réussi ?
MD :
Pour annoncer et accompagner la mise en place de cette réalisation, un projet de médiation culturelle a été
élaboré. À partir d’actions d’information et de sensibilisation, il propose à l’ensemble des personnes qui
fréquentent l’hôpital des rencontres inédites avec l’art et la culture.
La présence artistique et culturelle à l’hôpital est à même de créer des espaces symboliques qui favorisent
le lien entre les personnes. C’est un nouveau regard sur un lieu porteur d’appréhension pour mieux vivre
ensemble l’hôpital et l’inscrire pleinement au coeur de la cité.
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