A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa

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A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa
Le 27 novembre 2014
A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa ?
d’après la conférence de Christine CAYOL, philosophe et écrivain
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3 mots pour commencer
- Dialogue : cette conférence, tirée du livre éponyme, est d’abord un dialogue avec le Professeur WU Hongmiao. Dans la vie
et dans une optique interculturelle, l’essentiel n’est pas de savoir comment sont les gens mais leur demander d’où ils
viennent, leur histoire, ce qu’ils ressentent, ce qu’ils aiment et ce qu’ils pensent. Pour aller au-delà des incompréhensions
qu’il y a entre la Chine et l’Occident, liées à une certaine méconnaissance réciproque ; pour parler des Chinois, la seule
manière est de les faire parler. Au lieu d’avoir peur, parlons car parler réduit la peur.
- Culture : le fait de regarder ensemble des tableaux, des sculptures, des films… donne une distance qui permet de mieux
nous comprendre.
- Perspective : on ne comprend les êtres des pays et des civilisations qu’en les mettant en perspective : passé, présent et
futur. L’intérêt de l’exercice a été de montrer des tableaux au professeur WU afin qu’il pose des questions.
Fra ANGELICO – L’Annonciation – vers 1426
1) Il s’agit d’une Annonciation : la Vierge Marie attend un enfant de Dieu. Un
messager de Dieu, l’ange Gabriel, vient dans sa maison et lui fait une annonce,
une proposition. Serait-elle d’accord pour être la personne qui porte le Fils de
Dieu ?
En Chine, il existe une histoire qui ressemble à celle-ci : une jeune fille se fait
ensemencer par un dragon et le fils de cette jeune fille devient l’empereur de
Chine.
 Tout de suite, nous sommes dans 2 mondes différents : d’une part,
l’établissement d’un ordre politique, institutionnel qui est lui-même organisé par
une mythologie et d’autre part, une pensée dans laquelle Dieu demande à la
jeune fille si elle est d’accord (le « oui » de Marie).
2) Il y a des alliances de couleurs qui montrent que c’est un mariage entre l’humain et le divin. L’ange se prosterne, ils sont
quasiment frère et sœur dans l’image : le manteau de la Vierge est céleste et bien sûr il correspond au ciel du paradis, le pli
du manteau de l’ange est lui aussi bleu ciel et renvoie au bleu céleste tandis que sous le manteau, la robe de Marie est rose
comme la robe de l’ange. Le manteau de Marie dépasse de la colonne et le manteau de l’ange dépasse aussi dans l’autre
espace. Cela signifie que nous ne sommes pas dans des univers cloisonnés, séparés, étanches. Tout correspond : le monde
humain correspond et dépasse au sens physique vers le monde divin. Le messager ne vient pas de nulle part mais d’un
monde intemporel (la Genèse, le Paradis perdu…).
 Dans la pensée judéo-chrétienne, il y a une sorte de discussion possible, de dialogue possible (que l’on voit dans toutes les
annonciations) entre l’Homme et Dieu, en l’occurrence entre la femme et Dieu et la femme est laissée libre.
Cela en Chine est absolument incompréhensible parce que si Dieu a le pouvoir, Dieu agit et Dieu ne s’intéresse pas à l’idée
d’un contrat, d’une contractualisation avec l’humain. Car celui qui a le pouvoir n’a pas nécessairement besoin de demander
la permission. Ces rapports à l’autorité, au pouvoir viennent de loin.
3) Derrière l’ange, on voit Adam et Eve chassés du Paradis, les pommes… Pr WU connaît l’histoire d’Adam et Eve par cœur
avec le serpent, mais en Chine, cela serait impossible car ils auraient mangé le serpent ! On se retrouve ici sur un thème très
important commun à l’Occident et à l’Orient, celui de la culpabilité.
Christine CAYOL – A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa ?
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 Le péché originel, d’un point de vue asiatique, n’est pas drôle du tout car nous naissons coupables. Cette idée de porter
une faute qui viendrait de loin, d’avant le temps même, est quelque chose de très lourd. La notion de la culpabilité en Chine
existe mais elle n’est pas liée à une personne ou à un Dieu ou même à une morale, elle est toujours liée à la question sociale.
C’est la société, le groupe qui culpabilise, qui écarte. Sur le plan du dialogue, il y a des gens tristes, malheureux, heureux,
optimistes, confiants ou non, fiables ou pas, humanistes dans tous les pays du monde. En revanche, toutes ces notions
s’expriment de manière différente parce qu’elles s’inscrivent dans une perspective philosophique, historique qui est
différente quand on est né en Chine ou en France.
Préface du Pavillon des Orchidées (354 après J.-C.) Wang Xizhi (copie de copie de copie) 临摹 rouleau horizontal
1) Cette œuvre calligraphique est un peu la Joconde chinoise : tous les Chinois
la connaissent et elle est étudiée par tous les jeunes Chinois qui font des études
de dessin.
Il s’agit d’une histoire très plaisante : des lettrés, des poètes, des philosophes,
e
des sages se réunissent au bord de l’eau dans un très joli cadre au IV siècle et
commencent à boire de l’alcool de riz. Ils boivent beaucoup et en Chine, quand
on boit, cela doit conduire traditionnellement à la poésie. Ils commencent à
écrire des poèmes et dire à quel point ils sont bien, heureux et que la vie est
belle. Un des grands poètes présents écrit cette préface au Pavillon des
Orchidées qui renvoie à un moment fondateur de la culture chinoise : nous
sommes ensemble (le collectif) ; nous sommes dans la nature (on est dehors, on est heureux) et nous sommes des êtres de
culture, nous composons des poèmes. Cela reflète la structure de la société chinoise.
2) Cette œuvre est une copie de copie de copie ! On ne sait plus où se trouve l’original. L’important c’est que des artistes
aient repris ces caractères, qu’ils se soient ré-inspirés, qu’ils les aient recopiés… Ce qui compte, c’est l’énergie qui a été
transmise à travers l’acte de la copie. La copie n’est pas un tabou. Copier pour un Chinois, c’est inventer, reprendre, s’inspirer
et c’est même rendre hommage à quelqu’un ou quelque chose.
3) Les sceaux : quand on appose son sceau sur une œuvre en Chine, on montre que l’on est collectionneur et presque coauteur, participant. Imaginer que l’on puisse poser son sceau comme cela sans penser, d’un point de vue moral, qu’on la
défigure, que l’on transgresse, que c’est un sacrilège est difficile pour nous. Si certains d’entre nous ont une relation
particulière, intime à un objet transmis ou à transmettre, cet objet devient une part de lui-même. C’est dans ce sens-là que la
culture chinoise a construit le rapport à l’œuvre d’art comme une sorte de participation et non pas comme une œuvre que
l’on collectionne dans le respect. D’ailleurs, ce sont des rouleaux que les Chinois sortent de temps en temps pour leurs
meilleurs amis.
Yan Zhenqing - 颜真卿《祭侄文稿》台北故宫博物院藏 - VIIIe s.
Autre calligraphie : ce qui frappe, ce sont les ratures. Ce n’est
absolument pas parfait. Il y a un très grand nombre de sceaux. C’est
une œuvre majeure également de Yan Zhenqing qui écrit dans la
tourmente. Il parle d’un deuil, de politique et de souffrance. Le
calligraphe apprend la mort imminente de son neveu tué dans une
guerre, un conflit et il se met à écrire. Au début, (cela se lit de droite
à gauche), son geste est sûr, on sent qu’il y a du souffle et qu’il est
maîtrisé mais au bout d’un moment, ça commence à dérailler parce que l’émotion, la fragilité prend le dessus.
Avec les critères occidentaux, on dirait que cette œuvre est mauvaise à cause des ratures. Du point de vue chinois, c’est
une œuvre parfaite : elle concilie à la fois le culturel (la calligraphie) et le naturel. Chez nous, le naturel n’est pas terrible
(« chassez le naturel, il revient au galop »). Le naturel, dans la culture et la spiritualité chinoises, est ce qu’il y a de plus
précieux. Si vous êtes centrés sur ce que vous ressentez, votre souffle intérieur, vos sensations, votre corps, vos équilibres
internes, alors vous aurez une manière de parler, de vous exprimer, de vous relier aux autres et à la nature qui sera naturelle.
Le plus important et le plus difficile pour un calligraphe qui a la technique est d’avoir un geste naturel.
Antonello de MESSINE – Vierge de l’Annonciation – 1475
Pour le Pr WU, en Occident, toutes les images de la pensée visent à rendre de plus en plus précis ce
qu’est une personne. Ici, nous avons une très jolie femme qui a un geste de réflexion, de distance,
de discernement : elle pense, réfléchit, c’est une personne qui a une intériorité. C’est un portrait
sublime d’une femme qui est dégagée de l’Annonciation, de l’ange, en un sens, de l’histoire : une
femme seule avec son destin, elle n’est pas seule avec elle-même, il y a un texte. Elle est dans une
posture de discernement, elle cherche, elle hiérarchise : quelle réponse va-t-elle donner ? Quand on
cherche, on est dans l’obscurité, derrière il n’y a rien à voir. Chercher et se chercher consiste
toujours à partir d’une nuit obscure selon St Jean de La Croix. Selon le Pr WU : nos peintres avec
toutes nos galeries de portraits cherchent à percer le mystère de l’identité de la personne humaine
alors que ce n’est pas un sujet prioritaire dans la culture chinoise.
Christine CAYOL – A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa ?
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Lorenzo LOTTO – Jésus et la Femme adultère - 1528
Cette scène entre le Christ et la femme prise en flagrant délit d’adultère montre la force
et la violence du collectif contre le bouc-émissaire. Néanmoins, le Christ, avec sa main
paisible, médiatrice, s’interpose entre la loi de la société qui condamne et la personne
qu’il faut essayer de comprendre et de pardonner.
En Chine, la question du collectif est ancestrale. Le plus important n’est pas l’être mais
l’être ensemble si bien que si l’individu est seul face au groupe, il n’y a pas d’instance ou
de figure intermédiaire pour stopper ou dire qu’il faut pardonner. On est dans une
structure d’immanence et non de transcendance. Le Dieu judéo-chrétien inscrit, lui, un
principe de médiation. A l’inverse, un proverbe chinois dit : « quand il y a une crotte de
rat dans la marmite, il faut se débarrasser de toute la marmite ». Transposé au niveau
légal, social et collectif, ce principe permet de comprendre le système autoritaire qui vise d’abord à se débarrasser d’un
individu perturbateur plutôt que de prendre le risque de mettre en péril l’ensemble de la marmite.
Hans HOLBEIN – Les Ambassadeurs - 1553
Ces ambassadeurs sont en quelque sorte posés sur le monde qui leur appartient par les
mathématiques, les sciences, les techniques, la musique, la conquête. On sent la puissance
occidentale telle qu’elle s’est affirmée depuis la Renaissance. Dans ce tableau, on a
l’Occident qui se trouve. A première vue, ces hommes semblent libres. Mais, centrée endessous, apparaît une anamorphose : phénomène optique qui renvoie à un énorme crâne !
Le peintre introduit une « vanité ». Il équilibre à la fois la mégalomanie de la raison
occidentale qui se donne sans fin et met comme principe de sagesse spirituelle le fait que
ce qui unit les deux hommes, au-delà de tout, est fondamentalement la mort.
Pour les Chinois, le temps n’est pas linéaire, il est avant tout cyclique : ils savent que la fin
est toujours le commencement de quelque chose. On ne s’arrête pas devant les obstacles,
on ne les analyse pas, on les contourne. Il faut rester en mouvement (transformation,
transition, mutation) sinon on est mort. Le livre fondateur des Chinois est d’ailleurs le livre des Mutations (le Yi
King). L’empire immobile est en fait un empire extrêmement mobile et qui mobilise.
Après la mort, le rideau ? Dans le coin gauche, dans la diagonale de la puissance, puis de la mort, apparaît
l’espérance (le crucifix) : la possibilité de s’orienter vers une perspective consolatrice car le Christ en croix est la
figure de la Résurrection. C’est une image parfaite qui permet de définir la Renaissance chrétienne.
Les
amis
石 涛 SHITAO – Deux Amis sous la Lune – XVIIe siècle après J.-C.
Sur ce tableau, on voit le calme, la tourmente, le vide, le plein, l’absence de
perspective, mais aussi une certaine profondeur, un paysage qui montre la nature
et un poème (culture). Culture et nature sont indissociables. Le peintre s’interroge
sur ce qu’est être chinois, être artiste dans un monde gouverné par l’empereur. Il
choisit une vie errante d’ermite, d’excentrique et de liberté.
L’amitié ici n’a pas de visage, pas de costume. On est en apesanteur dans un univers
brumeux. L’essentiel de l’existence consiste non pas à tracer des voies, savoir où
l’on va mais à être dans un entre-deux, entre ciel et terre, entre transcendance et
immanence, à communier avec la nature et ne jamais être seul. La valeur
fondamentale est que seul tu n’es rien. Finalement, être ami est la chose la plus
importante. Sur le plan collectif, ça donne : le guanxi, le réseau. Seules les personnes sont des problèmes donc il faut pouvoir
compter sur le réseau. Cela crée une efficacité, une rapidité d’exécution : les problèmes peuvent se résoudre très vite. D’un
autre côté, cela crée aussi des intérêts, de la corruption, des liens de dépendance très mortifères.
Le comble de la culture en Chine est de savoir contempler la nature. Au moment de la fête de la Lune en octobre, l’une des
plus grandes fêtes chinoises, toutes les villes sont en effervescence et tout le monde s’offre des gâteaux de lune (yùe bǐng)
dans des sortes d’écrin très sophistiqués pour souligner leur préciosité. Ce gâteau doit être dégusté après le dîner, le soir de
la pleine lune. Tous les Chinois sortent alors de chez eux et vont contempler la lune.
Peter Paul RUBENS – La Chute d’Icare – 1636
La culture occidentale, c’est la culture judéo-chrétienne mais aussi la culture grecque avec sa mythologie notamment. Ici, la
chute d’Icare : fils de Dédale, fabricant de labyrinthes, Icare est dans une situation difficile avec son père et doit quitter la
Crète. Il se crée des ailes pour voler (ingéniosité grecque). Le problème est bien sûr qu’Icare n’écoute pas les
recommandations de son père (« ne vole ni trop haut, ni trop bas ») et, fasciné, il s’approche trop près du soleil. Ses ailes
fondent…. Il chute sous les yeux impuissants de son père. Valeur symbolique et métaphorique de la chute.
1) Icare représente pour le Pr WU l’art de la transgression car le Chinois, lui, est mesuré, reste dans une sorte de lâcherprise. Il n’écoute pas son père, il est libre, il n’est pas le fils de, il écoute son désir. Parce que nous avons des Icare, nous
avons des Picasso. Ce n’est pas faux. Il y a un tragique qui est d’une beauté absolument incomparable pour lui.
Christine CAYOL – A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa ?
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2) La seule chose du point de vue chinois qui est insupportable et choquante, c’est la relation
au père. Un Chinois est d’abord un fils. En Chine, on met le nom de famille avant le prénom. On
est d’abord membre d’un clan, d’un réseau, d’un cercle qui nous situe par rapport aux autres. A
l’inverse, en France, on ne dit plus son nom de famille. Ceci est récent. Ce sont des phénomènes
intéressants sur la manière dont on s’exprime et dont on dit une appartenance ou non à un
réseau, un monde, une société, voire à un pouvoir. Un des premiers principes de Confucius avec
celui de bienveillance (shèng) est la piété filiale (xiào). Ce que vous devez d’abord à la société
est l’obéissance envers vos parents, vos grands-parents, vos ancêtres et du coup, si on monte,
au pouvoir. Vous devez d’abord vous soumettre à un ordre qui existe. A l’inverse, la puissance
d’un Icare, c’est un peu une transgression et la transgression est source de liberté, de création et d’innovation possibles.
SHANHAIJING - Livre des Montagnes et des Mers - Kuafu poursuivant le soleil - 500 - 300 av. JC
L’histoire la plus proche d’Icare chez les Chinois est celle de
Kuafu poursuivant le soleil. C’est une espèce de héros qui
souffre du manque de lumière sur la Terre et part à la
recherche du soleil. Le soleil, dans le récit, n’est jamais en haut
mais toujours devant. Toutes les images de Kuafu montrent
que le soleil est toujours pratiquement au même niveau, prêt à
être pris (dans l’horizon de l’œil). On n’est pas dans la
transcendance, ce n’est pas la question de l’ascension, d’aller plus haut, c’est la question d’aller plus loin, vers… Ce Kuafu
n’arrive pas à attraper le soleil et meurt. De sa mort renaît le monde avec une forêt de pêchers en fleurs, une rivière… il y a
une re-création, qui est la création du Cosmos né de cet échec de Kuafu. Chez Kuafu : pas de rapport à la transgression.
Pourquoi cherche-t-il le soleil ? Pour ses camarades, il y a une quête sociale, collective et son échec, ne jamais s’arrêter
devant l’obstacle, va produire quelque chose de nouveau qui est la création.
LE CARAVAGE – Narcisse - 1599
Ce tableau montre la formidable puissance que la pensée occidentale exerce en matière
d’analyse et d’auto-analyse. Pour un Chinois, c’est incompréhensible car cela ne le met pas en
mouvement. L’histoire de Narcisse intéresse le Pr WU car la sophistication de l’analyse conduit à
la mort. Le mythe de Narcisse correspond aussi au fait que l’individu ne cesse de chercher à se
définir. C’est l’histoire de notre philosophie, c’est l’histoire de nos arts, de nos portraits, des
relations affectives. Il y a un narcissisme positif : connais-toi toi-même (Socrate), si je m’oublie, je
me perds. Mais il y un narcissisme totalement mortifère qui fait qu’à force d’être préoccupé par
sa propre image, ses propres difficultés, ses propres incertitudes, nous ne sommes plus en
mouvement et donc nous mourons.
Ces questions sont des questions que traverse la Chine contemporaine car, de plus en plus, elle
s’interroge sur elle-même, elle se cherche. En même temps, ce que font les Chinois, c’est pour
gagner de l’argent, pour leurs enfants et pour leur pays. « Ma famille, mon pays » : ringard, nationaliste ? Les Chinois sont
aspirés non pas dans la recherche de sécurité mais par une dynamique vis-à-vis des autres et qui est aussi une responsabilité.
Il y a une vraie authenticité et une certaine beauté dans cette aspiration : de quoi suis-je responsable ?
Léonard de VINCI – La Joconde – 1503-1506
Le Pr WU pense que la Joconde est le chef d’œuvre qui représenterait la plus belle femme occidentale
de son époque. Or, ce n’est sans doute pas la plus belle femme de l’époque. Pour les Chinois, avoir sa
propre photo de Mona Lisa est un trophée ! Ce n’est pas tant la photo qui est importante que le
rapport, la relation qu’ils vont avoir avec cette image.
Cette femme regarde sans regarder tout en nous regardant. C’est un peu ambigu. Pour un Chinois,
c’est très choquant car en Chine, une femme qui regarderait un homme comme cela serait assez
explicite sur ses propositions. Les Chinois ne se regardent pas droit dans les yeux car c’est un signe
d’égalité ou de désir. Leur rapport au regard est différent.
La question essentielle est : à qui pense Mona Lisa ? Cette femme n’a pas de bijou, n’a pas de
chapeau, d’auréole, de couronne, elle est posée dans l’être, dans son existence avec une sorte de
sobriété, de solitude, qui fait qu’en un sens, elle est la quintessence de la personne occidentale qui
s’interroge sur elle-même sur un mode énigmatique. Cette question n’est absolument pas chinoise !
La vraie question pour un Chinois ne serait pas : à quoi pense Mona Lisa ? Elle serait : qui sommes-nous ?
Bibliographie
“A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa ?” Essai co-écrit avec le Professeur Wu (Editions Tallandier 2012)
“Je suis catholique et j'ai mal” (Editions Seuil 2006) - “Voir est un art” (Editions Village Mondial 2004)
“L’Intelligence sensible, Picasso, Shakespeare, Hitchcock au secours de l’économie" (Editions Village Mondial 2003)
“L’art en Espagne 1936-1996” (Nouvelles Editions Françaises 1996)
Christine CAYOL – A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa ?
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