Analyse du comportement des diodes Schottky SiC 1200V

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Analyse du comportement des diodes Schottky SiC 1200V
Analyse du comportement des diodes Schottky SiC 1200V
sous haute température
Doctorant Patrick Denis
Université de Rouen
Laboratoire GPM – UMR 6634 CNRS
Avenue de l’Université
76801 St Etienne du Rouvray Cedex
Directrice de Thèse : Pr Kaouther Daoud (GPM)
Equipe d’encadrement :
•
•
•
Dr Pascal Dherbécourt (GPM)
Dr Moncef Kadi (IRSEEM)
Dr Laurence Chevalier (GPM)
Email : [email protected]
Résumé
Cette étude du comportement de diodes Schottky SiC à
haute température, met en évidence la dégradation des
caractéristiques électriques du composant suite à ces
contraintes. Les paramètres étudiés, indicateurs de la
dégradation, sont la tension de seuil et la résistance
dynamique. A partir de l’ensemble des données collectées
par la mise en place d’une campagne de tests, une analyse
des résultats est discutée et des pistes de travail sont
présentées pour expliquer les phénomènes révélés.
Par ailleurs, un modèle électrique analytique du
composant est aussi proposé à partir de son comportement à
différentes températures de fonctionnement.
1. Introduction
Les diodes Schottky SiC sont disponibles sur le marché
depuis 2001, leur application industrielle principale étant
la correction du facteur de puissance (PFC) [2].
Jusqu’à très récemment, leur emploi dans d’autres
types de systèmes restait très limité, mais de nouveaux
champs d’application s’ouvrent à présent avec des
composants de gammes de tension et de courant de plus
en plus élevées (jusqu’à 1200V-30A) et surtout la
disponibilité du composant complémentaire: le transistor
« normally off » [3].
Ainsi, des systèmes tels que ceux de la conversion de
l’énergie solaire [4], font désormais appel à des circuits de
commutation élaborés à partir de diodes et de transistors
SiC haut niveau de tension. L’automobile notamment
montre un intérêt particulier pour ces composants dans le
cadre du développement de ses modèles de voiture
électrique (VE) de 2ème et de 3ème génération [5] pour
remplacer les composants Si dont les propriétés
intrinsèques sont dépassées pour ces futures types
d’applications. Les profils de missions et les exigences
des nouveaux cahiers des charges impliquent du
développement et de l’innovation technologique dans ce
domaine. Sur le plan théorique, le carbure de silicium se
présente comme un candidat idéal pour répondre à cette
nécessité.
Cependant, ces nouveaux composants requièrent des
études de fiabilité [6] et de robustesse [7] correspondants à
des conditions environnementales sévères mais classiques
des systèmes mécatroniques.
Le sujet de thèse, auquel se rapportent ces premiers
travaux, concerne l’étude de la fiabilité des composants
semi-conducteurs large bande pour des applications
hautes températures et de puissance de la mécatronique.
Ce projet, de grand intérêt industriel pour les secteurs de
l’aéronautique et de l’automobile [1], est mené en
collaboration entre les laboratoires GPM de l’Université
de Rouen et IRSEEM de l’Ecole d’Ingénieurs ESIGELEC
avec le soutien de la Région Haute-Normandie par le
financement d’une bourse régionale.
La première partie de ces travaux se concentre sur
l’étude du vieillissement de diodes Schottky haute tension
de 1200V.
Notre étude propose, dans un premier temps, de placer
le composant SiC dans des conditions de températures
élevées à 240°C, au delà de la limite haute spécifiée par le
fabricant (175°C) et d’observer son vieillissement.
L’interprétation des phénomènes constatés par l’analyse
des données relevées pendant cette première phase de
tests de stockage thermique permet de caractériser le
vieillissement.
Parallèlement, le phénomène de relaxation est étudié
afin de déterminer si le vieillissement du composant est
réversible ou non.
Une seconde campagne de test de stockage thermique,
à la valeur haute indiquée par le fabricant (175°C), est en
cours de réalisation afin de mettre en évidence un
vieillissement dans des conditions environnementales
moins agressives.
Enfin les perspectives de ces travaux seront évoquées,
l’analyse de défaillance, qui fera suite, se portera
davantage sur les phénomènes physiques mis en jeu au
cours du vieillissement, d’une part par l’étude des
phénomènes de transport en lien avec l’augmentation de
la température mais aussi par la localisation des défauts
sur la puce, l’analyse des modifications structurales du
composant et la compréhension des phénomènes
physiques avec le support d’outils de simulation
numérique.
2. Campagne expérimentale
De plus, pour rendre les caractérisations complètement
indépendantes des fluctuations de températures ambiantes,
un module Peltier de précision (±0.01°C) est utilisé pour
contrôler et stabiliser la température de l’ensemble boitier
+ puce à 25°C.
La mise en place des outils de caractérisation a été
parfaitement validée par une excellente corrélation entre
les courbes précédemment citées. Néanmoins, nous avons
identifié des lots de composants. Peu de dispersion a été
relevée entre les caractéristiques de composants du même
lot (Figure 2).
2.1 Composants et moyens expérimentaux
14
Une coupe schématique de la structure est présentée
figure 1.
12
Courant I(A)
Les composants étudiés sont des diodes Schottky SiC
1200V-8A en boîtier TO-220.
Caractéristiques des
composants #1, #2, #3 et #4
10
8
6
4
Caractéristiques des
composants #5 et #6
2
0
0
1
2
Tension V(V)
Figure 2. Dispersion sur les caractéristiques IV des
composants neufs #1, #2,#3, #4, #5 et #6
La variabilité des caractéristiques du composant #1 en
fonction de la température (-10°C, 0°C, 25°C, 50°C et
75°C) a également été mesurée pour confondre une
seconde fois les caractéristiques données par le fabricant
(Figure 3).
Figure 1. Coupe transversale type d’une diode
Schottky
14
12
Courant I(A)
Les diodes étudiées sont issus d’un lot de 50
composants fournis par le fabricant dans une barrette antiESD. Un ensemble de 6 échantillons de caractéristiques
IV identiques ont été retenus pour l’étude.
10
8
6
T=-10°C
4
Les moyens expérimentaux mis en place pour cette
campagne de tests sont :
T=0°C
T=25°C
2
T=50°C
T=-75°C
0
•
Pour le stockage thermique :
Une étuve régulée à T=240°C
•
Pour l’acquisition des caractéristiques I-V :
Un banc pulsé – sonde 120V-30A – (aucun
auto-échauffement du composant)
•
Stabilisation du composant à 25°C :
Un module Peltier de précision (±0.01°C)
2.2 Caractéristiques I-V du composant
La première étape préliminaire au début de la
campagne expérimentale a été d’une part d’étalonner le
banc de caractérisation par une adéquation courbes
relevées - courbes fiche technique et d’autre part de
s’assurer de la répétabilité et de la reproductibilité de nos
mesures.
0
1
2
3
Tension V(V)
Figure 3. Evolution de la caractéristique I-V du
composant #1 en fonction de la température
Les rôles des 6 composants de l’étude ont été définis
ainsi :
Composants
#1
#2
#3
#4
#5
#6
Fonctions
Référence/Etalonnage
325h à 240°C
325h à 240°C
24h à 240°C – Relaxation 1
47h à 240°C – Relaxation 2
70h à 240°C – Relaxation 3
Table 1. Fonctions des composants de la première
campagne de tests
3. Analyse des effets du vieillissement
D’après la littérature [8], le vieillissement des
composants se traduit par la dégradation des paramètres
électriques : la tension de seuil VT et la résistance
dynamique RD, le paramètre le plus affecté étant RD.
Pour les composants #2 et #3, nous avons observé une
augmentation significative de la résistance dynamique en
fonction du temps de stockage à 240°C (Figure 4).
Cependant au-delà d’un certain seuil de 250 h de stockage
thermique, le composant ne se dégrade plus et sa
caractéristique IV reste inchangée quel que soit le temps
de stockage supplémentaire subi par le composant. En
réalité, la résistance dynamique fluctue légèrement autour
d’une valeur Rlim de fin de vieillissement.
Contrairement aux prévisions, les composants #2 et #3
n’ont pas vieilli quantativement de manière identique. Le
fort stress engendré par un stockage thermique bien
supérieur à la limite maximale préconisée par le fabricant
a certainement mis en exergue la moyenne similarité des
deux composants.
Qualitativement néanmoins, les deux courbes
représentant l’évolution des résistances dynamiques
présentent quelques similitudes.
On note que les valeurs des résistances dynamiques
finales sont équivalentes, dans les deux cas, à environ
1,9 fois la valeur initiale. Bien que les évolutions
paraissent très aléatoires en cours de vieillissement, il est
intéressant de retrouver des valeurs proches en fin de
vieillissement.
Résistance dynamique RD (mOhms)
220
200
tenu du comportement singulier de chaque composant.
Néanmoins la compréhension des mécanismes de
dégradation observés au cours du vieillissement pourrait
conduire à l’identification de l’origine des dispersions des
performances de composants à priori identiques au départ.
Sur les deux composants vieillis plus de 300h, on note
également une sérieuse piste d’investigation puisqu’au
final, la résistance dynamique dégradée a une valeur finie
et proche dans les deux cas. La reproductibilité de ce
phénomène reste à vérifier sur un nombre d’échantillons
plus conséquent.
Concernant l’étude du phénomène de relaxation des
composants #4, #5 et #6, de nombreuses caractérisations
après vieillissement ont montré clairement que les
composants gardent en mémoire le stress subi. Par
conséquent,
leur
résistance
dynamique
reste
définitivement à leur valeur dégradée. Après deux
semaines de vérification, le processus semble irréversible
jusqu’à ce point.
4. Exploitation des résultats expérimentaux
L’impact de la température sur les caractéristiques I-V
a été observé et l’exploitation des relevés nous permet
d’élaborer un modèle électrique dépendant de la
température du composant.
Les
premiers
résultats
expérimentaux
de
caractérisation I-V correspondent bien aux données
fabricant et les évolutions des paramètres VT et RD en
fonction de la température se retrouvent dans la littérature
[8] et [9] sous la forme de fonction affine ou de fonction
exponentielle. Dans notre cas, l’exploitation des courbes
I-V en fonction de la température amène les expressions
de VT et RD suivantes :
V AK = VT + RD * I D
180
160
Avec
140
Composant #2
120
VT = A * T + V0 et R D = A1 + R0 * e B1 *T
Composant #3
100
0
50
100
150
200
250
300
350
Temps de stockage à 240°C : t (h)
Figure 4. Evolutions des résistances dynamiques des
composants #2 et #3 au cours d’un vieillissement en
stockage thermique à 240°C
Pour les composants #4, #5 et #6, les mesures IV au
cours du stockage thermique après respectivement 24h,
47h et 70h à 240°C, ont confirmées un vieillissement
propre à chaque composant.
Ces échantillons, dans leur état de dégradation, seront
très utiles pour des investigations futures pour expliquer le
phénomène observé. Leur analyse structurale permettra de
constater les différences physiques pouvant expliquer ces
observations.
Le vieillissement, au-delà des spécifications du
fabricant, est difficile à modéliser électriquement compte
A, A1 et B1 étant des constantes à déterminer à partir
des relevés expérimentaux.
Le modèle de la diode se schématise simplement par
l’association série des deux éléments VT et RD:
VT
ID
RD
VAK
Figure 5. Modèle électrique de base de la diode en
régime statique
Physiquement, la structure de la diode Schottky peut
être représentée dans une première approximation comme
suit :
On trouve les coefficients A, A1 et B1 pour le
composant #1 : (VT en Volts et RD en mΩ)
VT = 0.0013 * T + 0.972
et
RD = 91.7 * exp(0.0053 * T )
A 25°C, on relève expérimentalement :
VT = 0.944V et RD = 104mΩ
Figure 6. Représentation unidimensionnelle d’une
diode Schottky
Il est alors important de noter que les résistances en
rapport avec le substrat (fortement dopé) et le contact
ohmique (faible résistivité) sont négligées devant RD dans
la suite des développements théoriques.
A partir des données de la figure 3, nous pouvons
déduire la variation de la tension de seuil en fonction de la
température (Figure 7) :
Tension de seuil VT(V)
1
0,9
Ainsi, après calcul, les résultats expérimentaux
vérifient bien les valeurs issues du modèle.
Ces résultats sont très proches de ceux obtenus par
l’étude [10] d’une diode Schottky SiC 600V, 4A d’un
autre fabricant. Le coefficient A déterminé, notamment,
est identique.
A partir de cette modélisation électrique des
paramètres VT et RD pour leurs évolutions en température,
nous pouvons faire le lien avec les paramètres physiques
du semi-conducteur. Le paramètre RD est celui qui
présente la plus grande sensibilité aux variations de
températures et mérite donc un intérêt particulier.
Rappelons son équation en fonction des paramètres
physiques des composants en carbure de silicium [11]:
2
0,8
-10
10
30
50
70
90
4 * VB
RD =
εEc 3 µ n
Température T(°C)
Dans le cas du polytype 4H-SiC, les valeurs des
paramètres issues de la littérature [12] sont :
Figure 7. Evolution de la tension seuil VT en fonction
de la température du composant
Nous constatons une faible décroissance du paramètre
VT en fonction de la température. Entre -10°C et 75°C,
l’écart relatif des tensions de seuil s’évalue à 10%
seulement.
Résistance dynamique RD (mOhms)
Par contre, les variations de résistances dynamiques
sont bien plus importantes comme on peut le constater sur
la figure 8. Sur la même plage de température, l’écart
relatif entre les valeurs extrêmes s’élève ici à 50%
environ.
Paramètres
VB (V) : tension de claquage
EC (V/cm) : champ
électrique critique
µn (cm2/V.s): mobilité des
électrons
εr : permittivité relative
4H-SiC
1200
3*106
950
10
Table 2. Valeurs des paramètres physiques pour les
semi-conducteurs en carbure de silicium
150
A partir de ces éléments, on constate une relation
inversement proportionnelle entre la résistance dynamique
RD et la mobilité µn des porteurs puisque tous les autres
paramètres peuvent être considéré comme constants.
140
130
120
110
100
A travers les mesures de RD, on peut accéder aux lois
de dépendance entre mobilité et température [13].
90
80
-10
10
30
50
70
Température T(°C)
Figure 8. Evolution de la résistance dynamique RD en
fonction de la température du composant
90
5. Conclusions et perspectives
Ce travail a permis de débuter des recherches sur la
fiabilité et la robustesse de nouveaux composants en
carbure de silicium haut niveau de tension.
Le comportement du composant, pour une plage de
températures de fonctionnement définie, a été étudié et un
premier modèle électrique proposé.
Une première campagne de test a mis en évidence le
vieillissement accéléré du composant et un type de
comportement singulier pour un stress thermique très
sévère.
Aucun phénomène de relaxation n’a pu être observé,
les transformations subies semblent donc être
irréversibles.
De nombreuses pistes de travail sont ouvertes par ces
travaux notamment pour comprendre le comportement
singulier des composants à haut niveau de stress
thermique.
Deux hypothèses sont alors posées : soit la dégradation
s’est produite au niveau des différents éléments
d’assemblage (puce, fils de connexion, broches, ...) du
composant, soit les défauts introduits sont localisés au
sein même de la puce.
Grâce aux moyens disponibles au GPM, les
composants seront désencapsulés par ablation laser puis
par attaque chimique. La localisation du défaut par
microscopie à photoémission permettra l’identification de
la zone d’intérêt et de procéder à une analyse structurale
de la puce grâce à une coupe transversale réalisée par
faisceau d’ions focalisés (FIB).
En parallèle, la seconde campagne de test mise en
place, avec un stockage thermique moins sévère mais
défini à la limite haute de la recommandation du fabricant
(175°C), permettra d’accéder à la compréhension des
phénomènes et de proposer une modélisation électrique et
physique du composant étudié en vieillissement
thermique.
Références
[1] K. Kriegel; A. Melkonyan; M. Iturriz; O. Tachon,
“Synergies in Power Electronics between Aerospace and
Industry/Automotive
Applications”.
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Project
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[6] R. Singh, “Reliability and performance limitations in SiC
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[7] P. Friedrichs, “Selected technological improvements of SiC
power devices in order to achieve high performance combined
with outstanding ruggedness” CS MANTECH Conference,
Portland, Oregon, USA, May 17th-20th, 2010.
[8] M. Chinthavali, L. M. Tolbert, B. Ozpineci, H. Zhang, "High
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Devices," IMAPS International Conference on High
Temperature Electronics, Santa Fe, New Mexico, May 15-18,
2006.
[9] B. Ozpineci, L. M. Tolbert, “Characterization of SiC
Schottky Diodes at Different Temperatures”. IEEE Power
Electronics Letters, Vol 1, NO. 2, June 2003.
[10] L. M. Tolbert, H. Zhang, B. Ozpineci, M. S. Chinthavali,
“SiC-Based power converters”, MRS Spring meeting, 2008.
[11] B. J. Baliga, “Modern Power Devices”, John Wiley &
Sons, 1987.
[12] D. Tournier, “Composants de puissance en SiC –
Technologie”, Techniques de l’Ingénieur – D3120, 2007.
[13] R.Raghunathan, D.Alok, and B.J. Baliga, “High Voltage
4H-SiC Schottky Barrier Diodes”, IEEE Electron Device
Letters, pp.226-227, 1995.

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